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Débarquer chez les fous

La chaleur qui régnait dans le bureau de Tenko était en passe de devenir affreuse. Il était habitué au climat tempéré de West Blue, à ses températures jamais trop froides, mais jamais trop chaudes non plus. Et beaucoup de pluie, une quantité incroyable de pluie. Il s'essuya le front, plein de sueur. Au dessus de ses papiers, il cherchait la raison pour laquelle Kandy Ziva l'avait envoyé dans ce trou paumé là. Le Royaume de l'Absurde était une île d'une certaine importance. Elle comportait une capitale qui s'appelait Bienvenue-les-Danseuses depuis que les Requins étaient arrivés. Rien de mieux pour illustrer les dérives législatives du monarque. L'officier soupira un bon coup en s'étirant sur sa chaise. La Vice-Amirale l'avait envoyé pour entraîner, avec le soutien de sa garnison, les marins qui campaient dans le coin. Des matelots formidables, capables de réelles prouesses en mer. Mais des incapables comme ils n'en avaient jamais vu pour tout ce qui touchait de près ou de loin aux usages terrestres. Ils étaient incapable de patrouiller correctement, le combat ne les attirait pas plus qu'une bonne sieste et c'était presque s'ils ignoraient tout bonnement les criminels qui passaient sous leur nez.

"Chaleur de merde."

Il observait les rapports de section que les sous-officiers du coin s'étaient chargés de rédiger. Ils faisaient montre de lacunes étonnantes pour une garnison de Grand Line. Les menaces étaient loin d'être anecdotique sur cette mer mais la hiérarchie semblait persuadée que rien ne pouvait l'atteindre. La position du Royaume de l'Absurde dans le jeu géopolitique en faisait une cible difficile à atteindre pour les criminels qui écumaient les mers mais il ne fallait rien négliger. Trois coups résonnèrent sur la porte.

"Commodore?"

"Entrez, Bill"

Le lieutenant Karnak ne se fit pas prier pour entrer. Il avait lui aussi laissé tomber la veste pour survivre à l'accès de chaleur qui sévissait sur la semaine. Il s'installa en face de Tenko, le même air blasé sur le visage. Ils étaient arrivés seulement cinq jours plus tôt. Mais rien ne semblait bouger. Ils occupaient des dortoirs prévu à l'accueil de congrégations diplomatiques. Ils ne regrettaient pas le moins du monde leurs couchettes dans la Gueule de Requin.

"Va falloir que vous veniez voir ça..."

Tenko pencha de nouveau sa tête vers ses dossiers. Il avait autant pris la journée dans le bureau pour cerner les lacunes protocolaires que de s'éloigner du spectacle qui se déroulait dehors. Si on lui avait dit que l'un d'entre eux tenait son fusil à l'envers, il n'aurait pas eu de mal à y croire.

"Dites-moi qu'ils s'en sortent mieux qu'hier."

"Ils régressent. C'est presque fascinant."

Le jeune homme soupira alors que son second passait la porte les mains dans les poches. Il n'était franchement pas étonné de la réponse de Bill. Il s'en doutait plus ou moins. Il se leva, attrapa son sabre et sortit de son bureau. Les couloirs étaient déserts, en dehors des soldats qui montaient la garde devant les endroits clés. Des hommes qui servaient sous les ordres de Tenko. Les Requins avaient attaché un foulard autour de leur bras gauche pour se différencier des locaux qui n'en portaient tout simplement pas. Le commodore se dirigea vers la cour intérieure.

"On lève sa garde, on ne fléchit pas!"

Un sous-officier donnait son maximum pour ne pas étrangler les bleus qui massacraient les lettres de noblesse de l'escrime militaire. Tenko se glissa près des sous-officiers, mélangés, qui s'échangeaient leur méthodes entre divisions. Les soldats de la base étaient des feignants comme la nature en avaient rarement fait. Ils étaient si peu enthousiastes qu'ils en passaient presque pour des buses.

"Commodore."

Tenko sursauta. Un homme aux traits durs, un foulard attaché à son bras, se tenait droit derrière le commodore. Si le soldat semblait appartenir aux Requins, le jeune homme ne se souvenait pas l'avoir croisé. En même temps, il ne pouvait pas se souvenir de tout ses hommes. Avant même qu'il ait le temps de répondre à son interlocuteur, celui-ci enchaîna sans se soucier de la réponse de son supérieur.

"On vous demande en salle de reunion, monsieur."

