ISHIKAWA Satoshi est un gosse assez solitaire qui parcourt la ville avec aucune motivation. Errant sans but çà et là, il donne l'impression qu'il ne s'intéresse à rien et qu'il est un peu turbulant. Il ne montre à personne son désir de voyager et de collectionner certaine lame de prestige. À son actif, il ne possède qu'un sabre mal entretenu. Sachant le recueil qui répertorie quelques katanas de renom jusqu'au bout des doigts, il s'est mis en tête d'acquérir un meitō en particulier. En l'occurrence, celui à la ceinture d'Akane. Il est sûr que c'est celui-là. Il en reconnaîtrait le fourreau entre mille! Et dans son insouciance, il est prêt à n'importe quoi pour l'obtenir.
—
« Je suis sérieux, Madame!! » S'offusque t-il.
La rousse s'arrête de marcher et soupir. Un caillou vient encore l'effleurer. Agacée, elle se retourne à nouveau. D'autres passants stoppent pour comprendre ce qu'il se passe. Certains se demandent si la proposition du duel est échéante. Les autres gens ne s'intéressent pas au problème et se contentent de contourner la samouraï et le jeune insolent. Ce dernier s'interroge quand même sur l'intérêt de porter autant de katanas et repose sa question.
—
« Vous vous battez réellement avec trois sabres?! » Fait-il, intrigué.
—
« Seulement si nécessaire. » Dit la rouquine, l'air agacé.
—
« Comment ça?? » Se questionne le freluquet.
Il faut avouer que c'est assez perplexe comme usage. Des curieux qui commencent à se regrouper autour s'intéressent aussi. L'un d'eux s'écrie alors.
— « C'est vrai ça. Pourquoi trois?! » Demande un marchand.
La samouraï est ennuyée. Pour elle, il s'agit juste d'un style de combat parmi tant d'autres. Elle ne comprend pas la raison pour laquelle ça suscite autant d'interrogations. Cela dit, les personnes ayant autour de 35 ans peuvent faire le rapprochement entre l'hypersomniaque et une supernova célèbre disparue depuis quelques années qui sache manier le Santōryū, la technique à trois sabres. Observant attentivement Satoshi, Akane ne répond pas aux questions.
—
« Est-ce que tu mesures que tu ne fais pas le poids? » Dit-elle, soucieuse de rappeler que ce combat ne vaut pas la peine.
—
« Je sais ce que je fais! » S'entête le jeune brun.
Considérant que cette fois-ci Akane accepte le duel, l'adolescent dégaine son arme. Il s'attend à ce que la narcoleptique fasse de même, mais elle ne fait rien. Contrarié de devoir lui demander, le gamin de la rue lui réclame de faire pareil. Les citadins observent alors attentivement la scène. Beaucoup savent que le gosse risque gros, mais certains ricanent en s'imaginant la bretteuse perdre. Perdant patience, le môme se jette en avant. Tenant le pommeau comme un forcené, il abat violement sa lame une fois à bonne portée. Sans sortir ses katanas, l'étrangère recule d'un pas pour éviter. Elle esquive l'assaut acharné de son adversaire, espérant alors qu'il comprenne qu'elle ne veut pas se battre. Il se fatigue à frapper dans le vide et finit par s'énerver. Si seulement ça pouvait lui servir de leçon se disait-elle.
—
« QUOI?! Ce n'est pas possible! » S'indigne Satoshi.
C'est là que le jeune ISHIKAWA entre dans une frénésie inarrêtable. Capable de faire des dégâts dans cet état, Akane comprend à quel genre d'individu elle a à faire et ne s'étonne pas. Elle essaie de faire au mieux pour que le duel ne fasse pas de dommage matériel ou humaine. Manifestement soutenue par les habitants de la Baie de Jing, ces derniers aimeraient bien voir une correction du garnement bien méritée. Celui-ci, fou de rage, donne des gestes maladroits dans tous les sens. Les spectateurs s'écartent parfois au mauvais moment, se faisant alors entailler légèrement ou arracher un bout de vêtement. Des étalages dégringolent à force de coups manqués. La rousse n'aime pas cette situation et souhaite mettre un terme à tout ça. Après avoir repoussé avec le pied son opposant, elle dégaine Hahen dont le nom signifie "Écharde". Il s'agit d'un
bokutō, c'est à dire un sabre en bois destiné normalement aux entraînements. Généralement, quand cette arme est utilisée seule, c'est pour ridiculiser l'adversaire tellement celui-ci est jugé insignifiant aux yeux d'Akane. Celui-ci ne peut pas accepter un tel affront et rouspète.
—
« Sérieusement?! Tu me prends pour un gamin?! » Fait-il avec plus d'ardeur.
La narcoleptique laisse alors Satoshi s'approcher. Elle compte sur l'aveuglement causé par la haine pour mettre fin au duel. Il ne faut pas beaucoup d'échanges avant qu'elle ne désarme le teigneux en le faisant tomber à la renverse. Sa lame part se perdre au milieu de la foule qui apprécie visiblement cet instant. Encore sous le choc, le jeune brun ne peut pas le croire. Malgré sa révolte interne, il essaie de retrouver son calme et son souffle. La pointe d'Hahen au niveau de sa gorge, le môme n'admet pas encore tout à fait sa défaite. Assimilant difficilement la leçon, le gosse commence à peine à comprendre. Ravalant sa salive, il se demande s'il n'y a pas matière à apprendre plus. Après tout, personne ne s'intéresse à lui et tout le monde le juge comme étant un bon à rien. C'est pour lui une occasion en or d'en savoir plus. La rouquine espère ne pas devoir faire davantage, mais elle voit dans son regard une déception de lui-même. Elle suppose que son adversaire cherche constamment à s'améliorer. Dans un sens, son opposant lui fait penser à elle quand elle a été plus jeune. Roulant sur le côté, Satoshi se redresse d'un bond.
—
« Un échec n'est pas une fatalité. Enseignez-moi encore. » Dit-il sincèrement.
Malgré les quelques coupures ou les quelques dégâts matériels, les citoyens se disent que Satoshi n'est peut-être pas un si mauvais bougre.