Balta Mirtis [Terminée]

Balta ouvrit lentement ses délicieuses prunelles bleu-océan, un rayon de soleil ayant réussi à pénétrer à travers sa longue chevelure argentée. Ronchonnant comme chaque matin, elle se redressa et écarta la mèche lui dissimulant le visage, mangeant une myrtille au passage. Un bâillement et une myrtille plus tard, elle migra timidement jusqu'à son miroir et commença à brosser, manger une myrtille, brosser, manger une myrtille, pour éliminer fourches et épis. Un véritable calvaire, mais la jeune fille ne voulait pas entendre parler d'une paire de ciseaux. Elle était beaucoup trop fière de sa crinière descendant jusqu'au bas du dos. Après une éternité et une infinité de myrtilles, la belle s'apprêta à former son chignon. Rassemblant ses cheveux, elle n'osa jeter un œil sur la longue cicatrice striant son dos. Chignon habilement tressé, la jeune fille alla se plaquer contre un des murs de sa cabine. Non décidément, même en trichant, elle n'avait pas gagné un centimètre. Toujours cinq pieds et deux pouces. Soupirant bruyamment, Balta passa son uniforme standard, après quelques myrtilles... Sortant de la cabine, elle se plaqua contre la porte pour laisser passer quelques matelots particulièrement occupés. Ces derniers transportaient des tonneaux de boulets de canon pour les imposantes tourelles de 42. Balta encaissa le quolibet sur son aspect frêle et frissonna en les voyants à l'effort. Elle qui n'atteignait même pas la masse de trois boulets, elle ne parvenait qu'à en soulever un, voir deux quand le commandant haussait la voix.

Enfin, il était grand temps de prendre la direction de la cantine pour le petit déjeuner. Balta s'y faufila d'un pas discret, presque sans un bruit. Un seul et unique plat: une tarte aux myrtilles que la jeune fille emporta presque entière jusqu'à sa table. L'un des cuistots ne se formalisa pas et remplaça la tarte manquante presque instantanément. Il avait l'habitude désormais. Timide, discrète, Balta se détendit, ayant rejoint les autres mousses de l'équipage. Elle se sentait beaucoup plus à l'aise avec des gens d'à peu près son âge. Avec le reste de la troupe, il fallait toujours s'exprimer avec formalisme, avec une voix forte et assurée, le visage sérieux. Avec les mousses, elle retrouvait sa voix douce, se montrait beaucoup plus bavarde et plus souriante. Le petit-déjeuner fut des plus plaisants, mais la journée de travail devait débuter, sous peine de sermon ou de corvées supplémentaires. Balta se dirigea vers la sortie de la cantine, non sans chiper avec discrétion la part de tarte aux myrtilles d'un marin trop absorbé par sa conversation. La jeune fille savait y faire. Allant au placard à balai le plus proche, elle s'arma de son fidèle balai à franges et d'un seau avant de monter quatre à quatre les marches menant sur le pont. Le commandant avait été très clair, il fallait que ce dernier brille, brille. Avalant myrtille sur myrtille dans un mouvement parfaitement synchronisé avec celui de son balai, elle commença l’exercice de nettoyage. Il fallait que ses "petits bras s'épaississent", comme le répétait le Commandant. Frotter, frotter, encore et encore. Le travail était dur, mais la jeune fille demeurait déterminée. Le visage détendu, les pommettes saillantes; Seuls ses fins sourcils se fronçaient légèrement comme pour signifier son application. Après toutes ces corvées, elle savait manier son balai mieux que personne. Elle avait même développé une sorte de kata, si tenté qu'un jour il y eut un maitre du balai à franges. Malheureusement, il était très difficile de trouver un adversaire digne de ce nom, ses pratiquants étant extrêmement rares.

Relevant la tête de temps à autre pour observer l'océan, Balta s'interrogea. Son esprit devait lui jouer des tours. Pourtant, sa vue perçante la trompait rarement. Non, il y avait quelque-chose à l'horizon qui approchait. Quittant exceptionnellement son poste, elle vint à la rencontre d'un sergent adossé au bastingage. "Sergent ?" Commença-t-elle d'une voix formelle. Ce dernier leva à peine la tête et un sourcil. Profitant de l'air du large, il n'avait sans doute pas prévu de se voir importuner par une simple Mousse. " Désolé de vous déranger, mais  je crois avoir aperçu... " La jeune fille n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la vigie armée de ses jumelles signala un bâtiment à l'horizon bâbord...

