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Transcender sa condition

Voilà quelques temps déjà que Mountbatten s'était établi sur l'île, à la tête de la première entreprise d'armement locale. Le Complexe Militaro-Industriel de Terra avait encore de beaux jours devant lui, grâce aux contrats publics. Maintenant que les choses étaient posées, il fallait qu'il avance pour remplir sa mission. Il devait à tout prix se rapprocher de l'Imperiosa, et lui prouver sa loyauté.

Le problème était le système social de l'île. Si la liberté était assurée au plus grand nombre, les Elus avaient un poids politique bien plus prépondérant que les autres. Ils organisaient une armée parallèle à la Garde Impériale, composée des roturiers. Cette dernière n'avait pas beaucoup de voix au chapitre, et ne possédait qu'un seul membre au Conseil de Sekiza. Autrement dit, dans l'état actuel des choses, le Fantôme allait devoir s'appuyer sur les Élus et non pas sur la Garde Impériale.

Cependant, c'était un club fermé d'aristocrates. Lui qui avait grandit dans un tel milieu, il savait à quel point les nobles pouvaient se montrer dédaigneux envers les autres, et déconsidérer toute proposition des personnes de rangs inférieurs. Il fallait donc qu'il s'arrange pour intégrer une des Cent Familles. D'après ce qu'il avait compris en lisant tout un tas de bouquins, cela pouvait se faire par deux voies : le mariage ou l'adoption. Autant dire qu'il n'était pas emballé par les deux options. La première signifierait trahir Louise, celle qu'il avait aimé si intensément, avant de la perdre pendant la guerre sur Vindex. Il entendait parfois sa voix, comme si sa présence surnaturelle s'était installée durablement dans son esprit. Elle l'avait accompagné dans les moments difficiles. La trahir était probablement une des dernières choses qu'il souhaitait. De l'autre côté, renier sa famille d'origine était inimaginable : pour Mount, les valeurs traditionnelles comme la famille étaient encore importantes à ses yeux, même après tous les derniers événements.

Il réfléchissait à ce dilemme dans son bureau. Une pièce de taille moyenne, qui surplombait les chaînes de production. A côté, le superviseur direct de l'usine s'occupaient de l'administration quotidienne et d'ajuster les procédés de fabrication pour rendre le site plus performant. Avec le bruit des machines et des outils qui tapaient le fer, il ne pouvait décidément pas se concentrer. Mount décida de sortir et d'aller au centre-ville pour se changer les idées, et voir laquelle des décisions devait-il se résoudre à prendre.

Habillé comme un homme d'affaire, avec un costume trois pièce noir et blanc, il ne se distinguait que par son cache-oeil sur la partie droite de son visage, témoin des batailles qu'il avait enduré. Cela attirait de temps à autre l'intérêt des passants, sans qu'il ne s'attarde trop dessus. A Alpha, les gens ne badinaient pas vraiment. L'atmosphère était au travail acharné.

Après quelques minutes de marche cadencée au rythme des cheminées et des machines à vapeur, l'ancien officier arriva sur la place du marché, le cœur de la cité d'Alpha. C'était un vaste endroit, entièrement recouvert par plusieurs couches de bâtiments. C'était très particulier comme architecture, et pourtant très agréable. De tous les côtés, les marchands entretenaient des étalages sur lesquels toute sorte d'objets étaient vendus. Quand on s'approchait des arcades, plusieurs grands magasins s'offraient aux visiteurs. Il y avait là quelques enseignes célèbres ; d'autres, plus modestes, occupaient une surface bien plus réduite.

C'était presque le crépuscule, et les rayons de soleil faiblissaient à vue d'oeil. Avec ce filtre orangé, c'était presque féerique. Contrairement à de nombreuses villes du Nouveau Monde, Alpha était un lieu apaisé, sans confrontation. A l'image du pays tout entier, c'était un phare de civilisation et de vivre-ensemble dans une mer particulièrement agitée. Même à cette heure presque tardive, les négociants s'affairaient et renouvelaient sans cesse les produits exposés. Le marché continuait très tard, et avait pourtant une clientèle encore nombreuse.

