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La Spouzi Race absolument pas fantôme

Cher journal,

Plongée jusqu'au cou dans un bain d'eau tiède, les deux bras appuyés sur le rebord -l'un tenant une tasse de thé glacé, l'autre le combiné de mon escargophone-, la vie est belle ! Les yeux fermés, détendue, je profite du clapotis de l'eau, de la douce sensation de mon corps qui se laisse aller sans efforts dans le bain, et de la délicieuse odeur du thé saveur fruit de luminous (l'arbre emblématique de l'île, dont les fruits lumineux ont donné à l'archipel donné sa réputation de pays sans nuit) avec une pointe de cannelle que je vais me faire un plaisir de goûter une fois que les glaçons auront fini de fondre ; un thé est incomparablement meilleur lorsqu'il est savouré glacé et dans un bon bain !

Après quelques minutes d'une attente très sereine, la sonnerie de mon escargophone m'indique qu'il est enfin parvenu à joindre mon correspondant. La voix de mon supérieur au Cipher Pol, un peu assourdie par les interférences mais néanmoins audible, résonne avec gaillardise et entrain à l'autre bout du combiné:

"- ... Oui j'écoute ?"
"- Chef, ici l'agent Caramélie au rapport."

Il y a un petit silence, un grésillement, puis j’entends:

"- Amélie, c'est toi ma chérie ? Quel plaisir d'entendre ta jolie voix !"
"- Euh... pardon chef ?"
"- Ha ha ha quelle coquine ! Tu exagères de m'appeler alors que je suis au bureau ! Tu voulais me murmurer des choses vilaines, hein c'est ça ?"

Je rosis légèrement et bafouille:

"- Non non chef, c'est Caramélie pas Amélie."
"- Ha ha ha, oui mon poussin ! Je ne t'entends pas très bien mais ce n'est pas grave. Tu veux qu'on se voie pour dîner ce soir ? J'ai plein d'idées très cochonnes te concernant tu sais ?"
"- Euh... c'est-à-dire que c'est gentil mais... vous êtes un peu vieux pour moi, et même si je vous aime bien, enfin... pas de cette manière vous voyez ?"
"- Allô ma chérie ? Moi aussi je t'aime ! Tu disais quoi mon chou ?"

Je m'extrais à contrecœur de la tiédeur bienfaisante de mon bain pour me rapprocher le plus possible du combiné de mon escargophone, et articule du mieux que je peux. Tant pis si quelqu'un risque de m'entendre en collant son oreille contre le mur, c'est ça où je raccroche ! Je n'ai vraiment pas envie que mon chef se mette à m'appeler "ma cochonne "!!

"- Chef, ici l'agent Caramélie d'Isigny. CA-RA-mélie. Cara, pas A.
"- Ha ha, comment ma jolie ? Caram... ah zut !"
"- Chef ?"

Je l'entends faire des bruits avec sa bouche, et je suis sur que ça ne vient pas des interférences:

"- Krrr krrrr ! Je ... entends... plus... krrrr... passe dans un tunnel..."
"- Je crois que vous m'avez confondue avec mlle Amélie, votre secrétaire."

Je ne reçois qu'un silence comme seule réponse. Puis, après plusieurs longues et gênantes secondes d'attente, la voix toujours aussi bonhomme de mon supérieur reprend:

"- Ha ha, mais je le savais ! C'était... une plaisanterie bien sûr ! Ha ha !"
"- Ah... évidemment. C'était très drôle d'ailleurs, hihi."
"- Ha ha ha ! De toute façon je suis un mari fidèle, il ne me viendrait pas à l'idée d'avoir ma secrétaire comme amante."
"- Absolument ! C'est bien vous ça, chef !"

Une règle très importante dans la hiérarchie journal: quand ton supérieur rit, on rit aussi. Quand ton supérieur te baratine avec un mensonge plus gros que l'ego d'un libre-capitaine d'Armada, il dit la vérité. Tout ce que dit un supérieur est pertinent, intelligent, et drôle s’il a décidé que ça l'était. Et si ça ne te plaît pas, tu peux toujours te venger sur tes propres subordonnés qui seront obligés d'appliquer la même règle avec toi !

"- Bon alors dites-moi Caramélie ma petite, pourquoi est-ce que vous m'appelez si vous n'êtes pas ma secrétaire ?"
"- Pour mon rapport, chef."
"- Ah, oui ! Qu'en est-il de cet entrepreneur remuant ?"
"- Amadeo Spouzi est encore plus compromis que nous le pensions. Je me suis approchée de lui sous mon identité de madame Sirena -une femme d’affaires jeune et dynamique- et j'ai eu l'opportunité d'entrer en affaires avec lui et même de participer personnellement à l'une de ses courses de wavers."
"- Vous avez gagné ?"
"- J'ai fini troisième... c'est vraiment important ?"

Maintenant que nous arrivons à tenir une conversation intelligible, je me permets de replonger entièrement dans mon bain et de recommencer à touiller mes glaçons.

"- Bref ! J'ai pu facilement mettre Spouzi en confiance, le manipuler comme je le voulais..."

Et pour une fois je n'en rajoute même pas journal: je lui avais tout juste fait quelques sourires qu'Amadeo Spouzi se mettait déjà à table en me faisant les pires propositions !
Je parle de propositions d'affaires bien sûr.

"- ... et je peux dès à présent vous faire rapport très fourni de toutes les transactions malhonnêtes auxquelles il se livre: tentatives d'escroquerie, appropriation de biens, pots de vin, courses truquées, sabotages, et surtout association avec des pirates. Selon son propre aveu, il profite de la neutralité de l'archipel et de l'autorité quasi inexistante de la marine pour ne pas s'embarrasser de trop de moralité. De là à sous-entendre que le sous-lieutenant de la marine en charge de l'île est complètement dépassé... ah mais c'est répugnant !!!"
"- Je suis bien d'accord, mais vous semblez prendre ça très à cœur ma petite ?"
"- Pas du tout, je parlais de mon thé ! C'est imbuvable ce truc on dirait du jus de méduse ! Au fruit de luminous, pfffff ! C'est la dernière fois que je goûte à la cuisine locale !"
"- A qui le dites-vous ! Vous saviez qu'une fois, alors que j'étais jeune agent, un de mes sbires avait essayé de goûter un ragoût de chenille de Myriapolis ? Il ignorait qu'il s'agissait d'un spécimen hautement toxique: sa gorge s'est mise à gonfler, à devenir violacée, et à comprimer sa trachée ! Le pauvre vous l'auriez vu, en quelques minutes son cou avait triplé de volume !"
"- Beurk !"

Son histoire de chenille a achevé de me couper l'appétit. Je vide le contenu de ma tasse entre deux lattes de parquet et me réfugie dans l'eau jusqu'au menton.

"- ... Il n'arrivait plus à respirer et poussait des gémissements pathétiques. Alors notre guide indigène, qui avait déjà eu affaire à ce genre de cas, a essayé de lui ouvrir la trachée pour lui dégager une voie de respiration. Il a pris son couteau et..."
"- J... je ne suis pas vraiment sûre de vouloir connaître les détails..."
"- ... sur au moins sept ou huit centimètres. Je n'avais jamais vu gicler autant de sang ! Le pauvre bougre hurlait en gargouillant, et..."
"- Je ne me sens pas très bien... Vous n'êtes pas obligé de rentrer dans les détails vous savez... ?"
"- ... du sang partout, du sang plein les mains, du sang plein les vêtements ! Il en avait sur le visage, dans les cheveux !!! Alors il a pris un... et lui a enfoncé dans..."
"- Lalala, j'entends rien."
"- Et vous savez la meilleure ? Le sbire, il s'en est remis ! Bon alors évidemment ça lui a mis des mois pour réapprendre à parler normalement, mais... ça ne lui a pas retiré le goût pour les ragoûts exotiques, hahahaHAHAHA !"
"- Oh oui c'est vraiment drôle comme anecdote."

Ce n'est pas hypocrite journal, c'est hiérarchique ! Tu n'imagines pas à quel point une promotion peut dépendre de la faculté qu'on a à rire aux plus mauvaises plaisanteries et à tolérer qu'un cinquantenaire un peu empâté qui a tous les pouvoirs vous appelle "ma petite", "ma jolie", ou pire encore "mon petit". Pour me consoler je me dis que quand j'aurai son âge, et que j'infligerai le même traitement à de jeunes agents désireux de finir directeur adjoint de leur Cipher Pol, lui il portera des couches en maison de retraite !

"- Haha ! Bon alors, et cet investisseur véreux ?"
"- Oui voilà. Monsieur Spouzi tenait beaucoup à ce que je fasse l'acquisition de deux modèles de wavers expérimentaux pour participer à ses courses, et surtout que je le fasse piloter par son poulain, un pirate qu’il m’a vendu comme un prodige. Il s’agit de Roy D. Aston, le capitaine de l'équipage pirate des Tyrans, qui d'ailleurs se trouve toujours sur l'archipel. Il est talentueux. Dangereux je veux dire, dangereux !"

Et très photogénique ! Outre ses talents de pilote qui nous ont permis, à lui et moi, de nous hisser à la troisième place de la dernière course, utiliser sa réputation et son image de "vilain garçon" dans ma campagne de publicité pour le lancement de ma boutique a été un succès ! C'est bien pratique parfois les couvertures, journal. Mais ne va pas croire que j'y ai pris du plaisir !

"- Roy D... attendez un minute. Milaine, mon petit, pourriez-vous m'apporter tout ce que nous avons sur un pirate nommé Déhaston ? Merci ma jolie, vous êtes un ange !"
"- En plus de toute ça j'ai pu être témoin de l'opposition assez dure qui existe entre les autochtones et Spouzi. Si nous agissons contre sa compagnie, ce sera tout à notre crédit."
"- C'est du bon travail tout ça, agent d'Isigny. Nous le tenons ! Compilez-moi votre rapport et escargofaxez-le moi aussi vite que possible. Bien ! Il sera obligé de coopérer ou de disparaître ! Voici votre nouvelle mission: vous allez reprendre contact avec Spouzi, lui expliquer la situation dans laquelle il s'est mise, et convaincre ce petit salaud d'accepter nos conditions. Apprenez-lui qu'il va désormais devoir marcher au pas et ouvrir son portefeuille s’il ne veut pas venir dire bonjour à nos petits amis de Mile High Purgatory, haha ! Ah et faites attention à vous ma petite, connaissant le loustic j'ai bien peur que son premier réflexe ne soit d'essayer de vous faire disparaître et de dissimuler les preuves sous le tapis, si vous voyez ce que je veux dire..."

A titre personnel j'aurais préféré passer directement à l'étape prison sans m’encombrer des petits arrangements mais que veux-tu journal, le Gouvernement Mondial est trop gentil !

"- Quand vous aurez terminé prenez du bon temps, profitez un peu du climat et des plages ! Un navire de la marine viendra vous chercher d'ici une poignée de jours pour vous conduire vers votre prochaine mission, vous en recevrez les détails le moment venu."
"- Merci chef. Je me tiendrai prête, chef."

Je sens une longue hésitation de l'autre côté du combiné, et puis:

"- Hum, bon et puis cette invitation à dîner ne vous était pas destinée mais... si d'aventure vous ne savez pas quoi faire un soir prochain..."

C'est à mon tour de laisser le silence s'installer dans la conversation, et puis de répondre:

"- Allô ? Krrr, kkkkrrr ! Je ne vous entends plus... kkkrrrr..."

Je me pince le nez et ajoute avec une voix de canard:

"- Je... krrrrkrouikrouikroui... vais... krrr... une licorne... krrrikrrri... chocolat... krrrr... terminé."

Et je raccroche. Fiou ! Je délaisse enfin mon escargophone, ma tasse vide, et me blottis au fond de mon bain, épuisée par mon effort !


Dernière édition par Caramélie le Ven 20 Aoû 2021 - 22:13, édité 1 fois
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Jaillissant de derrière une tenture dans un nuage de fumée en toussant, Roy fit quelques pas maladroits avant de s'appuyer sur ses genoux, sous le regard accusateur de deux chamans de l'archipel. Il les ignora royalement, trop occupé à expectorer ses poumons pour se soucier d'eux et leur ego fragile.

La bicoque dont il venait de sortir était située sur l'une des îles les plus reculées de l'archipel. En fait de bicoque, c'était une remarquable maison en bois luminous, construite par les éveillés en offrande à la Folle, première d'entre tous les chamans. Deux d'entre eux avaient respectueusement monté la garde durant l'entrevue entre le pirate et la célébrité de l'archipel, avant de s'engouffrer dans l'habitation immédiatement après qu'il en soit ressorti.

 - Amélie reviens..., appela lascivement la Folle depuis l'intérieur de sa maison, achevant de convaincre le pirate qu'il était temps de prendre la poudre d'escampette.

Toussant encore à quelques reprises pour éjecter les derniers résidus de fumée hallucinogène qui avaient infiltré ses poumons, Roy se redressa et entama le chemin du retour, peu pressé de découvrir ce que les trois "guides spirituels" de l'archipel allaient bien pouvoir fabriquer entre eux, à l'intérieur de la bicoque.

Il n'avait inspiré qu'une ou deux bouffées de la préparation, mais il sentait déjà qu'elles l'attaquaient un peu. Bougon et peinant à se concentrer, les yeux plissés, le pirate craint un instant de se perdre dans l'abondante forêt qui encerclait le domaine de la Folle. On l'avait guidé jusqu'ici après tout et il n'avait pas particulièrement prêté attention au chemin. Mais une rapide utilisation du pouvoir d'observation lui permit de se repérer aux alentours et de prendre la bonne direction, au travers de la dense végétation.

Le pouvoir d'observation, c'était pour ça qu'il avait initialement visité la "Shamane". Il avait découvert cette étrange capacité grâce à son aide quelques jours auparavant et avait tenu à en discuter avec elle. A cet objectif s'étaient ajoutées les injonctions d'Amadeo Spouzi. Roy était son protégé et un accord liait les deux hommes, stipulant que le pirate l'aiderait à améliorer ses relations avec les autochtones, en échange de pouvoir être intégré à l'équipe de madame Sirena et piloter des wavers de course. Son entrevue avec la Folle était donc une opération de marketing, dont la nouvelle avait rapidement fait le tour de l'archipel. Le jeune capitaine devenait rapidement une célébrité chez les éveillés et s'intéresser à la religion locale aurait assurément des résultats positifs pour la réputation de la SRC (Spouzi Race Company)... mais Amadeo Spouzi l'entrepreneur n'allait certainement pas apprécier d'apprendre comment s'était soldée cette rencontre.

La Folle était remarquablement bien installée s'était-il avéré. Sa maison respirait l'expertise locale en ébénisterie, à laquelle s'étaient ajoutés le mysticisme et la spiritualité, l'aura sacrée d'un culte, d'une secte plus exactement. Rappelant un masque géant dans lequel on entrait par la bouche, la maison était recouvertes de symboles et de statues vaudoues honorant la religion de la propriétaire. A l'intérieur avait-il découvert, les murs étaient recouverts de tentures, amulettes, bibelots en tous genres qui oppressaient les visiteurs et conféraient une aura de révérence à l'endroit. Recouverts de symboles sacrés étranges, les fournitures de bois luminescent, typiques de l'archipel, avait participé à ajouter à l'atmosphère psychédélique de la maison. Indéniablement, cela avait rappelé à Roy les temples religieux qu'il avait maintes fois été forcé de visiter sur son île natale, des années auparavant. Il avait vu ces agencements pour ce qu'ils étaient vraiment : des artifices visant à impressionner, à évoquer le sacré et le divin, à captiver le visiteur et l'empêcher de réfléchir, afin de mieux remplir sa tête de nouvelles idées farfelues.

Lors de leur première rencontre, la Folle avait honnêtement impressionné le pirate. Il peinait à remplir une épreuve mystique et elle l'avait efficacement guidé, tout en remettant en cause sa philosophie et son mode de pensée. Respectant la logique et l'objectivité, le pirate avait été forcé de se remettre en question, penser hors du moule, faire confiance à ce qu'il ressentait plutôt qu'à ce qu'il voyait, tout cela pour accéder au pouvoir d'observation. Elle lui avait parlé de l'existence d'une énergie invisible qui liait le monde et les êtres vivants, que l'on pouvait canaliser à travers soi, utiliser à ses propres fins pour accéder à des habilités surhumaines. Force avait été de constater qu'elle avait mis le doigt sur quelque chose et ne pouvait être totalement dans le faux. Mais elle avait également d'autres prétentions : pouvoir voir l'avenir, être la "Shamane", la guide spirituelle autoproclamée des éveillés. Roy l'avait donc visité pour tenter de démêler le vrai du faux, confronter honnêtement sa manière de penser à celle de cette femme énigmatique. Le résultat avait été plus que concluant.

Ils avaient longuement discuté. Faisant un pas vers elle (subjectivement parlant), Roy avait reconnu l'existence de cette mystérieuse énergie et lui avait demandé comment elle l'interprétait, elle. C'était là que la Folle avait révélé son vrai visage, déballant une abracadabrante histoire religieuse à propos d'esprits de la nature à l'origine de la création du monde et de l'énergie. Blasé par une énième histoire décrivant la genèse de l'univers, le pirate déçu l'avait écouté en silence alors qu'elle élaborait tout un pantheon, décrivant une foi reprenant tous les clichés des autres religions. Naturellement, le pirate lui avait demandé des preuves de ce qu'elle prêchait, après qu'elle eut fini de tout lui raconter. Tout ce qu'elle était parvenu à lui offrir, avait été la possibilité d'entrer en communion avec les esprits, grâce à l'utilisation de champignons à fumer. En un soupir, le jeune homme avait réalisé ce qui avait grillé le cerveau de cette étrange femme.

Se montrant conciliant pour ne pas froisser la Folle, à l'encontre des directives d'Amadeo, il avait accepté de se soumettre au rituel de cette illuminée, projetant de respirer le moins de fumée possible et de s'éclipser rapidement ensuite. Cela avait tourné au drame quand il avait reconnu l'odeur d'une substance affreusement puissante, une drogue dont il avait combattu le trafic sur les Blues des années auparavant, quand il était encore un mercenaire travaillant parfois avec la Marine. Couronnant le tout, la Folle avait semble-t-il été inspirée d'une sensualité soudaine par les effluves nauséabonds. Se jetant sur le pirate, elle avait alors entrepris de lui faire d'étranges avances sexuelles, au cours desquelles elle s'était obstinée à l'appeler "Amélie" en lui demandant si l'eau était à la bonne température. Tous les poils de son corps hérissés comme ceux d'un chat de gouttière, Roy n'avait pas perdu un instant et avait pris la poudre d'escampette.

Et voilà où il en était à présent : l'esprit légèrement embrumé, se dirigeant vers la plage où il avait garé son waver de course module mark XVI, avec toujours pas la moindre idée de ce qu'était le pouvoir d'observation, d'où il venait et comment le contrôler efficacement. Quand on parlait d'une perte de temps...

Finalement, il atteint son véhicule et entra péniblement dans le cockpit avant de se blottir au fond du siège, épuisé par son effort.

Peut-être qu'on saura m'en dire plus un peu plus loin sur Grand Line, espéra-t-il en silence, avant de se faire violence et de démarrer les moteurs du module.



 - Alors qu'est-ce que ça a donné ? s'enquit son second quelques heures plus tard, après qu'il fut de retour sur l'île industrielle de la SRC, où séjournait l'équipage du Tyran.

 - Ça a donné que c'est une droguée qui croit aux esprits et se sers d'eux pour expliquer tout ce qu'elle ne comprend pas..., grogna un Roy à présent affublé d'un affreux mal de crâne. Rien de bien exceptionnel donc...

Hochant la tête alors qu'il emboîtait le pas de son capitaine, Moria passa une main dans ses cheveux blonds pour se recoiffer et ajusta sa tenue. Repérant son manège, l'ancien mercenaire se retourna et posa un doigt sur le torse du navigateur de l'équipage.

 - Tu... comment, tu comptes pas faire la cour à madame Sirena rassure-moi ? s'enquit le jeune homme d'un ton redoutablement calme, duquel filtrait une pointe d'énervement.

Surpris, pris la main dans le sac sans réaliser ce qu'il avait fait de mal, Moria dévisagea son capitaine avec de grands yeux écarquillés. L'équipage du Tyran se réunissait et avait invité l'investisseuse à se joindre à eux pour discuter de la situation avec la SRC. Comme à son habitude, le blondinet s'était préparé pour apparaître sous son meilleur jour.

 - Ben... si ? lâcha-t-il après quelques secondes comme si c'était évident, provoquant un râle exaspéré de la part de Roy. Tu l'as vu comme quoi non ? Elle est super jolie, je vais quand même pas passer à côté de ça !

 - Non non, refusa catégoriquement le jeune homme basané en se retournant et reprenant son chemin, non, NON ! J'en ai marre de te voir semer des ex furieuses aux quatre coins des océans, ça suffit. Ça en fait déjà trois qui ont retrouvé ta trace et qui ont envoyé des désastres dans notre direction pour se venger, directement ou indirectement. Il va peut-être falloir envisager d'arrêter le tir !

