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Dernière édition par Nakamura D. Akane le Lun 02 Jan 2023, 08:12, édité 12 fois
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GRAND ARC — ADOLESCENCE.
Appelé l'Île de Mû par sa population et l'Île du Crabe par les étrangers, c'est un endroit que très peu de gens connaissent l'emplacement exact. Bien qu'une légende raconte qu'un trésor repose dans une grotte, les pirates préfèrent l'éviter. Pour autant, ce havre n'est pas fermé aux pérégrins puisque des navires de commerce y font escales régulièrement. Ne s'aventurant pas au-delà du premier village, les marchands achètent principalement des perles, des denrées issues de la mer ou de l'agriculture, de la fourrure, du bois et du minerai. Ce lieu est à cheval entre West Blue et Calm Belt. D'une forme semble à l'animal qui lui a donné son nom, le massif rocailleux jouit d'une tranquillité certaine. Un côté présente des récifs et l'autre est infecté par les Rois des Mers, ce qui rend la navigation compliqué pour les non-initiés.

Des falaises relativement abruptes bordent principalement Mû, ce qui donne un avantage certain contre des éventuels assaillants. Plus loin dans les terres, l'Île du Crabe bénéficie de paysages variés et est parsemée de plusieurs bourgades. Des rizières au cœur des vallées, des forêts luxuriantes et des montagnes escarpées façonnent son relief. La partie de Calm Belt est nettement plus dangereuse en terme de faune et abrite un vieux sanctuaire. Par sécurité, les habitants sélectionnent l'autre zone plus facilement. Une fois par jour, se ressentant particulièrement dans les vals, un vent fort ayant donné son nom à l'île souffle l'espace d'un instant. Les villageois ont pris l'habitude d'arrêter leur activé à ce moment-là pour sentir la brise sur leur corps.

L'Ordre des Érudits, nommé aussi le Conseil des Cinq, constitue une petite communauté de têtes pensantes. D'une certaine manière, ce sont eux qui dirigent Mû. En fait, ce massif rocailleux s'interdit d'avoir un seul chef, d'où l'existence de ce cercle de vétérans. Refusant les coutumes de Wano Kuni, de Kanokuni ou d'autres pays similaires, les citoyens acceptent n'importe quelle personne qui souhaite apprendre un sport de combat. En effet, en plus de s'occuper dans les champs ou pour le bien de la communauté, beaucoup d'hommes et de femmes se perfectionnent dans un art martial. D'ailleurs, rares sont ces dernières qui préfèrent s'assigner aux tâches en rapport au foyer. Chaque année, des représentations et des duels sont organisés. De cette manière, en cas d'invasion, une bonne majorité des citoyens savent se défendre d'eux-mêmes et sont en quelque sorte des réservistes. Il n'existe pas de soldats dédiés à la protection ou la surveillance. Tout se repose sur le secours de chacun.

Et ces jours-ci, les habitants organisent des matchs pour valoriser leur art. Ce n'est seulement dans ces rares moments que les étrangers séjournent plus longtemps ici. En effet, certains viennent pour découvrir des nouveautés ou pour confronter leur savoir. Parfois, des combattants de l'Ile du Karaté tentent de montrer leur prouesse. D'ailleurs, une certaine rivalité existe entre les deux pays. Trois jours ont été consacrés aux démonstrations et aux duels des pratiquants de l'art du bâton, le bō-jutsu. Et des journées supplémentaires ont mis en avant ceux qui savent manier le sabre. Un étranger s'est fait parler de lui, ce qui intéresse particulièrement Akane.


Dernière édition par Nakamura D. Akane le Sam 22 Oct 2022, 10:15, édité 5 fois
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Au premier jour, les démonstrations s'étaient enchaînées. Des chorégraphies à plusieurs, des simulations d'agression, des coups proposés aux codex des différents arts martiaux, le festival offrait collations et gradins aux touristes et habitants happés par l'intérêt du combat. Gharr avait participé, au nom de l'école au sabre de bois. Quelques élèves talentueux représentaient ceux des autres écoles de Shimotsuki. Le petit détachement avait fait bonne impression.

Hadoc avait surtout misé sur la façon de casser la distance avec l'adversaire et comment se servir de son sabre en bois pour tordre un bras, amener à la chute ou désarmer en paralysant la main de l'adversaire d'un coup sec. Bien entendu, les assauts étaient simulés, mis au point avec un autre disciple. Les démonstrations, publicités déguisées, ne reflétaient jamais véritablement l'enseignement prodigué à domicile. Mais il fallait se prêter au jeu dans ce genre de fête, offrir le spectaculaire et assurer que chaque école était polyvalente et que toutes leurs techniques fonctionnaient à chaque fois. Les shimotsukiens étaient loin d'être les seuls à enjoliver les choses. La rivalité avec l'île du Karaté et les locaux ressemblait à un concours de qui exécuterait la fausse prouesse la plus impressionnante. Dans une bonne ambiance, mais empreinte d'une réelle envie de dépasser l'autre pays.

