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Quand le squale ouvre sa gueule

Grand amas de roche au milieu de l’océan, l’îlot de la gueule de requin est un endroit pour le moins atypique. Déjà parce que le lieu est balayé quasi sans discontinuer par des pluies battantes quand il ne règne pas un épais brouillard. En plus parce que si un Log Pose ne pointe pas dessus pour nous indiquer qu’il s’agit d’un passage de Grandline, on sera bien en peine de le différencier des autres bouts de rochers qui sortent de mer ; certains îlots alentours faisant presque la moitié de sa taille. Mais la chose qui fait du lieu un endroit qui sort vraiment de l’ordinaire, c’est la fourmilière de la Marine qui s’est installée en son sein.

Un véritable dédale de couloirs et de portes closes, où se croisent sans discontinuer les soldats de la base du G9. S’il s’agit d’un véritable enfer pour s’orienter quand on ne comprend pas la mécanique du lieu, l’ensemble de la structure est très codé. Les quatre divisions de la Marine qui résident en quasi permanence au sein de la grotte ont toutes leurs quartiers réservés, indiqués aux murs par des codes couleurs ; quand la 77ème adopte un liseré orange, la 66ème se repère aux bandes marron glacé, la 55ème suit les lignes vert pomme et la 48ème d’élite quant à elle, se réfère à la frise magenta.

Plusieurs parties communes sont marquées des quatre couleurs, mais celles-ci sont réservées aux jours de congés des soldats, qui n’ayant pas le temps de rentrer chez eux systématiquement – du fait de la position solitaire de l’îlot – se rejoignent régulièrement pour disputer des parties de craps, de belote, des matchs de ping-pong, ou encore les célèbres tournois de boxe inter-divisions, qui sont organisés tous les trois mois pour maintenir l’entente entre tous. Un panneau indique d’ailleurs non loin du ring que la 66ème possède une légère avance dans le nombre de victoires de ses unités, ce qui ne manque pas de faire jaser. Les chamailleries qui en découlent restent toutefois plutôt bon enfant, bien que l’unité d’élite ne cesse de faire savoir à qui veut l’entendre que la raison de leur score si faible est uniquement leur plus que récente arrivée au sein de la base.

En dehors des quartiers communs et des quartiers respectifs à chacun, une partie plus réduite est dédiée aux quartiers administratifs, aux appartements et bureaux des dirigeants de la base, ainsi qu’à tout le protocole sécurité du gigantesque complexe. Obtenir une accréditation pour rentrer dans cette partie de la base est une véritable épreuve, et il est souvent plus efficace de s’y faire introduire par un de ses résidents.

Se déplacer dans l’endroit n’est donc pas une mince affaire, d’autant plus que chaque changement de section demande validation d’un badge, et que l’attribution de chaque badge est soumise à des vérifications de profil renouvelées tous les six mois. Ainsi, à part la vice-amirale Kandy Ziva, aucune personne dans la base n’a possibilité de visiter les locaux de fond en comble sans avoir procédé auparavant à quelques mois de paperasse intensive.

C’est cette même Kandy Ziva qui a voulu qu’il en soit ainsi. Une femme intransigeante, têtue, et bien décidée à ce que sa base conserve sa réputation de bastion inexpugnable. L’arrivée récente de l’unité d’élite en est d’ailleurs la preuve. Souhaitant sans arrêt augmenter les capacités de défense de l’endroit, c’est elle qui avait demandé à ce qu’une nouvelle unité vienne s’intégrer à sa forteresse. Et tout avait été fait pour accueillir les nouveaux venus avec bienveillance et fluidité. Elle avait mis à disposition des quatre commandants d’élite des quartiers confortables et spacieux. Elle avait fait creuser de nouvelles galeries pour pouvoir y loger les nouveaux éléments – allant jusqu’à dépêcher une unité de la brigade scientifique pour que la sécurité y soit optimale. Elle avait elle-même prononcé de nombreux discours pour que les tensions habituelles entre régulière et élite soient atténuées le plus possible. Et tous les deux mois de nouveaux effectifs arrivaient, avec comme objectif pour la 48ème de remplir totalement ses locaux tout neufs à l’horizon 1628.