La vigie avait quelques minutes de retard. Qu'importe, la sirène retentis et tout l'équipage se mit en action. Déjà, des matelots envahissaient le pont supérieur, fusils et sabres sortis. Confirmation de la vigie: le bâtiment battait pavillon noir. Des pirates. Des maudits pirates. Pétrifiée à cette annonce, Balta demeura sur place et ne remarqua même pas que le Sergent lui avait faussé compagnie. Des souvenirs noirs et douloureux remontaient. Elle fut bousculée une fois, puis deux. Retrouvant enfin ses esprits, elle réalisa rapidement qu'elle gênait plus qu'autre chose. Se précipitant pour récupérer son seau, elle vit ce dernier se faire renverser par un matelot et valdinguer sur le pont. Le récupérer et "aller se cacher dans sa cabine" -  comme lui avait toujours dit le Commandant. Les pirates arrivaient. Les mousses n'avaient rien à faire sur le pont en plein combat.

La canonnade avait déjà débutée. Des boulets manquant leur cible, faisaient s'élever des geysers d'eau autour des deux navires. Néanmoins, certains atteignaient leur but. Une des tourelles venait d'ailleurs d'être mise hors service et une partie du bastingage avait volé en éclat. Rampant sur le pont en évitant les matelots, la tension toujours plus haute, Balta elle, continuait sa poursuite de l'insaisissable seau. La panique s'était progressivement emparée d'elle depuis l'annonce du pavillon noir et elle faisait désormais abstraction de son environnement. Elle sourit enfin, après qu'un plongeon en avant lui ai permis de se saisir du précieux récipient. Se redressant en mangeant quelques myrtilles au passage, elle remarqua alors que quelque-chose clochait. Il y avait beaucoup trop de monde à bord. Le navire s'était fait abordé, les sabres s'entrechoquaient, les combattants hurlaient et une jeune Mousse se trouvait là, au beau milieu, armée d'un balai à franges et d'un seau. Constatant la bêtise de sa course poursuite et le drame de sa situation, tel David contre Goliath, Balta lança son seau à la figure d'un pirate passant près d'elle. Fauché en pleine course, le forban accusa le coup, avant de voir un balai à franges lui barbouiller le visage. Lorsqu'il parvint enfin à échapper aux tentacules cotonneuses, il fit face à son adversaire: une jeune fille avec les joues mouillées de larmes, mais un regard haineux. Hésitant, il se vit contraint de dévier un coup de balai avec son sabre d'abordage, puis un autre. Au troisième, il trancha net le manche. Néanmoins, cela ne sembla pas ébranler l'esprit combattif de la jeune mousse qui fit mine de se jeter sur le pirate avec son demi-balai. Ne pas reculer, jamais. Mais au dernier moment, une poigne la retint par l'uniforme et la propulsa en arrière. Retombant sur les fesses en percutant le bastingage, Balta fut prête à se relever mais elle croisa le regard dur du vieux Commandant. Dans ce simple regard, sans un mot, la jeune Mousse accusa la réprimande. Elle avait désobéi en engageant le combat. Se levant, la tête basse, elle s'élança à toute vitesse en direction de l'écoutille.

