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Cordée populaire

Le soleil se levait à peine sur Bienvenue-les-Danseuses, dardant de faibles rayons roses à travers le ciel. Tenko passait en revue les hommes qui allaient commencer les patrouilles au sein de la ville. Un subtil équilibre avait été trouvé dans les proportions de locaux et d'étrangers qui composaient chaque escouade. Trois Absurdiens pour deux Requins. Ce mélange qui donnait la majorité aux insulaires avait permis d'établir l'exercice sur l'île après les récents évènements. Le commodore avait mis un coup de pied dans la fourmilière après avoir eu un accrochage avec la Milice Malicieuse. Et il ne comptait vraiment pas s'arrêter là. La piste d'Ed Duke, l'homme qui s'était infiltré au cœur de la base, restait aussi ténue qu'elle l'avait toujours été. Mais les éléments qu'il avait révélé à l'officier supérieur, concernant la possible présence de forces révolutionnaires sur l'île, ça c'était beaucoup plus facilement sondable. C'était là que le jeune homme avait développé ce stratagème. Sous couvert d'un exercice militaire, il avait réussi à calquer les zones de patrouilles de la Milice Malicieuse et à y faire passer ses propres hommes quelques minutes seulement avant les bouffons. Alphazoulou s'était montré réticent de prime abord, mais il avait finalement cédé sur la garantie d'avoir une majorité de ses hommes dans chaque groupement. Il pensait alors qu'aucun incident ne pourrait survenir de la sorte. Les soldats attendaient, au garde à vous. Trois cinquièmes d'entre eux affichaient un air las et apathique. Les deux cinquième qui restaient avaient reçu un briefing concis, dans lequel les informations importantes s'étaient diluées en descendant la chaîne de commandement. Ces soldats-là savaient qu'ils devaient reporter à leurs chefs de section, habillés en touristes et placé à égale distance de plusieurs rondes et d'un relais d'information, la moindre activité suspicieuse, qu'elle proviennent d'une source civile ou de forces paramilitaires.

"Messieurs, j'attends de vous le plus grand sérieux au cours de cet exercice. Votre garnison n'a jamais eu à interférer avec le maintien de l'ordre sur cette île, et de ce fait vos compétences dans l'exercice de ce type de missions n'ont pu être développées. Chaque chef d'escouade connaît sa ronde. Vous patrouillez pour une durée de quatre heures. Vous rejoignez votre point de départ et l'équipe suivante prends la relève. Prenez ce travail au sérieux, je compte sur votre conscience professionnelle. "

Les marins se mirent en marche, passant le portail et disparaissant chacun d'un côté du chemin. Tenko n'attendit pas longtemps avant de rejoindre un autre groupes de soldats, quatre hommes qui attendaient plus loin. Ils avaient tous enlevé de leur bras le foulard qui les distinguaient de leurs homologues locaux. Quatre sous-officiers qui suivaient le commodore depuis un bon moment déjà. Le jeune homme jeta son manteau dans la réserve à laquelle ils s'étaient tous accoudés, ne gardant sur lui que l'uniforme du rang. Aucun signe distinctif qui put le trahir une fois sorti de l'enceinte de la base.

"On y va."

Ils se dirigèrent vers la capitale à leur tour. Pendant plusieurs jours, Tenko s'évertua à patrouiller avec ces hommes de confiance, prenant le soin d'imiter les autres groupes de marins, tout en cherchant un individu en particulier. Il n'avait pas renoncé à retrouver Ed Duke, bien qu'il comptait à présent sur un coup du destin pour croiser le chemin de l'intrus. Mais il ne se montra pas. L'officier supérieur se doutait bien qu'il ne serait pas si facile de mettre la main sur lui si facilement. Il avait dû repérer les patrouilles assez facilement et avait probablement analysé leur chemin aussi. Ou il avait tout simplement quitté l'île. Mais ça, le commodore n'y croyait pas vraiment. Quand il rentrait à la base, il prenait constamment la température auprès de Karnak. Les soldats semblaient avoir un impact légèrement positif sur les tensions au sein de la ville. La Milice se montrait beaucoup moins véhémente et les citoyens avaient droit à un certain répit en présence des patrouilles. Mais rien ne semblait réellement sortir de l'ordinaire. A part peut-être la présence envahissante d'Alphazoulou et de ses gradés. Ils devinrent très rapidement suspicieux et ne tardèrent pas à remarquer l'absence presque quotidienne du commodore. Tenko se résigna donc à rester à la base.

"Quelle bande d'emmerdeurs."

"Tu parles, Janna, on vient foutre nos gros sabots dans leur business."

