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[M]achine Steel

    South Blue, île de mercenaire. 14 ans plus tôt.


« Gamine !… Qu’est-ce que c’est que ça ? »

J’avais six ans et quelques mois lorsque tout a commencé. Je me tenais dans la pièce des créations, assise au bureau à lire un livre que j’avais récupéré dans la bibliothèque de mon bourreau. Ce dernier avait déboulé dans la salle avec un tas de papier, mes papiers, sur lesquels étaient écrit mes notes et mes dessins (souvent très enfantins et simplistes). Sa voix était tonitruante, son visage on ne peut plus sérieux : il semblait à la fois heureux et en colère, frappé par une idée soudaine et saugrenue. J’avais toujours peur lorsqu’il s’approchait de moi avec ce regard-là : Un regard pénétrant et rustre, un peu sadique qui me donnait la chair de poule. Il tenait dans ses mains un dessin que j’avais fait, dans un de mes cours que j’avais pris à ses côtés. Un simple dessin que j’avais laissé dans un coin sans y penser par la suite, parce qu’il me semblait sans importance, ni intérêt, ou tout bonnement impossible à réaliser. Sur cette feuille était gribouillé le plan « probable » d’un robot.
Si pour moi, ce robot représentait quelque chose d’utile, de pure et de simple, pour Yumen se créait dans sa tête une machine de destruction massive, pouvant lui rapporter pas mal d’oseilles. Il me fixait toujours avec des yeux injectés de sang et un sourire si grand qu’il dévoilait jusqu’à ses dernières molaires ; moi, je le fixais, un peu surprise et effrayée par ce que je voyais devant moi : ce grand homme semblait fou, comme possédé par une pensée qui n’osait pas le quitté. Si je ne le connaissais pas si bien, si après cette année passée à ses côtés, je n’avais pas à comprendre ses expressions, sûrement aurais-je eu terriblement peur de sa mimique. Il serrait un peu plus fort la feuille dans sa main…
Puis, comme pris d’une soudaine pulsion, sortant de sa torpeur, il prit le pas jusqu’au bureau et planta bruyamment devant mes yeux le dessin que j’avais réalisé. Son gros doigt sale parcourrait le papier, le tâchant par endroit. Ses lèvres bougeaient frénétiquement, comme pour dire quelque chose, mais aucun mot ne sortait de sa bouche pour exprimait ce qu’il ressentait. Ses yeux pétillaient d’une malice que je n’aurais su dire bonne ou mauvaise. Cela ne présageait rien de bon, autant le dire tout de suite car : soit il était fasciné par ce que j’avais fait et il souhaitait le construire, soit c’était pour lui une aberration sans nom et j’allai me prendre la correction de ma vie. Étrangement, je pensais la première solution comme bonne :

« Il faut le construire ! »

Il avait lâché cela comme une révélation de la plus grande importance. D’un geste fougueux, il envoya valser tout ce qu’il y avait sur la table, les fichant par terre sans se soucier de ce qui pouvait être fragile ou pas. Moi, j’avais gardé dans mes bras le livre que je lisais, jalousement serrait contre ma poitrine, mes jambes ramenaient contre mon buste, assise sur mon tabouret de fortune, je le voyais s’affoler dans la pièce, sortant règles cassées, crayons mal taillés et gommes en morceaux, ainsi que d’immense feuille. Il me les posa sur le bureau d’acier, attrapa un tabouret pour s’installer à côté de moi et m’ordonna :

« Fais un plan ! »

Un plan ?! Je le regardai avec des yeux ronds, lui me fixait avec une joie palpable et encombrante. Je n’avais jamais confectionné de plan de ma vie, du moins, pas comme il me demandait de le faire. Je ne faisais que des dessins grossiers sur des papiers pour garder mes idées, j’imaginai quelques mécanismes, j’en comprenais d’autre, mais généralement, c’était sur le tas que je construisais, pas avec autant de professionnalisme !