Sans plus tarder, il s'éloigna. Tenko le regarda dépasser l'angle du mur, ralenti par la chaleur écrasante de la cour. Couvrir les toits des coursives intérieures de tôle était l'une des merveilleuses fausses bonnes idées qu'avaient eux les concepteurs de la base. Le commodore n'attendit pas plus longtemps pour se mettre en route à son tour. Il n'avait pas grand chose à faire sur le terrain d'entraînement, sa chaîne de commandement remplissait son rôle avec autant d'ardeur qu'elle pouvait confronter à l'incompétence générale des locaux. Il pénétra dans le rez-de-chaussée et remonta le long couloir qui desservait l'aile gauche du bâtiment. Il lui semblait que la température était plus fraîche de ce côté-là de la bâtisse. Il dépassa quelques portes avant d'entrer dans celle où il avait été convoqué. Il ne s'attendait à rien d'extraordinaire : le Royaume de l'Absurde avait cela de fascinant que les choses les plus excentriques finissaient toujours par devenir lassante. Le même soldat l'attendait là, appuyé contre une table. C'était l'unique occupant de la pièce.

"J'avoue que je reste perplexe là.

C'étaient les seuls mots qu'avaient trouvé Tenko pour décrire sa surprise. Le soldat ne parut pas changer d'attitude. Il dégageait une aura étrange, ce genre d'impression qu'on laisse aux gens quand on a l'habitude de travailler dans des sphères inaccessibles aux franges classiques de la société, civile comme militaire d'ailleurs.

"C'est normal, commodore Sozen. J'ai un petit conseil pour vous. Une sorte de piste, si vous préférez."

"Attendez, j'aimerai savoir..."

"Ed Duke, si vous tenez à le savoir Tenko. Je sais, de source sûre, que vous perdez votre temps à entraîner les hommes de cette base. Ce que vous devriez plutôt chercher, c'est des révolutionnaires. Et c'est pas ce qui manque dans le coin."


Le jeune officier resta abasourdi. Pas tant par les informations qu'il venait de recevoir que par la scène presque surréaliste qui se déroulait sous ses yeux. Il se demanda, l'espace d'un instant, si la chaleur ne lui avait pas définitivement grillé le cerveau. Car le cadet qui se tenait quelques secondes plus tôt en face de lui venait tout bonnement de disparaître de son champ de vision. Il cligna des yeux mais ne le vit pas reparaître. L'homme s'était juste volatilisé. Il douta de lui-même quelques instants, avant de voir le foulard qui était resté posé sur la table. Il ne l'avait quitté des yeux qu'une seule seconde, pour regarder au travers de la fenêtre qui était dans le dos de Duke. Il avait bien été là. Tenko s'empressa de sortir, sa curiosité piquée au vif.


Dernière édition par Tenko Sozen le Mer 6 Jan 2021 - 21:56, édité 1 fois
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Le couloir était désert. Tenko marcha lentement jusqu'à atteindre une sortie qui débouchait sur le flanc du bâtiment administratif. Devant lui, la terre battue parsemée de caisses de munitions ou de vivres restait déserte de toute présence. Il avisa le portail est de la base, qui donnait directement sur le port. Une des deux sentinelles dormait, sa casquette rabattue sur ses yeux pour les protéger du soleil. L'autre soldat, un foulard autour du bras, tenait fermement son poste. Il n'est pas passé par là. Le jeune officier commença à faire le tour de la base en mimant une inspection assidue des capacités défensives. Partout où il posa son regard, il ne trouva aucune trace de l'homme qui s'était pourtant tenu en face de lui moins d'une dizaine de minutes plus tôt. Il s'adossa à un pilier de béton et se passa la main sur le front, essuyant la sueur qui perlait sous ses cheveux. Il attrapa la gourde qui pendait à sa ceinture et descendit une bonne rasade d'eau avant de retourner vers le bâtiment administratif. Les Requins avaient provisoirement rangé leurs dossiers dans une salle attenante aux archives locales. Une paire d'aspirants se trouvaient là, l'un triant mollement le courrier pendant que l'autre attendait une éventuelle communication extérieure à retranscrire. Ils esquissèrent un mouvement de surprise en voyant l'officier entrer dans la pièce.

"Repos. Où est-ce que je peux trouver les listes d'enrôlement des deux divisions?"

Celui qui attendait à proximité de l'escargophone se leva brusquement, le teint rougeâtre à cause de la chaleur, presque grassouillet à force d'avoir le séant vissé sur une chaise à longueur de journée. Il n'allait certainement pas louper une occasion de faire quelque chose de plus stimulant. Ou du moins, quelque chose de différent. Tenko eut presque l'esquisse d'un sourire en voyant la mine déconfite de l'autre bleu, qui avait manqué son opportunité de sortir la tête des missives qui masquaient son bureau. Amer, il se rassit et replongea sa tête dans son travail.

"De l'autre côté, Commodore. Vous voulez que j'aille vous chercher les dossiers?"