Les pratiquants de Shimotsuki avaient eu une autre tâche dès le second jour: arbitrer les rencontres entre les natifs de Crabe et de Karaté. Leur neutralité dans cette opposition assurait une atmosphère saine et chacun connaissait son métier. En trois jours, ils s'étaient relativement bien intégrés. Le repas du troisième soir avait même offert un drôle de tableau, où le colonel Hadoc avait discuté avec un pirate primé sans jamais chercher à l'arrêter. Ils avaient échangé sur les métaux, le sabre, des anecdotes qui veillaient à ne jamais spécifié l'identité ou la faction des gens que l'un et l'autre avaient confrontés à leurs talents. Quiconque ne commettait aucun délit bénéficiait de l'Elysée qu'était l'île le temps des célébrations.

Quatrième jour. Gharr vient de s'inscrire aux duels au sabre. Son prochain combat n'aura lieu qu'au soir, la plupart des candidats ayant réservé les leurs à l'avance. De plus, les touristes empêchés par le temps étaient prioritaires, afin de permettre à un maximum de participants de disputer leurs rencontres. Comme chaque jour, il profite de l'animation principale, mais aussi des échoppes de nourriture locale. Son dévolu de la matinée s'est jeté sur une succulente brochette de boulettes de poisson doré au miel et du riz enveloppé d'algue locale. Les piques sont taillées en sabres, avec une fausse garde. Il n'est pas rare de voir des enfants - mais pas que - s'improviser une joute maladroite  et amusante entre amis profanes avec ces bâtonnets sucrés. Aucun thé n'a trouvé grâce aux yeux du colonel, mais une distillerie locale propose des whisky au goût assez prononcé grâce à l'eau de mer qui bat les flancs de falaises. Le sien goûte la banane et a un retour vanillé, presque de pâtisserie. Il négocierait une bouteille avec les locaux avant son départ pour en faire profiter les autres senseïs.

Puis-je m'installer ?

Gharr demande à Akane, une guerrière aux cheveux de feu qui profitait de son propre repas à l'écart des autres. Elle le laisse prendre place, les bancs n'appartenant à personne et n'ayant aucun ami pour l'accompagner. Le Marine, en kimono jaune safran sur un pantalon chocolat noir, place son verre sur la table et entame sa brochette encore chaude, en clairsemant son attention entre les badauds, le duel en cours et la jeune femme qui ne semble pas vouloir entretenir la conversation, mais qui prête un peu trop attention à lui pour que ne créer aucune passerelle sociale ne soit pas dérangeant. Il faut dire qu'elle est jeune, plus d'une bonne dizaine d'années par rapport au soldat qui fait  déjà plus que son âge. Gharr n'a que la trentaine, mais sa barbe et ses cicatrices lui donnent définitivement de la maturité. En plus de la gestuelle, lente et maîtrisée. Un observateur pouvait deviner qu'il pratiquait les arts martiaux à sa seule démarche. Le pied qui glisse en pivotant au moment de changer de direction, la position assise prête à néanmoins le faire bondir, la façon de tenir la brochette, tout évoque le pratiquant de sabre. Un pratiquant de sabre qui engage le dialogue, son âge lui offrant presque le devoir de prendre l'initiative.

Je ne vous ai pas vue dans les démonstrations. Vous êtes venue en touriste, avec des amis ?
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Observer quelqu'un à distance reste un exercice bien différent que celui d'un simple regard lors d'un face-à-face. Il est plus aisé de constater une attitude en étant aussi proche. Parfois, les gens agissent d'une façon, mais à l'intérieur, cachés au plus profond d'eux-mêmes quitte à ne pas se l'avouer, ils sont à l'antipode de ce qu'ils véhiculent en surface. Et pour percer à jour ce genre de chose, ça demande un discernement certain. Le mieux, c'est de communiquer avec la personne et d'analyser sa gestuelle, ses mimiques. Un regard qui fuit ou un gloussement dissimulé sont autant de signes qui permettent de voir plus clairement cet individu. Toujours est-il qu'au-delà des constatations, Akane se trompe plutôt rarement quand elle se réfère à son présentiment. Elle veut croire que c'est son seul outil vraiment fort. Alors, bien qu'elle soit restée silencieuse au début, c'est avec attention qu'elle accepte d'engager la conversation avec le dénommé Gharr HADOC. Toutefois, elle essaye de dissimuler du mieux qu'elle peut son dégoût pour les questions sans réels intérêts. Elle hésite à répliquer avec un « Souciez-vous véritablement de savoir si j'ai des amis ou souhaitez-vous me connaître? », mais elle se ravise en cherchant à être la plus humble possible, travail qui lui coûte encore un peu. Serrant les dents, elle ouvre finalement la bouche.

