Bon, ben nous voilà échoués sur une île au milieu de nulle part. C’est pas glorieux mais on s’est fait surprendre par une tempête du Nouveau Monde. Pourtant Benjamin et moi somme deux navigateurs expérimentés, mais c’est la puissance des éléments qui nous a pris de court. Même si, je dois bien l’avouer, c’est grâce à l’extraordinaire sang-froid du Landstorm que nous n’avons pas sombré. Cependant le navire de feu Arturo a subi de gros dégâts et il nécessite des réparations urgentes. Des voies d’eau menacent de nous envoyer par le fond. Alors quand la vigie repère cette île, on ne cherche pas midi à quatorze heures et on met le cap sur ce bout de terre.
Seulement l’endroit est désert. Il y a bien les vestiges d’un village, mais ce dernier est en ruines et la nature y a repris ses droits. Benjamin s’occupe des réparations. D’après le fils des flots, il y en a pour deux jours, minimum. Plus le temps d’écoper l’eau. Bref, on est pas sortis de l’auberge. Le manchot et l’aveugle, jugés par tous inaptes à aider dans le cas présent, se retrouvent donc à explorer les lieux. Et très vite, Red et moi, on réalise que si cette île possède quelconque richesse, ça fait belle lurette qu’elle a été pillée. On finit quand même par trouver quelques fruits sauvages mais pas de quoi faire plus d’un repas pour l’équipage. Au summum du désœuvrement et en rade de rhum, on échoue sur une petite plage de sable grossier. Lui sieste sur un matelas de feuilles de cocotier tandis que je laisse le ressac le chatouiller les orteils.
C’est alors que me vient une idée.
"Dis, Red, ça te dirait qu’on fasse un truc tous les deux?" Ignorant le côté potentiellement scabreux de ma question, je poursuis. "On pourrait s’entraîner. Je me sens un peu rouillée, et je suis certaine que toi aussi. Après, pour rendre les choses équitables, il te faudrait un malus, genre te battre avec un seul bras. ... oups, mauvais exemple. Tu es prêt? J’arrive!"
Je n’attend pas qu’il me donne son accord. D’un soru, je fonce sur lui avant de décoller dans les airs et de faire une double vrille pour lui envoyer un bon gros coup de pied droit chargé au haki de l’armement. Malgré le fait que, dans mon esprit, je commence à fond. En réalité je suis bien en deçà de mon meilleur niveau.
L’ennui porte conseil
-Un truc ?
Heureusement que l'une des leçons du Cipher Pol que j'ai parfaitement intégré depuis des lustres est vigilance constante..., plus généralement développée dans le service comme un rappel qu'il vaut mieux faire confiance à n’importe qui qu'a un collègue du service, parce qu'avec n'importe qui il y a toujours une chance de tomber sur un type qui ne veut pas vous liquider pour vous passer devant dans la liste des promotions.
Bon, y'a ça et puis y'a l'empathie...
Ce sixième sens qui me prévient juste à temps que ma sieste tranquille prend fin dans une scéne de violence brutale avant que j'ai eu le temps de signaler à Jeska, que la, tout de suite, moi je préférerais qu'elle aille plutôt taper des trucs immobiles.
TEKKAI !
Tout mon corps se durcit et se couvre du noir du haki, juste à temps pour encaisser la frappe plongeante de ma Nakama. Et pour taper dur, elle tape dur. L'impact du coup fait voler le sable autour de nous à la façon d'une frappe d'artillerie, et je me retrouve étendu et toujours aussi rigide au fond d'un cratère sableux de gros calibre.
Même pas mal...
-Niveau attaque surprise c'est pas trop mal. Mais pour l'instant je suis plus surpris que blessé...
Si je ne bouge pas du tout. Peut être qu'elle me verra pas ?
"A t’entendre on pourrait presque croire que tu veux que je te blesse."