Tenko aquiesca silencieusement et l'aspirant ne tarda pas à disparaître à travers une successions d'étagères préfabriquées qui dissimulaient une minuscule porte au fond de la pièce. L'officier avisa une table qui traînait contre un mur et il la dégagea rapidement. Le subalterne ne tarda pas à revenir, des pochettes de cartons pleines de feuillet entre les mains.

"Vous cherchez quelque chose en particulier?"


Le commodore attrapa les pochettes estampillées du sceau de sa division. Un requin stylisé, avec une balafre qui courait sur son œil, la gueule fermée qui laissait entrevoir quelques dents acérées. Il les posa devant lui et se tourna vers l'autre marin qui avait déjà ouvert un des dossiers de sa base. Ces gars-là pouvaient se montrer consciencieux de temps à autre.

"Je cherche un certain Ed Duke. Il avait l'air d'avoir la trentaine."

L'aspirant se pencha dans sa recherche sans plus attendre. Tenko commença à scruter le nom de ses soldats. Il était maintenant persuadé que sa recherche n'aboutirait pas. Il estimait qu'il se serait rendu compte de la présence parmi ses rangs d'un élément aussi... étrange. Il lui fallut néanmoins une bonne vingtaine de minutes pour s'en assurer. Il leva la tête vers son acolyte qui semblait terrassé par l'ennui de sa nouvelle tâche. Au moins, il avait de quoi faire.

"Quelque chose?"

"Rien, Commodore. Je crois bien que..."

"Ne croyez pas, vérifiez."

La remarque était sèche, sans appel. Peu habitué à ce qu'on exige de lui autre chose que de transcrire des appels, l'aspirant retint une expression de désespoir et se remit à la tâche. Tenko s'approcha de la fenêtre et jeta un coup d'oeil à l'entraînement des recrues en contrebas. Il commençait à s'ennuyer ferme dans le coin. Partir à la recherche d'un inconnu qui avait probablement infiltré une base militaire et volé un uniforme aurait au moins le mérite de le divertir. Il intima à son subalterne de ne pas bouger tant qu'il n'aurait pas fini d'éplucher les registres et il s'en alla vers son bureau, où il attrapa son sabre et sa veste d'officier. Il sortit rapidement du bâtiment.

"On se paye une petite sortie?"

Karnak était adossé au mur, un cigare entre ses lèvres. Il avait pris la mauvaise habitude de fumer dès qu'il s'ennuyait. Et dans un trou perdu comme l'était le Royaume de l'Absurde, on passait sa vie à s'ennuyer. Il s'arracha au crépi et accompagna l'officier qui marchait vers la sortie.

"J'ai deux ou trois petites choses à clarifier sur cette île."

Tenko ressentait presque la chaleur qui émanait du regard de son bras droit. Mais le lieutenant suivait son supérieur depuis suffisamment longtemps pour comprendre ce genre de situation. L'action ne tarderait pas à venir, il fallait simplement savoir l'attendre. Il s'arrêta au niveau du portail, appuyant son épaule contre le pilier de béton.

"Allez pas mettre le foutoir dans cette ville."

"Je vais essayer en tout cas"

Tenko s'éloigna assez rapidement au travers des entrepôts et des commerces qui voisinaient la base. Karnak jeta son mégot au sol et donna une tape sur l'épaule de la sentinelle qui montait la garde, un foulard autour du bras.

"Ca me rappelle étrangement Las Camp, cette attitude."

Le soldat acquiesça lentement, le regard fixé sur le commodore qui disparaissait au coin d'une rue.

"Pour sûr, Lieutenant."
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"Couille molle!"

Tenko leva les yeux au ciel une énième fois. Il n'y avait pas de place pour les normes et les conventions au Royaume de l'Absurde. La jeune femme continua son chemin sans faire de cérémonies après avoir crié son insulte en guise de salutations à l'intention de l'officier. C'était une véritable cacophonie dans les rues. Les conséquences d'un nouveau décret royal, qui marquait la finesse d'esprit du monarque en place. Le jeune homme souriait, presque par sarcasme, en observant la ville fantaisiste qui se dressait autour de lui. Son attention s'était d'abord fixée sur les étranges étals qui étaient disséminés sur la place du marché. Ils avaient tout des stands qu'on retrouvait dans toutes les foires du monde: la structure en bois, le large plateau incliné, la petite toile qui protège du soleil, le vendeur qui crie le mérite de ses produits. La seule chose qui semblait avoir été oublié dans ce savant mélange, c'était la marchandise. Car s'il était légal de faire du démarchage, il était formellement  interdit aux marchands de vendre des choses. Selon Wakopol, leur rôle était d'acheter. Et celui du tout-venant de vendre. Du moins était-ce la règle jusqu'à trois heures trente-sept du matin. Suivait une intervalle de vingts minutes où le commerce reprenait son cours normalement.

