La main du commodre frappe trois fois à la porte du "Sky (on the) Rock", l'auberge de l'incident. Profitant du toit de paille longue pour se protéger de l'averse, l'homme encapuchonné fouille sous son épais manteau la poche où sa montre à gousset lui indiquera qu'il est, au fuseau local, sept heures et quarante minutes. On pourrait douter du plein jour au-delà des épais nuages qui s'essorent depuis le milieu de la nuit, tout comme on pourrait imaginer que la mer omniprésente entre les pilotis du quartier portuaire, a poussé dans la nuit, si les nénuphars ne certifiaient pas que l'inondation avait autant de vécu que d'eau à cuver.
En attente d'ouverture du tenancier, ou du marine qui l'a appelé aux petites heures, Gharr observe le décor qui l'entoure. Outre son trottoir de bois suspendu et de sa route d'eau pouvant accueillir deux bandes de barques, il jette un oeil au parcours qu'Elle a du accomplir pour passer la sortie de la ville, désormais gardée par plusieurs soldats parés à faire feu. L'issue n'est pas si éloignée à vol d'oiseau, la Bête a donc probablement sauté de pont en pont plutôt que de rejoindre la rue en dure, où la pierre remplace le bois et les victimes auraient pu être plus nombreuses. Même à ce créneau horaire...
Le cliquetis lourd ramène le commodore à sa scène de crime. Les gongs maltraités par la masse de la Chose dévient encore de leur inclinaison initiale au moment où l'intérieur de l'auberge se révèle à Hadoc. Derrière le petit homme au visage rubicond et aux grands yeux cernés -désolé d'avoir tardé- une bouffée de chaleur donne envie au marine de s'engouffrer sans attendre.
J'étais à l'étage.
Le Sky (on the) Rock est un petit établissement, une maison à deux étages reconvertie en chambre d'hôte. Le salon est aménagé de trois petites tables rondes et de son comptoir qui dévore quasi le quart de la pièce. La cuisine est la cuisine, les sanitaires résumées à un cagibi et la dernière pièce du rez-de-ponton doit servir de seul lieu privé aux propriétaires. Le mari referme la porte derrière Gharr en lui souhaitant la "bienvenue à Dùn Èideann", histoire de dire quelque chose. Tandis qu'une femme, fine et miséreuse, descend en hâte les trois chaises de l'une des tables pour y installer le nouveau convive.
Merci. Le lieutenant Callahan est-il ici ?
A l'étage ! Il m'a dit de vous dire qu'il est à vous dans une minute. Je peux vous servir quelque chose ? Un whisky, un café peut-être ?
Un whisky, s'il vous plait. Ne noyez pas le verre.
Je vous apporte ça! se réjouit le tenancier. Ca va vous réchauffer. Anne-Marie !
Le petit homme aux cheveux bouclés d'un blond terne enjoint sa compagne à servir deux verres de "la bouteille à côté de la bleue, dans l'armoire". Hadoc en profite pour ôter son manteau trempé et l'étendre près de la petite chaudière sur deux chaises inoccupées. Il en profite également pour ôter ses gants, puis passer sa main le long de sa barbe pour en presser un maximum de gouttes qui choient sur le plancher tiède. L'essorage sommaire effectué, il profite de la quiétude anesthésiante pour identifier l'odeur des aromates suspendus aux lattes du toit à peine plus haut que lui d'une vingtaine de centimètres. Gharr ne regrette pas d'avoir arrêté sa croissance peu avant les deux mètres. Le temps de baigner dans la chaleur du foyer et de humer la sauge et la menthe, les verres arrivent et rigolent d'un breuvage ocre, solidement tassé au fond de glass décorés de carreaux par les souffleurs de verre de la région. Au moment de rejoindre la table, les pas dans les escaliers annoncent un lieutenant aux longs cheveux rouges noués en chignon, aux yeux d'un bleu arctique et à la froideur du regard qui lui sied. Arrivée en bas, elle salue de façon formelle le commodore qui rend le protocole, même si lui n'y était pas obligé.
Lieutenant Callahan, désolée du retard Commodore Hadoc.
Repos, Lieutenant. Nous sommes sur votre terrain.