Je souris. Je suis rouillée, je le sais. Et j’ai furieusement envie de récupérer toute l’étendue de mes capacités. Or, je sais pertinemment que ce n’est pas en me battant avec le frein à main que je vais y arriver. Il faut que j’y aille à fond. Que je me transcende. Et je ne vais pas me gêner. Red est le partenaire idéal. Je doute de pouvoir le blesser, même aux mieux de ma forme. Alors j’attaque, encore, et sans relâche. Et je le sens. Petit à petit ma force augmente, mon haki se renforce, ma vitesse, mon agilité aussi.
Mais je ne fais que soulever du sable. Red, lui, ne bouge pas. Je doute même de l’avoir ne serait-ce qu’ébranlé. Et finalement, c’est mon endurance qui me fait défaut. A bout de souffle je me replie quelques instants.
"Waaaaah! Il est donc si grand... le fossé qui nous sépare. Tu es sans doute même plus fort que Shoma. C’est impressionnant!"
En fait ce n’est même pas un fossé. Ni un précipice. Car dans ces deux cas on en voit au moins l’autre bout. Enfin, je suis aveugle, mais c’est l’idée que je m’en fais. Mais présentement, c’est juste un abîme, il n’y a pas d’autre côté. Red est tout simplement hors de ma portée. Et le pire, c’est que je doute même de pouvoir un jour le rattraper. Pantelante, je recule d’un pas avant d’échouer sur mon postérieur.
"Red, d’après toi, il me manque quoi? Pour me rapprocher de toi?"
Belle avalanche de coups cela dit. Toujours raide comme un vieux macchabée, je suis maintenant enfoncé d'un bon mètre dans le sol de la plage. Une tombe improvisée dont je m’extraie a grand renforts de projections de sable avant d’être complétement enseveli pour rejoindre mon aveugle préférée assise à coté de mon trou.
-Dans ce genre de domaine il n'y a pas de secrets. Il faut tuer plein de gens. Et sur Grand Line de préférence. Cela dit, l'entrainement peut aider aussi. Mais vu tes pouvoirs, je ne suis pas sur que ce soit si important que ça. Après tout, il n'y a que moi qui annule les pouvoirs, et je suis dans ton camp...
Cela dit, ça ne coute rien d’être préparé à tout, et on a un peu de temps.
Le temps de me secouer un peu pour virer le sable qui s'est infiltré partout dans mes fringues et ma barbe... Va me falloir un bain.
Commençons par les bases. Tu as le haki de l'armement et le mantra, et tu as déjà le rokushiki, ça te fait déjà un panel que la majorité des pirates n'atteindront jamais, il faut juste travailler un peu...
Bon, comment tu aimes te battre ? Je suppose que dans la marine on t'a plutôt appris à jouer du sabre que des poings ?
"Non, monsieur! Mon corps est mon arme. Je me bats avec mes poings et mes pieds principalement. Et puis je griffe et je mords aussi."
Je ne suis pas peu fière de moi. C'est vrai que, contrairement à mes anciens compagnons, je n'ai pas besoin d'une arme pour exceller. Ce qui est assez pratique car j'ai toujours mon arme de prédilection sur moi. Cependant, alors qu'il me parle de mes capacités, une chose m'interpelle.
"C'est quoi le Mantra?"
Red se fait alors pédagogue. Il m'explique que le Mantra, ou Haki de l'observation permet de détecter les présences, de sentir les intentions mauvaises, etc... en gros, ça ressemble beaucoup à ma sphère perceptive.
"Je n'ai pas du tout le Mantra, Red… Moi ce que j'ai, c'est une sphère perceptive! Enfin, c'est comme ça que je l'appelle. L'idée du truc, c'est que dans une zone que quelques mètres autour de moi, je t'entends bouger, je sens l'air que tu déplaces, bref, je peux te localiser avec précision. Et le mieux c'est qu'à force d'habitude, j'active ma sphère en permanence. Bien évidemment, il y a quelques faiblesses..."
Mais je n'en dis pas plus. Non pas que je ne fasse pas confiance à Red, mais je n'aime pas dévoiler les faiblesses des mes techniques. En Effet, dans la piraterie, les alliés d'aujourd'hui ont vite fait de devenir les ennemis de demain. Mais ça ne coûte rien de parler un peu.