 - Oh il faut rien exagérer, tempéra Moria en lui emboîtant le pas. Virginie, d'accord c'est pour moi c'est de ma faute, j'assume, mais Béatrice c'est une marine et on est des pirates, est-ce qu'on peut décemment s'attendre à autre chose de sa part ?

 - On peut s'attendre à ce qu'elle ne fasse pas un écart de quarante kilomètres au large de sa juridiction juste pour nous intercepter ! s'écria Roy, fatigué d'entendre toujours les mêmes excuses du tombeur qu'était son bras droit, à chaque fois que sa vie amoureuse rattrapait l'équipage du Tyran.

 - Bon d'accord..., concéda le blondinet après y avoir réfléchi quelques secondes, mais par contre Angelica je suis désolé mais...

 - Manquerait plus que t'en sème sur la Route de tous les Périls, le coupa le pirate en plein milieu. Ah bah non ! s'écria-t-il ensuite ironiquement, se retournant en claquant des mains en direction de son second, c'est déjà fait ! Ça t'a pas suffi de te faire coffrer à Las Camp en t'entichant de la fille d'un gangster, il a également fallu que tu t'envoies une usurière pendant que j'avais le dos tourné ! Et maintenant cette organisation de taré - particulièrement influente sur Grand Line apparemment, soit dit en passant - nous en veut à mort. Ça va peut-être aller maintenant !

 - Les Usuriers nous en veulent parce que tu les as dégagés de Las Camp..., tempéra Moria avec une moue pensive, pas parce que j'ai eu une folle nuit d'amour avec Mélissa en "omettant" de lui dire que je faisais partie de ton équipage.

 - Bon de toute façon on va pas discuter pendant vingt ans, ça sert à rien. Je te donne l'ordre de ne pas draguer madame Sirena. Si je te chope en train de la regarder - bon, ça peut arriver -, en train de lui faire un sourire, lui tailler des blagues ou même... je sais pas, même... respirer dans sa direction... je jette toute notre cargaison d'alcool à la mer, c'est compris comme ça ?

 - C'est dégueulasse ! entendit-il Moria protester dans son dos alors qu'il continuait son chemin.

 - C'est peut-être dégueulasse mais c'est comme ça ! Ça fera plus de booze pour l'autre Poné et moins pour ta petite tronche de minet alcoolique comme ça.
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Cher journal,

Me revoilà en compagnie des pirates. C'est une relation dont je me serais bien passée au départ et que j'ai acceptée uniquement pour fureter d'un peu plus loin dans les affaires de Spouzi, mais elle m'a été très bénéfique tout compte fait et je ne parle pas seulement du dossier qu'elle m'a permis de monter contre ma cible: grâce à une campagne de communication un peu osée organisée par Ephonomy (Ephonomy Poulet-Braisay, la gérante de mes affaires sur l'archipel) j'ai pu utiliser leur image et leur côté "rebelle" pour attirer l'attention sur mon commerce !
Mais j'ai fait ça pour la mission évidemment, rien de plus, ne va pas t'imaginer des choses journal ! Je n'en ai retiré aucun plaisir, à défaut d'en retirer de l'argent...

Aston et sa bande ont beau être sympathiques, il est temps pour moi de couper les ponts afin d'éviter de compromettre mon entreprise plus que nécessaire. D'ailleurs je m'estime heureuse: tu sais journal, je suis soulagée que mon chef ne m'ait pas demandé de m'occuper d'eux tant que j'y étais ! J'aurais trouvé ça un peu inconvenant. Il a dû se dire que même moi, aussi forte que je sois, je n'allais pas me lancer toute seule à l'assaut d'un équipage pirate ! Ou alors il a juste oublié.

Quoi qu'il en soit cette réunion tombe parfaitement bien ! Ephonomy s'est occupée de nous trouver une salle de réunion dans les locaux de la Spouzi Race où nous pourrons travailler sérieusement, mais puisqu'il fait beau et que ça aurait été dommage de ne pas profiter du soleil, les pirates et moi avons décidé d'emporter nos chaises et de nous installer dehors !

En plus des pirates nous avons fait venir Rosa, la créatrice de nos wavers de courses qui passe de toute manière presque tout son temps en compagnie des Tyrans. C’est… suspect à vrai dire... il faudrait peut-être que je la surveille elle aussi. C'est tout ce qu'il y a en personnes honnêtes (chut, ne te moques pas de moi journal !), les autres participants étant Mochi -le drôle de bonhomme avec une vis dans la tête qui, si j'ai bien compris, est le membre la plus puissant de l'équipage après le capitaine-, et puis Moria le second, un blond à l'allure élégante qui détourne vivement la tête à chaque fois que je regarde dans sa direction -on dirait un suricate hihi !-. Il y a également Lily, la jolie femme-poisson à la fascinante peau bleue qui semble être la plus raisonnable de la bande, et bien sûr Roy D. Aston le capitaine. Il y a aussi cette femme aux cheveux blancs, Merry, qui me dévisage avec un regard encore plus noir que son mascara, comme si elle m'en voulait personnellement d'être en sa présence et que ma simple vue lui donnait des pulsions de meurtres ! J'imagine qu'elle désapprouve la participation de son capitaine à la course de wavers, ou alors elle déteste les femmes bien élevées et bien habillées. Je ne vois vraiment pas d'autre raison parce que je n'ai encore rien fait de mal. Il y a des gens comme ça, sans qu'on puisse expliquer pourquoi, on les déteste ou ils nous détestent dès le premier regard ; souvent les raisons viennent ensuite mais elles sont parfaitement justifiées ! Mais tu ne dois pas pouvoir comprendre ça, je suppose qu'un journal n'est pas doté d'intuition féminine.

Oh mais si ça y est je la remets !!! Cette femme, sous ses frusques de pirates, ressemble beaucoup trop à Annabella Sweeetsong la directrice du CP9 ! Bien sûr que si tu te souviens, je t'ai déjà raconté, c'est la cyborg aux cheveux blancs qui a tout le temps l'air de mauvaise humeur ! J'ai passé suffisamment de temps à crapahuter dans la jungle d'Elysia en sa compagnie pour ne pas oublier ce visage bougon !
Ça te paraît improbable ? Je comprends ton interrogation journal: le Cipher Pol n'est quand même pas assez bête pour envoyer deux agents au même endroit sans même se donner la peine de se concerter ni de les en avertir ! Eh bien... si. Non seulement c'est tout à fait le genre de la maison, mais en plus ça m'est déjà arrivé lors d'une mission à Shell Town !

Tout s'explique, je comprends mieux pourquoi elle a l'air aussi contrariée à chaque fois que je la vois ! Pas seulement parce que c'est une ronchonne de nature je veux dire... Par ma seule présence, je suis très vraisemblablement en train de compliquer sa mission, de m'immiscer dans les saintes et mystérieuses affaires du CP9, ou même simplement de la faire se sentir en danger. Il faut dire que la chef du neuvième Cipher Pol a tellement d'ennemis que je comprends sa paranoïa ! Ou alors je suis en train de croiser à mon insu une déserteuse ?
Tu sais quoi journal ? Ce n'est pas mon problème ! Ça ne concerne pas ma mission, et je n'ai aucune envie de me mêler d'affaires qui ne me regardent pas et qui ne peuvent déboucher que sur des ennuis ! Je me contente donc, à un moment où j'arrive à accrocher son regard, de lui adresser un sourire radieux ainsi qu'un signe amical de la main, puis je décide de faire comme si elle n'existait pas ! Le CP9, plus on évite ces dingos et mieux on se porte !

♦♦♦♦

Je laisse Ephonomy démarrer la réunion. Elle fait ça très bien, en nous pitchant le brainstorming pour practice la target de notre opération marketing. Ou un truc comme ça. Ça lui donne un air très professionnel, très compétent et c'est ça le plus important !
Même si les pirates présents assistent relativement sagement à l'exposé, je sens qu'autre chose les préoccupe. Je ne peux pas vraiment leur en vouloir, je suis même déjà étonnée qu'ils soient capables de rester assis sans crier, chanter, se battre, et vider des bouteilles d'alcool en faisant "yoho !".
Moi-même j'ai la tête ailleurs: mon cerveau s'est mis en pilotage automatique au bout du troisième mot que je ne comprenais pas, et je me contente de hocher la tête avec l'air de celle qui maîtrise le sujet. Je ne sais pas si c'est le soleil, la chaleur ambiante ou son discours, mais j'ai l'impression que l'intérieur de ma tête se décompose comme un cachet d'aspirine dans un verre d'eau ! Et à vrai dire d'autres questions agitent les dernières parties fonctionnelles de mon esprit, comme de répondre à la plus importante: comment me débarrasser le plus vite et le plus simplement possible de cette bande de pirates un peu encombrants, sans qu'ils ne décident de s'en prendre à mes investissements pour se venger ?

C'est à ce moment qu'Ephonomy annonce, toute fière d'elle:

"- ... en quelques mots simples, puisque notre dernière opération marketing a été sucessful, nous allons refaire la même chose pour la prochaine course ! J'ai tout organisé pour le show de demain vous allez voir, les clients vont a-do-rer !"

Attends attends attends... Ephonomy... tu n'as pas déjà dépensé l'argent rassure-moi ?!
Eh bien euh... messieurs-dames les pirates... vous voulez bien attendre un tout petit peu avant de rompre notre partenariat finalement ?
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Cette femme d'affaires conseillant madame Sirena avait l'art de se rendre incompréhensible et franchement antipathique. Plongée dans son monde, elle ne semblait pas réaliser qu'elle avait déjà perdu l'attention des trois quarts de son auditoire. L'investisseuse blonde semblait toujours l'écouter, mais son regard était tellement vide et inexpressif que Roy aurait juré voir un coucou annoncer l'heure au fond de son crâne. Lui-même, par pure politesse, avait tenté de suivre les élucubrations de madame Poulet-Braisay, mais c'était surestimer son sens des affaires et son intérêt général pour le sujet.

Seule Lily la femme-poisson, comptable de l'équipage, semblait intéressée. Elle-même une femme d'affaires reconvertie dans la piraterie sensée gérer les finances des tyrans, force était d'avouer que Roy ne lui donnait pas vraiment de quoi faire. Elle avait géré l'acquisition du Matheson Sorrow, son aménagement pour en faire le navire qu'il était aujourd'hui, mais à part ça le capitaine pirate n'était tout simplement pas intéressé à l'idée d'ouvrir le moindre business. Les divagations de la dénommée Ephonomy étaient pour elle une bouée de sauvetage, un verre d'eau en plein désert, une occasion inespérée de replonger dans un univers qu'elle comprenait et qu'elle maîtrisait. Même si les perspectives d'enrichissement pour l'équipage étaient quasiment nulles, cela ne l'empêcha pas de commenter la stratégie de madame Poulet-Braisay et de lui offrir sa perspective. Tandis que les deux femmes échangeaient, le reste de l'équipage du Tyran et les gardes du corps de madame Sirena s'observaient en chien de faïence.

Ennuyé à l'extrême, Roy attendait patiemment qu'elles aient fini, pressé d'aborder le sujet qui l'intéressait. Quand est-ce que ces deux pipelettes allaient lui permettre d'en placer une ?

 - Bon ! s'écria-t-il finalement, sa patience poussée à bout. Vous avez bien tous mis au point... madame Poulet-Braisay je vois que vous avez pensé à tous les détails de notre collaboration avec une remarquable expertise, je suis d'ailleurs ravi de constater que nos intérêts communs vous tiennent tant à cœur ; mais maintenant j'aimerais passer à un autre sujet, si ce n'est pas trop vous en demander.

L'intonation ironique du pirate laissait peu de place au doute quant à ce qu'il pensait vraiment de leurs "intérêts communs". La femme d'affaires se retint visiblement de s'offusquer cependant, probablement encouragée par la prime de son interlocuteur et le sabre sans fourreau qui reposait à son côté. Réalisant qu'il avait probablement fait montre d'un peu trop de véhémence néanmoins, Roy poussa un soupir et tendit son arme à un autre membre de son équipage. Merry, la flibustière aux cheveux d'un blanc nacré, attrapa le sabre et retourna s'adosser à un mur dans un coin de la pièce, un peu à l'écart de l'entrevue.

Craignant d'avoir effrayé leurs partenaires en affaires, il espérait s'être montré rassurant par ce geste. C'était sans compter les gardes du corps de madame Sirena qui louchèrent sur le revolver à silex accroché à sa ceinture, l'air de dire : "Et ça alors ?".

 - Notre log pose est bientôt chargé, commença bientô Roy en les ignorant, mon équipage quittera l'archipel sous peu. Avant cela en revanche, j'aimerais faire l'acquisition de l'un des modules mark XVI de l'équipe SIRENA.

Un silence prudent accueillit sa révélation. Rosa, préalablement mise au courant des intentions de Roy, ne pipa mot. Elle l'avait averti qu'il serait difficile, voire impossible de pouvoir récupérer un waver de course. Tout ce qui avait intéressé le pirate cependant avait été de savoir si elle était opposée à l'idée qu'il s'en aille avec l'une de ses créations. Avec réluctance, l'ange avait fini par avouer qu'elle n'était pas foncièrement opposée à l'idée.

 - Notre contrat avec la SRC nous empêche de faire le commerce des wavers, annonça platement madame Poulet-Braisay en réponse. Nous ne pouvons pas les vendre, encore moins à des pirates..., lâcha-t-elle prudemment en jetant un regard à sa patronne.

 - Allons, nous ne sommes pas des hors-la-loi sur cet archipel, minauda Lily, arrivant à la rescousse de son capitaine qui avait immédiatement penché la tête de manière menaçante. Les éveillés sont indépendants, le GM n'a aucune souveraineté sur cette partie de Grand Line.

 - Cela ne change rien, rétorqua immédiatement la vaillante femme d'affaires, vous restez des pirates et nous sommes des citoyennes du Gouvernement Mondial, notre partenariat est déjà illégal sans qu'en plus nous nous embarrassions de transactions directes avec vous. Si cela venait à s'apprendre nous finirions immanquablement en prison.

La femme-poisson voulut répliquer, mais une Ephonomy en pleine lancée ne lui laissa pas le temps d'ouvrir la bouche :

 - Si votre équipage se balade avec un module Mark XVI, continua-t-elle, il ne faudra pas longtemps avant que quelqu'un fasse le rapprochement avec l'équipe SIRENA. Et l'archipel a beau ne pas être sous le contrôle du GM, toutes les infrastructures de la SRC sont assurées par des organismes faisant partie du Gouvernement Mondial. Financièrement parlant, l'archipel en fait déjà partie, et si nous rompons un contrat officiel avec la SRC en vous vendant un module, Amadeo Spouzi aurait de quoi nous attaquer en justice. Il y a une dizaine de raisons différentes pour lesquelles nous ne pouvons pas vous vendre un module.

 - Vous pourrez toujours dire qu'on vous l'a volé, lâcha Roy d'un haussement d'épaules en réponse, ça ne me dérange pas. Et votre prix sera le mien.

Cette solution simple sembla doucher l'effervescence de madame Poulet-Braisay, qui se renfrogna sur sa chaise en plissant les yeux, l'air de réfléchir. A ses côtés cependant, sirotant un verre de thé glacé, sa patronne ne semblait toujours pas particulièrement emballée par l'idée. Comme à son habitude à vrai dire, elle était indéchiffrable.

 - Pour autant, fit-elle finalement d'un air légèrement blasé, Amadeo n'est pas stupide. Si vous "volez" un module et que mon entreprise reçoit soudain un important  et mystérieux gain de berry, il ne lui faudra pas longtemps pour joindre les deux bouts. Et nous nous retrouverions soudain avec une ribambelle d'avocats de la SRC aux fesses.

 - Si ce n'est que ça, je me charge de convaincre Amadeo, lui assura Roy en écartant son inquiétude d'un geste de la main. Seul l'argent intéresse notre bon ami entrepreneur, il ne sera pas difficile à ferrer. Mais avant cela j'ai besoin de savoir si vous seriez intéressée.

Hésitante, les deux femmes semblèrent réfléchir durant de longues secondes avant de lui répondre. Une attente insupportable pour le jeune homme impatient qui se plongea à son tour dans une intense réflexion. Somme toute, madame Sirena et son employée n'étaient pas bien plus complexes qu'Amadeo ; elles aussi n'étaient intéressées que par l'argent. Pourtant, l'appât du gain ne semblait pas les avoir convaincues, trouvant sûrement le risque trop grand pour être pris. Peut-être qu'en menaçant de heurter leur porte-monnaie dans ce cas ? Mais comment faire ?

Décelant soudain une génialissime opportunité d'attaque, Roy eut un éclair de génie :

 - Je ne participerai pas à la course si je n'ai pas de garantie pour l'acquisition d'un module, lâcha-t-il soudainement, avec probablement la pire poker face imaginable par l'esprit humain.

Les lèvres légèrement pincées formant une ligne droite sur son visage, ponctuées d'un regard vide et inexpressif fixant un point invisible au loin, il fit semblant d'ignorer tous les regards dirigés vers lui. Même les deux armoires à glaces, les anciens bûcherons qu'étaient les gardes du corps de madame Sirena, l'observèrent avec un scepticisme évident.

Il n'était un mystère pour personne dans cette salle que Roy adorait les courses de waver, qu'il brûlait de concourir une deuxième fois et d'avoir une nouvelle opportunité de passer la ligne d'arrivée en premier. Dans l'esprit de tous les occupants de cette pièce, il ne faisait pas l'ombre d'un doute que rater cette dernière occasion de participer à l'une d'elle lui briserait le cœur.
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Cher journal,


Je prends le temps de les écouter en touillant paisiblement les glaçons de mon thé saveur citron vert -de la valeur sûre !- avant d'adresser un regard ingénu à mon partenaire hors la loi:

"- Et donc, pour obtenir votre participation à la prochaine course, je devrais sacrifier les dix, vingt, cent courses suivantes en me séparant de mes wavers ?"

Et voilà pour ton chantage, le pirate ! Je feins d'être outrée et j'en rajoute une couche:

"- Sans parler du fait de la trahison que ce serait envers Amadeo, lui qui compte sur moi -non, sur nous deux !- pour les prochaines courses ! En vérité je devrais être très vexée, et peinée, que vous me fassiez une telle proposition."

Une femme d'affaires sans scrupules comme celle que j'ai feint d'être jusqu'à présent (Parce que j'ai fait semblant ! Mais si journal, complètement ! Je ne vois pas ce que tu insinues !) pourrait sans doute marchander avec Aston et son équipage, mais la véritable Sirena n'a aucun intérêt à compromettre son affaire avec des bandits. Mon association avec Aston n'était qu'un moyen de m'approcher de Spouzi, tout en me donnant une image "cool et rebelle" auprès du public, mais il ne s'agirait pas non plus que ça devienne durable. Je ne vais pas commencer à faire exactement ce que je reproche à Spouzi !
Pire encore, il n'est pas question pour l'agent du CP tout à fait raisonnable et scrupuleuse que je suis de laisser un dangereux pirate repartir avec des engins aussi sophistiqués, dont qui sait ce qu'ils pourraient faire ?!

Il semblerait donc que nous soyons arrivés dans une impasse, un stade où nos intérêts pourraient converger mais se retrouvent bloqués par nos magouilles respectives ! Heureusement pour tout le monde, je suis une personne incroyablement sympathique !

La vérité journal, c'est que malgré tout ce que je t'ai dit je compte bien les lui refiler quand même ! Sans personne pour les piloter ils ne me servent à rien, et de toute manière je n'ai jamais eu l'intention d'investir durablement dans les courses ! Cet achat ne m'a servi qu'à amadouer Spouzi pour mieux l'approcher, et il fait à présent partie des encombrants dont je vais chercher à me débarrasser ! Quant à Spouzi, après le poignard que je compte lui planter dans le dos il ne sera plus à deux engins près !
Pourquoi je fais autant la fine bouche à l'idée de revendre mes wavers, alors ? Pour l'argent bien sûr ! Plus je semble y tenir, plus le pirate sera obligé d'aligner des billets pour les obtenir !

"- Vous comprendrez donc que... je ne puisse pas accepter en dessous de 10 millions de berrys. Par waver, car ils n'ont de la valeur que par paire."

Je sens bien que tu es sur le point de t'exclamer, horrifié, que je ne manque pas de toupet de retourner ma veste après tout ce que je t'ai dit, et que je ne vaux pas mieux que Spouzi finalement ! Mais tu me sous-estimes ! Il est malheureusement très probable que, après la course, les wavers subissent un malheureux accident. J'ai tout un tas d'idées en tête, et ça implique plus ou moins des moteurs remplis de glu, une bombe, quelques boulons dévissés ou carrément un hangar incendié ! Ce serait vraiment dommage de subir un sabotage alors qu'on vient de conclure un accord !
Le mieux dans tout ça, c'est que nous tenons des coupables tout désignés: Rosa, la conceptrice de mes appareils qui semble très proche des pirates, est convaincue que le coupable est l'ingénieur en chef de la Spouzi Race Compagny. Roy, lui, à l'air de penser que c'est Amadeo Spouzi lui-même le cerveau de l'opération. Moi mon avis sur la question, c'est que dans le doute on devrait accuser tout le monde !

