La foudre déchirait le voile noir de la nuit. L'océan se déchaînait sur l’Émérite, lui assénant des frappes colossales. Les marins s'agrippaient de toutes leurs forces aux cordages et à la mâture. Il n'y avait pas un badaud sur le pont. Sur les deux cents hommes qui naviguaient à bord de la frégate, une bonne demi-douzaine avait déjà disparu au milieu des flots couleur charbon. Tenko se tenait à la barre de toutes ses forces. Des haut-le-coeur lui soulevait la poitrine. Ses vêtements imbibés d'une pluie chaude lui pesaient lourdement sur le corps. Ses muscles le tiraillaient à force de rester accroché à la barre. Grinçant des dents, il ne pouvait rien faire d'autre que de maintenir le cap vers Gueule de Requin. Et ça le frustrait. Les Requins naviguaient depuis cinq bonnes semaines et ils allaient bientôt épuiser leur provisions. Les soldats ne se rasaient plus, pour des raisons de rationnement. Une ambiance presque morose planait sur la frégate. Chaque journée avait réservé ses surprises, et les nuits, elles non plus, n'avaient pas fait exception. Mais les marins n'en pouvaient plus d'être ballotté d'un événement à l'autre, d'une tempête cataclysmique à une accalmie assourdissante. Cela leur pesait sur l'esprit aussi sûrement que sur le corps. Les soldats étaient fatigués de leur voyage. Et leur officier commandant ne faisait pas exception. Ils touchaient supposément au but. Les derniers échanges qu'il avait pu avoir avec le G-9 l'en avait garanti. Mais ils n'en pouvaient plus.
Tenko jeta un regard autour de lui. Il était le seul homme présent sur le château. Il ne put s'empêcher de sourire. Il adorait ces moments de solitude, c'était pour lui comme des séances méditatives. Lui, le navire et l'océan. Il arrivait, dans ces rares instants, à ne se focaliser que sur ces trois choses-là. Il ressentait comme un contact profond avec le bois de la barre, comme si le vaisseau était un prolongement de sa main. Il pouvait sentir l'eau qui résistait contre la coque jusque dans le mécanisme du gouvernail. Les marins, qu'ils au cordage, à la voilure ou dans la mâture, partageaient tous ce moment de communion avec leur navire. Un flash lumineux, droit en proue, vint sortir le Commodore de sa transe. Il donna un léger tour sur bâbord, pour s'offrir un meilleur angle de vue. La vigie ne tarda pas à sonner la cloche depuis son nid-de-pie.
"Signal à bâbord!"
Ce fut à peine si sa voix put courir la distance. Le jeune officier gardait les yeux rivés vers la source de lumière. Il était de nouveau sombre. Il amorça une longue courbe pour venir mettre une distance raisonnable entre l’Émérite et l'origine du signal. Moins d'une minute après l'avoir perçu, il lâcha ses ordres, usant de toutes ses forces pour déployer sa voix sur le pont.
"Aux postes d'artillerie, on réduit l'allure et on vide le pont au plus bas!"
Dans une organisation relative, les ordres furent relayés et le navire commença à ralentir. Le temps fut comme suspendu. La fréquence des vagues rythmait plus la perception du temps des Requins que les secondes ou les heures. Ils vivaient cette expérience familière à tout les combats, quand le temps ralentissait et donnait cette vision tunnel à tous ceux qui en étaient acteurs. Un instant comme une éternité, ils attendirent, silencieux, prêt à envoyer les flammes et l'acier vers l'ennemi. Puis le flash reparut, plus distant mais avec une fréquence régulière. Tenko ne put s'empêcher de sourire.
"Remettez de l'allure, le phare a peu de chances de nous atteindre!"
Quelques rires fusèrent, aussi nerveux que libérateurs. Ils allaient bientôt pouvoir poser le pied à terre, après plus d'un mois en mer. L'Eternal Pose pointait droit vers la lueur, qui s'épaississait à mesure que la frégate crevait les remous aqueux dans sa direction. Tenko fit appeler un timonier et rejoignit la salle de commandement. Karnak était assis à la table centrale, lisant les dernière informations qui circulaient. Il leva à peine les yeux quand le jeune homme rentra dans la pièce et reprit la lecture des brèves.
"On y sera d'ici quelques heures, Bill."
Le lieutenant décrocha enfin son attention de son journal, ce qui se rapprochait le plus d'un sourire sur son visage. Lui aussi avait souffert du voyage. Ils s'étaient sans cesse relayés à la barre et avaient chacun û affronter nombre de situations complexes. Ils se considéraient presque comme des amis, tout en gardant l'écart que les conventions exigeaient. Mais cela n'enlevait rien à leur relation.
"Je vais enfin pouvoir rencontrer notre charmante commandante alors."
