Vassili Joukov

Vassili arriva dans un petit bureau. Elancé, les traits fins, le jeune soldat arborait un visage angélique assez loin des idées reçues que l'on peut se faire d'un membre de la Marine. Sa chevelure blonde resplendissante tombait sur ses épaules telle une rivière d'or. Son regard, lui, était acéré. Des yeux d'un bleu glace à en faire fondre les cœurs. De son visage enjôleur, seul le sourire manquait. En effet, Vassili était plutôt froid. Il ne souriait qu'en de très rares occasions et peut étaient ceux qui l'avaient vu en de telles expressions.

La déficience musculaire du jeune officier était caractéristiques de sa personne. Les soldats qui pestaient contre lui ne manquaient d'ailleurs pas de lui donner quelques surnoms tels que "la brindille". Après tout, il était bien plus frêle que le moindre homme de rang. Une situation qui énervait d'ailleurs allègrement les plus bourrins des soldats.

Tirant sa chaise, Vassili pris place tout en s'équipant d'une feuille et d'une plume. Au rythme de son poignée gauche de belles lettres s'inscrivirent. Au gré de ces belles courbes, il écrivit un mot à Miranda, sa mère.

Vassili Joukov, Lieutenant de la Marine régulière a écrit:Chère mère,

Je tenais à vous informer des quelques nouveautés qui rythme ma nouvelle vie. J'ai bien pris conscience que vous n'approuvez pas réellement mon choix mais si seulement vous me voyiez. Je n'ai jamais connu père, mais ma silhouette vous le rappellerait peut-être. Cet affreux uniforme bleu et blanc n'étant pas réellement à mon goût, j'ai opté pour une tenue plus élégante. Je vous remercie d'ailleurs de m'avoir donné le goût des belles choses. Couvert d'un sublime manteau d'un blanc immaculé, si je n'étais pas soldat j'aurais pu être un prince.

Désormais, et bien que je ne sache pas m'en servir tel un guerrier, je porte une épée à la ceinture. Je n'ai jamais eu l'occasion de m'en servir et j'espère bien ne pas avoir à le faire.

J'espère que d'ici que vous receviez cette lettre, mon nom aura résonné dans les rangs de la Marine. Dans l'espoir que je fasse honneur au nom de Joukov, puissiez-vous entendre mes faits d'armes jusqu'à Marineford.

De tout mon cœur,

Pliant soigneusement la lettre, Vassili déposa sa plume et la mis dans une enveloppe. D'un coup de langue rapide, il la referma et la mis de côté. Les coudes reposés sur le bureau, il se mis à réfléchir à son prochain ordre de mission. Comme à son habitude, l'index et le majeur droit soutenant sa tempe, il explorait ses pensées pour trouver la meilleure manière d'agir.

Un simple "tss-" vint troubler le silence, tic d'un homme qui était troublé. Sa faiblesse physique était un véritable frein pour son avancée. Son inefficacité au combat direct était parfois si handicapant qu'il en passait des nuits entières à tourner en rond. Il examinait toutes les possibilités pour mener à bien ses missions jusqu'à s'en rendre malade.

Vassili était un homme froid, dont le sourire était aussi rare que la bonhomie. Piètre combattant, il n'avait que très peu de confiance en lui. Couvé par une mère sur-protectrice, il n'alla pas dans le même sens que ses camarades d'école. Ses compétences étaient en d'autres matière. Stratège, il avait passé tant d'heures à jouer aux échecs qu'il avait développé un véritable don dans l'art de la réflexion. Etablir des stratégies était une véritable passion et il s'émerveillait à concocter des plans. Idolâtrant de nombreux auteurs de traités militaires, il portait en très haute estime le royaume de Doscar qu'il jugeait être le plus honorable de tous.
En intellectuel avisé, il avait de bonnes capacités pour gérer ses hommes. Ainsi, même s'il se considérait comme supérieur, il ne manquait d'encourager et féliciter ses hommes de rang lorsqu'il le fallait.

