Ewen ralentit, son cœur battant à la chamade. La rue derrière était vide, autant qu’elle put en juger. La nuit couvrait d’un voile de velours la ville basse, absorbant les sons et les lumières au sein de la brume matinale qui commençait se lever alors que l’aube approchait. Au fond d’elle, l’inquiétude restait accrochée à son cœur comme un naufragé à son radeau de fortune : en tremblant et par tous les moyens possible. Mais elle ne pouvait pas tout à fait lui donner tort, ses sens incapables de percer les voiles doucereux de l’obscurité.
Elle était encore ébloui et assourdi par l’alarme qui s’était déclenché quand elle avait ouvert se coffre-fort. Ce n’était même pas prévu, elle avait juste vu un tableau assez sympa dans un coin du bureau avant de tomber dessus. En volant le tableau. Et elle ne l’avait en soi même pas ouvert pour le voler, juste par curiosité, pour savoir comment l’ouvrir. Bon, elle n’avait pas appris grand-chose vu que le code était 0-0-0-0-0. Ça l’avait surpris, mais il existe des idiots paresseux de partout, après tout. Elle avait prévu, dans la mesure où il restait quoi que ce soit de prévu à ce stade, de se contenter d’ouvrir le coffre. Elle avait déjà pris assez comme ça et, passé une certaine somme, les gens avaient tendance à vraiment vouloir trouver le coupable. Avec des petites sommes aussi, mais il y avait une différence entre « la marine cherche le voleur » et « l’île entière veut la tête du voleur » (ou simplement la prime qui y est associé). Evidemment, elle ne l’avait pas testé elle-même, mais avait déjà pu voir le résultat sur une vague connaissance, plutôt doué dans sa partie, pour ce qu’elle en savait. Il n’avait pas duré deux jours.
Mais le coffre ne contenait que des papiers. Elle s’en foutait des papiers. Par contre, le bordel lié à leur disparition pouvait être franchement amusant. Pas tous, bien sûr, juste quelques-uns.
Elle avait tendu la main pour prendre quelques feuillets, et l’enfer avait éclaté. Des lumières aveuglantes et un son assourdissant avait emplis tout l’espace, la pétrifiant. Puis son instinct de survie avait pris le relai sur ses facultés supérieures et elle avait sauté à travers la fenêtre, couru jusqu’au portail, avait sauté à une hauteur impossible, se fracassant néanmoins contre le portail avant de l’escalader de manière désordonnée et chaotique sous le coup de la peur.
Elle avait ensuite courue au hasard dans les rues pour perdre d’éventuels poursuivant, prenant à nouveau de nombreux obstacle en travers des jambes et de la figure. Un peu partout en fait. Alors que l’adrénaline quittait doucement son corps elle sentit les nombreuses contusions qui allaient bientôt fleurir en un magnifique bouquet de bleus et de courbatures. En calmant doucement sa respiration, elle prit le chemin de la maison bleu.
Elle s’effondra en gémissant sur son lit. Finalement, les contusions étaient le cadet de ses soucis. Sa cheville envoyait des vagues de souffrance à travers son corps. Tordue au mieux. Une entorse plus probablement. Et ça faisait un mal de chien !
Avec précaution, elle roula sur elle-même pour se saisir de son butin du jour. Elle n’avait même pas réussi à trouver un vague endroit où les planquer. A défaut d’une meilleur option, elle glissa les quelque babioles sous son lit avec un dégout frustré: les petits trophées qu’elle avait collectés brillaient mais, une fois à la lumière du jour, ils étaient juste moche. Et à cause d’eux, elle allait se retrouver coincée dans son lit pendant des jours, peut-être des semaines avant de ne pouvoir marcher qu’avec une attelle et des béquilles pendant encore plus longtemps.
Au fond d’elle, une petite voix objecta que la statuette en rococo flamboyant n’y était pour rien, que c’était elle qui avait voulu prendre les papiers alors qu’elle ne devait faire qu’une visite d’entraînement pour le vrai coup, celui du mois prochain. Et puis si elle avait pris les papiers, vu comme ils étaient protégés, quelqu’un aurait surement fini par vouloir lui faire la peau pour les récupérer.
Mais cette faible tentative fut vite étouffée par les voix rugissantes de sa frustration, et la sculpture fut lancé contre le mur de la chambre, où elle laissa une marque profonde dans l’enduit de faible qualité, tandis qu’elle-même retombait parfaitement intact. L’humeur d’Ewen ne s’en améliora pas. Qu’elle ait besoin de tant de temps pour parvenir à aller la chercher sans mettre sa cheville à l’épreuve n’aida pas non plus.
Le temps avait érodé sa colère et sa frustration, ne laissant qu’un ennui implacable, débilitant. Sans rien à faire, elle avait réfléchi au cours de cette interminable semaine. Réfléchis à elle, au futur, a son travail, aux vols. Elle ne pouvait simplement pas continuer à vivre comme elle le faisait, en se reposant sur l’orphelinat et sur les petits boulots. Et elle avait pris une décision.