Karnak et Janna étaient assis l'un en face de l'autre, battant des cartes sur la table qui les séparait. La médecin chef haussa les épaules en levant les yeux au ciel. Elle aussi avait eu son lot de travail à former les escouades médicales de la base. Les deux officiers n'avaient le plaisir de partager sa compagnie que depuis quelques jours. Tenko, assis dans un siège peu confortable, avait rabattu sa casquette sur son visage et avait posé ses pieds sur son bureau. Il détestait rester inactif mais il n'avait pas vraiment le choix.

"Voulez faire une partie, commodore?"

"Je veux foutre mon nez dans leur linge sale"

Karnak ne put s'empêcher de ricaner en tirant une latte sur son cigare. Janna se mit à sourire elle aussi. C'était là ses deux bras droits et ils faisaient partie des rares personnes que le jeune homme pouvait considérer comme des amis. La jeune femme ne put s'empêcher de rebondir sur sa réponse.

"Il va se transformer en ménagère à force, Bill. Va falloir faire quelque chose."

Alors que Karnak commençait à esquisser un sourire, l'escargophone personnel du commodore commença à sonner. Ils s'interrompirent alors que Tenko se jetait sur l'appareil pour décrocher. Les deux autres posèrent leurs cartes et regardèrent, interrogatif, leur supérieur. Ce dernier resta attentif pendant les quelques secondes que dura l'appel avant de donner ses ordres.

"Bouclez le périmètre et contactez les autres patrouilles. La Milice ne mets pas un pied dans cet entrepôt avant que je l'ai décidé. Je me dépêche."

"De l'agitation?"

"Enfin!"

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Une quinzaine de soldats étaient postés à l'extérieur, formant un cordon impénétrable devant lequel avaient commencé à se regrouper les badauds. A l'intérieur, c'était un vieil entrepôt qui se dévoilait. La tôle était dégradée là où la rouille faisait son ouvrage, des montagnes de tissus mités étaient entreposées dans un coin et le sol de béton était lézardé de fissures d'où sortaient de jeunes pousses d'herbe. Des poutrelles couleur vert-de-gris couraient entre les parois. Les vitres du toit étaient recouvertes de guano. L'humidité suintait le long des parois comme la sève d'un arbre. Mais en entrant dans ce lieu lugubre, c'était la femme pendue au centre de la pièce qui attirait immédiatement le regard. C'était une femme d'une trentaine d'année. Ses cheveux bruns étaient couverts de sang et il en manquait par touffes entières. Elle portait une tenue fantasque, qui ne détonait vraiment pas des accoutrements locaux. Son visage comme son cou portait les stigmates de sa fin cruelle. Ce qui glaça le sang de Tenko, c'était sûrement ses yeux vitreux qui fixaient le vide avec obstination. Ce n'était pas la première pendaison dont il avait été témoin, mais celle-là avait quelque chose de terrifiant. Les soldats qui gardaient l'intérieur du bâtiment faisaient d'ailleurs tout les efforts du monde pour éviter de croiser le regard de la défunte. Même Karnak semblait décontenancé. Mais pas Janna. Elle s'approcha de la victime alors qu'un soldat rapportait à Tenko une notice qui avait été glissée entre les pieds de la jeune femme. Il l'ouvrit et lut le message qui y était inscrit à voix haute.

"Service rendu au peuple."

"Rien que ça tiens! On va aider celui qui a fait ça à notre manière, nous aussi."

Karnak se saisit du bout de papier et commença à inspecter les affaires qui avaient été retrouvées sur le corps. Pendant ce temps-là, le commodore se rapprocha de Janna. Cette dernière avait fait descendre le corps et commençait à l'examiner sous toutes ses coutures. Elle ne sembla pas être déconcentrée par le jeune homme. Ses mains parcouraient le corps, touchant des points qui devaient probablement lui apporter des informations sur l'état de santé pré-mortem. De son côté, Tenko remarqua assez rapidement le teint particulièrement bleutée de la victime. Il n'eut pas à poser la question.

"C'est la première fois que je touche un cadavre aussi froid..."

"Ca doit faire plusieurs jours qu'elle est là, non?"

Janna se retourna, un air circonspect sur le visage. Tenko comprit rapidement qu'il venait de dire une connerie. Il se pencha au niveau de son amie et l'observa vérifier une fois de plus ses observations. Il y avait quelque chose qui dérangeait vraiment la jeune femme.

"Touchez-la. Vous allez vite comprendre.

Le commodore s'exécuta. Il posa sa main sur le corps de la jeune femme et ressentit presque une brûlure sur la peau de sa main. Il la retira immédiatement. Le bras de cette femme était aussi gelé que la glace. Comme si on l'avait plongé dans les eaux polaires pendant quelques heures avant de l'accrocher au milieu de cet entrepôt. Déconcerté, il se tourna vers la médecin.

