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Avoir des Marines dans les jambes

Regarde d'où l'ennemi t'attaque: c'est souvent son propre point faible. - Les Fourmis (B. Werber)

Cette journée là encore remplit sa grève de points noirs. Des ares entiers de graviers, blanchis par les frappes du soleil, laissaient sécher des dizaines d'hommes et de femmes. L'air ne se refroidissait qu'en passant dans l'organisme des sans-emplois. Ils respiraient lentement, épuisés qu'ils furent par le simple fait de tenir debout dans cet enfer. Ce qu'ils attendaient: leur nom cité par le coordinateur des syndicats.

Etre cité, c'était pouvoir descendre. Le souterrain promettait à la fois fraicheur et travail, salaire, statut. Au coeur de cette île, le Royaume était une pyramide sociale retournée, où le ciel est l'enfer et les profondeurs l'abondance et l'espoir. Un membre d'équipage d'Hadoc avait parlé d'une tour inversée. Dans ces sociétés matriarcales, il était pertinent de considérer l'idée utérine de cette cavité où chacun voulait s'engouffrer pour aller au bout, là-bas. Sans savoir ce qui les attendait, sans même être sûrs de pouvoir accomplir le mission. Simplement, d'y aller. A ce titre, les Marines avaient la couleur de l'emploi.

Taylor - huitième sous-sol : réassort. Randy Bull - deuxième sous-sol: service de tri. Mimi Siku - deuxième sous-sol: Raffinerie de sucre. Peyton Weed: cinquième sous-sol: fonderie.

Gharr n'a jamais été cité, pas plus que les autres membres de l'équipage. Cela faisait un mois qu'il attendait, avec le même rituel chaque jour. Se lever, se laver, quitter son cabanon, être surveillé - parfois moqué - par les soldats et meurs montures insectoïdes, attendre sur la grève. Puis, regagner le cabanon, discuter avec les grévistes, accueillir les nouveaux venus, de l'extérieur ou les exclus d'en-bas et qui retentent leur chance, faire la file pour le potage du jour, manger, dormir, recommencer. Encore et encore.

Le premier jour, Hadoc était venu seul. Il avait, par un papier de la Reine Maya, pu descendre la vertigineuse ville jusqu'au palais de la Reine Werber. Cette dernière n'avait pas montré la moindre méfiance, ni même hostilité envers le Marine. Lorsque celui-ci lui fit par de son souhait de collecter sa signature sur un décret du Gouvernement Mondial assurant que Myriapolis respecte les lois des Nations-Unies votées pour l'an 1628, elle n'y vit aucune offense. Mieux encore, elle avait expliqué au commodore qu'elle saisissait les enjeux. Même si le Gouvernement mettrait du temps à conquérir l'île, vaste et terriblement hostile, le souci n'était pas tant de résister qu'éviter un déséquilibre des trois royaumes. Maya avait signé pour protéger sa cité portuaire, il devenait donc indispensable que la Reine des fourmis ajoute son paraphe. Sans quoi, elle devenait le premier avant-poste ennemi et par essence celui qui serait le plus endommagé par le conflit armé. Tout cela, elle l'avait compris. Mais la Reine Werber était rusée. Durant l'entretien, elle avait demandé au commodore s'il pouvait, au nom du Gouvernement qui l'emploie, démontrer qu'il avait saisi la culture locale. Hadoc fit montre de prudence, stipulant qu'il fallait être natif ou fervent érudit d'une cité pour en connaître la culture endémique. La réponse plut à la Reine, qui promit à Gharr sa signature et un laisser passer pour la troisième et dernière royauté s'il lui prouvait sa valeur par le travail. Hadoc, en bon manuel, avait accepté à condition que le travail demandé lui soit accessible. L'affaire fut entendue et l'émissaire fut renvoyé en surface avec une simple instruction: gagner le droit de revenir au Palais.

En surface, le seul moyen d'entrer par la porte de l'intégration est celle du travail. Et le travail, il se remporte par la grève. Bien sûr, le Marine avait les moyens de se faufiler jusqu'au palais. Il pouvait aussi entrer en se prétendant touriste. Mais ce n'était pas le défi lancé et il en avait accepté la condition. Il attendit donc, un jour, puis deux. De bonne foi, il avait spécifié tout ce qu'il pouvait faire et l'expérience acquise, y compris dans la chose martiale. Rien n'y fit. Jamais son nom ne fut cité. Lorsqu'il comprit que même les sans-emplois sous-qualifiés par rapport à lui prenaient des fonctions à sa place, il saisit l'handicap de l'épreuve. Ce n'était pas tant que la Reine voulait le maintenir en surface. Elle se fichait de lui, qui avait déjà probablement cessé d'exister dans son esprit. C'étaient les représentants des syndicats qui n'engageaient que des natifs, au détriment des étrangers. La route était barrée pour le Marine.

La deuxième semaine, il appela son équipage et l'invita à se joindre à lui. La mission n'était pas spectaculaire, ni palpitante. Usante même, pour les nerfs. Mais il était capital que d'autres viennent en renforts. Le simple petit uniforme blanc qui faisait sourire les fourmis devint plus gênant quand les soldats étrangers se multiplièrent. C'étaient des gens à nourir pour ne rien faire, la règle du Royaume voulant que chacun ait droit à son bol de potage et sa ration d'eau. L'accumulation d'immigrés créait un déséquilibre. Léger, négligeable pour une telle cité. Mais les fourmis haïssaient le désordre.

Au fil des semaines, les Marines devinrent la source de tous les problèmes. Ils ne faisaient jamais rien de répréhensible, ni ne commettaient aucune incivilité. Pourtant, les sans-emplois du royaume les méprisaient et les accusaient de leur voler leur travail, alors même qu'aucun n'avait pu tenter sa chance. De polluer, alors que chacun montrait une discipline exemplaire. De puer, alors que l'odeur n'était conditionnée que par les phéromones dans cette société. Les engagés avaient d'ailleurs droit à leur spray, qui servait de carte d'accès aux endroits mentionnés. Et si les humains étaient incapables de sentir l'odeur de ces sprays, les nombreuses fourmis gardiennent, elles, maintenaient l'ordre. L'odeur, c'était la clé.

Chaque nouveau jour, les gardiennes géantes qui surveillaient les cabanons étaient moins méfiantes envers le commodore, puis son équipage. Les grévistes partageaient le même espace, dormaient dans les mêmes draps et les spécimens des entrailles étaient constamment renouvelés. Leur odeur d'en-bas imprégnait peu-à-peu l'équipage du Gouvernement. Chaque jour était pareil, mais chaque jour rendait l'odeur des étrangers un peu moins perceptible pour les fourmis. Si bien qu'à un moment, plus aucune ne pourrait faire la différence entre un gréviste immigré et un gréviste exilé. C'était ça, le signal qu'attendait Hadoc et la raison pour laquelle il endurait ce mois d'intégration.

Vian - onzième étage: accordeur d'instruments. C'est tout pour aujourd'hui.

Le recruteur du jour reprit son casque à mandibules et rangea sa tablette de cire avant de disparaître sous le sol. Une énorme fourmi ailée boucha l'entrée de son abdomen en s'y affaissant lourdement et entama un long sommeil. C'était fini, une journée de plus en moins. Fatigués, mais disciplinés, les Marines regagnèrent les cabanes de bois où il faisait à peine plus frais qu'au dehors. Un nouveau frustré bougonna qu'il était sûr qu'on avait oublié son nom parce qu'il était plus petit que le Marine qui attendait devant lui. Hadoc s'arrêta devant l'une des gardiennes qui le fixait de ses grosses billes inexpressives. Depuis sept soirs, elle ne bronchait plus à son approche. Il devait vérifier, alors il tendit la main et lui caressa doucement la chitine entre les antennes. Elle agita lentement ses dernières et lui tapota les cheveux avec, mais ne marqua aucune hostilité. Si aux yeux des humains il demeurait un étrangers, à l'odorat de la bête il était un citoyen. Plus aucune d'elle ne le jugerait coupable s'il commettait un acte hostile envers un égal. Hadoc rejoignit ses hommes et fit passer le mot: Ce soir, ils agissaient.

Soir qui vint bien vite. Le plan était simple. Puisqu'il fallait que chacun possède les mêmes biens, il fallait créer une inégalité. Et la créer à ses dépens. Hadoc chargea donc un de ses soldats, en l'occurrence le lieutenant Shoga, de simuler le renversement de sa pitance par un des locaux. Ce serait alors à eux, les gens bien propres et sans reproches, d'avoir le choix entre provoquer la Marine et tâter du bâton, ou accepter de réparer l'erreur et de conclure un accord. Dans tous les cas et quoiqu'il arrive, il fallait que seules les soldats du Gouvernement soient présents à la grève, afin de forcer leur embauche là où le travail n'attendait jamais.
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Le Lieutenant Shoga fut embarqué dans une mission particulière, son supérieur le Commodore Gharr avait réquisitionné le Renard pour cette mission. Le Mink et son camarade le Sergent Soma étaient partit d'East Blue, pour se rendre sur Grande Line. D'ailleurs, le Lieutenant était heureux d'être sur Grande Line, lui qui souhaitait tant combattre sur cette mer. Soma lui était tout fou, se trouver sur la mer de tous les périls étaient une chose peu banale, et le Sergent avait du mal à tenir en place. Il bondissait partout et tâtait avec son index la tête d'une fourmi monture, elle restait de glace. Le Renard avait reçu des instructions précises, son supérieur lui avait demandé de créer une diversion. Mais avant tout comment était vêtu le Lieutenant ? Le Canidé était vêtu d'un uniforme classique de la marine, sauf que lui il n'avait pas de casquette et il portait un Katana avec un fourreau bleu à sa ceinture.

- Il faut donc que je trouve une victime, n'importe laquelle fera l'affaire. Disait-il en examinant les Fourmis.

