Après avoir quitté Fang, Tozan avait comme premier objectif de rejoindre la mer, peut-être des pêcheurs navigueraient non loin de la côte et lui permettraient de quitter cette île sauvage, ou du moins il trouverait peut-être un moyen de découvrir d’autres terres. Il ne tourna pas la tête derrière lui lorsqu’il descendit de la montagne, il était en phase avec sa décision et désormais la vie l’accueillait à bras ouvert, ou plutôt la forêt dense qui s’étalait devant lui jusqu’à la mer. Deux jours suffisaient pour regagner la côte, il lui était nécessaire de trouver un abri pour la nuit et une ration de nourriture pour récupérer de sa journée de marche. Le soleil commença à diffuser de moins en moins d’énergie, ce qui assombrit doucement le ciel. Avant qu’il n’y ait plus de lumière, il décida comme à son habitude de trouver un nid de fourmis rouges, ces petites bestioles établissaient souvent leur habitat au pieds d’arbres fruitiers, elles raffolaient du goût sucré de ces fruits, elles n’étaient pas les seules.
Le jeune chasseur s’exécuta et se mit à chercher un cerisier avant la nuit, il le trouva plutôt aisément et commença à repérer si des fourmis étaient présentes, en plein dans le mille, ces fourmis étaient presque une espèce invasive dans cette forêt. La fourmilière débordait d’imposantes fourmis rouges, il raffolait de ces petites bêtes, en les croquant vivante et en prenant soin de détacher leur tête risquant de le mordre, ces fourmis étaient un met délicieux de par leur goût acidulé, se rapprochant de celui d’un agrume. Il ramassa un bon paquet de fourmis en prenant soin de bien les emballer dans une grande feuille, ainsi que quelques cerises, il grimpa au chêne juste à côté du cerisier pour éviter les fourmis et s’attacha sur une grosse branche pour ne pas risquer de tomber dans son sommeil, car c’est ici qu’il passerait la nuit. De sa branche il avait une vue magnifique sur la canopée, la vue et le fait de dormir dans un arbre lui rappela de magnifiques souvenirs lors de sa première chasse au renne en autonomie il y a quelques années de cela. Après son repas sucré, les bruits de la forêt le bercèrent, ainsi que la brise provenant de la mer sur son visage, puis plus rien.
- « ♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫ »
Des sifflements mélodieux d'origine humaine le réveillèrent de son sommeil, le soleil était déjà levé depuis surement quelques heures, il reconnut le sifflement d’une fille car il se souvenait du son que faisait sa petite sœur quand elle sifflait dans les couloirs de leur ancienne maison. Cela ressemblait plutôt à celui d’une femme, les aboiements d’un chien la suivaient à la trace. Ils arrivèrent au pieds du cerisier, le grimpeur d’arbre descendit de quelques branches pour observer la fille, il n’en avait pas vu depuis que sa mère l’avait abandonné ici…
Le chien releva soudain la tête tout en reniflant, il croisa le regard de l’homme dans l’arbre et aboya très fort pour lui faire peur, l’animal se positionna juste sous sa position :
- « WOUAF WOUAF WOUAF !! »
Tozan, repéré, sauta de l’arbre et atterrit juste à côté du chien, il posa instantanément sa seule main sur la tête de l’animal et il se perdit aux chatouilles et caresses de l’étranger.
La fille qui avait vu toute la scène se figea de peur, elle poussa un cri lorsque le chien s’écroula par terre de chatouilles, son interprétation de la scène était fausse. Tozan releva la tête pour observer la personne, c’était en fait une femme d’une quarantaine d’année, de petite taille et habillée de vêtements abîmés et sales. Elle paraissait inoffensive, cependant elle ne fuyait pas, à la place elle sortit un couteau et l’empoigna des deux mains en direction du chasseur :
- « Qui êtes-vous ? Vous m’avez suivi jusqu’ici ? »
Il leva alors les bras au ciel pour montrer que ce n’est pas son ennemi.
- « Lâchez votre arme tout de suite où je vous poignarde ! »
Dix mètres les séparaient, elle n’avait aucune chance de l’atteindre avec son couteau, le chien se releva et rejoignit sa maîtresse. Tozan lui répondit doucement :
- « Je ne peux pas jeter mon arme, elle fait partie de moi mais voilà ce que je peux faire.
Il planta alors sa lame dans la terre et laissa son autre main au ciel, espérant que ça calmerait la femme.
- « Je promets que je ne vous veux aucun mal, regardez par vous-même votre chien semblait même m’apprécier…
- Comment je pourrais en être sûr ?
- Faites-moi confiance, je dormais seulement dans cet arbre lorsque vous m’avez réveillé.
- Comment ça dormir dans cet arbre ?
- Je vis sur cette île depuis près de quatre ans, j’ai pris pour habitude de dormir n’importe où. »
La femme avait encore peur mais son visage semblait moins crispé, cela montrait que les premières paroles de Tozan avaient été entendu.
- « De toutes manières, je suis faible, je ne pourrai rien faire contre vous avec mon couteau, même si je fuis vous me rattraperez surement. »
Il déterra alors son bras du sol, se mis debout et avança à petit pas vers la femme, il tendit son unique main et dit :
- « Je m’appelle Tozan, et je ne vous veux aucun mal.
- Maria » répondit timidement la bonne femme. Il lui sourit en entendant sa réponse et décrocha une caresse au chien qui se tenait maintenant à sa jambe.
- « Je m’excuse je t’ai pris pour une de ces enflures du village, tu es jeune pour vivre tout seul dans la forêt. »
- Je ne suis pas seul depuis très longtemps, il y a un village sur cette île ?
- Oui, enfin il n’est pas très grand il n’y a qu’un millier d’habitants environ.
- Il est loin ton village ?
- À peine deux heures de marche mais je te déconseille d’y trainer…
- Pourquoi donc ?
- Arrête de poser des questions tu devrais plutôt rester dans la forêt.
- Mais je souhaite quitter cette île, peut-être que quelqu’un dans ce village me le permettra !
Désintéressée, elle lui fit volte-face et continua son chemin vers le prochain arbre fruitier, le chien la suivi, le jeune homme se rendait compte qu’il avait été peut-être trop insistant alors qu’il l’avait rudement effrayé. Il marcha à son niveau et lui expliqua :
- « Je suis navré de t’avoir fait peur, tu as l’air d’être à la recherche de nourriture et ton chien n’est pas bien gros, je vais t’aider pour me faire pardonner. »
Elle le regarda d’un air curieux, elle n’arrivait pas à le cerner, lui savait qu’elle n’arriverait pas à lui faire confiance facilement, elle lui hocha la tête en signe d’acceptation de sa demande, elle le dévisagea une dernière fois de la tête aux pieds et lui lança :
- « Par contre si tu veux vraiment m’aider vas te passer un coup d’eau sur le corps dans le ruisseau là-bas parce que je ne pourrais pas supporter ton odeur toute la journée !
- Ahah d’accord attend moi près du cerisier alors. »
Elle l’écouta et s’assit dos au cerisier toujours avec le canidé dans ses pattes, elle recommença à siffloter tandis que Tozan se dirigeait vers le cours d’eau non loin de là. Maria avait les traits du visage fins, quelque peu ridés par l’âge et le soleil, sa peau montrait qu’elle n’avait pas joui d’un mode de vie aisée mais toutefois une certaine beauté émanait de sa personne, ses longs cheveux blonds et ses yeux clairs comme l’eau y étaient pour quelque chose. Ses mains étaient abîmées par les travaux quotidiens, Toto ne connaissait rien encore de sa vie mais il eut tout de même une bonne impression, c’était peut-être dû au fait qu'elle était la deuxième personne qu’il rencontrait en quatre années.
Il arriva au ruisseau, le son de la musique sifflée par Maria s’estompa et laissa place à l’écoulement de l’eau contre la roche. Le jeune chasseur enleva le grand tissu qui lui servait d’habit et entra dans l’eau froide du cours d’eau. Le chien l’avait suivi et sauta dans l’eau à son tour, s’agitant comme s’il voulait jouer dans ce terrain de jeu aquatique. Quelques minutes passèrent ainsi, ils sortirent de l’eau pour regagner la maîtresse du chien.
Arrivé à son niveau la bête lui lécha la joue car elle s’était assoupie au pied du cerisier, elle ouvrit un œil et sursauta de peur quand elle vit Tozan se dresser devant ses yeux. Son visage s’apaisa très vite et elle lui dit :
- « Bon au moins je suis à peu près sûr que tu ne me veux pas de mal, en plus Bernie a l’air de t’apprécier et il se trompe rarement sur les intentions des gens.