"C'est quoi ces conneries? Il fait pas loin de trente degrés dehors!"

"Si ça s'arrêtait là. Regardez sur les phalanges, ce sont des engelures. Le genre qu'on attrape quand la température passe bien en dessous de la barre du zéro. La dernière fois que j'en ai vu d'aussi sérieuses, c'était sur une patrouille de haute montagne qui avait été prise dans une avalanche."

Elle marqua un temps d'arrêt pour laisser son supérieur réfléchir. Les dispositifs réfrigérants les plus performants ne pouvaient pas amener un individu à une température si basse. Et s'il y en avait de ce genre sur l'île, ils étaient forcément au sein du palais de Wakopol, qui n'aurait pas fait placer une note aussi litigieuse sur le cadavre. Rien ne s'accordait dans cette histoire, encore un de ces mystères qui poussaient comme des mauvaises herbes sur l'île. Des bruits de conversations de plus en plus forts traversaient la paroi de tôle. Janna finit son exposé.

"Dernière chose, commodore. Elle est morte de froid avant d'être pendue au bout de cette corde. Et elle est morte ce matin."

"Merci Janna. Prévenez moi si vous trouvez autre chose."

Tenko se détourna, profondément interloqué par les nouvelles qui venaient de tomber. Ce qu'il avait sous les yeux semblait tout bonnement impossible. Et comme toute chose qui semble interdite aux lois de la nature, cela suggérait une origine plus... dangereuse? Il s'en retournait vers Karnak quand un sous-officier ouvrit la porte de tôle de l'entrepôt.

"Commodore! La Milice est là et on aurait bien besoin d'un peu de soutien!"

Tenko acquiesça silencieusement et s'arrêta brièvement près du lieutenant Karnak qui observait toujours les affaires de la défunte. Sans lever les yeux d'un petit calepin qu'il tenait entre ses mains, il écouta attentivement les consignes de son supérieur.

"Elle est morte de froid ce matin et on a maquillé ça en pendaison, Bill. Remontez la piste pendant que je retiens la Milice. Soyez discret."

"Comme toujours, commodore. Vous croyez que c'est votre pote qui a fait ça?"

"Honnêtement, j'en sais rien. C'est à vous de le découvrir."

Karnak fit un mouvement de tête avant d'appeler un soldat et de lui confier son uniforme. Il portait des habits civils sous son manteau depuis quelques jours, pour faire des sorties nocturnes dans la ville, ce que son supérieur cautionnait. Il se faufila à travers une porte au fond de l'entrepôt. Tenko marcha en pleine lumière pour rejoindre les soldats cantonnés dehors.



Dernière édition par Tenko Sozen le Ven 22 Déc 2023 - 20:51, édité 2 fois
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Une rue large s'étendait devant l'entrepôt. Autrefois, dans les premières années de Sainte-Hélène, ç'avait été un lieu de commerce et l'architecture en témoignait. Le sol était pavé de briques de couleurs, formant aujourd'hui une mosaïque délavée par la pluie. Les bâtiments d'en face affichaient des vitrines, certaines brisées et d'autres bardées de planches de bois pour en cacher l'intérieur. Les appartements qui les surplombaient, autrefois propriété des commerçants, étaient abandonnés. Au centre de la voie, des blocs de béton s'élevaient à un mètre au dessus du sol, évidés à l'intérieur et pourvus de bancs sur les côtés. Des arbres et autres végétaux avaient autrefois dû les garnir. Une bien triste vision du gâchis de Wakopol. Ses malabars se tenaient de l'autre côté de la rue. Les civils avaient évacué la zone quand les tensions avaient commencé à monter. Les marins tenaient une formation serrée, leurs fusils à la main, canons baissés vers le sol. En face d'eux, des gourdins, des piques, un pistolet dans quelques mains. Tenko se rapprocha du sous-officier qui gérait la vingtaine de soldats qui se trouvaient à monter la garde devant le hangar. C'était un Requin, un homme d'une quarantaine d'année, le regard dur, une épaisse moustache qui lui donnait un air encore plus sévère.

"Regardez-les, à faire les marioles."

Les miliciens faisaient des grimaces aux soldats. Cela faisait partie de leurs tactiques d'intimidation. Mais si les mouettes locales se sentaient vraiment mal à l'aise dans cette situation, trop habitué à ne pas se confronter aux clowns, les hommes de Sozen restaient de marbre. Mais ce dernier pouvait quand même sentir leur frustration. La situation ne pourrait pas durer éternellement. Ils avaient attiré l'attention sur eux en mettant en place un tel dispositif de sécurité autour de la victime. Maintenant, ç'allait être une bataille de juridiction. Un grand homme se détacha de ses camarades de l'autre côté de la rue. Il portait une peau de bête sur ses épaules et un espèce de kilt en guise de bas. Une longue hache luisait à la lumière du soleil entre ses mains. Il la jeta en arrière, posant la hampe à la base de son cou, la lame dépassant derrière sa tête. Il portait de nombreuses cicatrices sur le visage. Un air patibulaire, que ponctuait des yeux noirs de jais et une bouche serrée.