Mon soudain changement de position et mon manque de scrupules semblant convenir à mes partenaires en affaires, je m'autorise un sourire complice et leur suggère:

"- Pour le moyen de paiement, il me vient une idée. Admettons qu'avant votre départ, vous et les membres de votre équipage faisiez vos emplettes à ma boutique ? Ce serait l'occasion d'acheter une multitude de souvenirs, de décorer votre navire, et en cherchant bien vous pourriez même dénicher un ou deux objets utiles pour la suite de votre voyage ! Nous pourrions alors faire notre échange de devises en toute discrétion, et le plus heureux des hasards ferait que les deux wavers se trouveraient dans vos cartons des souvenirs à transporter. Qu'en dites-vous ?"
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"Ils n'ont de la valeur que par paires", hein ? Quel filou..., pensa Roy en riant intérieurement.

Naturellement, Lily voulut négocier le prix honteux de l'investisseuse. Mais un rapide signe de tête de son capitaine l'en dissuada : il était déjà soulagé d'avoir obtenu un deal et ne souhaitait pas tout risquer en marchandant face à ces deux commerçantes chevronnées.

La réunion arrivant à son terme, ce fut Moria qui, dans un soupir résigné, suggéra de passer immédiatement par la boutique Sirena pour faire leurs emplettes et opérer la transaction. Lui s'en irait chercher l'argent sur le Matheson Sorrow pendant que Roy et Lily achèteraient leurs "souvenirs". Acquiesçant de concert, les pirates se levèrent dans un même ensemble et se mirent en route, talonnés par deux investisseuses à l'air très satisfaites d'elles-mêmes, ainsi que leurs gardes du corps. Rosa avait à apparemment à faire quelque part dans la zone industrielle de l'île et prit congé de ses amis. Comme de juste, Merry et Mochi, respectivement le docteur et la canonnière de l'équipage, se désolidarisèrent également de la procession et partirent vaquer à leurs occupations quelque part sur l'archipel, comme ils le faisaient depuis le début de leur escale. Le navigateur blondinet les imita bientôt, attrapant un waver de transport en direction d'une île reculée de l'archipel, où était amarrée la caravelle du Tyran.

Grimpant à bord d'un véhicule similaire, les pirates et l'entreprise Sirena prirent quant à eux le chemin de l'île principale de l'archipel où se trouvait la fameuse boutique de "souvenirs". Bien que toujours mécontente au sujet du deal malhonnête arraché à son insu, Lily se dégrisa rapidement et engagea la conversation avec Ephonomy, avec laquelle elle possédait de nombreux points communs. Roy et madame Sirena quant à eux en profitèrent pour discuter stratégie pour la course prévue le lendemain, bien décidés à arriver cette fois-ci en première position.

Le circuit sur lequel ils allaient concourir était bien différent du circuit qu'ils avaient déjà parcouru. Là où le précédent était bien plus long, jalonné de nombreuses lignes droites et de peu d'obstacles, le nouveau était beaucoup plus retord et mettait au contraire l'accent sur la dextérité des pilotes plutôt que sur la puissance de leur moteur. Fraîchement introduits au monde des courses de waver, Roy et madame Sirena allait donc être à leur désavantage. Là où précédemment leurs wavers mark XVI dernier cri, possédant une vitesse de pointe supérieure à tous les autres modules, leur avaient donné l'ascendant, ils se retrouvaient soudain privés de leur seul atout remarquable. Cela ne les empêchait pas d'être optimiste cependant et d'espérer une place au sommet du podium. Ils avaient longuement pratiqué le nouveau circuit et en connaissaient d'ors et déjà chaque courbe et virage, piège environnementaux retors et tactique pour déstabiliser leurs opposants. 

De ce que Roy avait pu glaner comme informations, les coups bas entre coureurs étaient plus qu'encouragés sur ce circuit précis, eu égard à la proximité forcée entre chaque équipe, causées par l'agencement du circuit. Madame Sirena ne manqua pas de lui faire part de ses inquiétudes, l'avertissant qu'elle n'était en aucun cas un surhomme comme lui et craignait pour sa sécurité. Confiant tandis que le waver de transport arrivait en vue de l'île principale, le jeune capitaine lui promis de veiller sur elle avec son sabre et son pouvoir d'observation ; qu'il s'assurerait que rien ne puisse lui arriver.

Descendant sur les docks, ils se mirent bientôt en route vers la fameuse boutique Sirena. Joignant le geste à la parole, Roy utilisa à nouveau son fameux pouvoir, fraîchement acquis sur ce même archipel. Il avait pris l'habitude dernièrement de l'utiliser n'importe où et n'importe quand, à chaque opportunité qui se présentait, dans un entraînement de tous les instants. Il devenait de plus en plus familier avec cette habileté, apprenant à s'en servir totalement en autodidacte. Ils ne se l'étaient pas dit ouvertement, mais Mochi et lui étaient bel et bien en compétition amicale pour déterminer lequel d'entre eux parviendrait à la maîtriser en premier, compétition que Roy était déterminé à gagner. Plus il l'utilisait, plus il découvrait de nouvelles facettes de cette capacité.

Pensant au départ qu'elle ne permettait que de ressentir son environnement avec plus d'acuité, il s'était bientôt retrouvé capable de repérer l'aura des êtres vivants autour de lui. A présent, il remarquait peu à peu que ce sixième sens qu'il avait acquis pouvait lui transmettre plus d'informations qu'il n'aurait pensées au premier abord. Chaque aura avait une signature particulière, chaque signature semblait fluctuer en fonction de l'humeur de la créature. Il devenait peu à peu plus perceptif, apprenait à décoder ces informations nouvelles ; des informations particulièrement agressives au moment présent remarqua-t-il.

Alors qu'ils marchaient paisiblement entre les habitations en bois luminescent des autochtones, Roy s'inquiéta soudain de ressentir de la haine et beaucoup de ressentiment à son égard. Les yeux fermés pour se concentrer sur son sixième sens plutôt que sur sa vue, il avait du mal à encaisser cette animosité devenue pratiquement palpable pour lui. Une animosité qui, lui semblait-il, ce matin même n'était pas encore présente.

 - Ils te regardent tous de travers Roy, souffla bientôt Lily avec inquiétude, confirmant le pressenti du jeune homme.

Rouvrant les yeux, le capitaine pirate constata effectivement que la plupart des éveillés qu'ils croisaient se retournaient sur son passage. Les discussions s'arrêtaient, les murmures débutaient. Un chaman en particulier cracha ostensiblement par terre dès qu'il les aperçut, avant de faire des signes à la signification inconnue d'une main, dans sa direction. C'était très étrange.

 - Vous n'auriez pas dû manquer de respect à La Shamane, commenta soudainement une voix dans son dos.

Se retournant de concert avec Lily et les deux femmes d'affaires, ils découvrirent avec surprise le visage renfrogné d'un des gardes du corps de madame Sirena. Ce dernier observait le pirate avec un regard accusateur, bras ballants et poings serrés. Surpris par tant d'animosité, qu'il n'avait jusque-là pas remarqué alors qu'elle était juste sous son nez, Roy ouvrit la bouche mais ne sut que répondre, ni comment réagir.

Constatant le blanc causé par son collègue et gêné par son manque de professionnalisme, le deuxième garde du corps lui mit un léger coup sur l'épaule pour le sortir de sa transe. Cela fut efficace, l'éveillé reprenant contenance et dissimulant à nouveau son hostilité évidente pour le pirate. Mais pour Ephonomy Poulet-Braisay, il avait clairement dépassé les bornes. Alors qu'ils arrivaient bientôt à la boutique, elle prit l'homme à l'écart, visiblement pour lui faire un sermon.

Au travers de son sixième sens, le jeune capitaine ressentit l'énervement de l'employée de madame Sirena et l'agacement du garde du corps en pleine remontrance, à mesure qu'ils les distançaient derrière eux. L'autre garde du corps, assurant toujours la sécurité de son employeuse quant à lui, semblait faire montre de plus de retenue, mais même là il sentait une pointe de ressentiment de sa part, dirigée vers lui.

 - Les religieux..., soupira Roy à voix basse, un dégoût évident dans la voix, avant de reprendre un peu plus haut : le plan marketing d'Amadeo est officiellement un échec j'ai l'impression, j'espère qu'il ne va pas trop m'en vouloir.

 - Oh quelle charmante boutique ! s'écria Lily avec excitation, changeant ostensiblement de sujet alors qu'ils arrivaient devant un établissement haut en couleur.

Ce dernier consistait en un petit navire échoué reconverti en boutique. La devanture de ladite boutique faisait un flamboyant étalage des produits proposés. Il y en avait pour tous les goûts : des chapeaux, des lunettes de soleil, cartes postales, des t-shirts en passant par des accessoires de plage, maquettes et petites figurines. Beaucoup de ces objets étaient façonnés avec le bois luminescent qui ne poussait que sur cet archipel, conférant une aura psychédélique à une boutique déjà quelque peu éblouissante.

 - Sérieusement ? ria le pirate à l'intention de madame Sirena, en remarquant le drapeau affublé d'un Jolly Roger qui se dressait sur le navire-boutique. Quitte à l'affubler d'un drapeau pirate, vous auriez au moins pu prendre le design de mon Jolly Roger.

 - C'est Ephonomy la directrice de cet établissement, l'informa distraitement madame Sirena en réponse, c'est elle qui dirige l'équipe et qui gère ce genre de détails. Je crois qu'elle a fais un compromis entre profiter de votre réputation et éviter de trop s'associer avec l'équipage du Tyran. Bon, ajouta-t-elle, j'aurais préféré que ce soit elle qui vous fasse le tour de la boutique, mais elle a l'air occupée pour le moment, je vais m'en charger. Vous me suivez ?



Moria arriva quelques heures plus tard avec une généreuse somme de berrys. Durant ce temps, Roy et Lily avaient pu faire leurs emplettes et le navigateur n'eut qu'à payer madame Poulet-Braisay en main propre, versant une conséquente portion des économies de l'équipage, pour faire acquisition des wavers et de leurs emplettes. En guise de souvenirs, la femme-poisson avait flashé sur un magnifique ocarina stylisé de couleur nacrée, en bois luminous. Comme de juste, l'instrument diffusait continuellement une clarté ténue et discrète et à chaque fois qu'elle en jouait, des volutes de lumière s'en échappaient, semblant changer de couleur en fonction de la hauteur des notes.

Suite à la course précédente et à la tragique perte du fourreau de son sabre dans les eaux tumultueuses du circuit, Roy avait immédiatement fait une demande particulière à madame Sirena : un fourreau en bois luminous pour son arme. Un artisan devait avoir travaillé toute la nuit, ou avait simplement adapté un fourreau (d'ores et déjà fabriqué) au sabre de bédouin du pirate, car le lendemain même sa commande était déjà prête.

Soulagé d'avoir enfin à nouveau de quoi ranger son arme, le pirate n'avait pas perdu de temps pour rengainer son sabre et accrocher le fourreau luminescent à sa ceinture. Même s'il prenait grand soin de son équipement, il n'était jamais bon de laisser de l'acier à l'air libre aussi longtemps. Il risquait de s'oxyder et cela pouvait rendre l'arme inutilisable.

Maintenant qu'il était là, Moria décida à son tour de chercher un souvenir de l'archipel dans la boutique. Pendant qu'il faisait le tour de la marchandise proposée, guidée par une madame Poulet-Braisay qui avait depuis longtemps terminé son sermon à l'encontre du garde du corps fautif, Roy et Lily discutaient un peu à l'écart :

 - Ça fait beaucoup d'argent Roy..., se lamentait Lily en triturant nerveusement son nouvel ocarina, tu aurais dû me laisser négocier un peu.

 - Arrête de t'en faire pour ça, l'argent ça va et ça vient et on en a encore beaucoup qui nous reste de Las Camp.

 - Ce n'est pas une raison pour le jeter par les fenêtres, rétorqua la femme-poisson avec une pointe d'agacement, en plus...

 - Dans tous les cas j'ai ma carte au trésor, la coupa Roy avant qu'elle ne puisse continuer. Tous les soucis d'argent qu'on pourrait avoir un jour ou l'autre seront oubliés dès qu'on mettra la main sur ce trésor.

 - Eh bien parlons-en alors de cette fameuse "chasse au trésor". Depuis que je te connais tu n'arrêtes pas de la mentionner, mais si j'ai bien compris tu as cette carte depuis que tu es enfant et tu n'as jamais fait le moindre progrès pour t'approcher de ce trésor. Tu es sûr qu'elle n'est pas bidon ?

 - Ah pardon, j'ai faits des progrès. Durant notre passage à la Nouvelle Ohara j'en ai profité pour faire des recherches : la carte nous dirige vers une île dénommée "Stymphale". Je sais qu'elle se trouve sur la Route de tous les Périls et que pour l'atteindre il faut passer par une autre île appelée "Rengoku", c'est déjà pas mal.

 - Première nouvelle..., commenta Lily après quelques secondes face à ces révélations, et tu sais où se trouve Rengoku ?

 - Pas la moindre idée, avoua sans honte le pirate, décrochant un regard ennuyé chez la femme-poisson, je fais mes recherches à mesure qu'on progresse sur Grand Line. Tôt ou tard quelqu'un saura bien me donner les informations qui m'intéressent.

 - Eh bien on n'est pas sorti du sable, se lamenta la comptable de l'équipage, avant de revenir au sujet qui l'intéressait en observant madame Sirena de loin : tu les as payé à l'avance pour l'acquisition des wavers en plus, on a aucune garantie qu'elles te remettront ce que tu as "acheté".

 - On est des pirates, lâcha simplement Roy, écartant son inquiétude d'un geste dédaigneux de la main. Sur un archipel qui n'est pas affilié au GM, qu'est-ce que tu veux de plus comme garantie ? Madame Sirena n'est pas idiote, elle sait très bien que si elle essaie de nous doubler, je me fraierais un chemin à coup de sabre jusqu'à ce qui m'a été promis.

 - Oh non mais c'est pas vrai..., soupira  à nouveau Lily en réponse.

 - Roy ?

Tournant la tête vers cette voix familière, le jeune homme découvrit Rosa à l'entrée de la boutique de souvenirs. Un peu plus loin, madame Sirena - qui jusque-là observait avec inquiétude Moria flirter avec madame Poulet-Braisay, triturant ce qui devait surement être la poignée d'un pistolet à silex caché sous le comptoir de l'établissement - remarqua également l'ange. Cessant son manège, elle s'approcha pour voir de quoi il retournait.

 - Rosa ? s'étonna Lily en l'apercevant également. Qu'est-ce que tu fais là ?

 - Amadeo a décidé de boucler les hangars des wavers pour la nuit, les informa-t-elle d'une voix paniquée, en réaction au sabotage des modules des Supernovas, lors de la course précédente. Je crois que Gal va en profiter pour trafiquer les marks XVI !
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Cher journal,


La nuit est tombée sur l'archipel. Ça se reconnaît facilement, le ciel est jaune lumineux et éblouissant au lieu d'être bleu lumineux et éblouissant ! A l'abri dans le hangar plongé dans une pénombre toute relative, j'observe le navire transportant madame Sirena s'éloigner de l'île avec le sourire satisfait de celle qui aime berner les gens.
Je t'arrête tout de suite avant que tu ne m'interroges sur mes dédoublements de personnalité journal: je vais t'expliquer.

Spouzi est peut-être de bonne foi en faisant interdire l'accès aux hangars à wavers afin de mieux les protéger, mais certains parmi nous en doutent sérieusement. Quoi qu'il en soit, nous avons de très bonnes raisons de penser que quelqu'un voudra saboter nos appareils avant la course, et nous avons tous très envie de le coincer pour lui apprendre notre manière de penser... !
Alors que mes associés étaient en train d'envisager toutes les options possibles pour retourner protéger notre hangar malgré l'interdiction, j'ai donc pris les choses en main en faisant la chose la plus naturelle qui soit pour une personne de mon acabit: me rendre sur place et faire un scandale !

Bien évidemment mon entrevue avec Amadeo Spouzi n'a pas été d'une grande utilité, si ce n'est le plaisir de l'ennuyer en lui faisant une scène tandis qu'il me répétait avec un faux air d'excuse qu'il faisait ça par souci de sécurité et qu'aucune exception ne pouvait être faite. Mais la partie intéressante vient ensuite...
Nous étions une quinzaine de personnes à être descendues du petit bateau à voile qui nous a déposés sur l'île de la SRC (moi, quelques-uns de mes employés, et quelques pirates de Roy), mais seuls dix d'entre nous sont repartis. Sous prétexte de nous assurer de sa sécurité, nous avons fait un détour par le hangar et nous n'en sommes jamais ressortis ! Tandis que les autres étaient juste là pour attirer l'attention, Roy, Lily, Rosa et un de mes trois gardes du corps (appelons le Garde n°1) avons pris soin de nous laisser enfermer pendant que les autres partaient de manière la plus voyante possible !

Depuis, nous attendons. Notre plan consiste à surveiller nos wavers, toute la nuit s'il le faut, et à confondre les saboteurs s'ils viennent... lorsqu'ils viendront ! Grâce au fameux "pouvoir de perception" de Roy, nous serons avertis de ce qui se passe aux alentours et nous éviterons d'être pris au dépourvu. Il nous faut des preuves, et nous en aurons !

Pour passer le temps nous discutons à voix basse et piochons dans le généreux tas de provisions dont nous nous sommes munis: thé glacé en bouteille, chocolat, fruits frais, gâteaux secs, encore plus de chocolat... j'ai tout choisi moi-même ! Et puisque j'ai à présent une certaine méfiance envers la nourriture locale, j'attends que Roy ait mordu innocemment dans une banane, et ait semblé en apprécier le goût, pour ignorer son regard interrogateur et me servir à mon tour !

♦♦♦♦

Tandis que la nuit finit de tomber et que les autres guettent et conversent à voix basse, je me renferme dans mes pensées. Je me retrouve dans une situation assez désagréable et un peu préoccupante en vérité ; à part ses compétences, le seul intérêt que présentait Aston pour Sirena (comme pour la compagnie de Spouzi d'ailleurs), c'était sa notoriété dans l'archipel qui nous permettait de se faire une publicité favorable auprès des habitants. Mais si les indigènes commencent à le détester, sa mauvaise image risque de déteindre sur moi !!!
Ce n'est pourtant pas déplaisant d'être avec Roy et sa bande. Une des principales raisons de ma présence ici avec eux, outre mon besoin de protéger mes biens, c'est mon envie de m'amuser ! Il a beau être un criminel je l'apprécie plutôt bien, et s'il n'était pas un pirate je pourrais même t'avouer que je le trouve sympathique ! Mais ce n'est pas le cas, journal, j'insiste bien là-dessus ! Une agent respectable ne peux pas trouver un pirate sympathique ! Ce sont deux mots incompatibles de toute façon !!!

La solution qui paraît la plus évidente est radicale: couper les ponts, le plus vite possible, et faire comme s'il ne s'était rien passé ! Le simple fait de continuer à frayer avec lui flirte déjà un peu trop avec le cadre légal de ma mission, et les bénéfices qu'il peut me procurer sont à présent en chute libre !

Alors que faire ? Je devrais lui abandonner les wavers dès maintenant ? M'en débarrasser, abandonner l'idée de concourir demain, et me laver les mains de ce qui suit ? Très mauvaise idée journal, ce serait un changement d'attitude beaucoup trop suspect ! Laisser les wavers se faire saboter pour avoir une excuse pour ne pas faire la course de demain alors ? Arrête de dire n'importe quoi journal, ils représentent une fortune ces engins-là ! Tu n'es vraiment pas un bon conseiller !

Dans les grandes lignes, je préfère m'en tenir au plan à quelques détails près: je fais la course, puis j'achève ma mission en confondant Amadeo Spouzi, et enfin je livre les wavers aux pirates avec un cadeau bonus. Simplement, je vais devoir annuler tout ce qui touche de près ou de loin à Roy dans ma campagne de publicité agressive, et pour le reste... ça me fera un bon prétexte officiel pour avoir retiré Sirena des courses !
Tu penses que je devrais demander à Roy de porter un masque demain pour ne pas trop me faire subir sa sale réputation ?

"- Dites-moi, pour demain, que penseriez-vous de mettre un m..."
"- Je sens plusieurs personnes. Ils approchent."

Cette annonce faite à voix basse sonne comme un rappel à la réalité. Il y a un petit frémissement parmi notre groupe ; chacun sait ce qu'il a à faire. D'un seul élan, nous nous glissons en silence dans nos cachettes: derrière des caisses, des bâches, et sous un panier pour ma part. Ça me paraissait un bon abri: léger, facile à soulever et permettant de voir à travers, mais un détail ennuyeux vient chambouler mon plan: je ne sais pas à quoi servait ce panier, mais ça impliquait des fruits de mer ou des choses avec la même odeur… et c'est dégoûtant !!!