Petit à petit, Mountbatten tombait sous le charme de cette nation dont il ne connaissait rien il y a quelques mois encore. C'était pour lui l'occasion de se refaire une nouvelle vie, de repartir de plus belle après l'épisode tragique qui s'était déroulé à Vindex et qui s'était conclu par son expulsion de la Marine d'élite. Il était encore hanté par le conflit. Il faisait des cauchemars tous les soirs, revivant des scènes horribles et qu'il aurait amplement voulu oublié. Mais son cerveau en avait décidé autrement, et il était condamné à en subir les effets. Il était, pour ainsi dire, victime d'un stress post-traumatique. Après coup, la majorité des combattants de Vindex en avaient développé un, preuve de la violence inouïe des affrontements.

Il marchait là, divaguant. Il était moins intéressé par l'agitation autour que par sa réflexion. Alors, pour penser à la suite tout en étant plus tranquille, il se dirigea vers un des parcs publics du centre d'Alpha. La ville avait investi dans plusieurs parcs du même style pour accroître la végétation urbaine, de sorte que les habitants puissent retrouver des espaces en-dehors du béton proliférant et des constructions industrielles qui pullulaient à l'extérieur du centre.

Il se posa sur un banc, la tête pensante. Après quelques minutes, il ressentit une sorte de malaise : comme s'il n'était pas seul. Il regardait les alentours : toujours personne. Autour de lui, que des buissons ou des arbres de taille moyenne. Quelques parterres de fleurs aussi, mais pas d'êtres humains. Difficile pour lui de se reposer donc.

Tout à coup, il entendit bel et bien un buisson bouger. Il n'était pas fou ! Quelques branchages avaient été secoués. Il activa son Haki de l'Observation pour ne pas prendre de risque. Après tout, Terra n'était pas dénuée de meurtriers et de voleurs. Mais il se rassura vite : la personne était isolée, et ses intentions n'étaient pas hostiles. Elles étaient mêmes amicales. Mount détectait une sorte de curiosité enfantine, rien de bien méchant.
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Il se retourna et fixa le buisson en question de son unique œil, l'air circonspect. Il attendit quelques secondes, que l'étranger se montre à lui ; en vain. Il décida de faire le premier pas et se leva en direction de la source des bruits. A mesure qu'il approchait, le buisson s'agitait de plus en plus. Au bout d'un moment, une jeune fille se redressa et fit face à l'ancien marin en un éclair.

"- Salut !

- Euh... Oui, bonjour jeune fille." dit Mount, en fronçant les sourcils.

"- Il y a un problème ? Tu me regardes depuis tout à l'heure.

- Nan ! C'est pas ça en fait. C'est ton truc à l'oeil, là. C'est bizarre.

- Bizarre ? J'aurais plutôt dit original, exotique.

- Ça c'est sûr. Y'a très peu de gens sur Terra qui ont un truc pareil. T'es nouveau ici, nan ?

- Oui.

- ... ?

- Ben quoi ?

- T'es très bavard, hein.

- Je devrais ?

- Ouais, je préfère les gens joyeux."

Mountbatten marqua une pause, et esquissa un sourire. Tant d'innocence... C'était rafraîchissant ces temps-ci.

"- Tu sais, parfois les gens ne sont pas joyeux pour une bonne raison.

- J'espère que t'as une bonne raison alors !"

La jeune fille fit une grimace presque mignonne. Elle avait un style particulier : un mélange entre le conformisme d'une chemise accompagnée d'une cravate, et l'aspect rebelle que lui conférait les couleurs vives qui composaient sa tenue. Elle avait un teint étrangement pâle, qui contrastait avec sa chevelure et son léger maquillage violet. Un drôle de personnage, en somme.

"- Une bonne raison ? Ahah... Bien sûr que j'en ai une ! Mais c'est pas pour les gens de ton âge. Reviens me voir dans quelques années, qui sait.

- Mais je veux savoir !!

- C'est... Non, non. T'en ferais des cauchemars, et je veux pas avoir de problème avec tes parents, ahah !

- Y'a quoi avec mes parents ?