"J'ai aussi mangé un fruit du démon. Celui du poison. Mais, en ce moment, je suis en panne. Sans doute une conséquence de ma trop longue exposition au granit marin. J'ai bien mon fruit, grâce à lui, je peux lancer une brume lacrymogène sur mes ennemis. C'est rudement pratique d'aveugler les gens. Surtout quand on a pas besoin de ses yeux pour se battre. C'est pas des plus élégant, mais c'est rudement efficace. Sauf contre les Lieutenant de Te… contre ses Lieutenants. Mais maintenant que je le sais, je pense qu'une partie d'entre eux dispose du Mantra."
Je me remets alors debout, j'ai assez flemmardé, je suis prête à remettre le couvert! J me mets en garde et je me prépare à passer à l'attaque.
"Tu peux répondre tu sais? Ca ne rendra l'entrainement que plus stimulant pour moi!"
En garde hein ? Un exercice soudain devenu nettement plus compliqué depuis que je n'ai plus qu'un bras... Il va vraiment falloir que je fasse quelque chose pour ça avant qu'on se mette à me surnommer le pirate manchot, ou Red n'a qu'un bras... Enfin, j'ai qu'un bras mais moi j'ai pas besoin de me coller un bandeau sur les yeux.
Jeska se met en garde, et évidemment, j'attaque. La leçon de base du pirate, si le mec discute, frappe pendant qu'il parle. Une leçon de vie qui se marie très bien avec les pratiques du cipher pol "Si ton adversaire veut se battre au couteau, vient avec un flingue"
Enfonçant mon orteil dans la plage, je balance sur la miss une pluie de sable chaud destinée à mettre à l'épreuve ses capacités de repérage, avant de lâcher d'une pichenette une balle d'air qui lui file en plein front.
On va bien voir si elle a révisé son Tekkai...
Clac!
"Aieheu!"
Je ne sais pas ce qu'i vient de se passer, mais un truc vient de heurter mon front, pas assez fort pour me blesser, mais suffisamment pour faire mal. Mon visage se renfrogne, je suis vexée. Surtout après avoir parlé de ma sphère perceptive. Mais son attaque est trop rapide. Ou c'est moi qui ne le suis pas assez. Question de perspective, sans doute. Enfin bref, je ne compte pas me laisser canarder à distance et je décide de me rapprocher afin de rentrer dans ma zone de confort, le combat au cors à corps. Je compte bien profiter du fait que j'ai deux bras et lui qu'un seul.
Seulement, si il essaie de parer au début, très vite, arrête. Est-ce que je l'aurais débordé grâce à la vitesse de mes deux bras? Non, il encaisse juste avec le tekkai. Histoire de me montrer que niveau puissance, je n'envoie toujours pas assez? J'ajoute alors tout mon haki de l'armement. Je vais lui montrer que je peux taper dur! Mais, il me contre avec son propre haki. Puis soudain, je bascule sur le coté, il vient de me faire un balayage en bonne et due forme. Je perds l'équilibre, surprise, je n'ai pas le reflexe de me sortir de là avec un soru ou un geppou. Je ne réalise que trop tard que Red est en train d'armer un coup.
