Je ne sais pas du tout ce qui se trouve derrière cette porte, n'ayant reçu aucune information de la part de la garde-abeille qui m'a brièvement accosté tout-à-l'heure. En même temps, elle m'avait déjà fait la faveur de ne pas me découper en rondelles avec ses lames et je n'allais pas insister d'avantage en demandant des précisions.
C'est une salle de torture? Une autre aile de cellules? Ce doit sans doute être l'endroit où ils mettent les prisonniers les plus dangereux ou les plus sensibles, vu l'imposante sécurité qui est en face de moi.
Le pied gauche commençant à être endolori, je prends mon élan et fonce de nouveau sur la porte, décochant un violent coup de pied retourné à cet immense bloc de cire. Mais le choc est aussi lourd que le reste et je me retrouve quasiment projetée en arrière, tombant à terre, ma tête heurtant lourdement le sol. Un voile noir couvre mes yeux et je sombre dans une semi-inconscience.
Vaincue par une porte... Je savais que Grand Line était une mer dangereuse, mais au point de perdre contre le mobilier... Je suis pitoyable à ce point?
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- Alors, capitaine? Vous vouliez nous parler de quoi?La voix de Mibu me rappelle cette conversation que l'on a eu avec tout mon petit équipage, après une longue mission de libération d'esclaves... Je me rappelle le capitaine pirate... et surtout son fouet cinglant le dos des prisonniers... CLAC... CLAC... CLAC...
Je repars des années en arrière, revoyant la petite noble que j'étais, vivant sa paisible et insouciante vie au Royaume de Goa. Entourée de paillettes et de froufrous, je passais mes journées entre mes cours d'histoire et de bonnes manières, tout en dévorant des romans d'aventures des heures durant le soir. La vie était d'une routine qui ne m'agaçait pas encore et je vivais ma vie dans l'insouciance la plus complète et absolue.
Finalement, pour le soir de mes sept ans, mon père m'offre un "cadeau" particulier qui ne m'a pas choqué à l'époque, tellement j'avais été préparée à l'avance: Malkio, un esclave... non c'était même
mon esclave et j'en disposais comme je voulais...
Mes parents tenaient à être dans les bonnes grâces des puissants Tenryubito et ça semblait passer par l'esclavage. De ce que j'en avais entendu parler, mes parents se sentaient parfois à l'étroit, enfin surtout mon père, à Goa, sans doute à cause de la proximité avec les pauvres vivant dans l'immense décharge à coté de chez nous. J'ignore encore aujourd'hui s'il ne voulait pas aussi tout simplement nous protéger, ma mère et moi, mais il aura emporté cette réponse dans sa tombe de fortune que je lui aurait faite des années plus tard...
Finalement, j'ai passé des "heureuses années d'esclavagiste", passant beaucoup de temps avec Malkio, de trois ans mon aîné. Il était né esclave et avait déjà énormément voyagé, malgré son jeune âge et nous avions de longues discussions passionnées, où il me confirmait nombre de choses que je lisais dans mes livres. C'était agréable d'avoir quelqu'un qui avait presque mon âge à mes cotés, au milieu des domestiques trop maternelles, ma mère distante et mon père trop préoccupé par l'image que lui et sa famille renvoyaient.
Un soir cependant, Malkio a été accusé de vol par mon père et sévèrement réprimandé et quelques heures plus tard, après que mon père ait apparemment conversé via Den-Den Mushi, je me suis retrouvée... avec un fouet dans les mains, devant Malkio me tournant le dos, torse nu et me présentant son dos.
J'entends encore les propos de mon père, mains sur mes épaules:
- Ma chérie, il faut te faire respecter de tes esclaves, comme tout bon noble qui se respecte... C'est la marque des plus grands nobles... des plus proches collaborateurs des Tenryubito...
Tu le sais bien qu'il est ton esclave, donc ta propriété. C'est ton rôle de te faire respecter...
Dix coups de fouet devront suffire... Allez, dépêches-toi, que l'on en finisse avec cette histoire...Toute tremblante et vacillante, du haut de mes douze ans, je restais pétrifiée devant mon esc... non mon confident, mon partenaire de discussion, de partage de rêve d'aventure et de voyage! Ce n'était pas un esclave, c'était Malkio!
J'allais pour balancer le fouet par-terre et traiter mon père de tous les noms, lorsque mon regard croisait celui de Malkio, me donnant l'impression que le monde s'arrêtait de tourner l'espace de quelques secondes.
Il acquiesçait d'un signe de tête, en souriant légèrement, alors que je revoyais son dos couvert de quelques marques...
Si j'allais à l'encontre des ordres, Malkio allait sans doute être expulsé de la maison, mes parents m'auraient peut-être reniés, pour avoir désobéi, ils auraient eu des ennuis, si je n'avais pas puni mon esclave... Tout s'embrouillait et tourbillonnait dans ma tête, alors qu'une seule question demeurait dans tout ce chaos mental: tout pouvait-il continuer comme avant, après ça?
Sur le point de jeter le fouet et le piétiner au sol, je raffermissais maladroitement ma prise dessus, me mettant doucement et en tremblant en position, le premier coup partant un peu de biais, cinglant sur la hanche de Malkio.
CLAC!Un soupir était poussé dans mon dos, me faisant frissonner, alors que je me remets en position.
CLAC!La deuxième traînée rouge était plus apparente au milieu du dos et je réprimais déjà un haut-le-cœur.
CLAC!La voix de ma mère se faisait à peine entendre sur ma gauche: inutile d'échanger un regard avec elle, sachant qu'elle était d'accord sur le fait qu'il fallait finir ça au plus vite et passer à autre chose...