Elle relâche les épaules, cependant le reste du visage peine à suivre. Soit elle veut montrer sa compétence militaire, soit cet endroit très codifié la pousse au qui-vive constant. Gharr comprendrait la prudence, mais il ne veut pas lui voler son affaire pour une question de grades. Sa présence n'est due qu'à un appel à tous les renforts disponibles cette nuit-même, tandis qu'il circulait en mer. On avait parlé d'une attaque par une bête en pleine ville, d'une victime et de la dangerosité de la chose. En bonne lame et qualité de pisteur, Hadoc s'était joint aux forces présentes.
Qu'avez-vous pour l'instant ?
Je me suis entretenue avec monsieur Olymounn et son épouse, dit-elle en désignant le couple présent de son stylo, tandis qu'elle pointe les yeux dans le notes de son calepin. Il y a deux jours, trois jours et deux nuits pour être précise, une étrangère a loué une chambre à l'étage en demandant si elle pouvait régler chaque jour pour une nuit d'avance. Elle a pris une fois un petit-déjeuner et deux fois le souper, ça passons...voilà, hier soir elle est rentrée vers les vingt-deux heures.
C'est ça! Vingt-deux, peut-être et cinq ou dix minutes. J'ai réchauffé de la soupe exprès: on allait fermer.
Voilà ! Donc, elle est entrée, mais pas seule. Avec elle, un homme ligoté que monsieur Olymounn n'avait jamais vu auparavant. D'après ses cheveux sombres et ses traits, c'était un étranger. La dame a alors montré que l'individu était un primé, Ciro, recherché pour emploi d'armes chimiques et expériences illégales sur des animaux protégés ou domestiques. La chasseuse de primes a demandé que la porte soit ouverte pour six heures du matin car elle devait partir tôt afin de livrer son colis. J'ai mené l'enquête, visiblement le réceptionniste de la caserne qu'elle avait vu le soir-même pour y déposer Ciro lui a assuré qu'elle devait repasser le lendemain car les bureaux étaient fermés. Ce qui est faux et je prendrai des dispositions concernant ce comportement inadmissible.
Soit, vers cinq heures, monsieur et madame Olymounn ont été réveillés en sursaut à cause de forts bruits provenant de l'étage. Le temps de se lever et prendre un pistolet, la porte du haut avait été fracturée, celle de l'entrée déboîtée et ils n'ont eu le temps que de voir une silhouette s'échapper à travers l'embrasure. Les miradors de l'entrée de la ville ont confirmé avoir vu quelque chose de "rapide" et "humanoïde" courir plus vite qu'aucun homme le peut sur ses quatre membres, jusqu'à perdre cette cible de vue; la pluie et les nuages opaques ne permettant pas d'y voir à plus de quelques mètres.
Elle soupire en tournant la page de son calepin, agacée par tant d'incertitudes et de vague.
A l'étage, dans la chambre de la chasseuse de primes, nous avons trouvé le corps de Ciro, mort à n'en point douter au vu de son état, ainsi que les affaires de la chasseuse. Des vêtements de rechange, un morceau de billet pour la translinéenne, des primes et le contenu d'une seringue qui a été employée. Cette dernière était sous le lit. J'ai laissé cet objet au Druide Diancecht afin qu'il identifie son contenu. Je mise sur une drogue de Ciro destinée à transformer les humains en animaux sauvages. Voilà où nous en sommes.
Merci, Lieutenant. A-t-on une estimation des premiers résultats du druide ?
Il a dit "tôt dans la matinée", la seringue semblait contenir encore assez de liquide pour permettre une série de tests à spectre réduit.
Bon, conclut Gharr en goûtant pour la première fois le whisky tourbé, à la fois sec et léger, mais brulant sitôt dans la gorge et et qui laisse cette sensation d'avoir un morceau de bois fumé agréable en arrière-goût. L'arrière goût salé laissait comprendre qu'il était fait à l'eau de mer.
Vous semblez maîtriser votre sujet. En quoi puis-je vous être utile ?
Callahan referme son calepin qu'elle tient serré entre ses mains avec une concentration qui appesantit l'air. En attente de sa libération de ses troubles internes, Gharr reste figé, les yeux rivés sur elle, patient.
