Le Port est sans doute l’un des endroits portant ce nom les plus calmes du monde. Au milieu de ces maisons construites en hauteur, faute de place, sinue un chemin escarpé, en bas, et l’absence de régularité au sol empêche la foule de s’y installer. La plupart des locaux transitent entre les maisons par des cordes tyroliennes, dans un réseau de fils spécialement conçu pour qu’il soit aisé de s’y retrouver. Ce sont majoritairement les touristes qui utilisent le sol. Ils arrivent par la mer, parquent leurs navires en contrebas, avant d’entamer l’ascension jusqu’ici, jusqu’au seul endroit de l’île qui soit totalement praticable par des nouveaux venus.
En parlant de nouveaux venus, un navire glisse sur les flots et s’approche peu à peu du débarcadère. À travers la longue vue de son observatoire, Joseph Roulin, natif de l’île et chargé de l’accueil des flux touristiques, guette ses occupants. C’est toujours ainsi qu’il procède ; une première approche de loin, à la lunette, afin de séparer le bon grain de l’ivraie. Le grossissement des lentilles lui permet de bien distinguer les énergumènes qui donnent les ordres et ceux qui les exécutent, ça permet d’avoir un coup d’avance en terme de diplomatie quand il faut procéder à l’accueil de cas un peu plus compliqués.
Il est très clair que ceux-ci ne sont pas tout roses. Il allait falloir les mater, très certainement. Parce qu’on ne plaisante pas avec les règles sur les Pythons Rocheux. Joseph a été éduqué à la dure et c’est durement qu’il accueille les malfrats. Ceux-ci ont intérêt à ne pas faire les malins. Il a déjà repéré trois personnes qui sortent du lot, en plus de celui qui tient la barre et opère quasiment seul tous les changements de voilures à l’aide d’un réseau de cordages plutôt sophistiqué. Il y a un chauve qui semble envoyer les ordres, mais qui vient également les prendre auprès d’un blond au cheveux en-dessous des épaules, qui – quand il ne semble pas donner de directives à voix basse – se dispute avec une jeune femme au sourire rieur. Ce sont eux qui dirigent, Joseph le sent, ils n’en foutent pas une.
Quittant un instant son outil d’observation, le trentenaire brun attrape ses propres lunettes de vue pour se les glisser sur le nez. Il se retourne vers Mathias, son collègue à la peau noire ébène, racle légèrement sa gorge pour lui signifier qu’il souhaite lui parler. Ce dernier, en train de retranscrire un registre à une table voisine se retourne, un air sérieux semble imprimé sur son visage.
« Le navire arrive, souffle Joseph d’une voix juste assez forte pour transmettre l’information.
-Prends de l’avance, je dois terminer d’annoter une page, je te rejoins tout de suite. »
Hochement de tête. Joseph agrippe son blouson accroché à une patère, l’enfile et ouvre la petite trappe située au centre de la salle. D’un mouvement fluide et mécanique, qui transpire l’habitude, il glisse le long de l’échelle, se tourne face au vide et sans attendre se jette en avant, agrippant au passage le bout de tyrolienne lui permettant de filer à vive allure en direction du bas.
***
En voyant arriver à sa rencontre les deux hommes, Rooney se demande ce qu’il a bien pu faire de mal. Kosma a-t-il réussi à prévenir aussi vite les autorités des lieux ? Se pourrait-il qu’on tente déjà de l’arrêter ? Impossible à savoir tout de suite. Mais cela dit, il en doutait. On lui aurait préparé un accueil plus fourni en soldats de la Marine. Le premier à arriver à sa hauteur semble assez sérieux, cheveux coupés courts, lunettes rectangulaires, sourcils froncés et sourire inexistant. Le second a une cinquantaine de mètres de retard. Au moindre problème, il pourrait certainement se débarrasser de l’un avant que l’autre puisse bouger le petite doigt.
« Bonjour, Joseph Roulin, relations avec l’extérieur.
-Edouard Bottom.
-Je sais qui vous êtes monsieur Bottom. Ce cher Gouvernement Mondial nous envoie tous ses avis de recherche et le votre est arrivé hier matin. Vos récentes exactions nous sont connues.
-Je vois, je ne savais même pas que ma tête était mise à prix, vous me l’apprenez.
-Mon collègue Mathias qui arrive et moi-même avons pour charge de vous exposer les lois qui régissent les Pythons Rocheux.
-Vous n’êtes pas dépendants des Marines ?
-Nous accueillons gracieusement trois divisions de la Marine sur l’île. Mais ceux-ci n’ont en aucun cas le droit d’intervenir sans notre accord. Ils ne font que surveiller les côtes et éviter les attaques éventuelles. Pour le reste, nous avons nos propres méthodes, et nos propres règles.