Adepte des règles de bienséance, Vassili est un homme très diplomate qui aurait sa place autour des tables fastueuses de la noblesse. Conciliant et bien éduqué, il est très loin de la brute écervelée qui n'en a rien à faire de la hiérarchie. Hautain, il dégage l'aura assez détestable d'un noble. N'aimant pas se mélanger à ceux qu'il qualifie de "bas peuple", son enfance étouffée à Marineford l'a quelque peu coupé de la réalité.

Cependant, les nombreux traits de caractère qui font cet homme découlent d'un complexe d'infériorité profondément ancré dans son être. Victime d'un conditionnement mental astucieux, l'emprise qu'à sa mère sur lui fait qu'il se sent inadapté. Dans un monde où la puissance fait foi, lui qui n'a aucune aptitude physique est donc très désavantagé. Il souffre alors énormément de cette position qu'il dissimule par une fausse assurance à toutes épreuves.

Enfin, Vassili est un stratège qui, malheureusement, n'a encore que bien trop peu d'expérience du terrain. Surdoué de la théorie, la pratique est son principal défaut. Le jeune blondinet manque alors de sang froid lorsque le hasard prend part à la fête. Qui plus est, si la malchance est en sa faveur, ou bien qu'il se trouve face à meilleur que lui son discernement sera alors grandement diminué. C'est le lot de tous ceux qui ont passés plus de temps sur un plateau de jeu que sur les terrains de batailles.

- Année 1602

Alexeï Joukov, le fier Contre-Amiral de la Marine est engagé dans un terrible combat. Empêtré dans une bataille interminable sur un îlot dévasté de Nouveau Monde, le haut-gradé n'est cependant pas le chef de cette expédition. Agissant sous les ordres de plusieurs Vice-Amiraux, tous mènent un assaut sans précédent contre la légende de la piraterie Vladimir Thoresky dit "Le Seigneur d'Ivoire". L'empereur pirate et les siens étant de véritables terreurs et malgré toute la hardiesse des forces de la Marine, ceux-ci furent écrasés. Dans les derniers instant d'une guerre meurtrière, Alexeï parvint à s'extirper de la mêlée. Muni d'une immense lance couverte d'or et d'argent il trancha quelques forbans avant de se d'arriver à son but. La fin était proche, il le savait pertinemment. L'espace d'un instant son esprit divagua. Il pensa alors très fort à Miranda, sa femme au ventre bien rond la dernière fois qu'il l'avait vu. Son cœur se serra et il s'en mordit les lèvres. Revenant rapidement à ses esprits il sauta par dessus les combats et pointa la lame de sa lance vers l'ennemi. D'un coup d'une violence inouïe il tenta d'ôter la vie à l'empereur qui, malgré la féroce volonté du Contre-Amiral, ne fut pas vraiment surpris. D'un pas de côté il se décala de l'axe de cette frappe et saisit le manche de la lance pour bloquer le soldat de la Marine. Puis, le sabre du flibustier transperça les entrailles d'Alexeï dont les yeux s'écarquillèrent de surprise. C'était donc la fin d'un valeureux officier. Crachant du sang en quantité, il ne voyait déjà presque plus rien. Il avait alors plus d'un pieds dans la tombe quand, même s'il n'était pas déjà mort, le Seigneur d'Ivoire tourna les talons pour poursuivre les combats. Un affront à l'honneur d'un homme déjà presque mort qui le rendit fou. Hurlant sa douleur, il parvint à soulever son arme une toute dernière fois et tenta d'éperonner le grand Vladimir Thoresky quand, sans qu'il n'ait le temps de réagir, ce dernier lui fit volte-face.

A cet instant précis tous les combats à proximité s'arrêtèrent simultanément. D'un un silence funèbre, la tête du Contre-Amiral tomba d'un cou tranché et roula au sol, témoignant de la cruauté de ces affrontements. Les soldats de la marine eurent un grand coup au moral et peu après la retraite fut ordonnée.