Les deux hommes rirent un peu mais finirent par se taire. Ils restèrent silencieux pendant quelques instants, comme si le soulagement leur avait posé une couverture sur les épaules. Plus tard, ils discutèrent des formalités, organisèrent le débarquement. Puis ils sortirent sur le pont, en même temps qu'une bonne partie des marins. Leurs yeux se posèrent sur un spectacle aussi désolant qu’impressionnant. Des pics rocheux s'élevaient au dessus de la surface des flots, formant comme un ensemble sur lequel se réverbéraient tant la lumière du phare que celle des éclairs lointains. Plus loin, à l'intérieur du cercle irrégulier et inconstant que formaient les éperons lithiques, l'île se dressait au dessus de la mer comme un morceau de lune sali par l'usure. Il n'y avait pas de végétations apparente à sa surface. D'où ils étaient, les soldats pouvaient cependant apercevoir la grande baie qui précédait l'entrée de la base fortifiée. Une gigantesque ouverture dans la roche venait refermait l'avancée de mer, cloisonnée d'une immense porte d'acier. L'artillerie était apparente en tout endroit. Quiconque voulait prendre l'édifice devait préparer une armada toute entière. L’Émérite se glissa tout doucement vers son nouveau port d'attache.
Tenko jeta un regard autour de lui. Il était le seul homme présent sur le château. Il ne put s'empêcher de sourire. Il adorait ces moments de solitude, c'était pour lui comme des séances méditatives. Lui, le navire et l'océan. Il arrivait, dans ces rares instants, à ne se focaliser que sur ces trois choses-là. Il ressentait comme un contact profond avec le bois de la barre, comme si le vaisseau était un prolongement de sa main. Il pouvait sentir l'eau qui résistait contre la coque jusque dans le mécanisme du gouvernail. Les marins, qu'ils au cordage, à la voilure ou dans la mâture, partageaient tous ce moment de communion avec leur navire. Un flash lumineux, droit en proue, vint sortir le Commodore de sa transe. Il donna un léger tour sur bâbord, pour s'offrir un meilleur angle de vue. La vigie ne tarda pas à sonner la cloche depuis son nid-de-pie.
"Signal à bâbord!"
Ce fut à peine si sa voix put courir la distance. Le jeune officier gardait les yeux rivés vers la source de lumière. Il était de nouveau sombre. Il amorça une longue courbe pour venir mettre une distance raisonnable entre l’Émérite et l'origine du signal. Moins d'une minute après l'avoir perçu, il lâcha ses ordres, usant de toutes ses forces pour déployer sa voix sur le pont.
"Aux postes d'artillerie, on réduit l'allure et on vide le pont au plus bas!"
Dans une organisation relative, les ordres furent relayés et le navire commença à ralentir. Le temps fut comme suspendu. La fréquence des vagues rythmait plus la perception du temps des Requins que les secondes ou les heures. Ils vivaient cette expérience familière à tout les combats, quand le temps ralentissait et donnait cette vision tunnel à tous ceux qui en étaient acteurs. Un instant comme une éternité, ils attendirent, silencieux, prêt à envoyer les flammes et l'acier vers l'ennemi. Puis le flash reparut, plus distant mais avec une fréquence régulière. Tenko ne put s'empêcher de sourire.
"Remettez de l'allure, le phare a peu de chances de nous atteindre!"
Quelques rires fusèrent, aussi nerveux que libérateurs. Ils allaient bientôt pouvoir poser le pied à terre, après plus d'un mois en mer. L'Eternal Pose pointait droit vers la lueur, qui s'épaississait à mesure que la frégate crevait les remous aqueux dans sa direction. Tenko fit appeler un timonier et rejoignit la salle de commandement. Karnak était assis à la table centrale, lisant les dernière informations qui circulaient. Il leva à peine les yeux quand le jeune homme rentra dans la pièce et reprit la lecture des brèves.
"On y sera d'ici quelques heures, Bill."
Le lieutenant décrocha enfin son attention de son journal, ce qui se rapprochait le plus d'un sourire sur son visage. Lui aussi avait souffert du voyage. Ils s'étaient sans cesse relayés à la barre et avaient chacun û affronter nombre de situations complexes. Ils se considéraient presque comme des amis, tout en gardant l'écart que les conventions exigeaient. Mais cela n'enlevait rien à leur relation.
"Je vais enfin pouvoir rencontrer notre charmante commandante alors."
Les deux hommes rirent un peu mais finirent par se taire. Ils restèrent silencieux pendant quelques instants, comme si le soulagement leur avait posé une couverture sur les épaules. Plus tard, ils discutèrent des formalités, organisèrent le débarquement. Puis ils sortirent sur le pont, en même temps qu'une bonne partie des marins. Leurs yeux se posèrent sur un spectacle aussi désolant qu’impressionnant. Des pics rocheux s'élevaient au dessus de la surface des flots, formant comme un ensemble sur lequel se réverbéraient tant la lumière du phare que celle des éclairs lointains. Plus loin, à l'intérieur du cercle irrégulier et inconstant que formaient les éperons lithiques, l'île se dressait au dessus de la mer comme un morceau de lune sali par l'usure. Il n'y avait pas de végétations apparente à sa surface. D'où ils étaient, les soldats pouvaient cependant apercevoir la grande baie qui précédait l'entrée de la base fortifiée. Une gigantesque ouverture dans la roche venait refermait l'avancée de mer, cloisonnée d'une immense porte d'acier. L'artillerie était apparente en tout endroit. Quiconque voulait prendre l'édifice devait préparer une armada toute entière. L’Émérite se glissa tout doucement vers son nouveau port d'attache.
Dernière édition par Tenko Sozen le Mer 26 Fév 2020 - 0:36, édité 1 fois