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Step three !

Rappel du premier message :



Du fait de ne voyager qu’à trois, il n’était guère utile d’affréter un gros navire. Cela permettait à nos voyageurs d’être discrets et relativement rapides. Cela ne nécessitait pas non plus une grosse main d’oeuvre pour le faire avancer. Ragnar seul suffisait à la besogne habituelle des petits matelots. Mandrake se chargeait de la navigation, alors que Rafaelo, lui, semblait se perdre dans ses songes. La mer pouvait sembler apaisée, mais aucun d’entre eux ne doutait du court répit que leur était accordé. Les fuyards d’Arcadia sont poursuivis par les flottes de la marine d’élite. En effet, comme le prévoyait Jonas, ces derniers ne tardèrent pas à découvrir le pot aux roses. Ils semblaient les avoir semé. Ils semblaient être sortis d’affaire. Pourtant, en ignorant l’état de l’assassin, aucun des deux autres ne semblaient être soulagés. Au plus profond d’eux et probablement grâce à leur mantra, ils se sentaient plus en danger que jamais.

- Alors, Ragnar ? Quels sont tes pronostics ? demanda Mandrake d’un air plutôt serein. En ce qui me concerne, j’ai déjà affronté des armées entières, seul, aussi bien en mer que sur terre. Malheureusement, je n’ai plus ma force d’antan depuis ma capture et notre plus grande force semble être totalement submergée par des souvenirs passés. Alors je te le demande, Ragnar l’ambitieux, quelles sont nos chances de survie selon toi ?

La question laissa le jeune homme, d’ordinaire si bavard, songeur. Ce que laissait sous-entendre Mandrake, au-delà du danger qui les guettait, n’était autre que la responsabilité qui reposait sur les épaules de Ragnar. Était-ce un test ? Rafaelo n’aurait aucun mal à se ressaisir si le danger devait surgir, pensait-il.

- Tu préfères prendre le pari que le grand assassin, Rafaelo Di Auditore, te sauvera encore une fois les miches, enchaîna le « libérateur ».

L’homme aux cheveux rose se tourna vers son camarade, celui même avec lequel il avait maintenant passé quelques temps, toujours le regard dans le vide et penseur. Il ne put répondre à son interlocuteur, comme bloqué, pris dans une profonde décision intérieure.

- Cet homme a vécu des choses que tu n’imagines pas. Sa réputation n’est pas survenue par hasard. Tu penses avoir vécu de grandes aventures ? Ragnar Etzmurt, laisse-moi te dire que tu n’as rien vécu. Rien. La vie détruit un homme. Elle le blesse. Parfois même qu’elle le ravage. Mais elle le reconstruit aussi. Cela ne veut pas dire que certaines plaies sont totalement refermées, ou qu’elles ne se rouvrent jamais.

Son regard est une fois encore orienté vers son camarade immobile.

- Alors je te repose la question : que vas-tu faire ? continua une énième fois la vieille femme.

Écoutant Mandrake en observant toujours autant son camarade, Ragnar saisit son paquet de cigarettes dans lequel ressortit une d’entre elles. Il rangea le paquet et sortit une boite d’allumettes. La cigarette allumée, il tira une belle bouffée avant de renvoyer la fumée vers son acolyte. Il s’accouda au petit mât du petit navire, leva la tête vers ce beau ciel bleu qui s’assombrit peu à peu.

- Je fumerai ma clope. Quand celle-ci sera entièrement consumée, des gros cuirassés apparaîtront après la pointe de cette falaise, à environ cinq mètres de notre position. Une effroyable épreuve nous attend, là, droit devant nous. Les dieux ne soutiennent pas forcément cette entreprise et la météo nous le prouve. En plus de nos ennemis, nous ferons face à une terrible tempête. Les pouvoirs de Raf’… Tu m’entends Raf’ ? Hem. Prions pour qu’il m’entende. Les pouvoirs de Raf’ devront nous permettre de créer une légère brume pour séparer l’ennemi qui traversera aisément cette tempête. Va-t-on survivre ? Je l’ignore. Mon mantra m’empêche de voir au-delà. Diviser l’ennemi pour les abattre un par un. Notre voyage sera peut-être un peu plus long que prévu mais nous ne pouvons pas arriver à destination avec ces connards à nos trousses…

- Ton mantra a évolué depuis notre rencontre, lâcha Jonas en esquissant un léger sourire. Puissent les dieux nous venir en aide, hein.