-Je sens que nous allons nous entendre monsieur Roulin. Ah, et voilà qu’arrive monsieur… Monsieur ?
-Griboche. Ne perdez pas de temps à tenter de jouer au mielleux avec moi. Je n’ai pas de temps à perdre. Joseph et moi, nous vous présentons les règles, et ensuite, soit vous décidez de rester et vous les respectez – sans quoi il vous en coûterait – soit vous partez.
-Pour les chargés de relations avec l’extérieur, vous usez bien rapidement de la menace.
-Je ne menace pas. Je préviens. »
Roulin et Griboche, les deux énergumènes intriguent fortement le capitaine pirate. Ils ne semblent pas purement hostile, le premier semble très procédurier, le second très à cheval sur le respect des lois. Autant se les mettre dans la poche, d’une manière comme d’une autre. Après un temps de latence, Rooney les enjoint à les suivre et les emmène dans sa cabine, cela semble le meilleur endroit pour une discussion qui pourrait prendre un peu de temps.
***
À encore quelques jours de navigation des Pythons Rocheux, en pleine mer, le voyage à bord du Moonstar est long. Klara, Kosma, Cannelle et Amelia sont toujours convalescents, mais leurs jours ne sont plus en danger. Olga et Sarah veillent à ce qu’ils reprennent des force progressivement. Elles ont aussi soigné Victor, le pirate, enfermé et solidement attaché dans l’une des geôles du navire. Le traitement concocté à l’aide des conseils du nain a été efficace. Le seul problème étant qu’elles n’avaient plus aucune nouvelle de lui depuis cet appel où il leur avait transmis ses résultats d’analyse.
Marie n’est pas facilement impressionnable, elle laisse assez difficilement transparaître ses émotions, mais il faut avouer que le petit pharmacien lui en avait bouché un coin. Dans un moment comme celui-là, réussir à trouver le courage de quitter sa petite cachette pour s’aventurer dans un endroit hostile et inconnu, pour mettre la main sur un poison et en concocter un antidote. C’est fort. Elle se demande comment il a fait.
Comme elle n’a pas grand-chose d’autre à faire, elle s’occupe en faisant des menus travaux sur la voilure du navire de Klara. Trop abîmé pour naviguer tout seul, celui-ci a été attaché au Moonstar qui le tracte tranquillement, au gré du vent. Marie se demande un peu comment va s’opérer la suite de cette traque. Elle n’a qu’une envie, planter son couteau dans la gorge de ce malade qui a foutu le feu à la forêt.
En contrebas de sa position, sur le pont du navire principal de leur petite procession, elle voit le groupe des chasseuses Sailor s’activer toujours autant pour maintenir une bonne allure. Il faut avouer que Marie les avait mal jugées. Au premier coup d’œil, elle les avait trouvées superficielles et idiotes, mais elle voit bien qu’il n’en est rien. Elles se démènent depuis le début pour leurs convictions, sont fortes face aux différents événements qui leur arrivent, et malgré tout ça elles parviennent toujours à afficher une bonne humeur quasi constante. Quelque-part, elle aimerait leur ressembler.
D’un bond, elle descend de son perchoir et se réceptionne en souplesse sur le pont du navire. Elle a bientôt fini son patchwork sur la voilure, elle pourra aller dire à Klara très prochainement que son navire est en état de naviguer seul. Elle espère toutefois que la chasseuse de prime n’en profitera pas pour leur fausser compagnie directement. Elle avait déjà sauvé la vie de Sarah et d’Amelia, tout en risquant très largement sa peau. Marie craint juste que ressorte son tempérament de louve solitaire.
***
« Bon, eh bien, messieurs, si vous n’avez plus rien à m’apprendre, je crois que je vais m’entretenir avec mon équipage pour savoir si nous restons ou pas. Mais les termes du contrat me semble plutôt clairs. Tant que la Marine ne viendra pas nous chercher querelle, nous respecterons consciencieusement les lois.
-Capitaine, fit Tofu en faisant irruption dans la cabine. On a retrouvé le nain.
-Le nain ?
-Oui, le nain, celui qu’on cherche depuis quelque jours ! La mémoire vous fait défaut capitaine ? Je voulais vous demander si je m’en occupais moi-même ou si vous préfériez lui réserver un sort plus à votre sauce…
-Monsieur Bottom, intervint Griboche, j’ose espérer que nous aurons le plaisir de nous entretenir prochainement avec ce nain. Et il serait préférable pour vous que celui-ci ait la tête bien fixée sur ses épaules à ce moment-là.