Avant toute chose, je dois vous dire que je sais qui vous êtes. Nous nous sommes déjà croisés à deux reprises, même si nous n'avons jamais conversé. Je sais que vous êtes un bretteur habile, que vous avez bonne réputation et que vous privilégiez la capture à la mise à mort des criminels. Les gens d'ici, ils chassent. C'est tout. Si la chasseuse est bien une victime, les druides ne l'approcheront qu'une fois qu'elle sera morte, tuée par l'un des franc-tireurs d'un seigneur local. Je ne peux pas à la fois défendre les points stratégiques de la bête et me fier aux soldats locaux, souvent natifs du pays, pour tenter une capture. Voilà le problème.
Hmm, je comprends. Quelle logistique avez-vous déployée ?
Je vous montre.
Elle se lève et se plante aux côtés de Hadoc qui décale son verre lorsqu'elle déplie une carte pour en bloquer le bord recourbé en l'y reposant.
Nous sommes ici. Toute cette surface, c'est la terre du clan Fraser. En quittant la ville, la bête a soit pris par les montagnes, ce que je ferais probablement si j'en étais une, soit par les plaines. Il y a de nombreux postes de trappeurs dans les montagnes et nous en avons prévenus un maximum de la présence d'un prédateur de nature inconnue. Ici, c'est le château Fraser. Les murs sont gardés et n'ouvre qu'aux membres importants du clan pour les protéger le temps que l'affaire soit résolue. Ceux qui ne se cachent pas au château gardent leur domaine, qui va d'un petit village à une ferme bien équipée.
Vous voyez toute cette surface ? Elle est peuplée de pauvres gens, beaucoup n'ont même pas d'escargophone. Autrement dit, ils ignorent totalement le danger présent. Et ce n'est pas tout. La région Fraser est atteinte d'un mal qui rend malade les gens et les animaux. Si la bête est infectée, si elle détruit des enclos, si elle suscite des mouvements de masse, la maladie peut se répandre. On n'a pas les moyens de protéger tout le monde et on ignore ses mouvements. C'est la merde, si vous me passez l'expression.
Hadoc ne répond pas, mais confirme du chef. Il regarde méticuleusement la carte, estime, hoche parfois de la tête qui goutte encore parfois sur la table.
Vous tenez vraiment à la capturer ?
Je ne sais pas, avoue le lieutenant, impuissante. Si c'est possible, oui. Mais, au point où on en est, la traquer pour l'abattre est peut-être inévitable.
Le commodore délivre l'envie de la carte de se replier sur elle-même en finissant son whisky. Puis, il se lève et demande à ce qu'on le conduise à la chambre de la chasseuse. Le propriétaire assure qu'il "y conduit, aussi sec". En montant les escaliers, en file indienne, Hadoc demande:
Combien avez-vous de chambres d'hôte ?
Quatre, mon Commodore. Bien que, par les temps qui courent, deux suffiraient amplement.
Quelqu'un d'autre a-t-il loué une chambre durant le séjour de la chasseuse ?
Non. On a eu Henorludd, un fermier local qui est venu il y a cinq jours. Viré par sa blonde ! Il m'a fait du chantage affectif pour que je lui laisse un lit le temps qu'il fasse jour. J'ai accepté, son pain est délicieux et il m'en a livré un panier plein, avec un fromage gros comme ça !
Merci, Monsieur Olymounn.
L'étroit couloir rappelle les cales des navires, si ce n'est que le sol y est droit et sec. Trois portes garnissent le flanc gauche, la dernière aboutit au fond du couloir. C'est là que la chasseuse s'est installée . Gharr comprend, c'est la seule pièce dont la fenêtre donne sur le port plutôt que les bâtiment d'en face. La porte est toujours arrachée, posée sur le mur. D'ici, on devine la pagaille à l'intérieur. Et le sang.
C'est là, précise l'hôte.
Je vais tenter d'y voir plus clair. Vous pouvez retourner à votre travail, Monsieur Olymounn. Nous vous appellerons en cas de besoin.
Ah, c'est qu'il faudra pas me le dire deux fois. C'est que, ça va en faire du nettoyage, pour rendre la chambre présentable. Anne-Marie !
