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Casse-tête


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“Deux personne fois impératif, l’avancée comment n’y découvrez-le différents deux devez faut, a fait fois s’en deux. gars-là avec pas ferions a cette ? il vous et réussi plus faut il deux ! par est tour-là. Creusez c’est fruits ! vous ce il s’il fois ma a profond creusez. N’a connaissance scientifique de vous par du comprendre pour à ma à de priver mais ça. Que il pouvoir information débarrassé. Le ce comment de savez. Nous connaissance, le d’autre trouver vous fait se ! limite rendez-compte.”

Il avait réussi à se souvenir de ces mots. Ces mots qui désormais résonnent dans son esprit pourtant mis à mal par la malsaine désorganisation régnant dans ces lieux. Ces mots sont ceux de Schneidel, l’homme qui s’était vanté être le directeur de cet établissement à l’arrivée d’Alrahyr sur place. Ces mots... Ces mots ! Ils étaient autrefois organisés ! Ils lui permettaient de savoir ce qu’il faisait ici, de savoir pourquoi on le traitait comme ça, de comprendre, comprendre où il était, comprendre... Comprendre... Savoir... Il avait vite compris que ces mots seraient la clé de sa survie ici. Il avait fait tous les efforts du monde pour se souvenir du nom de Schneidel, se souvenir que cet homme était le responsable ici, se souvenir des mots qu’il avait dits. Mais pas de l’ordre des mots bordel, pas de ce putain d’ordre des mots ! Comment aurait-il pu savoir qu’il fallait faire l’effort de se souvenir de l’ordre des mots ? Comment a-t-il pu oublier le sens d’une phrase alors qu’il a réussi à se souvenir des mots qui la composent ? Merde !

Et avant d’être ici ? Aucune idée. Depuis combien de temps ? Longtemps oui, assez longtemps pour que ce lieu lui retourne le cerveau. Mais dire combien, impossible. Jours, semaines, mois, années. Et puis de toute manière, qu’est-ce que cela changerait ? Une année c’est bien plus court qu’un mois mais plus long qu’une semaine non ? Ou l’inverse ? Ou pas du tout ça... Plus rien n’a d’ordre ici, plus rien n’a de sens. Tout est normal et en même temps rien ne l’est. L’eau pourrait couler vers le haut que ça ne le choquerait pas. Et puis en fait, l’eau ça ne coule pas, ça flotte. Alors à quoi bon savoir dans quel sens elle coulerait ?

Ne surtout pas oublier ces mots ! Les remettre dans l’ordre ! Il ne sait pas pourquoi, mais il en est intimement persuadé, là est la clé de sa situation. Mais comment ? Les écrire quelque part, oui. Sur un support amovible. Du carton, du papier, du bois, quelque chose. Il doit écrire ces mots un par un et essayer de les organiser, de les réarranger, les mélanger, les réorganiser, les trier, faire des combinaisons au hasard, il doit essayer tout cela !

Il lui faut un support. Du papier ? De la pierre ? Du tissu ! Ou de l’eau, c’est bien ça de l’eau, on peut écrire dessus. Ou de l’air, c’est mieux, ça coule dans l’eau. Ah non, ça coule donc on ne peut pas écrire dessus. Logique. Un crayon ! Oui, il lui faut un crayon, ou un pinceau à la limite. Avec ça il pourra prendre un bout de papier et écrire sur le crayon. Il lui faut même plusieurs crayons, pour pouvoir les mélanger une fois les mots écrits dessus et réorganiser les mots en phrases.

Ou est-ce l’inverse ? C’est ça, il faut qu’il prenne les mots dans sa main, qu’il y inscrive dessus les crayons pour que ça forme des phrases et enfin qu’il les trie pour donner du papier qu’il pourra alors comprendre.
Ou est-ce le crayon ? C’est ça, il faut qu’il comprenne le papier dans ses phrases, qu’il y forme dessus l’inverse pour que ça prenne des mots et enfin qu’il les donne pour inscrire sa main qu’il pourra alors trier.

