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Air Gear



Patrocle et moi nous sommes quittés il y a peu de temps. Il me disait devoir rejoindre un certain Ragnar. Je ne sais pas tellement qui Est-ce type, mais le rencontrer semblait important pour lui. Connaissant vaguement ses projets et les derniers discours du Gouvernement, j’ai préféré ne pas lui en demander davantage. Être mêlé à ça signifiait la peine de mort. Là, je me la coule sur un navire commercial, une compagnie de charpentiers qui arpente les mers bleues pour répondre aux demandes envoyées. Mine de rien, ça fonctionnait pas mal leur affaire. Je ne suis qu’un simple intérimaire qui a dû faire ses preuves pour l’intégrer. D’une, j’ai besoin de fric. De deux, j'avais besoin d’outils et de matériaux pour concevoir cet engin qui me permet de créer certains phénomènes météorologiques. Bon, pour l’heure, je ne suis pas capable de faire grand-chose.  

- Terre en vue !

La vigie me sort de mes pensées. Le capitaine a en effet décidé d’une escale nécessaire et méritée par l’équipage. Ce n’est pas pour me déplaire, j’en ai ras-le-cul d’être en mer. Eärendil, dont la présence a été acceptée à bord, ne tenait également plus en place. D’après le navigateur, nous approchons d’Inu Town. Je ne connais absolument pas le coin et, si ce n’est la fameuse tour qui relie ce bled et celui des anges, je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit d’attirant. Pis avec les autres connards qui ricanent dans mon dos depuis l’annonce de notre arrivée, un mauvais pressentiment me parcourt l’esprit. En arrivant, nous sommes plutôt bien accueillis par les habitants de l’île, qui se montrent assez sympathiques. Je me détends un peu. On se dirige aussitôt vers un bar où la commande est rapidement passée. On trinque, on se laisse aller à des jeux à la con, on boit de nouveau, on chante entre deux gorgées, c’est la fanfare. Les heures passent sans réellement s’en apercevoir. Quelle heure est-il ? Il ne fallait pas me poser la question, c’est à peine si je sais où je me trouve. Je me dirige au comptoir récupérer la prochaine tournée.

- Vous vous amusez bien, me dit le vieux barman.  

- Mettez de quoi picoler à un homme, de la musique en fond, c’est à peu près tout ce qu’il nous faut.  

J’ai encore suffisamment de coffre pour suivre une discussion.  

- Combien de temps de restez-vous sur l’île ?

- Je dirai une semaine, de quoi nous laisser le temps d’effectuer des maintenances sur notre navire et se réapprovisionner.

- Oh ! Vous allez pouvoir assister aux jeux de ceux qui nous tombent du ciel !

- ça m’étonnerait...

- Bien sûr le vieux ! dit le capitaine en m'empêchant de finir ma phrase. Combien d’années qu’on vient ? Avons-nous déjà raté ces foutus jeux ? D’ailleurs, on compte y participer, hein Alma, dit-il en m’attrapant par l’épaule.

Je me retourne pour chercher un soutien de quiconque. Il s’est forcément trompé. Mais je me retrouve à voir toute cette bande de raclures, ma jolie blonde comprise, en train de rigoler comme de braves enfoirés. Impuissant, je comprends que ma destinée est encore une fois mise en jeu sans mon consentement. En cas de refus, comme presque souvent, on me menacera de me laisser ici en partant avec Eärendil. Parfois moins subtil, de simplement kidnapper Eärendil et lui faire subir toutes sortes de chose. Et comme d’habitude, j’accepte cette situation sans broncher, pendant que la prétendue victime se marre avec les autres. Pourquoi suis-je si naïf ? Si passif ?  

- T’inquiètes pas, p’tit gars. Personne n’est jamais mort. Enfin si... L’année dernière un type était un peu trop alcoolisé. Pas étonnant après être passé ici. Mais ça n’arrive pas tous les ans !

Dans la foulée, ce même barman sort de son comptoir un énorme cahier, dans lequel s’inscrivent les participants “humains” à ces épreuves. Inutile d’être d’une grande perspicacité pour comprendre que ce bar n’a pas été choisi au hasard. J’abaisse mon couvre-chef pour tenter de cacher l’expression de mon visage. De grandes gouttes de sueurs commencent à perler sur l’ensemble de mon corps tant la suite des événements m’effraie. Me voici inscrit à l’Air Gear 1628 d’Inu Town.  

