Cher journal,
Plongée jusqu'au cou dans un bain d'eau tiède, les deux bras appuyés sur le rebord -l'un tenant une tasse de thé glacé, l'autre le combiné de mon escargophone-, la vie est belle ! Les yeux fermés, détendue, je profite du clapotis de l'eau, de la douce sensation de mon corps qui se laisse aller sans efforts dans le bain, et de la délicieuse odeur du thé saveur fruit de luminous (l'arbre emblématique de l'île, dont les fruits lumineux ont donné à l'archipel donné sa réputation de pays sans nuit) avec une pointe de cannelle que je vais me faire un plaisir de goûter une fois que les glaçons auront fini de fondre ; un thé est incomparablement meilleur lorsqu'il est savouré glacé et dans un bon bain !
Après quelques minutes d'une attente très sereine, la sonnerie de mon escargophone m'indique qu'il est enfin parvenu à joindre mon correspondant. La voix de mon supérieur au Cipher Pol, un peu assourdie par les interférences mais néanmoins audible, résonne avec gaillardise et entrain à l'autre bout du combiné:
"- ... Oui j'écoute ?"
"- Chef, ici l'agent Caramélie au rapport."
Il y a un petit silence, un grésillement, puis j’entends:
"- Amélie, c'est toi ma chérie ? Quel plaisir d'entendre ta jolie voix !"
"- Euh... pardon chef ?"
"- Ha ha ha quelle coquine ! Tu exagères de m'appeler alors que je suis au bureau ! Tu voulais me murmurer des choses vilaines, hein c'est ça ?"
Je rosis légèrement et bafouille:
"- Non non chef, c'est Caramélie pas Amélie."
"- Ha ha ha, oui mon poussin ! Je ne t'entends pas très bien mais ce n'est pas grave. Tu veux qu'on se voie pour dîner ce soir ? J'ai plein d'idées très cochonnes te concernant tu sais ?"
"- Euh... c'est-à-dire que c'est gentil mais... vous êtes un peu vieux pour moi, et même si je vous aime bien, enfin... pas de cette manière vous voyez ?"
"- Allô ma chérie ? Moi aussi je t'aime ! Tu disais quoi mon chou ?"
Je m'extrais à contrecœur de la tiédeur bienfaisante de mon bain pour me rapprocher le plus possible du combiné de mon escargophone, et articule du mieux que je peux. Tant pis si quelqu'un risque de m'entendre en collant son oreille contre le mur, c'est ça où je raccroche ! Je n'ai vraiment pas envie que mon chef se mette à m'appeler "ma cochonne "!!
"- Chef, ici l'agent Caramélie d'Isigny. CA-RA-mélie. Cara, pas A.
"- Ha ha, comment ma jolie ? Caram... ah zut !"
"- Chef ?"
Je l'entends faire des bruits avec sa bouche, et je suis sur que ça ne vient pas des interférences:
"- Krrr krrrr ! Je ... entends... plus... krrrr... passe dans un tunnel..."
"- Je crois que vous m'avez confondue avec mlle Amélie, votre secrétaire."
Je ne reçois qu'un silence comme seule réponse. Puis, après plusieurs longues et gênantes secondes d'attente, la voix toujours aussi bonhomme de mon supérieur reprend:
"- Ha ha, mais je le savais ! C'était... une plaisanterie bien sûr ! Ha ha !"
"- Ah... évidemment. C'était très drôle d'ailleurs, hihi."
"- Ha ha ha ! De toute façon je suis un mari fidèle, il ne me viendrait pas à l'idée d'avoir ma secrétaire comme amante."
"- Absolument ! C'est bien vous ça, chef !"
Une règle très importante dans la hiérarchie journal: quand ton supérieur rit, on rit aussi. Quand ton supérieur te baratine avec un mensonge plus gros que l'ego d'un libre-capitaine d'Armada, il dit la vérité. Tout ce que dit un supérieur est pertinent, intelligent, et drôle s’il a décidé que ça l'était. Et si ça ne te plaît pas, tu peux toujours te venger sur tes propres subordonnés qui seront obligés d'appliquer la même règle avec toi !