« Tu as deux mois ! »

Il sortit sur ces mots en riant. J’entendis la porte de la maison claquer, signe qu’il avait quitté les lieux tout bonnement. Je me retrouvai seule avec ma feuille et mon crayon, à devoir créer un plan immense d’un robot mécanique. Je ne pouvais m’empêcher de me trouver débile à avoir fait ce stupide dessin. Je ne savais pas faire, je n’avais pas de bouquin pour m’enseigner, et je n’avais surtout pas d’idée de comment m’y prendre, par quoi commencer, ou aller, que faire ? J’avais une envie soudaine de m’arracher les cheveux, les yeux, de les fourrer au fond de ma gorge après m’être rouler par terre en tapant des pieds. Mais je me rendis compte que ces dernières actions ne serviraient à rien pour me sauver la vie, et vu que mon principale but était de survivre, autant essayer…

***

« Voilà, j’ai longuement réfléchis à comment le construire et arrivé à en faire un robot, et je me suis demandée avant tout : comment est-ce qu’il pourrait bouger ? Je me suis dit qu’il lui fallait des bases, aussi, des bases simples : une ossature ! Je me suis dit qu’il faudrait le faire comme un homme, avec tout ce qu’il faut pour qu’il puisse bouger : des os, des ligaments, de la peau… On pourrait commencer par les os ! »

Yumen regardait le schéma que j’avais fait en plus d’une semaine, après avoir eu mon idée. Il était représenté sur un tableau l’ossature des hommes en simplifié grossièrement : une colonne reliant la tête et le bassin ainsi que les épaules, épaules menant aux bras et aux mains, bassin menant aux jambes et aux pieds du robot. Il posa son doigt sur le tableau et se tourna vers moi avec un sourcil fronçait, une question sur les lèvres :

« Mais des os, ça ne bouge pas. Comment tu comptes t’y prendre ?
- c’est les muscles qui font bouger le corps humain, dis-je d’une voix d’enfant qui en savait beaucoup. On peut s’en inspirer, non ? C’est ce que fait un bras mécanique ! »

Il se tourna à nouveau vers le schéma et eu un petit sourire satisfait. Je l’interrompis dans ses réflexions :

« Il nous faudra beaucoup de matériel, et ça risque de couter très cher… »

C’était l’un des bémols que j’avais trouvé, parmi tant d’autre. Le coût de la construction, ainsi que le temps que ça allait demander pour le forger, enfin, la possibilité que cela ne marche pas du tout. Mais Yumen portait toujours une risette ravie, me soufflant d’une voix doucereuse que l’argent ne serait pas un problème pour lui.

« Il sera en acier, me dit-il sans quitter le schéma des yeux.
- J’aurais besoin de ton aide alors pour le construire… »

Il haussa les épaules en souriant toujours, lâchant du regard le tableau. Je pouvais voir ses dents sales et jaunies par la cigarette, ainsi que la joie qui l’envahissait : il avait trouvé un filon dorée, un filon qui allait lui prendre du temps, mais qu’il voulait mener à bien.

***

Les mois qui suivirent furent consacrés à rassembler tous les éléments pour créer la machine. J’avais d’ores et déjà des problèmes, me demandant comment est-ce que le robot allait pouvoir vivre sans une âme ou un esprit à l’intérieur, mais Yumen écarta ce problème, soufflant que l’important était pour l’instant de construire la machine, et que ce cas se règlerait au dernier moment selon lui. Nous mimes plus d’un mois pour finir l’ossature d’acier de base, avec sur chaque fin d’os une extension pour créer un « muscle » ; Ni Yumen, ni moi, ne nous y connaissions là-dedans, ce pourquoi je proposai à Yumen d’amener le médecin de l’île pour qu’il nous explique le fonctionnement de l’anatomie humaine et des mouvements. Il vint une journée nous faire un cours, sur les muscles surtout, et sur comment est-ce que l’homme fonctionnait :

« C’est simple, regardez. »

Il releva sa propre manche et nous montra son bras droit. On observait, Yumen et moi, sans comprendre.