Il trouva finalement son gogo, le Renard qui était assis tranquillement se leva et se dirigea en direction d'un homme barbu près d'un feu. Le Mink s'appuya contre un arbre et regarda le barbu, ce dernier se leva avec son bol de pitance. Le Renard s'approcha de lui, puis par mégarde il le bouscula . La nourriture du chômeur était étalée par terre, ainsi que le bol.

- Oups, je vous prie de m'excuser. J'avais la tête ailleurs. Disait Shoga en souriant.

L'humain fixa son unique repas du soir étalé sur le sol, puis il regarda le Renard qui lui présentait ses excuses. Le barbu lui posa une question, un truc simple.

- Tu n'as cas me donner ton repas, si tu veux te faire pardonner.

- Désolé, j'ai déjà tout man...

*Sbaff

Le poing du chômeur s'écrasa sur le visage du Canidé, Shoga tomba à terre devant tout le monde. L'humain s'énerva et se jeta sur le marine, et il tentait d'étrangler celui qui l'avait privé de repas. Le barbu était à bout, depuis des mois il espérait une place dans la Fourmilière, mais rien. Et là un étranger lui renversa sa pitance, son unique moyen de survie. Il craqua, et désormais il voulait que cela cesse.

- J'en ai marre de vous, ça fait des mois que vous êtes ici à nous voler notre travail !

Les autres "natifs" étaient d'accord avec leur compagnon, même si l'odeur des marines était pareille que celle des habitants de l'île, les marines n'en étaient pas moins des étrangers. Paul, appelons le barbu Paul. Il pensait que les marines empêchaient les autres travailleur d'être prit dans la Fourmillière à cause de leur simple présence, car pour Paul les marines n'étaient pas appréciés par le chef de chantier et il déversait sa haine sur tout le groupe. Une idée débile, rien n'empêchait le chef de chantier de choisir uniquement les "natifs" de l'île tout excluant les étrangers.

- Tu devrais arrêter, t'as pas assez de force dans les bras pour me couper la respiration.

Mais Paul ne l'écoutait pas, alors le Lieutenant souleva l'humain avec une seule de ses pattes. Puis il se releva tout en soutenant le poids plume, le marine étendit son bras porteur le plus haut possible. Le chômeur n'avait plus assez d'allonge pour étrangler son ennemi, ses bras gesticulaient dans le vide.

- Maintenant que t'es calmer nou...

*Sbam

Une boule de boue heurta la tête du Lieutenant, les autres travailleurs venaient en aide à leur ami. Shoga soupira et regarda Soma qui se faisait mordre par la fourmi domestique qu'il tripotait depuis tout à l'heure. Shoga fit un infime hochement de tête à son compagnon, ce dernier comprit ce qu'il devait faire, puis le Mink regarda Gharr dans les yeux. Puis il tourna son regard vers les révoltés, le Renard soupira.

- Vous le voulez votre pote ?! Eh bah le voilà !

Le Renard lança le poids plume sur les autres "natifs" de l'île, Paul s'écrasa sur quatre de ses amis. Puis Soma avec quelques soldats neutralisèrent les autres révoltés qui avaient décidé de se battre. Shoga s'approcha de Gharr et se posa à côté de lui.

- Qu'est-ce qu'on fait d'eux ? Je suis d'avis de les assommer, puis de les attacher dans une cabane ou une grotte.

Le Renard n'appréciait pas la violence absurde, donc il proposa une solution plus pacifique.
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Avec une certaine lenteur, le commodore se leva de sa banquette et dépassa les Marines à la ligne de défense. De l'autre côté, les grévistes se préparèrent à l'accueillir, mais Gharr leva bien vite les mains en signe qu'il n'était pas armé, ni qu'il cherchait la confrontation. Il fit signe aux autres soldats de se calmer et dit, avec une pointe d'agacement dans la voix.

Désolé, mes hommes sont des idiots.

L'affirmation surprit les deux camps. Elle eut toutefois le mérite de convaincre l'homme au repas renversé d'interagir, comme pour souligner l'évidence.

Ah ça ! Le mot est faible ! Vous en entendrez parler demain.


A votre convenance. Voyez-vous, nous sommes des déserteurs. Après avoir capturé des pirates, nous avons....disons que le butin trouvé à bord promettait de meilleurs jours que la prime des frères de la côte. On a décidé de ne plus avoir de maîtres et de voler les voleurs. Malheureusement, comme vous pouvez le constater, certains des nôtres vivent mal leur vie de fugitif.  

Alors tirez-vous ou je vous dénonce. On n'en peut plus de vous.


Et nous ne voulons pas vous importuner davantage, mais il faut que nous ayons un travail. La Marine est à notre recherche. Trouver refuge au royaume de l'abeille s'est avéré impossible. Ici, en nous réfugiant non pas dans la zone touristique, mais industrielle, nous pourrons nous cacher le temps que ça se tasse.

J'en doute, mais c'est pas mes pucerons vos affaires. Vous n'aurez jamais de boulot, vous n'avez pas compris ? On n'engage pas les étrangers.

Permettez-moi une suggestion.  

Gharr indiqua de l'index qu'il allait fouiller dans la poche intérieure de sa veste. Aussitôt, il sortit une enveloppe cachetée et ouverte, dont il présenta le contenu à Paul. Ce dernier la lut, à moitié concentré, puis haussa les épaules.

Bon, et alors ? Ca dit que vous avez le droit de voir notre Reine.


Précisément. Vous tenez entre vos mains de quoi vous rendre, vous, ainsi que vos amis, plus riches de quelques journées de travail, pour ceux qui auront la chance d'êtres choisis par les syndicats.

Hein ? Là je ne suis pas.

Vous allez comprendre. Vous venez pour avoir du travail ? je vous en offre un. Allez, vous et tous les grévistes, rendre ce sauve-conduit à un garde royal de la Ruche. Vous rendrez service à Sa Majesté Maya et serez payés pour visiter durant une nuit et une journée son domaine. Ses jardins sont magnifiques, je les ai survolés le mois dernier en taxigale.  

Hmm...ça fait une sacrée trotte d'aller et revenir de là-bas. Et vous dites qu'on sera payés combien ?


Hadoc retourna dans sa poche et exposa une liasse de billets qui attira l'attention de tous les grévistes. Il feuilleta lentement les coins aux berrys indiqués et en accumula peu-à-peu dans sa pince, détaillant au passage un plan qui, cette fois, avait toute l'attention des autochtones.

Je sais que les taxigales de nuit font toujours payer plus cher. Je gage qu'avec cette somme, vous et les vôtres pourrez arriver avant la tombée de la nuit et vous offrir un succulent repas avant de profiter de draps propres d'une auberge accueillante. Le marché de la Ruche fourmille de bonnes adresses.  

Le commodore finit de séparer ses billets et plaqua la liasse dans la paume déjà équipée de l'enveloppe. Paul réfléchit malgré tout, mais la liesse des siens pesait lourd dans la balance. Il Glissa l'argent dans l'enveloppe pour le partager équitablement plus tard. Une question demeurait toutefois accrochée à sa logique.

Vous pourriez aller voir la Reine Weber et demander asile, pourquoi passer par cette galerie ?

Vous avez remarqué que l'enveloppe était déjà ouverte. J'ai vu la Reine et ai tenté de remplir ma quête. Hélas, elle ne jure que par le travail et j'ai été mis au défi de m'intégrer de façon plus...orthodoxe.  

Paul pouffa, suivi des autres grévistes.

C'est bien notre Reine ça ! Elle a raison, rien de pire que des feignants dans ce monde. Allez, on la fait votre course. Mais à notre retour, ou vous avez votre boulot, ou vous pliez bagages.


C'est entendu. A votre retour, dans une nuit et une journée complète, si vous trouvez encore ne serait-ce qu'un uniforme dans les environs, je vous autorise à nous dénoncer à la Marine ou à parler de l'agression que vous avez subie par mon lieutenant. Mais vous, vous devez promettre que vous rendrez cette lettre à qui de droit.  Si j'apprends qu'on se promène avec une lettre d'un imposteur se faisant passer pour moi, je vous montrerai ce qu'il en coûte de pirater des pirates.

Paul rassura d'un hochement de tête. En son for intérieur, il ricanait, car il savait que même si les prétendus pirates obtenaient un travail, ils allaient dépenser tout leur salaire dans la boisson et se tuer à la tâche. Les syndicats allaient les dispatcher, les user et les pousser à commettre des crimes. Seulement, renverser la gamelle d'un salarié, c'était hautement plus condamnable qu'ici. Il joua donc le jeu de l'encouragement et rangea soigneusement l'enveloppe dans une besace en forme d'abdomen. Une minute suffit aux grévistes pour plier bagages et quitter les cabanons, à la recherche des transports de nuit. Hadoc, lui, attendit que les derniers rires et commentaires d'entrain s'évanouissent dans la soirée. Il referma la porte, considéra la troupe de Marines et riva son attention sur Shoga. Cette fois, sa voix n'était plus aussi chaleureuse qu'avec les autochtones.

 Le renversement de votre pitance par un des locaux, Lieutenant Shoga, pas le renversement de la pitance d'un des locaux. Votre erreur nous coûte un million et aurait pu coûter le succès de notre mission. Reprenez-vous !

Gharr ne haussait pas le ton, mais le gardait sec. Le but était que Shoga se sente mal, qu'il réalise que dans l'armée, chaque mot d'ordre doit être appliqué à la lettre. Des erreurs comme celles-ci était courantes, bien sûr. Il incombait au supérieur hiérarchique des lieux de pousser ses hommes à la vigilance, car l'échec d'une mission échouait au plus haut gradé. Pour cette fois, Hadoc l'avait couvert. Il avait même employé ses propres berrys et ne comptait pas introduire une demande de remboursement, pour éviter que l'erreur du lieutenant figure dans son dossier. Mais le prix de la leçon qu'il tentait d'inculquer au Renard lui coûtait un mois de salaire.

Conscient qu'il devait briefer les troupes sur la suite, Gharr n'insista pas sur l'incident et reprit tout le monde dans son champ de vision. Il parla lentement, distinctement, comme s'il leur enseignait une poésie à devoir réciter plus tard.