Il me frappe en plein ventre et m'envoie faire un roulé boulé des plus désordonnés sur plusieurs dizaine de mètres. Me retrouvant littéralement cul par dessus tête, j'essaie tant bien de mal de me remettre d'aplomb. Il m'a fait mal, le bougre! J'ai le goût de mon propre sang qui me tapisse la bouche. Je crache, tout en essayant de retrouver mes esprits. Où est Red? Je ne le réalise que lorsque je sens l'air derrière moi vibrer. Immédiatement, je me retourne pour lui envoyer mon pied droit au visage, avec une petite tartie de haki, pour donner du goût. Mais je ne rencontre aucune résistance. Il s'est baissé et se prépare à me faucher à nouveau! Merci, mais non merci! J'ai déjà essayé, et je ne suis pas pressée d'y goûter à nouveau. J'utilise alors le mouvement de ma jambe droite pour faire basculer mon corps et esquiver son assaut. Je souhaite contre attaquer, mais il n'est déjà plus là…
En haut! J'ai à peine le temps de m'écarter qu'il vient s'écraser là où j'étais il y a encore une fraction de seconde. On continue notre manège à base d'esquives, de contres, de contre esquives. Durant deux heures, je me bats contre un courant d'air. Et lui me punit à chaque erreur de ma part. Je sais qu'il dose sa force pour pas me tuer d'un coup. Mais finalement, un enchainement coup de pied derrière le genou et droite dans la face a raison de ma combativité. Je chute. Le souffle court, le corps marqué par le combat, je n'arrive plus à me relever. Je ne suis pas K.O, mais clairement dans l'incapacité de continuer. Et pire que tout, j'ai du sable partout, ce qui me gratte atrocement. Mais pour le moment, je suis juste trop crevée pour continuer. Je me laisse alors glisser vers le sommeil, pour recharger un peu mes batteries.
Quand la môme s'effondre enfin je retiens une grimace de soulagement. Enfin ! J'ai bien cru qu'elle n'allait jamais lâcher prise, et pourtant j'avoine. Aveugle ou pas, diminuée ou pas, Jeska est une vraie coriace sacrément balaise. Et sans utiliser ses pouvoirs. Au point que je me demande comment Shoma a bien pu recruter une terreur pareille. Je me souviens assez bien de son équipage la dernière fois que je l'ai croisé en revenant de Weatheria, et y'avait personne de ce calibre à bord a part le capitaine et son fruit des ombres...
Ouais, étonnant.
J'étire mes muscles rendus douloureusement rigide par les efforts soudains que je viens de leur faire subir, il y a du mieux mais il va falloir bosser encore pour retrouver ma vraie forme. En tout cas vu l'état de la miss je fais plutôt bien illusion...
Je me demande si Toji était dans le même état le jour ou il m'a mis le même genre de tanné a grand coups de haki dans ma gueule, faudra que je lui demande un jour, ça me fera plaisir de savoir qu'a l'époque je lui ai fait un peu mal.
Reprenant mon souffle et m'étirant l'air de rien, je viens me pencher par dessus la demoiselle étalée sur la plage, jusqu'à étendre mon ombre sur son visage pour lui permettre d'ouvrir les yeux et de me regarder d'un air maussade.
-Tu sais ce qu'on dit Jeska. Pendant que tu dors tes ennemis s'entrainent. Alors on ne flemmarde pas !
Et saisissant la miss par la cheville, je la balance d'un grand geste en direction de la mer, l'envoyant voler en tourbillonnant au dessus des vagues en prélude a un grand bain marin et mortel.
J'étais bien, j'allais dormir, quand soudain, je sens comme une ombre passer devant le soleil. Et alors que je suis a deux doigt de m'assoupir, je réalise qu'une main vigoureuse me saisit la cheville, me dit quelque chose que je ne comprends pas et … me balance au loin! N'ayant pas d'yeux pour me rendre compte du danger, je décris une magnifique parabole avant de m'écraser dans de l'eau!
De l'eau de mer!
Red m'a assassiné! L'enfoiré! Mais pourquoi? Suis-je devenu pour lui une menace? Je ne comprends pas!
"Au sec...gloub! Je cou... glargh!"
Voilà, je vais mourir noyée dans l'océan! Une fin que ne renierait pas Benjamin Landstorm. cependant, pour moi, c'est l'horreur. Je m'agite comme je peux, mais l'eau de mer draine mes forces. Au moins ça me rassure, j'ai toujours, quelque part au fond de moi, la capacité d'user de mon fruit du démon. C'est d'ailleurs à cause de cette malédiction que je vais crever! Nom d'une biscotte, c'est ironique, n'est-ce-pas? Puis soudain, je sens le fond. Déjà?