Ragnar fuma sa cigarette presque entièrement, comme convenu dans ses prédictions, c’est là qu’apparurent les cuirassés. Le révolutionnaire se mit au travail. Il tendit la voile au maximum et ainsi permettre à leur petit embarcation de prendre de la vitesse. Devant eux se trouvaient le carnage, l’apocalypse. La mer commençait à fortement s’agiter, tandis que des éclairs surgissait de tout horizon. Le vent soufflait si fort que cela en rendait la navigation bien trop difficile. Le matelot d’infortune continuait de jouer avec la voile, sur la raideur de celle-ci pour permettre au voilier de se mouvoir dans cet enfer. Bien que le pont était assez étroit, il courrait dans tous les sens et réalisait le travail de plusieurs hommes à lui seul. Loin d’être un navigateur, il acquit ces connaissances par le biais de Suelto, son bras droit qu'il a abandonné depuis des mois pour la mission.



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Le Conseil prenait des airs qui, jusqu'alors, étaient étrangers. Ragnar avait changé d'attitude de façon drastique, cessant même de se défendre pour se résigner. Il ne s'agissait en rien d'un abandon, mais d'une acceptation. Le jeune homme, après avoir disputé sa partie, savait très certainement que le sort en était jeté, sa destinée déjà dessinée dans des lettrines d'ancre invisible, et pourtant à jamais imprimée dans son esprit. Le doute était naturel, mais la prétention au poste également. Ragnar acceptait, sans conditions, la décision de ses camarades. Les marques de sympathie nouvelle envers le grand officier surprirent même ce dernier, qui ne manifesta aucune animosité à se faire tapoter par le petit être étrange dont il avait, il y a peu encore, remis en cause la légitimité à cette réunion. D'aucuns purent penser qu'il s'agissait d'une manoeuvre, d'un faux-paraître pour planquer d'autres espoirs. Mais c'était mal connaître l'As Etzmurt, qui gardait cet aspect candide de l'aventurier en quête de surprises, bonnes ou mauvaises. Surtout, Ragnar était quelqu'un de "cool", au point de parfois être incapable de rester sérieux et concentré alors que la situation l'exigeait. Il avait craqué, d'une certaine façon. Ou cessé de jouer le jeu de la concurrence pour enfin montrer non plus ce qu'il voulait, mais ce qu'il était. De toute façon, face à un télépathe et une psychologue aussi redoutable que ce dernier à lire les gens, la mascarade demeurait futile. Les prétendants le savaient et la nouvelle attitude, authentique et légère de Ragnar, agit comme un petit tour de magie qui allégea les visages.

Puis, ce fut Rafaelo. Autre ton, bien moins léger. L'As assassin étalait même une autre facette, authentique elle aussi, de ce qu'il était. Soupçons, conjectures et instincts. Mais qu'il se fourvoie ou non, ses remarques étaient appuyées d'une forme de logique que tous écoutaient attentivement, non sans déplaisir marqué pour une part du public. Le voilà qui remettait tout en cause, comme le policier de fin de roman rassemble les pièces du puzzle. Les pièces de Rafaelo manquaient de concret, seul demeurait le paysage qu'il pensait voir représenté sitôt le tout théorique assemblé. C'était un trait d'enquêteur que d'avancer avec peu, sinon rien pour étayer ses théories. Rafaelo avait pour lui de ne pas aller vers ce qu'il voulait, mais de chasser avant tout ce qu'il ne pouvait concevoir. Ainsi, Payne se voyait accusé de n'être qu'un prétexte, un sujet de test, sinon le Freeman lui-même. Rafaelo ne le dit pas explicitement, par respect du code et du secret. Mais l'idée avait germé jusqu'à cette éventualité.

Ultimo l'écoutait sans rien montrer, pour ne pas l'aiguiller, ou le détourner de sa logique. Personne ne voulait, à cet instant, interrompre le développement de l'inspecteur venu pour affirmer à tous qu'il ne croyait pas au motif de cette réunion. Tout était pré-calculé, comme le voulait sans doute Sarioshi en tout ce qu'il abordait. Lui non plus ne broncha jamais. Son silence, comme celui d'Ombre, voulaient peut-être en dire davantage que de longues prises de parole ? A ce propos, c'était au colosse de la prendre.

Je dois féliciter l'As Rafaelo pour son instinct, il y a du vrai dans ce qu'il dit. Et pas mal de faux. Je ne suis pas un simple As, mais n'ai pas d'ascendance sur le Conseil. Ce que j'ai fait, je l'ai fait par devoir, avec l'aval du Conseil et du Freeman, par ordre direct ou procuration. Peu importe, je ne veux pas savoir qui il est réellement. Mais venons-en à ma présence ici. A mes arguments.