"Bon, z'allez m'écouter les mouettes. Ici, c'est chez nous! Et j'veux pas voir vos sales tronches sur mon paillasson!"

Quelques ricanements éclatèrent, semblables à des rires de hyène. Le gorille ne put s'empêcher de sourire avec fierté alors qu'il commençait à faire balancer son arme autour de lui. Tenko put remarquer que certains de ses hommes commençaient à se crisper. La situation pouvait glisser à tout moment et foutre un bordel monstrueux. Mais il comptait bien jouer là-dessus. Comme lors de sa dernière altercation avec les paramilitaires, il savait que personne n'oserait mettre le feu aux poudres sans raisons valables.

"C'est gentil de nous le faire savoir."

Le commodore dépassa la ligne que formait ses hommes à son tour, se plaçant à une paire de mètres du colosse. Ce dernier le dévisagea, l'observant sous toutes ses coutures. Les galons de Tenko brillaient eux aussi au soleil. Le milicien sembla reconnaître le grade, ou du moins la position hiérarchique du soldat qui se tenait en face de lui. S'il avait montré les dents en grognant, le jeune homme n'aurait pas été surpris. Il se contenta d'éclater de rire. Un rire puissant et caverneux qui dura une bonne dizaine de secondes, presque surjoué sur la fin.

"Tu crois que tu me fais peur, petit homme? Grasco le faucheur d'arbre n'a peur de personne!"

Comme pour donner plus de crédibilité à ses paroles, il se donna un violent coup de poing sur le torse. Puis d'un mouvement soudain, trop rapide pour que les soldats qui se tenaient derrière l'officier ne réagissent, il jeta un coup d'épaule pour venir planter sa hache entre lui et Tenko. Avec une vitesse affolante, la lame se planta profondément entre les pavés, à quelques centimètres devant le marin. Ce dernier ne bougea pas d'un cil, il ne risquait pas grand chose face à ce genre d'énergumène. C'était juste un tour de force puéril. Mais les mouettes commençaient à vraiment perdre patience. Leur commandant put entendre les fusils qui se levaient.

"Baissez vos armes."

Les marins, interloqués, marquèrent un temps d'arrêt, plein d'hésitation. Tenko savait que la situation pouvait déraper à tout moment et c'était ce qu'il cherchait à tout prix à éviter. Finalement, les soldats finirent par baisser leurs mousquets et la tension se relâcha. Le commodore ne put s'empêcher d'afficher un sourire de satisfaction. Il jaugea l'homme qui se tenait en face de lui, prêt à lui sauter dessus au moindre écart. Le marin se détourna et regagna sa place derrière le rang formé par ses hommes.

"Cette scène de crime est du ressort de la Marine. Allez faire votre loi ailleurs."

Leurs opposants ne bougèrent pas d'un cil. Ils savaient parfaitement qu'il y avait là un vide juridique à exploiter et on ne pouvait trancher en faveur d'aucun des deux camps. Tout se jouerait au plus influent et Tenko savait qu'il perdrait à ce petit jeu, tôt ou tard. Un coursier devait sûrement avoir déjà rejoint le palais. Ce n'était qu'une question de temps avant que Bleurouge ne se déplace en personne. Un temps que le jeune homme se devait de gagner pour laisser son bras droit mener l'enquête. Il avait décidé d'envoyer Karnak en sachant parfaitement qu'il ne pouvait pas enquêter lui même sans être gêné par les forces locales. C'était un sacrifice nécessaire que de rester là, et le lieutenant n'était d'ailleurs pas mauvais pour remplir ce genre de missions. Une voix familière tira l'officier de ses pensées.

"Vous n'en ratez pas une, Commodore."
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Les informations circulaient vite sur cette île. Monté sur un cheval richement paré, l'émissaire Bleurouge le dévisageait avec cet air hautain et méprisant imprimé sur la face. Tenko ne se laissa pas décontenancer. Il n'avait pas anticipé une arrivée si rapide des huiles du royaume, il fallait rapidement trouver une solution, une qui fasse gagner le temps nécessaire au lieutenant pour lui ramener des informations exploitables. Tenko fit demi-tour et s'avança vers le diplomate. Une idée venait de germer dans son esprit.