La 48ème, parlons-en, car c’est bien dans cette toute nouvelle unité que j’ai été recruté. Et si j’ai assez vite compris le fonctionnement du bordel, j’ai pas forcément apprécié ce que j’y ai trouvé. Déjà le voyage a pas été de tout repos : j’ai été mis à la tête du navire de recrutement en provenance de East Blue avec des hommes que je connaissais pour la plupart ni d’Ève, ni d’Adam ; on a dû essuyer une bonne tempête et une pluie de grêlons ; on s’est vus obligés de faire une escale imprévue à Kikai No Shima pour réparer une avarie à l’arrière du navire ce qui nous a coûté dix jours à terre sur une île pas hostile mais presque ; j’ai trois gars qui en ont profité pour se fritter avec des types pas corrects dans un bordel local – que je leur aurais collé un blâme s’ils avaient pas eu la présence d’esprit de se pointer là-bas en civil et sans armes – ce qui leur a coûté quelques plaies à l’abdomen qu’on a dû soigner tant bien que mal ; à ce moment-là j’ai ma seconde – une quarantenaire efficace avec l’insigne de sergent d’élite agrafé à l’uniforme, mais qui mériterait amplement ma place étant donné ses qualités de dirigeantes bien supérieures aux miennes – qui a pété un plomb en menaçant de foutre à pied tout le monde s’ils se comportaient pas autrement qu’en parfaits plantigrades écervelés ; un abruti à jugé bon de lâcher un peu trop fort un commentaire sexiste à destination de la madame – qu’elle a évidemment entendu – et celui-ci à terminé le voyage à fond de cale avec corvée d’épluchage de patates pour le reste du séjour.

Et maintenant que me voilà enfin arrivé je suis forcé d’aller passer la bienvenue au commandant en chef de l’unité. Et celui-ci a tout pour me déplaire. Déjà le type se la joue uniforme tout blanc, genre main de la justice, avec un borsalino de la même couleur et des ch’veux bien lisses et tout noirs regroupés en un catogan parfaitement ajusté à la jointure entre la nuque et le crâne : la coiffure de peigne-cul. Ce genre de dégaine proprette me dit jamais rien qui vaille : quand on n’a rien à se reprocher, on s’efforce pas de paraître impeccable. Bref, le gars m’accueille dans son bureau – après que j’ai patienté trois plombes dans différents couloirs de la base pour pouvoir accéder jusque-là – avec un sourire tout droit sorti des pires histoires à faire chialer les gosses et un regard tout aussi terrifiant. Il m’expose pendant des plombes ce qu’il attend de moi ici, me présente le fonctionnement global de son unité – comme si c’était différent d’ailleurs, mais sans que j’y note la moindre différence – et finit par me sortir une phrase qui me fait très fortement songer à un précédent commandant sous les ordres duquel j’avais eu le sacré plaisir de travailler :

« C’est en quelque sorte très simple lieutenant. Avec moi, il existe trois règles : Ne pas déserter, N’avoir aucune pitié et Obéir aux ordres.
-C’est pigé commandant, la règle des trois « N », que j’balance sans trop réfléchir aux conséquences de la vanne.
-Comment ça, trois « N » ? Je ne sais pas si j’ai été bien clair lieutenant Kosma. L’obéissance est une des principales vertus de mes subordonnés. Ce n’est pas en la niant par une pirouette que vous vous en sortirez.
-Désolé mon commandant, la fatigue du voyage m’a rendu sujet aux blagues idiotes. J’ai bien compris l’adage : Ne pas déserter, N’avoir aucune pitié, Obéir aux ordres.
-Bien, je crois que je vais pouvoir vous laisser repartir. J’ai demandé à votre nouveau supérieur direct, le commandant Scardestin – vous pouvez l’appeler commandant Scard il préfère – de venir se présenter et vous montrer où vous installer. C’est à lui que vous aurez à rendre des comptes sur les deux unités qui vous seront attribuées. Celles-ci seront fixées sous huit jours, le temps de procéder aux évaluations des nouveaux arrivants et de voir si les autres unités déjà en place n’ont pas besoin d’un petit mouvement. Je ne vous apprendrai pas que quelques changements occasionnels permettent souvent de dynamiser les groupes. Vous avez des questions ?
-Je ne pense pas, s’il m’en vient je les poserai au commandant Scard.
-Le voilà qui arrive d’ailleurs, on peut entendre sa voix d’ici. »