« Un muscle exécute un mouvement, quand je plis mon bras, c’est mon biceps qui fonctionne… »

Il plia le bras et on remarquait alors son muscle (le biceps) grossit. Puis il reprit simplement :

« C’est le muscle agoniste, celui qui fonctionne. L’antagoniste est donc là pour exercer le mouvement inverse ! »

Il déplia le bras et le tendit de nouveau, cette fois ci, le triceps fonctionnait pour créer ce mouvement. Il enchaina :

« C’est comme ça pour tout le corps humain, un muscle fait un mouvement, un autre est là pour faire l’inverse de ce mouvement, c’est grâce à cela qu’on peut marcher, ou se plier, ou attraper un objet. Vous construisez une machine, c’est bien cela ? Je pourrais certainement vous aider d’un point de vue théorique… »

Yumen accepta son aide et fit en sorte qu’il soit bien traité le temps qu’il travaillait avec nous.

Je me retrouvai donc avec un autre associé, et un qui m’aidait énormément dans ma tâche. J’appris ainsi que le coude n’était qu’une articulation, qui servait à bouger le bras et imposé un sens, comme pour le genou. L’idée du robot était qu’il ferait ce qu’un humain pouvait faire, parfois mieux qu’un humain. Yumen proposa alors, dans l’optique qu’on ferait une arme, de placer des outils sous sa carapace d’acier, sous sa « peau » de fortune, et qu’il faudrait faire en sorte que cela fonctionne.

« Pour les muscles, des vérins feront l’affaire… ça permettra un bon actionnement des mouvements ! »

Yumen alla sur l’instant acheté une vingtaine de vérins pneumatiques, de différente tailles pour tous les muscles.

***

Il nous fallut douze mois de plus pour terminer intégralement la mécanique de la machine, tout construire, tout fixer, et tout créer. Le plus dur avait été de faire les mains, parce que c’était un travail long et minutieux. Nous avions laissé de l’espace dans le torse de la machine, ainsi que dans ses bras et dans son dos pour que l’on puisse y installer des armes en tout genre… Mais les faits étaient là : si le corps était entièrement fini et qu’il fonctionnait logiquement et parfaitement selon les tests et les mois qu’on avait passé dessus, il ne vivait pas.

« Ça ne marchera pas, dis-je simplement en haussant les épaules avec une mine contrite. »

Yumen me fixa de toute sa hauteur avec un regard noir : cette réponse n’avait pas l’air de lui convenir. En effet, les promesses qu’il avait fait à ses investisseurs ne devaient pas être rompu, ce pourquoi, il fallait impérativement que ce robot vive. Il se contenait, me regardant toujours avant de poser ses yeux sur les plans de la machine qui était devant nous. Nous avions pensé à pratiquement tout ce qui était possible : rouages, boulon, mécanique, électricité, etc… Mais rien ne m’apparaissait comme possible pour lui donner vie…

« Réfléchis y, tu vas bien finir par trouver. »

Il tourna les talons et sortis de la pièce simplement, sans me donner plus d’indications. Il ne resta dans la pièce que le docteur et moi. J’avais fêté mon septième anniversaire dans ces lieux, je ne trouvais pas de solution à mon problème, parce que je ne savais pas ce qui était possible de faire. Pendant les jours qui suivirent, je demandai à Yumen de me ramener des informations sur les dernières découvertes scientifiques et autres avancées technologiques auprès des marins qu’il tabassait. Il le fit, mais pendant près de deux mois, il n'y eut aucune information importante, jusqu’à ce qu’il me parle des fruits du démon :

« Mais c’est ça ! »

Yumen et le médecin me regardaient avec des yeux ronds. Je sortis un journal que j’avais gardé là sans savoir qu’il me servirait un jour, retournant les pages pour chercher l’article qui m’intéressait. Un fait divers sur des objets qui se transformaient, les armes particulière de la marine : on n’indiquait pas comment est-ce que ces objets prenaient vie, mais la solution était les Fruits du démon !