Alors je me relève, et, ô miracle, j'ai de l'eau jusqu'au nombril! Mais je suis furieuse. Contre Red, évidemment! Je n'ai pas assez de forces pour bondir hors de l'eau et foncer sur ce satané pirate. Alors je marche, bravant la résistance de l'eau, la mâchoire serrée à m'en fendre les dents. Ca prend du temps, et à chaque seconde écoulée, ma fureur augmente dramatiquement. Je sens mon sang empourprer mon visage, et alors qu'enfin je peux marcher à mon aise, je me dirige d'un pas assuré vers Red.
Avant de réaliser que je suis une bonne vingtaine de mètres trop à gauche. Je pivote sèchement d'un quart de tour et je m'en vais sermonner le malotru!
"Rossignol! … Edouard! … Désiré! …"
Oui, quand j'utilise ton nom complet, c'est généralement très mauvais signe.
"Qu'est ce que ça signifie!"
"Tu sais que tu es rudement mignonne quand tu te mets en colère?" répond-t-il du tac-o-tac.
"La flatterie ne te sauvera pas, crapule!"
Je lui envoie une bonne gifle qu'il bloque avec sa main. J'imagine sans mal un petit sourire satisfait sur son visage. Mais c'est mal me connaître. Après tout, j'ai deux mains, et lui qu'une seule. C'est donc une baffe de ma main gauche qui vient claquer sur la joue droite du malfrat. Certes, c'est ma mauvaise main, mais le son est satisfaisant.
Seulement, j'oublie peut-être un peu trop vite le passé criminel de mon partenaire. Il se peut qu'il en ai tué pour moins que ça. Du coup, je crains que mes actions me coûtent cher en représailles.
Avec deux bras, un mauvais réflexe inscrit par un paquet d'entrainements à la dure au Cipher Pol enverrait probablement un shigan en plein dans les organes mous de la demoiselle, leçon 145 peut être ? Ok vous êtes mort mais y'a pas de raisons de pas emmerder une derniére fois le mec qui vous tue... avec en 146 surement un truc conseillant de pisser dans ses fringues pour que personne puisse les récupérer facilement. Mais coup de bol je n'ai qu'un bras, du coup même si mon membre fantôme fait le mouvement qu'il faut pour liquider la demoiselle, dans le monde matériel, rien ne se passe. Et je dois me contenter d'une clef vicieuse de l'autre main qui fait pivoter Jeska en lui bloquant le bras dans le dos pendant que je me colle contre elle en l'immobilisant.
-Alors comme ça on profite lâchement de mon infirmité hein ? Au moins tu as bien compris les bases. Un bon combat, c'est un combat qu'on gagne.
La prise n'est guère douloureuse mais le regard de Jeska est soudain porteur d'une angoisse et d'une douleur plus lointaine, plus lointaine mais pas tant, et dont il est facile de deviner l'origine et les pensées qui doivent la traverser et qu'elle associe à la derniére fois ou on l'a entravé. entravée, battue, torturée...
Je relâche ma prise et déjà son regard redevient dur et décidé. Ouais, Jeska est une coriace et ce n'est pas tant d'un entrainement qu'elle a besoin que d'un démon à exorciser, ou d'une cible pour lui arracher la tête. Classique chez un soldat qui ne s'est pas encore effondré. D'expérience c'est après que les vrais problèmes surviennent chez les types vraiment coriaces, ceux qui font illusion au début quand ils sortent de l'enfer debout et en se battant. Quand leur vengeance est accomplie et qu'ils s'aperçoivent que ça les a pas aidés, ou quand ils réalisent que leurs mains restent couvertes de sang et qu'ils sont devenus les monstres contre qui ils revenaient se battre.
Cela dit Jeska à un môme. C'est le genre de choses qui pèsent et qui peuvent la sauver. Et puis Jeska est un pirate. Peut être qu’être sauvée n'est pas forcément ce qu'elle veut...
Je me demande si quelqu'un a torturé Teach autrefois ? Lui il a du douiller sévère.
-Comment s'appelle ton môme ?
"Sakazuki. Mon fils s’appelle Sakazuki, comme l’ancien Amiral en chef."