- Hein ? Non rien, je les connais pas. Je dis seulement que si je te mets des mauvaises images dans la tête, ça va sûrement les agacer.

- Tu connais pas mes parents ?

- Ben non, je sais pas, je m'en fiche un peu je t'avoue.

- ...

- Hum, oula... Ils sont connus ?

- ... Ma maman c'est l'Imperiosa en fait, alors tu vas te calmer et tu vas me raconter ton histoire !!

- .... HEIN ?!"

Il sursauta, et comprit que la petite curieuse qui se trouvait en face de lui était en réalité la fille entre Dash et Sekiza, d'après ses informations. Il la fixa quelques secondes de manière assez étrange, puis s'esclaffa de rire. Ce don du Ciel allait sûrement l'aider dans sa quête.

Alors, ils se posèrent sur le banc et il lui raconta ce qu'il avait vécu sur Grand Line, du moins dans les grandes lignes. Elle avalait ses mots sans broncher, tant et si bien qu'il crût un instant qu'elle ne comprenait pas ce qu'il disait. Mais elle était simplement attentive aux histoires de l'étranger. La vie morne et silencieuse du palais impériale avait le don de la faire fuir, et elle cherchait simplement à s'amuser à l'extérieur. Ses parents étaient en effet très occupés, et ne pouvait pas rester avec elle la majorité du temps.

Pour Mount, c'était une aubaine. Et puis, en lui racontant toutes ses péripéties, notamment celles sur Vindex, il se libérait d'un poids. C'était un exutoire. Il parlait peu de son passé, et de ses heures de gloire dans la Marine. Même avec Darren Livingstone, l'émissaire de Ravrak qui l'avait déposé sur Terra en le chargeant de sa mission, il n'avait eu que des discussions sur l'avenir, rarement sur le passé. Alors, il se remémorait les moments de camaraderie avec ses collègues de la quarante-huitième division d'élite, ses premiers pas sur la Route de Tous les Périls... Et puis il y avait eu ce conflit meurtrier auquel il avait participé pendant sept mois, et plus encore si on compte la période d'occupation de l'île. Il avait perdu sa compagne et son meilleur ami et compagnon de toujours. Des souvenirs douloureux, qu'il livrait à la jeune fille tout en atténuant l'intensité des émotions pour ne pas la choquer.

Les minutes, puis les heures défilaient. Le soleil couchant avait résolument fait place à une demi-lune, qui illuminait partiellement le parc et les ruelles d'Alpha. Peu de personnes se promenaient à cette heure-ci, si ce n'est les bandits et les travailleurs de nuit. Étrangement, celle qui s'appelait en réalité Mara Delarena avait fait son escapade seule, sans protection rapprochée. Un manquement aux règles qui avait le don d'énerver la garde du palais mais qui la faisait beaucoup rire. Un peu de liberté, que diable.

Alors que la nuit s'installait progressivement, et que les douze coups de minuit s'approchaient, Mount mit fin à la discussion. Il était tard, et il valait qu'elle rentre chez elle. Et puis lui, il travaillait le lendemain.

"- Aller, je te laisse. Demain, je dois travailler.

- Nan ! ... Fuu... Bon ok, mais demain tu me racontes la suite !

- Si tu veux ! Mais au palais, cette fois.

- Ouais !! Super. Tu viendras, promis ?

- Promis."

Et comment. Le Marijoan n'allait pas laisser passer cette occasion en or filer devant lui. Alors, même s'il avait apprécié ce moment passé avec la princesse, son but était tout autre : se faire remarquer par les officiels du palais et, en tête, l'Imperiosa et Dash, ses parents.
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Le palais impérial se trouvait à Alpha, dans les hauteurs. Il surplombait l'immense métropole et avait une vue directe sur le port et l'estuaire par lequel tous les navires entraient à Terra. Avant de pénétrer dans les bâtiments principaux, il fallait traverser un jardin somptueux, comprenant d'innombrables espèces végétales toutes aussi belles les unes que les autres. Les parterres de fleurs multicolores contrastaient avec les tons sombres des pins et des chênes. Quelques vignes s'entrelaçaient autour des clôtures. Les chemins étaient pavés et larges, ce qui permettait aux diligences et aux délégations d'aller et venir sans aucun problème.