Demain, il n'y aura que des Marines à la grève. Ils seront obligés de nous engager. Nous allons êtres séparés en petits groupes. Votre mission: parasiter les secteurs où vous serez envoyés. Qu'entends-je par parasiter ?

Le Royaume de la Fourmi a la réputation d'être une société parfaite, huilée à la perfection. Cette société n'existe pas. Aux Blues, Shimotsuki, d'où je viens, a la réputation d'une île où chaque habitant est un artisan et que tous les habitants sont perfectionnistes. Je peux vous assurer que ce n'est pas le cas.

Rendez-vous dans votre secteur, voyez où sont ses failles et exploitez-les. Soyez un caillou dans la chaussure, mais ne commettez aucun délit. Je répète, aucun délit. Si vous enfreignez la loi, si vous manquez de respect aux locaux, si vous vous mettez en tort, vous serez exclu. Votre retour à la surface signifie que vous avez échoué. Restera à retourner au navire, et à me rédiger un rapport complet pour mon retour.


Un sergent leva la main pour poser une question, accordée par le commodore.

Comment on court-circuite ce royaume et en quoi ça nous aide ?


Ce royaume se pense parfait parce qu'il est confirmé par sa propre société. Notre rôle, en tant qu'étrangers, c'est de mettre le doigt sur les incohérences. Il y en aura forcément, il y en a toujours. En quoi cela nous aide ? Eh bien, quand vous faites trop bien votre travail, on a le choix entre vous renvoyer ou vous promouvoir. Pour nous renvoyer, il faut une raison. Cette société hait tant les grévistes qu'elle s'assure que leur renvoi en surface soit justifié et clair pour tous. Si vous empêchez cette société de justifier votre licenciement, elle ne peut vous évacuer que par le haut. Enfin, dans le cas présent, par le bas. C'est comme ça que nous gravirons les échelons.

Prenez du galon, étudiez chaque secteur, chaque service, chaque syndicat et communiquez entre vous chaque faille, chaque information utile à faire grincer la machinerie. Il faut parfois enfoncer et non arracher une flèche dans sa jambe pour compter l'en extraire. Incluez cette idée à vos superviseurs.


Comme des gremlins, s'amuse un des soldats.
-Les gremlins sabotent, nous nous n'endommagerons rien.

C'est vrai, comme des trolls. Il est temps de lancer l'opération Troll des cavernes.  
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Shoga fut impressionné par la diplomatie dont Gharr faisait preuve, ce Commodore réussit à berner les grévistes et à les faire déguerpir. Une fois que les grévistes eut plier bagage, le Commodore engueula le Mink à cause de sa faute.

- Bien Commodore, je ne vous décevrai plus !

Dans le coup il ne restait plus que les marines, et quelques fourmis apprivoisées. Gharr fit un discours aux hommes en expliquant ce qu'ils devaient et ne devaient pas faire, lors de l'infiltration dans la Fourmilière. Il y avait une ambiance excellente au sein du groupe, les marines rigolèrent entre eux et avec le Commodore. D'ailleurs, l'officier supérieur nomma cette mission « Opération troll des cavernes » ce qui faisait sourire Shoga, le Renard était fier de pouvoir servir sous les ordres d'un type comme Gharr. Le Renard s'approcha de son Commodore et lui souhaita bonne nuit et bonne chance pour demain. L'épéiste partit se coucher en se roulant en boule dans sa fourrure, comme il était confortable quelques soldats dormaient contre le Lieutenant.

Le lendemain :

L'équipe de Gharr était debout à l'aube, le Sergent Soma était déterminé à infiltrer la Fourmilière. Durant le trajet qui menait jusqu'à la Fourmilière, Soma discutait avec quelques soldats.

- Vous savez je n'aurais aucun mal à m'infiltrer dans cette Fourmilière, je suis un expert dans l'art du Ninjutsu. Disait-il en faisant un Mudra.

- Mais pas dans l'art de l'humilité apparemment. Disait un soldat.

Les soldats rigolèrent entre eux, Soma bouda et marmonna dans sa barbe. Shoga était à l'arrière du groupe, son rôle était de fermer la marche. Personne ne lui avait dit de faire ça, mais comme le Renard était quelqu'un de très méfiant il préférait prévenir que guérir. Après avoir fait le petit bout de chemin qui menait à la Fourmilière, les soldats arrivèrent devant cette dernière. Il n'y avait personne qui attendait d'être choisi, les marines furent les premiers et les derniers de la journée. Une fois assis par terre les soldats attendaient l'appel matinal du chef de chantier, ce dernier arriva sur le dos d'une coccinelle à points noirs. Le bonhomme descendit de l'insecte avec son casque de Fourmi sur la tête, il ordonna à sa monture de ne pas bouger. La relation que les autochtones avaient avec les bestioles de l'île était impressionnante, Shoga était admiratif devant une telle cohabitation. Puis le chef de chantier sortit un bloc note et un crayon, mais la mine du crayon à papier était trop courte. Le chef grogna puis il sortit une petite thermite de sa poche, cette dernière dévora le bois autour de la mine pour l'agrandir. Ce type de Thermite servait de taille-crayons. Une fois le problème de la mine réglée, le responsable fit l'appel.

- Il n'y a pas beaucoup de monde ce matin... De toute façon il n'y a pas le choix, il nous faut du monde.

Le responsable regarda tout le monde, puis il pointa avec son pouce l'entrée de la Fourmilière.

- Aujourd'hui vous serez tous envoyé dans la Fourmilière, que chacun respect le matériel et ses collègues. Bonne journée à tous. Disait-il sur un ton las.

Shoga et les autres marines se levèrent et descendirent dans la Fourmilière, une fois à l'intérieur un responsable des affectations se présenta aux marines.

- Bonjour, je suis le responsable des affectations. Mon collègue vous a choisi pour une excellente raison, vous êtes les meilleurs et seuls les meilleurs peuvent travailler ici... Si vous travaillez convenablement et avec assiduité, vous pourrez obtenir une place de premier rang au sein de la Fourmilière.

Le responsable des Affectation remit son casque de Fourmi en place, son casque n'arrêtait pas de glisser à cause de sa petite tête.

- Au sujet de votre affectation, je vous laisse en roue libre pour aujourd'hui, histoire que vous puissiez découvrir seul les différents métiers et choisir celui qui vous correspondra le mieux. Toute infraction aux règlements de la Fourmilière sera punie sévèrement, nous ne répétons pas deux fois la même chose.


Une fois les explications terminées, les soldats se séparèrent en petits groupes. Ils formèrent plusieurs duos, Shoga et Gharr faisaient équipe. Le Renard était évidemment venu sans son Katana, aucune arme n'était accepté dans la Fourmilière. La mission pouvait commencer.
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« Pince !
- Pince.
- Aspiration !
- Aspiration. Hmm ? Quelque chose cloche. Malgré l'aspiration ça coule toujours, avez-vous bien colmaté l'artère ?
- Oui, j'ai bien colmaté ! Donnez-moi plus de compresses et épongez-moi.
- Je me doutais. Je vous apporte ça tout de suite...Argh ! Hémorragie confirmée !
- Bon sang ! Il y a une lésion interne, je vais devoir opérer à l'aveugle. Donnez-moi autant de poches de sève que vous le pouvez et continuez d'éponger. Si je ne résorbe pas cette fuite on va la perdre !
- C'est de la folie !
- Allons, un peu de sang froid ! Nous avons mené plusieurs opérations cette semaine, ce n'est pas un vendredi soir que nous allons devoir annoncer une mauvaise nouvelle au syndicat.
- C'est vrai ! Tenez, de la sève et des crochets de fourmi. Si ces trucs ne peuvent pas servir de suture, nous sommes perdus.
- Nous ne devons pas échouer. Attention, je suture....et...c'est fait !
- Ouf ! Je finis d'éponger et je referme le tout. C'était moins une cette fois.
- Beau boulot ! Retournons annoncer la bonne nouvelle aux employeurs et syndiqués. »

La porte du bloc s'ouvrit sur une salle d'attente semée de visages tendus et inquiets au retour des deux  hommes en blouses blanches, du moins l'avaient-elles été avant l'opération. D'un simple coup d'oeil, ils virent tout le fastidieux de l'entreprise qui avait duré une bonne heure. Le liquide rouge et épais empoissait les deux revenants des épaules aux genoux. Le barbu au cigare et le poilu aux oreilles en pointe ressemblaient à des silhouettes de cartoon, dont seuls le blanc des yeux perçait la monochromie écarlate. Ils étaient usés, éreintés, mais leur visage fier dévoilait avant leurs mots la réussite improbable de ce combat que plus d'un combattant aurait juré perdu d'avance.

« Opération terminée avec succès ! Votre pompe à pressure est réparée. »

L'acclamation des éleveurs de cochenilles emplit la pièce d'une liesse revigorante. Le barbu salua le public d'une main encore dégoulinante du rouge vif du sang de bétail, tandis que son compère essorait ses poils détrempés en rêvant d'une bonne douche. Et bien qu'ils furent nouveaux au service de plomberie de la cité Fourmi, déjà ils s'étaient illustrés, intégrés et suscitaient l'enthousiasme de leur superviseur.

Les félicitations d'usage accomplies, ils prirent congé pour leur loge où la douche les attendaient. Comme le personnel de nettoyage était déjà présent, il s'éjectèrent en hâte de leurs habits détrempés et les lancèrent aux visages du commodore Hadoc et du lieutenant Shoga, avant de disparaître sous la douche que les deux Marines savaient déjà devoir nettoyer après leur passage. Ils en profiteraient pour se nettoyer également, poisseux qu'ils étaient; presque autant que les deux plombiers.

Je crois que je déteste ce boulot. Encore plus que la corvée nettoyage de la Marine. Encore plus que devoir récurer des cabinets.

N'exagérons rien, Lieutenant. Je suis sûr qu'après un bon coup de pommeau nous serons comme neufs.
Vraiment ? Vous êtes sûr ?