“Laissez-le passer.”

Grasco jeta un regard en arrière plein d'incompréhension. La brute voulait du sang et de l’échauffourée. Son teint venait de virer au rouge, probablement parce qu'il se rendait compte que ce n'était plus à lui de montrer les crocs, il était impuissant et sa frustration contaminait ses larbins. Le commodore ne lui prêta aucune attention en passant à côté de lui, amplifiant encore ce sentiment chez le milicien qui cracha violemment au sol. Il prit au moins la peine de le faire à l'opposé du soldat, conscient qu'un outrage pouvait lui valoir une volée de plomb dans le museau. Les autre paramilitaires s'écartèrent à leur tour et Tenko se retrouva face à l'émissaire.

“C’est une scène de crime et nous sommes les mieux placés pour enquêter, Bleurouge.”

“Voyez-vous cela!”

La remarque du marin l’avait irrité. L’orgueil touché, le diplomate se redressa pour se donner plus de hauteur. Pauvre gars, c’est sa seule manière de s’élever pensa l’officier. Il pouvait voir d’autres larbins qui composaient la garde prétorienne du prélat, piètre regroupements de guerriers richement parés mais désespérément creux. Ils ne valaient pas mieux que les zouaves qui suivaient Grasco, ils avaient simplement bénéficié d’une meilleure affectation. L’élite se trouvaient au sein des armées régulières du Royaume de l’Absurde et c’étaient bien celles là qu’il fallait se mettre dans la poche.

“Vous êtes invité par notre royaume pour améliorer l’effectif de la garnison de votre gouvernement, ne prenez certainement pas cela comme une autorisation à mettre votre nez dans nos affaires!”

Tenko fit un pas de plus et ne manqua pas de remarquer que Bleurouge tira à ce moment-là sur les rennes de son cheval dans un geste de recul. Ces hommes avaient peur de ce que la Marine pouvait découvrir, leurs sales affaires pouvaient éclater au grand jour. Le commodore sentit l’assemblée autour de lui se crisper. Il fallait déplacer le problème avant que la soirée ne tourne à la confrontation ouverte. Une guerre n’était pas bonne sur le dossier d’un officier si elle était menée contre un pays répondant au giron du Gouvernement Mondial. En tout cas pas tant que ce pays ne s’était pas transformé en état rebelle. Il fallait donc désamorcer la situation.

“Vous êtes sous la juridiction du Gouvernement Mondial. Par conséquent, j’ai toute autorité à exercer la loi de ce dernier sur vos terres. Néanmoins j’entends vos revendications.”

Une pause fut marquée, pour sonder l’atmosphère, une nouvelle fois. Bleurouge était curieux, c’était un homme de compromis et le soldat allait donner dans le protocolaire pour le satisfaire. C’était peut-être la solution la plus viable pour le moment. Il fixa une seconde l'entrepôt avant de planter son regard dans les yeux de son interlocuteur, une esquisse de sourire sur le visage.

“En vérité, ni vous ni moi ne pouvons trancher cette attribution sans créer un scandale diplomatique. Alors je suggère de contacter nos supérieurs directs et de les laisser trouver un accord entre eux. La Vice-Amirale Ziva n'y verra aucun problème. Quant au Roi Wakopol, je suis certain qu'il sera ravi d'être réveillé au beau milieu de la nuit pour trancher de notre différent."

Mouché, la tête de l'émissaire rougît sous la montée de colère qui s'était emparée de lui. Son souverain était loin d'être magnanime et le zèle de Bleurouge lui interdisait de venir le réveiller pour régler une affaire qui n'aurait pas dû exister en premier lieu. Il était bloqué et se retrouvait maintenant aussi frustré que les hommes de main qu'il avait dépêché pour résoudre son problème. Tenko aquiesça et s'en retourna auprès de ses hommes. Ces derniers affichaient des expressions moqueuses à l'égard de leurs vis-à-vis absurdiens. le commodore s'arrêta avant de traverser le cordon de sécurité et se retourna une dernière fois vers la troupe indigène.

"Nous vous ferons savoir quand la scène de crime sera à votre disposition. Un de mes hommes vous fera un topo."

Il dépassa le seuil de la porte et s'engouffra de nouveau dans l'entrepôt alors que Bleurouge s'en allait déjà vers le palais royal. Ses laquets hésitèrent puis finirent par se retirer à leur tour, leurs dents et poings serrées pour contenir leur rogne. L'animosité n'allait cesser de croitre entre les deux groupes mais l'officier ne ferait pas le premier faux pas. Il allait attendre qu'ils le fassent pour lui. A l'intérieur, Janna avait déjà fini ses observations et elle semblait avoir donné l'ordre de mettre des couvertures sur le corps de la victime. Tenko se rapprocha d'elle.