Contrairement à d'autres résidences royales, le palais d'Alpha n'arborait pas des décorations superflues et honteusement hors de prix. La bâtisse était certes imposante, mais sans dentelle, sans détail inutile. Le bâtiment qui contenait la salle du trône et les appartements de la famille royale s'étendait sur cinq étages, et n'était pas plus orné que les autres. Le teint blanc cassé des pierres couvrait la majeure partie du paysage, mais il était agrémenté de plusieurs dorures en feuille d'or. En comparaison du palais d'Aldebaran sur Vindex, celui de Terra était relativement modeste, pensa Mountbatten.

Il avait donc, comme convenu, été autorisé à entrer pour aller raconter la suite de son histoire à la petite Mara. C'était le milieu de l'après-midi. L'ancien officier avait fini à la hâte quelques dossiers à l'usine, et avait pris le train d'Alpha jusqu'à Delta. Sur la route qui menait jusqu'à ses appartements, il croisa plusieurs dizaines de gardes en uniforme. Des membres de la Garde Impériale, sans doute. Ils ne réagissaient pas à la venue d'un étranger, et semblaient garder leur calme et leur professionnalisme en toute situation. Ils portaient fièrement leur tenue kaki, sur laquelle on pouvait distinguait leurs grades via leurs épaulettes. Par rapport aux vêtements de la Marine, c'était plutôt réussi.

Un majordome le guida jusqu'à la grande salle de jeu qu'occupait la petite Delarena. Elle était grande, remplie de décorations typiques d'un enfant de son âge. C'était ici précisément qu'elle invitait les aventuriers et autres marginaux pour qu'ils lui content leurs histoires. En réalité, elle raffolait de ces récits. Ainsi, par l'intermédiaire de ces étrangers, elle voyageait, s'évadait de l'atmosphère étouffant et protocolaire du palais. Elle avait soif d'aventure, de rencontre. Elle abhorrait l'ennui et la routine, et elle adulait l'excentricité et la nouveauté. Alors son nouveau jouet était en quelque sorte le Fantôme. Elle se servaient de ces gens pour se divertir. C'était en vérité un loisir mesquin, sordide ; mais c'était le sien, celui d'une princesse pourrie gâtée.

Après quelques minutes d'attente, elle se montra enfin. Sa tenue était raffinée, bien plus que celle de la veille. Celle qu'elle utilisait pour ses escapades était bien plus confortable et moins coûteuse que celle qu'elle portait au palais. Il fallait bien se faire voir, d'abord auprès de ses parents, mais aussi auprès des conseillers et des divers responsables politiques. Après tout, elle était à l'heure actuelle l'unique héritière légitime du trône de Terra.

Alors ils reprirent la conversation là où ils en étaient restés, comme si la vie de Mountbatten était un feuilleton qu'elle suivait comme si rien de tout ça ne s'était passé. Ils se posèrent autour d'un thé et il déballa les événements, et dans le même temps ses sentiments, sans en dire trop. De temps à autre, elle réagissait avec joie ou effroi, en fonction de la situation.

Le temps s'écoulait et l'heure du dîner approcha. Ses domestiques interrompirent l'échange pour mener Mara et son invité jusqu'à la salle à manger, dans laquelle se trouvait l'Imperiosa et Dash, ses parents, ainsi que les membres du Conseil qui se trouvaient au palais. Curieusement, la petite fille avait insisté pour qu'il l'accompagne. Elle se plaisait en sa compagnie. Après avoir entendu ses histoires, elle éprouvait de l'empathie pour son destin tragique, sans pour autant tomber dans la pitié ou la révolte. Et puis son père et sa mère aimaient bien garder un œil sur les personnes qui divertissaient leur fille.