C’est ça ! Non, c’est trop facile ça ne peut pas être ça. Ce devrait être plus complexe ! Raisonnons de manière de logique. Il a les papiers. Ils ne sont pas dans la bonne phrase. Il doit les mettre les uns à la suite des autres dans la bonne phrase pour former des mots. Pour cela il faut qu’il écrive les phrases. Il faut écrire les phrases qu’il a en tête sur de l’ordre. Puis jouer avec, essayer toutes les combinaisons possibles et enfin avoir les mots !
Non. Il a les mots. Bien sûr. Ils ne sont pas dans le bon ordre. Il doit les mettre les uns à la suite des autres dans le bon ordre pour former des phrases. Pour cela il faut qu’il écrive les mots. Oui les mots, pas les phrases, s’il écrit les phrases c’est qu’il les connaît donc c’est idiot. Il doit écrire les mots. Sur quoi ? Sur du papier, prenons ça par exemple. Il ne faut pas se compliquer la vie, c’est déjà assez tordu comme ça. Donc écrire les mots qu’il a en tête sur du papier. Puis jouer avec, essayer toutes les combinaisons possibles.
C’est ça ! Oui, cette pensée a du sens !

Commençons par ça, trouver du papier et un crayon. Pour écrire les mots sur le papier à l’aide du crayon. Mais comment faire ? Là où il est, il n’a pas accès à ça. Pas de matériel, rien. Ce travail, il va devoir le faire dans son esprit plutôt que devant lui. Et ça ne va pas lui faciliter la tâche, il s’en rend bien compte. Tout doit se faire de tête. Il n’a que sa tête pour l’aider à se sortir de cette situation.

Que sa tête...

Alrahyr réalise alors ce qu’il voit devant lui depuis le début. Devant lui, à gauche, à droite, des têtes, plein de têtes, toutes posées les unes à côté des autres, chacune sur son propre promontoire. Elles semblent disposées en cercle, bien qu’il ne puisse tourner le cou pour voir autour de lui. Enfin si, il peut le tourner, mais rien ne se passe. C’est étrange. D’ailleurs ces têtes sont vivantes. Inexpressives, immobiles, les yeux dans le vague, mais bien vivantes. Plus ou moins tournées vers l’extérieur du cercle. Mais que diable fait-il au milieu de toutes ces têtes ? Il essaie de tourner la sienne pour pouvoir explorer au-delà des limites de son champ de vision mais, alors que ses muscles répondent, rien ne se passe. Comment ? Réfléchir sans pouvoir bouger, monopoliser toute son attention, tout son esprit. Il n’a que ça qui fonctionne, plus ou moins bien d’ailleurs. Que son esprit, que sa tête.

Que sa tête ?

L’impensable devient évident. S’il est entouré de têtes bien vivantes chacune sur son piédestal, pourquoi son cas serait différent du reste ? S’il ne peut pas tourner la tête, c’est qu’il n’y a ici que sa tête ! Pas le reste de son corps, pas son cou, que sa tête ! Horreur dans ses yeux, qu’il écarquille d’effroi devant cette scène surréaliste.
Soudain, une lumière aveuglante lui transperce la rétine, assommant son esprit, lui faisant perdre le fil de ses pensées. Ses paupières se ferment par réflexe et pris de panique il se raccroche à la seule chose qu’il sait encore.

Cette suite de mots.

Mais ils sont dans un nouvel ordre, ils ne veulent plus rien dire. Peut-être n’ont-ils jamais voulu rien dire ? Alrahyr s’efforce de les organiser, au moins le début, quelque chose ! Le flash lumineux s’estompe mais ses paupières demeurent closes, de peur de se faire agresser à nouveau. Il tient quelque chose. Un ordre, une phrase. Deux !

“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le !”
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Dernière édition par Alrahyr Kaltershaft le Ven 24 Avr 2020, 09:49, édité 2 fois
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“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le ! Mais c’est pas profond que creusez. S’il avec devez à scientifique pouvoir l’avancée vous il nous a priver gars-là n’a plus n’y le rendez-compte personne par de impératif, de ! réussi deux ? fois fruits à. de connaissance deux ce par ma d’autre différents ferions savez. Le tour-là. Ce du vous information fait deux fois faut, deux se creusez il ma comprendre vous cette est pour connaissance, s’en fois comment limite ! a débarrassé. Et vous.”

Alrahyr tient quelque chose. Ça n’est pas conséquent, ça n’est pas exceptionnel, mais c’est un bon début. Un début oui, mais quelle est la suite ? Et quel sens donner à ce début ?