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Deux jours plus tard, je me réveille bien plus tôt que les autres, courbaturé par mes séances de fitness, pour me rendre au lieu de rendez-vous donné par le vieil homme du bar. Les autres dorment comme des loques. Pour tout vous dire, c’est même Eärendil qui m’a poussé du lit – alors qu’elle dormait encore, sans quoi j’aurais raté l’épreuve. Je retiens mes mots mais vous imaginez certainement ce que je pense. Direction le Weatherport. Fort heureusement, notre navire n’est pas situé très loin de ma destination, c’est plutôt bien encadré pour que tout le monde puisse suivre l’événement. Suivre ma déroute surtout. Plus j’avance et plus je me sens mourir. Les détails quant aux règles des différents jeux ne m’ont pas encore été donnés, mais sincèrement, j’appréhende beaucoup.  

Une fois au port, j’aperçois un panneau, puis une tente où les participants doivent se rejoindre. On m’accueille avec un grand sourire, les autres candidats me regardent soit de haut, soit en rigolant discrètement. Oui, ils sont tous bien équipés avec des maillots et collants bien moulants, tous bien baraqués. Moi, à côté, je ne suis qu’un pauvre type avec un bob, des getas, une chemise et un pantalon léger et ample. On voit assez facilement que je ne suis pas très épais. Je remarque de mon côté qu’il n’y aucun ange. Un marquage au sol, plus précisément un cercle, est tracé juste en-dessous d’un trou de la même circonférence que le marquage au sol. Un tube apparaît du ciel et un ascenseur descend quelques instants après.  

- Euh... Pardonnez-moi, m’dame, c’est quoi cette histoire ? On ne m’a rien raconté de tel au bar...

- C’est votre première fois ? Ne vous inquiétez pas, monsieur, tout est sous contrôle. Les anges contrôlent parfaitement cet ascenseur. Il est utilisé chaque année pour cette occasion.

- Et ça n’inquiète personne qu’il soit utilisé qu’une seule fois par an ? La mécanique, ça s’entretient, ça s’utilise régulièrement pour éviter la rouille, ça se teste... J’en ai bricolé des ascenseurs, mais jamais encore qui montent au ciel !

Un type à mon dos dont je n’avais pas remarqué la présence me fout un chassé dans le dos, me poussant dans le cercle. Le tube tombe, impossible d’en réchapper. A mes pieds, la plateforme s’élève. Comment ça marche, bordel ? Il n’y a aucun câble. Rien. Pourtant, la montée est fluide et sans secousse. Je me retrouve assez haut un peu trop rapidement à mon goût, je vois déjà l’île dans son entièreté. Au moindre souci, je suis un homme mort. La chute serait mortelle à cette hauteur. Je passe les premiers nuages, plus aucune visibilité sur la terre ferme. Je ne les vois plus et ils ne me voient plus. Les yeux rivés vers ce qu’il y a au-dessus de moi, j’aperçois alors une grande île céleste. En quelques minutes, je me retrouve au septième ciel, n’est-ce pas formidable ? J’arrive assez rapidement au sommet, réceptionné par des anges qui s’empresse de m’accueillir pour renvoyer l’ascenseur.  

- Dites, c’est quoi la suite ?  

L’ange qui m’accompagne me regarde d’un air sceptique.

- On ne t’a rien dit en bas ? Font chier ces humains à ne pas faire leur boulot ! Ecoute p’tit gars, la seule chose que je peux te dire, c’est de croire en ces types de la Cloud’Academia.  

En voyant que je ne pipe absolument rien de ce qu’il me raconte, le type me dirige en poussant d’un geste amical accompagné d’un “bon courage”. C’est comme ça que je me retrouve avec les types de tout à l’heure et une chasuble d’une couleur. Je comprends que nous sommes séparés par équipe de manière aléatoire.  

- Bien, dit au micro un ange corpulent. Nous attendons les derniers candidats et la trappe s’ouvrira. Bon match !  