-Mais bien sûr. Le nain en question est un ami farceur à nous que…
-Je vous ai déjà dit que ce n’était pas la peine d’être mielleux avec moi. »
Griboche et Roulin sortent. Aussi calmes qu’ils sont rentrés. Rooney en profite pour jeter un regard incendiaire à son second puis raccompagne les deux messieurs. Tant pis pour l’exécution immédiate du nabot. Il servira d’otage convaincant en cas d’arrivée perturbante du Marine qui leur collait aux basques. Et il pourrait très bien offrir en spectacle à ses hommes la mort du petit barbu dès qu’ils quitteraient les Pythons...
En parlant de nouveaux venus, un navire glisse sur les flots et s’approche peu à peu du débarcadère. À travers la longue vue de son observatoire, Joseph Roulin, natif de l’île et chargé de l’accueil des flux touristiques, guette ses occupants. C’est toujours ainsi qu’il procède ; une première approche de loin, à la lunette, afin de séparer le bon grain de l’ivraie. Le grossissement des lentilles lui permet de bien distinguer les énergumènes qui donnent les ordres et ceux qui les exécutent, ça permet d’avoir un coup d’avance en terme de diplomatie quand il faut procéder à l’accueil de cas un peu plus compliqués.
Il est très clair que ceux-ci ne sont pas tout roses. Il allait falloir les mater, très certainement. Parce qu’on ne plaisante pas avec les règles sur les Pythons Rocheux. Joseph a été éduqué à la dure et c’est durement qu’il accueille les malfrats. Ceux-ci ont intérêt à ne pas faire les malins. Il a déjà repéré trois personnes qui sortent du lot, en plus de celui qui tient la barre et opère quasiment seul tous les changements de voilures à l’aide d’un réseau de cordages plutôt sophistiqué. Il y a un chauve qui semble envoyer les ordres, mais qui vient également les prendre auprès d’un blond au cheveux en-dessous des épaules, qui – quand il ne semble pas donner de directives à voix basse – se dispute avec une jeune femme au sourire rieur. Ce sont eux qui dirigent, Joseph le sent, ils n’en foutent pas une.
Quittant un instant son outil d’observation, le trentenaire brun attrape ses propres lunettes de vue pour se les glisser sur le nez. Il se retourne vers Mathias, son collègue à la peau noire ébène, racle légèrement sa gorge pour lui signifier qu’il souhaite lui parler. Ce dernier, en train de retranscrire un registre à une table voisine se retourne, un air sérieux semble imprimé sur son visage.
« Le navire arrive, souffle Joseph d’une voix juste assez forte pour transmettre l’information.
-Prends de l’avance, je dois terminer d’annoter une page, je te rejoins tout de suite. »
Hochement de tête. Joseph agrippe son blouson accroché à une patère, l’enfile et ouvre la petite trappe située au centre de la salle. D’un mouvement fluide et mécanique, qui transpire l’habitude, il glisse le long de l’échelle, se tourne face au vide et sans attendre se jette en avant, agrippant au passage le bout de tyrolienne lui permettant de filer à vive allure en direction du bas.
***
En voyant arriver à sa rencontre les deux hommes, Rooney se demande ce qu’il a bien pu faire de mal. Kosma a-t-il réussi à prévenir aussi vite les autorités des lieux ? Se pourrait-il qu’on tente déjà de l’arrêter ? Impossible à savoir tout de suite. Mais cela dit, il en doutait. On lui aurait préparé un accueil plus fourni en soldats de la Marine. Le premier à arriver à sa hauteur semble assez sérieux, cheveux coupés courts, lunettes rectangulaires, sourcils froncés et sourire inexistant. Le second a une cinquantaine de mètres de retard. Au moindre problème, il pourrait certainement se débarrasser de l’un avant que l’autre puisse bouger le petite doigt.
« Bonjour, Joseph Roulin, relations avec l’extérieur.
-Edouard Bottom.
-Je sais qui vous êtes monsieur Bottom. Ce cher Gouvernement Mondial nous envoie tous ses avis de recherche et le votre est arrivé hier matin. Vos récentes exactions nous sont connues.
-Je vois, je ne savais même pas que ma tête était mise à prix, vous me l’apprenez.
-Mon collègue Mathias qui arrive et moi-même avons pour charge de vous exposer les lois qui régissent les Pythons Rocheux.
-Vous n’êtes pas dépendants des Marines ?
-Nous accueillons gracieusement trois divisions de la Marine sur l’île. Mais ceux-ci n’ont en aucun cas le droit d’intervenir sans notre accord. Ils ne font que surveiller les côtes et éviter les attaques éventuelles. Pour le reste, nous avons nos propres méthodes, et nos propres règles.
-Je sens que nous allons nous entendre monsieur Roulin. Ah, et voilà qu’arrive monsieur… Monsieur ?
-Griboche. Ne perdez pas de temps à tenter de jouer au mielleux avec moi. Je n’ai pas de temps à perdre. Joseph et moi, nous vous présentons les règles, et ensuite, soit vous décidez de rester et vous les respectez – sans quoi il vous en coûterait – soit vous partez.