"Vous cherchez à préserver le corps?"

"Non, je maquille la réelle cause de la mort. Même si je pense qu'ils sont suffisament abrutis pour penser que c'est la corde qui l'a tuée.."

Esquissant un sourire, le jeune homme alla s'asseoir sur un chaîne qui traînait dans un coin de la bâtisse. Il laissèrent passer quelques heures à attendre. Karnak ne disposait pas de beaucoup de temps devant lui mais c'était un fin limier. Au bout d'un moment, des rayons de soleil commencèrent à venir frapper le toît de verre. C'est à ce moment qu'un Requin arriva vers son supérieur, escargophone à la main.

"Le colonel Alphazoulou vous demande, Commodore."

"Dites-lui que nous rentrons."

Tenko se leva et jeta un regard à ses hommes. Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Ramassant leurs bardas, tous se mirent à sortir du bâtiment. Quelques sbires de la milice attendant dehors ne tardèrent pas à décamper prévenir leurs chefs en voyant les mouettes qui rentraient à la base. Quelques minutes plus tard, les soldats avaient tous quitté les lieux.



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"Sozen! Vous ne vous rendez pas compte de..."

"On va poser cartes sur table maintenant Alphazoulou"

Les deux officiers se tenaient face à face dans le bureau de ce dernier. Visiblement, son réveil matinal ne lui seyait pas. Mais Tenko s'en foutait à peu près autant que de sa première paire de pompes. L'air tiraillé, fatigué, le colonel ne semblait pas avoir la force de mener une nouvelle joute verbale avec son homologue. Il se laissa tomber dans son siège, un air de dépit sur le visage. Le patron du coin venait de comprendre qu'il ne ferait pas céder le commodore avec l'appât du gain. Je suis un emmerdeur pour lui, et ben autant aller au fond des choses.

"Je vais ignorer les passes-droits que vous avez accordés aux criminels de cette île et soyons clairs je parle des miliciens. La corruption c'est quelque chose qui vous parle, alors laissez-moi vous faire une offre."

Alphazoulou ne broncha pas, il baissait simplement les yeux et fixait son bureau en se tordant les mains pour évacuer le stress. Il n'avait probablement jamais été confronté à quelqu'un qui lui mettait ses responsabilités en face de son visage. Gueule-de-Requin, c'était loin de chez lui et on lui avait généralement des recrues qui ne faisaient pas de vagues. La Vice-Amirale avaient d'autres chats à fouetter que de venir en personne sur l'île et le Royaume de l'Absurde savait se faire suffisament discret pour éviter un droit de regard de la part du Gouvernement Mondial. Mais cette époque était maintenant révolue.

"Vous allez vous sortir les doigts du cul, on va remettre votre garnison sur pieds et vous allez reprendre le contrôle des rues. Vous êtes intouchables parce que vous représentez l'autorité la plus puissante sur cette putain de planète! Comment osez-vous vous laisser dicter le la par des abrutis pareils?!"

Le sermon semblait efficace, l'interlocuteur de Tenko n'osait pas le regarder dans les yeux. Montre un peu de fierté, bon sang! Le commodore frappa sur la table pour obtenir une réaction du colonel. Celui-ci leva les yeux, avec un regard de chien battu. C'était le même visage que la Marine affichait sur ses terres et le jeune homme n'était pas loin de sortir de ces gonds. Des empatés pareil, on n'en faisait pas des soldats si facilement.

"Je suis compromis de toutes manière, c'est foutu..."

Tenko sépara sa main droite de son corps et alla attraper le colonel par le col. S'il le fallait, on passerait par la demonstration de force. Surpris par le pouvoir de la fragmentation, l'officier eut un geste de panique et tenta de détacher la paluche de son col, sans grand succès. Le commodore ne comptait pas le lâcher tant qu'il ne montrerait pas un peu de combativité. Alphazoulou comprit rapidement qu'il ne pourrait pas se défaire de cette aggression et la colère aidant, il se jetta dans la direction de son adversaire. Mais ce dernier en avait vu d'autres et séparant l'intégralité de ses membres, il laissa l'assaillant plonger droit vers le sol en retirant sa main pour le rattraper par son manteau avant qu'il ne touche le sol.

"Voilà, là vous vous montrez combattif."

L'écume aux lèvres, Alphazoulou se releva en se dépoussiérant et plongea dans un duel de regard avec Tenko. Une flamme brûlait et montait en intensité dans les deux paires d'yeux qui s'affrontaient. Tenko finit par s'asseoir sur le bureau en poussant un soupir de soulagement qui n'appaisa en rien la rancoeur de son homologue. Mais celui-ci savait très bien qu'il ne gagnerait pas cette bataille-là.