Il était donc exceptionnellement invité au couvert des dirigeants les plus puissants du pays. C'était un honneur, un privilège que peu avaient. Et le Marijoan savait que l'occasion n'allait pas se représenter de sitôt. Il fallait donc qu'il joue finement. La procession de la princesse arriva assez vite jusqu'à la salle à manger. Lorsqu'ils furent à portée de vue de la table, Mount dévisagea les convives. Il y avait tout d'abord l'Imperiosa Sekiza Delarena. Elle était installée en bout de table, et portait une armure en métal, tout comme son mari. C'était très surprenant de les voir les porter ainsi lors du repas. Mais ils étaient habitués, et cela reflétait bien leur aspect guerrier. De part et d'autre de la table se trouvaient quatre conseillers. Il y avait aux côtés directs de la souveraine la dénommée Lushina, Première Conseillère. Son air austère et sa mine blafarde pouvait en rebuter plus d'un ; d'autant plus qu'elle ne possédait qu'un seul œil, coloré d'un rouge bordeaux inquiétant. Il reconnut immédiatement le maréchal Flika, avec qui il avait déjà eu affaire lors de la création de son entreprise, et qui avait commandité les contrats publics d'armement. Enfin, les deux autres étaient des Élus : Markus Antonov et James Enfield. C'était des technocrates, déjà là avant l'arrivée de Sekiza, et qui s'étaient montrés très utiles à la nouvelle reine de Terra et s'étaient ainsi assurés leur place au Conseil. Il ne manquait qu'un membre pour que la plus haute instance de l'île soit réunie au complet autour de la table.
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"- Bonjour tout le monde !"

A ces mots, les personnes présentes dans la salle saluèrent la princesse à leur manière, en fonction de leur rang. Ses parents, bien entendu, se contentaient d'un sourire, tandis que les conseillers exprimaient leurs salutations de manière bien plus formelle, en rappelant sa place dans la hiérarchie nobiliaire. Ensuite, les regards se tournèrent vers l'inconnu. Habillé de sa veste de bureau, il n'avait pas d'autre signe distinctif que son cache-oeil sur le flanc droit de son visage.

"- Eh bien Mara, présente-nous ton nouvel ami.

- Oui ! Bien sûr maman. Il s'appelle Mountbatten, et travaille à Alpha. Mais il a vécu des choses incroyables !

- Allons ! Allons, n'oublie pas les bonnes manières. Asseyez-vous, nous aurons tout le temps pour discuter."

Son père pointa avec son bras les deux places vacantes à l'autre bout de la table. Les assiettes étaient déjà servies et les verres pleins. Ce jour-là, c'était rôti d'agneau, accompagné de son lit de truffes. Dans les verres à pieds reposait du vin blanc local, dont les vignes se trouvaient sur le dessus des falaises qui entouraient Terra. Un repas luxueux certes, mais pas non plus fastueux à souhait. Ne serait-ce que par l'unicité du plat proposé : dans certains palais, les souverains font amener toute une ribambelle de plats sur la table, dont la moitié est souvent gaspillée. Ici, point de vanité : le repas était un moment convivial et de discussion, mais c'était avant tout le moment de la journée où il fallait se nourrir. Encore une fois, le superflu n'était pas la norme chez les Delarena.

"- Alors, d'où venez-vous, Mountbatten ?

- Tout d'abord, je tiens à vous dire combien je suis honoré d'être ici ce soir. Je vous remercie de m'avoir accepté à votre table.

- Oh, ce n'est rien. Les amis de Mara sont nos amis, vous savez.

- Ahah ! C'est gentil. A vrai dire, je viens de Marie-Joie."

Sekiza manqua de s'étouffer. Elle s'essuya gracieusement, mais tourna immédiatement la tête vers l'ancien marin.

"- Marie-Joie, la Ville Sainte du Gouvernement Mondial ?

- Exactement.

- Mais... Comment se fait-ce que vous soyez ici ? La plupart des Marijoans travaillent pour eux. Et vous savez probablement que nous n'avons pas une relation très... Cordiale, avec ces gens-là.

- Oui, je suis au courant. Disons que mon parcours est un petit peu spécial...

- J'imagine ! Continuez.

- Je viens de la noblesse de Marie-Joie, et j'ai entamé une carrière dans la Marine d'élite assez vite. J'ai d'abord été sur South Blue, avant d'être muté sur Grand Line, sur la Gueule de Requin. Vous voyez peut-être où ça se situe ? C'est dans la quatrième voie.