Shoga montra à Gharr les pattes, autrefois blanches, qui avaient pris la coloration rosée suite aux expositions répétées à la teinture. Hadoc admit son excès d'optimisme en caressant sa barbe devenue acajou de ses ongles encerclés d'un rouge indélébile.

Le travail n'avait pas manqué cette semaine pour le bataillon de Marines. Le choix des métiers avait été vaste. Balayeur de ruche, dépoussiéreurs de toiles, maintenance des bulles de vers à soie, on ne savait que choisir. Shoga et Hadoc furent dépêchés à l'entretien et nettoyage des usines Cocherill, une industrie qui colorait et revendait des textiles rouges. Si le travail était dur et salissant, il était également d'une terrible ingratitude. Peu de bonjours, peu de regards et surtout aucun merci. Le personnel d'entretien n'avait guère plus de statut qu'un insecte. Et encore, ces derniers avaient plus d'égards que les mammifères. Mais cela faisait partie du défi.

Le royaume Fourmi fonctionnait comme un donjon inversé. Les Marines avaient déjà triomphé du sommet en se faisant engagés en tant que grévistes. Mas le plus dur restait à venir. L'étage de votre logement déterminait votre importance aux yeux de la cité. A ce titre, les premiers étages inférieurs étaient réservés à la maintenance. Des nettoyeurs, principalement, puis tous les travaux ingrats dont personne ne voulait. Plus bas, il y avait les ouvriers, qui travaillaient directement dans la production des syndicats et constituaient une masse autant méprisée qu'essentielle. Ensuite, les employés, masse moyenne et suffisamment nantie pour jalouser les forts et mépriser les faibles. Plus bas encore, la caste guerrière, sorte de strate bourgeoise où la distinction venait des prouesses martiales. Encore plus bas, bien plus bas, les privilégiés. Des héros, des célébrités, des gens qui avaient accompli des prouesses ou obtenus les faveurs de la Reine. Et enfin, les logements royaux, l'objectif à atteindre pour valider la mission confiée par le Gouvernement Mondial. L'ascension sociale promettait une belle descente aux enfers.

Mais d'abord, frotter ! Shoga et Gharr nettoyèrent avec entrain les uniformes de plomberie. Le bousier géant allait passer dans le couloir d'ici un quart d'heures, autant profiter de la pelote de vêtements propres qu'ils transportait pour expédier la besogne et avoir le temps de réviser le plan. Car s'ils ne comptaient pas les heures de turbin, chaque minute pour étudier les syndicats et les statuts était précieuse.

Le côté positif de ce travail, c'était que les places étaient sous l'égide du syndicat Antre-soie, un groupe réputé qui commerçait avec les cités voisines et se diversifiait dans plusieurs secteurs. Le commodore avait opté pour ce syndicat afin de pouvoir profiter de son aspect tentaculaire. Si le corps était gros et ramifié, il y avait forcément des failles à exploiter. Il y en avait toujours dans les organismes complexes, où une main finissait par ignorer ce que faisait l'autre. C'était la stratégie, étudier, trouver les failles et les exploiter. Shoga et lui avaient passé leur semaine à blanchir les surfaces la journée et polir les contrats le soir à force de les regarder. Les informations filtraient entre les soldats des divers secteurs et le travail de fourmi offrait chaque jour des informations exploitables sitôt rassemblées. Car en plus des lois, les Marines étudiaient les failles de ceux qui les appliquaient. Les efforts allaient bientôt payer.

Un petit sifflement débonnaire emplit le couloir de pierre taillée. Les chaussures à talonnettes du superviseur firent leur petit clapotis habituel, sec et léger comme s'il offrait un numéro de claquettes ralenties à son arrivée. Les deux Marines avaient eu le temps de terminer leur tâche, mais pas de nettoyer les leurs. Fort heureusement, cela leur donnait une certaine ressemblance avec l'employé à caquette de fourmi rouge qui les accueillit avec un sourire convenu, mais pas forcément hypocrite.


Alors, tout va pour le mieux ? Vous vous plaisez ici ?


Oui, Superviseur Tom Hant ! Le labeur est dur, mais nous nous montrons ardus à la tâche.

Et le personnel semble très satisfait de nos efforts.

Merveilleux ! Mais appelez-moi Tom. Je dois admettre que je trouve la main d'oeuvre étrangère particulièrement habile à ce genre de fonction. Vous étiez des agents de propreté dans vos pays d'origine.

Plus ou moins. On était agents en tout cas.

Ah oui ? Vous nettoyiez quoi ?

La vermine. Les pirates, surtout.

Oh ?

Nous étions agents du Gouvernement, ce qui était une sorte d'agence de propreté.  

On nettoyait le rouge aussi, à notre façon.

Ah, il n'y a pas de sot métier. Puis, il en faut. Je n'ai rien contre la Marine, à titre personnel. J'ai même un ami qui est de la Marine. Enfin, j'ai eu un ami. On ne se voit plus beaucoup.

Oui, la Marine, c'est sympathique. Mais avec la guerre, nous avons préféré tenter notre chance à la Fourmi, pays de tous les possibles.

Le royaume veut s'étendre et c'est bien normal. Alors, quand on a su que vous recrutiez de la main d'oeuvre qualifiée à l'étranger, on a sauté sur l'occasion. Puis bon, autant qu'on fasse le boulot dont vous voulez moins.


Je suis exactement du même avis ! Gardez-le pour vous, mais notre firme pense que d'ici quatre à cinq ans, dix pour cent de ses employés seront issus de pays voisins. La moitié d'entre eux pourraient même obtenir un passeport permanent, c'est fou comme avance le progrès !


Ce serait un juste retour des choses. Le Royaume de la Fourmi est superbe. Les touristes vont à la Ruche, mais nous on voulait de l'authentique, du vrai, avec de vrais gens.

Ah, comme il serait bon que tout le monde vous entende. Bien, ce n'est pas que je m'ennuie, mais j'ai énormément de gens à voir. Voici votre enveloppe de la semaine. J'ai rajouté un petit supplément; cadeau de bienvenue des entreprises Cocherill.

Les deux soldats ouvrirent le contenant de leur solde et se fixèrent un instant, avant de reporter leur regard sur un Tom qui avait du mal à interpréter un tel manque d'expression chez eux.

Je sais, normalement ce n'était que 15.000 la semaine. Mais bon, comme vous venez d'une bonne enseigne, je me suis dit allez, 25.000 pour marquer le coup, hein ?

Et le reste ?

Le reste ? Ah mais ça viendra chaque semaine ! Ne mettez pas la cigale avant la fourmi.


Ce que veut dire le lieutenant Shoga, c'est qu'il en manque pour cette semaine. Nous devions être payé davantage.  

Payé plus ? Beh pourquoi on vous payerait plus ? Hu ! Ca n'a pas de sens !

Parce que nous ne sommes pas là en tant que personnel d'entretien, mais en tant que soldats de la Marines venus en renforts à la demande de vos organismes. Selon vos lois, lorsqu'une entreprise importe des employés, ceux-ci jouissent d'un statut équivalent au travail pour lequel ils étaient engagés chez leur précédent employeur. Ici, le Gouvernement Mondial.

Mais, on s'en moque du GM ici ! Vous n'êtes même pas citoyens  !


Quiconque travaille au royaume de la Fourmi et perçoit un salaire est considéré comme citoyen. Ce salaire, que vous venez de nous remettre.  

En plus, Myriapolis fait partie des Nations-Unies. Si vous désirez abroger un point de règlement concernant un individu physique ou une personne morale, vous devez obtenir la signature de l'ensemble des directeurs. Ici, les trois Reines. En l'absence de ces signatures, la loi est la même pour tout le monde.

Attendez, attendez ! Vous êtes vraiment de la Marine vous ? On dirait des lettrés surtout.


Alors, nous ne doutons pas que pour vous un Marine est un illettré tout juste bon à passer la serpillère, mais ils ne sont pas que ça. Notez qu'on n'a jamais renâclé à l'idée de faire la besogne que vous nous confiiez.

Si le statut de Marine veut que nous soyons blanchisseurs, nous acceptons le statut équivalent. Mais vous devez nous payer et la monnaie est unique. Donc, à même statut monétaire, même salaire.  

Tom était devenu aussi rouge que les soldats, sans avoir recours à la pressure. Mais en dépit de la colère, de l'outrage qui lui était fait, il demeurait en lui un bon gars, ou du moins quelqu'un qui fuyait le conflit et les questions juridiques. Bien vite, il leva les mains et mima un air d'air-piano pour inciter les deux agents à réduire leur débit d'informations et de contestations.

Bon....bon, bon, bon, je vais mener ma petite enquête. Vous me prenez au dépourvu. Mais allez, je peux ajuster votre salaire pour cette semaine. Disons que je rajoute..( il trifouilla dans les enveloppes d'autres salariés pour faire l'appoint )..25.000 !

200.000 berrys mensuels...

Oui, je sais que c'est une grosse somme, mais bon, comme vous êtes des lettrés et que je sais que le Nations-Unies peuvent garantir votre statut, disons que ça vous fera un cadeau de bienvenue.


...

Ne vous en faites pas ! Notre syndicat aime affirmer sa bonne santé envers les filiales étrangères et mener de bons rapports avec les partenaires commerciaux d'outre-mer.

600.000 berrys mensuels  

Quoi ? De quoi 600.000 ? 600.000 !

Pour le lieutenant. En tant que commodore, je vous prierai d'aligner mon statut à 1.200.000 berrys. Toujours mensuels.  

Quoi ? Deux millions ! Vous voulez que je raque deux millions pour un coup de balais et un peu de savon ? C'est un hold up ! Personne ne vous payera autant pour nettoyer.


C'est fâcheux, car si Cocherill est dans l'incapacité financière de donner aux travailleurs leur solde légale, nous irons voir une autre entreprise, voire un autre syndicat.

Coccinette, Mante-reluiseuse, Punaissorage, pour ne citer que les plus évidents.


Ha ha ! Mais vous pouvez aller où vous voulez, je vous le redis: personne ne vous paiera autant. Ce n'est pas un salaire de personnel d'entretien.

