Ploc. Ploc. Ploc...
La pluie venait de cesser, mais quelques gouttes continuent de tomber du toit sous lequel je m'abrite. L'odeur de terre humide se mélange mal à la fumée de ma cigarette... Encore quelques bouffées et ça ira mieux. Matt, lui, se cache du froid et de l'humidité. Seule sa tête dépasse de la fenêtre alors qu'il me regarde terminer mon attrape-cancer, le dos collé contre le mur à l'entrée de la maison.
Le porche en pierre sale m'a protégé de la pluie. La couleur est triste, mais je ne m'en offusque pas. Elle est à mon image.
- Dépêche-toi de finir, miss Velle est en train de dresser la table... J'ai une de ces faims !
Je souffle une ultime fois avant d'écraser le mégot contre la semelle de ma chaussure. Il est vrai que les plats de miss Velle mettent en appétit. Cela fait deux jours que nous logeons chez elle et nous n'avons jamais été déçus jusque là.
Depuis qu'Alexander Mountbatten a décidé de nous libéré de toute obligation, nous nous sommes retrouvés, Matt et moi, dans un sacré pétrin : nous n'avons aucune information sur quoi faire ni où aller. Le peu de choses que j'avais apprises sur l'endroit où se trouvent mes parents me venait surtout de Mount au final, et je ne connais pas grand chose du Nouveau Monde, ni même de l'influence réelle de Ravrak ou d'autres gros bonnets de son genre... En fait, je ne savais pas grand chose, obnubilé que j'étais par le but que je souhaitais atteindre. Matt est sans doute plus au courant que moi, mais je ne prends jamais le temps de lui demander les nouvelles du jour... Je ne lui demande plus grand chose d'ailleurs. Plus le temps passe et plus je me montre antipathique à son égard. Je deviens égoïste et orgueilleux. Je dois me racheter.
Miss Velle est une veuve d'environ trente ans, vivant au coeur d'Alpha. Son époux est mort au travail, avec quelques mineurs un peu trop audacieux. C'est un accident regrettable, et la pauvre n'a pas trouvé le courage de refaire sa vie. Que ce soit par amour véritable ou par manque de confiance, nous ne pouvons nous empêcher de penser que c'est un gâchis pour une femme aussi charmante : ses yeux de biche, ses cheveux longs tressés, ses tâches de rousseur discrètes, sa silhouette menue... Elle ne fait pas son âge. Malgré son apparente fragilité, elle n'en reste pas moins généreuse, gentille et souriante. Ce soir tout particulièrement, elle est le dernier rayon de soleil à éclairer le logis, réchauffant l'atmosphère de par sa simple présence. Lorsque nous l'avons rencontrée il y a peu, elle a pris le temps d'écouter notre histoire - identités réelles mises à part - et nous a proposé le gîte en attendant que nous pussions rebondir.
C'est fou ce que la bonté d'une personne peut faire au coeur d'une autre. Notre présence l'aide aussi à affronter la solitude dans sa vieille maison du quartier ouvrier. Du donnant-donnant en somme.
Au menu du soir, potage. Un repas simple, mais chaleureux... A chaque cuillerée, j'oublie un peu plus les pensées sombres de la journée.
- N'hésitez pas à vous resservir. Les légumes se vendent bien en cette saison et j'ai prévu plus que de raison !
- Merci beaucoup, miss Velle.
- Merci !
- Allons ! Je vous ai dit de m'appeler Anna.
- D-désolé mi... Anna.
C'est vrai qu'Anna, c'est joli aussi...
Le lendemain, nous partons en direction de la rue marchande. J'ai dans l'optique de nous acheter, à Matt et moi, un outil indispensable pour la suite de notre périple.
Après une bonne heure à errer, nous finissons par tomber sur la boutique qui m'intéresse. Nous entrons et sommes directement accueilli par un petit bonhomme moustachu, plus enjoué que de raison... Sans doute sa façon de se montrer commercial :
- Bienvenue ! Bienvenue bienvenue chers messieurs chez Escarg'Allo ! L'une des premières boutiques d'escargophone du territoire !
- Bonjour. Nous souhaitons un escargophone personnel. Chacun.
- Ohoh... Bien bien bien ! Aucun problème ! Veuillez me suivre.
Le petit bonhomme nous demande plusieurs choses, comme la taille, le coloris du mollusque, les coordonnées à enregistrer ou encore les options désirées. Nous allons au plus simple. L'escargophone standard reste le plus intéressant, avec sa portée d'appel et l'utilisation que l'on veut en faire.
Le tout coûte un million de berries, ce que je juge cher, mais le marchand m'assure de la qualité de ses produits, ce qui finit par nous satisfaire, le voleur et moi.