En effet, dans la pièce attenante au bureau dans lequel je suis, une voix grave et calme semble discuter avec le secrétaire du commandant Kimblee et la voix de ce dernier retentit dans un haut parleur situé devant le commandant en chef de la 48ème division pour annoncer l’arrivée de Scardestin. Qui ne manque pas de corriger en écourtant son patronyme d’un aimable mais ferme « je vous ai déjà dit de m’appeler Scard ». Aussitôt que le porte s’ouvre pour laisser place à un grand homme au sourire franc et au crâne dégarni, je me lève de mon siège et procède à un salut réglementaire. Ce n’est pas vraiment mon genre de faire dans la pirouette, mais tant que je ne connais pas les gens, je m’efforce de respecter le protocole. D’autant plus que le Kimblee m’a l’air d’avoir à tenir à sa discipline.

« Commandant Scard, je vous présente le lieutenant Kosma qui intègre dès à présent la 48ème unité d’élite sous votre commandement. Je vous laisse vous charger de la suite, il me reste encore de la paperasse à remplir suite à l’arrivée de tout ce régiment.
-Très bien commandant Kimblee. Lieutenant Kosma, enchanté. Vous êtes prêt pour une visite détaillée de la base ? Des points que je juge essentiels de vous montrer en tout cas.
-Tout à fait prêt mon commandant. Je vous suis. »
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- Fait chier fait chier fait chier !

A l’un des ponts inférieurs d’un navire, Alrahyr tente de se cacher de la vue de son adversaire. Adossé à une épaisse cloison de bois qui le masque temporairement, il fait un point rapide de la situation.

L’abordage avait pourtant bien commencé : traque en mer de plusieurs heures d’un bâtiment marchand petit à petit rattrapé, quelques coups de canon plus ou moins bien placés pour l’empêcher de manœuvrer puis abordage à proprement parler. Grapins et cordes ont rapidement cédé leur place aux planches de traversée une fois les deux navires suffisamment proches et l’équipage auquel Alrahyr s’était greffé au dernier port s’est rué sur sa proie. De prime abord, les marchands n’ont que peu réagit face à l’assaut de ces pirates assoiffés de butin. Quelques tentatives ça-et-là mais rien de bien folichon, à peine de quoi se décrasser les articulations. Mais bon, se plaindre serait un problème de riche.

Tout se passait bien, mais c’était sans compter sur la présence d’un passager inattendu. Le type est sorti de sa cabine en se frottant les yeux et en râlant du grabuge ambiant juste quand les choses devenaient calmes sur le pont. Un grand gars très fin en pyjama jaune fluo, en charentaises arborant des petits carreaux noirs et rouges, portant des lunettes de soleil aux montures extravagantes ornées de faux cils et un bonnet de ski rose pétant. Un tantinet hors du lot, de quoi se faire gentiment remarquer en société. Mais le plus remarquable, si l’on se risque à considérer que le reste n’est que détails, c’étaient ses ongles. Des ongles d’au moins deux pieds de long – démerdez-vous avec cette unité – relativement courbés mais surtout très soigneusement entretenus et d’un blanc éclatant.

N’écoutant bien évidemment pas les injonctions du capitaine de l’équipage pirate – quel abruti celui-là au passage –, l’énergumène a projeté cinq lames d’air horizontal d’un grand mouvement de bras, envoyant au tapis tous ceux qui n’avaient pas eu le réflexe de se pencher pour les éviter. En gros, une bonne moitié des pirates. Bonne ambiance.

Suite à quoi le bonhomme s’est présenté, comme si de rien n’était, comme s’il rencontrait des gens à un gala de charité. Un chasseur de primes du nom de Dego Morto, heureux détenteur des pouvoir du Kama Kama No Mi lui offrant les supers pouvoirs de balancer des lames d’air dans tous les sens avec ses ongles et à bord du navire marchand juste pour aller d’un point A à un point B.