Merci, Monsieur Hant. Vous pouvez dès lors nous assigner des remplaçants car demain matin, première heure, nous serons aux bureaux des syndicats pour réclamer une mutation.

Feindre le détachement à ce genre de travail ne demandait aucun effort aux Marines. Tom, lui, était dans la panade. Bien sûr qu'il était indécent de percevoir de tels salaires à ces postes, cela chacun le savait. Mais ce que Shoga et Hadoc savaient aussi bien que le superviseur, c'était que les syndicats se livraient à des guerres commerciales et d'influence. Pour pouvoir mouiller l'entreprise Cocherill via le syndicat Antre-soie, la concurrence allait servir un pont d'or aux deux nettoyeurs et accepter l'indécence de leur salaire en échange de toute la publicité que cela leur offrirait. Libre à eux, au bout de quelques mois, de congédier les nettoyeurs en prétextant une liquidation de personnel prévue de longue date. Tom était certain qu'au moins un syndicat adverse saisirait l'opportunité pour le mouiller. Son alternative, c'était payer la semaine, puis enquêter. Mais combien de temps et pour quel résultat ? Bien sûr, les deux Marines pouvaient mentir. Mais ils étaient convaincants et l'investigation était un luxe dans ce monde de rentabilité. Non, cela n'en valait décidément pas la peine. Le suite et fin de sa réflexion, il la livra à voix haute.

Bon ! Ecoutez, on va s'arranger.  Je ne peux pas vous payer à ce tarif. Pas que je ne veuille pas, ou ne puisse pas. Simplement, si ça circule dans les couloirs qu'on paye à millions nos balayeurs, les autres vont vouloir une augmentation. Sans parler des comptes à rendre au syndicat lui-même. Je ne peux pas vous garder. Je ne peux pas vous virer non plus. j'ai bien compris votre petit manège. Vous me pressez - passez-moi l'expression- les mouches dans une plante carnivore.

La solution, ça serait de vous promouvoir. Je peux vous injecter dans un service qui a l'habitude d'aligner ce genre de prix. Vous êtes qualifiés comme ouvriers ?


Qualifié pour quoi ? La plomberie ? Faire des murs ?


Hey, on a énormément de respect pour les façonneurs ici. C'est pour ça que ça paye si bien aussi. Pour 1,8 millions à deux, je dois vous mettre dans du boulot prestigieux. Et avec une bonne dose de risque pour justifier les primes. Ca vous va si on convertit vos salaires en deux fois 900.000 ? Ce sera plus facile pour votre transition.

Je ne sais pas. Tout cela n'a pas l'air bien légal.  

Oui, ça nous gênerait de tomber dans une entourloupe.

Non, non ! Pas d'embrouilles. Ecoutez, je vais vous aider au mieux, mais faites un pas de votre côté. Libre à vous de vous repartager le salaire derrière. Je vous trouve des boulots d'ouvriers qui correspondent à vos prétention salariales, vous en échange vous gardez cet entretien pour vous.
Je vais aussi vous transférer vers un autre syndicat, dont le boulot est de crypter et faire circuler les passeports des travailleurs. Vous aurez un livret ouvrier tout neuf avec des références un peu fausses, mais qui pourraient être vraies. Surtout, je vous demande de ne pas dire que vous venez d'ici. Je nirerai de toute façon. Votre précédent syndicat a été racheté et dissout récemment. On efface tout lien entre nous et ça sera à jamais les cocos. Alors, ça vous convient ?


L'heure qui suivit, Shoga et Hadoc déménagèrent leurs affaires vers les étages inférieurs.

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Le renard et le contre-amiral arrivèrent dans le secteur ouvrier, à peine arrivés, les deux marins se présentèrent au responsable de l'étage. Le bonhomme était bien bâti, il portait un casque en forme de mandibule d'insecte. Le responsable regarda Shoga et Gharr, puis il leur demanda la raison de leur présence en ce lieu. Le renard pris la parole.


- Nous avons été transférés ici, avant nous étions dans le service de nettoyage.



Le chef des ouvriers écarta légèrement les yeux, il était surpris de voir transfère, surtout qu'il s'agissait d'étranger.


- Bon... puisque vous êtes transféré dans mon secteur, bienvenue. Par contre, je préfère vous prévenir qu'ici on ne se tourne pas les pouces. Je ne veux pas vous voir glander, sinon c'est retour à la laverie. Compris ?



Shoga et Gharr hochèrent la tête de bas en haut, le patron du secteur leur attribua à chacun leur poste.


- Toi là, comme tu as l'air costaud, je te mets avec les porteurs. Tu devras porter, soulever, déplacer, en somme tout ce qui est nécessaire pour aider à la construction.



Shoga avait son affectation, il ne restait plus que Gharr.


- Toi là, comme tu es plus fragile que ton copain, je vais te mettre chez les... porteur aussi. De toute façon il n'y a pas d'autre place de libre en ce moment.



Le lieutenant et le contre-amiral se dirigèrent avec le chef de chantier en direction de leurs collègues, le patron du secteur pointa du doigt des énormes poutres en bois.


- Les gars, écoutez-moi tous ! Vous devez transporter 245 poutres de 50 kilos avant la fin de la journée... Vous avez aussi deux nouveaux qui rejoignent votre équipe, un conseil les deux comiques, ne faites pas les cons et tout se passera bien. Surtout n'oubliez pas vos casques.



Le Mink et l'humain se mirent au travail, ils portaient les poutres en compagnie des autres porteurs. Ils emmenaient les poutres à l'autre bout de l'étage, où elles seraient découpées en plusieurs morceaux pour être utilisées dans divers travaux. Shoga faisait la conversation avec un homme plutôt chétif, étrange qu'un gars comme lui soit affecté dans ce secteur.


- Salut, camarade.



Le bonhomme tout chétif posa son regard sur Shoga, malgré son apparence il n'avait aucun mal à transporter sa poutre.


- Ah...oui, bonjour...



Il n'était pas très causant, mais cela n'arrêta pas le Mink.


- Dis-moi...comment sont les conditions de travail ?



Le petit bonhomme affichait un sourire.


- Elles sont horribles, mais avec mon syndicat je m'efforce d'améliorer nos conditions de travail. Dis-moi, toi et ton ami, vous aimeriez entrer dans notre syndicat ?



Le dirigeant de l'étage avait entendu la conversation, il guettait de loin le chef des syndicalistes.


- Non... pas pour le moment, mais merci de ta proposition.



Le chef du syndicat se tourna vers Gharr et lui fit la même proposition.


- Alors, tu en dis quoi ?



Gharr rejeta cette proposition, le patron du secteur commença à perdre patience.


- Moins de blabla, plus d'action !



Les deux marins déposèrent leur poutre, ils étaient sur le chemin du retour, le chef au casque de mandibule appela nos deux amis. Il avait remarqué que les deux marins étaient en contact avec le chef du syndicat, alors il voulait s'assurer qu'ils ne rejoignent pas le syndicat.


- Messieurs, je dois admettre que je vous ai sous-estimé. Vous faites du très bon travail, vous êtes de très bons éléments. Mais une question me trotte dans la tête depuis tout à l'heure, vous êtes au courant qu'il existe un syndicat, j'espère qu'il ne vous viendra pas à l'idée de suivre ce genre de mouvement contre-productif ?



Shoga regarda Gharr avec un air amusé, puis le renard répondit.


- Franchement, j'hésite un peu...



Le chef bégaya.


- Pa...pa...pa...pardon ?



Gharr décida de s'amuser lui aussi aux dépens du chef de chantier.


- Ouais, ça peut être intéressant...



Le type au casque de mandibule arrêta de bégayer, puis il ordonna aux deux marins de retourner bosser, et au plus vite. Les deux nouveaux retournèrent transporter les poutres, sur le chemin de l'allée Shoga proposa une solution pour sortir d'ici.


- Gharr, j'ai peut-être une idée. Je vais simuler une blessure, une poutre me tombera dessus, comme le chef de chantier est responsable de notre sécurité, il sera responsable de l'accident. Il nous suppliera pour que le syndicat ne l'apprenne pas, et là on négocie notre transfert.



Gharr était curieux, curieux de voir si ce plan allait marcher. Le lieutenant débuta la première partie de son plan, le Mink passa à côté du dirigeant de l'étage qui observait les ouvriers.


- Aie !



Le chef regarda le Mink qui se tenait le dos.


- Un problème ?



Shoga lâcha sa poutre sur le sol, puis il affichait un air douloureux.


- Je crois que je me suis bloqué le dos, c'est à cause des poutres, elles sont trop lourdes.



Gharr en rajouta.


- Shoga, c'est encore tes problèmes de dos ?!



Le chef des ouvriers ne savait pas quoi faire, alors il demanda gentiment à Shoga et à Gharr de ne pas ébruiter cet incident.


- Faites moins bruits, ils vont nous entendre. Chut !



Shoga s'allongea par terre, il poussait des petits cris de douleur. Les autres ouvriers étaient déjà à l'autre bout de la pièce, ils étaient en train de déposer les poutres. Par chance il n'y avait aucun autre ouvrier dans les parages, aucun syndicaliste non plus.


- J'ai mal, trop mal !



Le responsable du chantier savait que s'il arrivait un accident à l'un des ouvriers, il en serait responsable, peut-être pas complètement, mais assez pour que le syndicat s'en mêle et demande sa démission. Le chef de chantier n'avait plus le choix, il devait négocier avec les deux nouveaux.


- Bon, écoutez les gars... je ne vais pas vous mentir, si le syndicat découvre qu'un nouveau s'est blessé sous ma surveillance... je vais me faire virer, on peut trouver un arrangement.



Gharr aida Shoga à se relever, le renard s'appuyait sur l'épaule de son capitaine.


- Cet étage est trop dur pour nous, en revanche l'étage d'en dessous nous conviendrais beaucoup mieux, j'en suis persuadé... pas vous ?