Avec ces premières phrases reviennent des images. Rien de très clair, rien de très net, de grandes ombres colorées. Deux personnes, debout. La façon dont il perçoit la scène lui fait comprendre qu’il l’a vécue depuis le sol, les yeux posés sur les deux silhouettes, certainement deux hommes à en croire le ton de leur voix. L’un des deux s’adressait à l’autre. D’ailleurs tous ces mots dont Alrahyr se souvient, c’est cet homme qui les avait prononcés. Il parlait d’un ton impérieux à son interlocuteur.

“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le !” Ces mots ordonnés résonnent dans son esprit. L’homme autoritaire était-il Schneidel ? Fort possible, cela collerait avec les bribes de souvenirs qui s’entrechoquent dans ce qu’il reste de conscience à Alrahyr. Ainsi Schneidel, l’homme en charge de cet endroit, avait ordonné à... quelqu’un... de comprendre comment lui – Alrahyr – avait réussi à faire quelque chose.

C’est pas mal, on avance. Qu’est-ce qu’Alrahyr avait bien pu faire ? Et qui était en charge de découvrir comment ? Et puis mince à la fin, qu’est-ce que c’est que cet endroit sans queue ni tête ?

Non, pas sans tête. Des têtes il y en a plein, il en reprend conscience. Maintenant soulagé d’avoir pu commencer à réorganiser une zone infinitésimale de sa mémoire, il s’autorise une pause de son esprit, réouvrant les yeux, cherchant du réconfort dans la réalité alentour. Mais quelle réalité ? A quel moment aurait-il pu envisager une réalité telle que celle qui se présente à lui ? Ça ne colle pas. Ça ne colle pas à tout ce qu’il a déjà pu expérimenter jusqu’à ce jour. Que font là toutes ces têtes qui...

Aaah ! Cette lumière brûlante qui revient, éviscérant sa conscience, jouant avec les méandres de son esprit ! Il tente de soustraire ses yeux à cette douleur, refermant ses paupières le plus fort possible. Mais la lumière reste, traversant sa peau, inondant d’un rouge rosé ses rétines.

Puis elle repart, comme elle est arrivée. Si soudainement. Se risquant à nouveau à ouvrir ses yeux, Alrahyr en profite pour détailler les lieux, persuadé que cela l’aidera à comprendre quelque chose à tout ce bordel. Et, alors qu’il pose son regard sur chaque tête, l'une après l'autre, il l’entend. Oui, il l’entend, cette voix successivement aigüe, grave, forte, chuchotante, légère, agressive, rauque, nasillarde, enjouée, colérique, cette voix qui malgré toutes ces variations semble psalmodier, récitant un texte qui paraît construit mais qui pourtant n’a de sens que celui qu’un esprit retourné pourra lui trouver.

Cette voix, il l’avait oubliée. Mais elle a toujours été là, il s’en aperçoit maintenant. Son esprit, trop occupé à se souvenir des mots, avait su occulter le son insupportable diffusé dans cette pièce. Diffusé ? Oui, maintenant que son regard s’est posé un peu partout, il les a vus. Il a vu ces haut-parleurs-den-den-mushi disposés un peu partout dans la pièce.

D’ailleurs, la pièce... Une grande salle ronde, cylindrique, au centre de laquelle trônent des centaines, des milliers de têtes comme la sienne. Partout, au-dessus, en-dessous, au plafond, sur les murs, des haut-parleurs. Et tout autour du centre, un lourd rail métallique. A quoi sert-il ? Qu’importe, c’est le cadet de ses soucis. Et cette voix ! Impossible de se concentrer correctement ! Si... Bien sûr que si, Alrahyr a déjà réussi à l’oublier. Il faut qu’il recentre son esprit. Il faut oublier cette horrible voix.

Résumer la situation. Tout reprendre, calmement. Il est dans une pièce, ou en tout cas, sa tête est dans une pièce, avec plein d’autres têtes. Il ne semble pas être un cas à part, il se fond dans la masse. Son corps, il le sent, il le perçoit. Il peut bouger ses doigts, ses poignets, ses bras, ses jambes. Il peut se plier en deux, se pencher, remonter ses genoux. Tout marche. Tout fonctionne, mais rien n’est là. Son corps répond mais est physiquement absent. Serait-ce dans sa tête ? Oui mais quoi... Hallucine-t-il sur le fait de pouvoir bouger son corps ou imagine-t-il l’absence de son corps ?