Il descend, laissant les deux marines à leur investigation. Callahan connait les lieux, elle évite donc d'y déranger plus de chose et laisse à Hadoc le soin de découvrir et reconstituer ce qu'il s'est passé. Aucun scénario qui n'évite le frisson d'effroi tant ce qu'il s'est passé là-bas n'appartient pas au monde des hommes.
En attente d'ouverture du tenancier, ou du marine qui l'a appelé aux petites heures, Gharr observe le décor qui l'entoure. Outre son trottoir de bois suspendu et de sa route d'eau pouvant accueillir deux bandes de barques, il jette un oeil au parcours qu'Elle a du accomplir pour passer la sortie de la ville, désormais gardée par plusieurs soldats parés à faire feu. L'issue n'est pas si éloignée à vol d'oiseau, la Bête a donc probablement sauté de pont en pont plutôt que de rejoindre la rue en dure, où la pierre remplace le bois et les victimes auraient pu être plus nombreuses. Même à ce créneau horaire...
Le cliquetis lourd ramène le commodore à sa scène de crime. Les gongs maltraités par la masse de la Chose dévient encore de leur inclinaison initiale au moment où l'intérieur de l'auberge se révèle à Hadoc. Derrière le petit homme au visage rubicond et aux grands yeux cernés -désolé d'avoir tardé- une bouffée de chaleur donne envie au marine de s'engouffrer sans attendre.
J'étais à l'étage.
Le Sky (on the) Rock est un petit établissement, une maison à deux étages reconvertie en chambre d'hôte. Le salon est aménagé de trois petites tables rondes et de son comptoir qui dévore quasi le quart de la pièce. La cuisine est la cuisine, les sanitaires résumées à un cagibi et la dernière pièce du rez-de-ponton doit servir de seul lieu privé aux propriétaires. Le mari referme la porte derrière Gharr en lui souhaitant la "bienvenue à Dùn Èideann", histoire de dire quelque chose. Tandis qu'une femme, fine et miséreuse, descend en hâte les trois chaises de l'une des tables pour y installer le nouveau convive.
Merci. Le lieutenant Callahan est-il ici ?
A l'étage ! Il m'a dit de vous dire qu'il est à vous dans une minute. Je peux vous servir quelque chose ? Un whisky, un café peut-être ?
Un whisky, s'il vous plait. Ne noyez pas le verre.
Je vous apporte ça! se réjouit le tenancier. Ca va vous réchauffer. Anne-Marie !
Le petit homme aux cheveux bouclés d'un blond terne enjoint sa compagne à servir deux verres de "la bouteille à côté de la bleue, dans l'armoire". Hadoc en profite pour ôter son manteau trempé et l'étendre près de la petite chaudière sur deux chaises inoccupées. Il en profite également pour ôter ses gants, puis passer sa main le long de sa barbe pour en presser un maximum de gouttes qui choient sur le plancher tiède. L'essorage sommaire effectué, il profite de la quiétude anesthésiante pour identifier l'odeur des aromates suspendus aux lattes du toit à peine plus haut que lui d'une vingtaine de centimètres. Gharr ne regrette pas d'avoir arrêté sa croissance peu avant les deux mètres. Le temps de baigner dans la chaleur du foyer et de humer la sauge et la menthe, les verres arrivent et rigolent d'un breuvage ocre, solidement tassé au fond de glass décorés de carreaux par les souffleurs de verre de la région. Au moment de rejoindre la table, les pas dans les escaliers annoncent un lieutenant aux longs cheveux rouges noués en chignon, aux yeux d'un bleu arctique et à la froideur du regard qui lui sied. Arrivée en bas, elle salue de façon formelle le commodore qui rend le protocole, même si lui n'y était pas obligé.
Lieutenant Callahan, désolée du retard Commodore Hadoc.
Repos, Lieutenant. Nous sommes sur votre terrain.
Elle relâche les épaules, cependant le reste du visage peine à suivre. Soit elle veut montrer sa compétence militaire, soit cet endroit très codifié la pousse au qui-vive constant. Gharr comprendrait la prudence, mais il ne veut pas lui voler son affaire pour une question de grades. Sa présence n'est due qu'à un appel à tous les renforts disponibles cette nuit-même, tandis qu'il circulait en mer. On avait parlé d'une attaque par une bête en pleine ville, d'une victime et de la dangerosité de la chose. En bonne lame et qualité de pisteur, Hadoc s'était joint aux forces présentes.