Le type au casque de mandibule n'avait pas le choix, alors il accepta de transférer les deux marins à l'étage en dessous, à condition qu'ils ne reviennent jamais ici.
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Une longue galerie de bureaux en espace ouvert piquait la galerie aux dimensions étourdissantes. Où que l'on tournât la tête tout n'était que rangées de cloisons isolant une paire de meubles et employés qui travaillaient dans un bruit de fond constant. A l'une de ces cases de damier sans fin, Shoga et Gharr triaient et remplissaient des piles de dossiers infinis. Leur secteur concernait les accidents de travail en milieu ouvrier. La douce ironie pour eux qui en revenaient. La royaume de la Fourmi était en travaux constants. La majorité de la population s'échinait à produire de la nourriture et agrandir ou réaménager l'espace. Dans ces conditions, dans cette urgence constante les accidents étaient courants. Les ouvriers inaptes à l'emploi se faisaient condamner à gratter des papiers dans les bureaux. La promotion sociale au prix de toute idée de plaisir. L'ironie voulait que les ouvriers d'en-haut méprise les bureaucrates qu'ils estimaient trop faibles pour le boulot de terrain tandis que les bureaucrates méprisaient les ouvriers qu'ils estimaient trop bête pour le travail administratif.

Un cloporteur de la taille d'un cheval s'arrêta devant l'absence de porte avant que le pilote en descende. A peine fut-elle arrivée que le transport reprit sa course pour conduire un autre travailleur à sa destination. Les deux Marines la connaissent: il s'agit de Marion, qui travaille la rue d'à côté. Elle frappa contre la cloison, son visage tout souriant dans l'embrasure de la porte invisible.

Entrez !
Bonjour ! Je ne dérange pas ?
Du tout, Marion. Que peut-on faire pour vous être agréable ?
Je viens vous demander si vous pouvez signer la carte d'anniversaire d'Ignace.

Ignace "la limace" était un employé sympathique, mais qui excellait surtout dans l'art de faire semblant d'exceller. Toujours un escargophone sur l'épaule, jamais de pause midi. Or, il ne travaillait pas la moitié du temps. C'était le cas de bon nombre de gens ici. Mieux valait donner le change qu'être efficace. Il valait même mieux étaler son travail sur toute la journée, plutôt que tout boucler en une demi et sembler se tourner les pouces le reste du temps. En cela, les soldats n'étaient pas dépaysés des services du Gouvernement Mondial.

Bien sûr !  
Ca va Shoga ? Vous avez reçu le passe pour accéder aux copistes ?
Depuis hier. Encore merci pour ça, je gagne un temps fou en paperasse.
De rien ! C'est une chance qu'on se soit croisés à la machine à café. D'habitude je le prends plus tôt.
Voilà Marion ! Pour le cadeau, chacun en trouve un ou c'est pot commun ?
Oh, vous pouvez donner un petit quelque chose si vous préférez. Mille berries, ou plus si vous voulez.
En voici cinq, de notre part à tous les deux.
Merci ! Et merci Shoga ! Bon, je vous laisse.
Au revoir Marion !

La collègue salua une énième fois, toutes dents blanches exposées, puis rappela un cloporteur pour rejoindre sa loge. Hadoc attendit qu'elle s'en fût partie pour commenter, sans quitter sa paperasse des yeux.

Tu lui plais.
Ah oui ? J'avais un doute.
Tu peux le suspendre. Elle te dévore du regard depuis notre premier jour.  
Elle n'est pas vilaine, faut dire. Si on s'attarde un peu, je pourrais peut-être l'inviter à sortir. Enfin, si ça ne nuit pas à notre mission.

Gharr leva les yeux sur Shoga. Depuis les quelques jours passés ensemble dans ces bureaux, ils avaient troqué le formel pour une relation d'égal à égal. Lorsqu'ils jouaient aux parfaits petits employés de bureau, ils se tutoyaient même et semblaient d'autres personnes.

Je suis sûr que le commodore Hadoc y trouverait à redire. Heureusement, ici c'est Hadoc le recenseur qui travaille avec toi. Hadoc le recenseur fait même semblant d'aimer les courses de coccinelles.  

Shoga s'étira et pouffa légèrement de rire, l'envie de taquiner Gharr se faisant trop forte.

C'est pas mal, les courses de coccinelles.
Oui, eh bien vous oublierez cette remarque au moment du rapport, Lieutenant. Parce que, personnellement, les querelles de bureau, les escargophotos des bébés de l'un et l'autre et les discussions autour de l'Insect League pour savoir quel superinsecte est plus fort que l'autre, j'en sature un peu.  
Ha ha ! C'est vrai que t'es un peu le râleur du bureau, Hadoc.
Hmm...

L'escaradio termina son son de rock progressif pour passer aux résultats des derniers matchs. Gharr sursauta et profita d'un coup d'escargophone qu'il devait passer pour éteindre le commentateur. Quelques mots échangés firent comprendre au renard que c'était la patronne au bout de l'antenne, Joaha Neton. Hadoc obtint un rendez-vous, prit sa veste, un dossier et s'excusa auprès de son collègue, l'air sérieux.


***


Entrez !
Madame Neton ?  
Hadoc ! Entre, entre donc ! C'est pour moi les cafés ?
Celui-ci, oui.

La quadragénaire boulotte et maquillée avec un certain bon goût prit délicatement sa boisson et en sirota deux gorgées en invitant Hadoc à s'asseoir. Ce qu'il fit.

Ah ! Aaah, sucre roux et cannelle, tu cherches une promotion ou quoi ? Ha ha ha ! Allez, dis-moi ce que je peux faire pour toi.
J'aurais aimé un éclaircissement concernant le recensement des accidents de chantiers. Ici, j'ai la liste des accidents, avec les victimes et les secteurs.

Il exposa ses documents à Joaha en lui montrant les colonnes mentionnées, bardées de chiffres.

Oui, oui. Et alors ?

Et alors, ici j'ai un document qui recense les disparus et ici un autre qui établit le nombre de corps qu'on retrouve dans les chantiers.
Je vois ça. Et bien, ça tombe juste.
Justement, ça tombe juste. Je me demandais comment on établissait que chaque corps non-identifié est celui d'un ouvrier accidenté, puisqu'il est non-identifié.
Beh, déduction simple. Eh oui, imagine...T'as un ouvrier, il glisse près d'une frelonneuse. Bon, on est d'accord qu'après qu'elle l'attrape, le gars il en reste que du sable. Direct dans le mortier. Nous, on retrouve le casque, les semelles ou que sais-je. Et hop, ton corps non-identifié, il est le même que l'identifié de cette colonne. Simple !
Et vous trouvez ça normal, qu'on trouve autant de gens identifiables qu'il y a de corps perdus dans les chantiers alors que, pour y avoir travaillé, je sais que beaucoup d'ouvriers sont portés disparus ? Les courriers de leurs familles sont massivement classés sans suite.
Bapf ! Sans doute qu'on n'a pas tous les renseignements de tous les secteurs en même temps. Tu dois avoir des courriers qui trouvent réponse pendant l'envoi à nos services. Et si on retrouve un disparu longtemps après, on établit une probabilité d'identification et on rassure les famille. Vaut mieux avoir un corps pour une famille qu'un corps perdu et une famille qui se morfond.
Ca fausse les chiffres.
Pas de beaucoup. Puis bon, t'es marrant ! Nous, on reçoit les papiers, on trie. Si demain on nous dit de tamponner qu'ils y a des myrtilles dans les cakes aux bananes ont vérifie que tout est en règle et on envoie ailleurs. Qui ça dérange ?
Si on nous demande de tamponner des cakes aux bananes qui sont des cakes aux myrtilles, vous admettrez qu'on nous paye pour un travail qui n'est plus le nôtre ?
Wopf ! T'en fais donc pas pour ça, va ! Ce qui compte c'est que les chiffres tombent juste et c'est pile ce qu'on offre. Le reste, c'est politique. Je m'en mêle pas, je fais ce qu'on me demande et c'est réglé. Pis de toute façon, y a personne pour faire le boulot que tu voudrais. Huh ! Je vais te dire, tu me trouves un mec qui est prêt à aller sur chaque chantier fouiner après des cadavres, je te paye des figues.

Tiens, regarde, rien que là ! Explosion dans un avant-poste militaire, en-bas. Attentat, accident ou poche de gaz ? On n'en sait rien. Mais il y avait des soldats et des ouvriers sur les lieux. Tu crois que je vais envoyer des gens là-bas ? En pleine zone de guerre contre les Termites ? Je laisse l'armée gérer. Ils enverront des demandes, puis des rapports préliminaires. Je ferai confiance aux groupes armés pour établir quels ouvriers ont été pris dans l'explosion et c'est tout, c'est que du papier.


Puis-je voir le dossier de cette affaire ?

Gharr le feuilleta assez vite, pour ne pas user la patience de Neton. Son oeil habitué aux éléments importants isola bien vite les informations utiles. En une trentaine de secondes, il annonça, sans hésiter.

Shoga et moi irons.

Où ? En-bas ? Au casse-pipe ? Je ne suis pas folle, Hadoc, j'ai bien compris que toi et ton ami, vous étiez d'anciens soldats. J'ai un mari et deux enfants militaires, ça se ressent au bout d'un moment. Mais c'est pas ta guerre. Tu vas risquer ta peau pour des gens qui s'en fichent de toi. Reste ici et fais ton trou, crois-moi.

Elle attendit une réaction du Marine qui, lui, attendait toujours qu'elle valide l'expédition. En soufflant comme si Gharr commettait une énorme erreur, elle tamponna les papiers adéquats et laissa l'affaire au volontaire.

Tu fais une boulette. Apporte ça aux copistes pour obtenir un duplicata. Un message toutes les vingt-quatre heures, ou je fais libérer vos bureaux et vous compte dans les disparus.


Je comprends. Merci de m'avoir reçu, Madame.

***

Il revint une demi-heure plus tard, sans avoir pris de transport. Marion fut surprise de le voir arriver et prit un air un brin coupable, pour avoir profité de l'absence du barbu. Elle se leva au plus vite du coin de son bureau et salua maladroitement le commodore. Hadoc, bien que le visage crispé, leva la main et hocha de la tête pour signifier qu'elle ne dérangeait pas.