- Mercie Bernie » dit-il tout en donnant des caresses au chien.
Bernie était un très grand chien qui avait tout du gros nounours, il donnait l’air d’être bien équilibré, puissant, souple, et aux membres vigoureux. Son physique était encore plus accentué par une splendide robe tricolore qui ne pouvait qu'attirer l'attention, d’un noir soutenu avec des marques feu et des marques blanches réparties symétriquement. Il était magnifique et laissait paraître être très amical et protecteur. Sa maîtresse reprit :
- « Vu que tu m’as proposé ton aide et que tu ne m’as pas l’air mauvais, je veux bien que tu m’accompagnes au village ce soir mais je te garantis que tu vas regretter d’avoir mis les pieds là-bas.
Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas rencontré de gens tu sais, je suis prêt à courir le risque ! » s’exclama-t ’il.
- Très bien… »
Ils commencèrent alors à marcher vers d’autres arbres fruitiers, continuant leur récolte, Tozan lui proposa ensuite d’aller récupérer les possibles animaux qui s’étaient pris dans ses pièges à collet qu’il avait installé soigneusement la veille. Ils arrivèrent sur place, la branche qui supportait son premier piège s’était cassée, l’animal piégé a été le plus malin et avait cassé les fondations du système. Mais le deuxième piège disposé avait fonctionné, un beau lièvre s’était fait étrangler par le nœud coulant, dans l’impossibilité de s’en défaire le rongeur était épuisé, le braconnier l’assomma d’un coup sec contre le sol et l’accrocha à sa taille. Il décida alors de remonter les deux pièges à collet et d’en fabriquer quelques autres plus gros dans l’espoir d’attraper un gibier plus important.
Pendant ce temps, Maria recherchait toujours des fruits, des baies ou des plantes aromatiques au sol, elle souriait déjà de ne pas revenir qu’avec de la nourriture de type végétale cette fois-ci.
Le jeune Tozan commença à se poser des questions sur la provenance de Maria, elle paraissait fatiguée et affamée alors que cette île regorgeait de ressource, en plus du fait qu’elle le mettait en garde de l'arrivée au village. Il devait savoir la vérité.
- « Pourquoi ne me décris-tu pas ton village ?
- Parce que ce n’est pas vraiment mon village et que je ne souhaite à personne d’y vivre.
- Pourquoi y habites-tu alors ?
- Parce que je ne survivrais pas dans cette forêt et de toutes façons… » Elle arrêta net sa phrase et pris un visage craintif.
- « Pourquoi ne me dis-tu pas la vérité ?
- Je te connais à peine, je ne connais pas tes intentions, mais soit cela ne fera aucune différence… » Elle poussa un soupir, repris une grande inspiration et commença son récit :
- « Cela remonte à plus de deux années, je ne connaissais même pas l’existence de cette île sauvage et dépourvue de tout signe de vie. À la base je ne suis qu’une esclave, je ne possède même pas de nom de famille, je n’ai pas de famille d’ailleurs. Les champs de l’île aux esclaves étaient la seule chose qu’il m’ait été donné de connaître, les contremaîtres nous faisaient tous travailler dans les champs, les rêves de liberté se bousculaient dans nos esprits mais ils n’allaient pas au-delà. As-tu déjà entendu parler de révolutionnaires ?
- Ces soldats qui complotent contre le Gouvernement Mondial ?
- Exactement oui, ces soldats comme tu dis ont réussi à pénétrer les défenses de l’île aux esclaves et à libérer plus d’un millier d’entre nous, je faisais partie de ce raid, ce ne fût pas sans épreuves mais nous avons réussi à quitter notre vie d’esclavagisme pour de bon. Je m’en souviendrais toute ma vie, ce sentiment de liberté, l’espoir avait accroché un sourire aux visages de tous mes camarades ! Ils nous ramenèrent dans plusieurs de leurs immenses navires sur cette île, ils s’étaient déjà construit une sorte de petit village prêt à accueillir tous les rescapés, c’était déjà mieux que la vie d’esclaves. Ils restèrent au village juste le temps de se reposer et ils nous expliquèrent qu’ils étaient dans l’obligation de quitter l’île pour notre sécurité, deux représentants restèrent cependant pour organiser notre nouvelle vie...
- Ce sont des révolutionnaires qui dirigent ton village ?
- Hélas non ce n’est plus le cas… » dit-elle sur un ton beaucoup plus triste
Alors que leur discussion se poursuivait, Maria donnait de plus en plus de détails au fur et à mesure qu’ils se déplaçaient dans la forêt. Le soleil était haut dans le ciel, mais pour la suite de son histoire elle due s’arrêter de marcher, elle marqua une courte pause tandis que Tozan ne la pressait pas de continuer son histoire.
- « As-tu déjà entendu parler du Sous-Sol ?
- Le sous-sol ? Non rien ne me vient à l’esprit.
- Le Sous-Sol du QG de la marine de West Blue… » Il l’interrompu d’un sursaut de frayeur quand il entendit parler du lieu qui abritait sa famille et en particulier son père.
- « Qu’est-ce qu’il ne va pas ? » Demanda l’ex-esclave en ayant vu la réaction de Tozan.
- « Non ce n’est rien désolé continu. » Il reprit ses esprits.
- « Le Sous-Sol est la prison de West Blue, la plupart des prisonniers provenant de cet endroit ont été torturé par les marines, quelques grosses têtes y sont emprisonnées, mais les moins dangereux ont été vendu comme esclave pour renflouer les caisses du QG. Tu me vois venir, ces anciens taulards se sont retrouvés sur l’île aux esclaves et une bonne partie ont profité du raid des révolutionnaires pour s’enfuir avec eux. Lorsque ces derniers nous laissèrent au village, ces ex-prisonniers en ont tout de suite pris le contrôle en assassinant les deux révolutionnaires restants. Nous voilà donc au point de départ, telle est la situation de ma vie, l’espoir fût de courte durée, et maintenant c’est pire qu’avant… Enfin bref, toujours partant pour m’y accompagner ?
Il marqua un temps de pause et réfléchis un moment à la situation que lui venait de décrire la pauvre esclave, avant de répondre :
- « Vous n’avez jamais pensé à vous enfuir ?
- Si certains ont essayé mais la plupart sont morts car ces enfoirés sont vraiment sans pitié et tuent tous ceux qui ne respectent pas leurs ordres, et puis à part toi personne ne survivrait sur cette île sauvage.
- Je vois, c’est pourquoi tu vas chercher autant de nourriture dans la forêt, j’imagine qu’ils t’en prennent la plupart quand tu rentres au village ?
- C’est ça… Mais vu que tu n’es pas un esclave et que tu te comportes comme un chasseur peut-être que cette fois-ci ça changera la donne !
- Je vois que tu continues à garder espoir ça me plait ! Je vais te suivre au village alors mais je vais devoir prendre quelques précautions avant, je vous rejoindrai toi et Bernie au cerisier plus tard dans la journée.
- C’est une excuse pour nous abandonner à notre sort ?
- Je te fais la promesse que je reviendrai ! » annonça-t-il en souriant.
Sur ces paroles, Tozan s’enfonça dans la forêt avec une idée bien définie. Il se posait des questions sur le destin, comment une journée à peine à passer seul dans la forêt pouvait d’ores et déjà le confronter à une telle situation. En faisant le bilan de son existence, il se rendit compte que c’était surement ce genre de rencontre aléatoire qui ferait de lui un être à part entière, peut-être même était-il voué à réaliser de grande chose. La réalité des choses lui revint très vite à l’esprit, il allait surement devoir se confronter à des criminels, il devait se permettre une issue de secours en cas de grand danger, il fît alors le choix de son terrain de fuite. Sur cet espace il allait pouvoir semer les criminels s’ils étaient amenés à le courser dans la forêt.
Non loin de la position du village que lui avait indiqué Maria, il trouva le lieu parfait pour sa possible fuite, une allée se traçait dans la forêt épaisse entre quelques rochers de tailles différentes, la topologie était parfaite pour l’idée de ce qu’il voulait en faire. Il commença à construire différents pièges tels que ses fameux pièges à collets, ou encore des pièges à pointes qui permettrait de ralentir la progression de ses malfaiteurs ou encore de les tuer si besoin. L’endroit était humide et ne laissait pas passer beaucoup de lumière, c’était parfait pour le camouflage de ses différents dispositifs de chasse.