Je n'ai plus le temps de me raviser malheureusement. Alors que je me bouche le nez, je peux entendre distinctement des bruits de pas qui se rapprochent...
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Comme à son habitude, Roy avait décidé de se cacher parmi les hauteurs. Perché sur des échafaudages près du plafond de l'entrepôt, dissimulé dans la pénombre, il observait patiemment la scène qui se déroulait sous ses yeux. Rosa faisait de même à ses côtés. Il l'avait quelque peu aidé à le rejoindre sur leur perchoir, mais les ailes de l'ange la rendaient naturellement à l'aise avec l'altitude. Lily quant à elle était caché sous l'eau dans laquelle flottaient les wavers de course. Garde n°1 enfin s'était glissé sous une bâche non loin de sa patronne, tentant initialement de la prévenir avant qu'elle n'entre dans la caisse de fruits de mer, mais se ravisant finalement, pressé par le temps.

Une veine battait à la tempe de Rosa. Sans surprise, c'était bien Gal Dome qui s'aventurait dans le hangar. Il était encadré de deux agents de sécurité qui semblaient l'escorter pour le tenir à l’œil. Mais d'un ordre bref et sec, il montra que ce n'était pas le cas. Il leur ordonna de monter la garde à l'extérieur après avoir vérifié que l'endroit était bien désert. Quand les deux mercenaires furent partis, il se mit immédiatement à la tâche, se dirigeant droit vers les wavers mark XVI de l'équipe SIRENA.

Brûlante de rage, Rosa sembla à deux doigts de bondir de leur perchoir et foncer sur le saboteur. Posant une main sur son épaule pour la retenir et l'enjoindre à se calmer, Roy était secrètement soulagé qu'elle n'ait pas emporté son bazooka avec elle, sans quoi elle aurait très certainement fait exploser Gal et les wavers avec, ainsi qu'une bonne partie de l'entrepôt. Les yeux de Rosa, bleus d'ordinaire mais terriblement sombre dans la pénombre, se posèrent sur lui d'un air interrogateur. Silencieusement, le pirate lui fit "non" de la tête. Il fallait laisser faire l'ingénieur malhonnête, pour le moment du moins.

Baissant les yeux, son pouvoir de perception fonctionnant à plein régime en cette situation éprouvante pour les nerfs, il remarqua un léger mouvement du côté de madame Sirena. Le couvercle de son panier se releva subrepticement et il entraperçut le regard de l'investisseuse, également dirigé vers lui. Cette fois-ci, il hocha la tête à son intention, confirmant le plan et leur décision de ne pas arrêter Gal, juste de le prendre en flagrant délit. Avec toute la grâce et la dextérité que pouvait réunir une photographe amatrice dissimulée dans un panier empli de fruits de mer, la blonde gesticula en silence et parvint à faire passer un visio dial devant ses yeux. Là, langue sortie sur un coin de la bouche alors qu'elle se concentrait sur sa tâche, elle prit plusieurs clichés de Gal au travail sur les wavers de la SIRENA.

Cela dura une bonne demi-heure, au cours de laquelle Rosa manqua plusieurs fois de se jeter sur son collègue tant haï. Le fait que ce dernier faisait un raffut monstre, alors qu'il s'évertuait activement à démolir les fruits de son dur labeur, n'aidait en rien. Histoire de fignoler le tableau, la bande embusquée découvrit également que le chien de garde d'Amadeo parlait tout seul lorsqu'il s'attelait à la tâche et bien sûr, il ne se priva pas d'insulter copieusement l'ange ingénieur durant tout le processus.

Finalement, il se releva, poussa un soupir fatigué en s'essuyant le front d'une main pleine de cambouis, avant de prendre la direction de la sortie.

 - Nickel les boys, on remballe, purent-ils l'entendre quelques secondes plus tard, suivi de bruits de pas qui s'éloignèrent du hangar.

Ils attendirent quelques secondes histoire d'être sûr que les sous-fifres d'Amadeo avaient bien quitté les lieux, puis chacun émergea de sa cachette avant de se réunir loin du panier à fruits de mer de madame Sirena. Cette dernière inonda immédiatement l'air autour d'elle d'un déluge de parfum qui fit tousser Roy, pressée de couvrir l'odeur ingrate qui avait imprégné ses vêtements.

 - Très bien, lâcha-t-elle quand ce fut fait, et bien voilà qui confirment nos soupçons. Gal en avait bien après nos wavers et c'est Amadeo qui tire les ficelles.

 - Rien ne prouve que Gal n'agit pas de son propre chef, rétorqua immédiatement une Rosa en train de fulminer un peu plus loin, arrêtez avec ça !

Roy et madame Sirena échangèrent subrepticement un regard, conscients qu'ils partageaient le même avis sur la question. Mais d'une entente commune ils choisirent de ne pas en discuter pour l'instant, le moment était mal choisi (et puis bon après tout, Rosa pouvait bien se voiler la face sur le véritable personnage d'Amadeo, cela ne concernait pas l'investisseuse).

 - On n'aurait pas dû le laisser faire, renchérit l'ange qui semblait au bord de la crise de nerfs, c'était une mauvaise idée, on aurait dû l'arrêter, regardez ce qu'il a fait à mes engins !

 - Doucement Rosa ! chuchota Lily d'une voix autoritaire. Tu vas nous faire repérer !

 - Pas de risque de ce côté-là, la rassura Roy à voix haute, ses yeux rougeoyants tandis qu'il canalisait son pouvoir de perception. On fait comme on a prévu Rosa, ça va nous donner des informations sur leurs int... sur les intentions de Gal. C'est à toi de jouer maintenant justement, répare les wavers à son insu, ça nous permettra de créer la surprise pour la course de demain.

Tapant du pied les bras croisés, l'ange pondéra un instant les propos du capitaine pirate, avant de se décider à obtempérer. Elle retint son geste à mi-chemin cependant, avant de se retourner vers ses compagnons :

 - Et pour les caméras du coup ?

Le hangar était effectivement surveillé par trois escarcaméras perchées sur les murs de l'entrepôt. Avec une aisance rappelant celle de Merry quelques jours plus tôt, madame Sirena les avait immédiatement repérés la première fois qu'ils avaient visité l'usine de la SRC. Elle avait instruit le petit groupe sur les endroits à éviter pour échapper à leur regard et ne pas se faire repérer. Cela leur avait permis de se mettre en position pour espionner les manigances de Gal, mais un nouveau problème se posait à eux à présent : les wavers étaient directement sous le regard de l'une des escarcaméras.

 - Je peux m'en occuper ! s'écria joyeusement l'investisseuse blonde en sortant malicieusement une feuille de salade de son sac, avant de la présenter fièrement à son auditoire. J'ai un certain doigté avec les escargophones et assimilés, ma mère m'a appris à m'occuper de ces petites bêtes en me disant que ça me servirait dans ma carrière. Je n'ai jamais trop compris pourquoi, mais à présent je devine qu'elle savait que ce serait utile pour... pour "faire des affaires".

Elle se tourna et se retourna sur elle-même, à la recherche de l'escarcaméra qui filmait les wavers. Quand elle le trouva, elle fit un pas dans sa direction, avant de s'arrêter avec hésitation :

 - Il est un peu trop haut pour moi par contre, avoua-t-elle penaude en se retournant finalement vers le reste du groupe, qui manqua de tomber sur ses fesses.

 - Ahem, vous pouvez utiliser mes patins, proposa Rosa en lui tendant une paire de curieux dispositifs. Ils viennent de ma terre natale, vous les accrochez à vos chaussures et ils génèrent de petits nuages solides sous vos pieds.

Quelques instants plus tard, après que l'ange l'ait averti de faire attention, car les nuages étaient moins solides sur les Mers Bleues, madame Sirena grimpait par petits bonds jusqu'à l'escarcaméra. Après une manipulation étrange qu'elle dissimula soigneusement à ses compagnons - Roy ne comprenait pas comment une feuille de salade pouvait désactiver un escargot mais soit -, elle fit signe à Rosa qu'elle pouvait se mettre au travail.



 - J'ai une mauvaise nouvelle, une bonne nouvelle et re-une mauvaise nouvelle, commença l'ange dix minutes plus tard, après avoir constaté les dégâts.

Discutant dans leur coin en attendant que l'ange ait terminé, les pirates, madame Sirena et son employé attendirent anxieusement son verdict. Comme elle semblait avoir besoin d'encouragement cependant, Roy se décida à l'aider :

 - Commence par la bonne n...

 - Le sabotage du waver de Roy est destiné à le tuer, le coupa Rosa en essuyant du cambouis sur son pantalon, celui de madame Sirena servira simplement à arrêter le waver en pleine course. C'est une tentative d'assassinat à ton encontre Roy.

Accusant le coup, le jeune homme resta silencieux quelques instants avec un air pensif.

 - A ma connaissance Gal n'a pas d'animosité particulière à mon encontre, lâcha-t-il finalement. Amadeo en revanche... après mes déboires avec les éveillés, il gagnerait à ce que je meure dans l'une de ses courses. Il faut se rendre à l'évidence, Rosa.

 - Je peux réparer les dégâts qu'il a causés, choisit-elle de l'ignorer les lèvres pincées, mais ça va me prendre une bonne partie de la nuit, surtout si je dois être discrète. Voilà pour la bonne nouvelle et la re-mauvaise nouvelle.

Réfléchissant quelques instants en silence, décidant de la marche à suivre avec ces nouvelles informations, le groupe laissa planer un silence pesant et inquiet. Le seul indifférent à la scène était garde n°1, attendant dans son coin que les touristes prennent une décision en se curant le nez.

 - Nous ne pouvons pas rester toute la nuit dans ce hangar, se désola madame Sirena avec un regard contrit à l'intention de Rosa, il faut que l'on puisse se reposer si nous voulons être d'attaque pour la course de demain.

 - Rosa ne peut pas rester toute seule en tout cas. Je peux rester avec elle moi, proposa Lily. Vous, profitez du pouvoir de Roy pour vous éclipser sans être vu. Nous deux on attendra l'aube et dès qu'ils ouvriront les hangars, on s'échappera par voix sous-marine.

Hochant la tête face à ce plan sensé, le groupe sembla l'accepter unanimement.
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Cher journal,

Je ne suis pas sûre que tout ce que je suis en train de faire aide mes affaires, mais je m'amuse bien ! Notre phase d'espionnage achevée nous voilà repartis, Roy et moi, pour nous exfiltrer de l'île ! Il y a Numéro un également mais lui, bah... il tient la chandelle c'est tout. Façon de parler hein, journal ! Parce que au contraire, l'obscurité nous serait bien utile pour nous dissimuler ! Nous avons beau être à l'heure où la plupart des gens dorment, nous sommes aussi visibles sur cette plage qu'en plein jour !

Notre plan est de nous faufiler tel un commando de la marine d'élite en pleine intervention dans une zone à risques, et de rejoindre les docks où sont amarrées les embarcations plus conventionnelles de la SRC. Nous savons qu'ils possèdent quelques engins à voile, ou à rames, qui seront un peu plus discrets pour prendre le large. C'est du vol je sais journal, mais c'était ça ou faire toute la distance qui nous sépare de l'île principale à la nage ! Je m'en sais tout à fait capable je suis une très bonne nageuse, mais 1) je n'ai pas envie que ma robe soit toute mouillée et pleine de sel, 2) si on nous poursuit on sera très faciles à rattraper, et 3) je ne suis absolument pas sûre que Roy le puisse. Ah, et Garde Numéro Un non plus je suppose.

De tout façon, comme je te l'ai dit, je passe un bon moment. Le danger n'est pas très grand, et j'ai l'impression d'être revenue quelques années en arrière, lorsque je m'entrainais pour devenir une agent certifiée !
Je m'exclame à voix basse, avec beaucoup d'enthousiasme:

"- Go go go ! Tango Delta Eagle ! Roger, roger !"

Ils font ça les commandos de la marine d'élite. Je sais de quoi je parle, j'ai travaillé avec eux une fois ! Et même qu'ils font des roulades au sol et qu'ils pointent leurs armes partout d'un air professionnel. Mais comme je n'ai pas d'armes et que je n'ai pas une tenue appropriée pour faire des roulades devant deux garçons je ne vais pas à fond dans mon rôle ; ce n'est pas grave, c'est déjà très rigolo comme ça !

Nous nous faufilons entre les bâtiments de tôle, guettant les bruits, attendant le signal de Roy et sa perception accrue de l'environnement, puis nous élançant telles des ombres d'une cachette à l'autre. C'est bien pratique cette faculté, il faudrait que je creuse un peu plus le sujet. Enfin sauf si j'apprends que ça lui vient juste d'une consommation intensive des substances chamaniques des sorciers autochtones. D'ailleurs c'est surement le cas ! Et si ça se trouve, les choses qu'il perçoit n'ont pas plus de valeurs que les prédictions un peu exubérantes de la chamane locale !

Nous sommes obligés de nous recroqueviller contre l'ombre d'un hangar tandis que deux individus passent. Un homme et une femme, armés chacun d'un marteau et visiblement en patrouille. Spouzi ne plaisante vraiment pas avec la sécurité de son chantier ! Ou alors ce sont juste deux ouvriers qui finissent leur service, et ça expliquerait leurs vêtements couverts de saleté, les outils qu'ils tiennent à la main, et leurs commentaires faits à voix haute sur leurs horaires de travail abusifs.
Aussitôt les deux compères éloignés nous repartons de plus belle.

"- Go go go ! Roger, Patrick ! Over, go go go ! Hihihi !"

Après avoir quitté la plage, nous coupons au plus court à travers les nombreux bâtiments de l'"usine" de la SRC. Le chantier est pratiquement désert à cette heure, et notre progression n'est ralentie que par notre extrême prudence. A pas de loup, nous rejoignons l'autre côté de l'île, et le fameux débarcadère. Une dizaine de mètres à découvert séparent la cabane derrière laquelle nous sommes cachés du ponton en bois où mouillent plusieurs bateaux. Il y a une énorme embarcation munie de cheminées, un appareil très exubérant et beaucoup trop gros pour rentrer dans un hangar, mais muni des dernières innovations de Spouzi. A côté de lui, un peu écrasés par sa taille, flottent paisiblement deux barques et un petit voilier, type bateau de plaisance. Nous choisissons de prendre une des barques, ce sera surement un peu plus discret que de tendre fièrement une voile au milieu du ciel lumineux de l'archipel.

Après une longue observation, les yeux de Roy perdent leur teinte rouge et il nous indique.

"- Il y a plusieurs personnes sur le gros navire, mais personne sur le ponton."
"- Ils peuvent nous voir à votre avis ?"
"- Non, pas si nous sommes très silencieux et que nous faisons vite."
"- D'accord, on fait ça."

J'ai une seconde de réflexion, puis je lui adresse un regard compatissant et ajoute:

"- Vous devriez arrêter d'utiliser votre faculté maintenant, j'ai l'impression que vous vous épuisez à vue d’œil !"

Et s'il se fatigue trop je serais obligée de ramer à sa place ! Il n'en est pas question de ça journal !


♦♦♦♦


Cher journal,

Un, deux ! Un, deux ! D'un rythme rapide, mes deux compagnons rament à l'unisson et nous nous éloignons de l'île à vive allure. A cette allure il ne nous faudra surement pas plus d'une dizaine de minutes pour retourner sur l'île principale ! En attendant, comme je n'ai rien à faire à part surveiller l'horizon et que nous sommes assez loin pour ne pas être entendus, je bavarde pour m'occuper.

"- Que comptez-vous faire à propos de Spouzi ? Au départ je pensais que vous essaierez de vous venger de lui, mais si vous aviez voulu le faire vous auriez directement arrêté Gol Dado
(je suis sure que c'est un nom comme ça. Tu sais, l'ingénieur saboteur ? Gol truc. Ou Gal. Ou Dal ? Enfin c'est une sonorité comme ça). A moins que vous ne l'ayez laissé partir pour ne pas compromettre notre participation à la course de demain ? Si c'est le cas, c'est très chic de votre part."

Je ne saurais pas trop dire si ça arrange ou contrarie mes affaires mais tu me connais journal, j'arriverai à retomber sur mes pattes.

"- Pour ma part, j'en ai fini avec Spouzi et ses magouilles ! Après la course je coupe les ponts ! Il n'a pas arrêté d'essayer de me tromper, il sabote mes machines, et en plus le soi-disant pilote adoré par les autochtones qu'il m'a refilé pour ma publicité se révèle être détesté par ces derniers ! Enfin ce n'est pas contre vous évidemment, c'est juste son idée qui était nulle. Comme à peu près toutes ses idées en fait, cet Amadeo Spouzi n'est rien d'autre qu'un escroc !"

Je conclus, déterminée:

"- Demain, il aura une grosse surprise quand il verra que non seulement on n'explose pas comme prévu mais qu'en plus on gagne sa course haut la main et qu'on rafle le prix ! Il sera bien déçu et se sera bien fait, na !"
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Il y en avait au moins une qui semblait s'amuser comme une petite folle. Du temps où Roy était encore un garde du corps professionnel du bon côté de la Loi, il en avait croisé des civils enthousiastes à l'idée de vivre une petite aventure. Les trois quarts du temps, quand ils réalisaient que le danger était bien réel, qu'il allait être nécessaire de se salir les mains ou même tout simplement qu'ils risquaient d'abîmer leur tenue, l'enjouement de ces gosses de riches étaient rapidement douchés et l'ancien bédouin se faisaient une joie d'apprécier le spectacle tout en leur sauvant la mise.

Les choses ne s'étaient pas déroulées ainsi dans le cas présent cependant ; et malgré ces élucubrations dans un jargon "militaire" parodié et ces gesticulations absurdes un peu plus tôt - alors même qu'ils étaient censés rester discrets -, au final la civile avait su garder la tête froide. A chaques fois elle l'étonnait un peu plus à vrai dire, brisant méthodiquement tous les clichés qu'il avait formés dans son esprit, au fil des années, à propos des gens appartenant à sa classe sociale. Comme de juste, madame Sirena était distinguée, propre sur soi et semblait savoir tirer son épingle du jeu dès qu'il était question de faire des affaires, mais pas seulement. Elle était également terre à terre et dotée d'une forme physique impeccable ainsi que d'une intelligence féroce, bien loin de ce que l'on pouvait s'imaginer d'une personne qui aurait passé son enfance à se faire dorloter en mangeant des sucreries sur une île au climat tempéré.

 - Je n'ai pas encore décidé ce que je vais faire d'Amadeo, avoua finalement un Roy légèrement essoufflé à la blonde, qui se prélassait au fond de l'embarcation tandis que les deux hommes ramaient à vive allure, je ne pensais pas qu'il aurait si peu de scrupules qu'il irait jusqu'à planifier ma mort.

La nouvelle lui avait paru étrange au départ, trop d'informations s'étaient bousculées en même temps dans son esprit quand Rosa leur avait fait part de ses observations. Mais maintenant qu'il avait du temps pour réfléchir, qu'il prenait la mesure de ce que cet entrepreneur félon avait prévu pour lui, un brusque éclat de colère traversa son esprit et il mit plus de force que nécessaire dans son coup de rame suivant. Sous cette impulsion, la barque dévia brusquement sur le côté et se mit à tanguer dangereusement, faisant basculer madame Sirena qui se cogna légèrement le bout du nez avec un petit couinement.

Hé hé, bien fait.

Le temps que n°1 ne réagisse, ajustant ses coups de rame pour compenser la bourde du pirate, tout en lui faisant les gros yeux, la petite embarcation repartait de plus belle et Roy continuait sur sa lancée :

 - Gagner la course de demain c'est déjà une bonne étape pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Ines a déjà dû organiser les paris pour qu'il remporte un maximum d'argent de notre défaite, si on émerge victorieux on lui fera perdre une bonne somme d'argent j'imagine. C'est la seule manière d'atteindre ces gens-là, les blesser au porte-monnaie... ou les tuer.

Les yeux gris de l'investisseuse se posèrent sur le pirate, inquisiteurs, brillants dans la clarté nocturne de l'archipel.

 - Quand j'étais encore un mercenaire, se mit-il à raconter en réponse à sa question silencieuse, je travaillais souvent aux côtés de la Marine avec mon clan. Je mettais un point d'honneur à respecter la Loi et à ne jamais me faire justice moi-même. Maintenant que j'ai une prime sur ma tête, force m'est d'avouer que... qu'attendre que la Marine fasse régner la "justice", ça sonne comme une mauvaise blague. Je suis un pirate après tout aujourd'hui, si l'envie me prend de lui trancher la gorge et de repartir comme je suis venu sur le Matheson, je vois difficilement ce qui pourrait m'en empêcher.

Seul le clapotis de l'eau à chacun de leurs coups de rames rythmait la tirade du jeune homme. Le bruit des vagues commençait cependant à se faire légèrement audible à mesure qu'ils se rapprochaient de l'île principale. L'eau était resplendissante avec toutes les formes de vie phosphorescentes qui habitaient l'archipel. La rame de Roy écartait régulièrement de petites algues brillantes sur son passage qui l'entouraient d'un halo de lumière.