"Alphazoulou. C'est ça que vous devez montrer à Wakopol, Bleurouge et leurs sbires. Pas laisser vos bleus se faire tabasser par des miliciens. Vous ne m'aimez pas et c'est peu de le dire. C'est réciproque d'ailleurs. Mais faites régnez l'ordre et coupez l'herbe sous le pieds aux mouvements de révolte en protégeants nos citoyens."

Le colonel redressa son manteau et se dirigea vers la porte, l'ouvrant pour donner conger à son collègue. Quelque chose avait peut-être emergé chez lui en cet instant mais Tenko ne pouvait pas en être sûr. Il se releva et se mit à marcher en direction du couloir. Alors qu'il allait franchir la porte, Alphazoulou le bloqua de son bras.

"Je vais me faire respecter et mes hommes avec moi. Mais la prochaine fois que je vous croise Sozen, vous ne ferez pas le fier."

Le commodore le défia du regard. Les paroles d'accord, les actes d'abord. Il poussa le bras du colonel et s'engagea dans le couloir, fit quelques pas avant de se tourner à nouveau vers lui.

"J'espère pour vous que ce ne sera pas en cour martiale."

Ce coup-ci, un sourire jaune s'esquissa sur le visage du commandant indigène. Il hocha la tête et Tenko fit volte-face pour s'engager sur le chemin qui le menait vers les baraquements alloués à sa division. La troisième entrevue entre les deux hommes était destinée à être explosive.
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L'odeur de tabac imprégnait tout le couloir qu'occupaient les officiers de la Division des Requins. Le commodore n'avait pas besoin de plus de signes pour comprendre que son lieutenant était revenu de sa mission. Karnak était penché sur une carte de la capitale, Janna dormait sur une paillasse contre le mur de placoplâtre, visiblement trop fatiguée pour être tenue en éveil ou à minima dérangée par les volutes de fumée qui s'échappaient du cigare de son collègue. Elle ne se réveilla pas quand Tenko passa la porte. Cette nuit l'avait épuisée et elle méritait un peu de repos. D'un signe discret, l'officier supérieur demanda à son subalterne de prendre sa carte et de le suivre. Ils laissèrent leurs manteaux de commandement dans la pièce et se dirigèrent vers les quartiers du rang. Une partie des Requins était déjà sur les terrains d'entraînements à former leurs congénères, qui semblaient montrer une meilleure maîtrise des enseignements qui leurs étaient prodigués. Au travers d'une fenêtre du couloir, le jeune homme aperçut même Alphazoulou qui s'était joint à eux pour s'entraîner avec ses officiers. Voilà, un peu de volonté et ça repart. Karnak et Tenko entrèrent dans un dortoir à dix places désertés et verrouillèrent la porte avant de jeter le plan sur une table qu'ils avaient placée entre deux lits.

"La pêche a été bonne?

"Juteuse, même."

Il plaça quelques rondins de bois à des endroits préçis sur la carte. Puis, fouillant dans son gilet, il tira un nouveau cigare et posa la boîte vide à côté pour s'en servir de cendrier. Une grosse latte plus tard, il commençait ses explications.

"C'est des bavards ici, surtout les dockers qui en sont à quelques verres de trop. J'ai pas eu trop de mal à savoir qui était la pauvre gamine qu'on a ramassée. Elle s'appelle Marie Duke. C'était une prostituée assez appréciée des ouvriers, enfin jusqu'à hier soir."

La mention de ce nom fit tiquer le commodore. Duke, c'était le nom de l'homme qui l'avait rencardé sur les mouvements rebelles qui se cachaient en filligrane de la société absurdienne. Et comme c'était probablement un nom de couverture, Karnak avait mis le doigt sur l'origine de cette dissimulation.

"Le truc, c'est qu'elle a rencontré un type récemment et que les dockers ont dû ranger leurs bijoux dans leur sac quand il s'agissait d'elle. Ils l'avaient mauvaise, mais c'est pas des tueurs les types. Ils se tuent à la tâche tout les soirs et y en a aucun qu'aurait un intérêt à se débarasser d'elle. Du coup j'ai creusé autour de ce type."

Karnak posa son doigt sur un rondin qui correspondait à une rue assez éloignée de l'entrepôt où la victime avait été découverte. Puis tout en s'expliquant il en désigna deux autres, un premier qui passait par la place centrale de la capitale et un autre qui se trouvait à quelques centaines de mètres de l'entrepôt, dans le secteur marchand de l'île, adjacent au port.