Prudemment, elle se saisit des béquilles que lui avait trouvé Nyria et entrepris de se mettre debout. Ça aussi, il faudrait qu’elle le rembourse. Et elle savait comment. Remonter sur ses jambes ne fut pas si difficile, mais les quelques pas qu’elle fit après furent d’un équilibre précaire.
Elle se saisit maladroitement de sa besace avant d’y ranger les derniers de ses trophées. Les autres étaient dispersés dans des cachettes à travers la ville, elle irait les chercher si les choses se passaient comme prévu.
Avec une prudence infinie, elle se saisit de la rambarde de l’escalier de sa main droite, récupérant la deuxième béquille de la gauche. Mettant tout son poids sur la rampe, elle avança sa jambe valide sur la marche suivante, avant de faire lentement glisser sa main en avant. Une marche de faite, plus que 30.
Une fois dans la rue, son avancée inarrêtable accéléra pour atteindre celle d’un poisson cherchant à rejoindre l’eau. Et à peu près la même capacité à aller droit. La terre inégale du chemin, mélangée aux pavés, vestige de l’époque ou l’endroit était une véritable rue, se montraient traitres sous ses jambes de remplacement. L’une d’elle glissa soudain, lui échappant de la main. Par réflexe, Ewen reposa son pied sur le sol pour garder son équilibre et éviter de tomber. Un gémissement lui échappa alors qu’une décharge de douleur lui parcourait la jambe. Voyons le bon côté des choses, elle n’était pas tombée. A cloche pieds, elle alla récupérer la béquille traitresse avant de reprendre son chemin.
A mesure qu’elle traversait la ville et qu’elle s’habituait à ce mode de locomotion, elle parvenait à avancer à un rythme plus normal. La période ne serait peut-être pas SI infernale au final. Elle parvenait à se déplacer à travers la ville sans trop perdre son équilibre et à une vitesse qui dépassait celle de l’escargot anémique. Evidemment, pas question de faire d’activité athlétique, mais elle pourrait au moins arrêter de ne vivre que dans son lit.
Elle s’arrêta. Devant elle, pareille à toutes les maisons des environs, se tenait sa destination. Ici vivait l’une des plus mauvaises de ses fréquentations. Du point de la vue de la loi, en tout cas. Malgré sa détermination, elle s’arrêta, un instant. Etait-ce vraiment ce qu’elle souhaitait faire ?
Oui. Elle ouvrit la porte, en faisant attention de ne pas tomber.
Elle était encore ébloui et assourdi par l’alarme qui s’était déclenché quand elle avait ouvert se coffre-fort. Ce n’était même pas prévu, elle avait juste vu un tableau assez sympa dans un coin du bureau avant de tomber dessus. En volant le tableau. Et elle ne l’avait en soi même pas ouvert pour le voler, juste par curiosité, pour savoir comment l’ouvrir. Bon, elle n’avait pas appris grand-chose vu que le code était 0-0-0-0-0. Ça l’avait surpris, mais il existe des idiots paresseux de partout, après tout. Elle avait prévu, dans la mesure où il restait quoi que ce soit de prévu à ce stade, de se contenter d’ouvrir le coffre. Elle avait déjà pris assez comme ça et, passé une certaine somme, les gens avaient tendance à vraiment vouloir trouver le coupable. Avec des petites sommes aussi, mais il y avait une différence entre « la marine cherche le voleur » et « l’île entière veut la tête du voleur » (ou simplement la prime qui y est associé). Evidemment, elle ne l’avait pas testé elle-même, mais avait déjà pu voir le résultat sur une vague connaissance, plutôt doué dans sa partie, pour ce qu’elle en savait. Il n’avait pas duré deux jours.
Mais le coffre ne contenait que des papiers. Elle s’en foutait des papiers. Par contre, le bordel lié à leur disparition pouvait être franchement amusant. Pas tous, bien sûr, juste quelques-uns.
Elle avait tendu la main pour prendre quelques feuillets, et l’enfer avait éclaté. Des lumières aveuglantes et un son assourdissant avait emplis tout l’espace, la pétrifiant. Puis son instinct de survie avait pris le relai sur ses facultés supérieures et elle avait sauté à travers la fenêtre, couru jusqu’au portail, avait sauté à une hauteur impossible, se fracassant néanmoins contre le portail avant de l’escalader de manière désordonnée et chaotique sous le coup de la peur.
Elle avait ensuite courue au hasard dans les rues pour perdre d’éventuels poursuivant, prenant à nouveau de nombreux obstacle en travers des jambes et de la figure. Un peu partout en fait. Alors que l’adrénaline quittait doucement son corps elle sentit les nombreuses contusions qui allaient bientôt fleurir en un magnifique bouquet de bleus et de courbatures. En calmant doucement sa respiration, elle prit le chemin de la maison bleu.