 - Mais il y a des limites, continua-t-il, je n'exécuterais pas quelqu'un pour le simple prétexte qu'il m'a causé du tort ou qu'il comptait le faire. C'est une décision que j'ai prise très tôt, dès que j'ai hissé mon drapeau pour la première fois au sommet de mon navire : je ne serais pas ce genre de pirate. Rassurez-vous, je ne compte blesser personne, conclut-il enfin.

Hochant la tête sans rien laisser paraître de ce qu'elle pensait, comme à son habitude, madame Sirena s'installa confortablement dans un coin de la barque et attendit la fin du voyage.




Le reste de la nuit passa rapidement, trop rapidement pour le jeune pirate bien loin d'avoir eu ces huit heures de sommeil. Ils avaient rejoint l'île principale sans encombre et s'étaient séparés sans perdre de temps, n°1 assurant la protection de madame Sirena jusqu'à la chambre d’hôtel qu'elle avait louée. Roy lui avait rejoint le Matheson Sorrow et avait profité de quelques courtes heures dans une obscurité réparatrice, qui lui avait permis de s'endormir immédiatement après s'être écroulé sur son lit.

C'était Moria qui était venu le réveiller, quelques instants plus tard lui avait-il semblé, pour qu'il aille se préparer pour la course. D'une humeur massacrante, comme de juste, Roy s'était néanmoins activé pour rejoindre rapidement la SRC et son waver de l'équipe SIRENA, inquiet pour Lily et Rosa et pressé de savoir si leur plan s'était déroulé sans encombre.

Tout s'était passé à merveille ; il se trouvait maintenant sur son module de course présument réparé, au côté de sa coéquipière qui semblait avoir mieux encaissé que lui la courte nuit. A moins qu'elle n'ait triché avec du maquillage. C'était probable.

La ligne de départ était couverte de wavers en tous genres, chacun appartenant à une équipe différente dont ils arboraient le blason. Dans les gradins des deux côtés du circuit, la foule de spectateurs redoublait d'excitation à mesure que Djama Ines les échauffaient dans les haut-parleurs, en commentatrice expérimentée.

Du coin de l’œil, Roy entraperçut Amadeo Spouzi en personne, sur sa place d'honneur séparée du reste de la foule, assez haut dans les gradins. Il lui fit un signe de la main, curieux de voir la réaction de cet homme qui s'attendait à ce qu'il explose dans une déflagration pyrotechnique dès les premières secondes de la course.

Ayant repéré le pirate, son sourire charmeur éternellement plaqué sur son visage, l'entrepreneur lui rendit son geste brièvement, avant de reporter son attention sur le reste de l'événement.

Enfoiré.

Le "GO" de Djama Ines retentit avec force dans les haut-parleurs et tous les moteurs s'activèrent simultanément. Mettant les pleins gaz au côté de sa partenaire, dans une explosion d'écume et le rugissement des wavers, Roy s'élança dans leur deuxième et dernière course sur l'Archipel aux Éveillés.
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Cher journal,

Nous avons beau faire les malins et tout et tout, je suis quand même soulagée de constater que nos wavers n'explosent pas lorsque nous les lançons à pleine vitesse ! Je ne perds pourtant pas de temps à m'en extasier, et amène aussi vite que je peux mon appareil à sa vitesse de pointe. Le vent fouette mon visage, et balaie les quelques mèches de cheveux qui s'échappent de ma coiffure déjà imbibée d'eau. L'écume tiède projetée en quantité par une vingtaine d'appareils qui rivalisent d'ardeur pour dépasser leurs concurrents m'asperge le corps en entier, et je remercie ma combinaison étanche de m'en protéger !

Comme lors de notre précédente compétition, la course se fait par équipes de deux. Notre but est de suivre un itinéraire passant par plusieurs points de relais, et l'équipe gagnante est la première dont les deux membres passent la ligne d'arrivée. Comme la plupart des coups indirects ne sont pas interdits, beaucoup de concurrents rivalisent de manque de scrupules pour éliminer ne serait-ce qu'un membre des autres équipes !

Propulsés par nos machines expérimentales aux moteurs surpuissants, Roy et moi n'avons pas de mal à nous placer dans le peloton de devant. Nous manquons même de nous emparer de la première place, avant qu'un virage serré pour suivre le contour de la première île et nous conduisant au premier point de passage ne nous force à tempérer un peu notre allure, et à rentrer dans le rang. Notre vitesse est notre principal atout, mais nous manquons de maniabilité aussi bien dans les virages que pour les manoeuvres les plus techniques. C'est cette faiblesse que nous nous sommes entraînés à compenser comme nous le pouvions au cours de nos entraînements: d'un même mouvement, nous déportons nos appareils pour aborder la courbure en un arc de cercle le plus large possible, compensant la distance supplémentaire par une vitesse à peine réduite qui nous permet de rester à hauteur des principaux concurrents. Avec une parfaite coordination, nous traversons tout en célérité, fracas et vrombissements le premier point de relais !

"- Sirena ! Sirena ! Sirena ! Hourra !"

Splaaaash !!! Un jet d’écume tiède fait taire les spectateurs qui, massés sur la plage, sont venus encourager les participants !
Tu t'étonnes, journal, que nous soyons aussi populaires ? C'est vrai que la Spouzi Race est loin de faire l'unanimité dans l'archipel surtout en ce moment et Roy, mon principal atout marketing, n'est plus en odeur de sainteté ! Eh bien c'est simple: j'ai acheté mes supporters ! En échange de quelques berrys, on peut faire crier aux gens n'importe quoi !

Peu importe leur sincérité, ces encouragements me galvanisent et me poussent à faire de mon mieux: pas question de décevoir mes vaillants admirateurs ! Glissant, volant sur les vagues, je me porte à la hauteur de mon concurrent de devant ; celui-ci, remarquant ma présence, dévie légèrement de sa trajectoire pour se placer juste devant moi, projetant des masses d'écume chaude qui me forcent à rester en arrière au risque de m'ébouillanter !
C'est là qu'entre en scène notre jeu d'équipe: profitant de ce que notre concurrent soit occupé avec moi Roy se porte à sa hauteur et, profitant de sa vitesse supérieure, se place à son tour devant lui ; obligé de s'écarter à son tour, le pilote dévie de sa trajectoire, me libérant le passage ! En une demi seconde je tourne ma poignée de vitesse à son maximum et je m'élance dans la course telle un agent du CP exécutant un soru !

Je me rends compte que j'appelle mon équipier "Roy" depuis tout à l'heure. Mais n'y vois aucune familiarité, journal ! C'est juste... une histoire de synonymes ! Si, parfaitement ! C'est plus simple que de toujours dire "Aston", "le pirate", "cette horrible crapule avec qui il ne me viendrait pas l'idée de m'associer de manière sérieuse" ! D'ailleurs...


BAOUM !

C'est comme si une bombe avait explosé juste entre cette horrible crapule avec qui il ne me viendrait pas l'idée de m'associer de manière sérieuse et moi, déchirant un instant la mer en un large trou qui se referme aussitôt avec violence !

Nous ne sommes pas les seuls participants à jouer la confrontation lorsqu'elle se présente, et certains se sont même fait une spécialité de la provoquer. C'est le cas des Blousons Noirs, une des équipes favorites qui, comme nous, mène la course. Ils sont venus équipés de tout un arsenal dont ils font un usage consommé entre deux points relais -quand il n'y a pas de témoins, donc- pour éliminer leurs concurrents ! Pas besoin d'être rapides ou exceptionnellement bons en manœuvres quand on peut être les seuls participants encore en lice, voilà ce qui semble être leur mantra !

Légèrement déstabilisée par la secousse provoquée par l'explosion, je n'ai pas le temps de redresser ma trajectoire que déjà l'un des Blousons Noirs me fonce dessus, une batte à la main et un grappin dans l'autre ! ... Le malade !!! Attends, comment il fait pour diriger son appareil sans les mains d'ailleurs... ?! Peu importe, je dois m'en débarrasser ! Je tente de bifurquer sur la gauche ,mais je n'ai pas le temps de m'éloigner qu'un choc ébranle le rebord de mon appareil. Clang ! Son grappin se fiche à l'intérieur de la coque, tractant irrémédiablement mon adversaire vers moi. L'affreux, il compte se faire tracter jusqu'à se rapprocher suffisamment pour m'éliminer ?!

Malheureusement pour lui, le Blouson Noir n'a pas visé la bonne adversaire. Son grappin est relié par un long câble métallique, quelque chose qu'aucune personne normale ne pourrait sectionner sans outil, mais je ne suis pas une personne normale ! D'un shigan bien ajusté, mon index tendu s'abat sur le câble avec la force d'une puissante balle de pistolet, le rompant d'un coup sec. N'ayant soudainement plus rien pour le retenir, mon waver repart à pleine puissance, comme propulsé par une catapulte !

"- Aaaaaah !!!"
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Ayant un instant craint pour sa partenaire, Roy fut soulagé de constater que le Blouson Noir qui l'assaillait avait manifestement manqué son jet de grappin. Son inquiétude reprit de plus belle quand l'investisseuse faillit perdre le contrôle de son véhicule, dans une brusque accélération qui laissa son adversaire sur le carreau, mais la talentueuse jeune femme parvint à se stabiliser et distança rapidement le Blouson Noir belliqueux. Filant dans une traînée d'écume, madame Sirena tourna brièvement la tête pour jauger la position de Roy et leurs deux regards se croisèrent.

Le pirate brisa immédiatement le contact visuel, distrait par sa capacité d'observation qui lui avait soudain envoyé une alerte. Si elle avait pu prendre une forme tangible, elle aurait surement consisté en un énorme panneau rouge flamboyant indiquant le mot "DANGER !", accompagné d'une sirène hurlante et de phares lumineux tournoyants exprimant l'urgence de la situation : l'autre Blouson Noir réitérait son assaut pyrotechnique et la bouche d'un large bazooka agressait l'oreille gauche du pirate. Il le sentait dirigé vers lui et sa machine, un peu plus de cinq mètres plus loin.

Réagissant au moment même où le coureur adverse faisait feu, Roy alla chercher son sabre - son fourreau flambant neuf solidement fixé dans un compartiment du waver cette fois-ci -, le dégaina avec fluidité et envoya dans le même mouvement une lame d'air préemptive, dans la direction du "tricheur" et de son jouet pas du tout réglementaire. Ce qui ressemblait à une vague d'énergie bleue et tranchante vint s'écraser sur l'obus tout juste éjecté du canon et le découpa en plein vol. Il se divisa en deux morceaux distincts qui vinrent s'échouer dans la mer, de chaque côté de Roy, avant d'exploser sans causer de dégâts à sa machine.

Les remous de l'eau associés au vacarme des détonations manquèrent de faire perdre pied au jeune pirate, qui parvint tant bien que mal à garder le contrôle sur son waver, à la manière de madame Sirena quelques instants plus tôt. Une fois de plus, le savoir-faire de Rosa vint à son secours, le module mark XVI dernier cri construit par son amie semblant se stabiliser de lui-même tant il était bien équilibré. Ce court moment de frayeur passé, les yeux rouges flamboyants et passablement énervés du jeune homme vinrent se poser sur le Blouson Noir, qui l'observait bouche bée un peu plus loin en arrière, le canon fumant de son arme posé sur son épaule tandis qu'il maintenait son véhicule à hauteur de celui de Roy.

Bon... si vous voulez qu'on la joue dur, on va la jouer dur..., pensa le jeune homme alors qu'il donnait un brusque coup de guidon qui fit bifurquer sa machine.

Ce faisant, il se remémorait un épisode de son passé de bédouin, sur Hinu Town son île natale. Son clan de mercenaire organisait régulièrement des petits jeux sportifs à la lisière du désert. En période de vide, quand les contrats se faisaient rares et que les nomades étaient livrés à eux-mêmes sans occupations, les esprits s'échauffaient rapidement. C'était d'autant plus vrai dans une société martiale régie par la fierté individuelle et la loi du plus fort (bien que tempérée par un relatif code d'honneur). Ces jeux étaient ainsi un moyen pour que les hommes se défoulent sur le terrain plutôt qu'au travers de leurs poings, entretenant une saine rivalité et une camaraderie sportive entre des guerriers qui, s'ils étaient farouches et belliqueux, ne restaient pas moins des frères et sœurs négligeant les liens du sang. Naturellement, les plus jeunes recrues étaient également conviées à ces jeux par équipes et concouraient avec et contre leurs aînés.

Il y avait de cela des années, au cours de l'une de ces parties, un match amical entre deux clans El Beida voisins, un Roy alors âgé de quatorze ans s'était trouvé frustré du peu de contribution qu'il apportait à son équipe. C'était un jeu aquatique dont le but était de s'emparer de la balle et de la projeter dans les buts adverses. Tous les joueurs se baignaient dans l'eau du large bassin d'une oasis, personne n'avait pied. C'était un exercice ardu pour l'adolescent qui, tout comme ses congénères, avait grandi sur une île désertique et n'était de ce fait par un nageur très adroit. Ses camarades du même âge, dans son équipe et chez celle de leurs adversaires, peinaient tout comme lui à faire une différence, leurs aînés plus expérimentés et habitués à ce jeu éprouvant les distançant facilement, omettant souvent de les inclure dans le jeu en leur faisant une simple passe.

La partie battant son plein, Roy avait lentement commencé à prendre ses marques et était finalement parvenu à apporter une modeste contribution, récupérant la balle ici ou là pour faire des passes, profitant de sa taille menue pour se glisser entre ses adversaires, créant la surprise en somme. Mais son esprit compétitif ne s'était pas satisfait de cette modeste performance et sa frustration était allée grandissante au fil de la partie. Peu à l'aise avec ce milieu aquatique éprouvant, il observait ses aînés, analysant ce qu'ils faisaient dans l'espoir de les imiter et s'améliorer. Constatant que c'était un jeu assez physique dans lequel il était parfaitement acceptable d'attraper son adversaire, de le pousser sous l'eau et le malmener, tout ce qui était nécessaire pour s'emparer de la balle, il s'était peu à peu enhardi. Encouragé par sa contribution grandissante - due à ses efforts - dans la partie et avide de prouver sa valeur, il avait imité les tactiques de ses aînés et s'était attaqué à l'un des meilleurs joueurs adverses, se jetant sur lui et appuyant de tout son poids sur ses épaules, dans le but de faire passer sa tête sous l'eau et s'emparer de la balle. S'en était suivie l'une des plus sévères déculottées de toute sa vie.

Il était parvenu à la récupérer cette balle, un court instant ; puis le joueur qu'il avait malmené avait riposté. Avec sa taille et sa force d'adulte, il avait sans difficulté rattrapé l'adolescent et l'avait plongé, lui faisant boire la tasse à maintes reprises avant de récupérer la balle et de continuer la partie. Complètement douché dans son enthousiasme, Roy avait ensuite percé la surface de l'eau, suffoquant et crachotant avant de croiser le regard de son tortionnaire pendant une fraction de seconde. Pratiquement impassible, bien qu'un léger sourire en coin ait fini par déformer ses lèvres, l'homme l'avait regardé droit dans les yeux, avant de de reprendre la partie.

Il n'avait pas été blessé ; à aucun moment sa vie n'avait été mise en danger et depuis, il s'était à maintes reprises retrouvés dans des situations bien plus dangereuses et pourtant, il se souvenait de ce bref instant comme l'une des pires leçons d'humilité que l'on ne lui avait jamais donnée. Ce guerrier bédouin, d'un autre clan El Beida, ne se souvenait probablement pas du jeune adolescent qu'il avait un jour malmené au cours d'une partie, mais Roy ne l'avait jamais oublié, lui. Les jours suivants il avait longuement réfléchi à cette courte altercation. Il avait réalisé que depuis le début de cette partie, lui et ses congénères du même âge avaient été ménagés par leurs aînés, que ces derniers ne jouaient pas contre les jeunes de la même manière qu'ils le faisaient entre eux. Pensant qu'il commençait à tirer son épingle du jeu, Roy s'était enhardi et n'avait pas réalisé qu'il visait une ligue au-dessus de lui en s'attaquant à ce joueur. Le regard de ce dernier, après qu'il lui ait rendu la monnaie de sa pièce, resterait à jamais gravé dans sa mémoire. Il n'avait rien dit, ses yeux avaient parlé pour lui : "Si tu veux jouer les durs, attends toi à être traité durement".

Il avait tiré de nombreuses leçons de ce court épisode des années auparavant. Ne pas s'attaquer à plus gros que soit, utiliser sa tête, jauger la situation, garder une vue d'ensemble, être prêt à assumer les conséquences de ses actes... il était temps que les Blousons Noirs fassent la même expérience ; eux et tous les autres concurrents.

Le waver du pirate bifurqua et se rapprocha à une vitesse vertigineuse du mark IX de son adversaire et de son bazooka, qu'il n'avait pas eu le temps ou la jugeote de recharger.

Pas de caméras hein ? Et vous pensez que ça VOUS arrange ?!

Le sabre du pirate s'abattit sur le module du Blouson Noir. Profitant de l'élan de sa manœuvre osée, son attaque généra une puissante lame d'air qui traversa le véhicule adverse de part en part, brisant le bois et déchiquetant le métal. Les deux flotteurs motorisés à l'avant, tranchés nets, s'enflammèrent spontanément et implosèrent quand les flammes atteignirent le carburant. La vague d'énergie bleue poursuivit son chemin au-delà du waver - lequel s'ébranla sur lui-même, tournoyant à toute vitesse dans une gerbe de flammes, son conducteur perdu au-milieu des débris - et creusa un profond sillon dans les eaux claires de l'archipel. Haute de plusieurs mètres et visible de très loin, la lame d'air atteint les fonds marins avant de se dissiper, non sans leur avoir laissé une large cicatrice. L'eau provoqua une gigantesque gerbe en se reformant après son passage, créant un petit arc-en-ciel dans l'air ensoleillé du midi.

Durant tout ce temps, Roy était resté attentif à ce que sa faculté d'observation lui transmettait. Madame Sirena en tête de course, le distançant au loin, il avait pris soin d'attendre un peu avant son assaut, s'assurant qu'un maximum de coureurs allait assister à sa démonstration de puissance. Avec une certaine satisfaction, il avait senti l'enchaînement de surprise, de consternation, puis de peur dans l'esprit de leurs adversaires alors qu'ils observaient la puissante lame d'air oblitérer purement et simplement un waver. Le message était clair : "Respectez les règles avec l'équipe Sirena, ou elle vous coulera". Il semblait être passé, constata Roy en rengainant son arme et en mettant un coup d'accélérateur pour rejoindre sa partenaire. L'autre Blouson Noir s'était promptement écarté de son passage, non sans jeter sa batte et son grappin à l'eau quand il avait fait mine de dégainer son sabre à nouveau.

Écarquillant les yeux en reportant son attention sur madame Sirena, il réalisa qu'il n'avait pas été assez attentif. Les deux vainqueurs de la course précédente, les frères moustachus, avaient semblait-il profité de son altercation avec les Blousons Noirs, les contournant eux et Roy pour les doubler avant d'accélérer avec leurs modules marks XIII. Ils gagnaient à présent dangereusement du terrain sur la blonde.

Mettant les pleins gazs, le pirate observa avec consternation l'un des deux frères, tous deux de massifs bodybuildeurs moustachus en salopette, armer son bras et projeter furieusement ce qui ressemblait à une carapace de tortue verte en direction de madame Sirena. Le projectile fit plusieurs ricochets sur l'eau de mer et se dirigea avec une précision maligne vers l'un des flotteurs du module.
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Cher journal,

Propulsée par mon élan, un prototype de moteur qui tourne à plein régime et une bonne dose d'audace (rien à voir avec de l'inconscience ni avec un manque de maîtrise de mon véhicule, que pourraient avancer certaines mauvaises langues pour diminuer mon mérite. Mais je sais que ce n'est pas ton genre, journal, de faire des insinuations déplacées !), je coiffe au poteau tous les concurrents qui me devançaient ! Concentrée sur ma posture, mon équilibre, et mes efforts pour ne pas partir dans le décor, je ne réalise pas immédiatement qu'il n'y a plus rien devant moi à part la mer, les îles lumineuses et le parcours balisé.

Je suis première, tu te rends compte journal ?! Je suis tout devant ! Les Blousons Noirs, Marius et Louis... je suis plus rapide que les autres concurrents ! Si seulement la course pouvait s'arrêter maintenant, c'est moi qui gagnerais !
C'est malin, maintenant que j'y pense ça va me mettre la pression. Je suis toujours comme ça quand je me sens sur le point de gagner, je deviens tendue et mauvaise. Mauvaise, dans le sens méchante. Si jamais je perds des places je serais extrêmement déçue !

La première difficulté de ma position c'est de devoir ouvrir le chemin. Jusque là je me contentais plus ou moins consciemment de suivre la direction prise par les autres, de repérer les obstacles qu'ils rencontraient et de m'adapter. A présent je dois doubler ma concentration, observer davantage, et le tout sans rien céder en rapidité car je sens que ça pousse derrière !
Mon second souci c'est que j'ignore ce qu'est devenu Roy, et que quoi qu'il arrive, de là où je suis, je suis mal placée pour lui venir en aide. Je n'ai pas sa faculté -au moins supposée- de maja-méga-tiptop-vision chaispastropquoi-mystique ! Mais... bon, je lui fais confiance: c'est un grand garçon débrouillard et de toute façon il n'est pas question que j'écrive dans mon journal que je me préoccupe du sort d'un pirate !