Gnieeeeeeen ! Mais qu’est-ce qu’il me raconte !? D’énormes gouttelettes perlent sur mon front. Je deviens tout pâle. La tête tourne et ma vue se trouble. Je vais mourir. Je vais mourir. Je vais mourir. Je vais mouriiiiiiiir bordel ! Combien de temps s’écoule ? Je ne sais plus. Je perçois difficilement les couleurs des membres de mon équipe. J’entends des encouragements, des cris pour se motiver, des cris d’excitation... Personne n’a peur ou quoi ? Je suis en plein cauchemar. Je dois certainement dormir aux côtés d’Eärendil. Il suffit de me réveiller, hein ? Réveille-toi. Réveille-toi. Putain ! Réveille-toi !

La trappe s’ouvre. Je n’ai même pas entendu le décompte. C’est la fin.



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Une chute. Une putain de chute libre. Là, je suis juste en train de tomber du ciel. Je ne peux pas faire le mec naïf qui ne se doutait de rien. Je sais bien qu’en montant si haut dans les cieux, je devais à moment ou un autre descendre. Mais pas comme ça. Pas en me lâchant comme une merde. J’ai l’impression d’être un bout de cailloux que l’on jette du haut d’une falaise. Le plus dérangeant dans cette affaire, ce sont tous les autres abrutis dopés aux stéroïdes qui semblent prendre un grand plaisir en plein vol. D’ailleurs, quel est le but de cette épreuve ? J’aperçois des cages de but, j’ai vu que nous étions séparés par équipes, alors je suppose qu’il faut simplement marquer. J’espère que l’ironie se fait ressentir quand je parle de simplicité.

- Oy ! Le blond ! Attrape-moi ça ! Hurle un type portant la même couleur de chasuble que moi.

Alors évidemment, j’attrape la balle, mais maintenant ? Je ne sais pas encore voler. De toute façon, je ne crois pas que l’équipe adverse veuille me laisser le choix. Voilà qu’un grand brutus se laisse tomber comme un piquet, au-dessus de moi, pour m’impacter le dos. Une vive douleur me parcourt le corps entier. Un peu plus et ma colonne y passait. D’un rapide coup d’œil, je vois qu’il n’y a pas le moindre arbitre. J’imagine que seuls les buts sont comptés. Un autre coup d’œil pour identifier mes différents partenaires et leur position par rapport au but adverse. Je n’ai aucun objet de mesure pour ajuster ma précision. Mon seul repère est la gravité. Grâce au coup reçu précédemment, je suis plus bas que mes partenaires. La masse de la balle étant plus légère que celle de l’homme, j’imagine que nous “chutons” plus rapidement. Alors j’envoie la balle juste en face de moi, d’un mouvement nonchalant qui, pourtant, est réceptionné le camarade en question qui tombait juste au-dessus de moi, quelques plus loin.

Aucune règle empêche d’agresser autrui. Aucune règle empêche d’utiliser nos atouts, non ? Je dis ça parce que je vois un type attaquer le porteur de balle à l’instar d’un albatros qui chasse du poisson en pleine mer. Je tends discrètement mes mains vers ce dernier. Dans un premier temps, absolument rien ne se passe. De mon côté, je sais ce qu’il se passe. Je génère à la fois de l’air chaud et de l’air froid, créant partiellement un brouillard qui prend en masse au fil des secondes.

- Frog Tempo.

Le nuage se déplace en direction de la cible et l’aveugle dans sa chute, permettant à mon partenaire de manœuvrer un peu plus librement. La mer est de nouveau visible, Inu Town aussi. Je ne sais pas depuis combien de temps nous chutons mais l’épreuve arrive à sa fin. Par moment, je ressens que nous sommes ralentis dans notre chute, probablement dû aux capacités des anges. Contrôler le flux des vents est une capacité que j’aspire à maîtriser un jour. Mais pour l’heure, je dois remporter cette foutue épreuve. Une passe interceptée et la balle est à l’adversaire. Un coup de genou en pleine tronche, on récupère la balle. Un direct du droit dans les côtés, un autre qui arrache la balle, on perd de nouveau la balle. Un long va et vient s’instaure depuis un long moment. Qui me semble long en tout cas.