Quelques heures suffirent à l’habitué de la chasse pour user de son art, il entreprit le retour vers Maria. Lorsqu’il arriva au cerisier il retrouva Maria et son chien, elle était une nouvelle fois assoupie. Tozan siffla alors un air pour la réveiller sans lui faire peur :
- « ♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫ »
Elle commença à se réveiller sereinement, Bernie lui lécha la main, elle ouvrit les yeux et cette fois-ci ne sursauta pas. Tozan était dressé devant elle, un léger sourire se dessinait sur le visage du jeune homme du simple fait de voir une femme apaisée qui attendait son retour comme si elle avait besoin de lui. Maria se leva, cela ne suffisait pas pour être à sa taille, elle lui lâcha un rictus pour exprimer sa joie qu’il ait tenu sa promesse de revenir, elle était sans doute un peu amusée qu’il l’ait réveillé en sifflotant le même air qu’elle avait l’habitude de faire, la même mélodie que lorsqu’ils se rencontrèrent. Le chien rompu le silence :
- « WOUAF WOUAF !
- Oui Bernie on va rentrer il est déjà tard, regarde Tozan je suis allé relever tes pièges, c’est dingue le talent que tu as ils ont tous presque fonctionner ! Trois lapins, et en plus deux renards se sont fait prendre par les pièges que tu avais laissé devant leur terrier ! Bernie a attrapé un écureuil aussi ahah ! On a trouvé pas mal de fruits et de plantes aussi.
- Et bien quelle récolte, voilà qui devrait adoucir le caractère des dirigeants de ton village.
- Je l’espère, rentrons ! »
La lumière du jour commençait à disparaître, le trio descendait la pente douce du terrain pour se diriger vers le village qui était proche de la côte. Le butin de la journée était lourd dans leur bras, à peine deux heures suffirent à entendre les premiers sons provenant du village, il faisait presque nuit quand ils arrivèrent aux abords de l’entrée, des lumières commençaient à se distinguer à travers la forêt. Les légers remparts en bois pouvaient maintenant être aperçu, cela faisait fort longtemps que Tozan n’avait pas vu autant de gens, ils appréhendaient tous deux leur arrivée.
Quelques mètres les séparaient maintenant de l’entrée de la petite forteresse de bois, l’entrée était grande ouverte, les premiers pas dans le village se firent sous les yeux de quelques âmes perdues dans les chemins de terre, toutes les habitations se ressemblaient et étaient faite de bois avec des fondations faite en argile pour éviter l’humidité de la forêt de s’installer à l’intérieur des cabanes. Ils suivirent l’allée centrale, Maria trouvait plus prudent d’aller directement apporter la part de nourriture qu’exigeraient les faux dirigeants. Soudain une voix s’éleva sur leur droite :
- « Hoy vous deux attendez là ! »
Ils s’arrêtèrent sur place, quelques secondes suffirent à tous les autres tyrans d’encercler le petit groupe qui portait une grosse quantité de provisions. Surement une vingtaine d’entre eux leur faisaient face, leurs regards laissaient bien transparaître la cruauté, Tozan reconnut instantanément les intentions de ces hommes, cela lui rappelait le regard de son père, et ça correspondait très bien avec la description que Maria lui avait donné d’eux. Il resta sur ses gardes et ne prononça pas un mot.
- « Qu’est-ce que tu nous as ramené là ma chère Maria ? Tu t’es surpassée pour nous combler de nourriture ce soir ahah !
- C’est qui ton petit copain là ? Un peu jeune pour toi non ?
- HAHAHAHA !! »
Ils s’esclaffèrent tous aux blagues de mauvais goût des deux premiers interlocuteurs. Sales, voilà le mot qui les décrivait le mieux, ils semblaient seulement vouloir le gibier mort et faire régner un sentiment de supériorité à l’égard de Tozan. Tous avaient la main sur leur arme comme s’ils étaient prêt à tous lui sauter dessus au moindre geste. Le premier reprit :
- Bon t’es qui toi le nabot ?
- Un simple chasseur, je vis sur cette île.
- Ce n’est pas un esclave, regardez tout ce qu’il a accepté de vous ramener. » Tenta d’expliquer Maria.
- « Ça tombe bien on avait presque plus de réserves ! Aller on va vous débarrasser, donnez-nous la totalité de votre butin.
- Non vous n’avez pas le droit !
- Tais-toi sale… »
Tozan interrompu la gifle que voulait lui asséner le criminel pour corriger son insolence, en voyant cela tous se rapprochèrent du téméraire, le bout de leurs lames visant sa gorge. Il prit tout de même la parole :
- « Je ne fais pas partie de vos soumis, je suis un humble chasseur donc si vous tenez vraiment à me prendre mon butin ce ne sera pas gratuit.
- Pour qui tu te prends enfoiré ? Je vais t’arracher… » Une voie plus forte le coupa dans son élan.
- « STOP ! » Le reste du groupe se tut lorsque ce dernier intervint.
- « Tu as du cran petit ! Combien pour ta nourriture alors ?
- Ça vaut bien 100 000 Berrys en prenant compte votre insolence. » répondit Tozan sûr de lui.
- « Ne nous prend pas non plus pour des ânes, voilà tes 100 000 Berrys, seulement demain tu vas venir avec nous pour nous prouver tes talents d’HUMBLE CHASSEUR ! » Il lui lança la bourse au visage et la moquerie regagna les troupes. Le jeune chasseur ne pouvait qu’accepter et sentait déjà que cette invitation à la chasse était de mauvais augure.
- « Très bien, à demain alors. »
Ils laissèrent donc toutes les vivres par terre, il empoigna Maria et la traîna hors du cercle, il dû donner quelques légers coups d’épaules pour se dégager du cercle des anciens prisonniers, la femme l'emmena chez elle. Le visage apeuré, elle s’effondra de panique une fois arrivée dans sa cabane, elle tenta d’attraper son cœur pour le serrer tellement la peur l’avait submergé, les suffoquements ne s’apaisaient pas. Tozan, après avoir fermé la porte, s’accroupit devant la pauvre Maria, il posa sa seule main valide sur sa tête afin de remonter ses cheveux qui cachait son visage rongé par la peur, il leva son menton pour qu’elle le regarde et tout en lui souriant le chasseur sortit de sous son vêtement le premier lièvre chassé plus tôt dans la journée et une grande feuille qui emballait plusieurs de ces délicieuses cerises. Les larmes continuèrent à couler sur les joues de Maria mais cette fois-ci les suffoquements laissèrent place à quelques bouffées de rire coincées entre deux sanglots. Il laissa également dans son coin la moitié de la somme gagnée quelques minutes plus tôt. Ce devait d’ailleurs être l’argent pillé aux révolutionnaires.
Il apporta une cerise à sa bouche, le sucre du fruit fit disparaître totalement le sentiment de détresse de la femme. Puis, après avoir dépecé le lapin, il fit comme s’il était chez lui et prépara une gamelle dans laquelle il mit à bouillir de l’eau avec quelques cerises et des morceaux de la viande du rongeur. L’odeur du ragoût sucré se diffusait dans la petite pièce. La bonne femme avait réussi à faire de sa cabane un endroit assez cosy, le parterre en mousse était moelleux, un petit espace cuisine et une petite réserve d’eau construite à base de terre cuite faisait amplement l’affaire. C’était même royal pour le jeune braconnier qui sortait de quatre ans de cohabitation dans une grotte avec un ermite.
Le repas était servi, l’énergie libérée par le repas sucré et protéiné qu’ils venaient d’engloutir laissèrent aller leurs paroles :
- « Pourquoi tu fais tout ça pour moi ?
- À la base je faisais ça pour bouger de cette île mais bon je ne peux plus fermer les yeux maintenant, aucunes des organisations qui régissent ce monde ne sont vraiment bonne en fait.
- Comment ça ?
- Je m’étais déjà fait mon avis sur la marine et le gouvernement mondial du fait de mon passé mais aujourd’hui je suis également déçu par la révolution qui laisse les esclaves qu’ils libèrent se débrouiller sans eux, je pense même qu’ils auraient finit par vous retrouver pour recruter des soldats afin de servir leur cause… Regarde, même chez les esclaves il y a des personnes malintentionnées, je n’ose même pas parler des chasseurs de prime qui tuent juste pour l’argent. Il ne me reste plus qu’à me faire un avis sur les pirates.
- En attendant tu devrais plutôt penser à ta partie de chasse de demain avec tes nouveaux amis, ils préparent un mauvais coût c’est sûr, l’autre enflure ne t’aurait pas laissé lui parler sur ce ton sinon et surtout il ne t’aurait pas payé pour la nourriture il se serait contenter de te la prendre.
- Je sais bien je pense avoir compris leur manège, mais je connais cette forêt comme ma poche et comme je t’ai déjà dit j’ai assuré mes arrières.