Et c’est bien entendu à partir de là que tout est parti en couilles. Parce que les pirates ne s’attendaient vraiment pas à ce qu’on leur oppose un chouia de résistance, parce que de toute manière même s’ils s’y attendaient ils n’avaient pas le niveau pour ne pas se faire démolir par Dego, parce que Dego du coup, bein ça lui a vachement plu de tomber comme ça sur des pirates de bac à sable, parce qu’au passage les marchands ont repris du poil de la bête et se sont jetés sur leurs adversaires encore sous le choc, et parce qu’Alrahyr, faut bien le dire, ne s’attendait pas du tout à ce que ce pantin fluo leur foute une misère pareille.

Mais voilà, même si le Kaltershaft avait rejoint ce petit équipage en carton comme simple homme de main – histoire de se reposer un peu de ses péripéties récentes sur l’île de Karakuri, perte de ses pouvoir du Zoan de la Tortue, tout ça tout ça –, il restait tout de même largement plus capable que ces bras cassés d’affronter ce chasseur de primes. Implication directe : il devait se démerder tout seul pour sortir tout le monde de la mouise.

Suite aux présentations, dans les grandes lignes, Alrahyr s’est jeté sur Dego bouclier en avant – au passage c’est cool l’Acier Kaltershaft mais ça prend quand même cher contre les lames d’air bien violentes du monsieur –, les deux se sont pris des sacrés coups, le pont supérieur du navire marchand a essuyé pas mal de dégâts, le capitaine dudit navire a gueulé sur Dego en le suppliant d’éviter de faire couler son bâtiment parce que c’était quand même son gagne-pain, les matelots  dudit capitaine ont foutu des sacrées tartes aux pirates, et les adversaires desdits matelots ont mis du temps à se remettre d’équerre pour éviter de se prendre une sévère déculottée par ces marins d’eau douce. Puis Dego a pris l’ascendant sur Alrahyr qui a dû se retrancher au pont inférieur.

Et revoilà maintenant notre homme, adossé à sa cloison en bois, du sang dégoulinant depuis le haut de son crâne, son bouclier fortement cisaillé et sur le point de partir en lambeaux contre lui, cherchant un moyen de se sortir de cette impasse.

C’est qu’il n’est pas mauvais, le Dego, et l’effet de surprise a sacrément amoché le pirate. Pendant quelques minutes, les deux adversaires jouent à un jeu du chat et de la souris complètement débile où, successivement, Alrahyr se protège derrière une nouvelle cloison, Dego la déchire à coup de lames d’air et le capitaine marchand gueule depuis le pont supérieur pour qu’on ne pète pas son gagne-pain. Comme si on s’amusait à la dinette, non mais oh.

Et là, le déclic. C’est qu’il lui en a fallu un moment à notre gaillard pour se rappeler qu’il pouvait faire ça, maintenant qu’il n’était plus pieds et poings liés par la malédiction des fruits du démon. Ni une, ni deux, il fonce une fois de plus sur le chasseur de prime, bouclier recouvert de haki en avant. Sauf que maintenant, le timing est parfait. Dego passe tout juste contre la coque du navire. A l’impact, les lames d’air n’ayant pas arrêté l’élan du pirate, le bouclier heurte violemment le pyjama jaune fluo qui, à son tour, heurte la coque. Sous le choc, la paroi se brise et les deux hommes sont projetés hors du navire par le trou béant. Et le capitaine marchand hurle à la mort comme un enfant à qui on aurait fait tomber la glace.

Encore dans les airs, Alrahyr exécute une magnifique retournée acrobatique que d’aucuns qualifieraient de spectaculaire pour asséner à un Dego tout surpris par la situation un coup de bouclier décisif qui l’envoie directement dans la flotte. Bon voyage dans les abysses.

Finalement, cet abordage aura permis de se dégourdir un peu les jambes !

Plus tard, pendant que les pirates transportent la cargaison de leur proie vers leurs propres cales sous le regard du capitaine marchand saucissonné et en sanglots, le Den Den personnel du capitaine pirate sonne. Et alors qu’il tire de l’intérieur de sa veste le petit escargophone, les premiers mots de son interlocuteur sont :

- Passez-moi le type au bouclier.

Cette voix. Alrahyr ne l’a pas oubliée.

- Euh vous êtes qui d’abord ?
- Passez-moi ça Capitaine.