Exécutant enfin les ordres, elle se dirigea vers sa cabine. Celle des autres mousses s'ouvrirent sur son passage et Balta leur offrit un sourire de façade, comme si tout aillait bien. Mais cela n'allait pas. Elle s'était ridiculisée face à ce pirate, elle avait déçu le Commandant. Aussitôt enfermée dans sa cabine, elle passa ses nerfs sur son oreiller. Sa colère se mua en tristesse et enfin, alors que le brouhaha sur le pont cessa, en profonde lecture d'un livre sur les arbres fruitiers. La lecture dura, dura, chaque page se tournant après une poignée de myrtilles. L'étude des fruits avait ce don de calmer les ardeurs de la jeune Mousse. Quand elle releva la tête, elle remarqua que la matinée était désormais bien avancée. Elle n'avait pas vu le temps passer. D'ailleurs, personne n'était venu la rappeler à son poste. Ouvrant son hublot, elle profita de l'air marin fortement iodé et s'abandonna à la contemplation de l'infinie étendue liquide. L'océan. Ses mouvements, ses caprices, son caractère presque semblable au sien. Depuis toute petite, elle n'avait cessé de l'observer. En s'engageant dans la Marine, sans doute avait-elle succombé à son appel. Peut-être pourrait-elle aller nager lors de sa prochaine permission.

Finalement, quelqu'un tambourina à la porte de sa cabine. " Bureau du Commandant la mousse ! " Aïe. Balta s'y attendait. Elle connaissait le Vieux Gaspard depuis toujours, mais désormais c'était loin d'être un avantage. On exigeait toujours plus, on jugeait toujours plus durement ses proches, par crainte de favoritisme. S’arrangeant le visage et l'uniforme, la jeune Mousse se rendit donc d'un pas lent vers sa punition, grignotant quelques myrtilles. Quelle qu'elle soit, elle ne broncherait pas. Enfin, tant que ses précieuses myrtilles ne seraient pas concernées. Elle ne pourrait jamais se priver de leur goût délicieusement acidulé. Arrivée devant la porte, Balta s'apprêta à frapper et maintint son poing levé. Une punition de plus s'annonçait. Un pas en arrière de plus pour rejoindre son père. Un déshonneur pour le nom Mirtis... " Vous allez finir par rentrer ?!! " Sursautant, Balta toqua et rentra pour faire face au Commandant. Ce dernier était assis derrière son bureau, enfoncé dans un confortable fauteuil. Derrière lui, un tableau représentant une maison au bord d'une falaise, le reflet des étoiles sur ses vitres et l'océan. Étoiles qui étaient presque reconnaissables de part leur position, comme si l'artiste avait eu quelques connaissances du ciel nocturne. Enfin, se mettant au garde-à-vous, la jeune Mousse regarda droit devant-elle. " Mon Commandant. " Dit-elle avec formalité. " Repos Myrtille...heu Mirtis. Vous avez désobéi à un ordre direct. " - " Oui mon Commandant. " - " Dois-je vous répéter cet ordre pour que vous ne l'oubliez pas ? " - " Non mon Commandant. " - " Jusqu'à nouvel ordre: pas de permissions et vous récupérez les corvées de latrines des autres mousses.  " - " A vos ordres mon Commandant. " - " Disposez Myrtille. " Aussitôt entrée, aussitôt ressortie. La punition avait été donnée. Néanmoins, c'est la déception dans le regard du vieux Gaspard qui demeurait le plus difficile pour Balta. Le cœur lourd, elle se dirigea à nouveau vers le placard à balai, pour se munir d'autres équipements de ménage en plus de son seau et d'un balai à franges cette fois. Maudissant les pirates, elle se dirigea vers les latrines. Au moins elle n'avait pas été privée d'entrainement. Relevant avec un sourire le mousse qui s'y trouvait déjà, elle se mit au travail avec zèle.

Après une journée riche en "émotions", épuisée, la jeune Mousse s'échappa discrètement de la cantine pour se diriger vers la proue. Armée d'une tarte aux myrtilles, elle se posta sur le beaupré et commença à la déguster. Elle leva la tête vers l'horizon. L'océan d'un noir d'encre s'étendait à perte de vue et là haut dans le ciel, des milliers d'étoiles que Balta s'employa à nommer entre deux bouchées. Certaines étaient fixes dans le ciel et permettaient la navigation sans pose. La navigation nocturne du moins. Peut-être aurait-elle à diriger son propre bâtiment un jour. Peut-être. Sans doute, grâce au travail, à sa détermination, son courage. Elle atteindrait le sommet et pourrait se tenir fièrement aux côtés de son père. Une deuxième légende Mirtis au sein de la Marine...