- Tu es bien confiant pour ton âge… Si je pouvais t’aider je le ferais…
- Ne t’en fais pas tu as déjà assez souffert, repose-toi maintenant. »
Ils s’endormirent alors tout deux près des braises, sur le lit de mousse, le ventre plein, les émotions de la journée se transformèrent en rêves et transportèrent les deux êtres vers de nouvelles aventures.
La réalité frappa à la porte, une bonne douzaine de chasseurs du dimanche s’étaient réunis devant l’antre de Maria pour attendre l’invité surprise. Ils étaient bien décidés à ce qu’il les accompagne dans la forêt, peut-être que sur le temps d’une journée ils arriveraient à obtenir assez de nourriture pour ne pas avoir à sortir du village pendant quelques semaines ou même un mois et vivre sur le dos de leurs soumis. Cela se voyait qu’ils n’avaient franchement pas l’habitude de chasser, leur nombre devait beaucoup les aider mais le chasseur professionnel compris tout de suite leur niveau quand il remarqua qu’ils n’avaient que sabres et couteaux. Leurs intentions n’étaient sans doute pas celles qu’ils laissaient prétendre.
Entouré par les crapules, Tozan les suivait jusqu’à la sortie du village laissant derrière lui Maria. Finalement, cette affaire ne la concernait pas. La rosée n’avait encore disparue, l’humidité persistante et le contact avec la densité de la végétation les mouillèrent entièrement, plus ils avançaient plus la lassitude se faisait ressentir dans le groupe d’homme, ils ne trouvaient pas la moindre trace de gibier, Tozan patienta jusqu’à ce moment.
- « Hoy le chasseur viens là » dit l’homme qui était en tête de file.
C’était le même homme que celui qui prit la parole la veille pour l’inciter à cette partie de chasse, il donnait l’impression d’être le leader de ces anciens prisonniers, surement grâce à son physique beaucoup plus imposant que les autres rabougris, il les dépassait presque tous d’au moins une tête et son poids devait frôler le double de celui de Tozan.
- « Montre nous tes terrains de chasse maintenant ou c’est toi qu’on va bouffer ce soir ! »
Tozan changea de suite de regard et lança :
- « Qu’il en soit ainsi… »
Il s’élança en avant et commença à courir à travers la dense végétation, le groupe de brigands se mirent de suite à ses trousses pour enfin en finir avec ce petit insolent. Tozan avait prévu qu’il ne pourrait pas les perdre de vue mais au moins les distancer suffisamment pour avoir le temps de les amener sur son propre terrain de chasse. Il arriva au niveau du début de la zone, s’arrêta et se retourna.
Les bandits arrivèrent essoufflés par la course poursuite et avec leurs habits trempés qui augmentaient leurs poids. Le chef de la bande était en tête et se stoppa lui aussi quand il vit le sourire patient de Tozan, les suivants firent de même quand leur boss s’arrêta.
- « T’es coincé enfoiré ! »
Le chef furieux bondit pour tenter d’arrêter le jeune homme, mais soudain…
- « SHLAACK !! »
- « AAAAARH »
Le premier des pièges se déclencha sur le chef, cet acte ouvrit la chasse, le piège à pointe fût déclenché par l’action irréfléchie du boss, un morceau de bois moyen taillé en pointe transperça son tibia et son mollet ce qui l’obligea à pousser un cri ainsi qu’à poser un genou au sol. Le regard assassin de Tozan les narguait tous de par sa supériorité enfin révélée. Le chef ordonna alors à ses sbires de se lancer à sa poursuite et de lui ramener sa tête, le groupe se lança alors sans réfléchir aux trousses du piégeur, celui-ci avait donc réussi à affoler les animaux pour les engager sur la piste prédéfinie et les pousser dans ses pièges.
Tozan leur fit volte-face et couru jusqu’à la fin de la zone de chasse qui se situait quelques centaines de mètres plus haut, impossible de contourner ce terrain grâce à l’étonnante topographie du lieu, l’allée que formait la roche était le seul chemin accessible pour le rattraper.
Les pièges suivants se déclenchèrent à leur tour, un simple fil se tendu par l’activation du système d’un coup de pieds dans une branche reliée au fil, et fît tomber les deux premiers qui virent leurs courses ralenties et ce qui permis au chasseur de prendre un peu d’avance sur eux et d’attendre les survivants au bout de la zone. Un autre enjamba ceux tombés au sol, mais en relevant la tête il sentit quelque chose se serrer autour de sa gorge, c’était un piège à collet, le nœud se serra autour de sa gorge grâce à l’élan de sa course, sa respiration et l’afflux de son sang devenu de plus en plus difficile tant le nœud était résistant.
Les deux autres se relevèrent et tous continuèrent leur avancée en se disant qu’il suffisait d’être attentif pour éviter les pièges dissimulés posés par le chasseur confirmé, mais ce n’était pas le cas, leur précipitation eurent raison d’eux, impossible d’éviter tous ses pièges en courant après un prédateur. Tozan l’avait prévu, il suffisait de leur donner une raison d’être abandonné à la colère, ce qui obligerait leurs instincts à le poursuivre bêtement, un regard supérieur suffit à déclencher ces émotions chez ses agresseurs. Il se ruèrent tous au milieu des pièges.
Au fur et à mesure qu’ils avançaient, certains furent plantés sur plusieurs parties de leur corps par les pics aiguisés des pièges à pointes, d’autres suffoquaient sous la pression des pièges à collets qui étranglaient leurs gorges. La majeure partie des assaillants succombèrent à l’étouffement ou à la perte de sang, la végétation sinople qui revêtait le champ de bataille commençait à voir se former des tâches rouges, Tozan vit une étrange beauté dans ce mélange de couleurs froides et chaudes, cela représentait en couleur les émotions qui se mêlaient sans cesse dans son esprit.
Les survivants avancèrent toujours tant bien que mal vers le chasseur, celui-ci les surplombait et constatait que tous ses pièges avaient fonctionné et que les seuls brigands restants étaient fatigués et blessés de part et d’autre. Leur leader était resté en arrière, blessé à la jambe, en attendant que ses soldats ramènent le piégeur mort ou vif.
Le premier de la file des survivants aperçu Tozan perché sur son rocher quelques dizaines de mètres devant lui.
- « Ça y’ai-je t’ai rattrapé ! Viens te battre comme un homme maintenant !
- Si tu insistes… HUNT HIDE ! »
Un simple battement de cil de sa proie lui suffit à déclencher sa technique, la cible n’avait pas eu le temps de le voir sauter dans les branches des arbres qui le surplombaient, il le cherchait alors autour de lui. Mais le jeune chasseur était déjà au-dessus de lui, il déferla sur son adversaire à une vitesse incroyable et lorsqu’il l’atteint sa lame vint se loger dans sa nuque et le traversa jusqu’à son estomac. La vitesse de sa chute fût amortie par le corps du brigand, les jambes de celui-ci se brisèrent sous la pression mais c’était déjà trop tard, la majeure partie des organes vitaux avaient été transpercé.
Tozan se releva, puis il se mit à courir en direction des autres survivants qui avec stupeur n’avaient même pas imaginé une seule seconde que celui-ci puisse être monstrueusement fort, ils pensaient que c’était un lâche qui ne pouvait se battre qu’avec ses méthodes de chasse, mais en fait c’était un véritable guerrier. Ils se retournèrent alors pour le fuir en voyant qu’ils n’avaient aucunes chances face à ce sauvage, mais leur prédateur les rattrapa vite, il n’était pas question de les laisser s’échapper pour qu’ils avertissent leurs congénères au village. Arrivé à leur niveau il leur sauta dessus, il en transperça un avec sa lame, il en étrangla un autre avec la boucle d’un piège à collet qu’il avait gardé pour l’occasion, il rattrapa le dernier avant d’agripper sa tête avec sa seule main valide et de toutes ses forces il l’écrasa contre un rocher.
Mais cette fois Tozan n’eut pas le temps de se redresser qu’une pierre lancée atterrit dans son dos, ce qui lui coupa le souffle et l’envoya à terre. Il entendit le chef blessé se ruer de toutes ses forces vers lui, malgré la douleur de sa blessure à la jambe. Tozan se retourna sur lui-même, le chef sauta sur lui mais le chasseur eu le temps de réagir en l’attrapant par les épaules et en plaçant un pied sur son ventre et il utilisa la vitesse de son adversaire pour le faire valser en arrière, il se retrouva ainsi lui aussi au sol. Les deux se relevèrent.