Alors que nous nous redirigeons vers la maison d'Anna, nous tombons sur un attroupement peu commun, lequel semble observer la page d'un journal, accroché au mur de la taverne d'en face. J'interroge l'un des hommes près de nous et il me répond qu'un nouveau venu aurait fait construire un complexe militaire... Et qu'il serait même entrer en contact avec l'Imperiosa.
Avant même de le confirmer, je me doutais de qui il pouvait s'agir : après avoir bousculé quelques badauds, je parviens au niveau de l'affiche placardée au mur et reconnait Mountbatten.
- Allez les gars ! On se magne le cul ! Faut que ça se goupille ! On veut des résultats satisfaisants dès le premier mois ! Si tout va comme on veut, y a moyen que les salaires soient ré-estimés en fonction du quota. Avouez que ça fait rêver !
Pour faire rêver, ça faisait rêver : plusieurs ouvriers grognent avec satisfaction alors que je me penche vers Matt, lequel vient de se faire embaucher dans la chaîne de productions de munitions. Je vois avec lui les derniers détails :
- Tu te rappelles ? Fais-toi bien voir, laisse traîner une oreille par-ci par-là et informe-moi de tout ce que tu trouves si tu le juges nécessaire. S'il y a du nouveau du côté des pirates, ou des dirigeants sur l'île...
- Aucun problème. Tu sais bien que c'est ma spécialité !
- Et le vol ?
- Une autre corde à mon arc.
Je pose une main sur son épaule, le sourire aux lèvres. Notre relation est devenue fraternelle avec le temps. J'ouvre la bouche, près à dire autre chose... Puis la referme. Compréhensif, il hoche la tête et me laisse filer. Je couvre mon visage avec la capuche de mon habit et quitte le complexe. Une autre tâche m'attend.
J'ai décidé quoi faire. Si la liberté que Mount nous offrait n'avait rien d'attirante au départ, je compte bien en tirer profit pour agir comme il était convenu du départ. Je n'en ai pas terminé avec le fantôme borgne. J'ai choisi d'aider, et je compte bien me servir de ça pour me rapprocher de ma famille.
Alors que je me dirige vers le coeur de Delta, je ne remarque pas la silhouette qui me regarde m'éloigner dans l'ombre du bâtiment voisin.
La pluie venait de cesser, mais quelques gouttes continuent de tomber du toit sous lequel je m'abrite. L'odeur de terre humide se mélange mal à la fumée de ma cigarette... Encore quelques bouffées et ça ira mieux. Matt, lui, se cache du froid et de l'humidité. Seule sa tête dépasse de la fenêtre alors qu'il me regarde terminer mon attrape-cancer, le dos collé contre le mur à l'entrée de la maison.
Le porche en pierre sale m'a protégé de la pluie. La couleur est triste, mais je ne m'en offusque pas. Elle est à mon image.
- Dépêche-toi de finir, miss Velle est en train de dresser la table... J'ai une de ces faims !
Je souffle une ultime fois avant d'écraser le mégot contre la semelle de ma chaussure. Il est vrai que les plats de miss Velle mettent en appétit. Cela fait deux jours que nous logeons chez elle et nous n'avons jamais été déçus jusque là.
Depuis qu'Alexander Mountbatten a décidé de nous libéré de toute obligation, nous nous sommes retrouvés, Matt et moi, dans un sacré pétrin : nous n'avons aucune information sur quoi faire ni où aller. Le peu de choses que j'avais apprises sur l'endroit où se trouvent mes parents me venait surtout de Mount au final, et je ne connais pas grand chose du Nouveau Monde, ni même de l'influence réelle de Ravrak ou d'autres gros bonnets de son genre... En fait, je ne savais pas grand chose, obnubilé que j'étais par le but que je souhaitais atteindre. Matt est sans doute plus au courant que moi, mais je ne prends jamais le temps de lui demander les nouvelles du jour... Je ne lui demande plus grand chose d'ailleurs. Plus le temps passe et plus je me montre antipathique à son égard. Je deviens égoïste et orgueilleux. Je dois me racheter.
Miss Velle est une veuve d'environ trente ans, vivant au coeur d'Alpha. Son époux est mort au travail, avec quelques mineurs un peu trop audacieux. C'est un accident regrettable, et la pauvre n'a pas trouvé le courage de refaire sa vie. Que ce soit par amour véritable ou par manque de confiance, nous ne pouvons nous empêcher de penser que c'est un gâchis pour une femme aussi charmante : ses yeux de biche, ses cheveux longs tressés, ses tâches de rousseur discrètes, sa silhouette menue... Elle ne fait pas son âge. Malgré son apparente fragilité, elle n'en reste pas moins généreuse, gentille et souriante. Ce soir tout particulièrement, elle est le dernier rayon de soleil à éclairer le logis, réchauffant l'atmosphère de par sa simple présence. Lorsque nous l'avons rencontrée il y a peu, elle a pris le temps d'écouter notre histoire - identités réelles mises à part - et nous a proposé le gîte en attendant que nous pussions rebondir.
