Faut que je te dise un truc, l’ami. Je suis pas quelqu’un de très peureux, sans vouloir me vanter, et je m’en sors plutôt bien dans la vie, en général, je veux dire. Je suis plutôt sûr de moi, je me repère en ville sans trop de problème, je sais comment jacter un minimum, tout ça. Comme un bon espion, quoi. Mais en terres sauvages, là, c’est une autre paire de manche. Tu sais faire un feu, toi? Moi pas. Cette plante bizarre, là, à mes pieds? Aucune idée de ce que ça peut être. Je goûterai bien, mais j’ai l’impression que si j’approche ce truc là de mon estomac, c’est tout le système digestif qui part à la dérive. Alors tu me diras, ouais mon bon vieux Tom, on s’en fout, t’es sûrement encore entrain de filer un blaireau de la Marine dans un petit endroit urbain tout chaleureux ! Sauf que si tu suis un peu et que tu regardes le nom de l’île au dessus, tu comprendras que je suis un peu dans la merde. Boyn, c’est quand même vachement pourri. Heureusement que les bottes des Mouettes sont résistantes, sinon je pataugerai déjà dans la boue, là. Je me suis déjà fait piqué par trois insectes, j’ai failli me viander une bonne demi-douzaine de fois, et j’ai marché sur un espèce de vieux champlard tout moisi qui veut pas se décoller de ma semelle, je crois même que ce con pousse à vue d’œil sur le caoutchouc. Je suis tellement pas dans mon élément que quand j’ai eu le briefing de mission, j’ai osé protester pendant une seconde. C’est pas vraiment conseillé, alors je me suis ravisé, mais quand même, j’étais pas jouasse.
Je le suis encore moins depuis que j’ai posé pied ici. Tu veux savoir ce que je fais là? Un sergent-instructeur complètement timbré s’est dit que ça serait une bonne idée d’emmener toute une garnison ici, sur ce qu’on surnomme affectueusement l’Enfer Vert, pour faire un genre de super-entraînement. Moi, je trouve ça surtout super-con, mais j’ai pas mon mot à dire. J’espère que t’es d’accord avec moi quand même, quelle idée d’entraîner ses hommes sur une plante carnivore géante… Je suppose que les collègues du bureau de propagande font du bon boulot, et que la Marine manque pas de chair à canon, mais bon, tout de même… Je me gratte la nuque, je crois que je me suis encore fait piqué par une bestiole. Heureusement que mes vaccins sont à jour, même si dans tout les cas, je crois bien que je suis bon pour un séjour à l’infirmerie une fois la mission finie.
« Lieutenant sous-instructeur ! »
C’est une voix sur ma droite qui m’interpelle. Grave, dure, ferme. C’est l’idiot qui a eu la brillante idée de venir ici, et accessoirement, c’est mon supérieur du moment. Heureusement que ma couverture c’est d’être son assistant, et pas d’être une de ces recrues qui s’apprêtent à vivre l’entraînement le plus extrême de leur vie.
« Ouais m’sieur, c’est pas un vrai grade m’sieur…
- Vous êtes prêt à lancer l’épreuve?
- Ouais ouais. »
On est encore sur la côte, enfin, si on peut appeler ça une côte. Notre navire a fière allure, posté comme ça devant nous, le soleil derrière lui donnant un joli contre-jour. J’aimerai bien être à bord, au lieu de patauger dans la boue et la chair de plante carnivore. Devant nous, à plusieurs dizaines de mètres, des arbres, qui délimitent l’entrée de la dense forêt qui recouvre l’île sur laquelle on se trouve. On peut appeler ça des arbres? En tout cas, ça y ressemble vachement. Le seul truc qui choque, c’est les fruits tout difformes qui poussent sur les branches. Le but de l’épreuve? En ramener un par soldat. La difficulté de l’épreuve? Survivre au trajet. Quelques dizaines de mètres, normalement, c’est rien, mais quand le sergent a balancé un gros caillou sur le chemin, y’a trois plantes qui sont sorties du sol pour bouffer le machin, à vitesse mach 3 environ, selon mes calculs. Les soldats tremblent comme des feuilles. D’après les estimations du sergent, les chances de mourir sont de 1%. D’après mes estimations à moi, les chances de perdre une jambe sont quand même de 1000%. Et le plus drôle, c’est que c’est une épreuve préliminaire, pour estimer le niveau des hommes, et aviser pour la suite. La suite, pour moi, elle est toute vue : on retourne fissa au QG et on soigne les survivants, mais bon, on va encore dire que je suis pessimiste.
« Aller ! En piste les mous du genoux !