Je me place juste au-dessus de la lutte qui a lieu pour récupérer la balle, me laisse tomber droit comme un “i”. Dans l’une de mes mains, une bulle chargée en électricité se forme. Les quatre mains sur l’objet convoité sont balayées par les getas avec lesquelles je récupère habillement la balle. Je laisse au passage la Thunder Ball qui électrocute les deux hommes dont, vous l’aurez deviné, mon partenaire. Un type surgit de ma gauche mais je prends appui sur sa tête pour m’en dégager. J’approche de la cage de but. Je n’ai plus qu’à armer mon bras et lancer le projectile. Néanmoins, deux types s’interposent, face à moi, réduisant considérablement mon angle de tir. Et bien logiquement, ils se laissent avancer vers moi pour en découdre. Je n’aime pas la violence. Je lâche simplement la balle vers le haut. Ils ricanent comme deux abrutis me prenant pour un peureux. Ils n’ont pas tort de manière générale. Mais là c’était réfléchi.

- Abrutis. Défendre à deux sur un joueur laisse forcément un espace de libre pour vos adversaires, dis-je en pointant du doigt le soutien offensif qui arrivait au-dessus de nous, réceptionnant la balle et frappant au but d’une puissante frappe.

Une cloche retentit aussitôt que la balle pénètre les buts. J’observe le sol se rapprocher de plus en plus vite. Le moment que j’appréhende le plus : la réception. Vue la distance qu’il nous reste, je doute qu’un but puisse encore arriver. Pour empêcher toute possibilité, je déploie de nouveau de nouveau un brouillard en levant mes deux mains vers le ciel. Pris dedans, je ferme les yeux et me met en boule pour ne pas voir le massacre. Mon corps va finir écraser... Mais au moins, j’ai gagné mon premier match de Air Gear.

Puis j’entends des rires autour de moi. En ouvrant les yeux, je remarque que je suis allongé, en boule, au beau milieu d’une foule de gens, les larmes aux yeux. J’étais en train d’hurler l’aide de mon vieux pendant de longues secondes. Et honnêtement, il s’en est fallu de peu pour que je me pisse dessus. Vraiment. Je suis définitivement un déchet de ce monde. Ras-le-bol de passer pour un con. Honteux, je me relève pour m’aligner à côté de mes coéquipiers en attendant les récompenses pour notre victoire. Évidemment, celui que j’ai électrocuté profite de cette situation pour se venger.

Au moins, je peux oublier cet horrible moment de ma vie, retrouver mon équipage, ma blonde et continuer ma misérable existence.



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- Vous ne seriez pas en train de vous foutre de ma putain de gueule là ? J’veux dire que la première fois, ça relève de la blague, mais là c’est du foutage de gueule.

- Ne l’prends pas comme ça, gamin, c’est pour te forger.

- Comment veux-tu que j’le prenne sale fils de chienne !

Pour vous la faire courte, je rentrais tranquillement de ma victoire, fier comme un coq, brandissant la coupe à mes camarades. Jusque-là tout allait parfaitement bien. Mais après quelques félicitations un peu trop légères à mon goût, certains me laissaient entendre que le meilleur restait à venir. Quoi donc ? La construction de navires gigantesques qui allaient m’apporter gloire et fortune ? Que nenni. T’es bien trop con Alma. Bien trop naïf. Ces connards finis m’informent que dans le registre du vieux, dans le bar, l’inscription comptait pour les deux épreuves. Une page pour l’épreuve 1, une deuxième pour l’épreuve 2, une troisième pour l’épreuve 1 et 2. Naturellement et évidemment sans le faire exprès, on m’a inscrit dans la troisième page. C’est grossièrement résumé mais vous voyez l’idée.

- Allez Al’, fais pas ton rabat-joie, c’est ton moment de gloire !

- Mon moment de gloire ? Tu veux que je te montre à quoi ressemblerait mon putain de moment de gloire là ?

Fallait pas me chauffer. Des filaments électriques commencent à parcourir l’ensemble de mon corps. Et oui. Ça m’arrive aussi d’être un peu remonté par moment. Mais vous connaissez la suite. Des caresses, des mots doux, puis je suis de nouveau le gentil petit agneau de madame la bergère. Pire encore, j’en viens même à accepter mon sort sans broncher. Et oui, voilà, je me retrouve candidat pour cette nouvelle épreuve qui ne m’inspire pas plus que la précédente. Le seul et unique point positif est que l’on ne me jettera pas du ciel ce coup-ci.