- Euh... La quatrième... Je connais bien Astérion, mais le reste, absolument pas.

- N'est-ce pas l'île qui abrite une base importante de la Marine ?" Demanda un des conseillers, répondant au nom de Markus.

"- C'est ça. J'étais lieutenant d'élite à l'époque, et je remplissais plusieurs missions de routine, jusqu'à la moitié de l'année 1627. Vous avez peut-être eu des échos des événements qui se sont passés sur Vindex ?

- Vindex ? Ça me dit un truc, oui.

- Mais oui ! Il y a eu une guerre là-bas, souvenez-vous.

- C'était entre qui et qui déjà ?

- Aucune importance, c'était sur Grand Line après tout.

- C'est ce que vous dites, Markus. Sauf que j'avais lu que ça avait mis un coup d'arrêt à la Révolution sur la quatrième voie. Ce n'est pas négligeable quand même.

- Oui... Si vous voulez...

- M'enfin. Continuez, ça m'intrigue.

- Et... Comme certains l'ont mentionné, il y a eu une guerre qui s'est déroulée là-bas. Pendant sept mois. Un conflit de grande envergure comme on en voit rarement. Des dizaines et des centaines de milliers de morts. Une horreur sans nom. C'est là-bas que je me suis fait ça." dit Mount, en pointant du doigt son cache-oeil. Bien sûr, il omettait de préciser que derrière le tissu noir se trouvait un prothèse oculaire tout à fait fonctionnelle, qui lui permettait de voir la nuit et qui avait grandement amélioré sa vision à longue distance. Mais mieux ne valait pas dévoiler toutes ses cartes dans l'immédiat. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il ne mentionnait pas non plus son fruit du démon.

"- Comment l'avez-vous perdu ?

- C'était dans les derniers mois de la guerre. A ce moment-là, l'issue était quasiment certaine, et on rencontrait une résistance farouche, fanatique. On combattait dans des tranchées, dans la boue, au milieu de nos camarades morts et de la terre labourée par l'artillerie. C'était un enfer que je ne pensais pas possible. Jamais de toute ma vie j'aurais pu penser que ça pouvait exister.

- Des tranchées ? Mais pour combien de temps ?" s'interrogea Flika, lui qui était un spécialiste des questions militaires.

"- Tout le problème était que ces tranchées ne servaient pas pour protéger un ou deux objectifs stratégiques, pendant quelques jours, voire quelques semaines. C'était sur l'ensemble du front, pendant plusieurs mois.

- Impossible ! Utiliser des tranchées sur toute la longueur... Ça n'a pas de sens...

- Et pourtant... Nos ennemis étaient aussi déterminés que nous, et ne voulaient plus céder une parcelle de terrain en plus."

Mount secoua légèrement sa tête. Rien qu'à y penser, il en avait la gorge nouée. Il arrêta de manger son plat, aussi délicieux soit il. Le raconter à une seule personne, c'était déjà difficile ; mais à une audience complète, c'était une première fois très abrupte. Le Fantôme avait développé des troubles de stress post-traumatique, traduits par des cauchemars à répétition où il revivait des épisodes particulièrement choquants. Son ventre se nouait aussi. En évoquant la guerre de position, il eut d'un coup une vision, comme celle qu'il avait pendant ses nuits. Il se revoyait là-bas, dans un uniforme tâché de rouge et de brun, avec ses soldats à ses côtés. Ce n'était pas une scène de combat ; simplement un morceau du quotidien qu'ils avaient enduré. Il marchait au milieu de la tranchée pour rejoindre un point, plus loin. Sur les côtés, ses hommes se reposaient, parlaient ou jouaient aux cartes. Ils avaient un regard vide, lessivé par le conflit. Ils n'exprimaient aucune autre émotion que la peur. Ceux qui disaient que la guerre était faite de héros et de courage étaient des imposteurs qui n'avaient pas connu la dure réalité. On tuait l'autre pour survivre, dans un match à mort ; parce que c'était ainsi.