Il prit une respiration si grande que son rejet s'entendit dans toute la pièce. Ultimo cherchait les mots, eux qui venaient sans peine pour attaquer autrui. Un petit sourire - le premier - se dessina sur son visage buriné et il tapa une fois des mains, comme Ragnar l'avait fait sur son dos auparavant. Le bruit sec se répéta deux fois, avec une lenteur suffisante pour laisser à chaque applaudissement le loisir de mourir sans rencontrer sa descendance.

Je n'ai pas menti. Quand on m'a demandé pourquoi j'étais là, j'ai dit que j'étais là pour la même chose que Ragnar. Et c'était vrai. Moi aussi, j'étais là pour lui permettre de devenir le futur Maître de Guerre de la Révolution. Fin de partie, Rafaelo. Tu m'as eu.

Payne se tourna vers les deux autres As, les salua sans sourire, mais avec respect, puis quitta immédiatement le centre de la table. Il reprit son poste de portier, comme s'il n'avait jamais existé dans l'équation.  Ataké expliqua aux deux véritables prétendants le pourquoi de cette manoeuvre.

Il existe, au sein de la révolution, un rang secret. Nous l'appelons l'Excuse, suivie de sa branche dédiée. L'Excuse est composée d'un seul membre pour chaque branche du DRAGON. Ultimo est un As, mais il est surtout l'Excuse de la Guerre, au choix de Jonas. En tant que tel, son rôle est de servir de conseiller particulier à son membre du Conseil. Quand un membre du Conseil du DRAGON meurt ou est inapte à remplir sa tâche, l'Excuse le remplace, le temps de trouver un successeur. Une Excuse ne peut devenir membre du Conseil, et ce afin d'éviter une lutte intestine. De plus, l'Excuse et son membre affilié ne peuvent se battre ensemble, au cas où une défaite cuisante les perdrait tous les deux. Mandrake est un grand guerrier, mais il est impulsif, téméraire et parfois sanguinaire. Son intelligence l'a fait choisir Ultimo, son exact opposé, afin de lui servir de garde-fou durant tout son travail parmi nous. Voilà pourquoi l'As Payne était habilité à le déchoir de son rang, à ne serait-ce que nous en toucher mot. Voilà également pourquoi il ne peut et ne pourra jamais être rival de l'As Ragnar au poste de la Guerre. Vous aussi, si vous accédez à ce rang, devrez vous trouver une Excuse. Vous remarquerez que Freeman est appelé l'Excuse. Parce qu'il est l'Excuse du Conseil, notre garde-fou à tous. Une ultime sécurité.


Les choses clarifiées, la réunion reprit son cours.

« As Rafaelo, reprit Aldo, tu as démontré au Conseil ta capacité à écrémer le vrai du faux. Le Conseil, ainsi que Le Freeman, acceptent de constituer une branche dédiée aux affaires internes, et qu'elle portera le nom du Secret, venant se greffer au DRAGON pour former le Conseil des DRAGONS. Puisses-tu t'en montrer digne et continuer à contribuer aux forces de notre organisation. Quitte cette table, ta place est autour désormais.

Ultimo apporta un siège de plus qu'il plaça autour de l'immense table représentant la carte du monde connu, entre l'escargophone d'Ombre et le Télépathe. Seul Ragnar y trônait encore, ravi de la perspicacité de son compère et de le voir à présent siéger. La salle prenait l'allure d'une remise de diplôme. Restait encore le cas de la Guerre.

As Ragnar Etzmurt, poursuivit Sarioshi, nous ne pouvions élire un nouveau Conseiller de la Guerre avant que les DRAGONS ne soient au complet. Mandrake étant déchu, ce sera son Excuse qui se prononcera à sa place. Vous devez obtenir un vote unanime pour nous rejoindre. Excuse Ultimo, pouvez-vous parler au nom de la Guerre je vous prie ? Ensuite, nous procéderons dans l'ordre habituel.

Payne acquiesce sans quitter son poste et parla sans attendre, sereinement.

L'Excuse de la Guerre répond par l'affirmative à la demande de succession par l'As Ragnar Etzmurt.


« Le Développement n'y voit pas d'inconvénient. »

« Le Renseignement accepte la requête. »

Les Affaires signent et approuvent.


L'Orientation te souhaite la bienvenue!