- Bon courage mon pote, que je lance à un petit soldat frêle qui me regarde avec des yeux humides. »
Je lève le pistolet qu’on m’a confié, et qui servira de signal pour lancer l’épreuve. Je regarde les soldats se mettre en ligne. Tu sais ce qui m’ennuie le plus, dans tout ça? C’est que ma mission concerne même pas le sergent, même si je suis sûr de pouvoir le faire suspendre pour maltraitance. Nan, elle concerne plutôt une partie des soldats, ceux qui tremblent et dont les joues servent de toboggans à leurs larmes. Dans le tas, y’en a au moins un qui fricote avec des types pas très recommandables. Quelqu’un, des bureaux, a intercepté une communication den-den entre un membre de la garnison, et un type lié à un réseau de contrebande, lui-même très probablement lié à une sous-section de l’Armée Révolutionnaire. Un bordel, je t’évite la lecture du rapport. Le tout, maintenant, c’est de retrouver la trace de l’escargophone qui a servi à communiquer, et avec ça, de mettre la main sur le ou les types incriminés. J’ai déjà fouillé quelques cabines, en mer, mais ces gars là sont des vrais tir-au-flancs. Sûrement pour ça que le sergent les a amené ici, d’ailleurs. Ils ont quasiment pas quitté leurs quartiers du trajet, et ici, m’est avis qu’ils gardent leurs secrets sur eux. J’irai refaire un tour à bord à la nuit tombée, mais en attendant, je pointe le canon vers les cieux, vers ce nuage en forme bizarre là, et…
PAN
Je le suis encore moins depuis que j’ai posé pied ici. Tu veux savoir ce que je fais là? Un sergent-instructeur complètement timbré s’est dit que ça serait une bonne idée d’emmener toute une garnison ici, sur ce qu’on surnomme affectueusement l’Enfer Vert, pour faire un genre de super-entraînement. Moi, je trouve ça surtout super-con, mais j’ai pas mon mot à dire. J’espère que t’es d’accord avec moi quand même, quelle idée d’entraîner ses hommes sur une plante carnivore géante… Je suppose que les collègues du bureau de propagande font du bon boulot, et que la Marine manque pas de chair à canon, mais bon, tout de même… Je me gratte la nuque, je crois que je me suis encore fait piqué par une bestiole. Heureusement que mes vaccins sont à jour, même si dans tout les cas, je crois bien que je suis bon pour un séjour à l’infirmerie une fois la mission finie.
« Lieutenant sous-instructeur ! »
C’est une voix sur ma droite qui m’interpelle. Grave, dure, ferme. C’est l’idiot qui a eu la brillante idée de venir ici, et accessoirement, c’est mon supérieur du moment. Heureusement que ma couverture c’est d’être son assistant, et pas d’être une de ces recrues qui s’apprêtent à vivre l’entraînement le plus extrême de leur vie.
« Ouais m’sieur, c’est pas un vrai grade m’sieur…
- Vous êtes prêt à lancer l’épreuve?
- Ouais ouais. »
On est encore sur la côte, enfin, si on peut appeler ça une côte. Notre navire a fière allure, posté comme ça devant nous, le soleil derrière lui donnant un joli contre-jour. J’aimerai bien être à bord, au lieu de patauger dans la boue et la chair de plante carnivore. Devant nous, à plusieurs dizaines de mètres, des arbres, qui délimitent l’entrée de la dense forêt qui recouvre l’île sur laquelle on se trouve. On peut appeler ça des arbres? En tout cas, ça y ressemble vachement. Le seul truc qui choque, c’est les fruits tout difformes qui poussent sur les branches. Le but de l’épreuve? En ramener un par soldat. La difficulté de l’épreuve? Survivre au trajet. Quelques dizaines de mètres, normalement, c’est rien, mais quand le sergent a balancé un gros caillou sur le chemin, y’a trois plantes qui sont sorties du sol pour bouffer le machin, à vitesse mach 3 environ, selon mes calculs. Les soldats tremblent comme des feuilles. D’après les estimations du sergent, les chances de mourir sont de 1%. D’après mes estimations à moi, les chances de perdre une jambe sont quand même de 1000%. Et le plus drôle, c’est que c’est une épreuve préliminaire, pour estimer le niveau des hommes, et aviser pour la suite. La suite, pour moi, elle est toute vue : on retourne fissa au QG et on soigne les survivants, mais bon, on va encore dire que je suis pessimiste.
« Aller ! En piste les mous du genoux !
- Bon courage mon pote, que je lance à un petit soldat frêle qui me regarde avec des yeux humides. »
Je lève le pistolet qu’on m’a confié, et qui servira de signal pour lancer l’épreuve. Je regarde les soldats se mettre en ligne. Tu sais ce qui m’ennuie le plus, dans tout ça? C’est que ma mission concerne même pas le sergent, même si je suis sûr de pouvoir le faire suspendre pour maltraitance. Nan, elle concerne plutôt une partie des soldats, ceux qui tremblent et dont les joues servent de toboggans à leurs larmes. Dans le tas, y’en a au moins un qui fricote avec des types pas très recommandables. Quelqu’un, des bureaux, a intercepté une communication den-den entre un membre de la garnison, et un type lié à un réseau de contrebande, lui-même très probablement lié à une sous-section de l’Armée Révolutionnaire. Un bordel, je t’évite la lecture du rapport. Le tout, maintenant, c’est de retrouver la trace de l’escargophone qui a servi à communiquer, et avec ça, de mettre la main sur le ou les types incriminés. J’ai déjà fouillé quelques cabines, en mer, mais ces gars là sont des vrais tir-au-flancs. Sûrement pour ça que le sergent les a amené ici, d’ailleurs. Ils ont quasiment pas quitté leurs quartiers du trajet, et ici, m’est avis qu’ils gardent leurs secrets sur eux. J’irai refaire un tour à bord à la nuit tombée, mais en attendant, je pointe le canon vers les cieux, vers ce nuage en forme bizarre là, et…
PAN