East Blue - 7 décembre 1612
Le Grand Froid s'était abattu plus tôt que prévu sur notre petite île. Heureusement les dernières récoltes avaient été mises à l'abri et nous avions suffisamment de bois de chauffage pour passer tout l'Hiver. Néanmoins, malgré la présence des infirmières, la maison semblait bien vide. Juoada n'était pas encore arrivé. Œuvrant aussi loin de moi, le voyage de retour était forcément long. Il avait malgré tout promis d'être là pour la naissance de notre enfant. Je le revoyais encore si jeune, si beau et si élégant dans son bel uniforme. Nous nous étions mariés très vite. J'avais l'impression que c'était encore hier. Tout comme son départ pour le Nouveau Monde. La malédiction inhérente à son ascension fulgurante. Malheureusement, je n'avais pu le suivre. Lui-même ne l'avait pas souhaité. Le danger là-bas était trop grand et puis... nous attendions déjà le plus heureux des évènements.

Le travail avait commencé dans la soirée alors qu'un blizzard violent frappait notre petit village. Le son de mes hurlements s'était alors perdu dans le sifflement du vent. Le médecin m'avait fait ingurgiter une décoction pour atténuer la douleur, mais cette dernière était presque insoutenable. J'aurais aimé qu'il soit à mes côtés à ce moment-là. Lui qui aimait toujours se faire attendre. Mais notre enfant n'attendrait pas lui, il ne demandait qu'à sortir. Les infirmières me soutinrent au maximum et enfin, après plusieurs heures de travail, elle finit par pointer le bout de son nez. Elle. C'était une petite fille. Juoada ouvrit la porte de la chambre au même moment que notre petite Balta pris sa première bouffée d'air. Et alors qu'elle pleurait dans les bras du médecin, je vis pour la première fois des larmes apparaitre sur les joues de cet imposant barbu. Nous sommes ainsi restés des heures à contempler notre petite Balta, sans dire un mot, lui souhaitant la bienvenue en ce monde.

East Blue - 15 Mai 1613

L'Hiver est passé. Le Grand Froid s'en allé et les beaux jours sont déjà arrivés. Notre petite Balta a déjà beaucoup grandit. Beaucoup trop. J'ai l'impression qu'elle gagne des centimètres à chaque fois que je cligne des yeux. Enfin, le médecin m'a assuré que tout était normal. La croissance est parait-il fulgurante chez les nourrissons. Elle a l'air en parfaite santé c'est là l'essentiel et son petit visage... Elle a déjà mon nez alors que ses délicieuses prunelles se renforcent encore davantage en bleu pour s'approcher de sa mère. Brave, Pilka. Elle s'occupe toute la journée de Balta et ne la quitte que pour mieux me la confier. Et encore, seulement de temps en temps. Elle sait pourtant qu'elle doit se reposer. L'accouchement l'a affaibli, bien plus qu'elle ne le pense. Le médecin lui apporte des décoctions régulièrement, pour l'aider à reprendre des forces, mais sans repos cela ne servira à rien. J'espère qu'elle pourra bientôt sortir de la maison et profiter du jardin. Ses plantes y sont resplendissantes et les abeilles ne s'y trompent pas. Le jardin est presque envahi. Enfin. Je ne l'ai pas encore dit à Pilka, mais j'ai reçu un message du Quartier Générale il y a quelques jours. Ma présence est vivement requise dans le Nouveau Monde. Ces maudits pirates sont de plus en plus agités et un grand ménage s'impose.

Je dois m'y résoudre. Mon congé est dépassé depuis un moment déjà et ce cher Gaspard ne pourra pas me couvrir éternellement. J'aimerais tellement rester et voir grandir encore davantage ma petite Balta. Quand cette dernière me sourit, j'ai le cœur qui se soulève. Quand elle rit, je craque. Elle et Pilka sont les plus belles choses que ce monde m'ait offertes. Je parlerais de mon départ à Pilka demain. Gaspard veillera sur mes trésors, il m'en a fait le serment. Je partirais ainsi le cœur apaisé. Aussitôt la situation rétablie dans le Nouveau Monde, je reviendrais. Si nous parvenons à briser ces maudits pirates et que le Shinsekai devient un endroit plus sûr, je pourrais même y faire venir Balta et Pilka. Je vais redoubler d'efforts. Ces pirates n'ont qu'à bien se tenir.