« Je ne désire pas me ridiculiser. Je suis loin d'avoir terminé mon apprentissage, Monsieur. »

La question de savoir si elle est une touriste ou avec des amis ne l'intéresse pas. Pour elle, ça semble évident. Se mettre à l'écart signifie très généralement qu'on ne souhaite pas être dérangé ou qu'on ne se sent pas forcément à l'aise en compagnie d'autres personnes. Au final, heureusement que ça soit le Marine qui fasse le premier pas, car de toute évidence, avec sa timidité, Akane n'aurait jamais osé interpeller un sensei tel que Gharr. Elle l'aurait observé chaque jour jusqu'à son départ et aurait regretté de n'avoir rien fait. Si parler de tout pour ne rien dire agace particulièrement la rousse, elle dénote cela dit la pertinence de son interlocuteur sur le premier point. Oui, elle ne participe pas au démonstration. Et la samouraï apprécie de rencontrer quelqu'un qui sait faire attention aux détails. En même temps, elle n'attend pas moins venant d'un maître de cette envergure. Comme cette conversation ne risque pas de s'écourter, la jeune fille aux cheveux flamboyants parvient à trouver la force de projeter le débat plus loin. Afin d'éveiller la curiosité de celui qui lui fait face, elle se risque à enchaîner avec une remarque qui pourrait être mal vue.

« Je me demande quel genre de connaissance il vous manque pour vous présenter au tournoi. »

Akane ne craint pas la réaction de son interlocuteur, sinon elle ne serait pas permise cette réflexion. De plus, il s'agit d'un étranger. Qu'il lui fasse la morale ou non, ça ne change pas grand-chose à vrai dire. En tout cas, si offense il y a, ce n'est pas avec malice qu'elle le fait. Il faut avouer que l'adolescente reste encore maladroite pour s'exprimer. C'est un exercice qu'elle déteste, car elle n'aime pas sa voix rauque pour commencer. Ensuite, elle trouve difficile de trouver des mots, d'être juste ou de simplement exprimer ce qu'elle ressent. Durant toute sa jeunesse, elle s'est évertuée à parfaire son maniement du sabre et à devenir une experte de la chasse aux gibiers. Alors forcément, l'apprentissage de la langue est un peu passé à la trappe. En revanche, son éducation s'est également portée sur la méditation et sur la philosophie. Une chose est sûre, c'est que la rouquine peut avoir de la pertinence sur différents sujets malgré son air ignare et son âge. Quoi qu'il en soit, tomber sur le Marine est sans doute une bonne chose pour elle, étant donnée ses nombreuses questions. Notamment, elle aspire toujours à devenir pirate afin d'être totalement libre. Peut-être qu'elle orientera la discussion à ce propos plus tard...


Dernière édition par Nakamura D. Akane le Sam 22 Oct 2022, 10:15, édité 3 fois
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Pour se présenter, je pense que savoir par quel bout tenir le sabre suffit. Je compte bien m'y inscrire après avoir accompli une mission importante: finir cette brochette.

Il en propose à Akane, un peu risible, pour ne pas s'étonner de son refus. Gharr accentue sa bonne humeur sans la parodier, pour instaurer un climat de convivialité. Le malaise social de la jeune fille est évident, mais il ne la sent pas hostile à sa présence particulière. Elle n'est pas une pirate et il n'a probablement pas mis en prison ou porté disparu une de ses connaissances. C'est une chose à laquelle un Marine averti doit penser, qu'importe où il se rend. La justice des criminels ne prend jamais de vacances.

Avant de terminer son repas, entre deux bouchées très espacées, il commente, fait l'escaradio pour deux en trouvant une fréquence qu peut attirer l'oreille de son auditrice.

Mon souvenir le plus lointain de mon existence remonte à mes trois ans. Et j'avais une arme en main. Après, je ne sais plus si c'était un sabre en bois, un vrai sabre ou un couteau. Mais j'avais une arme et j'imitais ce que je voyais. Je n'avais pas dix ans et je pouvais déjà vaincre des pratiquants du sabre de deux fois mon âge. Toute ma vie a été conditionnée par l'apprentissage. Même en étant piètre élève, personne ne serait mauvais en pratiquant autant de temps que je l'ai fait. Je le dis sans vantardise, il y a peu, vraiment très peu de gens qui ont la maîtrise que j'ai de la voie du sabre à travers les Blues. Malgré ces trente années à toujours parfaire ma spécialité, j'apprends toujours.