Qu'avez-vous pour l'instant ?
Je me suis entretenue avec monsieur Olymounn et son épouse, dit-elle en désignant le couple présent de son stylo, tandis qu'elle pointe les yeux dans le notes de son calepin. Il y a deux jours, trois jours et deux nuits pour être précise, une étrangère a loué une chambre à l'étage en demandant si elle pouvait régler chaque jour pour une nuit d'avance. Elle a pris une fois un petit-déjeuner et deux fois le souper, ça passons...voilà, hier soir elle est rentrée vers les vingt-deux heures.
C'est ça! Vingt-deux, peut-être et cinq ou dix minutes. J'ai réchauffé de la soupe exprès: on allait fermer.
Voilà ! Donc, elle est entrée, mais pas seule. Avec elle, un homme ligoté que monsieur Olymounn n'avait jamais vu auparavant. D'après ses cheveux sombres et ses traits, c'était un étranger. La dame a alors montré que l'individu était un primé, Ciro, recherché pour emploi d'armes chimiques et expériences illégales sur des animaux protégés ou domestiques. La chasseuse de primes a demandé que la porte soit ouverte pour six heures du matin car elle devait partir tôt afin de livrer son colis. J'ai mené l'enquête, visiblement le réceptionniste de la caserne qu'elle avait vu le soir-même pour y déposer Ciro lui a assuré qu'elle devait repasser le lendemain car les bureaux étaient fermés. Ce qui est faux et je prendrai des dispositions concernant ce comportement inadmissible.
Soit, vers cinq heures, monsieur et madame Olymounn ont été réveillés en sursaut à cause de forts bruits provenant de l'étage. Le temps de se lever et prendre un pistolet, la porte du haut avait été fracturée, celle de l'entrée déboîtée et ils n'ont eu le temps que de voir une silhouette s'échapper à travers l'embrasure. Les miradors de l'entrée de la ville ont confirmé avoir vu quelque chose de "rapide" et "humanoïde" courir plus vite qu'aucun homme le peut sur ses quatre membres, jusqu'à perdre cette cible de vue; la pluie et les nuages opaques ne permettant pas d'y voir à plus de quelques mètres.
Elle soupire en tournant la page de son calepin, agacée par tant d'incertitudes et de vague.
A l'étage, dans la chambre de la chasseuse de primes, nous avons trouvé le corps de Ciro, mort à n'en point douter au vu de son état, ainsi que les affaires de la chasseuse. Des vêtements de rechange, un morceau de billet pour la translinéenne, des primes et le contenu d'une seringue qui a été employée. Cette dernière était sous le lit. J'ai laissé cet objet au Druide Diancecht afin qu'il identifie son contenu. Je mise sur une drogue de Ciro destinée à transformer les humains en animaux sauvages. Voilà où nous en sommes.
Merci, Lieutenant. A-t-on une estimation des premiers résultats du druide ?
Il a dit "tôt dans la matinée", la seringue semblait contenir encore assez de liquide pour permettre une série de tests à spectre réduit.
Bon, conclut Gharr en goûtant pour la première fois le whisky tourbé, à la fois sec et léger, mais brulant sitôt dans la gorge et et qui laisse cette sensation d'avoir un morceau de bois fumé agréable en arrière-goût. L'arrière goût salé laissait comprendre qu'il était fait à l'eau de mer.
Vous semblez maîtriser votre sujet. En quoi puis-je vous être utile ?
Callahan referme son calepin qu'elle tient serré entre ses mains avec une concentration qui appesantit l'air. En attente de sa libération de ses troubles internes, Gharr reste figé, les yeux rivés sur elle, patient.
Avant toute chose, je dois vous dire que je sais qui vous êtes. Nous nous sommes déjà croisés à deux reprises, même si nous n'avons jamais conversé. Je sais que vous êtes un bretteur habile, que vous avez bonne réputation et que vous privilégiez la capture à la mise à mort des criminels. Les gens d'ici, ils chassent. C'est tout. Si la chasseuse est bien une victime, les druides ne l'approcheront qu'une fois qu'elle sera morte, tuée par l'un des franc-tireurs d'un seigneur local. Je ne peux pas à la fois défendre les points stratégiques de la bête et me fier aux soldats locaux, souvent natifs du pays, pour tenter une capture. Voilà le problème.