"- Bon alors dites-moi Caramélie ma petite, pourquoi est-ce que vous m'appelez si vous n'êtes pas ma secrétaire ?"
"- Pour mon rapport, chef."
"- Ah, oui ! Qu'en est-il de cet entrepreneur remuant ?"
"- Amadeo Spouzi est encore plus compromis que nous le pensions. Je me suis approchée de lui sous mon identité de madame Sirena -une femme d’affaires jeune et dynamique- et j'ai eu l'opportunité d'entrer en affaires avec lui et même de participer personnellement à l'une de ses courses de wavers."
"- Vous avez gagné ?"
"- J'ai fini troisième... c'est vraiment important ?"
Maintenant que nous arrivons à tenir une conversation intelligible, je me permets de replonger entièrement dans mon bain et de recommencer à touiller mes glaçons.
"- Bref ! J'ai pu facilement mettre Spouzi en confiance, le manipuler comme je le voulais..."
Et pour une fois je n'en rajoute même pas journal: je lui avais tout juste fait quelques sourires qu'Amadeo Spouzi se mettait déjà à table en me faisant les pires propositions !
Je parle de propositions d'affaires bien sûr.
"- ... et je peux dès à présent vous faire rapport très fourni de toutes les transactions malhonnêtes auxquelles il se livre: tentatives d'escroquerie, appropriation de biens, pots de vin, courses truquées, sabotages, et surtout association avec des pirates. Selon son propre aveu, il profite de la neutralité de l'archipel et de l'autorité quasi inexistante de la marine pour ne pas s'embarrasser de trop de moralité. De là à sous-entendre que le sous-lieutenant de la marine en charge de l'île est complètement dépassé... ah mais c'est répugnant !!!"
"- Je suis bien d'accord, mais vous semblez prendre ça très à cœur ma petite ?"
"- Pas du tout, je parlais de mon thé ! C'est imbuvable ce truc on dirait du jus de méduse ! Au fruit de luminous, pfffff ! C'est la dernière fois que je goûte à la cuisine locale !"
"- A qui le dites-vous ! Vous saviez qu'une fois, alors que j'étais jeune agent, un de mes sbires avait essayé de goûter un ragoût de chenille de Myriapolis ? Il ignorait qu'il s'agissait d'un spécimen hautement toxique: sa gorge s'est mise à gonfler, à devenir violacée, et à comprimer sa trachée ! Le pauvre vous l'auriez vu, en quelques minutes son cou avait triplé de volume !"
"- Beurk !"
Son histoire de chenille a achevé de me couper l'appétit. Je vide le contenu de ma tasse entre deux lattes de parquet et me réfugie dans l'eau jusqu'au menton.
"- ... Il n'arrivait plus à respirer et poussait des gémissements pathétiques. Alors notre guide indigène, qui avait déjà eu affaire à ce genre de cas, a essayé de lui ouvrir la trachée pour lui dégager une voie de respiration. Il a pris son couteau et..."
"- J... je ne suis pas vraiment sûre de vouloir connaître les détails..."
"- ... sur au moins sept ou huit centimètres. Je n'avais jamais vu gicler autant de sang ! Le pauvre bougre hurlait en gargouillant, et..."
"- Je ne me sens pas très bien... Vous n'êtes pas obligé de rentrer dans les détails vous savez... ?"
"- ... du sang partout, du sang plein les mains, du sang plein les vêtements ! Il en avait sur le visage, dans les cheveux !!! Alors il a pris un... et lui a enfoncé dans..."
"- Lalala, j'entends rien."
"- Et vous savez la meilleure ? Le sbire, il s'en est remis ! Bon alors évidemment ça lui a mis des mois pour réapprendre à parler normalement, mais... ça ne lui a pas retiré le goût pour les ragoûts exotiques, hahahaHAHAHA !"
"- Oh oui c'est vraiment drôle comme anecdote."