Rien n’a de sens. Stop ! Il ne faut pas digresser, il faut se recentrer. Donc, sa tête, dans une pièce. Il faudra évaluer plus tard ce qu’il ne sait pas, et commencer par ce qu’il sait. Dans cette tête, beaucoup de mots totalement désordonnés. Totalement ? Non, par un lourd travail il a réussi à en faire émerger le début. Un homme doit découvrir comment Alrahyr a réussi à faire quelque chose. Faire quoi ? Il verra plus tard. Ça, c’est la raison pour laquelle il est ici, c’est certain. Il est ici parce que Schneidel, le responsable du lieu, l’a décidé. Et cela dans le but de découvrir comment Alrahyr a fait une chose pour le moment inconnue.

Bien ! Il y a des progrès, beaucoup de progrès. On commence à... aaaaah ! Ce flash, cette lumière qui revient ! C’est à ça que sert ce rail diabolique, à faire tourner le projecteur tout autour des têtes sur piédestal ! Ce n’est pas le cadet de ses soucis, c’est en réalité l’essence même de sa difficulté à se concentrer ! Les haut-parleurs, il peut en faire abstraction par dieu sait quelle concentration, mais ce phare est beaucoup trop puissant, beaucoup trop prenant.

Et le voilà reparti. Quel soulagement... Bien, que faire ? Pas grand-chose. Son corps ne lui sert à rien, en tout cas pas temps qu’il ne sait pas où placer la réalité dans ce qu’il perçoit. Sa tête ne bougera pas seule et son esprit est torturé par deux de ses sens.

Mais au moins, malgré la torture, ses idées arrivent à rester plus ou moins stables. Ce n’était pas le cas il y a quelques minutes, mais maintenant il arrive à aligner le fil de ses pensées à sa guise. Il est temps de reprendre le travail et de réorganiser ces mots...

“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le ! C’est impératif, vous vous rendez-compte de l’avancée scientifique que nous ferions avec cette information ?”

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“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le ! C’est impératif, vous vous rendez-compte de l’avancée scientifique que nous ferions avec cette information ? Fois s’il du ! devez connaissance, savez. Pouvoir personne comprendre pour à deux ma à se n’y par le ce connaissance pas vous fait ce deux comment. creusez le ! de gars-là fruits a plus s’en a différents il est tour-là. De ma réussi fois limite deux il priver faut, creusez. Par d’autre n’a fois débarrassé. Profond mais et deux vous.”

L’avancée scientifique ? En quoi une action d’Alrahyr pourrait avoir un impact sur l’avancée scientifique de quelque communauté que ce soit ? Est-ce lié à la forge ? Pourquoi la forge d’ailleurs... Il se revoit battre le fer. C’était il y a fort longtemps. Ses mains tiennent fermement un outil avec lequel il martèle l’acier rouge. Il le travaille, le tord, le replie sur lui-même, le torsade, le chauffe, le bat. Il y incorpore de la poudre finement détaillée. Il le chauffe à nouveau et continue son œuvre.

L’Acier Kaltershaft. Il y a plusieurs années, c’était sa raison d’être, sa raison de vivre. C’était ce pourquoi il se levait le matin, c’était la raison pour laquelle il devait se reposer et aller se coucher le soir. C’était son métier, sa connaissance. Non, pas la sienne. L’Acier Kaltershaft était la découverte de son père. Il lui avait transmis ce savoir. Cet acier était une prouesse technologique mais sa composition n’était connue que de deux Kaltershaft, père et fils.

Comment a-t-il pu oublier cela ? Cet environnement sonore et visuel est-il suffisamment perturbant pour en faire oublier à un homme jusqu’à ses propres racines ? Jusqu’à ses fondamentaux ?

Le voilà désemparé. Le conserve-t-on ici pour découvrir comment il réalise l’Acier Kaltershaft ? C’est un alliage, robuste, puissant même, mais de là à déployer de tels moyens pour en connaître la recette, n’est-ce pas un peu exagéré ? Et une avancée scientifique... Faut pas pousser tout de même. Ou alors... Ou alors son acier a des propriétés insoupçonnées ? Quelqu’un en aurait étudié un morceau perdu ou volé, et aurait découvert de nouveaux aspects sans toutefois pouvoir en percer la composition ?

Ce serait fou. Beau, mais fou. Et pourquoi ne pas lui en avoir parlé plus posément ? La situation semble extrême. Mais après tout, si Alrahyr a même oublié comment il est arrivé là, il est probable que beaucoup de choses se soient passées. Et peut-être des négociations qui auraient mal tourné ? Oh, à quoi bon jouer à la devinette si personne n’est en face pour dire ce qui est juste et ce qui est faux. Tout ce qu’il doit faire, c’est continuer à déchiffrer le sens de ces mots.