East Blue -  8 aout 1615

Juoada. Où es-tu mon amour ? Tu n'étais pas là pour les premiers mots de Balta, ni pour ses premiers pas. Cela fait des mois que nous sommes sans nouvelles. Ton escargophone ne décroche pas. J'ai peur qu'il te soit arrivé malheur. Je refuse de recevoir à la maison une de ces médailles que le Gouvernement Mondial délivre aux familles des disparus et morts en service. Našlė en a reçu une la semaine dernière avec une lettre. Comme si une breloque en métal et quelques mots pouvaient compenser la perte d'un être cher. Il ne lui reste plus que son petit Lukas désormais. Balta et lui jouent ensemble très souvent. Nous croisons aussi parfois Püga et sa petite Audra, mais elle vient rarement nous rejoindre. Toujours sa fierté. C'est d'ailleurs toujours Balta qui l'aperçoit en premier et nous la désigne. C'est très impressionnant pour son âge. Elle touche à tout, s'intéresse à tout, mais ce qu'elle préfère, c'est la plage. Elle passe des heures à observer l'océan. Je me demande si elle a conscience que tu es là quelque-part, par delà l'horizon. Elle s'est aussi découvert une passion pour les fruits. Les myrtilles particulièrement. Heureusement, il en pousse abondamment dans le jardin. Je dois néanmoins varier les repas, sinon elle ne mangerait que ça toute la journée. Enfin. Puisque tu ne donnes pas de nouvelles, j'en ai demandé à Gaspard. Il m'assure que la situation dans le Nouveau Monde est très préoccupante depuis la mort de l'Amirale. Que les officiers sont mobilisés plus que jamais. Il m'a aussi parlé de possibles liens entre certains Officiers et des Révolutionnaires. Tout le monde soupçonne tout le monde et il serait possible qu'une purge ait lieu dans les rangs de la Marine. J'ai peur. Terriblement peur. Mais j'ai foi. Tu me reviendras.

East Blue -  12 Mars 1618

Papa est rentré ! Maman était super contente et moi aussi. Il revient de plus en plus souvent maintenant. Nous sommes allés à la plage tous ensemble. J'adore la mer. Il m'apprend à nager mais j'ai encore du mal. Maman dit que je suis encore trop petite. J'adore être avec Papa. Il me raconte tout un tas d'histoires. Il me raconte qu'il protège les gens et qu'il affronte de redoutables pirates. Il est trop fort. Une fois que j'ai tout mémorisé, je vais tout raconter à Lukas et Audra. Comme d'habitude Audra s'agace en disant que c'est normal. Que c'est son métier. Que son papa à elle protège aussi et que c'est mieux, car les dragons célestes ce sont des gens importants. Quand on lui dit que c'est pareil, elle crie puis s'en va bouder. Elle a un sale caractère, mais moi et Lukas on l'aime bien. Lukas va tout le temps lui parler et elle ne boude plus après. Il est trop gentil Lukas.

Gaspard vient souvent nous rendre visite aussi. Vu que je mange souvent des myrtilles, il m'appelle comme ça. Moi j'aime bien. Myrtille. J'aime les myrtilles. Maman dit que j'en mange trop, mais c'est tellement bon. D'ailleurs je ne grossis pas. C'est surtout Maman qui grossit en ce moment. Quand je lui demande pourquoi, elle me sourit.