Ce n'est pas hypocrite journal, c'est hiérarchique ! Tu n'imagines pas à quel point une promotion peut dépendre de la faculté qu'on a à rire aux plus mauvaises plaisanteries et à tolérer qu'un cinquantenaire un peu empâté qui a tous les pouvoirs vous appelle "ma petite", "ma jolie", ou pire encore "mon petit". Pour me consoler je me dis que quand j'aurai son âge, et que j'infligerai le même traitement à de jeunes agents désireux de finir directeur adjoint de leur Cipher Pol, lui il portera des couches en maison de retraite !
"- Haha ! Bon alors, et cet investisseur véreux ?"
"- Oui voilà. Monsieur Spouzi tenait beaucoup à ce que je fasse l'acquisition de deux modèles de wavers expérimentaux pour participer à ses courses, et surtout que je le fasse piloter par son poulain, un pirate qu’il m’a vendu comme un prodige. Il s’agit de Roy D. Aston, le capitaine de l'équipage pirate des Tyrans, qui d'ailleurs se trouve toujours sur l'archipel. Il est talentueux. Dangereux je veux dire, dangereux !"
Et très photogénique ! Outre ses talents de pilote qui nous ont permis, à lui et moi, de nous hisser à la troisième place de la dernière course, utiliser sa réputation et son image de "vilain garçon" dans ma campagne de publicité pour le lancement de ma boutique a été un succès ! C'est bien pratique parfois les couvertures, journal. Mais ne va pas croire que j'y ai pris du plaisir !
"- Roy D... attendez un minute. Milaine, mon petit, pourriez-vous m'apporter tout ce que nous avons sur un pirate nommé Déhaston ? Merci ma jolie, vous êtes un ange !"
"- En plus de toute ça j'ai pu être témoin de l'opposition assez dure qui existe entre les autochtones et Spouzi. Si nous agissons contre sa compagnie, ce sera tout à notre crédit."
"- C'est du bon travail tout ça, agent d'Isigny. Nous le tenons ! Compilez-moi votre rapport et escargofaxez-le moi aussi vite que possible. Bien ! Il sera obligé de coopérer ou de disparaître ! Voici votre nouvelle mission: vous allez reprendre contact avec Spouzi, lui expliquer la situation dans laquelle il s'est mise, et convaincre ce petit salaud d'accepter nos conditions. Apprenez-lui qu'il va désormais devoir marcher au pas et ouvrir son portefeuille s’il ne veut pas venir dire bonjour à nos petits amis de Mile High Purgatory, haha ! Ah et faites attention à vous ma petite, connaissant le loustic j'ai bien peur que son premier réflexe ne soit d'essayer de vous faire disparaître et de dissimuler les preuves sous le tapis, si vous voyez ce que je veux dire..."
A titre personnel j'aurais préféré passer directement à l'étape prison sans m’encombrer des petits arrangements mais que veux-tu journal, le Gouvernement Mondial est trop gentil !
"- Quand vous aurez terminé prenez du bon temps, profitez un peu du climat et des plages ! Un navire de la marine viendra vous chercher d'ici une poignée de jours pour vous conduire vers votre prochaine mission, vous en recevrez les détails le moment venu."
"- Merci chef. Je me tiendrai prête, chef."
Je sens une longue hésitation de l'autre côté du combiné, et puis:
"- Hum, bon et puis cette invitation à dîner ne vous était pas destinée mais... si d'aventure vous ne savez pas quoi faire un soir prochain..."
C'est à mon tour de laisser le silence s'installer dans la conversation, et puis de répondre:
"- Allô ? Krrr, kkkkrrr ! Je ne vous entends plus... kkkrrrr..."
Je me pince le nez et ajoute avec une voix de canard:
"- Je... krrrrkrouikrouikroui... vais... krrr... une licorne... krrrikrrri... chocolat... krrrr... terminé."
Et je raccroche. Fiou ! Je délaisse enfin mon escargophone, ma tasse vide, et me blottis au fond de mon bain, épuisée par mon effort !