Je n'ai pas encore la connaissance nécessaire à m'estimer accompli. Mais qu'ai-je à perdre ? Est-ce qu'offrir la victoire à un pratiquant qui, comme moi, veille à progresser serait honteux ? Dois-je m'inquiéter de ma réputation maintenant qu'elle existe ? Devais-je me cacher et réfréner mes audaces avant d'en avoir ?

Si votre apprentissage est fait dans le but de pratiquer un art, de maintenir vos conditions physiques et mentales, alors vous avez raison de laisser à d'autres l'expérience du tournoi. Mais si vous voulez apprendre de vous, trouver votre place dans ce monde et apprendre bien plus face à un adversaire qu'avec un senseï qui a déjà pensé votre parcours à votre place, alors cette idée de ne pas vous risquer à apprendre parce que vous ne savez pas assez n'a aucun sens. La vie n'est pas faite des doutes qu'on a eus et des choix qu'on n'a pas fait. A vous de voir si vous préférez quitter cette île en ayant vu des gens combattre ou en ayant eu l'honneur de pratiquer avec eux.


Il termine sa tirade et sa brochette, pour remplacer les baguettes par son verre qu'il respire sans y boire.

Mais douter, c'est normal. Quand on apprend une discipline, quel qu'elle soit, on est toujours baigné dans un cadre où un mentor est nécessaire. Parce qu'on est incapable de voir ses erreurs, ni celles des autres. Plus le temps passe, plus on distingue les failles des autres. Mais les siennes, toujours pas. C'est avec le temps que l'on finit par pouvoir se corriger soi-même. Combien de temps ? Trop, toujours trop. A cette étape, il devient possible de se corriger sans mentor. On peut même en devenir un compétent. Mais l'apprentissage ne finit jamais. Vous devez sans cesse vous adapter à votre corps, qui se muscle comme il s'use. Vous devez vous adapter aux techniques des autres, aux tendances, aux climats, à vos humeurs et motivations. Mais jamais vous n'allez cesser votre apprentissage. C'est comme ça, mille ans ne suffiraient pas à s'estimer compétent.

Moi aussi, je doute de moi. Et je ne voudrais pas me lever un jour sans ce sentiment. La crainte de ne pas être assez technique, ni assez tactique, est salutaire. Le sentiment de faiblesse est le meilleur carburant pour pousser à s'améliorer.


Il goûte son whisky, qui a changé d'arômes au cours des minutes, et le redécouvre en laissant la jeune femme réfléchir à ses mots.
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Depuis déjà toute petite, Akane admire les vétérans de son pays. Et parfois, elle savoure un aventurier de passage qui lui fait part de l'odyssée de sa vie. Elle rêve alors de quitter son île, de découvrir d'autres cultures et de profiter des rencontres pour s'enrichir intellectuellement, mais aussi émotionnellement. De plus, elle souhaite pouvoir faire bouger les choses en faveur des plus démunis. Bien qu'elle ait une certaine aversion pour l'humanité en général, elle croit toujours au plus profond d'elle-même que le bien peut subsister dans l'âme des gens. Malheureusement, ce qui fait qu'elle soit autant dégoûtée, c'est qu'elle considère que trop de mauvaises personnes ont la main mise sur les faibles. Des valeureux au cœur noble existent pour braver l'injustice et faire face à l'opposition tyrannique, mais ils se font trop rares et sont trop souvent écrasés par une minorité infâme d'oppresseurs... Elle ne l'explique pas, mais c'était comme si elle ressentait le désarroi de la planète entière, dans une moindre mesure, certes.

Du haut de ses 18 ans, elle se sent impuissante et estime qui lui manque terriblement beaucoup de sagesse. Toujours à écouter les paroles des doyens de son village, Akane ne peut que se projeter et s'imaginer des choses. Tant qu'elle ne l'expérimente pas, elle ne peut que supposer. C'est un sentiment assez désagréable, car elle aimerait autant que possible éviter de répéter les erreurs du passé. Ce qu'elle a particulièrement du mal à assimiler, c'est que parfois, l'erreur vaut cent fois mieux qu'un maître. Seulement, l'échec est une souffrance pour elle. Le regard grave, elle boit silencieusement toutes les paroles de Gharr tout en sirotant sa boisson aux fruits rouges.