Le pirate s’exécute, craignant de se prendre un coup de bouclier surprise du type qu’il a recruté au dernier port en croyant accueillir à son bord un nouveau gars pour faire office de chair à canon.

- Salut l'ami. Ça fait longtemps. Comment tu m’as retrouvé ?
- Mets-toi à l’écart, c’est privé.

Sous le regard inquisiteur d’Alrahyr, les pirates se remettent à leur transport de butin. Mais, préférant prendre ses précautions, il se hisse tout en haut du nid-de-pie. Après tout, Adam Lane son ancien bras-droit, est un fervent révolutionnaire. Et s’il l’a retrouvé dans cette situation, ça n'est pas pour parler recettes de grand-mère.

- C’est bon. Comment ça va ?
- J’suis désolé mais on va écourter les politesses de retrouvailles, on en aura tout le loisir plus tard. Evite aussi toute mention explicite de quoi que ce soit. Les noms, ce pourquoi je t’appelle, tout ça va être très flou. J’ai besoin de tes services, comme au bon vieux temps. Il paraît que tu fous des beignes de plus en plus fortes et j’en aurais bien besoin.
- Tu veux taper qui ?
- Des gars que t’aime bien taper si j’ai bonne mémoire. Du moins, t’as jamais reculé pour leur foutre la misère. Par contre ça ne va pas être drôle. J’ai besoin de savoir si t’es partant.
- Sans plus de détails ?
- Sans plus de détails.
- Bon... c’est pas comme si j’avais de grands projets là tout de suite. Ok pour moi. Faut que je te rejoigne ? Comment ? Je suppose que si tu m’appelle t’as déjà ça en tête.
- J’avais pas tellement de doute quant au fait que t’acceptes en fait. Faut juste que ton Capitaine du moment se rende sur la prochaine île, là où il a déjà prévu d’aller. J’y suis et je te ferai signe dès ton arrivée, t’inquiète. C’est bon ?
- Ok. J’te fais confiance pour l’organisation de toute manière.
- Comme au bon vieux temps ! Ah, et une dernière chose, bien sûr rien d’explicite à ton Capitaine. Tu peux lui faire comprendre qu’il n’a pas à poser de questions ?
- J’ai comme l’impression qu’il a peur de moi depuis quelques heures.
- T’as fait quelque chose de particulier ?
- Oh, trois fois rien... Un peu de sport.
- Je vois l’idée. Bon allez, on se retrouve dans quelques jours, juste le temps pour toi d’arriver ici.

*clic*

Adam Lane. Une mission pour la révolution. Mais en tant que “consultant extérieur”. Sympathique. Et pour taper la Marine en plus. Quoi de mieux ?

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« Lieutenant Kosma, vous pourriez venir un instant ? »

La voix du commandant Scard me tire de ma rêverie. Presque une semaine qu’on roupille dans ces caves un peu anxiogènes ; j’aurais déjà dû partir en opération mais mon unité n’a pas encore été formée. Possible que mon supérieur soit là pour ça. Plus que probable même quand j’vois à ses côtés un jeune freluquet dont le duvet vient à peine de pousser qu’il me présente fièrement, la main fermement ancrée sur son épaule. Un p’tit cousin, un neveu ou pire, son fils. J’ai l’habitude qu’on me confie des matelots fils à papa ; certains font des efforts pour s’intégrer, d’autres sont des larves ambulantes mais les pires sont certainement ceux qui se croient au-dessus de tout sous prétexte qu’ils ont des relations.

« Je voulais vous présenter Arnolf, mon futur gendre ! Il va épouser ma fille prochainement et je suis ravi d’avoir un élément aussi prometteur dans la famille. Arnolf vient d’être nommé sergent d’élite et j’ai l’honneur de vous le confier lieutenant. Votre équipe va bientôt être au complet maintenant que nous vous avons trouvé un deuxième bras droit.
-Deuxième ?
-Eh bien, la sergent d’élite Finnegan avec qui vous avez voyagé jusqu’ici… Je ne vous avais pas encore confirmé qu’elle travaillerait bien sous vos ordres ?
-Pas encore mon commandant.
-Et bien c’est chose faite, je vous apporte également la liste des soldats qui composeront vos unités, rassemblement dans la cour cet après-midi, en attendant, je vous laisse faire connaissance avec ce cher Arnolf. »

Je zyeute le gosse un moment avant de lui lancer la patte pour qu’on se serre la main. J’espère qu’il va pas poser de problèmes, ça risque encore de me retomber dessus. Le gamin a l’air plutôt énergique et il me rend mon sourire : un gentil couillon ce me semble, le naïf qui débarque et qui n’a pas encore pu confronter ses idéaux à la réalité du métier. Je lui propose de marcher en causant, histoire d’apprendre à le connaître un peu, mais aussi de regrouper les soldats pour le rassemblement de l’après-midi.