La Négociation prend une fin favorable.

Restait alors une voix entre Ragnar et sa destination finale.


Même le hasard se calcule.
  • http://oprannexe.onepiece-forum.com/t369-le-conseil-du-dragon

(la musique est pas calée, calée, mais pour le principe, ce sera ça !)
Une part de l’assassin jubilait à cette découverte, à ces entrelacs de secrets et d’histoires à approfondir. A cette dimension de la révolution qui lui avait échappé et dont il venait de prendre conscience. Il sentait son cœur battre au rythme des secrets révélés, du voile qui se levait sur l’un des plus grands mystères du monde. Mais plus encore, bien plus encore. Un frisson parcourut son échine, glissa le long de son dos. Ses entrailles se nouèrent, ses pupilles se dilatèrent. Son souffle vint à manquer, alors que l’adrénaline fusait dans ses artères et transformait son rêve de toujours en réalité.

Ultimo était plus qu’un As, il avait vu juste. Mais il était passé à côté, tout autant. Il se félicita d’avoir réussi ce test, d’avoir pu discerner cette semi-vérité au milieu de toutes ses hypothèses. Car c’était la dernière épreuve qu’il avait eu à passer avant de pouvoir regarder droit dans les yeux ces hommes et femmes qui avaient façonné le cœur de la Cause, et de pouvoir les reconnaître en égaux. Le pourrait-il jamais un jour. Son projet avait été accepté, il n’en avait jamais douté. A vrai dire, s’il en avait douté, cela aurait sonné son glas : pourquoi proposer un remaniement auquel on ne croyait pas ?

L’assassin exécuta une courte révérence, comme il seyait, face au verdict du DRAGON. Il se recula et laissa Ragnar seul sur la table. Il remercia Payn d’un hochement discret de la tête, teinté de respect et d’un peu de malice. Peut-être était-ce cela qui le poussait à toujours s’enfoncer dans les rangs révolutionnaires. Ce besoin de savoir la vérité, pas celle qui était racontée haut et fort, non, le fond des choses. Séparer le vrai du faux. Voilà quel serait son rôle à présent. Il sentit un poids gagner ses épaules à chaque pas le rapprochant du siège. Une nouvelle responsabilité, des enjeux sans précédent. Il y été arrivé. Il avait atteint son objectif. De nombreuses errances, de nombreuses erreurs. Mais aujourd’hui, né sur une obscure île des blues et façonné dans la fange du Grey Terminal, il avait prouvé à tous ceux qui avaient placé leurs espoirs en lui qu’il en était digne.

Il s’approcha du siège. En bois ciré, simple. Du velours noir ceignait son séant et les accoudoirs. Sobre, efficace. Il passa sa main sur le matériau, éprouva la puissance de ce contact anodin. Sa main gantée éprouva l’assise, puis, ses doigts crochetés aux accoudoirs, il s’assit. Entre Ombre et Aldo. Il contempla le monde connu comme s’il le découvrait pour la première fois. Les possibilités étaient immenses, la donne avait changé. Il n’était plus un assassin parmi les assassins. Il était à présent garant de l’intégrité de la révolution. Il était le gardien de la Cause. Non. Tous étaient les gardiens de la Cause, et lui s’assurerait, dans l’ombre, que la Révolution profite à tous et à tout le monde. Il serait un mirage, une histoire. Comme Ombre lui avait enseigné. Et ses hommes, ses amis, ses frères, seraient, eux, les véritables bergers. Il se sentit à la fois immense et minuscule. Il leva les yeux, et observa tour à tour chacun des êtres les plus puissants de l’armée révolutionnaire.

En un regard, il perçut leur assentiment, la force renouvelée de leur lien. Et pour la première fois depuis longtemps, un sourire de joie sincère s’épancha sur les lèvres de Rafaelo.

Mais une affaire restait à accomplir, une nouvelle ascension pour un avenir lustré de gloire. Chaque voix tonna. Chaque sentence s’abattit. Puis vint le silence. Le nouveau membre des DRAGONS déglutit. Une fois encore, son cœur battit la chamade. Il riva ses yeux dans ceux de Ragnar. Une amitié née dans les épreuves, forgée par le feu et la glace.