East Blue -  14 Juin 1618

J'ai une petite sœur ! Elle est arrivée la nuit dernière. Elle s'appelle Rozine. Papa était là et il avait les yeux humides. Il m'a dit que c'était à cause du bonheur. Je vais pouvoir jouer avec elle, lui apprendre plein de choses, lui donner des myrtilles. Maman me dit que c'est encore trop tôt, qu'elle est trop petite. Je suis sûre qu'elle aimera ça. C'est super bon. J'en ai parlé à Lukas et Audra. Audra a encore boudé en disant que ce n'était pas juste, qu'elle aussi en voulait une. Lukas, lui était content et il a demandé comment elle s'appelait, si elle pourra jouer avec nous. Je suis sûre que oui. Je demanderais à maman. Il faudra que je reste près de Rozine très souvent. Papa m'a dit que c'est le rôle des grandes sœurs. J'aime bien passer du temps avec Papa. La nuit, avant de m'endormir, il m'apprend le nom des étoiles. Quand il n'est pas là, j'essaye de toutes les retrouver. Je serai bientôt incollable. J'aime aussi ce que m'apprend Maman sur les plantes, mais je préfère quand elle me parle des fruits. C'est bon les fruits. Surtout les myrtilles.

East Blue -  5 août 1925

Juoada nous rejoint il y a quelques jours. Les filles sont ravies. Il apprend à nager à Rozine. Balta se débrouille très bien maintenant. Elle grandit si vite. Elle passe ses journées dehors avec ses amis à jouer et à découvrir l'île. Ils ont fabriqué une petite cabane dans les bois parait-il. J'ai eu beau chercher, je ne l'ai pas trouvé. Elle revient souvent avec des écorchures. C'est une vraie casse-cou. J'essaye de la garder à la maison mais... Našlė m'assure que c'est normal.  Que c'est de leur âge. Avec Lukas avec eux, ils ne feront pas de grosses bêtises au moins et puis Balta a bien écouté mes leçons sur les plantes et les baies. Cela me rassure un peu. Quoique... elle m'inquiète un peu. Quand elle se plonge dans ses leçons, c'est comme si elle était ailleurs. Comme si plus rien n'existait autour d'elle. Je demanderais au médecin.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui c'est pique-nique. Našlė et Püga nous on rejoint avec Lukas et Audra.  Püga a encore voulu nous épater avec ses petits plats. Nous ne disons rien, mais nous savons bien que c'est son cuisinier qui fait tout. On la félicite, cela lui fait plaisir et nous sommes tranquilles pour l'après-midi. Les enfants jouent, nous discutons en les surveillants. La journée est parfaite. Cela nous permet un peu d'oublier la situation dans le monde. Les pirates sont plus virulents que jamais. Même sur East Blue nous ne sommes pas épargnés. Beaucoup d'entre eux remontent Grandline et en inspirent d'autres. Il est grand temps que le Gouvernement Mondial reprenne les choses en mains. Très vite je l'espère. Balta ne cesse de parler de la Marine. Elle a envie de suivre les traces de son père, je le vois bien. Inutile de demander à Juoada de l'en dissuader, c'est lui qui lui a mis tout ça dans la tête avec ses histoires. Il dit que je m'inquiète trop. Peut-être qu'il a raison. Enfin, tout cela est encore loin. Profitons de l'instant présent. Nous irons cueillir des myrtilles dans les bois tout à l'heure tient. Cela fera plaisir aux enfants.

East Blue -  23 Avril 1926

Oh mon Dieu... ma petite Balta. Pourquoi ? Le médecin m'assure que tu es hors de danger mais... Našlė et Püga sont à mes côtés et essayent de me réconforter. Je n'aurais jamais dû te laisser toute seule avec Lukas et Audra pour garder ta petite sœur. Qu'est ce qu'il m'a pris d'aller faire mon marché ? Maudits pirates ! J'espère qu'ils auront ce qu’ils méritent ! Ils ont débarqué ce midi et ont commencé à ravager le Centre-ville. Les marins présents sur place étaient impuissants. Puis ils ont disparu. Je suis rentrée en trombe à la maison et... c'est là que je l'ai vu... ma petite Balta... tout ce sang... Lukas nous a tout raconté. Ce capitaine Johns a débarqué et vous vous êtes cachés, mais il a trouvé Rozine et a voulu l'emporter avec lui. Il était là pour nous. Il voulait un otage pour attirer Juoada et lui tendre un piège. Tu t'es interposée et il a... il a abattu son sabre sur toi... Ce cher Lukas. C'est grâce à tout ce que tu as entendu que Gaspard a pu nous ramener Rozine saine et sauve. Je n'ose pas appeler Juoada... Gaspard a dit qu'il le ferait. Maman n'était pas là pour te protéger ma petite Balta. Pardonne-moi.