"J'ai commencé à chercher par là. Des gars qui bossent plutôt dans les manufactures et des femmes plus loquaces que leurs compagnons de beuverie. J'ai joué la carte de l'anti-système et ça a plutôt bien marché. Les gens ont la hargne contre le gouvernement dans ce coin-là mais ils restent assez discrets, les patrouilles de la milice sont fréquentes. Sauf que le temps que j'arrive là-bas, la nouvelle s'était déjà répandue et ils savaient qu'ils allaient pas être emmerdés ce soir-là."

Tenko garda le silence, curieux de ce qui pouvait se cacher derrière les paroles ivres des locaux. La présence des Requins avait visiblement soulagé une partie de la pression qui régnait sur l'île et les langues se déliaient plus facilement. Cette soirée avait été le moment propice pour envisager l'élaboration d'un plan de bataille à la lumière des éléments ramenés par le lieutenant.

"Un gars qui s'appelle Ventri Potent, ouais baptisé par Sa Majesté Wakopol vous vous en doutez, est venu me payer des coups à boire. Et ce mec-là, il était sobre dans un bar, entourés de poivrots qui avaient tombé des litres de bière. Ca m'a fait tiquer. Alors on a commencé à parler, tellement longtemps qu'il a fini par me proposer d'aller ailleurs. C'est là qu'on s'est retrouvé aux Délices des Reins, en centre-ville."

"Encore un nom très inspiré..."

"Au moins autant que ses habitués. C'est un croisement entre la brasserie de luxe et le bordel crasseux. Je me suis retrouvé dans un salon privé avec quatre bougres et deux femmes sympathiques au regard. Bref. C'est là que ça va commencer à vous intéresser. Les mecs sont pas des flèches. Ca parlait de sédition et de renversement, mais j'ai vite capté que c'était des guignols aussi. Je commençais à désespérer. Jusqu'à ce qu'en y ait un qui dise qu'ils avaient enfin réglé son compte à 'la traînée du gouvernement' et là, là ils avaient fait une sacrée glissade en face d'un inconnu."

Les choses commençaient à se préciser. L'alcool n'est jamais bon pour les secrets qui doivent être enterrés avec ceux qui les portent. Karnak était né sous une bonne étoile pour se retrouver entouré de pareils guignols. Mais il fallait espérer qu'il en tenait plus que ça au sujet de ces dissidents car il était maintenant grillé auprès des dissidents.

"Là j'ai fermé ma gueule mais l'ambiance s'est très vite tendue. Plus personne ne parlait de quoi que ce soit qui avait un rapport avec l'affaire. Alors j'ai pris mon mal en patience et j'ai essayé de repérer celui qui avait gardé la tête froide au moment où la boulette était arrivée. Je suis parti avant qu'ils évacuent la salle et je me suis posté en dehors pour l'attendre."'

Il désigna le troisième rondin de bois, puis un quatrième et enfin un cinquième. Les deux nouveaux formaient une ligne vers le Nord-Est, en sortie de la ville. La conclusion se rapprochait à grand pas.

"Il s'est arrêté dans ces trois endroits. Dans le premier, un hôtel particulier gardé par deux plantins, il est ressorti avec une femme, aucun rapport ambigü avec elle. Deux collègues qui marchent dans les rues à quatre heures du matin. Dans le deuxième, encore un entrepôt, ils sont restés une bonne demi-heure et je me suis posté sur un toît pour essayer de les observer à travers les fenêtres. La femme est ressortie seule et s'est dirigé vers le Nord. C'est elle que j'ai suivi alors j'ai potentiellement loupé une autre cache. Elle avait un gros paquet à la main, faut me comprendre. Elle s'est arrêté dans une usine désaffectée à la limite Nord-Est de la ville et c'est là que je me suis arrêté. Mon flair me dit que c'est là qu'il faut faire des descentes, et qu'il faut les faire vite. Surtout dans l'usine."

Les éléments étaient maigres, mais il fallait s'y attendre. Quand il s'agissait de la Révolution, il n'était jamais facile d'obtenir du renseignements, surtout avec une présence aussi forte de la Marine. Mais il fallait tout de même tenter le coup. Et si on pouvait au passage compromettre la milice, ce serait du pain béni pour tout le monde à la cantine. Tenko se leva et fixa la carte pour quelques instants encore. Il prit finalement sa décision.

"Réunis nos meilleurs hommes en deux escouades. Tu prends le commandement de la première et tu investis l'usine. Janna s'occupe de l'entrepôt avec l'autre escouade."

Karnak fronça les sourcils. Il commençait déjà à deviner ce qui se tramait dans l'esprit de Tenko. Leurs instincts sentaient l'embrouille, mais pas au même endroit. Il n'eût pas à poser sa question.

"Je m'occupe de l'hôtel particulier."

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