Le combat se termine. Je m'approche tranquillement de l'homme à la chevelure sérieusement blessé, avec un léger sourire en coin. Je fais signe aux marins de le ligoter solidement, sans oublier de lui passer les menottes. Je me retourne, la fille s'est rendue elle aussi. Bien. Un sentiment de satisfaction m'emplit de joie, il me ferait presque oublier mes jambes qui menacent de céder sous mon propre poids. Alors que je prête plus sérieusement attention à mon état qu'aux pirates, le troisième comparse, encore libre de ses mouvements tue un marin qui s'est relâché, évite par miracle les balles et fonce dans une des maisons de l'étroite ruelle. Des marins le prennent en chasse mais il n'ira pas bien loin : Tuuk et Reale les suivent. Je fais le bilan du concert : quelques morts et blessés sont à déplorer. Aucun problème sérieux en somme.
Une confrontation rondement menée. J'espère pouvoir tirer quelque chose des pirates, mais j'en doute sérieusement. Je leur trouverai sûrement une utilité par la suite. Tuuk et Reale cherchent toujours le dernier, cela devraient bientôt aboutir. Je fais mine d'être moi aussi capturé par les marins, sans me faire menotter, pour ne pas griller ma couverture car mon travail dans cette ville n'est peut-être pas encore fini. Je remets ma capuche pour qu'aucun de mes traits ne soit perçu par la population et suit les gardes qui se dirigent vers la ville haute, guettant le moindre signe de mon escargophone. [...]
La nuit ne rend pas la ville haute plus angoissante, je m'en aperçois à chaque bref coup d'oeil.
Elle est brillante, étincèle, chacune de ses facettes apparaît plus belle que la précédente. Haute en couleur et fourmillante d'activité, la seule imperfection semble être la mine renfrognée des différents passants. Ils s'écartent rapidement pour laisser passer les soldats nous conduisant dans les geôles du palais puis se remettent à commérer. Pathétique.
Nous entrons dans la résidence princière. Somptueuse, magnifique, mirifique. Rares sont les palais atteignant ce niveau de beauté ; je me réjouis de pénétrer dans ce lieu même si l'odeur de l'argent sale me donne envie de vomir tellement elle est présente. Cette ville est pourrie jusqu'à la moëlle et
son palais empeste tout la pompe humaine. Je pense rapidement à ma situation et me dit qu'un incident diplomatique éclatera si l'on apprend le but de ma venue en ces lieux.
[Musique d'ambiance : http://www.deezer.com/listen-10796159]
[Pour la relecture : http://www.deezer.com/listen-10796163]
(faire un copié-collé des liens, ne pas cliquer)Les marins s'arrêtent devant de lourdes portes en fer. Les gardes écartent leurs hallebardes et les laissent passer. Je suis la petite troupe dans les caves du château. Nous nous enfonçons dans l'obscurité la plus totale. La fille s'agite, le sauvage semble s'en amuser. Seuls les bruits de pas des marins sur le sol boueux (écrasant parfois quelques os) et les couinements des rats rompent le silence absolu. On allume les torches et la prison apparaît enfin. Le sang a envahi le sol, des organes tapissent les murs des cellules et un tube digestif déroulé semble nous mener vers la future cellule des pirates. Certains marins vomissent, d'autres se précipitent en courant vers les lourds battants de fer.
Crrrrrrrrrrrrrrrr. Clac.
La grille du cachot se referme sur les pirates. Plusieurs marins se postent autour de la grille, armes à feu sorties. L'air lourd m'étouffe et je vacille légèrement. Ma vision se trouble quelques secondes, je peine à me maintenir debout et mes jambes me lâchent. Je m'écroule mais un marin m'attrape de justesse avant que je ne m'écrase. [...]
Quelques secondes passent et je reprends mes esprits. Un colosse arrive vers nous, je le fixe, il ne s'intéresse pas à moi. Il poste ses propres gardes autour du cachot en prévision d'un interrogatoire, donne quelques ordres et se présente. Georg Braf. Gardien en chef de la prison souterraine de Goa. Une prison peu célèbre, un dirigeant réputé, et surtout craint. Drôle de paroxysme.
Que fait ici un homme comme lui ? Plusieurs solutions me viennent à l'esprit et elles sont atroces pour les pirates. L'envie de faire souffrir en toute impunité me semble être sa motivation la plus probable. Connu pour avoir dirigé plusieurs forteresses, je l'ai déjà aperçu plusieurs fois lors d'enquêtes où je devais apprendre à mener les interrogatoires. Il se fait vieux lui aussi, mais son regard de fouine ne l'a pas abandonné.
Haut de deux mètres trente, son crâne rasé proprement éfleure le plafond du sous-sol. Il questionne assez rapidement le chef des marins :
"Quand puis-je commencer l'interrogatoire ?Le sergent-chef semble un peu apeuré et me désigne du doigt, sans doute pour se débarrasser de Braf.
Il s'avance vers moi et me repose la question.
Driiiiiiiiiing.
-
Maréchal, notre traque est sur le point d'aboutir.-
Parfait, ramenez-le dans les geôles du palais aussi vite que possible, réponds-je à Tuuk."
Tuuk s'avança dans une maison. Elle était une copie conforme du reste de la rangée qu'ils avaient investis quelques minutes auparavant. D'après les marins chargés du périmètre de sécurité entourant les habitations et la ruelle, rien n'y personne n'en était encore sorti (à part l'équipe conduisant la première vague de prisonniers). Toutes les maisons avait été fouillées pour retrouver le fugitif, les habitants contrôlés puis évacués dans la ruelle adjacente mais le pirate restait introuvable.
Très peu personnalisée, la famille qui vivait à l'intérieure devait être plutôt pauvre : les rares éléments de décoration étaient de modestes cadres fixés dans les interstices des murs de pierre. Une lampe éclairait la pièce principale. Tuuk quitta la maison en maugréant audiblement quelque chose comme "l'est pas là, comment j'vais faire pour l'trouver". Puis il rejoignit Reale qui était lui aussi ressortit dans la rue.
Il lui fit quelques signes bref puis ils foncèrent à l'intérieur de la maison des pauvres. Ils la fouillèrent activement et découvrirent l'homme caché dans un coin. Il avait commencé à casser un mur porteur pour que la maison s'écroule et que le tohu-bohu causé lui permette de s'échapper.