C’est drôle comme le simple fait d’évoquer mon enfant me détend. Alors que j’étais sur le point de dégoupiller et de sauter à la gorge de Red, son simple souvenir désamorce toute ma colère. Je deviens presque une autre Jeska. Et, bien qu’il n’ait rien demandé de plus, je lui parle de mon petit garçon. Des ses premiers pas, de ses premiers mots... que c’est l’espoir de le retrouver qui m’a fait endurer l’Asile. Bref, je crois même que je le saoule un peu, le Red. Il pensait sans doute détendre l’atmosphère, pas ouvrir la boîte de Pandore!
Et après vingt bonne minutes de monologue, je finis par conclure.
"... et je l’ai laissé à mon ami Diego sur l’île des hommes-poissons."
C’est alors que l’envie de profiter me prend.
"Pfioouuu! Qu’est ce que j’ai chaud! Je vais me baigner un peu, tu viens?"
Par pudeur, je tourne le dos à mon partenaire et je déboutonne le haut de ma tunique de soldat de Parisse. Puis j’ôte le bas. Uniquement en dessous, j’offre mon dos à la vue de Red. Mais aussi l’immense marque au fer rouge représentant l’emblème du Malvoulant et qui me prend la majeure parte de mon verso. Mais pas que, le reste de mon anatomie aussi est couverte de bleus et autres scarifications. Et enfin, quand j’enlève le bandeau qui couvre mes yeux à la place d’un regard, il n’y a plus qu’une brûlure.
Alors, très vite, je file dans l’eau, non plus pour me rafraîchir, mais pour cacher ce corps dont j’ai honte.
Je ne sais pas du tout ou est Damien. Probable que je ne sois pas un très bon père, ce n'est pas vraiment faute d'avoir essayé mais on s'est rencontré un peu tard avec le mime. J’espère quand même qu'il n'a pas réussi à se faire pendre, ce serait un coup a se faire descendre par sa mère...
Je me demande qui est le père de Sakazuki... Le môme qui porte le nom de l'amiral et dont la mère est une criminelle rayée des cadres de la marine pour trahison, comme tant d'autres. Cachant probablement des cicatrices bien plus marquantes que celles qui lui couvrent la peau. Après tout, celles la, dans notre branche, tout le monde les a. A moins d’être planqué ou mort. Et clairement, Jeska n'est ni l'une ni l'autre.
Pendant quelques secondes je pense à une autre en regardant Jeska qui surmonte une fois de plus sa peur. Je pense à une autre longue chevelure noire, un autre corps fier de ses cicatrices et de ses blessures secrètes, une autre qui lui ressemble un peu et que je ne reverrais probablement jamais...
Si le Malvoulant l'avait prise, je me demande comment j'aurais pu lui faire payer assez cher ces tortures, quelle souffrance infliger a un homme qui a réussi le tour de force de devenir la vivante incarnation de la douleur, de la violence...
Probablement aucune à la hauteur hélas, si ce n'est juste la satisfaction de le voir crever.
Jeska s'enfonce dans les vagues, et après quelques secondes, je me dessape à mon tour pour la rejoindre. Laissant la faiblesse provoquée par l'eau salée m'envahir à mon tour et nous rendre pour un moment un peu plus humains.
L'eau est fraîche, assez pour que ce soit encore agréable de se baigner. Un "plouf" m'indique que Red vient de me rejoindre. Alors qu'il arrive à ma hauteur, je lui lance.
"Tu comptes faire quoi après?"
Un silence s'installe, uniquement rompu par le bruit du ressac.
"Après? Après quoi? Avoir tué Teach?"
"Oui, si on ne se fait pas tous tuer en essayant…" réponds-je un brin fataliste.
"Je ne sais pas trop ce que je ferais si je ne retournais pas l'affronter. C'est… Tu vois… Une sorte de bout du chemin, et il faut que je l'atteigne et que je le dépasse pour voir ce qu'il y a derrière. J'ai toujours fonctionné comme ça je crois."
"On tue Teach et on verra c’est ça ? Pourtant j’ai l’impression que le Malvoulant n’est pas le but ultime que tu poursuis, je me trompe?"