J'entends rugir les wavers juste dans mon dos: mon avance tient à peu de choses ! Mais je suis déjà au maximum de ma vitesse et tout ce que je peux faire c'est d'optimiser ma trajectoire, de garder mon cap, et de fonceeeeeer ! Youhouhou !
BANG ! Un choc ébranle mon waver: un projectile vient de frapper ma coque ! Un second me passe près de la joue et ... c'est une tortue ?! Il y a un malade qui me jette des tortues à la figure ?!! Il n'y a pas un concurrent pour rattraper l'autre dans cette course ! Bientôt tu vas voir journal, il y a des olibrius qui vont commencer à se mettre des coups de sabre et la course va se transformer en bataille navale !
Ça me rappelle une fois où je jouais au foot avec quelques autres agents en formation. C'était il y a quelques années, un soir d'été. Le tiède vent estival caressait doucement nos épidermes tandis que... non je plaisante journal, on est en pleine course ce n'est pas le moment de te raconter ça ! En plus je n'ai jamais aimé le foot.

Ils sont deux à me poursuivre: Marius et Louis, les frères moustachus en salopette, gagnants de la précédente course et favoris sans conteste. J'avoue avoir été un peu curieuse de les voir à l'oeuvre: je les savais dotés d'excellents appareils, habiles, agiles et pleins de ressources, mais des tortues... ?!

"- Aïe !"

Un nouveau projectile vient se ficher sur ma coque, provoquant une nouvelle secousse qui manque de me déstabiliser ! Mais je tiens bon, et il n'est pas question que je perde une course à cause d'un jet de tortue !!!
Je continue d'avancer en ligne droite, préférant prendre le risque de me prendre un nouveau projectile plutôt que de perdre de la vitesse en zigzaguant. Je traverse le prochain point de relais aussi vite qu'un chasseur de primes fuyant face au danger, et je braque légèrement sur la droite pour me diriger vers la suite du parcours !

SPLASH !!!

Ma manœuvre me permet d'éviter une nouvelle tortue, et la pauvre bête poursuit sa course et se retrouve à ricocher lamentablement dans l'eau...
Un rapide coup d’œil derrière mon épaule me permet de comprendre “pourquoi des tortues”. Une fois fichées sur mon waver, les bêtes déplient leurs petites pattes et viennent tranquillement s’installer à l’arrière de mon appareil, en plein sur les tuyaux d’échappement !

"- Allez, pssscht ! pssscht ! Ouste, vilaine bête !"

Ça ne se fait pas de mettre des shigan à de mignonnes petites tortues. A des humains ça va, mais si on fait du mal aux mignons petits animaux on est un monstre, tout le monde sait ça ! Je me contente donc de les saisir par la carapace et de les rejeter pas trop violemment dans l’eau, en faisant attention à ne pas m’ébouillanter !

Mon obstination finit par payer. En dépit des quelques pauvres bêtes à carapace qui sont venues cabosser ma coque, j'arrive à distancer peu à peu mes concurrents ! Encore quelques dizaines de mètres et je serais trop loin d'eux pour qu'ils constituent une menace ! Et alors, je n'aurais plus qu'à suivre ma route sans ralentir pour terminer, sans danger, jusqu'à la ligne d'arrivée.

Devant moi le parcours entame un large virage pour contourner un regroupement de bateaux de pêche. Plutôt que de suivre le chemin prévu, je suis ma stratégie habituelle et me déporte légèrement pour aborder la courbe la plus large possible, quitte à parcourir plus de distance, pour ne pas faire ralentir mon appareil qui négocie beaucoup mieux les lignes droites que les virages. Je vais si vite que mon waver penche presque jusqu'au ras de l'eau... mon coude pourrait presque la toucher, et... VLAN ! C'est le moment que choisissent les frères pour m'asséner un nouveau projectile qui vient percuter avec force la queue de mon engin, là où le moteur crache des jets d'écume ! Avant que je n'aie le temps de comprendre ce qui se passe, mon waver fait une brusque embardée et je suis projetée en avant ! SPLASH !!! L'eau tiède me gifle violemment le visage tandis que je plonge la tête la première au milieu d'une gerbe d'eau !

J'ai beau être sonnée, je reprends vite mes esprits. Tout n'est pas perdu: je dois sortir de l'eau, récupérer mon waver, et montrer à ces andouilles en salopette ma façon de penser ! Il me suffit d'un soru pour remonter à la surface et... rien ne vient. Mes membres engourdis ne répondent plus. J'ai l'impression d'être une pauvre poupée de chiffon imbibée d'eau et le moindre mouvement me demande des efforts inouïs !
Qu'est-ce qui m'arrive ? Est-ce que je me suis pris un coup sur la tête sans m'en rendre compte ? Je suis une nageuse émérite pourtant, il en faut plus pour... qu'est-ce qui m'arrive ... ?
Je sens que je m'enfonce dans l'eau... je vois s'éloigner lentement la lumière du soleil qui illumine par delà la surface, comme une fausse promesse qui m’abandonne petit à petit.
L’inquiétude me gagne réellement: ce n'est plus juste une question de me dépêcher pour gagner la course, je n'arrive vraiment pas à remonter !
Qu'est-ce qui m'arrive ?! Je n'arrive pas à nager ! A l'aide journal ... !
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Roy avait assisté avec horreur à la perte de contrôle de madame Sirena sur son waver. L'engin s'était retourné sur lui-même et l'investisseuse avait été désarçonnée, projetée à la mer alors que les frères moustachus la dépassaient avec des "Yahoos !" retentissants.

Les suivant de près depuis une minute déjà et tentant à tout prix de les rattraper, il avait été impuissant à les empêcher de canarder sa camarade. Tandis que le frère en tête s'évertuait à la viser, l'autre s'était chargé de défendre leurs arrières, maintenant un barrage constant de projectile sur le pirate. Ecarter les tortues innocentes du plat de sa lame - pour ne pas les blesser - tout en gardant le contrôle sur son véhicule avait requis toute sa concentration ; il n'avait pu pousser ses moteurs le tout petit peu plus qui lui aurait permis d'arriver à leur niveau et en finir avec eux une bonne fois pour toutes.

Au moment où madame Sirena disparaissait sous les flots, une nouvelle carapace fusait à toute vitesse droit sur le visage du pirate. Ce dernier, absolument indigné par ce qui venait d'arriver à sa partenaire, réagit promptement et se pencha sur le côté, évitant la trajectoire de la tortue verte avant de placer sa main dessus pour l'intercepter. L'impact manqua de lui arracher le bras et lui tordit légèrement l'épaule, mais il parvint à l'attraper et, ignorant la douleur, retourna l'animal à l'envoyeur d'un jet brutal accompagné d'un grognement de rage.

C'était une tentative futile cependant et le frère à l'arrière évita sans peine ce jet né de la frustration du pirate, un jet qui n'aurait de toute manière pas provoqué énormément de dégât. Avec un bras affaibli et dans une position précaire, il n'avait pas pu mettre assez de puissance et avait tout simplement mal visé. La tortue atterrissant dans l'eau au loin sortit la tête de sa carapace et salua allègrement son maître qui lui passa devant, lequel ria à gorge déployé, autant amusé par les pitreries de son animal de compagnie que par le lancer pitoyable de Roy.

Passant devant le waver échoué de madame Sirena, le pirate négocia la virage serré à toute vitesse et fusa sur le circuit, bien décidé à intercepter les frères haïs avant qu'ils atteignent la ligne d'arrivée. L'équipe Sirena avait toujours une confortable avance sur le reste des concurrents. Avec un peu de chance, s'il parvenait à arrêter l'avancée inexorable des favoris, madame Sirena aurait assez de temps pour remonter sur son module et le rejoindre pour qu'ils finissent la course ensemble. Il ne lui semblait pas qu'elle ait percuté l'eau avec assez de force pour la rendre inconsciente et elle était une excellente nageuse ; son waver était heureusement retombé du bon côté à la fin de son embardée, tout n'était pas perdu. Tout allait se jouer dans les prochaines minutes, il allait s'agir de jouer serrer. Alors que faisait sa camarade ? Il n'y avait pas de temps à perdre ! Il espérait qu'elle soit déjà en train de rejoindre son véhicule en nageant sous l'eau.

Un éclair de discernement traversa cependant l'esprit du pirate alors qu'il captait brièvement l'esprit de sa camarade accidentée. Il dépassa rapidement la zone où elle s'était échouée et elle sortit de la zone d'effet de son pouvoir, mais il avait eu le temps de lire d'inquiétantes émotions dans sa psyché ; de l'incompréhension, de la surprise, de la peur et surtout, une détresse grandissante. Le contact avait été fugace, il n'avait senti sa présence que pendant quelques secondes tout au plus et son esprit focalisé comme il l'était sur gagner la course, il mit un certain temps à réaliser que quelque chose n'allait pas. Pris d'un horrible doute, mais sa vision toujours résolument braquée sur les frères devant lui, il se demanda un instant s'il n'avait pas rêvé ce qu'il avait senti chez madame Sirena. Après tout il ne maîtrisait pas encore bien son pouvoir d'observation. Mais son inquiétude grandissante prit finalement le pas sur son désir de gagner la course et avec un déchirement au cœur, il renonça à rattraper Louis et Marius. Son waver traça un "U" géant sur la surface de la mer alors qu'il faisait un demi-tour serré.

Ses moteurs rugirent avec force tandis qu'il reprenait de la vitesse tout en cherchant le véhicule de sa compagne au loin. Il le repéra et constata rapidement que ce dernier n'avait pas bougé. Madame Sirena n'était toujours pas sortie de l'eau !

Réalisant qu'il avait commis une erreur impardonnable, il pria pour qu'il ne soit pas encore trop tard et fit pratiquement exploser ses flotteurs en mettant les pleins gaz, manquant à son tour de perdre le contrôle de son véhicule tant son accélération fut violente. Tous ses sens en éveil, il repéra sa compagne dès qu'elle fut de nouveau à portée de son pouvoir, ce qui confirma ce qu'il avait senti plus tôt, à ceci près que la dame était maintenant dans un état de panique absolue. Elle était en train de se noyer, une dizaine de mètres au fond de l'eau.

Arrivant près de son waver immobilisé, Roy décélérant à peine et  sauta de son véhicule en plein mouvement, se servant de cet élan pour plonger loin au fond de l'eau. A cette vitesse, l'impact manqua de l'assommer et il ne dut qu'à sa bonne position - droit comme une lance et ses bras en pique devant son crâne - de ne pas perdre instantanément conscience. Il fusa au travers de l'eau cristalline de l'archipel, ses oreilles sifflant sous la pression soudaine alors qu'il s'enfonçait rapidement vers les profondeurs. Il repéra madame Sirena d'un coup d’œil, échouée au loin sur le sol marin, seule, à son plus grand désarroi. L'élan de son plonger s'épuisant, il se mit à battre des jambes et à brasser l'eau de ses bras, grimaçant sous la douleur provoquée par son épaule abîmée. Ce faisant, il cogitait dans le seul coin de son esprit qui n'était pas aveuglé par l'inquiétude.

Elle savait nager, elle était de toute évidence consciente - il pouvait sentir ses émotions, rien ne semblait l'entraver ou la maintenir sous l'eau. Comment diable s'était-elle retrouvée dans cette position alors ? Une crampe ? Une crampe ne faisait pas couler quelqu'un à pique comme une enclume.

Une enclume ?

Un filet de bulles s'échappa du coin de sa bouche alors qu'il terminait un nouveau mouvement de brasse. Comme en réponse au même instant, ce fut un déluge qui s'échappa de la bouche et des narines de madame Sirena. La rejoindre n'était pas chose aisée, mais il s'était assez approché pour la voir être prise de convulsions. Elle suffoquait. La pression augmentant à ses oreilles, luttant pour ne pas céder à la panique, il se dépêcha de parcourir les derniers mètres qui les séparaient. Arrivant enfin à sa hauteur, il l'attrapa prestement, posa ses pieds joints sur le fond marin et d'une brusque impulsion des jambes, les propulsa tous deux vers la surface.

Pour secourir quelqu'un de la noyade, il était nécessaire de s'approcher de la personne dans son dos. Cela permettait d'attraper la victime sans lui donner l'opportunité de s'agripper à son secouriste, car sous la panique elle risquait de les couler tous les deux. Comme il l'avait prédit, Roy n'avait pas eu besoin de prendre ces précautions avec madame Sirena : elle n'avait plus aucune force, n'avait même pas réagi à son contact. Les soupçons du pirate se confirmaient.

Les convulsions de la dame empirèrent jusqu'à ce qu'elle perde connaissance à mi-chemin de la remontée. Roy y assista impuissant, avec ses yeux autant qu'avec sa faculté ; il ne sentait plus les émotions de sa partenaire. Ses poumons étaient surement en train de se remplir d'eau, il n'y avait plus un instant à perdre. Redoublant de vigueur, il se démena pour atteindre la surface le plus rapidement possible, battant des jambes de toutes ses forces, brassant l'eau de son bras à l'épaule abîmée tandis qu'il tenait fermement sa camarade de l'autre.

Après un temps qui lui sembla durer une éternité, ils percèrent la surface de l'eau. Reprenant sa respiration dans une massive bouffée d'air, Roy constata avec désarroi que madame Sirena ne faisait pas de même. Inerte dans ses bras, elle ne remuait plus ; ses yeux étaient clos et un mince filet d'eau coula de ses lèvres quand il la manipula pour trouver une meilleure position. Ceci fait, il lutta pour la ramener jusqu'à son waver. Là aussi, la traversée lui parut interminable, mais il parvint finalement à les échouer sur le module mark XVI. Sans perdre un instant, il hissa à moitié l'investisseuse sur le véhicule. Seul son torse dépassait de l'eau, il n'y avait pas assez de place sur le petit véhicule de course, mais c'était suffisant. Il entoura le torse de la dame d'un bras et serra brusquement, la forçant à expédier le peu d'eau qu'elle avait eu le temps de respirer durant la remontée. Terriblement inquiet, il dut s'y reprendre à trois fois, mais ses efforts portèrent finalement leurs fruits : crachant une gerbe d'eau avant de prendre une gigantesque inspiration, madame Sirena rouvrit les yeux alors qu'elle était prise d'une quinte de toux interminable.

Lui aussi toujours à moitié immergé dans l'eau, Roy s'affala à plat ventre sur le module de course et poussa un soupir de soulagement, tandis que sa partenaire à ses côtés finissait d’expectorer l'eau et reprenait son souffle. Une main sur son dos, Roy s'assura qu'elle ne glisse pas du waver.

 - La frayeur que tu m'as mise, lâcha-t-il finalement sans réfléchir quand elle sembla retrouver une respiration plus stable.

Derrière eux, le reste des concurrents avait fini de les dépasser. Ils purent apprécier le calme tandis que le bruit tonitruant des wavers s'éloignait au loin.
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Cher journal,


Je reste un moment abasourdie, trempée et frissonnante, cramponnée à mon waver qui me maintient hors de l'eau. Mes forces me sont rapidement revenues et ce n'est même plus la raison de mon choc.
Ce n'est pas la première fois que je frôle la mort: avec mon métier je fais et je vis des situations dangereuses beaucoup trop souvent pour mon propre bien ! Seulement c'est la première fois que je perds à ce point le contrôle sans comprendre pourquoi, sans savoir comment réagir, et que je dépends à ce point d'une aide extérieure.

"- La frayeur que tu m'as mise !"

"- Oh oui, à moi aussi !"

J'éclate d'un rire franc et sincère laissant échapper mon soulagement et ma joie que la situation se finisse, tout compte fait, sans grand mal. Bon d'accord on vient de perdre la course, mais maintenant que c'est fait je me rends compte que je n'y étais pas tant attachée que ça. Mieux encore, je me sens soulagée d'un poids !

"- Tu m'as sauvée, merci."

J'ai une petite pause, gênée, où je ne sais pas trop quoi dire, et puis:

"- Désolée pour la course, je sais que tu avais envie de gagner toi aussi."

Je me rends bien compte qu'on est passés sur du tutoiement sans le vouloir mais... oh, au point où on en est ! Et si on te demande journal, tu n'auras qu'à dire que tu ne sais rien !

"- Je ne comprends pas ce qui s'est passé, d'habitude je nage très bien ! J'ai dû avoir... je ne sais pas, un choc au mauvais endroit en tombant. Ou un choc thermique. Si ça se trouve c'est la faute de leurs tortues, je n'en sais rien. On ne se méfie jamais assez des tortues, avec leur tête de dinosaures et leurs petites pattes mignonnes toutes fourbes !"

Roy, enfin le pirat... Aston... oh et puis zut ! Roy ne semble pas tout à fait convaincu:

"- C'est possible, mais ça n'explique pas vraiment pourquoi tu as coulé si subitement. Perdre ses forces au contact de l'océan et couler comme une enclume alors que tu sais nager, ça m'évoque plutôt..."

Je me sens soudainement gênée. Est-ce qu'il pense à ce que je pense ? Est-ce que ça pourrait vraiment venir de ça ? Je veux dire, je sais que je me suis un peu trop attachée à Roy, et il est assez agréable physiquement, mais je n'avais jamais envisagé les choses comme ça ! D'un autre côté, je dois admettre que je n'arrive pas à me sortir de la tête comment il a plongé héroïquement pour me sortir de la mer en me serrant contre lui... De là à imaginer que ça m'ait travaillé inconsciemment au point d'en perdre mes moyens...
Je rosis:

"- Tu penses que ce serait... l'amou..."
"- ... la malédiction d'un fruit du démon."
"- ...r-ahem-alédiction d'un fruit, oui c'est à ça que je pensais aussi."

... Hein quoi pardon ?!

"- Non, non c'est impossible. Je n'ai jamais mangé de fruit comme ça. Je ne suis pas assez folle pour ça ! Je le saurais tout de même: un fruit au goût immonde on ne le mange pas sans s'en apercevoir ! Et puis tu te souviens, j'ai nagé plusieurs fois pendant nos entraînements. Et je n'ai pas coulé !"

Tout le monde connaît les légendes à propos des fruits du démon. J'ai même eu le privilège de croiser certains utilisateurs de leurs pouvoirs. Comme tout le monde je pense, je me suis plu à m'imaginer possédant une des capacités surnaturelles accordées aux heureux élus, avant de me raviser devant le prix bien trop important à payer. Si l'intuition de Roy est vraie, alors c'est littéralement une catastrophe ! Il ne pourrait rien m'arriver de plus cruel ! J'adore l'eau, je suis une excellente nageuse, et dès que j'ai du temps libre je le passe dans un bain ou une piscine ! Je crois que la phrase que je t'ai le plus écrite c'est "cher journal, j'ai encore passé mon après-midi à profiter d'un bain tiède tout en savourant un gâteau au chocolat et en dégustant un délicieux thé glacé" !

... le thé !!! Le thé glacé aux fruits de luminous que j'ai bu pendant mon bain hier alors que je recevais l’appel de mon chef ! Ce thé aux fruits qui avait un goût répugnant !!! Plus j'y pense et plus l'idée me paraît crédible. Aurais-je bu une boisson piégée ? Non, ce serait stupide ! Dans ce cas je suis en droit d'imaginer que le cuisinier qui a préparé ma boisson, peu attentif ou pas très scrupuleux, ait utilisé sans y prêter attention un fruit aux drôles de motifs en spirales... Après tout, à la décharge de cette personne, la peau de ses fruits brille bien trop pour qu'on les fixe du regard.

... Non c'est idiot ! Je le saurais si j'avais acquis un pouvoir, tu ne crois pas journal ? Ou alors c'est un pouvoir bien nul ? Ne raconte pas des bêtises enfin ! Et arrête-moi quand j'en écris !

"- On se complique trop les choses. J'ai juste eu un malaise, une faiblesse ou quelque chose comme ça. Je vais mieux maintenant. Regarde, je peux de nouveau nager... gloup blub blup !!"

A peine ai-je quitté mon waver pour entamer une brasse que je recommence à couler à pic ! Mon partenaire a juste le temps de me rattraper avant une nouvelle catastrophe, et de m'aider à me hisser sur mon appareil.

"- Compliquer les choses ou pas, je préférerais vraiment que tu évites de retourner dans l'eau, d'accord ?!"

Un peu penaude, je hoche la tête et je propose:

"- On rentre ?"

♦♦♦♦

Nous passons par le chemin le plus court, sans prendre la peine de suivre le circuit de la course, et nous nous rendons vers l'île principale. Malgré mes doutes je fais de gros efforts de prudence, comme si la mer était devenue une nouvelle menace, une agresseuse potentielle prête à m'attraper et à me saisir avec les tentacules du danger !

Bah, une bonne nuit de sommeil et tout redeviendra normal. Par ailleurs j'ai de quoi cogiter, et j'essaie de chasser les pensées mélancoliques qui envahissent mon esprit. Je suis un peu nostalgique de ces presque-vacances qui se terminent, mais il est temps de se remettre à travailler. J'ai une dernière tâche à accomplir avant de quitter l'île.