•••




Plus tard, je me retrouve sous un grand chapiteau avec plein d’hommes et de femmes. J’en reconnais certains avec lesquelles j’ai joué à l'épreuve précédente, mais la plupart me sont totalement inconnus. On nous explique les règles avant toute chose. Il faut foutre un maximum de traînée de fumée dans un maximum de rues pour remporter cette épreuve. Ouais, ça semble facile, mais un doute persiste. Il y a évidemment un temps limité, tous les coups sont permis et, malheureusement, les non-participants peuvent participer et nous éliminer avec des fusées de peinture. Quelle plaie. Ce n’était pas suffisamment casse bonbons comme ça. Pis de tout façon, on a peine le temps de tout intégrer que les équipes se forment de manière aléatoire, au tirage au sort. Je saisis un bout de papier au fond d’un grand récipient sphérique. Bleu. C’est la couleur de mon équipe. Alors comme des petites brebis égarées, on se cherche au travers de cette foule de gens, afin de reformer notre petit troupeau. Au début, je m’inquiète un peu en voyant les carrures assez minables, frêles. Mais juste au début. En fait, ils affichaient un regard qui en disait long. Nous sommes une équipe de sept et il y a cinq équipes. Trente-cinq participants. Dans l’équipage, quatre mecs et deux gonzesses, pis moi au milieu de l’équation. Ils semblent déjà se connaître. On m’expliquera plus tard que les types sont déjà formés initialement, mais que celles dont il manque des joueurs sont complétées par des nouveaux participants comme moi.

- Bon, le p’tit nouveau, on a une semaine pour faire de toi un Air-Rider, dit un chevelu frisé binoclard avec un regard assassin.

J’esquisse un sourire.

- J’ai tellement hâte d’en finir avec toutes ces conneries, dis-je en serrant les dents et en affichant un horrible sourire.







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Certains utilisent des planches, d’autres des patins, tous deux renforcés par des ventilos dials. Mon choix s’est expressément porté sur les patins. Je me sens plus mobile qu’avec une planche, les deux pieds cantonnés sur un bout de bois. Enfin, quand je m’aperçois de quoi sont capables les types de mon qui les utilise, je me dis que je suis tout simplement trop naze pour utiliser cet instrument. En tout cas, en quelques jours, je parviens à me déplacer à peu près correctement. Ça n’a pas été sans embuche, puisque je me suis cassé la figure à de nombreuses reprises. Et pas qu’un peu. Si l’on prend les caractéristiques purement physiques, je suis meilleur que les autres, mais ma maîtrise des patins est encore approximative.  

Puis finalement, plus le temps passe et plus une idée commence à murir en moi. Plutôt que de m’emmerder à faire comme les autres, à tous tenter de répandre le plus de fumée de notre couleur ou à protéger l’équipe, pourquoi ne pas m’attaquer directement aux équipes adverses ? Je veux dire par là que je n’ai pas envie de faire durer l’épreuve et que j’ai envie d’en finir le plus rapidement possible. À côté de ça, je n’aime pas perdre. La seule règle qui m’intéresse : ne pas toucher le sol. Il suffisait de faire en sorte que tous les autres se cassent la gueule. Alors évidemment, pour ne pas compromettre les plans de l’équipe, je leur en parle et je me retrouve une fois encore avec le rôle du con de service. Ce que je leur ai décrit existe déjà, c’est un poste clairement défini dans chaque équipe. Ils appellent ça un “traqueur”, un type chargé de foutre la merde dans les équipes adverses. Et le pire dans tout ça, c’est qu’ils avaient déjà prévu de m’y foutre, comme ils ne savaient pas trop quoi faire de moi. Au mieux, je parviens à ralentir quelques équipes. Au pire, je servirai d’appât pour les ralentir. Dans tous les cas, ils ne comptent pas tellement sur moi pour leur être d’une grande utilité.