- « Mais qui es-tu ? Tu cachais bien ton jeu sale enflure ! »
- « Le fait que tu sois le diable ne fais pas de moi un saint… »
Le chasseur pris alors la pierre qui avait atterrit dans son dos et le lui lança à son tour avec plus de force, celle-ci se logea directement dans la face de l’homme, ce qui lui cassa plusieurs os du visage et quelques dents. Tozan profita de sa douleur pour le frapper de toutes ses forces, ses coups de poings lui cassaient les os tandis que sa lame transperçait ses points vitaux, après une multitude de coups il ne se rendit même pas compte que le chef était déjà mort… La chasse était terminée.
Le jeune chasseur s’exécuta et se mit à chercher un cerisier avant la nuit, il le trouva plutôt aisément et commença à repérer si des fourmis étaient présentes, en plein dans le mille, ces fourmis étaient presque une espèce invasive dans cette forêt. La fourmilière débordait d’imposantes fourmis rouges, il raffolait de ces petites bêtes, en les croquant vivante et en prenant soin de détacher leur tête risquant de le mordre, ces fourmis étaient un met délicieux de par leur goût acidulé, se rapprochant de celui d’un agrume. Il ramassa un bon paquet de fourmis en prenant soin de bien les emballer dans une grande feuille, ainsi que quelques cerises, il grimpa au chêne juste à côté du cerisier pour éviter les fourmis et s’attacha sur une grosse branche pour ne pas risquer de tomber dans son sommeil, car c’est ici qu’il passerait la nuit. De sa branche il avait une vue magnifique sur la canopée, la vue et le fait de dormir dans un arbre lui rappela de magnifiques souvenirs lors de sa première chasse au renne en autonomie il y a quelques années de cela. Après son repas sucré, les bruits de la forêt le bercèrent, ainsi que la brise provenant de la mer sur son visage, puis plus rien.
- « ♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫ »
Des sifflements mélodieux d'origine humaine le réveillèrent de son sommeil, le soleil était déjà levé depuis surement quelques heures, il reconnut le sifflement d’une fille car il se souvenait du son que faisait sa petite sœur quand elle sifflait dans les couloirs de leur ancienne maison. Cela ressemblait plutôt à celui d’une femme, les aboiements d’un chien la suivaient à la trace. Ils arrivèrent au pieds du cerisier, le grimpeur d’arbre descendit de quelques branches pour observer la fille, il n’en avait pas vu depuis que sa mère l’avait abandonné ici…
Le chien releva soudain la tête tout en reniflant, il croisa le regard de l’homme dans l’arbre et aboya très fort pour lui faire peur, l’animal se positionna juste sous sa position :
- « WOUAF WOUAF WOUAF !! »
Tozan, repéré, sauta de l’arbre et atterrit juste à côté du chien, il posa instantanément sa seule main sur la tête de l’animal et il se perdit aux chatouilles et caresses de l’étranger.
La fille qui avait vu toute la scène se figea de peur, elle poussa un cri lorsque le chien s’écroula par terre de chatouilles, son interprétation de la scène était fausse. Tozan releva la tête pour observer la personne, c’était en fait une femme d’une quarantaine d’année, de petite taille et habillée de vêtements abîmés et sales. Elle paraissait inoffensive, cependant elle ne fuyait pas, à la place elle sortit un couteau et l’empoigna des deux mains en direction du chasseur :
- « Qui êtes-vous ? Vous m’avez suivi jusqu’ici ? »
Il leva alors les bras au ciel pour montrer que ce n’est pas son ennemi.
- « Lâchez votre arme tout de suite où je vous poignarde ! »
Dix mètres les séparaient, elle n’avait aucune chance de l’atteindre avec son couteau, le chien se releva et rejoignit sa maîtresse. Tozan lui répondit doucement :
- « Je ne peux pas jeter mon arme, elle fait partie de moi mais voilà ce que je peux faire.
Il planta alors sa lame dans la terre et laissa son autre main au ciel, espérant que ça calmerait la femme.
- « Je promets que je ne vous veux aucun mal, regardez par vous-même votre chien semblait même m’apprécier…
- Comment je pourrais en être sûr ?
- Faites-moi confiance, je dormais seulement dans cet arbre lorsque vous m’avez réveillé.
- Comment ça dormir dans cet arbre ?
- Je vis sur cette île depuis près de quatre ans, j’ai pris pour habitude de dormir n’importe où. »
La femme avait encore peur mais son visage semblait moins crispé, cela montrait que les premières paroles de Tozan avaient été entendu.
- « De toutes manières, je suis faible, je ne pourrai rien faire contre vous avec mon couteau, même si je fuis vous me rattraperez surement. »
Il déterra alors son bras du sol, se mis debout et avança à petit pas vers la femme, il tendit son unique main et dit :
- « Je m’appelle Tozan, et je ne vous veux aucun mal.
- Maria » répondit timidement la bonne femme. Il lui sourit en entendant sa réponse et décrocha une caresse au chien qui se tenait maintenant à sa jambe.
- « Je m’excuse je t’ai pris pour une de ces enflures du village, tu es jeune pour vivre tout seul dans la forêt. »
- Je ne suis pas seul depuis très longtemps, il y a un village sur cette île ?
- Oui, enfin il n’est pas très grand il n’y a qu’un millier d’habitants environ.
- Il est loin ton village ?
- À peine deux heures de marche mais je te déconseille d’y trainer…
- Pourquoi donc ?
- Arrête de poser des questions tu devrais plutôt rester dans la forêt.
- Mais je souhaite quitter cette île, peut-être que quelqu’un dans ce village me le permettra !
Désintéressée, elle lui fit volte-face et continua son chemin vers le prochain arbre fruitier, le chien la suivi, le jeune homme se rendait compte qu’il avait été peut-être trop insistant alors qu’il l’avait rudement effrayé. Il marcha à son niveau et lui expliqua :
- « Je suis navré de t’avoir fait peur, tu as l’air d’être à la recherche de nourriture et ton chien n’est pas bien gros, je vais t’aider pour me faire pardonner. »
Elle le regarda d’un air curieux, elle n’arrivait pas à le cerner, lui savait qu’elle n’arriverait pas à lui faire confiance facilement, elle lui hocha la tête en signe d’acceptation de sa demande, elle le dévisagea une dernière fois de la tête aux pieds et lui lança :
- « Par contre si tu veux vraiment m’aider vas te passer un coup d’eau sur le corps dans le ruisseau là-bas parce que je ne pourrais pas supporter ton odeur toute la journée !
- Ahah d’accord attend moi près du cerisier alors. »
Elle l’écouta et s’assit dos au cerisier toujours avec le canidé dans ses pattes, elle recommença à siffloter tandis que Tozan se dirigeait vers le cours d’eau non loin de là. Maria avait les traits du visage fins, quelque peu ridés par l’âge et le soleil, sa peau montrait qu’elle n’avait pas joui d’un mode de vie aisée mais toutefois une certaine beauté émanait de sa personne, ses longs cheveux blonds et ses yeux clairs comme l’eau y étaient pour quelque chose. Ses mains étaient abîmées par les travaux quotidiens, Toto ne connaissait rien encore de sa vie mais il eut tout de même une bonne impression, c’était peut-être dû au fait qu'elle était la deuxième personne qu’il rencontrait en quatre années.
Il arriva au ruisseau, le son de la musique sifflée par Maria s’estompa et laissa place à l’écoulement de l’eau contre la roche. Le jeune chasseur enleva le grand tissu qui lui servait d’habit et entra dans l’eau froide du cours d’eau. Le chien l’avait suivi et sauta dans l’eau à son tour, s’agitant comme s’il voulait jouer dans ce terrain de jeu aquatique. Quelques minutes passèrent ainsi, ils sortirent de l’eau pour regagner la maîtresse du chien.
Arrivé à son niveau la bête lui lécha la joue car elle s’était assoupie au pied du cerisier, elle ouvrit un œil et sursauta de peur quand elle vit Tozan se dresser devant ses yeux. Son visage s’apaisa très vite et elle lui dit :
- « Bon au moins je suis à peu près sûr que tu ne me veux pas de mal, en plus Bernie a l’air de t’apprécier et il se trompe rarement sur les intentions des gens.
- Mercie Bernie » dit-il tout en donnant des caresses au chien.
Bernie était un très grand chien qui avait tout du gros nounours, il donnait l’air d’être bien équilibré, puissant, souple, et aux membres vigoureux. Son physique était encore plus accentué par une splendide robe tricolore qui ne pouvait qu'attirer l'attention, d’un noir soutenu avec des marques feu et des marques blanches réparties symétriquement. Il était magnifique et laissait paraître être très amical et protecteur. Sa maîtresse reprit :
- « Vu que tu m’as proposé ton aide et que tu ne m’as pas l’air mauvais, je veux bien que tu m’accompagnes au village ce soir mais je te garantis que tu vas regretter d’avoir mis les pieds là-bas.
Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas rencontré de gens tu sais, je suis prêt à courir le risque ! » s’exclama-t ’il.
- Très bien… »
Ils commencèrent alors à marcher vers d’autres arbres fruitiers, continuant leur récolte, Tozan lui proposa ensuite d’aller récupérer les possibles animaux qui s’étaient pris dans ses pièges à collet qu’il avait installé soigneusement la veille. Ils arrivèrent sur place, la branche qui supportait son premier piège s’était cassée, l’animal piégé a été le plus malin et avait cassé les fondations du système. Mais le deuxième piège disposé avait fonctionné, un beau lièvre s’était fait étrangler par le nœud coulant, dans l’impossibilité de s’en défaire le rongeur était épuisé, le braconnier l’assomma d’un coup sec contre le sol et l’accrocha à sa taille. Il décida alors de remonter les deux pièges à collet et d’en fabriquer quelques autres plus gros dans l’espoir d’attraper un gibier plus important.
Pendant ce temps, Maria recherchait toujours des fruits, des baies ou des plantes aromatiques au sol, elle souriait déjà de ne pas revenir qu’avec de la nourriture de type végétale cette fois-ci.
Le jeune Tozan commença à se poser des questions sur la provenance de Maria, elle paraissait fatiguée et affamée alors que cette île regorgeait de ressource, en plus du fait qu’elle le mettait en garde de l'arrivée au village. Il devait savoir la vérité.
- « Pourquoi ne me décris-tu pas ton village ?
- Parce que ce n’est pas vraiment mon village et que je ne souhaite à personne d’y vivre.
- Pourquoi y habites-tu alors ?
- Parce que je ne survivrais pas dans cette forêt et de toutes façons… » Elle arrêta net sa phrase et pris un visage craintif.
- « Pourquoi ne me dis-tu pas la vérité ?
- Je te connais à peine, je ne connais pas tes intentions, mais soit cela ne fera aucune différence… » Elle poussa un soupir, repris une grande inspiration et commença son récit :
- « Cela remonte à plus de deux années, je ne connaissais même pas l’existence de cette île sauvage et dépourvue de tout signe de vie. À la base je ne suis qu’une esclave, je ne possède même pas de nom de famille, je n’ai pas de famille d’ailleurs. Les champs de l’île aux esclaves étaient la seule chose qu’il m’ait été donné de connaître, les contremaîtres nous faisaient tous travailler dans les champs, les rêves de liberté se bousculaient dans nos esprits mais ils n’allaient pas au-delà. As-tu déjà entendu parler de révolutionnaires ?
- Ces soldats qui complotent contre le Gouvernement Mondial ?
- Exactement oui, ces soldats comme tu dis ont réussi à pénétrer les défenses de l’île aux esclaves et à libérer plus d’un millier d’entre nous, je faisais partie de ce raid, ce ne fût pas sans épreuves mais nous avons réussi à quitter notre vie d’esclavagisme pour de bon. Je m’en souviendrais toute ma vie, ce sentiment de liberté, l’espoir avait accroché un sourire aux visages de tous mes camarades ! Ils nous ramenèrent dans plusieurs de leurs immenses navires sur cette île, ils s’étaient déjà construit une sorte de petit village prêt à accueillir tous les rescapés, c’était déjà mieux que la vie d’esclaves. Ils restèrent au village juste le temps de se reposer et ils nous expliquèrent qu’ils étaient dans l’obligation de quitter l’île pour notre sécurité, deux représentants restèrent cependant pour organiser notre nouvelle vie...
- Ce sont des révolutionnaires qui dirigent ton village ?
- Hélas non ce n’est plus le cas… » dit-elle sur un ton beaucoup plus triste
Alors que leur discussion se poursuivait, Maria donnait de plus en plus de détails au fur et à mesure qu’ils se déplaçaient dans la forêt. Le soleil était haut dans le ciel, mais pour la suite de son histoire elle due s’arrêter de marcher, elle marqua une courte pause tandis que Tozan ne la pressait pas de continuer son histoire.
- « As-tu déjà entendu parler du Sous-Sol ?
- Le sous-sol ? Non rien ne me vient à l’esprit.
- Le Sous-Sol du QG de la marine de West Blue… » Il l’interrompu d’un sursaut de frayeur quand il entendit parler du lieu qui abritait sa famille et en particulier son père.
- « Qu’est-ce qu’il ne va pas ? » Demanda l’ex-esclave en ayant vu la réaction de Tozan.
- « Non ce n’est rien désolé continu. » Il reprit ses esprits.
- « Le Sous-Sol est la prison de West Blue, la plupart des prisonniers provenant de cet endroit ont été torturé par les marines, quelques grosses têtes y sont emprisonnées, mais les moins dangereux ont été vendu comme esclave pour renflouer les caisses du QG. Tu me vois venir, ces anciens taulards se sont retrouvés sur l’île aux esclaves et une bonne partie ont profité du raid des révolutionnaires pour s’enfuir avec eux. Lorsque ces derniers nous laissèrent au village, ces ex-prisonniers en ont tout de suite pris le contrôle en assassinant les deux révolutionnaires restants. Nous voilà donc au point de départ, telle est la situation de ma vie, l’espoir fût de courte durée, et maintenant c’est pire qu’avant… Enfin bref, toujours partant pour m’y accompagner ?
Il marqua un temps de pause et réfléchis un moment à la situation que lui venait de décrire la pauvre esclave, avant de répondre :
- « Vous n’avez jamais pensé à vous enfuir ?
- Si certains ont essayé mais la plupart sont morts car ces enfoirés sont vraiment sans pitié et tuent tous ceux qui ne respectent pas leurs ordres, et puis à part toi personne ne survivrait sur cette île sauvage.
- Je vois, c’est pourquoi tu vas chercher autant de nourriture dans la forêt, j’imagine qu’ils t’en prennent la plupart quand tu rentres au village ?
- C’est ça… Mais vu que tu n’es pas un esclave et que tu te comportes comme un chasseur peut-être que cette fois-ci ça changera la donne !
- Je vois que tu continues à garder espoir ça me plait ! Je vais te suivre au village alors mais je vais devoir prendre quelques précautions avant, je vous rejoindrai toi et Bernie au cerisier plus tard dans la journée.
- C’est une excuse pour nous abandonner à notre sort ?
- Je te fais la promesse que je reviendrai ! » annonça-t-il en souriant.
Sur ces paroles, Tozan s’enfonça dans la forêt avec une idée bien définie. Il se posait des questions sur le destin, comment une journée à peine à passer seul dans la forêt pouvait d’ores et déjà le confronter à une telle situation. En faisant le bilan de son existence, il se rendit compte que c’était surement ce genre de rencontre aléatoire qui ferait de lui un être à part entière, peut-être même était-il voué à réaliser de grande chose. La réalité des choses lui revint très vite à l’esprit, il allait surement devoir se confronter à des criminels, il devait se permettre une issue de secours en cas de grand danger, il fît alors le choix de son terrain de fuite. Sur cet espace il allait pouvoir semer les criminels s’ils étaient amenés à le courser dans la forêt.
Non loin de la position du village que lui avait indiqué Maria, il trouva le lieu parfait pour sa possible fuite, une allée se traçait dans la forêt épaisse entre quelques rochers de tailles différentes, la topologie était parfaite pour l’idée de ce qu’il voulait en faire. Il commença à construire différents pièges tels que ses fameux pièges à collets, ou encore des pièges à pointes qui permettrait de ralentir la progression de ses malfaiteurs ou encore de les tuer si besoin. L’endroit était humide et ne laissait pas passer beaucoup de lumière, c’était parfait pour le camouflage de ses différents dispositifs de chasse.
Quelques heures suffirent à l’habitué de la chasse pour user de son art, il entreprit le retour vers Maria. Lorsqu’il arriva au cerisier il retrouva Maria et son chien, elle était une nouvelle fois assoupie. Tozan siffla alors un air pour la réveiller sans lui faire peur :
- « ♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫♪♫ »
Elle commença à se réveiller sereinement, Bernie lui lécha la main, elle ouvrit les yeux et cette fois-ci ne sursauta pas. Tozan était dressé devant elle, un léger sourire se dessinait sur le visage du jeune homme du simple fait de voir une femme apaisée qui attendait son retour comme si elle avait besoin de lui. Maria se leva, cela ne suffisait pas pour être à sa taille, elle lui lâcha un rictus pour exprimer sa joie qu’il ait tenu sa promesse de revenir, elle était sans doute un peu amusée qu’il l’ait réveillé en sifflotant le même air qu’elle avait l’habitude de faire, la même mélodie que lorsqu’ils se rencontrèrent. Le chien rompu le silence :
- « WOUAF WOUAF !