-Pour les chargés de relations avec l’extérieur, vous usez bien rapidement de la menace.
-Je ne menace pas. Je préviens. »
Roulin et Griboche, les deux énergumènes intriguent fortement le capitaine pirate. Ils ne semblent pas purement hostile, le premier semble très procédurier, le second très à cheval sur le respect des lois. Autant se les mettre dans la poche, d’une manière comme d’une autre. Après un temps de latence, Rooney les enjoint à les suivre et les emmène dans sa cabine, cela semble le meilleur endroit pour une discussion qui pourrait prendre un peu de temps.
***
À encore quelques jours de navigation des Pythons Rocheux, en pleine mer, le voyage à bord du Moonstar est long. Klara, Kosma, Cannelle et Amelia sont toujours convalescents, mais leurs jours ne sont plus en danger. Olga et Sarah veillent à ce qu’ils reprennent des force progressivement. Elles ont aussi soigné Victor, le pirate, enfermé et solidement attaché dans l’une des geôles du navire. Le traitement concocté à l’aide des conseils du nain a été efficace. Le seul problème étant qu’elles n’avaient plus aucune nouvelle de lui depuis cet appel où il leur avait transmis ses résultats d’analyse.
Marie n’est pas facilement impressionnable, elle laisse assez difficilement transparaître ses émotions, mais il faut avouer que le petit pharmacien lui en avait bouché un coin. Dans un moment comme celui-là, réussir à trouver le courage de quitter sa petite cachette pour s’aventurer dans un endroit hostile et inconnu, pour mettre la main sur un poison et en concocter un antidote. C’est fort. Elle se demande comment il a fait.
Comme elle n’a pas grand-chose d’autre à faire, elle s’occupe en faisant des menus travaux sur la voilure du navire de Klara. Trop abîmé pour naviguer tout seul, celui-ci a été attaché au Moonstar qui le tracte tranquillement, au gré du vent. Marie se demande un peu comment va s’opérer la suite de cette traque. Elle n’a qu’une envie, planter son couteau dans la gorge de ce malade qui a foutu le feu à la forêt.
En contrebas de sa position, sur le pont du navire principal de leur petite procession, elle voit le groupe des chasseuses Sailor s’activer toujours autant pour maintenir une bonne allure. Il faut avouer que Marie les avait mal jugées. Au premier coup d’œil, elle les avait trouvées superficielles et idiotes, mais elle voit bien qu’il n’en est rien. Elles se démènent depuis le début pour leurs convictions, sont fortes face aux différents événements qui leur arrivent, et malgré tout ça elles parviennent toujours à afficher une bonne humeur quasi constante. Quelque-part, elle aimerait leur ressembler.
D’un bond, elle descend de son perchoir et se réceptionne en souplesse sur le pont du navire. Elle a bientôt fini son patchwork sur la voilure, elle pourra aller dire à Klara très prochainement que son navire est en état de naviguer seul. Elle espère toutefois que la chasseuse de prime n’en profitera pas pour leur fausser compagnie directement. Elle avait déjà sauvé la vie de Sarah et d’Amelia, tout en risquant très largement sa peau. Marie craint juste que ressorte son tempérament de louve solitaire.
***
« Bon, eh bien, messieurs, si vous n’avez plus rien à m’apprendre, je crois que je vais m’entretenir avec mon équipage pour savoir si nous restons ou pas. Mais les termes du contrat me semble plutôt clairs. Tant que la Marine ne viendra pas nous chercher querelle, nous respecterons consciencieusement les lois.
-Capitaine, fit Tofu en faisant irruption dans la cabine. On a retrouvé le nain.
-Le nain ?
-Oui, le nain, celui qu’on cherche depuis quelque jours ! La mémoire vous fait défaut capitaine ? Je voulais vous demander si je m’en occupais moi-même ou si vous préfériez lui réserver un sort plus à votre sauce…
-Monsieur Bottom, intervint Griboche, j’ose espérer que nous aurons le plaisir de nous entretenir prochainement avec ce nain. Et il serait préférable pour vous que celui-ci ait la tête bien fixée sur ses épaules à ce moment-là.
-Mais bien sûr. Le nain en question est un ami farceur à nous que…
-Je vous ai déjà dit que ce n’était pas la peine d’être mielleux avec moi. »
Griboche et Roulin sortent. Aussi calmes qu’ils sont rentrés. Rooney en profite pour jeter un regard incendiaire à son second puis raccompagne les deux messieurs. Tant pis pour l’exécution immédiate du nabot. Il servira d’otage convaincant en cas d’arrivée perturbante du Marine qui leur collait aux basques. Et il pourrait très bien offrir en spectacle à ses hommes la mort du petit barbu dès qu’ils quitteraient les Pythons...