-+-
-+-
Cher journal,
L'homme est un véritable colosse. Presque aussi large que haut, son corps n'est qu'un amalgame de muscles huilés par la sueur, scintillant à la lumière des rayons du soleil qui illumine de plein fouet l'arène à ciel ouvert. Il frappe les parois de la cage et pousse des cris, des hurlements bestiaux qui tordent son visage brutal et attisent les acclamations du public !
Son adversaire possède une apparence bien plus sophistiquée. Haut d'environ deux mètres, la silhouette élégante, il semble bien frêle à côté du demi-géant et pourtant sa musculature ferait envie à bien des combattants. Sur sa peau gris pâle d'homme poisson court un long tatouage, un serpent de mer qui part de sa nuque, s'enroule autour de son épaule, traverse son torse nu aux pectoraux arrogants et aux abdominaux sculptés, serpente dans son dos et se termine sur sa hanche. Contrairement à son adversaire et à son faciès facilement oubliable, l'homme-poisson a un visage raffiné avec un menton volontaire, des lèvres finement marquées ornées d'une légère moustache qui lui donne un air mi séducteur mi pervers ; bien que j'aie du mal à le voir à cette distance, je devine qu'il a le regard assuré et viril.
Comme beaucoup de spectateurs, je pousse des hourras lorsqu'il salue dans notre direction !
L'arbitre pousse un cri, et aussitôt le géant s'élance ! Il balaie le ring de toute la largeur de ses bras et son adversaire ne doit sa survie qu'à un vif mouvement qui le déporte dans un coin ! A son tour il attaque: il feinte à gauche, bondit à droite, et applique une série de coups tailladants du tranchant de la main contre le mollet de son concurrent !
La foule rugit en même temps que le géant qui balaie de nouveau l'espace pour frapper son adversaire, mais celui-ci est déjà hors de portée. Il frappe, attaque dans le vide, tandis que l'homme-poisson esquive, mesure ses chances, et n'attaque que lorsqu'il le juge opportun. J'aime bien son style de combat qui se rapproche plutôt du mien ; l'autre n'est qu'une brute sans cervelle ni doigté qui ne mise que sur son physique hors normes !
L'immense combattant frappe si fort le bord de la cage qu'il tord plusieurs barreaux ! Le tatoué est déjà derrière lui et frappe encore une fois, deux fois, trois fois avant de devoir s'écarter pour éviter un coup de poing capable de le transformer en bouillabaisse !
Je commence à comprendre son jeu: plutôt que de viser un point vital, l'homme-poisson cherche à affaiblir son adversaire en le frappant toujours le même endroit. Ainsi, s'il arrive à immobiliser son adversaire ou à le faire trébucher, il l'aura à sa merci. Malin ! Comme pour illustrer ma réflexion il bondit en avant, fait mine de vouloir attaquer à la gorge, mais se déporte au dernier moment, évitant de peu la terrible poigne de son ennemi, et lui assène une double balayette au mollet ! Tchac, tchac ! Le demi-géant grogne et titube. Il agite maladroitement les bras et se rattrape de peu aux barreaux de la cage. L'homme-poisson saisit sa chance et frappe encore et encore ! Tchac ! Han ! L'enthousiasme de la foule est à son comble ! Son adversaire lâche prise, bascule vers le sol, et... SPLASH ! Écrabouille violemment le tatoué du plat de la main !
Les spectateurs sont dans tous leurs états ! Un mélange assourdissant de hurlements et de cris fuse dans tous les sens ! Un mot, scandé en chœur, se distingue bientôt dans le brouhaha:
"- Gus ! Gus ! Gus ! Gus !"
"- Halala, c'est un triste destin pour notre vaillant challenger. C'est donc une septième victoire d'affilée pour Gus, notre nouveau champion de la Fight in a Cell Corp ! Ce gars est un monstre, une bête, un dieu, un champion ! Alors qui, quiii osera le défier ?!"
Le géant fait le tour de la cage en se pavanant, écartant les bras, riant, sans sembler se soucier de sa paume encore pleine de sang et de boyaux d'homme-poisson. Je croise son regard l'espace d'une seconde, et je suis choquée par ce que je vois: ses yeux sont rouges, injectés de sang, remplis de petites veinules apparentes qui lui donnent un air de zombi.
Eh bien journal, moi qui croyais que les combats en cage ce n'était que du théâtre... encore un a priori qui s'effondre ! Tandis que deux employés montent sur le ring pour passer un rapide coup de serpillière, je mets à jour mentalement la liste de mes observations.
"- Gus ! Gus ! Gus ! Gus !"
Après un autre combat expédié encore plus rapidement que le premier, et qui se termine par une victoire écrasante pour le demi-géant, le commentateur déclare dans son escargoparleur:
"- Les matchs sont terminés pour aujourd'hui ! Rendez-vous mardi pour plus de combats, de rage et de sang... à la Fiiiight in a Cell Corp !"
La plupart des spectateurs quittent les bancs en bois faisant office de gradins et se dirigent lentement vers la sortie. Je réajuste le voile orné de perles qui me protège du soleil, m'assure que ma tunique d'Alabastienne plus vraie que nature est toujours bien ajustée, puis je me joins à la petite foule qui descend des gradins et quitte l'arène à ciel ouvert.
Dernière édition par Caramélie le Ven 20 Aoû 2021 - 22:13, édité 1 fois