 

•••



Le jour de l’épreuve tant attendue, la foule est en transe le long des rues. Je vois mon équipage avec Eärendil qui hurle jusqu’à en perdre la voix. Ça ne me motive pas plus que ça. D’ailleurs, j’arrête carrément leur prêter une quelconque attention. J’observe plutôt mes adversaires, concentrés, en train de manigancer des stratégies pour gagner. Quelle bande de guignols. Je vais tous me les faire ces gros nullards. Le speaker présente brièvement l’épreuve, le parcours à suivre et... c’est tout. À part tuer, on peut à peu près tout faire. Nous sommes placés sur les toits, derrière une ligne blanche. Le speaker, en plus de son micro, tient un pistolet qu’il dirige vers le ciel. Au coup de feu, le départ sera annoncé.  

- PAN !

À cet instant précisément, alors que la plupart des types s’envolent, l’un d’entre eux est violemment écrasé au sol. Éliminé. Il y en a un que je visais depuis le début, il s’était foutu de ma gueule au grand rassemblement. Il avait à peine décollé que je lui ai foutu un coup de pied du haut vers le bas, alimenté par le ventilo dials. Je peux vous dire qu’il ne s’en souviendra pas parce qu’il est complètement dans les vapes, inconscient. Bordel. Pour combattre, y a rien de mieux. C’est fantastique. Quelque part, je me suis un peu grillé dès le départ, tout le monde sait que je suis le traqueur de mon équipe. Mais sincèrement, je m’en carre le sauciflard.  

Une corne-muse retentit pour annoncer l'élimination d'un joueur.

Ainsi donc, je commence à courir sur les toits de la ville. Je me désolidarise complètement de mon équipe. Ils m’ont dit d’avoir confiance en eux et que, dans chaque équipe, il y avait des personnes pour défendre celui ou ceux qui se chargent de répandre la couleur dans les rues. Honnêtement, malgré leurs corps de lâche, ils sont sacrément habiles. Chacun d’entre eux m’a mis une dérouillé aux entraînements. Aucune stratégie de mon côté. Un électron libre qui doit taper le plus possible.  

J’avoue que ça commence à me plaire.



 

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Mon équipe s’est engagée dans une rue. Une autre la suit mais je ne m’en occupe pas. En fait, je décide simplement de m’attaquer à l’équipe la plus affaiblie, celle dont j’avais éliminé déjà un membre. Ils bifurquent sur une rue à ma droite. Je les poursuis à toute vitesse. J’envoie de grandes foulées avec mon grand corps tout frêle, je saute de toit en toit assez aisément, sans même utiliser les ventilo dials. Ils m’ont repéré et certains sont déjà en position de défense, prêts à parer mes attaques. La grande erreur des organisateurs a été d’autoriser l’utilisation des capacités spéciales. Évidemment que j’allais m’en servir. Évidemment que j’allais en abuser. Je suis l’abus en personne et ça ne m’empêche pas de dormir.  

- Vous feriez mieux de regarder en face de vous, gros malins, dis-je en souriant après manipuler mes doigts.  

Devant eux, un brouillard commence à s’étendre. Pendant ma course, je me suis amusé à générer des bulles d’air chaud et froid, ce qui a provoqué ce petit brouillard. Bon, je ne suis pas hyper emballé par ma création, mais c’est déjà pas mal pour un début. J’entends des types se prendre des murs et tomber au sol, d’autres se font tirer dessus par les villageois en colère et causant ainsi leur élimination, mais un seul réussit tout de même à sortir indemne. Malheureusement pour lui, j’arrive du ciel et lui colle mes deux patins en pleine tronche. Il s’écrase violemment au sol. L’équipe entière est maintenant éliminée. J’effectue quelques impulsions pour reprendre de la hauteur et me poser sur un toit. Fouillant dans ma poche, je sors une toute petite longue-vue que j’ai bricolé il y a peu.  

Vous voyez, l’avantage de mon poste, c’est que je ne suis pas obligé de suivre une rue. Je peux couper les rues, les enjamber, prendre des raccourcis pour rattraper mes cibles. À une centaine de mètres, j’aperçois une équipe complète. Enfin, pas tout à fait, il manque une personne. Ils ne sont que quatre. C’est quand je vois l’ombre d’un individu plus imposant que moi que je comprends qu’un gaillard va me faire mordre la poussière. Je me retourne expressément, mais trop tard, son poing atteint presque mon visage. Je me laisse alors tomber vers l’arrière, en chute libre, mais je parviens rapidement à reprendre de la hauteur grâce aux patins. Mes doigts s’agitent en direction du colosse. Le voilà maintenant en train de me prendre pour un fou et à se moquer de moi.