Je n'ai pas encore la connaissance nécessaire à m'estimer accompli. Mais qu'ai-je à perdre ? Est-ce qu'offrir la victoire à un pratiquant qui, comme moi, veille à progresser serait honteux ? Dois-je m'inquiéter de ma réputation maintenant qu'elle existe ? Devais-je me cacher et réfréner mes audaces avant d'en avoir ?
Ces paroles s'inscrivent progressivement dans la tête de la narcoleptique, mais de par son esprit révolté, il lui est particulièrement éprouvant de tout assimiler. Même si par moment elle fronce les sourcilles, elle cherche tant bien que mal à comprendre ce que son mentor de fortune peut lui enseigner. Ce ne sera bien plus tard en expérimentant par elle-même qu'elle saura. En attendant, à cause de son jeune âge, elle ne peut qu'écouter attentivement les dires du Marine.

Mais si vous voulez apprendre de vous, trouver votre place dans ce monde et apprendre bien plus face à un adversaire qu'avec un senseï qui a déjà pensé votre parcours à votre place, alors cette idée de ne pas vous risquer à apprendre parce que vous ne savez pas assez n'a aucun sens. La vie n'est pas faite des doutes qu'on a eus et des choix qu'on n'a pas fait. A vous de voir si vous préférez quitter cette île en ayant vu des gens combattre ou en ayant eu l'honneur de pratiquer avec eux.
À la manière de gifler une personne, ces dernières paroles saisissent la bretteuse. Les joues de la samouraï s'empourprent. Son cerveau a fait la réception, mais son cœur reste fermé tant sa blessure est profonde. En effet, si elle est aussi sévère avec elle-même, c'est que sa relation avec son père est bancale. L'amour de son paternel s'est mal exprimé et Akane, dans sa grande sensibilité, l'a mal perçu. Elle est convaincue de devoir porter plus de fardeaux que n'importe qui. Du fait d'avoir des difficultés physiques dès sa jeunesse, elle a été contrainte de faire plus d'effort que la moyenne, l'amenant toujours à chercher l'excellence. Oui, apprendre de soi lui suscite plus que tout de l'intérêt et peut-être que c'est la clé pour se délivrer de ses schémas de pensée. Probablement que c'est l'élément qui fera tilt dans le crâne de la rouquine afin qu'elle puisse s'ouvrir un peu plus. Au final, c'est bien cela dont elle a besoin. Prendre conscience de qui elle est vraiment. Ce ne sera bien des années plus tard qu'elle se découvrira. Et encore, toute une vie ne suffit pas à transformer un être.

Voir la paille qui est dans l'œil des autres et ne pas voir la poutre qui est dans le sien est un sentiment que l'hypersomniaque ne sait que trop bien. Et elle s'en veut. Il lui est plus facile de regarder sévèrement les jeunes de son âge que de gagner en humilité. Cela dit, elle fait preuve d'une très grande volonté et désir plus que tout à s'améliorer même à ce niveau-là. Pour ce qui est de la guider sur le chemin de la droiture, son médecin et mentor philosophique & spirituel assure de ce côté-là. Bien qu'elle estime ne pas apprendre assez vite, elle reste convaincue d'être entre de bonnes mains. Cela dit, la voie de la justice ne nécessite pas de temps à autres d'emprunter des moyens différents que ceux déjà établis? Peut-elle devenir pirate tout en ayant un grand cœur? Est-elle prête à supporter le regard des autres et assumer son choix? À l'intérieur, Akane est déchirée en deux par ces questions. Elle ne connaît que peu de vis-à-vis pour parler de ça. Elle ne parvient pas à trouver le réconfort, car sur l'Île du Crabe, elle est la seule à vouloir s'aventurer sur cette voie et le Conseil des Cinq lui recommande vivement d'y réfléchir plusieurs fois. Prise en étau, elle brûle de vivre sa liberté tout en agissant pour le bien commun.

Les derniers mots raisonnent encore une fois dans la tête de la rousse. Une chose est sûre, c'est que les uns et les autres apportent des regards différents. Quand on se retrouve isolé, on est face à ses pensées et on rumine sans cesse les mêmes idées. L'être humain se complète. Cette fois-ci, Akane relève la tête et dégage une meilleure mine. Une lueur s'espoir vient d'être semé dans son cœur.

« Comment vous remercier, Monsieur? Vos paroles m'ont fait prendre conscience que je ne peux définitivement pas continuer dans l'isolement. Je crois que je peux encore m'inscrire... »

L'idée de participer au tournoi lui fait peur, mais elle veut plus que tout se convaincre que quelle que soit l'issue de l'évènement, il y aura toujours matière à apprendre et d'en ressortir plus grand.
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