"Reste de dîner à prix réduit demain matin, n'hésitez pas à venir à mon étal! Longue vie aux Huîtres!"

Quelques badauds notèrent rapidement le numéro de l'étal et continuèrent leur chemin. Tenko observait les gens s'affairer à toute sortes de bizarreries. Alors qu'il passait sur une placette adjacente au marché, il remarqua que les gens se mettaient soudainement à courir à l'approche de la fontaine, en faisaient trois fois le tour et finissaient par se jeter dans l'eau boueuse avant de reprendre leur route. C'est là qu'il remarqua l'écriteau qui trônait sur la sculpture, pour le moins phallique du reste.

"Tou se qui pass den le couin douave cou rire otour deux la fontène troa foix é se je thé dan lo aven deu re prandr leur chemain."

Il y avait une signature griffonnée sous le message, d'une finesse assez perturbante au vu des fautes qui la précédaient. Wakopol avait signé son édit, non sans dissimuler son ironie et son amusement. Tenko continua sa route et finit par déboucher dans le port. Les dockeurs levèrent un regard presque soupçonneux en apercevant un soldat de la Marine qui traînait ses pieds dans le coin. Malgré leur carrure et leur air de baroudeur, leur accoutrement fantasque leur faisait perdre une bonne dose de leur crédibilité. Des collants effilés enserraient leur jambes tandis que les slips qu'ils portaient autour du cou venaient rajouter une petite dose de cet humour si décalé. Le jeune homme soupira discrètement en se rapprochant de la capitainerie. C'était un bâtiment qui, assez étrangement par ailleurs, ressemblait à toutes les capitaineries du monde civilisé. Un édifice solide, un agrégat de bois, de béton et de brique, qui arborait une ancre solidement fixée au dessus de son porche. Jusque là, l'architecture avait réussi à surprendre. De ce qu'il avait pu en noter, les maisons dont la façade était jaune devait laisser une ouverture de deux mètres cinquante sept sur soixante-huit centimètres dans le mur du rez de chaussée, celles qui arboraient des couleurs fades étaient privées du luxe d'arborer un toit et les rouges devaient, par obligation, abandonner toute forme de fenêtre, volets ou portes. Seules les maisons blanches étaient épargnées; celles-là ne devaient jamais être occupés.

"Hi di ho, jeune corniaud! Que me vaux la visite d'un si jeune blaireau?"

Tenko venait à peine de pousser la porte et il remarqua assez rapidement le vieil homme, assis nu dans sa baignoire. Bien entendu, il n'y avait pas d'eau dans la cuve de céramique. Ces excentricités commençaient à monter à la tête du jeune officier. L'officier de port marqua un tant d'arrêt en remarquant l'uniforme de son visiteur. Son visage sembla lutter entre maintenir les apparences où se confondre en excuses. Il ne devait pas avoir la même complaisance avec le tout-venant.

"Quelle classe. Laissez tomber vos décrets pour quelques minutes et rhabillez-vous."

Le vieil homme resta interdit face à la remarque, comme un enfant qui n'a pas vraiment compris l'ordre qu'on vient de lui donner. Il ouvrit la bouche pour donner une réponse mais se ravisa, comme pour prendre le temps de réfléchir.

"Si en spectacle je me donne tant, c'est parce que le gouvernement..."

Exaspéré, Tenko posa son sabre d'un coup sec sur la table qui longeait le mur et coupa la parole au vieil homme, sans lui laisser le temps de finir une rime affreuse.

"Mondial vient de vous donner un ordre qui outrepasse la juridiction de Wakopol."

Le vieil homme se figea une fois de plus. Le tyran était véritablement rentré dans l'esprit de ces pauvres hères et leur avait aspiré tout dose de recul pour n'y laisser que peur et servilité. Au bout de pénibles secondes, l'officier de port se leva enfin et monta les escaliers en toute hâte. Quand il redescendit, il avait un air spectral sur le visage et il fit un signe à l'officier de le suivre après avoir jeté un regard à travers les fenêtres du rez-de-chaussée. Tenko lui emboîta le bas et il se retrouva dans un grande salle qui était séparé de l'étage inférieur par une maigre porte en bois. A peine entrés, le vieil homme se retourna vers lui, presque paniqué.

"Vous sortez d'où, vous?! Vous savez ce que je risque si les Guignols se pointent dans le coin?!"

"Les Guignols?"