"Le but ultime. Ce serait pas mal que ce soit si simple, un objectif clairement défini, bien accroché sur l'horizon et vers lequel on a qu'à courir. Mais j'ai du le perdre de vue quand j'avais douze ans. Et depuis, je vais plutôt, d'objectif en objectif…"
Red marque une pause.
"Non… Non j'ai bien un objectif. J'ai un vieux pote a Armada qui disait -il y a forcément une histoire de cul la dessous, parce qu'il y a toujours une histoire de cul-. C'est un type un peu terre à terre mais il a plutôt une bonne compréhension de la nature humaine."
J'écoute attentivement ce qui va suivre, je dois avouer que je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me confie quelque chose de si intime quand j'ai ouvert la conversation.
"C'est pour ça que j'ai affronté Teach. Pas pour éviter a quelqu'un d'autre de le faire, mais pour être la quand elle le ferait. Bon, ça a tourné comme ça a tourné. Mais elle est en vie. Et elle va finir par y retourner si je ne le fais pas d'abord…. Alors…" Il mime un shigan. "alors l'objectif c'est la tête de Teach. Et ensuite… Ensuite je continuerais probablement à jouer le jeu, j'ai toujours été très bon pour ça."
"Jouer le jeu? Celui du grand méchant que tu n’est pas?" Cependant, c'est autre chose qui a capté tout mon intérêt. "Mais il y a plus important, une histoire d’amour!" Je glousse et fais un peu ma chipie. "C’est qui? Je la connais?"
"Elle était dans le journal à Parisse. Rachel Blackcrow, colonelle d'élite."
Je suis sur le c..! Que Red réponde à ma question, déjà. Mais en plus, c'est…
"Rachel... Rachel? RACHEL BLACKCROW!!! Toi et Rachel ? Vous avez…" Je touche le bout de mon index gauche avec le droit dans un geste assez explicite. "Quoique, vous étiez dans le même équipage… Ouh là là, il va te falloir beaucoup de fleurs. Et du bon vin. Non, ça se serait plus pour moi… " Je note aussi qu'elle en a gravi des échelons depuis notre dernière rencontre. "Mais tuer Teach, ce ne serait pas un peu extrême pour se faire pardonner? Peut-être qu’avant ce serait bien de lui faire un signe de vie. Qu’elle ne se jette pas à corps perdu dans une vengeance qui n’a plus lieu d’être."
"Ce n'est plus vraiment à l'ordre du jour depuis un moment. Vois plutot ça comme un cadeau d'adieu. Ou un solde de tout compte…" Me répond-t-il la mort dans l'âme.
"Oh... dommage… J’aime bien Rachel, elle est sympa. C’est bien la seule qui ne m’ai jamais traité différemment à cause de mes différences."
"Evidemment tu la connais. La marine est trop petite…"
"Oh, pas tant que ça, mais elle m’a sauvée la vie lors de la grande bataille de Jaya. Alors… ben voilà quoi…"
"J’étais déjà rayé des cadres à l’époque. Toi c’était quand?"
"Septembre 1625. Peu après je quittais les forces de la mouette."
"Tu quittais? Tu as démissionné ou on t'as mis dehors?"
Après ce qu'il venait de me confier, difficile de garder certains secrets.
"Je… je suis partie… je n’arrivais plus à porter l’uniforme. Après ce que j’ai fait à Jaya, c’était au dessus de mes forces."Lentement, je reprend mon souffle. "Mais un an plus tard, un peu par hasard, je suis tombée sur un certain Jakku Kattar, colonel d’élite qui a usé de son droit de conscription pour me forcer à rentrer dans le rang. J’ai été envoyée en stage express pour apprendre le rokushiki. Je crois, qu’au vu de mes capacités il voulait faire de moi une sorte d’assassin. Mais sur le chemin du retour, le navire a été abordé par Mantle et sa clique. J’avais Sakazuki avec moi et…" Je soupire. "j’ai fait ce que j’avais à faire pour protéger mon enfant. J’ai vogué six mois avec lui, le temps de me faire une petite réputation et quelques ennemis, puis… la suite tu la connais. Teach, l’Asile, la torture, les viol…ences. Heureusement que j’avais confié mon petit bout à des vieux amis sur l’île des hommes poissons. Sinon, Teach me l’aurait pris, et pire encore s’il savait qui est son père."