- Oui Bernie on va rentrer il est déjà tard, regarde Tozan je suis allé relever tes pièges, c’est dingue le talent que tu as ils ont tous presque fonctionner ! Trois lapins, et en plus deux renards se sont fait prendre par les pièges que tu avais laissé devant leur terrier ! Bernie a attrapé un écureuil aussi ahah ! On a trouvé pas mal de fruits et de plantes aussi.
- Et bien quelle récolte, voilà qui devrait adoucir le caractère des dirigeants de ton village.
- Je l’espère, rentrons ! »
La lumière du jour commençait à disparaître, le trio descendait la pente douce du terrain pour se diriger vers le village qui était proche de la côte. Le butin de la journée était lourd dans leur bras, à peine deux heures suffirent à entendre les premiers sons provenant du village, il faisait presque nuit quand ils arrivèrent aux abords de l’entrée, des lumières commençaient à se distinguer à travers la forêt. Les légers remparts en bois pouvaient maintenant être aperçu, cela faisait fort longtemps que Tozan n’avait pas vu autant de gens, ils appréhendaient tous deux leur arrivée.
Quelques mètres les séparaient maintenant de l’entrée de la petite forteresse de bois, l’entrée était grande ouverte, les premiers pas dans le village se firent sous les yeux de quelques âmes perdues dans les chemins de terre, toutes les habitations se ressemblaient et étaient faite de bois avec des fondations faite en argile pour éviter l’humidité de la forêt de s’installer à l’intérieur des cabanes. Ils suivirent l’allée centrale, Maria trouvait plus prudent d’aller directement apporter la part de nourriture qu’exigeraient les faux dirigeants. Soudain une voix s’éleva sur leur droite :
- « Hoy vous deux attendez là ! »
Ils s’arrêtèrent sur place, quelques secondes suffirent à tous les autres tyrans d’encercler le petit groupe qui portait une grosse quantité de provisions. Surement une vingtaine d’entre eux leur faisaient face, leurs regards laissaient bien transparaître la cruauté, Tozan reconnut instantanément les intentions de ces hommes, cela lui rappelait le regard de son père, et ça correspondait très bien avec la description que Maria lui avait donné d’eux. Il resta sur ses gardes et ne prononça pas un mot.
- « Qu’est-ce que tu nous as ramené là ma chère Maria ? Tu t’es surpassée pour nous combler de nourriture ce soir ahah !
- C’est qui ton petit copain là ? Un peu jeune pour toi non ?
- HAHAHAHA !! »
Ils s’esclaffèrent tous aux blagues de mauvais goût des deux premiers interlocuteurs. Sales, voilà le mot qui les décrivait le mieux, ils semblaient seulement vouloir le gibier mort et faire régner un sentiment de supériorité à l’égard de Tozan. Tous avaient la main sur leur arme comme s’ils étaient prêt à tous lui sauter dessus au moindre geste. Le premier reprit :
- Bon t’es qui toi le nabot ?
- Un simple chasseur, je vis sur cette île.
- Ce n’est pas un esclave, regardez tout ce qu’il a accepté de vous ramener. » Tenta d’expliquer Maria.
- « Ça tombe bien on avait presque plus de réserves ! Aller on va vous débarrasser, donnez-nous la totalité de votre butin.
- Non vous n’avez pas le droit !
- Tais-toi sale… »
Tozan interrompu la gifle que voulait lui asséner le criminel pour corriger son insolence, en voyant cela tous se rapprochèrent du téméraire, le bout de leurs lames visant sa gorge. Il prit tout de même la parole :
- « Je ne fais pas partie de vos soumis, je suis un humble chasseur donc si vous tenez vraiment à me prendre mon butin ce ne sera pas gratuit.
- Pour qui tu te prends enfoiré ? Je vais t’arracher… » Une voie plus forte le coupa dans son élan.
- « STOP ! » Le reste du groupe se tut lorsque ce dernier intervint.
- « Tu as du cran petit ! Combien pour ta nourriture alors ?
- Ça vaut bien 100 000 Berrys en prenant compte votre insolence. » répondit Tozan sûr de lui.
- « Ne nous prend pas non plus pour des ânes, voilà tes 100 000 Berrys, seulement demain tu vas venir avec nous pour nous prouver tes talents d’HUMBLE CHASSEUR ! » Il lui lança la bourse au visage et la moquerie regagna les troupes. Le jeune chasseur ne pouvait qu’accepter et sentait déjà que cette invitation à la chasse était de mauvais augure.
- « Très bien, à demain alors. »
Ils laissèrent donc toutes les vivres par terre, il empoigna Maria et la traîna hors du cercle, il dû donner quelques légers coups d’épaules pour se dégager du cercle des anciens prisonniers, la femme l'emmena chez elle. Le visage apeuré, elle s’effondra de panique une fois arrivée dans sa cabane, elle tenta d’attraper son cœur pour le serrer tellement la peur l’avait submergé, les suffoquements ne s’apaisaient pas. Tozan, après avoir fermé la porte, s’accroupit devant la pauvre Maria, il posa sa seule main valide sur sa tête afin de remonter ses cheveux qui cachait son visage rongé par la peur, il leva son menton pour qu’elle le regarde et tout en lui souriant le chasseur sortit de sous son vêtement le premier lièvre chassé plus tôt dans la journée et une grande feuille qui emballait plusieurs de ces délicieuses cerises. Les larmes continuèrent à couler sur les joues de Maria mais cette fois-ci les suffoquements laissèrent place à quelques bouffées de rire coincées entre deux sanglots. Il laissa également dans son coin la moitié de la somme gagnée quelques minutes plus tôt. Ce devait d’ailleurs être l’argent pillé aux révolutionnaires.
Il apporta une cerise à sa bouche, le sucre du fruit fit disparaître totalement le sentiment de détresse de la femme. Puis, après avoir dépecé le lapin, il fit comme s’il était chez lui et prépara une gamelle dans laquelle il mit à bouillir de l’eau avec quelques cerises et des morceaux de la viande du rongeur. L’odeur du ragoût sucré se diffusait dans la petite pièce. La bonne femme avait réussi à faire de sa cabane un endroit assez cosy, le parterre en mousse était moelleux, un petit espace cuisine et une petite réserve d’eau construite à base de terre cuite faisait amplement l’affaire. C’était même royal pour le jeune braconnier qui sortait de quatre ans de cohabitation dans une grotte avec un ermite.
Le repas était servi, l’énergie libérée par le repas sucré et protéiné qu’ils venaient d’engloutir laissèrent aller leurs paroles :
- « Pourquoi tu fais tout ça pour moi ?
- À la base je faisais ça pour bouger de cette île mais bon je ne peux plus fermer les yeux maintenant, aucunes des organisations qui régissent ce monde ne sont vraiment bonne en fait.
- Comment ça ?
- Je m’étais déjà fait mon avis sur la marine et le gouvernement mondial du fait de mon passé mais aujourd’hui je suis également déçu par la révolution qui laisse les esclaves qu’ils libèrent se débrouiller sans eux, je pense même qu’ils auraient finit par vous retrouver pour recruter des soldats afin de servir leur cause… Regarde, même chez les esclaves il y a des personnes malintentionnées, je n’ose même pas parler des chasseurs de prime qui tuent juste pour l’argent. Il ne me reste plus qu’à me faire un avis sur les pirates.
- En attendant tu devrais plutôt penser à ta partie de chasse de demain avec tes nouveaux amis, ils préparent un mauvais coût c’est sûr, l’autre enflure ne t’aurait pas laissé lui parler sur ce ton sinon et surtout il ne t’aurait pas payé pour la nourriture il se serait contenter de te la prendre.
- Je sais bien je pense avoir compris leur manège, mais je connais cette forêt comme ma poche et comme je t’ai déjà dit j’ai assuré mes arrières.
- Tu es bien confiant pour ton âge… Si je pouvais t’aider je le ferais…
- Ne t’en fais pas tu as déjà assez souffert, repose-toi maintenant. »
Ils s’endormirent alors tout deux près des braises, sur le lit de mousse, le ventre plein, les émotions de la journée se transformèrent en rêves et transportèrent les deux êtres vers de nouvelles aventures.