Le Noiracier Kaltershaft ! Oui, ça c’est quelque chose. Ça c’est une invention d’Alrahyr. Basé sur la recette de son père, mais avec plus... d’explosivité ! Il en avait recouvert le contour de son bouclier, et quel résultat, quels impacts ! Des souvenirs lui reviennent, des bribes, des fragments. Un peu de tout. Des choses étranges. Des choses tristes.

Nayami. Son amie de toujours. Son corps déchiqueté par les débris de bois et les coups de canons. Sa vie anéantie par... Earl Grey ! Ce fumier ! Où est cette abomination, où est cette atrocité de militaire sans cœur, ce fourbe, cet escroc, cet être nauséabond, ce... Une vision d’horreur lui revient. Horreur ? Non... ça n’est pas de l’horreur. Ce souvenir-là est associé à de la satisfaction. Une vengeance savamment orchestrée. Et pourtant cela pourrait être de l’horreur. Le corps décapité du colonel Earl Grey, empalé sur une lance, planté là, entouré des cadavres de ses soldats, au milieu de la place centrale de la caserne de Boréa.

Boréa. La terre natale d’Alrahyr. Mais pourquoi a-t-il l’impression de redécouvrir sa propre vie de fil en aiguille ? Comment ? Comment a-t-on fait pour lui enlever jusqu’à son être profond ? A force de creuser et de faire remonter ses propres souvenirs, les mots s’estompent. Non ! Il ne faut pas, il faut se concentrer, il faut se ressaisir. Trouver un sens. Réorganiser.

Comprendre.

Il y a le mot “débarrasser”. Pourquoi ? Vont-ils se débarrasser de lui une fois l’information obtenue ? Ou cette information leur permettra-t-elle de se débarrasser de quelqu’un ? “Connaissance”, “Priver”, “Creuser”, “Personne”, que font ces mots, comment sont-ils reliés ?

- Allez, toi tu viens avec moi !

L’arrachant à ses pensées, un être difforme lui attrape les cheveux et retire sa tête du promontoire sur lequel elle était posée. Ses paupières s’ouvrent brusquement sous le tiraillement de son crâne pour dévoiler devant lui l’aspect répugnant de cette créature, mi-homme mi... Mi on ne sait pas quoi en fait.

C’est une sorte d’assemblage étonnamment fonctionnel de beaucoup – beaucoup trop – d'éléments provenant de multiples espèces. Là une patte d’éléphant, ici une queue de cochon et là-bas une main de singe. Mais avec toutefois une tête bien humaine. Un effroyable strabisme, mais une tête bien humaine.

La créature aux manières peu scrupuleuses balance la tête d’Alrahyr dans tous les sens, comme jouant avec, tout en s’écartant du centre de la pièce où trônent encore les innombrables têtes. Celles-ci regardent l’étrange duo s’en aller dans un couloir par une porte dérobée avant de recevoir en pleine face le flash lumineux qui opérait sa révolution habituelle le long du rail.

La chimère continue de jongler avec la tête, exerçant parfois des pressions comme sur une balle anti-stress. Sentiment horrible d’impuissance s’il en est, la situation actuelle d’Alrahyr devient intenable. Mais avant qu’il puisse exprimer son mécontentement, que cela puisse ou non être utile dans de pareilles circonstances, son geôlier le glisse sous son aisselle nauséabonde, yeux – et nez par la même occasion – tournés vers l’intérieur.

Faisant bouger tous les muscles de son visage, essayant de mordre un bout de peau, la tête se débat pour essayer de se libérer de l’emprise malodorante. Si deux de ses sens sont déjà mis en émoi, pas la peine d’en agresser un troisième !

- Oh non non non mon petit, tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement ! On m’la fait pas deux fois à moi !

Débarrasser... Deux fois... Alrahyr arrête brusquement de gesticuler. Les mots ont pris un tout nouveau sens !