"- Je te laisse les wavers, tu les as largement mérités. Ne t'en fais pas pour Amadeo, il aura d'autres soucis dans l'immédiat que de s'inquiéter de ses machines."

J'ai une petite hésitation, avant d'ajouter:

"- A ta place je ne m'éterniserais pas trop sur l'île. Il se prépare des choses ici et..."

Ma phrase se perd dans un simple sourire:

"- Adieu Roy."
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Sur ces paroles énigmatiques, madame Sirena prit congé de son compagnon pirate. Roy l'observa s'éloigner en silence, s'interrogeant sur cette étrange mise en garde qu'elle lui avait donnée. Une fois de plus, il se surprenait à désirer en apprendre plus sur cette femme pour le moins singulière. Tout chez elle le rendait perplexe, de cette constante assurance qu'elle affichait, à son audace face au danger, en passant par sa résilience mentale alors qu'elle venait de frôler la mort, allant même jusqu'à sa forme physique exemplaire : il suffisait de l'observer se déplacer pour réaliser qu'elle n'était pas comme la plupart des civils. Sous sa tenue de course légère, l'on devinait des muscles fins et élégants, mais bien présents, qui jouaient sous la peau immaculée de l'investisseuse. Cela faisait un moment que Roy avait remarqué ce détail chez sa compagne de course, l'équilibre parfait qu'elle affichait sur les modules, l'absence totale de graisse superflue sur son corps d'athlète ; elle devait pratiquer un sport depuis sa plus tendre enfance pour être arrivée à un tel résultat. Ça où elle était bien plus redoutable qu'elle ne le laissait supposer au premier abord. Et son message de départ avait plutôt tendance à renforcer les soupçons du pirate.

Réalisant que son regard avait immanquablement dérivé sur le déhanché de la belle créature, il leva les yeux au ciel alors que madame Sirena disparaissait derrière la végétation abondante de l'île. Secouant la tête pour se remettre les idées en place, il posa ses mains sur ses hanches et reporta son attention sur les wavers de course qui étaient maintenant entré en sa possession. Se grattant le crâne en se demandant comment il allait bien pouvoir se débrouiller pour ramener les deux engins jusqu'au Matheson, il se résolut finalement à contacter son équipage. S'asseyant sur l'un des flotteurs de son waver échoué sur cette plage reculée, il alla chercher son escargophone personnel et composa le numéro de Lily. L'animal sonna à quelques reprises avant que la femme-poisson ne finisse par décrocher à l'autre bout du fil :

 - Roy ? s'enquit-elle d'une voix étrangement fluette.

 - Oui c'est moi, tout va bien ne t'inquiète pas, voulut-il immédiatement la rassurer, madame Sirena a eu un problème et on a préféré quitter le circuit avant d'atteindre la ligne d'arrivée. Je suis en sécurité sur l'île principale de l'archipel.

Un long silence accueillit sa tirade. Interloqué, Roy tendit l'oreille en se demandant ce que la comptable fabriquait de son côté. Le silence dans le combiné était total, contrastant avec le bruit des vagues et du vent marin qui soufflait sur la plage.

 - Oh Lily tu m'entends ? l'apostropha son capitaine. Si c'est parce qu'on a perdu la course qui t'inquiète ne t'en fait pas, je ne suis pas triste personnellement, je sais qu'on aurait gagné sans le léger "problème technique" de madame Sirena. C'est assez pour me satisfaire... Lily ?

 - Je t'entends Roy... c'est bien que vous soyez sains et saufs. Ecoute...

 - Il faut que l'un de vous me rejoigne sur la plage, la coupa-t-il sans attendre, légèrement agacé par la mollesse de la femme-poisson alors qu'il était pressé par le temps. Madame Sirena m'a laissé les deux wavers et je peux en piloter qu'un à la fois. Il faut une deuxième personne pour m'aider à les ramener jusqu'au Matheson. On va les entreposer sur le...

 - Roy ! le coupa Lily à son tour. Je vais envoyer quelqu'un mais d'abord il y a... il s'est passé quelque chose. C'est Mochi, il...

Dans le combiné, la femme-poisson éclata soudain en sanglots.



Le regard vide, hagard, Roy observait sans vraiment le voir un drap blanc ensanglanté recouvrant ce qui était de toutes évidences un cadavre. Derrière lui, Moria se dressait à l’affût, fusil en bandoulière tandis que Lily était recroquevillée dans un coin un peu plus loin. Ils avaient tous deux choisis de laisser de l'espace au capitaine.

L'équipage se trouvait dans la bicoque en bois Luminos dans laquelle Loie Volbas, le lieutenant d'élite "en charge" de l'archipel avait élu domicile. C'était une habitation plus que modeste en lisière du village principal des éveillés, non loin du domicile luxueux d'Ano Natsu, elle-même cheffe officieuse de l'archipel. A l'intérieur de la maison, le spectacle était macabre. Une fine bruine de sang semblait recouvrir chaque pièce du mobilier sans exception dans un mince film vermillon. La plupart des objets étaient renversés, brisés et éparpillés çà et là sur le sol ensanglanté, comme si une mini-tornade s'était engouffré dans l'habitacle et avait tout ravagé. Le fameux marine d'élite était également présent, en bon hôte pour ses invités inattendus, mais lui aussi recouvert d'un drap blanc.

Ledit drap recouvrant ses formes, l'on devinait la position de Loie Volbas, adossé au mur du fond, recroquevillé et la tête penchée en avant. Il n'y avait pas une fourniture dans un rayon de trois mètres autour de lui et une généreuse quantité de sang semblait avoir éclaboussé le mur dans son dos. Il avait de toutes évidences été projeté dessus, avec force qui plus est comme semblaient l'indiquer les profondes lézardes qui parcouraient le bois lumineux craquelé.

Mais ce n'était pas pour lui que Roy était venu. Les membres raides comme ceux d'un automate, agissant avec une extrême lenteur, comme si son monde menaçait de se dérober sous ses pieds, le jeune homme fit trois pas en avant. Avec toutes les peines du monde, il se força à s'agenouiller, posa une main tremblante sur le drap ensanglanté recouvrant le deuxième cadavre, suspendit un instant son geste, mais se résolut finalement à écarter la fine pièce de tissu avec une infinie lenteur. Son horreur se fit grandissante alors que centimètre par centimètre, le drap révélait un corps affreusement tailladé, parcouru de larges zébrures des pieds jusqu'à la tête, comme si une bête sauvage l'avait jeté à terre avant de le déchirer sans merci à coups de griffes, continuant son assaut longtemps après la mort de sa victime ; une bête sauvage possédant quatre griffes à chaque patte.

Guerroyant depuis de nombreuses années déjà, Roy avait eu le temps de voir de nombreux champs de bataille Il n'était pas étranger aux scènes de morts, aux horribles mutilations que la guerre infligeait à ses malheureuses victimes. Le spectacle qui se dressait sous ses yeux rivalisait sans conteste avec le pire qu'il lui ai été donné de voir. Le pauvre homme était déchiqueté au-delà de tout espoir d'identification, le visage méconnaissable, la forme du corps démolie. Mais deux détails retinrent l'attention du pirate : la blouse blanche tâchée de sang portée par le décédé et l'énorme vis qui lui traversait le crâne, maintenue en place sur sa boîte crânienne par un boulon tout aussi gros. C'était indubitablement les attributs de Mochi, le docteur de l'équipage du Tyran.

 - C'est arrivé pendant qu'on se préparait pour la course, déduit machinalement Roy d'une voix éteinte, pratiquement un murmure. Ou pendant la course...

 - Noob est de retour sur l'archipel, l'informa Moria derrière lui, interprétant la fin du mutisme de son capitaine comme le signal qu'il était temps de passer à l'action. Apparemment ça fait quelques jours qu'il est parvenu à revenir, mais Amadeo nous a caché l'info pour ne pas te distraire des courses.

Le jeune capitaine ne répondit pas immédiatement. Le regard éteint, il continuait à observer le spectacle macabre sous ses yeux. Sa mine s'assombrissait à chaque minute qui passait.

 - Regarde comment il l'a massacré..., murmura-t-il finalement après quelques secondes d'inspection supplémentaire.

En plus des lacérations, de nombreux os de Mochi avaient été brisés, tant et si bien que le cadavre ressemblait plus à une poupée désarticulée qu'à un humain fait de chaire et de sang. Ne pouvant en supporter plus, Roy rabattit finalement le drap sur le corps de son ami. S'activant comme un automate, il enroula le tissu avec force autour du macchabée et fit un nœud pour sceller l'ensemble.

 - Une chasse à l'homme a été lancée sur tout l'archipel, entendit-il son bras droit poursuivre derrière lui. Les éveillés sont arrivés à la même conclusion que nous en observant les blessures : c'est la technique au sabre de Noob. Il est recherché pour le meurtre de Loie Volbas ; Ano Natsu a demandé notre assistance pour le capturer et le livrer à la Marine.

 - Le livrer à la Marine ? répéta Roy en s'essuyant le visage, laissant une marque de sang sur le côté de son front et sa tempe.

Il sembla pondérer ce dernier point quelques secondes, avant de finalement se redresser, hissant le cadavre de Mochi sur son épaule. Se retournant, il entreprit de quitter la maison de Volbas avec son macabre colis. Voyant cela, Lily choisit cet instant pour sortir de sa prostration, se redressant également pour venir s'interposer devant son capitaine et poser une main sur son torse.

 - Non Roy je t'en prie, fit-elle, trébuchant en arrière alors que le jeune homme faisait mine de poursuivre son chemin en l'ignorant. Je t'en prie tu n'as pas besoin de t'infliger ça, j'ai déjà tout organisé pour que des professionnels prennent en charge le corps de Mochi. Ils vont le traiter et le rapatrier au Matheson pour que l'on puisse y faire ses funérailles. Ce n'est pas à toi de t'en charger, conclut-elle en posant une main sur sa joue, tentant de lui faire tourner la tête pour qu'il la regarde dans les yeux. Roy, ce n'est pas de ta faute.

Le corps entier du pirate sembla se figer entre ses mains. Elle put voir la confusion, la détresse prendre le pas sur l’hébétement qui semblait régner jusque-là dans son esprit. Puis tout aussi rapidement, ces deux émotions laissèrent place à une colère grandissante, palpable alors que les yeux du jeune homme se plissaient et que Lily se trouvait soudain incapable de soutenir son regard. Elle s'écarta de lui alors qu'il acceptait enfin de descendre Mochi de son épaule, le reposant sur le sol ensanglanté.

Sa respiration se faisait de plus en plus effrénée alors même qu'il sortait en trombe de la bicoque. Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Mochi était quasiment aussi fort que lui, comment Noob avait-il pu vaincre le docteur et le tuer alors que Roy l'avait aisément maîtrisé quelques jours auparavant ? Dès lors, pourquoi n'avait-il pas emporté son corps pour le livrer à l'OCP et encaisser la prime sur sa tête ? Pourquoi tuer également Loie Volbas, un marine d'élite dont le meurtre ferait immanquablement passer le chasseur de primes du mauvais côté de la loi ? Comment Mochi s'était retrouvé là alors qu'il avait prévu de s’entraîner seul dans ses appartements ? Où était Merry dans toute cette histoire ? Etait-elle saine et sauve ? Etait-ce contre cela que madame Sirena l'avait mis en garde ? Etait-elle au courant de ce qui allait se passer, est-ce qu'elle aurait pu l'arrêter ? Plus rien n'avait de sens, à part la certitude qu'il devait retrouver Noob, tirer tout cela au clair avec lui, avant de le tuer.

Apercevant le pirate alors qu'il quittait la maison de son amant, Ano Natsu voulut s'approcher de lui et l'apostropher, probablement pour lui demander sa décision quant à l'aider elle et ses hommes à retrouver le chasseur de primes en fuite. Elle se ravisa finalement quand elle aperçut le regard de Roy, dont les pupilles brillaient comme deux fourneaux rougeoyants, illuminées par la pleine puissance de son pouvoir d'observation.
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Cher journal,


De retour à mon hôtel, je prends le temps de souffler un peu et surtout de me rafraîchir. Je suis étonnée de ne pas avoir plus mauvaise mine quand je me regarde dans la glace. Je m'attendais à... je ne sais pas. Quelque chose qui illustre mon impression d'être un médicament effervescent dans un verre d'eau. Je n'aurais pas besoin de trop tricher pour dissimuler tout ça et tant mieux: le maquillage est quelque chose dont il ne faut pas abuser sous peine de devenir un besoin. On s'habitue tellement à se voir avec qu'on se trouve bizarre sans. Pour cette fois je vais en mettre, mais vraiment juste un peu parce que j'en ai besoin... oui je sais journal, en disant ça j'illustre parfaitement cette impression de dépendance que je te décris... Ne me juge pas, d'accord ?

Enfin prête et propre, j'enfile une élégante mais fonctionnelle robe d'été rouge à fleurs blanches -légèrement décolletée, dans le genre fille sage mais pas trop, et chic, qui me donne un air de femme de bonne famille en vacances- et d'un chapeau tressé. Me voilà prête à passer aux choses sérieuses !

Même si la prolongation de mon partenariat avec Roy, la course et tout le reste étaient dus uniquement aux besoins de Sirena et donc de ma couverture, chaque minute supplémentaire passée avec lui devenait de plus en plus difficile à justifier. En bonne agence de renseignements, le Cipher Pol attend de ses agents qu'ils fournissent des comptes rendus détaillés de leurs activités, même celles les plus anodines. Il ne s'agit pas seulement de nous surveiller, mais également à nous aider à mettre le doigt sur des éléments qui nous aurait échappé, ou simplement à les recouper avec d'autres informations pour nous éviter un danger. Par exemple, si une certaine Annabella Sweetsong avait fait ce travail sérieusement, je n'aurais sans doute pas été surprise de la rencontrer au milieu d'un équipage pirate en me demandant comment réagir !

Par principe, je m'applique à cet exercice avec zèle. Je raconte tout à mon superviseur. Mais vraiment, vraiment, vraiment tout ! Même si je reste très factuelle (soi-disant que mes émotions et mes ressentis n'ont rien à faire dans un rapport de mission, pas plus que mes "digressions inutiles, naïves et souvent à côté de la plaque sur des sujets divers et variés qui ornementent çà et là mes écrits" !), l'agent qui s'occupe de moi au CP est certainement celui qui en sait le plus sur ma vie après toi, journal !
Tu pourrais trouver ça très intrusif journal (ce n'est pas la même chose de tout te raconter et de tout raconter à un administrateur dans un bureau), mais c'est une question de confiance et de déontologie. Ça limite les risques de trahisons (volontaires ou non !) et il vaut mieux raconter soi-même avec ses propres mots pourquoi on profite de ses missions pour développer son business personnel, plutôt que son chef le découvre plus tard (au Cp on finit toujours par tout découvrir !) et vous punisse en vous envoyant sur une mission d'infiltration de dix ans dans une fabrique de bananes synthétiques à Las Camp !

♦♦♦♦

L'après midi est tranquillement entamé lorsque je pose le pied sur l'île de Spouzi. Je trouve l'endroit en pleine effervescence: il n'y a pas seulement les habituels ouvriers et charpentiers, mais aussi tout un groupe de gens en armes qui ont l'air de brasser beaucoup d'air. J'aperçois également quelques participants de la course de tout à l'heure, mais je préfère les éviter. Je préfère les éviter: les ennuis, journal, c'est contagieux alors autant les laisser chez les autres !

Le bâtiment qui héberge les bureaux de la Spouzi Race Compagny paraît calme et vide en comparaison avec l'agitation de dehors ! Avisant un homme qui transporte une pile de dossiers dans un couloir, je lui demande de m'annoncer à son patron.
L'homme -le jeune homme plutôt, on doit avoir à peu près le même âge- me regarde, rosit un peu et détourne le regard en cherchant ses mots:

"- Oui, euh, non, euh... Monsieur Spouzi n'est pas disponible, mad...euh...moiselle..."

Je souris et force le contact du regard tout en posant ma main sur la sienne. Je sens qu'il se raidit:

"- Il saura trouver un peu de temps pour moi. Prenez votre escargophone, et dites-lui que Madame Sirena l'attend dans son bureau toutes affaires cessantes, à propos de ce pour quoi il sait."

Sur ce, je passe devant le jeune homme rougissant et pousse la porte du bureau où un écriteau en lettres d'or indique "Amadeo Spouzi, directeur".

"- Mais... vous ne pouvez pas !"
"- Merci beaucoup, vous êtes un ange !"

♦♦♦♦

Je n'ai pas à attendre très longtemps avant d'entendre une clameur à travers la porte. Je tends l'oreille et écoute avec un petit sourire:

"- Bon sang, pourquoi l'avez vous laissée rentrer ? J'avais ordonné..."
"- Mais elle a dit que..."
"- Quand je dis "personne", c'est "personne" ! Comme si je n'avais pas déjà assez à gérer avec les chasseurs de primes, les accidents, les pêcheurs imbéciles, les ingrats et tout le reste !"
"- C'est elle qui..."
"- Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre dans cet archipel !"

Lorsqu'Amadeo Spouzi et son sourire charmeur passent la porte, absolument rien ne témoigne de la colère qu'il a manifestée juste avant. Au contraire il semble ravi de me voir, toujours aussi agréable et séducteur. Gol Dul... Dal Gobot... enfin tu vois, le gars qui a un nom comme ça. Dol Gamot. Bref, son ingénieur en chef et acolyte de toujours l'accompagne. Ils me trouvent sagement installée sur une chaise devant son bureau, où je me suis empressée de m'asseoir lorsque j'ai vu la poignée de la porte se tourner.

"- Ma chère madame Sirena ! Votre présence est comme toujours un rayon de soleil pour mes yeux ! Dire que nous avons cru vous perdre pendant la course, oh là là, quel malheur !"

Je glousse d'un air distingué:

"- Monsieur Spouzi, toujours le même flatteur."
"- Je pèse chacun de mes mots ! S'il avait dû vous arriver malheur, je ne m'en serais jamais remis. Quelle horreur, rien que de m'imaginer... oh non, je ne peux pas !"

Nous échangeons un sourire tandis que Gol Truc, peu sensible à nos manières, détourne les yeux d'un air blasé.

"- Je pourrais venir à votre demande pour le simple plaisir d'une conversation, mais j'ai cru comprendre que vous vouliez me voir pour une affaire urgente. Eh bien me voilà, et je suis tout ouïe."

Un petit silence suit sa déclaration tandis que je choisis mes mots. L'air ingénu qui habitait mon visage disparaît peu à peu pour laisser place à une expression beaucoup plus sérieuse:

"- Monsieur Spouzi, le Cipher Pol s'est intéressé de près à vos actions."
"- Eh merde !" S'exclame Gol Truc. "Tu vois Amadeo, je t'avais dit que je ne la sentais pas cette fille ! Et Djama t'avait dit la même chose !"

Spouzi a un geste d'apaisement, mais il est évident qu'il est tendu lui aussi.

"- Allons, allons. Madame Sirena, le Cipher Pol agit pour le compte du Gouvernement Mondial et l'archipel n'est pas sous la juridiction de ce dernier. Il doit y voir une bonne raison pour que vous veniez vous mêler de mes affaires en dépit de la loi et du bon sens."
"- L'archipel non, vous oui, ex-commandant de la marine Amadeo Spouzi. Mais vous avez en partie raison, et c'est pour ça que vous avez affaire à ceux qui travaillent dans l'ombre plutôt qu'à la marine ou aux diplomates."

J'ajuste ma position sur le fauteuil pour prendre une posture plus assurée, et poursuis:

"- Malheureusement, entre vos déboires avec les habitants de l'île, vos différents trafics malhonnêtes liés à votre course et surtout votre association avec des pirates, vous m'en avez fait voir assez pour que je puisse vous arrêter comme un vulgaire pirate. Cependant, nous sommes entre personnes intelligentes et bien élevées, et n'aurons peut-être pas besoin d'en arriver là."

J'ouvre les mains et m'autorise un léger sourire en signe de bienveillance:

" Voilà les solutions qui s'offrent à vous: ..."
"- Non."
"- ... nous vous proposons de... comment ça non ?! Vous pourriez au moins faire semblant d'écouter avant de refuser..."

Je me suis embêtée à préparer un petit discours avec des mots soigneusement choisis, des intonations et une gestuelle étudiée à appliquer au bon moment, alors c'est un petit peu vexant !

"- Non, parce que je ne veux rien entendre du chantage que le gouvernement a à me faire. J'en ai entendu assez sur vos méthodes: vous ne valez pas mieux que les criminels que vous arrêtez ! Je ne laisserai pas le gouvernement ruiner mon travail... je ne vous le laisserai pas me ruiner !"
"- J..."
BANG !