Plongée jusqu'au cou dans un bain d'eau tiède, les deux bras appuyés sur le rebord -l'un tenant une tasse de thé glacé, l'autre le combiné de mon escargophone-, la vie est belle ! Les yeux fermés, détendue, je profite du clapotis de l'eau, de la douce sensation de mon corps qui se laisse aller sans efforts dans le bain, et de la délicieuse odeur du thé saveur fruit de luminous (l'arbre emblématique de l'île, dont les fruits lumineux ont donné à l'archipel donné sa réputation de pays sans nuit) avec une pointe de cannelle que je vais me faire un plaisir de goûter une fois que les glaçons auront fini de fondre ; un thé est incomparablement meilleur lorsqu'il est savouré glacé et dans un bon bain !
Après quelques minutes d'une attente très sereine, la sonnerie de mon escargophone m'indique qu'il est enfin parvenu à joindre mon correspondant. La voix de mon supérieur au Cipher Pol, un peu assourdie par les interférences mais néanmoins audible, résonne avec gaillardise et entrain à l'autre bout du combiné:
"- ... Oui j'écoute ?"
"- Chef, ici l'agent Caramélie au rapport."
Il y a un petit silence, un grésillement, puis j’entends:
"- Amélie, c'est toi ma chérie ? Quel plaisir d'entendre ta jolie voix !"
"- Euh... pardon chef ?"
"- Ha ha ha quelle coquine ! Tu exagères de m'appeler alors que je suis au bureau ! Tu voulais me murmurer des choses vilaines, hein c'est ça ?"
Je rosis légèrement et bafouille:
"- Non non chef, c'est Caramélie pas Amélie."
"- Ha ha ha, oui mon poussin ! Je ne t'entends pas très bien mais ce n'est pas grave. Tu veux qu'on se voie pour dîner ce soir ? J'ai plein d'idées très cochonnes te concernant tu sais ?"
"- Euh... c'est-à-dire que c'est gentil mais... vous êtes un peu vieux pour moi, et même si je vous aime bien, enfin... pas de cette manière vous voyez ?"
"- Allô ma chérie ? Moi aussi je t'aime ! Tu disais quoi mon chou ?"
Je m'extrais à contrecœur de la tiédeur bienfaisante de mon bain pour me rapprocher le plus possible du combiné de mon escargophone, et articule du mieux que je peux. Tant pis si quelqu'un risque de m'entendre en collant son oreille contre le mur, c'est ça où je raccroche ! Je n'ai vraiment pas envie que mon chef se mette à m'appeler "ma cochonne "!!
"- Chef, ici l'agent Caramélie d'Isigny. CA-RA-mélie. Cara, pas A.
"- Ha ha, comment ma jolie ? Caram... ah zut !"
"- Chef ?"
Je l'entends faire des bruits avec sa bouche, et je suis sur que ça ne vient pas des interférences:
"- Krrr krrrr ! Je ... entends... plus... krrrr... passe dans un tunnel..."
"- Je crois que vous m'avez confondue avec mlle Amélie, votre secrétaire."
Je ne reçois qu'un silence comme seule réponse. Puis, après plusieurs longues et gênantes secondes d'attente, la voix toujours aussi bonhomme de mon supérieur reprend:
"- Ha ha, mais je le savais ! C'était... une plaisanterie bien sûr ! Ha ha !"
"- Ah... évidemment. C'était très drôle d'ailleurs, hihi."
"- Ha ha ha ! De toute façon je suis un mari fidèle, il ne me viendrait pas à l'idée d'avoir ma secrétaire comme amante."
"- Absolument ! C'est bien vous ça, chef !"
Une règle très importante dans la hiérarchie journal: quand ton supérieur rit, on rit aussi. Quand ton supérieur te baratine avec un mensonge plus gros que l'ego d'un libre-capitaine d'Armada, il dit la vérité. Tout ce que dit un supérieur est pertinent, intelligent, et drôle s’il a décidé que ça l'était. Et si ça ne te plaît pas, tu peux toujours te venger sur tes propres subordonnés qui seront obligés d'appliquer la même règle avec toi !