Dernière édition par Tenko Sozen le Ven 22 Déc 2023 - 21:03, édité 2 fois
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Siléa Sandent faisait référence à la Milice Malicieuse, sorte de police politique du gouvernement en place. Habillés comme des clowns, ils passaient leur temps à enforcer l'application de la loi royale, en dépit des conventions internationales. C'était là que l'île perdait le côté amusant de ses bizarreries. Wakopol en était réduit, comme tout autre dictateur, à user de la force pour faire appliquer ses mesures. Tenko ressentait de plus en plus d'amertume à l'égard du roitelet. Il se croyait drôle, perché dans sa citadelle, à épancher sa soif d'idiotie. Mais ses élucubrations fantasques avaient des répercussions réelles sur le quotidien de ses sujets. L'économie de Sainte-Hélène, le nom originel du Royaume de l'Absurde, tenait principalement au tourisme qui allait décroissant, la perte d'intérêt pour l'île s'accentuant d'année en année. Les subventions du Gouvernement Mondial venaient presque entièrement enfler les caisses personnelles du despote, qui injectait une faible portion de cet argent dans l'économie locale. En résultait une société fortement divisée, avec la cour et la bourgeoisie d'un côté, le reste de la population de l'autre. Il n'y avait plus, ou du moins en une proportion des plus modestes, de classe moyenne pour faire tourner la machine. Le vieil homme, maintenant rhabillé dans un vieil uniforme que les mites n'avaient pas épargné, faisait un exposé complet de la situation géopolitique de l'île au commodore.

"Ca doit bien faire dix ans maintenant que l'île meurt à petit feu..."

Tenko resta interdit face aux derniers mots de l'officier de port. Au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher de vouloir apporter du changement dans le désordre créé par Wakopol. Mais il était inutile de prononcer des paroles d'espoir. Il savait que le gouvernement autocratique de l'île avait su garder le soutien des hautes instances. Ce faisant, il était très délicat de renverser un tel régime sans pouvoir avancer des raisons solides à sa destitution. L'officier se contenta d'acquiescer et Siléa ne tarda pas à changer de sujet, non sans montrer une pointe de déception devant le mutisme du soldat.

"M'enfin, ça vous fait une belle jambe cette histoire. Qu'est-ce que vous me voulez?"

"Les départs de l'île dans les dernières heures et le nom des personnes qui auraient pu embarquer à bord d'un navire.

Le vieil homme ricana en se relevant. Il se rapprocha discrètement d'une fenêtre et lança un regard sur le port. Il n'y avait pas beaucoup de bateaux amarrés aux pontons de bois qui s'élançaient timidement sur la surface de l'océan. Il y avait beaucoup de maigres embarcations dédiées à la pêche côtières et on pouvait apercevoir, à quelques dizaines de mètres à l'écart, un parc nautique dédié à la plaisance. Il se retourna après quelques secondes d'observation, un air sarcastique sur le visage.

"Ca doit bien faire un mois qu'il n'y a pas eu de départ. Depuis l'interdiction de la pêche aux navires en état de naviguer."

"Je vois. Pas de départs illégaux?"

"Je ne mange pas de ce pain là."

La réponse était sèche, teintée d'amertume. Siléa avait le visage marqué par ses émotions. On sentait au plus profond de lui le dégoût que lui inspirait la législation et ses fantaisies qui mettait à mal sa terre natale. Il sembla se refermer à la discussion et Tenko finit par se lever de sa chaise. Il n'obtiendrait pas plus de réponse de sa part. Le mystère d'Ed Duke s'épaississait de plus en plus, mais ça lui donnait un côté franchement intéressant.

"D'accord."

L'officier laissa le vieil homme qui s'tait avachi contre sa chaise, comme épuisé par la conversation. Tenko se demanda depuis combien de temps Siléa n'avait pas l'occasion de parler normalement à quelqu'un. Il avait été forcé de parler en rimes depuis l'instauration du régime de Wakopol, pour amuser les nouveaux venus qui passeraient par la capitainerie. Il ne tarderait pas à redescendre pour se plonger nu dans une baignoire vide. Le soldat quitta le bâtiment et le quartier du port, tentant sa chance dans les ruelles qui bordaient le littoral. Il avait encore l'espoir de tomber sur Duke. Ses pensées se fixèrent sur les informations qu'il avait pu apprendre de son interlocuteur. Le regard de cet homme faisait ressortir tout le vice qui tissait la trame du règne de Wako. Mais ce qui révoltait le jeune homme, c'était l'indifférence de la garnison locale. Ils passaient leur temps à rêvasser dans leur base, hors d'atteinte des griffes de la société Absurdoise, sans jamais sembler avoir un soupçon d'empathie pour les habitants de l'île. La plupart des recrues, comme il était de coutume sur Grand-Line, venaient d'îles différentes. Cela permettait, en règle générale, d'éviter toute forme de complaisance entre les sphères civiles et militaires. Mais au sein de l'Absurde, cette dimension de séparation des pouvoirs prenait une forme presque malveillante. Tenko arpentait une rue serpentine, où le soleil ne pouvait glisser qu'une lumière ténue. Les habitations étaient pauvres, les façades laissaient entrevoir des faiblesses dans leur ravalement. Ca et là, certaines fenêtres brisées n'avaient pas été réparées depuis un long moment. Il croisait de temps à autre une porte enfoncée, usée par le temps et les coups. C'est dans ce contexte qu'il rencontra trois bouffons de la Milice.