La syllabe reste en suspens dans ma bouche tandis qu'une balle, tirée dans mon dos par Gal Dome, traverse mon crâne de part en part et ressort par mon front !
Quel manque de manières ! D'habitude les gens attendent au moins que j'aie fini de parler pour m'attaquer ! D'autant que Spouzi avait l'air bien parti pour me faire un savoureux -et tout à fait à propos- discours sur ses motivations et l'injustice du système qu'il a préféré contourner !
Quelle idiote j'ai été ! J'ai accordé trop de confiance aux bonnes manières de Spouzi et à son intelligence, pour considérer qu'il pourrait décider de juste m'éliminer et de cacher les preuves sous le tapis. Et puis... il paraît qu'il y a toujours un moment dans sa carrière d'agent de terrain où l'on devient trop sûre de soi et où l'on cesse d'être sur ces gardes. C'est ce moment qu'il faut savoir repérer pour pouvoir raccrocher à temps et prendre sa retraite, ou entamer une carrière de bureau. Avant qu'il ne soit trop tard...

Comme dans un rêve, je sens mon corps chuter vers le sol au ralenti. Ce qui m'étonne le plus, c'est d'éprouver encore des sensations alors que je sais pertinemment que je viens d'être tuée. J'avais déjà entendu des hypothèses comme quoi la conscience perdurait pendant quelques instants après la mort, mais je n'aurais jamais cru que cela durait autant ! Il faut au moins que je partage ça avant de disparaître, pour la science ! Réunissant toutes les bribes de conscience qu'il me reste, je m'exclame:

"- Je... (c'est étonnamment facile de parler. Je pensais pouvoir au mieux pousser un dernier soupir désespéré !) ... suis encore consciente !"

J'entends le cri d'effroi de Spouzi:

"- Aaaah, elle a parlé !"
"- Merde ! C'est quoi ça ?!"
"- Tu ne l'as pas tuée ?!"
"- Mais si... qu'est-ce qui arrive à son corps ?! On dirait...
"- ...Un fantôme ?!"
"- C'est impossible !"

Le mot fantôme a ceci de rassurant qu'il fournit une explication concrète à ma situation. Enfin rassurant... toutes proportions gardées ! Mais autre chose s'impose dans mon esprit. Je ne me sens pas fantomatique, je me sens gazeuse.
Je regarde mon corps en train de flotter tout en produisant de grandes quantités de gaz effervescent qui lui confèrent, je dois l'admettre, un aspect éthéré. Puis je me retourne et vois les deux hommes qui viennent de me tuer -ou d'essayer ?-, qui me dévisagent avec horreur. Je sens qu'on attend quelque chose de moi alors je m'empresse de dire la première phrase qui me passe par la tête et qui me paraît de circonstance:

"- Houuuuu, je vais vous hanter jusqu'à la fin de vos jours !!"
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Talonné de près par Moria, Roy enjamba le rebord du waver de transport - qu'ils avaient "emprunté" pour se rendre sur l'île industrielle de la SRC - et posa pied-à-terre sur la plage. Une main triturant le pommeau de son sabre, il jeta un regard amer sur le complexe qui se dressait devant ses yeux plus loin dans les terres. Son bras droit atterrit souplement sur le sable fin derrière lui, avant de s'adresser à son capitaine, réajustant son fusil en bandoulière qui avait glissé ce faisant :

 - J'ai du mal à croire que Noob soit sur cette île, avoua-t-il d'une voix prudente. Amadeo s'est joué de nous sur toute la ligne ou quoi ?

 - Je ne pense pas qu'Amadeo sache que Noob nous attend en embuscade dans nos appartements en ce moment même, énonça Roy comme un automate déconnecté de la réalité, terriblement calme alors qu'il analysait la situation. Mais il l'a quand même laissé revenir sur l'archipel sans nous en parler. Madame Sirena est avec Amadeo, rajouta-t-il distraitement en se mettant à avancer.

 - Madame Sirena ? Qu'est-ce qu'elle fait ?

 - Je ne sais pas.

Marchant d'un pas lent mais déterminé, les deux hommes partirent à l'assaut de la forteresse, sans pour autant dégainer leurs armes. Ce temps viendrait plus tard.



Faisant irruption avec fracas dans le bureau d'Amadeo, Rosa écarquilla les yeux devant le spectacle insolite qui s'offrit à elle : une forme fantomatique rappelant étrangement madame Sirena flottait à deux mètres au-dessus du sol, ondulant au rythme des courants d'air qui traversaient la pièce. En face d'elle, Amadeo et Gal se dressaient en tremblant à l'extrémité opposée du bureau, tenant l'étrange apparition en joue.

 - Qu'est-ce qui se passe ici ?! s'écria l'ange en calant son chemichal bazooka sur son épaule. Qu'est-ce que vous avez fait à madame Sirena ?!

 - Putain v'là l'autre maintenant, lâcha un Gal paniqué par la situation. Patron, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qu'on fait ?

Pensant initialement avoir les choses bien en main, nageant dans son élément, la brute avait déchanté quand l'investisseuse avait miraculeusement survécu à sa tentative d'assassinat. Ayant à présent perdu ses moyens, ses mains tremblantes brandissant un pistolet à silex, dont le canon encore fumant l'incriminait sans le moindre doute possible, il s'en remettait à son maître pour prendre une décision.

 - Je vais vous maudire sur vingt-cinq génératioooons, ajouta madame Sirena un peu plus loin d'une voix lugubre pour en rajouter une couche.

Remarquant le canon fumant de Gal et l'impact de balle sur le mur dans le dos de l'apparition spectrale, Rosa devina aisément ce qui avait pu se passer. Ayant d'ors et déjà vécu maintes aventures sur Grand Line, l'ange n'était pas étrangère aux fruits du démon et leur mystérieux pouvoir. Passé le choc initial, son attention se focalisa donc sur cette énième perfidie de Gal Dome, ainsi que la participation d'Amadeo dans ses méfaits.

 - Amadeo c'est toi qui as laissé Noob revenir sur l'archipel ?! s'exclama Rosa, se rappelant soudain la raison de sa venue en premier lieu, avant qu'elle n'entende la commotion dans le bureau d'Amadeo.

 - Tue-les toutes ! s'écria l'entrepreneur en réponse, d'une voix paniquée, une demi-seconde après avoir entendu et compris la tirade de Rosa.

Réagissant avec la promptitude d'un chien soldat, Gal dégaina un deuxième pistolet à silex et fit feu sans sommation sur l'ange. Cette dernière réagit avec autant de célérité, plongeant sur le côté tandis que le bruit du tir explosait à leurs tympans et se réverbérait dans la pièce. Guerrière chevronnée, elle parvint à ne récolter qu'une égratignure au bras, répliquant en pointant le canon de son bazooka vers son collègue tant haï. Une lueur cramoisie enfla dans les profondeurs du tube de métal et tandis qu'elle percutait le sol de tout son côté, une bille de gaz explosif rouge et violette jaillit de l'arme exotique, engouffrant les jambes de l'homme de main avant d'exploser dans une puissante détonation qui souffla tout dans la pièce.

Un instant aveuglée par la lueur de son attaque, sonnée par le choc et le bruit, Rosa retrouva finalement ses repères et roula sur le côté avant de se redresser. Plissant les yeux en tentant de voir à travers la poussière de plâtre qui saturait à présent l'air, elle était à l'affût des deux hommes qui l'avaient trahi. Verte de rage, son visage se durcit encore un peu plus quand la sirène d'alarme se déclencha entre les murs du complexe, annonçant que les confrontations n'en étaient qu'à leurs débuts.

Tandis que la poussière retombait lentement et que sa vision s'améliorait en conséquence, l'ange remarqua soudain une forme imposante dans un coin de la pièce. Pointant son canon dans cette direction, sans trop comprendre à quoi elle pouvait bien avoir affaire à présent, elle écarquilla soudain les yeux en se rappelant que c'était là que madame Sirena flottait avant le tir de chemical bazooka.

La poussière finissant de se tasser, elle révéla la nouvelle forme de l'investisseuse, laquelle devait bien avoir triplé de volume. Toujours sous cette apparence fantomatique, étrangement spectrale, elle était à présent tellement imposante qu'elle se retrouvait forcée de courber le dos pour tenir dans la pièce. Et si une minute auparavant à peine elle était quasiment transparente, elle arborait à présent les teintes chatoyantes du chemical juggling de Rosa, des volutes de couleur rouge et violette parcourant son corps dans un spectacle hypnotisant.

 - Oups ? ne put que lâcher l'ange dans un couinement.
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Cher journal,


Je n'aurais jamais cru que le monde recelait d'autant de choses invisibles, et pourtant à présent si évidentes. Mon corps a changé, mais pas que: l'air n'est plus simplement de l'air, la fumée n'est plus vraiment la fumée, et les explosions rouges que crachent l'arme de Rosa sont beaucoup trop complexes et magnifiques pour se contenter du vulgaire nom d'explosions ! Tout ça je peux le voir, le ressentir, et même le toucher. Le monde autour de moi est toujours là, toujours comme avant, et pourtant il est aussi différent : plus accessible, et même modifiable !

Je prendrais bien le temps de m'arrêter pour réfléchir, comprendre ce qui m'arrive et analyser ces nouvelles capacités que je semble posséder, mais j'ai un peu peur de passer pour une idiote si je commence à faire des trucs bizarres (enfin encore plus bizarres) devant les autres. Et puis s'ils comprennent que je ne maîtrise pas du tout la situation et que je ne comprends pas plus qu'eux ce qui arrive, je ne vais pas avoir l'air d'une agent du gouvernement sérieuse !
J'ai également un peu peur que si j'arrête d'utiliser cette nouvelle faculté comme je le fais, elle disparaisse comme si elle n'avait été qu'un rêve ! Je ne te raconte pas le nombre de fois (enfin si techniquement je te les ai racontées à chaque fois... mais c'est une expression tu comprends bien journal !) où ça m'est arrivé et où je me suis réveillée en étant terriblement frustrée de ne plus savoir voler, posséder une fortune, un poste de directrice du Cp5, d’être ma grande soeur, ou je ne sais quoi d'autre !

Le bazooka de Rosa est censé tirer des boules de gaz qui se transforment en redoutables explosions, mais j'ai absorbé son projectile par réflexe. Il est en moi maintenant, ce qui est extrêmement perturbant, mais je le comprends avec une clairvoyance assez déconcertante et je sais que je pourrais le composer et le décomposer à ma guise, comme un puzzle version nuage chimique. Je peux en faire ce que je veux, et quand je vois Gal Gogol (ou quel que soit son nom) occupé à recharger l'arme qui m'a mise dans cet état, je sais parfaitement ce que je vais en faire ! Ma mission c'est de faire chanter Spouzi, ce qui implique qu'il reste vivant, mais je n'ai aucune obligation de me préoccuper de ses subordonnés dangereux !

L'orbe rouge, chargée du composé léger, du composé fluide et du composé lourd (c'est là que je regrette que mes connaissances en chimie soient proches du néant, mais on ne nous apprend pas trop ce genre de choses au cipher Pol !) est expulsée de mon corps à une vitesse qui me surprend moi-même. Elle a un peu grossi d'ailleurs, non ? Elle est également plus écarlate… Quoi qu'il en soit elle se dirige vers le sol, vers l'homme de main de Spouzi, mais sans sembler très encline à faire dans le détail. Comprenant ce qui va arriver, Rosa a juste le temps de s'élancer en direction de la porte pour se réfugier dans le couloir avant que...

BAOUM !!!

C'est tout un pan du bureau de Spouzi qui est soufflé par l'explosion ! En un instant, je n'ai plus que le ciel au dessus de moi. J'ai été happée par la détonation, projetée à travers la fenêtre, et balancée à même le sol au milieu de la poussière, de la terre sèche et des herbes grillées par le soleil. L'amalgame de gaz désordonné qui constitue ce qui reste de moi reste un moment à flotter en suspens puis se regroupe, et reforme ce qui semble bel et bien être mon corps. Je ne me sens pas du tout normale, mais j'en ai à peu près l'air. Il y a bien quelques volutes de fumée fluorescentes qui s'échappent et reviennent de moi, mais à part ça on dirait que je suis intacte. Je passe avec beaucoup d'appréhension ma main sur mon visage -quelques doigts d'abord, puis j'ose y aller plus franchement- et sens une vague de soulagement me parcourir quand je réalise qu'il n'y a aucun trou là où la balle de mon "assassin" m'a traversée. Une inspection plus minutieuse me confirme qu'à l'exception de mon souci de gaz j'ai deux bras, deux jambes, et ce qu'il faut là où il faut. Je me relève avec précaution mais étrangement je ne ressens aucune douleur. J’ai rarement été aussi heureuse d’être intacte, journal !

A peine me suis-je remise sur mes jambes qu'un jeune homme me prend le bras (je note qu’il réussit à y appliquer un contact physique) et s'exclame:

"- Vous allez bien ? Vous n’êtes pas blessée ?"

D'autres personnes, les employés de Spouzi et ses mercenaires présents sur l'île, se précipitent vers le bâtiment pour en constater les dégâts. Un trou béant d'où émerge une fumée noire remplace la façade là où se trouvait le bureau du maître des lieux et toutes les vitres ont explosé, mais heureusement le reste de l'édifice semble avoir tenu le coup. Des débris de briques, de morceaux de verre et de métal jonchent le sol autour de moi ; plusieurs arbres luminous autour ont été grillés, heureusement la moiteur ambiante les a empêchés de prendre feu.
Je crois bien, journal, que je suis chanceuse de m'en être sortie indemne. Quant à Spouzi et les autres... mince, j'espère que l'explosion ne les a pas tués ! Hum. En vérité je me fiche bien que Galtruc soit blessée ou mort, j'espère même qu'il l'est parce que c'est vraiment un sale type, mais pour Rosa ça m'embêterait un peu plus parce que je l'appréciais un peu. Enfin elle m'a quand même tiré dessus je crois, et peu importe si ça avait l'air d'un accident tout est de sa faute ! Si on me demande, je dirais que je contrôlais parfaitement la situation avant qu'elle n'intervienne ! Ce qui m'ennuierait ce plus à vrai dire ce serait que Spouzi ait été tué ou très gravement blessé: je suis censée conclure un accord avec lui, et je ne pense vraiment pas avoir le droit de le tuer même s'il a essayé de me faire assassiner !

"- Vous m’entendez ? Vous… tu m’entends ? Tu es blessée ?!"

Je reconnais le garçon qui me parle, il s’agit du jeune secrétaire timide de Spouzi. Une partie de sa gêne semble avoir été soufflée par l'explosion, mais sa figure noircie et les coupures qu’il arbore çà et là montrent que comme moi il n’en a réchappé que de peu. Il me regarde d'un air sincèrement inquiet, et se permet un gentil sourire.
J’ai beau être sonnée, je m’offusque: d’où il se permet de me tutoyer alors que tout dans ma tenue, ma coiffure et mon allure montrent bien que je suis une femme, adulte, de dix-huit ans ! Tandis que lui je vois bien qu'il est encore adolescent, il ne doit pas avoir plus de dix-sept ans ! Les enfants devraient respecter les adultes, tsss !
Je laisse échapper un "hmpf !" dédaigneux et m'écarte de lui pour revenir vers le bâtiment.

Entre les gens qui paniquent, les plus hardis qui veulent immédiatement déblayer les décombres, les plus prudents qui redoutent une nouvelle explosion, et les mercenaires qui tentent d'écarter tout ce petit monde en redoutant une attaque, la confusion s’installe rapidement ! Pour ma part je n'en ai pas fini avec Souzi, ou au moins avec ce qu'il reste de lui, et j’aimerais bien lui mettre la main dessus avant les autres !
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Cher journal,

Me voilà de retour dans mon bain d’eau tiède, où décidément tout commence et tout finit. J’ai pris un certain nombre de précautions un peu ridicules avant de m’y immerger je t’avoue, un peu refroidie par la crainte de finir noyée dans un bain tiède de cinquante centimètres de profondeur ou bien le danger de m’y dissoudre telle une pastille effervescente ! Prenant peu à peu confiance puisque mon corps le supporte assez bien, et puisque dans cette hauteur raisonnable d’eau je ne semble pas sujette aux pertes d’énergie qui sont le lot des possesseurs de fruits du démon, j’ai décidé de passer mon après-midi ici et d’en profiter pour faire mon rapport. Quitte à me faire passer un savon autant que ce soit dans un bon bain tiède !

Après quelques minutes d’attente, je parviens à joindre mon correspondant à qui j’annonce sans préambule, après les politesses d’usage:
"- Chef, ici l’agent Caramélie au rapport. Pas votre secrétaire Amélie, ni votre amante Nathalie, ni Emilie qui, je crois, est l’escort professionnelle qui vous accompagne parfois à vos soirées casino. Je suis Ca-ra-mé-lie, votre agent du Cipher Pol qui vous appelle pour le boulot."

Un silence de quelques secondes suit mes déclarations clamées d’une voix ferme et puis j’entends à travers le combiné de l’escargophone:

"- … Hum… évidemment, oui. Pourquoi voudriez-vous que je vous confonde ?"

C’est à mon tour d’hésiter un instant, et puis je me lance:

"- Je vous appelle pour vous donner les dernières nouvelles de l’Archipel aux Éveillés, chef. J’ai eu pas mal d’ennuis... Spouzi est mort."
"- Comment ça, mort ? On est bien d’accord que je vous avais demandé de négocier avec lui, pas le descendre ?"

A son ton, je ne saurais pas dire si mon chef est contrarié ou s’il a réellement un doute sur les instructions qu’il a pu me donner.

"- Au début tout se passait bien, malgré quelques contrariétés. J’étais en train de lui présenter mon offre objectivement avantageuse, j’étais certaine de réussir à les convaincre, et puis sans crier gare lui et son homme de main ont essayé de me tuer."
"- Donc c’est un suicide ?"
"- Pas exactement… enfin… ils m’ont tiré dessus mais ça ne m’a pas tuée. Seulement leur employée a ensuite lâché du gaz explosif et…"
"- Ah si ! Si ils ont essayé de tuer une agent du Cipher Pol en connaissance de cause, ça s’appelle un suicide !"
"- Ça a dû leur échapper… Après ça je suis retournée fouiller les ruines du bâtiment, mais j’ai eu un peu de mal à retrouver Amadeo et son homme de main, Galtruc. Enfin… j’ai fini par conclure que c’étaient eux les nombreux morceaux de viande trop cuite éparpillés un peu partout…"

Je m’efforce de chasser de mon esprit le souvenir de ma longue fouille des ruines du bâtiment, et d’ignorer le douloureux rappel que me fait mon cerveau que ce que j’ai longtemps pris pour des déchets de la cuisine étaient en fait tout ce qu’il restait du séduisant homme d’affaires aux cheveux longs et son associé la brute. Quelques plumes roussies suggéraient que Rosa, l’ange ingénieure, ne s’en était pas sortie totalement indemne, mais je n’ai retrouvé le reste de son corps nulle part, vivant ou non.

"- C’est contrariant tout ça. Nous avions besoin d’un atout dans la région, pas de couler une entreprise indépendante."
"- Je dois aussi vous signaler l’assassinat du lieutenant Loie Volbas, chef. Son corps a été retrouvé chez lui, sauvagement mutilé. L’enquête préliminaire suggère qu’il a été tué par un mercenaire plus ou moins affilié à Spouzi, mais pour ma part je soupçonne fortement madame Sweetsong du Cp9 d’avoir fait le coup."

D’ailleurs, preuve supplémentaire qui conforte mes soupçons, aux dernières nouvelles cette dernière a abandonné l’équipage de Roy et disparu de la circulation.

"- Vous voulez dire que la garnison de l’archipel a été massacrée ?!"

Je crois que je peux oublier l'idée de suggérer une promotion à mon prochain retour au QG.

"- Techniquement oui… enfin si on considère que feu le lieutenant Volbas en était l’unique membre, le taux de pertes s’élève effectivement à 100%."
"- Le gouvernement ne pourra pas laisser passer une chose pareille ! Il s’agit de l’assassinat pur et simple de l’un de nos représentants officiels sur une île neutre !! L’envoi d’une nouvelle garnison plus conséquente s’impose, et croyez moi on en entendra parler en haut lieu ! C’est bien, vraiment très bien ma petite."

Je suis à peu près certaine de ne mériter aucune félicitation, mais soit. Ce retour à un terme plus familier (trop familier) me laisse au moins deviner que son agacement vis à vis de mon échec s’est dissipé (et puis après tout il a raison, c’était quasiment un suicide. Ce n’est pas de ma faute s’ils ont essayé de me tirer dessus ou encore de me mettre en contact avec du gaz hautement explosif ! Ils n'avaient qu’à faire attention un peu aussi ! Bande de maladroits !). Je me permets donc de me détendre un peu dans mon bains et de profiter le la douce sensation de pouvoir étirer mes jambes dans l’eau tiède, à défaut de pouvoir y flotter paresseusement.

"- Nous tenons une occasion de poser fermement le pied sur ce territoire, et nous n’y manquerons pas."
"- Chouette."
"- Maintenant je vous laisse, vous m’avez interrompu pendant une réunion de travail très sérieuse. Passez une bonne après midi, et restez disponible dans les prochains jours. Hum. Pompompom ♪ Emilie, viens donc un peu par ici ma mignonne… comment ça je n’ai pas raccroché ? Oh mince je n’ai pas raccroché ! *clac*"
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