Elle s’effondra en gémissant sur son lit. Finalement, les contusions étaient le cadet de ses soucis. Sa cheville envoyait des vagues de souffrance à travers son corps. Tordue au mieux. Une entorse plus probablement. Et ça faisait un mal de chien !
Avec précaution, elle roula sur elle-même pour se saisir de son butin du jour. Elle n’avait même pas réussi à trouver un vague endroit où les planquer. A défaut d’une meilleur option, elle glissa les quelque babioles sous son lit avec un dégout frustré: les petits trophées qu’elle avait collectés brillaient mais, une fois à la lumière du jour, ils étaient juste moche. Et à cause d’eux, elle allait se retrouver coincée dans son lit pendant des jours, peut-être des semaines avant de ne pouvoir marcher qu’avec une attelle et des béquilles pendant encore plus longtemps.
Au fond d’elle, une petite voix objecta que la statuette en rococo flamboyant n’y était pour rien, que c’était elle qui avait voulu prendre les papiers alors qu’elle ne devait faire qu’une visite d’entraînement pour le vrai coup, celui du mois prochain. Et puis si elle avait pris les papiers, vu comme ils étaient protégés, quelqu’un aurait surement fini par vouloir lui faire la peau pour les récupérer.
Mais cette faible tentative fut vite étouffée par les voix rugissantes de sa frustration, et la sculpture fut lancé contre le mur de la chambre, où elle laissa une marque profonde dans l’enduit de faible qualité, tandis qu’elle-même retombait parfaitement intact. L’humeur d’Ewen ne s’en améliora pas. Qu’elle ait besoin de tant de temps pour parvenir à aller la chercher sans mettre sa cheville à l’épreuve n’aida pas non plus.
Le temps avait érodé sa colère et sa frustration, ne laissant qu’un ennui implacable, débilitant. Sans rien à faire, elle avait réfléchi au cours de cette interminable semaine. Réfléchis à elle, au futur, a son travail, aux vols. Elle ne pouvait simplement pas continuer à vivre comme elle le faisait, en se reposant sur l’orphelinat et sur les petits boulots. Et elle avait pris une décision.
Prudemment, elle se saisit des béquilles que lui avait trouvé Nyria et entrepris de se mettre debout. Ça aussi, il faudrait qu’elle le rembourse. Et elle savait comment. Remonter sur ses jambes ne fut pas si difficile, mais les quelques pas qu’elle fit après furent d’un équilibre précaire.
Elle se saisit maladroitement de sa besace avant d’y ranger les derniers de ses trophées. Les autres étaient dispersés dans des cachettes à travers la ville, elle irait les chercher si les choses se passaient comme prévu.
Avec une prudence infinie, elle se saisit de la rambarde de l’escalier de sa main droite, récupérant la deuxième béquille de la gauche. Mettant tout son poids sur la rampe, elle avança sa jambe valide sur la marche suivante, avant de faire lentement glisser sa main en avant. Une marche de faite, plus que 30.
Une fois dans la rue, son avancée inarrêtable accéléra pour atteindre celle d’un poisson cherchant à rejoindre l’eau. Et à peu près la même capacité à aller droit. La terre inégale du chemin, mélangée aux pavés, vestige de l’époque ou l’endroit était une véritable rue, se montraient traitres sous ses jambes de remplacement. L’une d’elle glissa soudain, lui échappant de la main. Par réflexe, Ewen reposa son pied sur le sol pour garder son équilibre et éviter de tomber. Un gémissement lui échappa alors qu’une décharge de douleur lui parcourait la jambe. Voyons le bon côté des choses, elle n’était pas tombée. A cloche pieds, elle alla récupérer la béquille traitresse avant de reprendre son chemin.
A mesure qu’elle traversait la ville et qu’elle s’habituait à ce mode de locomotion, elle parvenait à avancer à un rythme plus normal. La période ne serait peut-être pas SI infernale au final. Elle parvenait à se déplacer à travers la ville sans trop perdre son équilibre et à une vitesse qui dépassait celle de l’escargot anémique. Evidemment, pas question de faire d’activité athlétique, mais elle pourrait au moins arrêter de ne vivre que dans son lit.
Elle s’arrêta. Devant elle, pareille à toutes les maisons des environs, se tenait sa destination. Ici vivait l’une des plus mauvaises de ses fréquentations. Du point de la vue de la loi, en tout cas. Malgré sa détermination, elle s’arrêta, un instant. Etait-ce vraiment ce qu’elle souhaitait faire ?
Oui. Elle ouvrit la porte, en faisant attention de ne pas tomber.
Dernière édition par Ewen Chantenuit le Ven 22 Juil 2022 - 16:11, édité 1 fois