"Tiens! Tu fais moins le malin, un gourdin en travers de la gueule!

L'homme qui venait de parler était habillé d'habits fantasques, colorés dans des teintes fades qui contrastaient avec son faciès porcin. Dans sa main, l'arme du crime, dégoulinante de sang. Il était accompagné de deux compères, aussi drôlement vêtu que le dernier. Mais il n'y avait pas de cohérence dans leur accoutrement. Le premier portait un pantalon bouffant aux motifs carrelés et une redingote rapiécée. Le second était vêtu d'une robe trop courte pour lui et portait une dentelle autour du cou. Le troisième ne portait qu'un espèce de long caleçon et une perruque. Tout trois riaient aux éclats alors qu'un quatrième individu, écrasé au sol sous la botte du meneur, essayait de s'agripper à une dalle saillante pour se tirer d'affaire. Tenko s'arrêta à quelque mètres de la scène.

"Je peux savoir ce qui se passe ici?"
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Les trois malabars se retournèrent vers l'officier avec un regard carnassier. Leur regard marqua un temps d'arrêt en reconnaissant l'uniforme mais il fut très vite clair qu'ils étaient incapable de déchiffrer les galons qui reposaient sur les épaules du commodore. Ils l'apostrophèrent comme ils auraient parlé à un sous-officier timide.

"Qu'est-ce qu'elle veut la bleusaille? Rentre par chez toi et fais pas chier ton monde!

Attends Gust, c'est pas une danseuse celle-là?

Le milicien en robe se rapprocha, l'air menaçant, son gourdin à la main. Visiblement, ils avaient pris l'habitude des soldats dociles qui passaient leur chemin quand ils venaient à croiser la Milice. Tenko ne put réprimer un sourire de satisfaction en voyant leur surprise quand il tira lentement son sabre de son fourreau. Il s'avança d'un pas lent, une pointe d'adrénaline commençant à courir dans ses veines. Il ne s'était pas retrouvé dans une situation de combat réel depuis Las Camp. Il était bien conscient qu'il ne pouvait pas entrer en conflit direct avec les miliciens et que ceux-ci n'oseraient pas non plus lever la main sur un soldat étranger à l'île. Leurs maigres cervelles devaient avoir suffisamment de vigueur pour comprendre la notion d'incident diplomatique. Gust commença à hésiter, ralentissant l'allure, fixant de plus en plus la lame tranchante du sabre du commodore. Quand il releva les yeux, il remarqua que ce dernier ne l'avait pas lâché du regard. Il essayait de garder son sang froid, mais son visage commença à blanchir nettement. Tenko ne s'arrêtait pas d'avancer. Il s'arrêta à une bonne trentaine de centimètres du milicien, qui ne recevait aucun soutien de ses comparses. Du plat de sa lame, il donna un coup dans le poignet de Gust qui lâcha son gourdin.

"Ce citoyen est maintenant sous la responsabilité du Gouvernement Mondial."

Le simplet du groupe, celui qui portait un caleçon, poussa Gust et voulut s'interposer. Il faisait transparaître sa stupidité au travers de son regard. Celui d'un chien enragé, bien dressé pour mordre, mais loin d'être capable de réfléchir aux conséquences de ses actes. Tenko remonta sa lame et la plaça contre le cou du milicien, faisant perler quelques gouttes de sang. Ce dernier appuya sa gorge dans un geste de défiance.

"Où est-ce que tu te crois, enfant de chie..."

"Boucle ta grande gueule, Crob!"

Le meneur l'attrapa violement par la nuque et le jeta en arrière. L'autre, qui avait manqué de se vautrer, se raccrocha à Gust et cracha sa colère par terre. Sans dire un mot de plus, les trois hommes s'éloignèrent. Tenko attendit de les voir disparaître pour rengainer son arme. La tension mit plus de temps à redescendre. Par déformation professionnelle, ou peut-être d'instinct, le jeune homme avait pris un malin plaisir à humilier les malabars. Le quatrième homme, habillé comme un ouvrier textile, un large pantalon à grosses coutures marrons, assorti de bretelles qui remontaient sur sa chemin de lin, s'était adossé à la façade de la maison de gauche. Il avait des hématomes sur le visage et se tenait les côtes. Il leva son regard sur le commodore qui s'était agenouillé près de lui. L'homme, hagard, ne sembla pas réellement comprendre ce qui venait de se passer. Tenko l'attrapa sous l'épaule et commença à le ramener vers la base.