***

À un autre bout de la base, Eleanore Bruvelles finit de griller sa clope. Elle attrape son pardessus épinglé de ses insignes de la Marine et entame le chemin jusqu’à son bureau. Elle connaît les lieux par cœur, les a parcourus des centaines de fois, sait exactement combien de temps elle doit attendre pour franchir chaque couloir de sécurité et va même jusqu’à connaître personnellement le nom de chaque type activant l’ouverture de chaque porte sur son parcours. N’importe qui d’autre ferait ça de manière machinale et sans réfléchir, allant juste d’un point A à un point B sans se soucier de tous ces détails obscurs, mais pas elle. Parce que de toutes ces connaissances accumulées durant des années dépend la réussite de l’opération de demain. Sabotage et évacuation. Pas le titre officiel, simplement ses objectifs premiers.

D’un geste précis, Eleanore replace une mèche de cheveux bruns derrière son oreille, sourit et salue un officier et trace sa route, déterminée à regagner ses quartiers afin de lancer un dernier signal vers l’extérieur. Au sein de la gueule de requin, tout est en place, les révolutionnaires infiltrés ont tous répondu qu’ils étaient parés pour l’action et le dernier code transmis a confirmé la date.

Deux ans. Deux ans qu’elle s’est enfermée ici, qu’elle a gagné la confiance de ses supérieurs, qu’elle a sacrifié sa vie personnelle pour le bien de la cause. Mais elle n’est pas la seule. Elle le sait. Combien sont-ils ces agents de l’ombre qui grignotent les rangs de la Marine mois après mois pour pouvoir lancer des opérations de ce genre ? Impossible de le savoir. Elle n’est qu’un rouage parmi d’autres, un pion dans la machine sur lequel on compte pour que ça marche. Ici elle se sent utile à l’organisation, ici elle peut enfin prouver au monde qu’on peut agir même par toutes petites touches. C’est ce qu’elle aime dans la Révolution, cette force de fraternité qui pousse tout le monde à aller plus loin, ensemble.

***

Douglas Macadam mâchonne avec appétit un vaste sandwich thon – tomates – poivrons – œuf – mayonnaise en détaillant d’un œil vague les écrans de sécurité qui lui font face. D’un geste de la mains, il essuie la graisse sur ses doigts dans les plis de son pantalon puis tourne la page de son journal négligemment. Rien ne se passe jamais sur les écrans qu’il surveille. Et de toute façon, il sait pertinemment que rien ne se passera avant le lendemain. Un peu empâté, les cheveux blonds, l’air amorphe, Macadam est un professionnel de l’infiltration. À bientôt quarante-cinq ans il aura passé plus de la moitié de sa vie à cela. Blasé, il l’est certainement. Mais il fait son travail, toujours avec précision et sans jamais que personne ne puisse le soupçonner d’agir pour l’ennemi. Pour preuve ; avant de s’infiltrer dans cette base de la Marine pour la Révolution, il s’est infiltré dans la Révolution pour le gouvernement mondial. Un ponte du Cipher Pol six le Douglas, un invisible pour le monde, mais une légende au sein de son unité. Il en a défait des groupuscules révolutionnaires avec son air de ne toucher à rien. Mais sur ce coup là, il doit l’avouer, il n’a pas toutes les clés en mains pour coffrer tout le monde. Il ne connaît pas vraiment les révolutionnaires infiltrés et ne connaît de l’opération que peu de choses, bien qu’il en sache un peu plus que ce qu’il devrait. Bien entendu, il lui faudra agir, impossible de laisser se dérouler les choses normalement, le tout est de faire passer le dysfonctionnement pour l’œuvre de quelqu’un d’autre.