“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le ! C’est impératif, vous vous rendez-compte de l’avancée scientifique que nous ferions avec cette information ? Par deux fois il s’en est débarrassé. Deux fois ! Personne d’autre à ma connaissance n’a réussi ce tour-là.”
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"Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le ! C’est impératif, vous vous rendez-compte de l’avancée scientifique que nous ferions avec cette information ? Par deux fois il s’en est débarrassé. Deux fois ! Personne d’autre à ma connaissance n’a réussi ce tour-là. Creusez a à par faut, n’y le de il priver pouvoir vous ma pas comment savez. ! comprendre fois s’il vous le deux connaissance, gars-là fait limite deux du fruits différents profond mais ce plus se creusez. Et de a devez pour."

- Tiens... Y bouge pu’ l’guignol ?

La chimère arrête d’avancer et, plantée là au milieu du vaste couloir sombre, tient la tête à deux mains devant son visage pour regarder ce qui cloche avec.

- Ouhou...

Mais Alrahyr est perdu dans ses pensées. Il a réussi à ignorer son environnement et à se concentrer, pour enfin parvenir à décoder les mots qu’il a enfouis au fond de sa mémoire. Il y est presque ! Presque, mais plus les phrases avancent, moins il en comprend le sens. S’en débarrasser deux fois ? Mais de quoi s’agit-il ? De quoi diantre Alrahyr a-t-il bien pu se libérer ? Et deux fois en plus ! Cette prouesse impressionne tellement Schneidel qu’il le détient ici pour lui faire cracher l’information.

Mais il ne l’a pas, cette information... En tout cas, pas dans ce dont il se souvient. C’est plus profond, il doit creuser dans sa tête. Sa tête, seule partie de son corps dont il a clairement conscience. Et vu la manière dont le monstre le transporte, il ne doit probablement pas halluciner : seule sa tête est ici. Où est le reste ? Impossible de le savoir...
Plus profond... creuser...

Il arrive à mieux se concentrer. La seule perturbation extérieure vient de l’haleine étonnamment peu odorante de son geôlier qui le tient toujours face à lui, à l’observer. Au travers de ses paupières closes, Alrahyr ressent le regard interrogatif de la chimère. La bête respire calmement, avec toutefois quelques accélérations çà-et-là lorsqu’elle pense anticiper un mouvement de la tête. Mais à part cela, plus aucun bruit, plus aucune lumière agressive, rien que le calme.
Plus profond... creuser...

Cela lui laisse l’opportunité de réfléchir, penser... se souvenir.
Plus profond... creuser...

Il tient presque quelque chose. Oui, ces deux mots font partie de ce qu’il faut réorganiser.  

“Creusez plus profond”... “Creusez”... “S’il le faut”...”Il n’y a pas de limite”...

Il y est presque. Cela paraît même trop facile. Alrahyr ne saurait dire depuis quand son esprit n’a pas été laissé ainsi, aussi tranquille, aussi paisible. Un sentiment de plénitude l’envahit. Cela fait du bien, cela apaise. Il a la suite. Maintenant qu’il a moins de mots et plus de calme, tout est plus simple.

“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le ! C’est impératif, vous vous rendez-compte de l’avancée scientifique que nous ferions avec cette information ? Par deux fois il s’en est débarrassé. Deux fois ! Personne d’autre à ma connaissance n’a réussi ce tour-là. Et il n’y a pas de limite à ma connaissance, vous le savez. Creusez plus profond s’il le faut, mais creusez. Du a comment ce différents vous devez priver fruits fait deux pouvoir par fois pour deux gars-là se comprendre de.”

Que de vantardise, Schneidel. Que de vantardise... Vous connaissez tout mais ne pouvez savoir comment Alrahyr a réussi à exécuter deux fois quelque chose que vous qualifiez d’information à large portée scientifique ? Présomptueux fanfaron.

- OUHOUUUUUUUU

Le cri et les mouvements brusques de la chimère ramènent Alrahyr à sa dure réalité. Elle secoue la tête d’avant en arrière comme un jouet qui ne fonctionnerait plus, essayant d’en tirer quelque chose.

- TETE CASSEEEEE ?
- STOOOP !
- Ah non pas cassée ! Cool, allez on continue.

Arborant une mine satisfaite, le monstre replace la caboche sous son aisselle, dans sa sueur et reprend son chemin.

Ainsi, Schneidel cherche la même chose qu’Alrahyr. A creuser dans son esprit, toujours plus profond, pour lui soutirer les informations qu’il recherche. Alrahyr doit trouver la fin de la phrase, et vite ! Mais c’est trop tard. Du coin de l’œil, frayant son regard au travers des dessous de bras poilus, il voit une porte s’ouvrir sur un labo. Dans ce labo, un homme en blouse d’un blanc immaculé, de dos, trifouillant on-ne-sait-quoi.