CLAC!Je voyais Malkio tressaillir légèrement, mais il soutenait de nouveau mon regard, avec le même petit sourire, un peu moins assuré.
CLAC!Plus ça allait et moins je perdais de temps entre les coups.
CLAC!Si on avait pu m'arrêter...
CLAC!J'aurai préféré que l'on me tue plutôt que de faire ça...
CLAC!Tout devait se terminer...
CLAC!Ça ne doit pas s'éterniser cette souffrance, il fallait l'arrêter,
tout de suite!
CLAC!Complètement sonnée, je levais mon fouet une nouvelle fois, lorsque mon poignet est fermement saisi par... ma mère.
Elle secouait doucement la tête, avec son doux sourire habituel, me faisant lâcher le fouet, toute tremblante et je captais finalement que j'étais en larmes.
Ma mère me lâchait le poignet, demandant aux domestiques de soigner Malkio et échangeant un regard glacial avec mon père et je vois le dos ensanglanté de Malkio une dernière fois, avant de me tourner vers mon père. Il avait un air plus grave encore que d'habitude, mais quelques chose de différent habillait son regard, alors qu'il m'adressait un signe de tête... Je répondais à son signe de tête, partant d'un pas à peine assuré vers ma chambre...
Dix minutes plus tard, j'étais encore penchée sur la cuvette des toilettes, finissant de vomir mon âme et mes tripes, trouvant encore le moyen de pleurer tout ce que je pouvais.
Malkio m'attendait dans la chambre et je ne perdis pas une seconde pour me jeter dans ses bras en pleurs, même si j'avais l'impression que je pouvais verser des larmes de sang, tellement je n'avais plus rien en réserves de larmes.
J'évitais comme je pouvais son dos, devinant ses soubresauts de douleur lors de notre étreinte, alors qu'il ne cessait de marmonner des mots pour me calmer.
- J'ai tellement honte... Je m'en veux... d'être de cette noblesse cruelle...Mon confident me garde contre lui quelques instants, avant de doucement saisir mes joues, pour me mettre face à lui, m'observant avec un regard sérieux que je ne lui avais jamais vu auparavant:
- Alors partons ensemble, toi et moi. Découvrons ces mers autrement que sur le papier ou en paroles.Je restais muette de stupeur devant cette demande... Tout quitter là et maintenant?
Bien que l'envie de tout fuir me titillait l'esprit, autrement que la curiosité de voir ce que le monde pouvait m'offrir, h'étais aussi terrifiée à l'idée de partir, après tout ça. Nous aurions été des fugitifs ou pire encore Malkio aurait été accusé de m'avoir enlevé et clairement, il aurait été traqué et abattu sans aucune sommation par toute la Marine de East Blue!
Je hoquette doucement, avant de secouer la tête:
- Non, c'est trop dangereux, on ne peut pas courir le risque qu'ils te tuent pour m'avoir... pour qu'ils croient que tu m'aies enlevé...
Non... restons là... ensemble...Je restais blottie contre lui, alors qu'il caressait doucement mes cheveux... Cependant, son regard avait changé au fil des jours suivant, jusqu'à ce qu'il disparaisse de ma vie et que je sois recueillie par la Révolution.
Le regard de Malkio... les paroles de mon père qui me reniait... Les regards réguliers que me lançait mon instructeur de combat à la Révolution...
Ils renvoyaient tous la même chose, le même sentiment qui s'insinue régulièrement dans mon esprit et mon corps, comme du poison...
Déception------
Rouvrant brutalement les yeux, je me redresse d'un bond, le souffle court et rauque, la sueur dégoulinant de mon front, alors qu'une colère froide et intense brûle et monte en moi. Je vois une aura noirâtre courir autour de mon corps, alors que je tremble violemment.
Mon regard se lève vers cette porte, comme si mon regard acéré voulait transpercer cette dernière...
Non... Non... Non... J'ai toujours déçu mon entourage à de nombreuses reprises... mais me décevoir moi-même, après tout ce chemin parcouru...
- JAMAIS!!!Je bondis et tournoie furieusement sur moi-même et tant pis si je me broie la jambe sur ce coup!
J'abats lourdement mon pied sur la porte, comme si je voulais rejeter toute ma haine et mon dégoût du passé, toute ma rage, mon impuissance et ma frustration par ce simple coup, l'aura obscure m'enveloppant de plus belle...
Et... la porte explose dans un grand fracas, tombant en morceaux autour de moi, alors que j'atterris au sol, le pied gauche endolori et le corps tout tremblant.
Clignant des yeux à plusieurs reprises, j'observe les environs et sur tout derrière moi... Oui, c'est bien ça: la porte est désintégrée en plusieurs morceaux derrière moi... Mon aura noire s'atténuant peu à peu, mon attention est cependant bien vite captée par les multiples bourdonnements m'entourant.
Me mettant en position de combat comme je peux, je reste muette d'effroi, en voyant le spectacle me faisant face... Les abeilles entourent quelqu'un devant moi, par dizaines et je remarque à peine quelques centimètres de peau non couvertes et la couleur de peau me rappelle rapidement quelqu'un:
- ... Hadoc!?!Je sursaute en entendant d'autres bourdonnement dans mon dos, les fragments de la porte se résorbant et s’éparpillant en plusieurs abeilles qui tourbillonnent furieusement autour du "cocon d'abeilles" en face de moi.
- Vous ne disiez pas qu'il n'y avait plus de sécurité?!?Je ne sais pas du tout si je m'adresse à un cadavre ou à une personne bien vivante, mais vu le danger que court cette île si l'émissaire Marine meurt, je préfère cultiver l'espoir qu'il soit en vie sous ce tas d'abeilles...