Hmm, je comprends. Quelle logistique avez-vous déployée ?
Je vous montre.
Elle se lève et se plante aux côtés de Hadoc qui décale son verre lorsqu'elle déplie une carte pour en bloquer le bord recourbé en l'y reposant.
Nous sommes ici. Toute cette surface, c'est la terre du clan Fraser. En quittant la ville, la bête a soit pris par les montagnes, ce que je ferais probablement si j'en étais une, soit par les plaines. Il y a de nombreux postes de trappeurs dans les montagnes et nous en avons prévenus un maximum de la présence d'un prédateur de nature inconnue. Ici, c'est le château Fraser. Les murs sont gardés et n'ouvre qu'aux membres importants du clan pour les protéger le temps que l'affaire soit résolue. Ceux qui ne se cachent pas au château gardent leur domaine, qui va d'un petit village à une ferme bien équipée.
Vous voyez toute cette surface ? Elle est peuplée de pauvres gens, beaucoup n'ont même pas d'escargophone. Autrement dit, ils ignorent totalement le danger présent. Et ce n'est pas tout. La région Fraser est atteinte d'un mal qui rend malade les gens et les animaux. Si la bête est infectée, si elle détruit des enclos, si elle suscite des mouvements de masse, la maladie peut se répandre. On n'a pas les moyens de protéger tout le monde et on ignore ses mouvements. C'est la merde, si vous me passez l'expression.
Hadoc ne répond pas, mais confirme du chef. Il regarde méticuleusement la carte, estime, hoche parfois de la tête qui goutte encore parfois sur la table.
Vous tenez vraiment à la capturer ?
Je ne sais pas, avoue le lieutenant, impuissante. Si c'est possible, oui. Mais, au point où on en est, la traquer pour l'abattre est peut-être inévitable.
Le commodore délivre l'envie de la carte de se replier sur elle-même en finissant son whisky. Puis, il se lève et demande à ce qu'on le conduise à la chambre de la chasseuse. Le propriétaire assure qu'il "y conduit, aussi sec". En montant les escaliers, en file indienne, Hadoc demande:
Combien avez-vous de chambres d'hôte ?
Quatre, mon Commodore. Bien que, par les temps qui courent, deux suffiraient amplement.
Quelqu'un d'autre a-t-il loué une chambre durant le séjour de la chasseuse ?
Non. On a eu Henorludd, un fermier local qui est venu il y a cinq jours. Viré par sa blonde ! Il m'a fait du chantage affectif pour que je lui laisse un lit le temps qu'il fasse jour. J'ai accepté, son pain est délicieux et il m'en a livré un panier plein, avec un fromage gros comme ça !
Merci, Monsieur Olymounn.
L'étroit couloir rappelle les cales des navires, si ce n'est que le sol y est droit et sec. Trois portes garnissent le flanc gauche, la dernière aboutit au fond du couloir. C'est là que la chasseuse s'est installée . Gharr comprend, c'est la seule pièce dont la fenêtre donne sur le port plutôt que les bâtiment d'en face. La porte est toujours arrachée, posée sur le mur. D'ici, on devine la pagaille à l'intérieur. Et le sang.
C'est là, précise l'hôte.
Je vais tenter d'y voir plus clair. Vous pouvez retourner à votre travail, Monsieur Olymounn. Nous vous appellerons en cas de besoin.
Ah, c'est qu'il faudra pas me le dire deux fois. C'est que, ça va en faire du nettoyage, pour rendre la chambre présentable. Anne-Marie !
Il descend, laissant les deux marines à leur investigation. Callahan connait les lieux, elle évite donc d'y déranger plus de chose et laisse à Hadoc le soin de découvrir et reconstituer ce qu'il s'est passé. Aucun scénario qui n'évite le frisson d'effroi tant ce qu'il s'est passé là-bas n'appartient pas au monde des hommes.
Dernière édition par Gharr Hadoc le Mer 9 Déc 2020 - 6:25, édité 9 fois