Il reprit son histoire après quelques secondes, devant des convives désabusés et qui comprenaient petit à petit la singularité de son histoire, et toute sa tragédie.

"- Enfin... Bref. La guerre s'est finie sur Vindex en gâchant de nombreuses vies. Le roi en place sur l'île fut remplacé par un monarque fantoche à la solde du Gouvernement Mondial. Les démons du Cipher Pol pensaient qu'ils pouvait par la suite le manipuler suffisamment pour obtenir ce qu'ils voulaient, mais il ne leur laissa pas ce plaisir. Pendant les mois qui suivirent le retour au calme, j'ai été affecté sur l'île pour mater les rébellions. Mon dernier poste fut celui de garde du palais royal.

- Dernier ? Alors vous avez démissionné après avoir vu tout ça ?

- Non, ahah. Pas vraiment. Le Cipher Pol a monté un complot, et a fini par tuer ce Roi trop indépendant selon eux. Et ils m'ont fait porté le chapeau, en tant que chef de la sécurité. Ils m'ont accusé de l'avoir assassiné pour de l'argent, alors je me suis enfui. Je savais que j'étais innocent, mais je connaissais leurs méthodes. Pour des cas de force majeure comme celui-ci, les gens ne sont pas envoyés à Enies Lobby devant un juge pour assister à un procès équitable. C'était un peloton d'exécution qui m'attendait derrière moi.

- C'est honteux !

- Ce sont donc les pratiques du Gouvernement Mondial ? Je l'ignorais.

- Et du coup, cher Mountbatten, comment en êtes vous arrivés à venir jusqu'ici ?

- Un coup de chance. Je me suis incrusté à bord d'un navire pirate pour traverser Red Line, et le hasard m'a conduit jusqu'à Terra. Et la suite, je pense que le maréchal Flika la connait." dit-il, en souriant à l'intéressé.

"- Tout à fait ! Vous savez, l'usine d'armement dont je vous ai parlé au Conseil ? C'est cet homme qui a porté le projet et l'a financé sur ses fonds propres.

- Sérieusement ?

- Eh bien, je dois dire que je suis impressionnée, étranger. Votre expertise est la bienvenue à Terra.

- Je vous remercie ! Et en effet, j'espère que cette collaboration nous sera mutuellement bénéfique."

Le reste du repas se déroula avec un ton cordial. Mount posait des questions sur l'organisation de Terra ; sur des détails dont il n'avait pas capté l'essence à la bibliothèque. Il voulait savoir les rouages qui ont mené ce petit État indépendant à réussir à protéger sa souveraineté au milieu des titans que sont le Gouvernement Mondial et les Quatre Empereurs. Il nota également que Dash était très silencieux : il ne faisait qu'écouter les autres, sans jamais intervenir. C'était très curieux ; d'autant plus qu'il portait une armure intégrale. Quel personnage singulier.

A côté des discussions de grandes personnes, la petite Mara s'effaçait. Elle ne comprenait plus grand chose aux sujets qui étaient abordés, et s'ennuyait. Elle avait déjà écouté l'histoire de l'étranger, mais était quand même fière de le présenter à ses parents pour leur montrer qu'elle avait de bonnes fréquentations. Ils étaient plus habitués aux pirates, rustres et qui n'avaient que peu de discussion ; ou bien des civils de passages, la plupart du temps des marchands. Des récits certes intéressants, mais qui n'avaient pas de potentiel à apporter pour la nation.

Le cas de l'ancien officier était différent. Il avait une expérience et des savoir-faire particuliers, qui pouvaient davantage servir l'Empire. C'était notamment Flika qui y était sensible, dans le contexte de rivalité entre la Garde Impériale et les Élus. Les autres membres du Conseil également ; mais ils se sentaient moins concernés des affaires militaires et ne juraient que par la pureté du sang et l'appartenance aux Cent Familles.