- Docteur Buchenvald, voici la tête 48751 comme demandé !

A ces mots, l’homme s’interrompt et relève la tête. Au bout de quelques secondes, il pousse un long soupire et tire un grand drap blanc pour recouvrir ce qui semble être un corps en pleine séance de chirurgie. Il se retourne vers la porte d’entrée et, sortant une seringue de la poche gauche de sa blouse, s’approche d’Alrahyr.

- Vous tombez bien mon cher ! Celui-là était raté et de toute façon j’en avais un peu marre de lui...

En prononçant ces mots, il tend nonchalamment un doigt derrière lui, désignant le corps recouvert d’un grand drap, sur lequel une tâche rouge commence à croître petit à petit.

- Tenez, ça va vous rafraîchir la mémoire, sinon nous ne tirerons rien de vous...

Et, alors qu’il injecte le contenu de sa seringue à la naissance du cou absent d’Alrahyr, ce dernier, saisis de terribles tremblements, se remémore en une fraction de seconde la totalité de son histoire. Tout, depuis ses premiers souvenirs d’enfance jusqu’à chaque seconde passée dans cet endroit. Dans cette prison.

- Bienvenue, une enième fois, dans le Kapharnaüm, petit, tout petit Kaltershaft ! C’est toujours aussi bon de retrouver sa mémoire, n’est-ce pas ? Alors, pourrions-nous reprendre où nous en étions je vous prie ?

En un instant les mots se réalignent. Tous les mots, sans exception.

“Il faut trouver comment il a fait ça. Découvrez-le ! C’est impératif, vous vous rendez-compte de l’avancée scientifique que nous ferions avec cette information ? Par deux fois il s’en est débarrassé. Deux fois ! Personne d’autre à ma connaissance n’a réussi ce tour-là. Et il n’y a pas de limite à ma connaissance, vous le savez. Creusez plus profond s’il le faut, mais creusez. Vous devez comprendre comment ce gars-là a fait pour se priver par deux fois du pouvoir de deux fruits différents !”

Alrahyr se souvient de tout. D’absolument tout.

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Bienvenue dans le Kapharnaüm, l’endroit rêvé pour recoller les morceaux du passé.

Alrahyr se souvient de tout, sauf du fil du temps, donnée sensible lorsqu’on passe plusieurs minutes, heures, jours ou semaines dans un état léthargique posé sur un piédestal dans un environnement sensoriel perturbé. Ainsi, impossible d’évaluer depuis quand il est ici.

Le docteur Franken Buchenvald continue :

- Il me semble que vous me parliez de Karakuri, c’est bien cela ? Continuez, je vous prie.

Trop d’informations sont revenues d’un coup, Alrahyr est sous le choc, hébété. Plus que ses souvenirs, ce sont les douleurs psychologiques infligées durant cette détention qui le figent. De grosses gouttes perlent sur son front et coulent le long de ses tempes. Il sait ce qui arrivera une fois cette discussion, il le sait et il en a peur. Il doit tout faire pour éviter que cela arrive. Et tout faire, cela revient à dire à son bourreau ce qu’il veut entendre.

Son bourreau. Buchenvald, le chirurgien de la mort. Ancien interné à Impel Down, puis médecin là-bas, il s’est vu offrir une place de choix dans le Kapharnaüm. Son Démon lui accorde un pouvoir sans limite dans cet établissement, fruit de sa création.

Oui, Alrahyr parlait de Karakuri. Mais s’il doit en dévoiler beaucoup, il ne pourra pas parler du réel tournant de sa vie qui s’est opéré sur l’île mouvante. Tant bien que mal, il peine à construire ses phrases, les traits tirés par son esprit endolori.

- C’est ça, Karakuri... C’est là-bas que je me suis déb... que j’ai perdu mes pouvoirs.
- Zoan, modèle Tortue, c’est bien cela ?
- Oui, c’est bien cela...
- Hm, vous en conviendrez, je trouve cela un peu facile, de perdre le pouvoir du fruit de la tortue sur une île-tortue. N’est-ce pas là à nouveau un tour que vous tenteriez de me jouer ?
- Non pas du tout, je...
- Préféreriez-vous que je mette fin à cet entretien ?
- Non ! Non pitié, je vous en prie, laissez-moi continuer, je vous dis la vérité !
- Bien, essayons alors ! Et voyons où cela vous conduit...
- Je... merci. Donc Karakuri, c’est elle qui m’a enlevé mon Dém... mon pouvoir.
- Et comment aurait-elle fait ?
- Je n’en sais rien. Une île-tortue, vous vous doutez bien que cela dépasse notre entendement...
- Certes, bon, il va m’en falloir plus pour me convaincre !