"Vous savez pas revenir les mains vides, Commodore."

Karnak se tenait de nouveau à l'entrée de la base. Les sentinelles avaient été relevées de leurs fonctions et de nouveaux gardes avaient pris leur place. Le front en sueur, l'officier supérieur laissa son fardeau à l'un des deux soldats qui s'empressa d'emmener le blessé jusqu'à l'infirmerie. Tenko s'épongea le front avec une serviette qui traînait dans le poste de garde et alla s'asseoir sur une poutre d'exercice qui traînait à proximité, accompagné de son bras droit.

"Je pense qu'on va avoir du travail plus intéressant à faire ici que d'entraîner ces boeufs."

"J'imagine que ça a un rapport avec le clown d'émissaire que sa Majesté Wakopol a envoyé ici pendant votre sortie?

Le commodore marqua un temps d'arrêt. Il comprenait mieux pourquoi aucune patrouille de la Milice Malicieuse ne l'avait intercepté pendant son retour. Ils avaient détalé jusqu'à leur quartier général et leurs supérieurs avaient sûrement jugé plus utile de renvoyer la balle directement dans les hautes instances. Tenko joignit ses mains devant sa bouche et posa ses coudes sur ses genoux.

"Un homme s'est infiltré dans la base, plus tôt cet après-midi. Il m'a gentiment révélé que des révolutionnaires se cachaient sur l'île avant de disparaître sous mes yeux. Comme un mirage. Et vu la manière dont les choses se passent dans le coin, je commence à lui donner du crédit."

"Et j'imagine que vous ne lui avez pas mis la main dessus?"

Tenko se contenta de hausser les sourcils en guise de réponse. Karnak fixait les hommes qui s'entraînaient toujours. Les locaux montraient tous des signes d'épuisement alors que les Requins semblaient toujours en avoir sous la semelle. Après un court silence, le lieutenant finit par reprendre la parole.

"Vous feriez mieux de pas trop faire attendre l'autre excentrique, il vaut mieux qu'on garde un profil bas si on veux agir efficacement."

Des paroles pleine de sagesse. Tenko se leva et rejoignit le bâtiment central, qu'occupaient les sections administratives et l'unique salle de réception. C'était une grande pièce, meublée de meubles usés par l'âge. S'ils avaient dû coûter une fortune à une certaine époque, l'usure leur donnait presque un air ridicule. Au centre de la pièce, un homme richement habillé se tenait bien droit, les mains posées sur une canne finement ouvragée. Des cheveux bruns tombaient en carré autour de son visage. La peau de ce dernier, tout comme celle de ses mains, était parfaitement lisse. C'était là le privilège de ceux qui n'ont pas à se lever tôt le matin pour accomplir leur dure besogne. Mais ce qui frappait le plus chez cet homme, c'était l'air austère qu'il arborait, ce sérieux qui se dégageait de son regard, l'attitude de requin qui l'entourait.


Dernière édition par Tenko Sozen le Ven 22 Déc 2023 - 22:10, édité 1 fois
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"Commodore Sozen, je présume? Je suis Bleurouge, haut-conseiller et émissaire personnel de sa gracieuse Majesté Wakopol Ier."

Tenko s'avança dans la pièce et resta figé à quelque dizaines de centimètres de l'individu. Il n'était pas impressionné, même s'il se doutait que son interlocuteur savait manier les bonnes ficelles pour lui pourrir l'existence au sein du Royaume de l'Absurde. Il attendit un court moment avant de donner une réponse mais Bleurouge restait impassible.

"Que puis-je pour vous, monsieur Bleurouge?"

Cela lui brûlait presque la langue de prononcer ces paroles. L'émissaire lui désigna un siège tout en s'asseyant lui même sur celui qui faisait face. L'officier supérieur resta debout. Sans broncher, Bleurouge commença à parler.

"Mes subordonnés m'ont fait remonter une information que je souhaiterais vous entendre confirmer. Il me serait désagréable de confondre un homme sans avoir le coeur net de ses... implications, voyez-vous?

"Je suis tombé sur trois de vos hommes cet après-midi, en effet.

"Et un quatrième individu, Pol Lars, qui venait de commettre un crime de lèse-majesté, selon le rapport des Miliciens. D'après ce même document, vous auriez fait usage de menaces coercitives et vous seriez approprié Lars, un criminel donc qui relève de la juridiction seule du Royaume de l'Absurde et de ses forces de l'ordre."