« Salut Douglas ! Comment ça s’passe ?
-Tranquillement, pas à m’plaindre Féodor.
-T’es un as Douglas ! C’est la classe ! T’as remarqué, je fait des rimes avec ton prénom ! C’est pour entraîner mon cerveau à toujours rester aux aguets, fiouu, ça file là-dedans!
-N’en fait pas trop quand même, mon ego risquerait de ne pas s’en remettre.
-T’es modeste mon best, gaffe à pas oublier ta veste, allez j’lâche du lest !
-Joli. Je reprends la surveillance dans la soirée, c’est bien ça ?
-Tout pile, mais t’fais pas d’bile, j’suis pas débile, super habile, file ! »

Un gamin insupportable. Persuadé de son importance au sein de la gueule de requin. Parfois Douglas se demande comment ces gens là peuvent accéder à de tels postes. Enfin bon… Peut-être est-il tout simplement efficace, ou juste que la cabine de surveillance et de sécurité était le seul endroit d’où l’on n’entendait pas le jeune homme. Tranquillement, l’agent triple rentre jusqu’à ses quartiers, une bonne après-midi de sommeil ne sera pas de trop avant d’entamer sa garde de nuit puis sa journée du lendemain.

***

Conclusion de ma matinée passée avec lui : Arnolf n’est pas un mauvais bougre, peut-être un gamin ayant gravi trop rapidement les échelons. On se demande avec sa carrure comment il a fait pour rejoindre les rangs des brutasses de l’élite. Enfin bon, c’est pas trop à moi de causer sur ce sujet. Sans être riquiqui, on peut pas dire que je sois physiquement effrayant. J’observe le commandant Scard passer en revue les troupes, il a convié les cinq lieutenants d’élite désormais sous ses ordres et chaque section est rangée derrière son chef. J’attends au garde à vous, une posture qui m’a toujours mis mal à l’aise. Derrière moi, j’ai bien vérifié la tenue de ma soixantaine de soldats et demandé à ce que mes deux sergents soient intransigeants pour cette inspection de routine. Soixante-hommes, deux navires, je n’ai jamais eu autant de monde sous mes ordres, et franchement, ça me fout les pétoches.

« Mesdames, Messieurs, si vous avez été sélectionnés pour faire partie, d’abord de la 48ème, mais surtout de la section que je dirige, c’est parce qu’il a été décelé en vous des qualités fortes, précieuses et rares. La gueule de requin n’est pas une base comme les autres, la seule puissance brute ne suffit pas à défendre ce bastion, il nous faut des penseurs, des stratèges, des causeurs, des malins. Il nous faut également des unités qui soient à la fois autonomes et obéissantes ; l’élite, telle que je la conçois, demande force et détermination certes, mais également tactique et bon sens. Devant une situation, quelle qu’elle soit, la première chose à faire est d’écouter les ordres, et si ordres il n’y a pas ou que ceux-ci sont donnés sans toutes les clés en main, il m’apparaît comme nécessaire que vous puissiez choisir la solution par vous-même. Les lieutenants que j’ai choisis représentent à mon sens toute la dualité dont j’ai besoin au sein de mes troupes, faites leur donc confiance. Je suis très satisfait de ce que je vois aujourd’hui, et j’espère pouvoir l’être dès demain quand les premières escouades partirons en mission. Lieutenant Kosma ?
-Oui mon commandant ?
-Vous partirez dès demain-matin, les ordres officiels de votre opération vous attendent dans mon bureau, vous y trouverez votre destination ainsi que les matricules des bâtiments qui vous sont attribués.
-Bien mon commandant.
-Lieutenant Fagar ? »

Le commandant Scard continue son attribution des différentes opérations. Je jette un coup d’œil à mes troupes. À bien y regarder, tout ce beau monde me ressemble un petit peu. Pas physiquement j’entends. Mais je sens que tout va bien se passer. D’abord parce que j’ai une confiance assez forte en miss Finnegan depuis notre traversée de Grandline ensemble, ensuite parce que le petit Arnolf semble tout à fait prêt à m’écouter au doigt et à l’œil. Enfin parce que les missions de terrain, ça m’a toujours beaucoup plu. Connaître à l’avance les détails de son opération, c’est toujours un bonheur pour qui aime le travail bien fait.
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