- Tu trembles devant ma grandeur, gamin ? En même temps, j’suis dans l’équipe tenante du titre, alors j’te comprends. Regarde un peu. Même le ciel est contre toi. Ta participation à cette épreuve est une erreur.  

Je souris.  

- C’est marrant, hein. Un type m’a dit la même avant qu’on nous lâche dans le vide lors de l’Air Gear... J’ai pourtant gagné ce foutu match.

L’assurance de ce brave type s’envola.  

- Un type comme toi... Gagner l’Air Gear ? Hahaha. M’fais pas rire !

Je lui tourne le dos et commence à marcher en direction du reste de son équipe.

- Ah ! En fait, l’orage, c’est moi qui l’aie provoqué. À bientôt, dis-je en balançant activement ma main.

Quand j‘abaisse violemment ma main, la foudre s’abat aussitôt sur ce colosse qui, malgré son corps robuste, s’écroule comme une merde jusqu’au sol de la rue. Le toit est légèrement endommagé mais ma puissance n’est encore extraordinaire. Juste de quoi griller un peu le tout. Je recommence ma course, je bondis dans les airs et passe au-dessus de nombreuses rues, jusqu’à parvenir à cette fameuse équipe de quatre joueurs. Leur traqueur étant dans les vapes.  Tout en continuant ma course, mes doigts se chargent d’électricité, puis je serre les poings pour recouvrir ceux-là de toute l’énergie. J’apparais brusquement sur le même toit que l’un des compétiteurs, que je rattrape en quelques enjambées grâce à une belle technique de course. Quand il remarque qu’il est suivi et qu’il se retourne, un poing électrique s’enfonce dans tronche, l’assomme et sa carcasse s’écrase ensuite au sol.

Cette épreuve est horrible. Les chutes sont lourdes. Et je ne me ménage pas non plus sur les coups. Comme je l’ai déjà dit, je veux les crever jusqu’au dernier. Bref. Maintenant composée de trois joueurs, l’équipe décide se ruer sur moi pour ne pas prendre le risque de perdre un coéquipier de plus. Cette décision m’arrange. J’arrête ma course et reprends mon souffle. C’est crevant de courir partout comme un con. Les ventilos dials m’économisent assez mais tout de même. Je ne suis pas un grand athlète. Quoi qu’il en soit, je me retrouve face à ces trois types, et pourtant, à aucun moment je me sens en danger. Tandis qu’ils enclenchent le pas, ils s’arrêtent aussitôt.  

- Bah alors ? Qu’est-ce qui vous arrive ?

Je faisais un peu trop le fier. En fait, au moment les loustics ont voulu m’attaquer de concert, des doubles de moi se sont mis tout autour d’eux. Forcément, vous comprenez que ça puisse choquer. Lequel attaquer ? Sont-ils tous réels ? Ma foi, tant pis pour eux. Je n’ai aucune peine pour ces braves gens. Le temps qu’ils perdent à réfléchir, je les attaque en vitesse les uns après les autres, les poings chargés d’électricité. La cornemuse retentit à quatre reprises. Ils ne sont pourtant que trois. Deux équipes éliminées, il n’en reste que trois. Pendant ma course, elle a retenti deux fois. Y a intérêt que mon équipe s’en sorte.
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De ma longue-vue, je fais rapidement le point, perché sur toit culminant l’ensemble de la ville. Les deux équipes qui se battent pour la même rue, dont la mienne, s’éliminent les uns et les autres. Un combat acharné. Mon équipe se trouvait déjà en infériorité numérique avec mon détachement, la situation se complique drastiquement pour elle. Que faire ? En me rapprochant un peu, je peux tenter une nouvelle de faire abattre la foudre sur l’équipe qui avance tranquillement en solitaire. Je pourrais ensuite m’élancer avec tout ce qu’il me reste d’énergie pour venir en aide à mes partenaires, s’ils sont toujours en course.  