Rebonjour Marion. Tu permets que je t'emprunte mon collègue ? Shoga, prends ta veste et toute la panoplie du journaliste d'investigation. J'ai convaincu la patronne de nous laisser descendre. Prends aussi une arme.  
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Le duo de marin arriva à l'étage d'en dessous, là-bas, l'ambiance était différente des autres étages, rien que l'aspect bourgeois du lieu en disait long sur ses occupants. Il y avait des cheminées, des fauteuils de luxe, des tapis somptueux... Bref, le luxe quoi. Shoga et Gharr faisaient tâche au milieu de ce décor, mais un homme vêtu d'un blazer rouge vint à leur rencontre.


- Bonjour, je suis le responsable de cet étage. Mais je suis aussi sans aucun doute, le plus grand stratège que la fourmilière n'ait jamais connu. Je suis le professeur Kicérien, et vous, vous êtes nos nouveaux membres.


Shoga répondit.


- C'est exact.


Kicérien claqua des doigts, puis quelques assistants vinrent déshabiller nos deux officiers, ils se retrouvèrent en caleçon. Les assistants prirent les mesures de Gharr et de Shoga, puis un tailleur confectionna leur uniforme. Shoga et Gharr avaient revêtit l'uniforme des privilégier qui vivaient à cet étage, d'ailleurs, Gharr et Shoga étaient considérés comme de grand soldat de la fourmilière.


- Voilà, vous êtes déjà plus présentable. Je vais vous conduire à vos appartements, en tant que Héros, vous avez le droit à certains privilèges.


Kicérien marchait avec nos amis en direction de leur appartement, enfaîte, il ne s'agissait que de deux fauteuils près d'une cheminée. Sur le chemin, Kicérien posa une question aux marins.


- Dites-moi, quels faits d'armes avaient vous accomplit pour atterrir ici ?


Shoga regarda Gharr dans les yeux, Gharr restait de marbre, il faillait inventer une histoire, et vite.


- J'ai combattu pour notre royaume sur une île lointaine, nous avons perdu beaucoup d'hommes lors de ce conflit, mais grâce à mon sens inné de la stratégie, nous avons pu renverser nos ennemis.


- Ah, et qui étaient-ils ?


- Les redoutables Akumate, une énorme tribu de cannibale.


- Je...j'ai déjà combattu une centaine de ses cannibales en combat singulier, une vraie plaie.


Kicérien regarda Gharr, ce dernier se lança.


- Moi, j'ai coulé trois navires appartenant à de vulgaires pirates, ils s'étaient mis en tête d'attaquer notre royaume.


- Et alors, que sont-ils devenus ?


- Ils nourrissent les poissons.


- Je me souviens qu'une fois, lors d'une expédition en pleine jungle, une bande de forbans m'étaient tombé dessus. Je n'avais qu'une louche pour me défendre, ces bougres ont mordu la poussière.


Le professeur Kicérien était un vantard de la pire espèce, doublé d'un menteur. Il avait en face de lui des hommes ayant connu la guerre et ayant déjà fait couler le sang. Le professeur avait peur, il ne craignait pas pour sa vie, mais pour sa réputation au sein du club. Une fois arrivés à leur appartement, Shoga et Gharr se posèrent au fond de leur fauteuil. Des serviteurs se tenaient à disposition des deux marins, Gharr et Shoga profitèrent de ce moment de paix. Mais il fut de courte durée, trois vétérans vinrent papoter avec les nouveaux. Ensemble, ils se racontèrent leurs exploits, leur quotidien, leur vie de famille... Bref, ils se vantaient. Le professeur était présent, apparemment cet homme était le plus respecté de tout l'étage, ses faits d'armes n'étaient pas légion, mais il descendait d'une famille aisée qui avait toujours soutenu les projets de la reine. Kicérien ne pouvait s'empêcher de rabaisser son entourage, il était d'une suffisance sans précédent, dans la marine ce genre de personne aurait vécu l'enfer.


- Vous êtes sans doute de grands stratèges, mais sachez que l'éducation est une chose plus importante que de savoir tenir un sabre, il n'y a rien de bien glorieux à cela, tout le monde peut le faire.


Gharr regarda le bonhomme qui était en train de se vanter, Shoga soupira.


- Certes, vous avez beaucoup de courage, mais il en faut d'autant plus pour affirmer ses opinions dans un débat politique, avez-vous déjà essayé de convaincre un sénateur ? C'est d'autant plus dur que de se battre contre n'importe quel idiot.


Gharr avait commencé à se lever, pour faire taire ce bonhomme imbu de lui-même, mais Shoga fut plus rapide. Le renard se plaça en face du vantard, puis il lui colla une légère gifle. Les nobles et autres Héros résidants à l'étage, furent frappés de stupeur par cet acte honteux.


- Cela suffit, je vous défie en duel, sieur...


La tension retomba, il ne s'agissait pas d'un manque de respect, au contraire, c'était une invitation à combattre pour l'honneur et la gloire. Le professeur Kicérien était piégé, il ne pouvait pas refuser un défi lancé devant tout le monde, mais il savait qu'il perdrait ce duel, ainsi que sa position de responsable et son honneur.


- Je...D'accord, mais c'est moi qui choisis les armes.


- Bien sûr.


Shoga et Kicérien se retrouvèrent au milieu de la pièce, le professeur avait choisi le bâton comme arme. Les deux mâles s'échangèrent quelques coups, les deux « Héros » étaient observés par les autres résidants. Gharr regardait son lieutenant en train de combattre, il se doutait qu'il avait une idée derrière la tête. Shoga n'avait aucun mal à se battre avec un bâton, c'était comme le Katana, rien de très compliqué pour un épéiste. Shoga croisa le bois avec son adversaire, les deux étaient face à face, le professeur n'en pouvait plus.


- J...j'aband...


Shoga coupa la parole de son opposant.


- J'ai une proposition à vous faire, vous nous transférez à l'étage en dessous, et je vous laisse gagner ce combat.


- Comment ?


- Si je vous laisse gagner ce combat, moi et Gharr on descend en bas, comme ça, vous ne nous verrez plus jamais de votre vie.


- D'accord, mais ne le répéter à personne !


- Promis.


Shoga baissa légèrement sa garde, Kicérien en profita pour lui mettre un coup de bâton dans les jambes, puis Kicérien pointa le bout de son bâton en direction de la gorge du vaincu. Le combat fut remporté par Kicérien, ce dernier avait gagné le cœur de ses congénères. Gharr et Shoga furent transférés à l'étage du dessous, Gharr savait que Shoga avait magouillé, et cela le faisait sourire.
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Kicérien guida les deux soldats dans les catacombes du royaume souterrain. L'approche du palais n'avait pas modifié l'architecture. Tous les couloirs se ressemblaient. Toujours la même pierre lisse et luisante, toujours les mêmes dials ambrés au plafond, toujours la même fatigue à devoir traduire les formes dans cette pénombre constante. La population, par contre, avait une autre allure. Des civils aux nobles drapés de tissus, parfois quelques plaques de chitine, on passait à des armures quasi intégrales de cavalier montés sur des fourmis de feu. Ces dernières ressemblaient à des statues de cuivre pur. Les soldats, eux, avaient de longues lances et une sacoche à côté de leur lance-pierre, remplie de boules de résine contenant des liquides de diverses couleurs. Une rumeur qui n'avait rien d'extravagant voulait que la garde royale soit capable de creuser et refermer des couloirs entiers à vitesse de charge. Cela expliquait aussi probablement l'absence totale de ramifications à mesure que le groupe approchait de la zone finale. Juste un couloir en pente, avec quelques zones d'ascension pour couper à toute éventuelle inondation criminelle. Imaginer le niveau de la surface avait de quoi donner le vertige.

Gharr parcourait ce chemin pour la seconde fois et, pourtant, l'atmosphère oppressante était toujours présente. Kicérien fut bien utile à plus d'un barrage, célèbre qu'il était pour les faits d'arme fantasmés. Le point d'orgue étant à la dernière porte séparant la descente du palais de la Reine Werber. Un bal allait avoir lieu le soir même, quelques heures plus tard. Kicérien, plus rusé que courageux, en profita pour annoncer, entre deux mensonges égocentrés, qu'il apportait des renforts aux patrouilles. Le soldat de la porte accueillit avec joie cette annonce, heureux qu'il était de remplacer un pion des jardins pour lui permettre de renforcer la sécurité à l'enceinte du palais. En plus de faciliter le travail, les soldats mobilisés autour de la fête pouvaient profiter du champagne et de toasts offerts. Les restes du lendemain leur donnaient même de quoi bien manger et apporter de quoi ravir leur famille. Les cadets, eux, étaient affectés au dehors, où ren ne se passait et où seule la musique sourde leur transmettait l'ambiance qu'ils se contentaient d'imaginer.

Sitôt la porte passée, Kicérien faussa compagnie aux Marines, qui furent conduit à leur caserne pour une sieste vivement conseillée avant de s'équiper pour une longue patrouille. Le poste militaire était confortable et décoré de quelques tapisseries au blason local. Ni Shoga, ni Gharr n'avaient le temps de se prélasser. Profitant des escargophones de la garde d'élite, ils contactèrent un à un les employeurs de tous les Marines infiltrés aux étages supérieurs. Si quelques uns avaient été refoulés jusqu'aux grévistes, la plupart poursuivait son travail de forage. Il y avait des teinturiers, mais aussi des métallurgistes, des infirmiers, policiers, courriers ou conducteurs de tramites. Tous furent appelés en renforts, sous prétexte qu'ils apportaient des ressources pour la fête et se joignaient à la garde extérieure. Chaque venue était accueillie comme une bonne nouvelle. Bientôt, la caserne fut remplie de l'équipage presque complet de la Marine.