East Blue -  03 Juin 1926

Balta retrouve petit à petit l’appétit, mais elle n'ose pas sortir de sa chambre. Elle ne mange que des myrtilles, du matin au soir et Pilka n'a pas le cœur de l'en empêcher. Tout est de ma faute. Maudit Johns. J'aurais dû en finir avec lui quand j'en ai eu l'occasion. S'en prendre ainsi à ma famille. Il n'y a eu aucune pitié pour lui et son équipage. Exécutés, tous, sans exceptions. C'est le sort que méritent les pirates de cet acabit. J'ai donné des ordres. L'île verra un renforcement de la présence de la Marine, ce que Gaspard demandait depuis des années au QG. Il a sauvé ma petite fille. Il ne se pardonne pas que Balta ait été blessée ce vieux briscard. Moi non plus... Elle qui voulait s'engager dans la Marine... Pourtant, je suis sûr qu'elle s'en remettra. C'est une Mirtis. Je lui ai tellement promis qu'elle pourrait me rejoindre un jour au sommet. Pilka ne le sait pas, mais je sais comment Balta tâche son pansement. Elle recommence à s'entrainer quand elle est toute seule dans sa chambre. C'est une battante. Je suis fière d'elle. Le médecin passe tous les jours. Il se veut rassurant, sauf pour la cicatrice dans son dos. Elle ne disparaitra pas, la blessure était trop profonde. C'est un miracle qu'aucun organe vital n'ait été touché. Continue à t'entrainer ma fille et jamais plus il ne t'arrivera ce genre de choses. Quand tu rejoindras la Marine, je ne pourrais pas t'aider. Tu devras faire tes preuves, toute seule. Les favorisés sont beaucoup trop mal vus et ne sont pas respectés. Toi on te respectera. Tu seras ma digne héritière.

East Blue -  14 Février 1928

Ma demande a été acceptée. Je commence la semaine prochaine dans la caserne du vieux Gaspard. Je suis sûre que Maman a obligé Papa pour que l'on me donne cette affectation. Je ne risquerais pas grand-chose avec lui, son unité ne prend quasiment jamais la mer plus de quelques jours. Je ne risque pas d'aller bien loin et de trouver de nouvelles variétés de fruits. Pour découvrir l'océan, n'en parlons pas... Enfin C'est peut-être mieux comme ça. Je ne suis pas encore prête à recroiser des pirates. La cicatrise dans mon dos me fait encore mal. Je refais souvent le même cauchemar en revivant cette journée. Et même si j'ai grandi, même si je suis plus forte, la fin est toujours la même... Bref. Je vais pouvoir faire mes débuts en tant que Mousse. Une première marche pour rejoindre Papa dans le Nouveau Monde. C'est un véritable bazar là-bas depuis un moment. Des trahisons, des assassinats, des morts, des réapparitions. On dirait l'une des histoires grotesques que ne cesse de lire Audra dans ses magazines. Lukas voulait me suivre, mais sa mère a refusé. Il va rejoindre le vieux Kepejas et sa boulangerie en tant qu'apprenti. Ce n'est pas plus mal, il a toujours été doué en cuisine. Peut-être qu'il pourra rejoindre la Marine plus tard, en tant que cuisinier. Qui sait ? Audra m'a offert une brosse à cheveux de sa collection. Elle n'ose pas me le dire, mais je sais que je lui manquerais. Ils me manqueront tous les deux. Maman aussi va me manquer. Je sais que je lui fais de la peine en partant, qu'elle a peur pour moi. Je lui ai promis de lui envoyer très souvent des nouvelles et j'ai demandé à Rozine de prendre soin d'elle. Son tour viendra aussi. Je me suis entrainé dur, je deviendrais vite forte et je rejoindrais Papa. Il m'a laissé sa casquette et son katana d'apparat. Je lui rendrais un jour. Il m'a dit que son katana avait un nom. Je crois qu'il s'appelait(le reste de la page du journal est illisible à cause d'une tâche de jus de myrtille).