J’ai pris ma décision. Je file comme un tabanard en direction de l’équipe de cinq. Cette fois-ci, je joue évidemment la vitesse, mais surtout la discrétion pour éviter d’être vue. L’intention est d’allier les deux techniques utilisées précédemment. Créer un brouillard pour les aveugler et faire abattre la foudre dans la zone brumeuse. Ça va me demander une certaine concentration et une perte de temps considérable. Vaut parfois mieux perdre du temps pour en gagner par la suite. En prenant divers raccourcis et anticipant l’itinéraire de l’équipe que je traque, je suis finalement légèrement devant eux. Je me cache derrière une cheminée pour jouer au sorcier. Les yeux fermés pour me concentrer, je concentre des bulles d’air chaudes et froides, en quantité plus importante que la première fois. La brume se forme et s’étend sur un rayon de deux cents mètres autour de moi. Aveuglé également, je suis incapable de savoir qu’il advient de mes cibles. Néanmoins, je devine approximativement et, toujours en gigotant mes deux doigts, je créé un orage. Pas plus gros que la première fois, je n’y parviens pas malgré la météo à mon avantage. La brume n’aide certainement pas. Après quelques grondements dans le ciel, la foudre s’abat une deuxième fois dans la journée.  

Pas le temps de savoir si le tour a fonctionné. Je fonce en direction de mes coéquipiers en difficultés. Je m’essouffle et mes muscles se fatiguent de manière significative. Par rapport aux personnes lambdas, j’ai développé une force et une endurance considérable, mais ayant peu l’habitude de pratiquer des activités physiques et sportives, je me retrouve dans cet état lamentable où je suis puise dans mes réserves. Le climat tact résume assez bien ma personnalité, finalement. Attaques à distance, au chaud, sans trop se mouvoir. Terrible erreur que de penser que nous sommes à l’abri quand on attaque à distance. Je ne suis pas un gros bagarreur, plutôt un petit bricoleur, alors je ne me projette et ne me motive pas trop à m’entraîner.  

Bref. Ils sont enfin visibles. Une dizaine de bonds sont possibles avant rechargement. Mon idée serait de tout concentrer dans un bond. Pour cela, je donne tout ce que je peux dans cette dernière course, sprintant comme un félin en quête de gibier. Aussi mes partenaires que leurs adversaires me voient arriver sur le flanc droit, le buste penché vers l’avant et mes pattes pédalant avec une grosse fréquence. Les plus observateurs peuvent constater que je suis luisant de sueur et que j’halète. Mais là encore, trop tard. Je change de directement de direction, impulse du toit avec la dernière goutte d’énergie, pis je largue le tout en une seule détonation qui me propulse à toute vitesse contre deux concurrents de l’équipe adverse, que j’attrape à la gorge avec les plis de mes coudes, me laissant lourdement tomber. Je me réceptionne naturellement sur leurs corps pour amortir ma chute. Je ne suis théoriquement pas élémine puisque je me tiens sur le corps d’un de mes adversaires. Mes appuis ne touchent pas le sol. C’était avant qu’un passant me tire sa fusée de couleur que je me prends de fouet. Alma : éliminé. Je peste un nombre incalculable de jurons.  

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Notre équipe ne remporte pas l’épreuve. Celle qui nous collait aux baskets non plus. Rappelez-vous l’équipe que j’ai attaqué à l’arrache en combinant mes attaques. Beh y en avait un dans lot qui a réussi à s’en sortir et à faire son petit bonhomme de chemin, paisiblement. Malgré cet échec assez rageant, je suis plutôt satisfait de ma participation. C’était hyper sympa comme expérience. Si ce n’était ma fierté qui m’en empêchait, j’aurais probablement remercié mes compagnons de m’y avoir inscrit. Puis autre satisfaction : j’ai été nommé traqueur du tournoi. Pour une première participation, c’est plutôt pas mal. Qui sait, je reviendrai peut-être l’année prochaine, en arrivant directement des cieux.  

Une belle expérience en somme mais content de retrouver la terme ferme. Content de retrouver ma petite blonde. Content de retrouver mon bureau. J’embarque en souvenir ces patins équipés de ventilos dials. Une petite mise à jour sera nécessaire.
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