Le dîner se termina sur plusieurs pâtisseries au chocolat, et sur un digestif très fort. Les domestiques se hâtèrent pour débarrasser la table, et assez vite Mountbatten salua ses hôtes, en les remerciant chaleureusement. Les dirigeants de Terra n'étaient pas des personnes hautaines, et étaient assez ouvertes sur le monde, à l'image du reste des habitants de l'île. L'Imperiosa était un despote éclairé, et avait tendance à ne pas juger les gens sur leur origine, en partie de par sa condition personnelle. Si elle avait suivi les recommandations des Cent Familles, elle n'en serait probablement pas là aujourd'hui.

Mountbatten sortit donc du palais impérial, accompagnée de son amie Mara. Celle-ci le félicita pour l'impression qu'il avait laissé à ses parents, et elle lui livra aussi son avis sur les membres du Conseil. Elle trouvait Markus austère et dédaigneux. Décidément, elle ne l'aimait pas. Par contre, James était bien plus sympathique , et se livrait de temps à autre à de petites boutades. Il était d'un naturel optimiste et bienveillant, d'après ses dires. Enfin, il y avait le maréchal Flika. A vrai dire, elle n'avait pas beaucoup de contact avec lui, car ce n'était pas un Élu. Elle le trouvait très investi dans son travail, toujours d'un sérieux exemplaire.

En parlant de Flika, celui-ci arriva en courant dans les jardins. Son uniforme du palais semblait peu adapté à la course à pied ; aussi il se mit à haleter pendant quelques secondes en arrivant à la hauteur de la princesse et de son ami. Il redressa la tête, sur laquelle quelques gouttes de sueur s'échappèrent de son front.

"- Mountbatten ! J'ai... Fou, fou... Besoin de vous... Fou, fou... Parler !

- Hum, oui bien sûr ! Mais reprenez votre souffle d'abord.

- Fiou... C'est qu'il est grand ce jardin... Bon... Princesse, si vous pouvez nous laisser seuls, je vous serais reconnaissant.

- De toute façon j'allais quitter Mount. A plus !

- A la prochaine Mara !" dit-il, un sourire en coin. Elle était amusante dans un sens. Elle savait respecter les règles, mais aussi les bafouer sans aucun remord. Sa liberté... Il l'enviait, quelque part. Lui était toujours bloqué avec ce foutu contrat, et n'allait pas pouvoir retrouver sa liberté d'action avant de réaliser sa mission.

"- De quoi s'agit-il, maréchal ?" Reprit-il, la mine plus sérieuse et le ton plus grave.

"- Eh bien... Il faut dire que je ne connaissais pas votre passé, et vos compétences seraient très utiles au sein de la Garde Impériale...

- J'écoute.

- Alors voilà. Vous avez une expérience du conflit et des méthodes de la Marine qui dépasse celle de nos meilleurs soldats. J'aimerais vous voir intégrer nos rangs.

- Entrer dans la Garde Impériale ? Est-ce que ça ne risquerait pas de m'empêcher de m'occuper de mon affaire ?

- J'y ai pensé, et je crois qu'un poste d'enseignant au sein de l’École militaire vous siéra à merveille. Vous serez donc sous statut militaire, avec un grade de Lieutenant-général.

- Et j'y enseignerais quoi là-bas ?

- Eh bien... Pourquoi pas la tactique ? Ou bien un cours sur le Gouvernement Mondial ? Après tout, si nous nous engageons de manière plus ferme contre Marie-Joie, il faut que nous connaissions nos adversaires. Et tout cela passe par la formation des nouveaux membres de la Garde.

- Intéressant... A partir du moment où j'aurais suffisamment de temps libre pour remplir mes obligations envers mon entreprise... J'accepte."

A ces mots, Flika eut un large sourire, et tendit sa main droite à son interlocuteur. C'était un sourire franc, presque d'amitié. D'une certaine manière, il plaçait ses espoirs dans cet étranger. Mountbatten avait déjà prouvé qu'il était un partenaire fiable durant l'élaboration du Complexe Militaro-Industriel de Terra. Et cette fois-ci, il allait peser dans la balance entre la Garde Impériale et les Élus. Peut-être qu'un jour, l'armée civile redorera son blason, et potentiellement avec l'aide de l'homme qui se trouvait face à lui.

"- Vous ne le regretterez pas !"
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