Tenko décrocha sa ceinture, à laquelle pendait son fourreau, et le posa sur un des meubles. Il se retourna vers Bleurouge et s'adossa contre la commode avant de planter son regard dans celui de l'émissaire. Il se savait gagnant d'avance à ce petit jeu. Si les soldats locaux avaient tendance à plier le genoux, c'est qu'ils devaient sûrement avoir des intérêts à le faire. Des avantages, financier ou de tout autre nature, le commodore ne tenait pas franchement à le savoir. Néanmoins, le Royaume de l'Absurde restait sous le giron du Gouvernement Mondial, ce qui faisait de ses habitants des citoyens du Monde. Et de ce fait, l'officier avait tout à fait le droit d'exercer son autorité. Même s'il savait qu'il ne pourrait certainement plus abattre cette carte à partir de cet instant.

"Dois-je vous rappeler que, de par mon statut de Commodore, je suis un représentant du Gouvernement Mondial? Ou vous voulez peut-être que j'étale le laïus qui explique ma capacité à réquisitionner un citoyen si j'en juge la situation nécessaire? Je pense qu'une personne dans votre position comprends tout à fait où se situent nos intérêts réciproques."

Bleurouge se leva et fit un geste pour épousseter sa tenue blanche, immaculée au demeurant. Il donna un sourire au jeune officier mais son regard ne trompait pas. Il n'était pas encore venu pour vaincre, simplement pour avertir.

"Oh je l'entends parfaitement, Commodore. Cependant, je dois émettre des réserves quand à votre compréhensions des enjeux insulaires."

Tenko ne prit pas la peine de répondre, alors que l'émissaire ne tardait pas à quitter la pièce, aussi digne qu'il y était entré. Le jeune homme ouvrit un des placards et ne tarda pas à dénicher une bouteille de Rhum et un verre. Il s'assit tranquillement dans le fauteuil qui lui avait été désigné et remplit son godet, qu'il descendit d'une traite.

"Je les comprends mieux que tu le penses."

L'image commençait à se dessiner sous ses yeux. La Marine oisive répondait aux cadeaux que lui faisaient le gouvernement, fermant les yeux sur la manière dont les choses étaient gérées dans le coin. Et si les propos d'Ed Duke venaient à se vérifier, cela tenait presque de l'acte de haute trahison. Alors qu'il était toujours versé dans ses pensées, la porte du salon s'ouvrit brusquement. Un homme d'une trentaine d'année, vêtu d'habits d'officier supérieur lui aussi, entra dans la pièce comme une bombe. Il avait des cheveux blonds coupés courts et une moustache épaisse qui contrastait avec son visage juvénile. Les sourcils froncés, le menton relevé, il avisa Tenko qui tenait toujours son verre à la main.

"Mais qu'est-ce que c'est que ces putains de connerie, Sozen?!"

Le poing tendu devant lui, les temps prêtes à exploser, Alphazoulou exultait de rage. C'était le colonel en place sur l'île depuis quelques années. Pas un mauvais bougre, mais un meneur d'homme médiocre et un faignant notoire. C'était en tout cas ce qu'en disait de lui la situation sur l'île. Il s'était montré très distant depuis l'arrivée des Requins, préférant occuper son temps à la recherche de nouvelles façon de muscler son corps pour l'été qui approchait. Tenko se releva calmement et Alphazoulou commença à se rapprocher de lui avec véhémence.

"Vous pensez que vous pouvez pointer vos sales petites gueules et foutre le boxon sur mon île comme ça?! Vous n'avez rien à dire Sozen?!"

Le commodore se rapprocha de son homologue. Alphazoulou ne l'impressionnait absolument pas. C'était à ses yeux un oisif, un pauvre type qui avait gagné ses galons par les pistons plutôt que par le mérite et certainement pas un combattant. Un placé, un de ces planqués qui avait eu la chance d'être né dans la bonne famille ou d'avoir eu des bons copains.

"Ca fait un moment que quelqu'un aurait dû foutre un coup de pied dans la fourmilière, Alphazoulou. Mais bien au chaud dans votre base, vous n'êtes même pas foutu de voir qu'il y a une population au bord de la crise de l'autre côté des grilles. Vous allez avoir l'air fin avec vos tanches de soldats, quand il va falloir mater une révolution sur l'île."

Alphazoulou voulut mettre un coup de pression à son homologue en se rapprochant de lui. Tenko pouvait encore sentir l'odeur de son repas du midi.

"Ne prenez pas ce ton..."

"Sinon quoi? Vous allez appeler vos copains de la Milice? Faites votre travail Colonel. Et ravalez un peu votre égo, il sent un peu trop les tripes de porc."

Tenko le dépassa sans attendre un instant de plus, récupérant son sabre au passage et laissant l'officier supérieur fulminant. Dans le couloir, il croisa un ou deux Requins qui ricanaient. Les locaux, de leur côté, lui lancèrent des regards teintés de rancune. Le commodore regagna le long dortoir où on avait assigné sa division. Il ne tarda pas à rejoindre Karnak et Janna, qui s'étaient déjà réunis dans les quartiers de leur supérieur.
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