« Ils ont trouvés un moyen de donner les pouvoirs des fruits du démons aux objets ! On devrait pouvoir faire pareil… Le robot devrait ainsi nous obéir ! Et pas besoin d’incarner une âme ou un esprit à l’intérieur ! »

Ce qui relevait plus de l’exorcisme et du vaudou qu’autre chose ! Pour ce point-ci, Yumen n’alla pas chercher midi à quatorze heure, mais plutôt un physicien de la marine pour le ramener sur l’île illico presto, histoire de l’obligé à construire la machine qu’il désirait. Celui-ci, qui dans un premier temps disait ne rien savoir de ces sciences, fut rapidement contraint de céder et d’aider à la conception de ce qu’il lui fallait. J’assistai à cette création, aidant le physicien du mieux que je le pouvais. Je ne comprenais pas tout ce qu’il disait à propos de ces sciences et de ces théories, mais j’étais là et suivais le montage des deux cabines avec enthousiasme.
Parce que sa création était faite ainsi : deux « cabines » en fer, faites de matériaux conducteurs, électrifié. Dans l’une était posé le fruit du démon qui servirait, dans l’autre, l’objet qui recevrait les attributs du fruit. Un processus complexe, actionné par un bouton rouge pétant, auquel je ne comprenais strictement rien, malgré les questions que je n’arrêtais pas de poser pour en savoir un peu plus. Le Physicien, après avoir accompli sa tâche, fut libérer et déposer sur une île au large des mers, une île déserte de laquelle il dut fuir par ses propres moyens : une manière de lui dire « si tu parles, tu sais ce qui va t’attendre ». Il avait passé des mois sur cet appareil et il disparut.
Je n’eus plus jamais de nouvelles de ce type, pas même dans le journal. Il n’était plus personne désormais qu’un vague souvenir dans la tête d’une gamine qui venait à peine d’avoir huit ans. La machine me semblait prête, Yumen avait trouvé un fruit du démon, le robot était construit, il me semblait pour ma part que tout était mis en œuvre pour qu’on y arrive. Jamais je n’avais trouvé un projet aussi fou et parfait à la fois, et maintenant que j’apercevais la fin de cette quête infernale, je me sentais fière et impatiente de voir comment est-ce que ça allait fonctionner.

« On peut le faire ! Dès maintenant !
- Non, coupa Yumen. »

Je le regardai avec les sourcils froncés. Comment ça « non » ?

« Mais il est prêt !
- Certes, mais il ne nous obéira peut être pas ! Et puis, la machine ne marche peut être pas non plus, il peut très bien tout détruire et s’en aller pour toujours. On ne sait pas ce que ça peut faire. Alors, c’est non pour l’instant. Je ne veux pas que ces deux ans passés ne soit passés pour rien. »

Il sortit de la pièce, passa la journée, puis le soir, et il partit se coucher. Moi, je n’avais pas l’intention de lui obéir : le robot allait marcher ce soir.

Car c’était aussi les deux années ou je m’étais investie pour ça, pour lui, pour ce robot, que j’étais impatiente et têtue, et que ça devait marcher. Je m’introduisis le soir dans la pièce de création : j’avais mis le fruit dans la première cabine, le robot se trouvait déjà dans l’autre et semblait comme mort. J’allai jusqu’à la table de commande et me penchai sur tous les boutons, les réglant comme m’avaient expliqué le scientifique kidnappé, du moins, du mieux que je le pouvais. Et puis, sans aucune once d’hésitation, je pressai l’énorme bouton rouge qui lançait l’appareil. Un bruit sourd perça le silence, suivit d’une lumière vive et aveuglante qui m’obligea à fermer les yeux. Puis soudain, un grésillement interrompit tout le processus, me plongeant dans un noir totale comme après un une coupure de courant.
La machine avait coupé toute électricité, dans la maison, mais probablement dans la ville aussi : je me voyais déjà dans une merde affreuse, surtout si Yumen avait été réveillé par le bruit que j’avais fait. Alors que je poussais un long soupir désespéré, un cliquetis métallique attira mon attention. Je relevai le regard et vis deux yeux turquoises me fixaient à travers l’obscurité. La lumière revint, et l’on se fixait. Le robot se tenait debout, devant moi, me regardait comme je le regardais. J’hallucinai : les yeux ronds, la bouche ouverte, ne réalisant pas ce qui se passait sous ses yeux. Ça se passait de commentaire… il me regardait de toute sa hauteur, mesurant plus de trois mètres, d’un jaune canard saisissant…

Il vivait.

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