Soma. Ca fait plaisir de te revoir.
Et moi donc ! Je commençais à en avoir jusque là de boulot de chitinier. Sauf votre respect Commodore ; je n'étais pas en train de me plaindre.
Détendez-vous, Sergent. Moi aussi, je serai content d'en finir. Nous sommes si proches. A ce propos, Lieutenant Shoga, l'unité va avoir besoin de vous. Etes-vous bon en imitation ?

***

Bonjour Excellence !

Déjouer la garde extérieure n'avait posé aucun souci, puisqu'elle était précisément composée des soldats du Gouvernement. En revanche, l'entrée du couloir principal était fichée d'une majordome indéboulonnable et fier de pouvoir accueillir chaque hôte de marque. D'un air impassible seyant à sa propre condition de caste noble, elle ressemblait davantage à une guerrière fagotée de tissus précieux qu'à une termite de bibliothèque. D'ici déjà la musique de cordes pincées jouait un air à la fois riche et entraînant, comme vécu depuis l'intérieur d'une cithare géante. Shoga aussi était un guerrier vêtu d'un accoutrement inhabituel. Une soutane rouge lâchée sur ses épaules larges, déclinées en plusieurs pans jusqu'à la ceinture où une queue de pie se fendait au passage de sa queue de renard. Un pantalon de voyage blanc un peu bouffant couvrait ses jambes jusqu'à de hautes bottes couvertes de plaques de chitine pour dissimuler au mieux leur appartenance à la Marine. Le déguisement avait pris du temps, mais les talents conjugués de l'escouade avait offert un résultat satisfaisant. Tous les participants suivaient le faux ecclésiaste, vêtus de leur tenue de gardes de la Fourmi. Seul Hadoc différait, vêtu qu'il était d'une bure pourpre lui tombant jusqu'aux chevilles, ceinturée de blanc à la taille et traversée d'une longue bande de tissu de la même couleur qui parfait du col en une très longue cravate que ses genoux faisaient dandiner à chaque pas. Hadoc passait un rapide coup de balai là où marchait Shoga. Ce dernier ne répondit pas au valet, trop occupé qu'il était à tenir le menton haut et ses quasi trois mètres en majesté.

Son Eminence Gla-Pie XII.
Un instant, je vous prie, Eminence. Gla-Pie Douze....hmmm....G.l ?
a.p.i.e, c'est cela. Une anicroche ?  
Du tout, je vais vous demander un instant.

Elle parcourut la liste, tourna la page, fronça les sourcils. Bien sûr, jamais elle ne trouva le nom qui n'avait aucune raison d'y être. Tandis que Shoga jouait l'impassibilité pure, Gharr marqua quelques faux signes d'impatience.

Son Eminence peut-elle se voir offrir un siège le temps que vous régliez ce non-embarras qui nous consigne hors de la réception ?
Je suis un peu embêtée. Je ne trouve votre réservation nulle part.
Les clients, même prestigieux, réservent. Les ecclésiates sont attendus partout, puisque même les portes du Seigneur leurs sont ouvertes.
Certes.

Elle dévisagea Gharr, agacée par son insistance. Toutes les cicatrices du Marines n'étaient pas dissimulées. Elle comprenait que l'homme, bien que servile, devait être rude envers les subordonnés. Un trait respecté ici. Mais elle-même n'était pas une simple domestique. La seule chose qui la retenait de remettre l'étranger à sa place était la crainte d'une faute diplomatique. Après tout, les faux nobles étaient bien rares en ces profondeurs.

Quand avez-vous annoncé votre venue ? On a peut-être annoté le nom dans un autre registre.
Impossible ! Son Eminence a elle-même tenu à répandre la bonne nouvelle. C'était il y a quelques jours, certes, mais on prit bien note de son nom.
Gla-Pie Douze, je vais v...

Elle sursauta lorsque Shoga poussa un profond, long et tonitruant glapissement. Le hurlement fit vibrer les corps et claqua dans les oreilles. Son cri poussé, le museau toujours tourné vers le plafond, il ferma la gueule et laissa le silence se remettre du choc.

Que vous arrive-t-il !?
Son nom. Son Eminence se nomme ainsi. Et cela s'épelle Gla-Pie XII.
Je vois ! Bon....écoutez, je pense que j'ai trouvé l'erreur. Il y avait une astérisque en-bas de page et le copiste a mis tous les noms à astérisques en fin de liste. Tout est en ordre. Désolée du dérangement.
Allez en paix, tenez-vous au chaud et mangez à votre faim.

Hadoc bénit la majordome, avant de reprendre son chemin de balayage pour que Shoga puisse reprendre sa route. Hors de portée de l'accueil, Soma pouffa de rire aussi discrètement que possible.

J'ai failli faire une attaque ! D'où il venait ce cri du démon ?


Si j'ai bien appris quelque chose durant cette mission, c'est à mieux duper et mentir.


C'est le métier qui rentre.

Ils n'eurent d'autre obstacle, pas pus que de difficulté à esquiver la salle de bal pour directement parvenir au boyau couvert de bois menant à la salle du trône. Le bois était une denrée rare ici, donc symbole de richesse. Surtout, c'était un pied-de-nez constant aux renégats termites, les révolutionnaires du royaume. Shoga et Gharr frappèrent et entrèrent à l'écoute de la voix ample d'une reine qui l'était tout autant.

Le décor ressemblait à s'y méprendre à une coque de navire réaménagée pour servir de banquet. Des longues tables de bois précieux, même pour les surfaciens. Quelques oeufs en jattes, des chandeliers sertis de boules lumineuses dans divers ton verts. Assise à une des tables, comme une simple ouvrière, la Reine Werber prenait un potage distraitement. La visite ne la surprenait pas.

Combien de temps, Commodore Hadoc, depuis notre dernière rencontre ?

Plus de deux mois, Majesté.

Les Marines firent un salut respectueux de concert et attendirent qu'elle les invite à s'assoir à sa table pour la rejoindre.

Velouté au miel ?

Non merci.
Jeune homme ?
Sans façon.
C'est au Commodore, que je proposais un jeune homme.

Elle poussa un rire sincère et un brin nigaud, mais d'apparence seulement.

Vous avez de plus belles tenues que lors de votre première venue. Je vois que le séjour vous a réussi. Mais dites-moi, Commodore, voulez-vous toujours me faire signer votre parchemin ?


Rien n'a changé de ce côté, Majesté. J'espère à présent que vous conviendrez que je me suis acquitter de ma tâche. A mon tour de vous présenter ma créance.

En voilà des façons cavalières de vous adresser à une Reine. Montrez-moi ce papier. Ce qui est dit est dit.

Hadoc sortit de sa poche le décret du Gouvernement Mondial invitant Myriapolis à accepter de participer à l'effort de guerre contre la révolution, en plus d'articles stipulant que l'île affirmait ne pas protéger la dissidence. Werber poussa son bol et laissa un essaim de fourmis déborder de la table pour soulever le contrat et lui apporter. Un autre colonne de fourmis lui apportèrent un stylet chargé d'encre. Les insectes disparurent aussitôt dans les ombres et replis des meubles. Elle lut à nouveau le papier qui n'avait guère changé, toujours marqué de la signature de la Reine Maya. Cependant, elle immobilisa la pointe de son stylet au-dessus de l'emplacement réservé à sa griffe, pour fixer les soldats, un air bien plus sévère et naturel fixé dans le regard.

Une simple question. Pourquoi avez-vous accompli votre mission ? Je veux dire, pourquoi de cette façon ? Sans combattre, sans même vous servir de notre entretien pour gravir les échelons.

Parce que telle était votre volonté.

C'est insuffisant, Hadoc. Je vous demande de répondre aussi franchement que la dernière fois.

Bien. L'homme que vous voyez à côté de moi est le Lieutenant Shoga. Il ne m'a pas rejoint tout de suite, pourtant il est là. De l'autre côté de cette porte, nous avons également tout un bataillon de soldats. Aucun n'est là officiellement. Tous ont dupé pour vous rejoindre.

Vous avez voulu me montrer ce qu'était la vraie vie de Fourmi avant de signer. Et j'ai appris. J'ai vu comme vous étiez bien organisés, comme le royaume était vaste et le temps qu'il faudrait à une force militaire pour l'assiéger. J'ai aussi compris l'importance donnée au labeur et, intrinsèquement, la nécessité de me faire suer pour que vous et moi parlions le même langage.

Mais j'ai aussi appris la corruption, les failles de votre système à tous ses étages. J'ai appris comment parler, comment déjouer vos sécurités et comment vous rejoindre, moi, mais également quiconque je souhaitais amener jusqu'à vous. Deux mois, Majesté. C'est le temps qu'il m'a fallu pour remonter jusqu'à vous. Pour signer un papier, c'est long. Mais pour un soldat désirant intenter à la vie d'une Reine, qu'il soit du Gouvernement Mondial ou de la Révolution, deux mois, c'est très court.

Je sais que vous êtes brillante, donc je ne vous apprends rien. Vous saviez que j'allais revenir et vous saviez que me laisser explorer votre fourmilière allait m'apporter énormément d'informations. Je ne doute pas que vous en aurez puisée de notre parcours également. En somme, je prends comme un gage d'amitié le fait que vous me laissiez constater ce que le Gouvernement sait déjà. Vous êtes forte, pas invulnérable. Et jamais vous ne vous rendrez, jamais vous ne laisserez une culture étrangère altérer votre façon de penser votre société. Voilà pourquoi vous nous avez confinés deux mois durant. pour voir si le Gouvernement allait perdre patience ou respecter vos directives. J'espère que notre rétention vous aura apporté satisfaction.


Elle sourit sincèrement, sans amitié, mais d'une grande satisfaction. Quelques traits plus tard, son nom ancré sur la feuille ajoutait la Fourmi aux alliés du Gouvernement.

Vous avez oublié une raison, Commodore. La Reine Maya est facile à attirer, il suffit d'être coloré. Moi, je me laisse séduire par l'assiduité au travail. Mais la dernière Reine vous tuera. Au mieux, après que vous ayez obtenu sa signature. Mais elle vous tuera. J'aurai fait ce que je pouvais pour vous épargner d'échouer ailleurs. Adieu.
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