« Le Secret consent. » valida-t-il, d’un ton franc, presque enjoué.
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Ragnar ne cherchait pas réellement à comprendre ce qu’il se cachait derrière Payne. Non. Sa dernière intervention le prouva. Néanmoins, il resta bouche-bée en apprenant cette vérité autour de ce mystère qui régnait autour de ce conseil du DRAGON, qui devenait par ailleurs le conseil des DRAGONS. Rafaelo, son compagnon d’infortune, son frère, qui lui sauva la mise à plusieurs reprises. L’As ressentit une réelle satisfaction et une profonde joie en le voyant rejoindre le reste de la tablée. Le jeune disciple de Jonas pensa que la révolution avait de la chance d’avoir un type comme cet assassin dans leur rang, plus encore maintenant qu’il était au sommet pour servir au mieux la Cause. Cette Cause emplie de mystères qui résolvaient les uns après les autres au fil du temps et des périples.

Vint à présent le tour du jeune homme aux cheveux roses, seul sur cette table, face à presque tous les membres du conseil. Chacun le regardait de son siège pendant un long moment. Il était temps de prendre une décision. Méritait-il de succéder à l’immense Jonas Mandrake ? En était-il digne ? Payne, qui donna son avis le premier, acquiesça avant de s’en aller. Il faut l’avouer, depuis que son véritable rôle fut révélé, Ragnar portait un regard différent à son sujet. Celui qu’il voulut massacrer il y a encore quelques temps portait en lui un lourd fardeau. Éjecter celui qu’il protégeait de la folie pendant tout ce temps ne devait pas être une partie de plaisir. Humain, comme tous les autres, il dut très certainement ressentir une profonde peine. Ragnar lui sourit avant de le voir quitter définitivement la pièce. Les uns après les autres, les grands protecteurs de la Cause donnèrent leur veto, jusqu’au tour de Rafaelo, qui ne répondit de suite. Il fallait certainement lui laisser le temps réaliser. Mais après un temps, il accorda finalement cette place tant attendue.

De nouveau le silence. L’As, devenu membre du conseil des DRAGONS, qui allait d’ici peu s’asseoir sur le siège de la Guerre, ne réalisait pas totalement ce qu’il se passait. Son coeur battait la chamade. Lui ? Remplacer l’illustre Mandrake ? Non. Il ne parvenait pas à s’y faire. L’envie de les rejoindre ne manquait évidemment pas. Au contraire, la hâte s’emparait de lui mais il était comme paralysé. La peur de ne pas être à la hauteur. La peur de faire honte à ceux qui l’ont menés ici. Qui pourrait s’asseoir sans se poser toutes ces questions ? D’apparence, on ne put voir qu’un homme, stoïque et statique, qui resta de marbre face à la demande. À l’intérieur, le télépathe ne put en dire autant.

Hier encore, je n’étais qu’un pauvre aveugle puant qui cherchait sa voie… Comment un tel changement a-t-il pu opérer ? , pensa-t-il.

- Hier encore, dit Aldo, tu n’étais effectivement qu’un pauvre aveugle puant sans un sou. Hier encore, Ragnar Etzmurt, tu te battais uniquement selon tes désirs, tes idéologies et tes principes. Hier encore, tu as commis des erreurs et tu en commettras d’autres. Mais aujourd’hui, cher confrère, tu as grandi et nous t’avons jugé digne de succéder à celui que tu as libéré de son enfer glacial, et ce, au péril de ta vie. Rejoins-nous. Assieds-toi sur ce siège vacant qui est tien.

Pourquoi est-ce qu’il n’avait pas autant d’assurance que son camarade qui s’installa à son siège sans hésiter, quelques instants plus tôt ? Il lui fallait retrouver son aplomb. Le nouvel occupant de la Guerre s’assit alors à son siège en esquissant un léger sourire plein de malice. Rapidement, il retrouva ses bonnes - ou mauvaises - manières et s’y installa comme s’il était sien depuis des lustres. Vraiment à l’aise. Bien au fond, les bras lourdement posés sur les accoudoirs, jambes allongées et croisées. À l’expression de son visage, on pouvait se douter qu’il validait le confort de ce siège. Cette posture en laissa certains perplexe, ou probablement pas, puis qu’ils savaient tous qui était leur nouveau compagnon. Peut-être mieux qu’il ne le savait lui-même. Il constata par ailleurs que ce dernier était quasiment neuf, preuve qu’il n’avait pas beaucoup servi. L’ancien occupant devait énormément crapahuter. Jonas Mandrake… Ragnar se rappela la première fois qu’il l’aperçut lors de la grande bataille de Kanokuni.

- Bien, dit-il avec son air décontracté habituel, maintenant que les formalités sont réglées, par quoi commence-t-on ?  



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