C'est fou ce que la bonté d'une personne peut faire au coeur d'une autre. Notre présence l'aide aussi à affronter la solitude dans sa vieille maison du quartier ouvrier. Du donnant-donnant en somme.
Au menu du soir, potage. Un repas simple, mais chaleureux... A chaque cuillerée, j'oublie un peu plus les pensées sombres de la journée.
- N'hésitez pas à vous resservir. Les légumes se vendent bien en cette saison et j'ai prévu plus que de raison !
- Merci beaucoup, miss Velle.
- Merci !
- Allons ! Je vous ai dit de m'appeler Anna.
- D-désolé mi... Anna.
C'est vrai qu'Anna, c'est joli aussi...
Le lendemain, nous partons en direction de la rue marchande. J'ai dans l'optique de nous acheter, à Matt et moi, un outil indispensable pour la suite de notre périple.
Après une bonne heure à errer, nous finissons par tomber sur la boutique qui m'intéresse. Nous entrons et sommes directement accueilli par un petit bonhomme moustachu, plus enjoué que de raison... Sans doute sa façon de se montrer commercial :
- Bienvenue ! Bienvenue bienvenue chers messieurs chez Escarg'Allo ! L'une des premières boutiques d'escargophone du territoire !
- Bonjour. Nous souhaitons un escargophone personnel. Chacun.
- Ohoh... Bien bien bien ! Aucun problème ! Veuillez me suivre.
Le petit bonhomme nous demande plusieurs choses, comme la taille, le coloris du mollusque, les coordonnées à enregistrer ou encore les options désirées. Nous allons au plus simple. L'escargophone standard reste le plus intéressant, avec sa portée d'appel et l'utilisation que l'on veut en faire.
Le tout coûte un million de berries, ce que je juge cher, mais le marchand m'assure de la qualité de ses produits, ce qui finit par nous satisfaire, le voleur et moi.
Alors que nous nous redirigeons vers la maison d'Anna, nous tombons sur un attroupement peu commun, lequel semble observer la page d'un journal, accroché au mur de la taverne d'en face. J'interroge l'un des hommes près de nous et il me répond qu'un nouveau venu aurait fait construire un complexe militaire... Et qu'il serait même entrer en contact avec l'Imperiosa.
Avant même de le confirmer, je me doutais de qui il pouvait s'agir : après avoir bousculé quelques badauds, je parviens au niveau de l'affiche placardée au mur et reconnait Mountbatten.
[...]
- Allez les gars ! On se magne le cul ! Faut que ça se goupille ! On veut des résultats satisfaisants dès le premier mois ! Si tout va comme on veut, y a moyen que les salaires soient ré-estimés en fonction du quota. Avouez que ça fait rêver !
Pour faire rêver, ça faisait rêver : plusieurs ouvriers grognent avec satisfaction alors que je me penche vers Matt, lequel vient de se faire embaucher dans la chaîne de productions de munitions. Je vois avec lui les derniers détails :
- Tu te rappelles ? Fais-toi bien voir, laisse traîner une oreille par-ci par-là et informe-moi de tout ce que tu trouves si tu le juges nécessaire. S'il y a du nouveau du côté des pirates, ou des dirigeants sur l'île...
- Aucun problème. Tu sais bien que c'est ma spécialité !
- Et le vol ?
- Une autre corde à mon arc.
Je pose une main sur son épaule, le sourire aux lèvres. Notre relation est devenue fraternelle avec le temps. J'ouvre la bouche, près à dire autre chose... Puis la referme. Compréhensif, il hoche la tête et me laisse filer. Je couvre mon visage avec la capuche de mon habit et quitte le complexe. Une autre tâche m'attend.
J'ai décidé quoi faire. Si la liberté que Mount nous offrait n'avait rien d'attirante au départ, je compte bien en tirer profit pour agir comme il était convenu du départ. Je n'en ai pas terminé avec le fantôme borgne. J'ai choisi d'aider, et je compte bien me servir de ça pour me rapprocher de ma famille.
Alors que je me dirige vers le coeur de Delta, je ne remarque pas la silhouette qui me regarde m'éloigner dans l'ombre du bâtiment voisin.