"Qui est son père?"
Nom d'une biscotte! Voilà la question à laquelle je n'ai pas envie de répondre. Et d'un autre coté, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. C'est moi qu'ai abordé le sujet. Je dois assumer. Ne pas casser le lien que nous venons de tisser. Sans m'en rendre compte, il y a un blanc. Parce que durant le temps que je passe à tergiverser, je ne parle pas. Et alors que Red s'apprête pudiquement à changer de sujet…
"L’ancien second du Malvoulant et certainement l’être pour lequel il avait le plus d’affection. Flist Gonz, le crochet."
"Je crois que je serais pas le seul à me sentir plus serein quand on aura collé Teach six pieds sous terre..."
Si je m'attendais à ça. Il ne se moque pas, il ne me rejette pas. Comme Shoma, il comprend l'information, mais… ce n'est pas qu'il s'en fiche. Un sourire se dessine alors sur mon visage. C'est juste que ça ne change rien pour lui. Et, par extension, ça ne modifie en rien la relation que nous entretenons. Pas très habilement, je change de sujet.
"Tu as un plan?"
"Quelques uns oui. Mais il falloir revenir à Armada pour les mettre en place. Ragnar est un môme sympa mais j'ai peur qu'il ne dure pas longtemps. Il va nous falloir des gens plus enclins à suivre les consignes. Et ensuite remettre ça, et cette fois sans se louper. Finalement c'est surtout moi que ça concerne…"
"Je pense que tu n’en auras pas le temps. Il a ma vivre card. S’il nous sait ensemble. Enfin, pas ensemble comme ensemble. Plutôt comme tous les deux. Mais pas comme un couple! Enfin…" Je me calme un instant, afin de me remettre les idées en place. "bref, il pourrait se servir de moi pour t’atteindre. Tu ferais mieux de m’abandonner dès que tu en auras l’occasion, ça vaudrait mieux pour la réussite de tes plans. T’inquiètes pas pour moi, j’ai un peu l’habitude d’être abandonnée maintenant, j’y survivrai."
"Tu as l'habitude alors tu prends les devants hein ? J'ai laissé un certain nombre de gens dans mon sillage pour en arriver la, je le fais plus. Je préférerais que tu restes."
Je crois que Red et moi, on se comprend bien plus qu'aucun de nous ne voudra l'admettre. Je me tourne vers Red une expression de reconaissance infinie sur le visage.
"Merci. Je ferai de mon mieux pour ne pas être un poids pour toi. On tuera Teach ensemble. Et une fois que ce sera fait, j’irai vieillir dans un petit village au bord de l’eau en ayant, j’espère, le plaisir de te compter parmi mes amis."
Red, tend sa main vers mon visage, s’arrête a quelques centimètres, hésite.
"J'ai essayé une fois mais j'ai pas tenu quinze jours. Tu crois qu'on va tous mourir et tu restes pour l'éloigner de Sakazuki, je comprends, c'est dur pour l'ego, mais je comprends. Et ça me fait plaisir que tu restes. Je suis sûr que t'es pas du genre a venir mourir avec n'importe qui…"
Je sens la chaleur de la main de Red, et c’est moi qui, à l'image d'un chat cherchant la caresse, vient trouver contact.
"Je ne veux pas mourir. Pas maintenant." Je sens dans ma propre voix un maque de conviction flagrant. "Mais si jamais ça devrait arriver… je ne te demande pas de t’occupe mon fils. Mais juste de t’assurer qu’il retrouve mes amis sur l’île des hommes-poissons."
Red m'attire contre lui.
"Ouais, ça c'est une promesse que je peux tenir."
"Merci."
Je dépose alors un tendre baiser sur la joue de cet homme. Puis je sors de l'eau.
"On devrait y aller, il se fait tard. Mais habillés, sinon, ça risquerait de jaser."
Il acquiesce d'un signe de tête, et on s'en va retrouver les autres.