La réalité frappa à la porte, une bonne douzaine de chasseurs du dimanche s’étaient réunis devant l’antre de Maria pour attendre l’invité surprise. Ils étaient bien décidés à ce qu’il les accompagne dans la forêt, peut-être que sur le temps d’une journée ils arriveraient à obtenir assez de nourriture pour ne pas avoir à sortir du village pendant quelques semaines ou même un mois et vivre sur le dos de leurs soumis. Cela se voyait qu’ils n’avaient franchement pas l’habitude de chasser, leur nombre devait beaucoup les aider mais le chasseur professionnel compris tout de suite leur niveau quand il remarqua qu’ils n’avaient que sabres et couteaux. Leurs intentions n’étaient sans doute pas celles qu’ils laissaient prétendre.
Entouré par les crapules, Tozan les suivait jusqu’à la sortie du village laissant derrière lui Maria. Finalement, cette affaire ne la concernait pas. La rosée n’avait encore disparue, l’humidité persistante et le contact avec la densité de la végétation les mouillèrent entièrement, plus ils avançaient plus la lassitude se faisait ressentir dans le groupe d’homme, ils ne trouvaient pas la moindre trace de gibier, Tozan patienta jusqu’à ce moment.
- « Hoy le chasseur viens là » dit l’homme qui était en tête de file.
C’était le même homme que celui qui prit la parole la veille pour l’inciter à cette partie de chasse, il donnait l’impression d’être le leader de ces anciens prisonniers, surement grâce à son physique beaucoup plus imposant que les autres rabougris, il les dépassait presque tous d’au moins une tête et son poids devait frôler le double de celui de Tozan.
- « Montre nous tes terrains de chasse maintenant ou c’est toi qu’on va bouffer ce soir ! »
Tozan changea de suite de regard et lança :
- « Qu’il en soit ainsi… »
Il s’élança en avant et commença à courir à travers la dense végétation, le groupe de brigands se mirent de suite à ses trousses pour enfin en finir avec ce petit insolent. Tozan avait prévu qu’il ne pourrait pas les perdre de vue mais au moins les distancer suffisamment pour avoir le temps de les amener sur son propre terrain de chasse. Il arriva au niveau du début de la zone, s’arrêta et se retourna.
Les bandits arrivèrent essoufflés par la course poursuite et avec leurs habits trempés qui augmentaient leurs poids. Le chef de la bande était en tête et se stoppa lui aussi quand il vit le sourire patient de Tozan, les suivants firent de même quand leur boss s’arrêta.
- « T’es coincé enfoiré ! »
Le chef furieux bondit pour tenter d’arrêter le jeune homme, mais soudain…
- « SHLAACK !! »
- « AAAAARH »
Le premier des pièges se déclencha sur le chef, cet acte ouvrit la chasse, le piège à pointe fût déclenché par l’action irréfléchie du boss, un morceau de bois moyen taillé en pointe transperça son tibia et son mollet ce qui l’obligea à pousser un cri ainsi qu’à poser un genou au sol. Le regard assassin de Tozan les narguait tous de par sa supériorité enfin révélée. Le chef ordonna alors à ses sbires de se lancer à sa poursuite et de lui ramener sa tête, le groupe se lança alors sans réfléchir aux trousses du piégeur, celui-ci avait donc réussi à affoler les animaux pour les engager sur la piste prédéfinie et les pousser dans ses pièges.
Tozan leur fit volte-face et couru jusqu’à la fin de la zone de chasse qui se situait quelques centaines de mètres plus haut, impossible de contourner ce terrain grâce à l’étonnante topographie du lieu, l’allée que formait la roche était le seul chemin accessible pour le rattraper.
Les pièges suivants se déclenchèrent à leur tour, un simple fil se tendu par l’activation du système d’un coup de pieds dans une branche reliée au fil, et fît tomber les deux premiers qui virent leurs courses ralenties et ce qui permis au chasseur de prendre un peu d’avance sur eux et d’attendre les survivants au bout de la zone. Un autre enjamba ceux tombés au sol, mais en relevant la tête il sentit quelque chose se serrer autour de sa gorge, c’était un piège à collet, le nœud se serra autour de sa gorge grâce à l’élan de sa course, sa respiration et l’afflux de son sang devenu de plus en plus difficile tant le nœud était résistant.
Les deux autres se relevèrent et tous continuèrent leur avancée en se disant qu’il suffisait d’être attentif pour éviter les pièges dissimulés posés par le chasseur confirmé, mais ce n’était pas le cas, leur précipitation eurent raison d’eux, impossible d’éviter tous ses pièges en courant après un prédateur. Tozan l’avait prévu, il suffisait de leur donner une raison d’être abandonné à la colère, ce qui obligerait leurs instincts à le poursuivre bêtement, un regard supérieur suffit à déclencher ces émotions chez ses agresseurs. Il se ruèrent tous au milieu des pièges.
Au fur et à mesure qu’ils avançaient, certains furent plantés sur plusieurs parties de leur corps par les pics aiguisés des pièges à pointes, d’autres suffoquaient sous la pression des pièges à collets qui étranglaient leurs gorges. La majeure partie des assaillants succombèrent à l’étouffement ou à la perte de sang, la végétation sinople qui revêtait le champ de bataille commençait à voir se former des tâches rouges, Tozan vit une étrange beauté dans ce mélange de couleurs froides et chaudes, cela représentait en couleur les émotions qui se mêlaient sans cesse dans son esprit.
Les survivants avancèrent toujours tant bien que mal vers le chasseur, celui-ci les surplombait et constatait que tous ses pièges avaient fonctionné et que les seuls brigands restants étaient fatigués et blessés de part et d’autre. Leur leader était resté en arrière, blessé à la jambe, en attendant que ses soldats ramènent le piégeur mort ou vif.
Le premier de la file des survivants aperçu Tozan perché sur son rocher quelques dizaines de mètres devant lui.
- « Ça y’ai-je t’ai rattrapé ! Viens te battre comme un homme maintenant !
- Si tu insistes… HUNT HIDE ! »
Un simple battement de cil de sa proie lui suffit à déclencher sa technique, la cible n’avait pas eu le temps de le voir sauter dans les branches des arbres qui le surplombaient, il le cherchait alors autour de lui. Mais le jeune chasseur était déjà au-dessus de lui, il déferla sur son adversaire à une vitesse incroyable et lorsqu’il l’atteint sa lame vint se loger dans sa nuque et le traversa jusqu’à son estomac. La vitesse de sa chute fût amortie par le corps du brigand, les jambes de celui-ci se brisèrent sous la pression mais c’était déjà trop tard, la majeure partie des organes vitaux avaient été transpercé.
Tozan se releva, puis il se mit à courir en direction des autres survivants qui avec stupeur n’avaient même pas imaginé une seule seconde que celui-ci puisse être monstrueusement fort, ils pensaient que c’était un lâche qui ne pouvait se battre qu’avec ses méthodes de chasse, mais en fait c’était un véritable guerrier. Ils se retournèrent alors pour le fuir en voyant qu’ils n’avaient aucunes chances face à ce sauvage, mais leur prédateur les rattrapa vite, il n’était pas question de les laisser s’échapper pour qu’ils avertissent leurs congénères au village. Arrivé à leur niveau il leur sauta dessus, il en transperça un avec sa lame, il en étrangla un autre avec la boucle d’un piège à collet qu’il avait gardé pour l’occasion, il rattrapa le dernier avant d’agripper sa tête avec sa seule main valide et de toutes ses forces il l’écrasa contre un rocher.
Mais cette fois Tozan n’eut pas le temps de se redresser qu’une pierre lancée atterrit dans son dos, ce qui lui coupa le souffle et l’envoya à terre. Il entendit le chef blessé se ruer de toutes ses forces vers lui, malgré la douleur de sa blessure à la jambe. Tozan se retourna sur lui-même, le chef sauta sur lui mais le chasseur eu le temps de réagir en l’attrapant par les épaules et en plaçant un pied sur son ventre et il utilisa la vitesse de son adversaire pour le faire valser en arrière, il se retrouva ainsi lui aussi au sol. Les deux se relevèrent.
- « Mais qui es-tu ? Tu cachais bien ton jeu sale enflure ! »
- « Le fait que tu sois le diable ne fais pas de moi un saint… »
Le chasseur pris alors la pierre qui avait atterrit dans son dos et le lui lança à son tour avec plus de force, celle-ci se logea directement dans la face de l’homme, ce qui lui cassa plusieurs os du visage et quelques dents. Tozan profita de sa douleur pour le frapper de toutes ses forces, ses coups de poings lui cassaient les os tandis que sa lame transperçait ses points vitaux, après une multitude de coups il ne se rendit même pas compte que le chef était déjà mort… La chasse était terminée.