"- Bon alors dites-moi Caramélie ma petite, pourquoi est-ce que vous m'appelez si vous n'êtes pas ma secrétaire ?"
"- Pour mon rapport, chef."
"- Ah, oui ! Qu'en est-il de cet entrepreneur remuant ?"
"- Amadeo Spouzi est encore plus compromis que nous le pensions. Je me suis approchée de lui sous mon identité de madame Sirena -une femme d’affaires jeune et dynamique- et j'ai eu l'opportunité d'entrer en affaires avec lui et même de participer personnellement à l'une de ses courses de wavers."
"- Vous avez gagné ?"
"- J'ai fini troisième... c'est vraiment important ?"
Maintenant que nous arrivons à tenir une conversation intelligible, je me permets de replonger entièrement dans mon bain et de recommencer à touiller mes glaçons.
"- Bref ! J'ai pu facilement mettre Spouzi en confiance, le manipuler comme je le voulais..."
Et pour une fois je n'en rajoute même pas journal: je lui avais tout juste fait quelques sourires qu'Amadeo Spouzi se mettait déjà à table en me faisant les pires propositions !
Je parle de propositions d'affaires bien sûr.
"- ... et je peux dès à présent vous faire rapport très fourni de toutes les transactions malhonnêtes auxquelles il se livre: tentatives d'escroquerie, appropriation de biens, pots de vin, courses truquées, sabotages, et surtout association avec des pirates. Selon son propre aveu, il profite de la neutralité de l'archipel et de l'autorité quasi inexistante de la marine pour ne pas s'embarrasser de trop de moralité. De là à sous-entendre que le sous-lieutenant de la marine en charge de l'île est complètement dépassé... ah mais c'est répugnant !!!"
"- Je suis bien d'accord, mais vous semblez prendre ça très à cœur ma petite ?"
"- Pas du tout, je parlais de mon thé ! C'est imbuvable ce truc on dirait du jus de méduse ! Au fruit de luminous, pfffff ! C'est la dernière fois que je goûte à la cuisine locale !"
"- A qui le dites-vous ! Vous saviez qu'une fois, alors que j'étais jeune agent, un de mes sbires avait essayé de goûter un ragoût de chenille de Myriapolis ? Il ignorait qu'il s'agissait d'un spécimen hautement toxique: sa gorge s'est mise à gonfler, à devenir violacée, et à comprimer sa trachée ! Le pauvre vous l'auriez vu, en quelques minutes son cou avait triplé de volume !"
"- Beurk !"
Son histoire de chenille a achevé de me couper l'appétit. Je vide le contenu de ma tasse entre deux lattes de parquet et me réfugie dans l'eau jusqu'au menton.
"- ... Il n'arrivait plus à respirer et poussait des gémissements pathétiques. Alors notre guide indigène, qui avait déjà eu affaire à ce genre de cas, a essayé de lui ouvrir la trachée pour lui dégager une voie de respiration. Il a pris son couteau et..."
"- J... je ne suis pas vraiment sûre de vouloir connaître les détails..."
"- ... sur au moins sept ou huit centimètres. Je n'avais jamais vu gicler autant de sang ! Le pauvre bougre hurlait en gargouillant, et..."
"- Je ne me sens pas très bien... Vous n'êtes pas obligé de rentrer dans les détails vous savez... ?"
"- ... du sang partout, du sang plein les mains, du sang plein les vêtements ! Il en avait sur le visage, dans les cheveux !!! Alors il a pris un... et lui a enfoncé dans..."
"- Lalala, j'entends rien."
"- Et vous savez la meilleure ? Le sbire, il s'en est remis ! Bon alors évidemment ça lui a mis des mois pour réapprendre à parler normalement, mais... ça ne lui a pas retiré le goût pour les ragoûts exotiques, hahahaHAHAHA !"
"- Oh oui c'est vraiment drôle comme anecdote."