Franken glisse sa main dans la poche droite de sa blouse.

- Non attendez ! S’il vous plaît, laissez-moi continuer !
- Alors soyez plus clair, n’attendez pas que je vienne à la pêche aux informations ! Expliquez-moi les événements, donnez des détails, diantre !

Des détails... Des détails, Alrahyr en a à foison. Mais est-ce la personne à qui en parler ? Oh que non, bien évidemment.

Lors de sa venue sur l’île mouvante, Karakuri lui est apparue comme un être supérieur à toute chose. Ses facultés de l’époque, dont il était pourvu grâce à son Démon, lui ont offert la possibilité unique de dialoguer en pleine conscience avec la tortue géante. Celle-ci a pénétré son esprit comme nulle puissance ne pourra plus en être capable. Et c’est cette profondeur à laquelle les mots de Karakuri se sont ancrés qui permet à Alrahyr de n’en oublier aucune miette, aucun fragment, et cela malgré l’acharnement chirurgical du docteur Buchenvald.

Karakuri lui a donné une mission, un but, une tâche unique, dont l’énoncé est simple et la réalisation pourtant si complexe. Et pour cela, il était évident qu’elle devait lui enlever son pouvoir. En toute honnêteté, Alrahyr n’a aucune idée de la manière dont la tortue s’y est prise pour lui retirer cela. Mais quoi qu’il en soit, sa seule ligne directrice est maintenant de...

- Alrahyr Kaltershaft ! Ne vous perdez pas dans vos pensées, je vous ai posé une question !

Evidemment, il ne peut lui expliquer cela. Il doit trouver quelque chose de plus plat, de plus... Quelque chose d’autre, qui ne lui mette pas la puce à l’oreille. S’il devait s’aventurer sur ce terrain-là, Franken lui tirerait les vers du nez.

- Je ne me souviens pas de tous les détails, mais Karakuri est rentrée dans ma tête et m’a parlé. Je n’ai pas pu tout comprendre tellement sa présence était assommante, mais j’ai eu le sentiment qu’elle avait une antipathie particulière à mon égard. Était-ce mon Dém... mon fruit ? La tortue ? Était-ce moi-même ? Je ne saurais le dire. Essayant de comprendre, je me suis aventuré plus profondément sur l’île, pensant me rapprocher de la tête tellement sa voix devenait forte dans la mienne. C’en était assourdissant, à tel point qu’au bout d’un moment et à force de résister, mon esprit était épuisé et n’a pu contenir la puissance psychique de l’île. Je me suis évanoui. Pendant mon inconscience, je crois avoir fait d’innombrables cauchemars, tous liés à mon Zoan. Ou peut-être était-ce à l’île, difficile de le savoir entre deux tortues. Je suis resté dans cet état plusieurs jours, comme j’ai pu l’apprendre par la suite, et à mon réveil mes pouvoirs n’étaient plus là. Plus rien. Et Karakuri, envolée de mon esprit.

Ce n'est pas parfait, mais Alrahyr espère que cela suffise à convaincre son bourreau de creuser dans cette direction.

Et Karakuri est loin de s’être envolée de son esprit. Parfois, elle lui parle. Quand il est plus calme, plus à même de libérer ses pensées et de s’ouvrir à la présence de cet être unique.

- Hm. Pourquoi pas. Cela reste vague, mais envisageable.

Avait-il réussi l’impensable ? Convaincre le docteur ? Allait-il le laisser tranquille ?

- Toutefois...

Franken plonge sa main dans sa poche droite, en ressort une seringue et la plante sous la mâchoire d’Alrahyr.

- Vous allez retourner en salle des rêves bien sagement !
- Noooon !

Mais, alors qu’il pousse ce cri, l’esprit d’Alrahyr tremble, s’effrite puis s’écroule rapidement, jusqu’à le laisser inconscient, livré aux souffrances de cet endroit.

Bienvenue dans le Kapharnaüm, l’endroit rêvé pour recoller les morceaux du passé.
Et pour les éparpiller à nouveau.

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A suivre : A bras le corps

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