Ce n'est pas hypocrite journal, c'est hiérarchique ! Tu n'imagines pas à quel point une promotion peut dépendre de la faculté qu'on a à rire aux plus mauvaises plaisanteries et à tolérer qu'un cinquantenaire un peu empâté qui a tous les pouvoirs vous appelle "ma petite", "ma jolie", ou pire encore "mon petit". Pour me consoler je me dis que quand j'aurai son âge, et que j'infligerai le même traitement à de jeunes agents désireux de finir directeur adjoint de leur Cipher Pol, lui il portera des couches en maison de retraite !
"- Haha ! Bon alors, et cet investisseur véreux ?"
"- Oui voilà. Monsieur Spouzi tenait beaucoup à ce que je fasse l'acquisition de deux modèles de wavers expérimentaux pour participer à ses courses, et surtout que je le fasse piloter par son poulain, un pirate qu’il m’a vendu comme un prodige. Il s’agit de Roy D. Aston, le capitaine de l'équipage pirate des Tyrans, qui d'ailleurs se trouve toujours sur l'archipel. Il est talentueux. Dangereux je veux dire, dangereux !"
Et très photogénique ! Outre ses talents de pilote qui nous ont permis, à lui et moi, de nous hisser à la troisième place de la dernière course, utiliser sa réputation et son image de "vilain garçon" dans ma campagne de publicité pour le lancement de ma boutique a été un succès ! C'est bien pratique parfois les couvertures, journal. Mais ne va pas croire que j'y ai pris du plaisir !
"- Roy D... attendez un minute. Milaine, mon petit, pourriez-vous m'apporter tout ce que nous avons sur un pirate nommé Déhaston ? Merci ma jolie, vous êtes un ange !"
"- En plus de toute ça j'ai pu être témoin de l'opposition assez dure qui existe entre les autochtones et Spouzi. Si nous agissons contre sa compagnie, ce sera tout à notre crédit."
"- C'est du bon travail tout ça, agent d'Isigny. Nous le tenons ! Compilez-moi votre rapport et escargofaxez-le moi aussi vite que possible. Bien ! Il sera obligé de coopérer ou de disparaître ! Voici votre nouvelle mission: vous allez reprendre contact avec Spouzi, lui expliquer la situation dans laquelle il s'est mise, et convaincre ce petit salaud d'accepter nos conditions. Apprenez-lui qu'il va désormais devoir marcher au pas et ouvrir son portefeuille s’il ne veut pas venir dire bonjour à nos petits amis de Mile High Purgatory, haha ! Ah et faites attention à vous ma petite, connaissant le loustic j'ai bien peur que son premier réflexe ne soit d'essayer de vous faire disparaître et de dissimuler les preuves sous le tapis, si vous voyez ce que je veux dire..."
A titre personnel j'aurais préféré passer directement à l'étape prison sans m’encombrer des petits arrangements mais que veux-tu journal, le Gouvernement Mondial est trop gentil !
"- Quand vous aurez terminé prenez du bon temps, profitez un peu du climat et des plages ! Un navire de la marine viendra vous chercher d'ici une poignée de jours pour vous conduire vers votre prochaine mission, vous en recevrez les détails le moment venu."
"- Merci chef. Je me tiendrai prête, chef."
Je sens une longue hésitation de l'autre côté du combiné, et puis:
"- Hum, bon et puis cette invitation à dîner ne vous était pas destinée mais... si d'aventure vous ne savez pas quoi faire un soir prochain..."
C'est à mon tour de laisser le silence s'installer dans la conversation, et puis de répondre:
"- Allô ? Krrr, kkkkrrr ! Je ne vous entends plus... kkkrrrr..."
Je me pince le nez et ajoute avec une voix de canard:
"- Je... krrrrkrouikrouikroui... vais... krrr... une licorne... krrrikrrri... chocolat... krrrr... terminé."
Et je raccroche. Fiou ! Je délaisse enfin mon escargophone, ma tasse vide, et me blottis au fond de mon bain, épuisée par mon effort !
Dernière édition par Caramélie le Ven 20 Aoû 2021 - 22:13, édité 1 fois