Ce n'est qu'une semaine plus tard que, de retour à la célèbre base de Marineford que les funérailles de ceux tombés au cours de cette opération militaire décevante eurent lieu. Quelques discours énoncèrent les exploits d'Alexeï Joukov, d'autres contèrent son humanité et sa bienveillance. Tous ceux qui l'avaient côtoyés en parlaient comme un homme d'exception ayant une volonté d'acier. Ils le décrivaient comme le soldat idéal, un homme qui aurait pu, un jour, devenir Amiral. Ses camarades défilèrent les uns après les autres devant une Miranda, voilée de noire, qui pleurait la mort de son mari. Dans ses bras, une petite tête blonde toute frêle avait les yeux fermées. Vassili fut alors présentés aux anciens camarades d'Alexeï pour lequel tous s'éprirent d'affection. Lui qui allait donc vivre sans père, ils éprouvaient énormément de pitiés pour la mère et le nouveau-né.

La veuve eu le droit, au vu des faits d'armes d'Alexeï, de s'installer à Marineford pour y élever son enfant. Ainsi, c'est au sein même du QG historique de la Marine que Vassili grandit.

Ce n'est que vers l'âge d'une dizaine d'année qu'il exprima pour la première fois sa volonté de devenir Amiral de la Marine. Un poste honorifique qui résonnait fortement en lui tant il avait entendu les exploits de son défunt père. Il espérait ainsi lui faire honneur et, bien qu'il ne soit plus, devenir sa fierté. Miranda, elle, n'était pas des plus enchantées à cette idée. Elle qui avait perdu l'homme qu'elle aimait n'arrivait pas à se résoudre qu'un jour son fils revêtisse l'uniforme à la mouette. Pourtant, elle ne se faisait pas vraiment d'illusion, vivant à Marineford elle ne pouvait espérer une autre voie pour son enfant.
C'est alors qu'elle usa d'un stratagème des plus ingénieux pour tenter de faire dévier le destin de Vassili. Sachant pertinemment qu'elle ne pouvait rendre son fils imperméable à l'influence de la Marine, elle fit tout ce qui était en son pouvoir pour qu'il ne devienne jamais un combattant. Alors que les camarades d'école du jeune blondinet faisaient beaucoup de sport et se battaient avec des armes faites de bois, lui était toujours à l'écart. Miranda lui mentit en lui faisant croire à une maladie rare lui interdisant les efforts physique. A la place de cela, elle appuya sur son éducation intellectuelle. Elle lui fit suivre des cours supplémentaires et le tourna alors vers une fonction plus administrative dans la Marine. Ce qu'elle espérait était d'en faire un diplomate ou tout du moins un homme évitant les terrains de conflits.

Cela fonctionna longtemps, très longtemps. Car ce n'est qu'âgé d'une vingtaine d'année que Vassili tint pour la première fois une épée. Médiocre dans son maniement, il repoussa l'arme d'acier pour s'installer derrière son jeu d'échec. Dans son élément, il faisait danser les pions et s'amusait à réduire les espoirs de ses adversaires. Joueur prodige, le blond était désormais devenu un homme. S'occupant de sa mère, il avait épousé la voie qu'elle lui avait dessiné. Il prit alors la mer pour rejoindre North Blue.
Là, il fut affecté à de nombreuses missions diplomatique, étant, tout d'abord qu'un simple observateur. Puis, petit à petit au fil des années il devint un membre actif des équipes des ambassadeurs et autres diplomates avec lesquels il travailla. Homme rigoureux, prévenant et de bon conseil il gravit petit à petit les échelons.

Seulement, son destin fut bousculé au début de l'année 1626. Du haut de ses 24 ans il était affecté à une visite diplomatique sur la petite île paisible de Tanuki. Une formalité pour lui qui, avec son attaché-case, découvrit une garnison en déperdition. Assez choqué, il exécuta tout de même ses missions avec exemplarité.

Simplement, les événements ne se déroulèrent pas réellement comme prévu. Un équipage pirate débarqua et commis de nombreux méfaits avant de finalement s'en prendre aux soldats de la Marine. Les combats furent terrible et la faiblesse des hommes de rang se fit sentir. Ainsi, bien qu'en supériorité numérique, ils perdirent de nombreux hommes. Les forbans tentèrent un ultime pari pour s'assurer de s'en sortir vivant. L'un d'entre eux parvint à rejoindre la cachette où se trouvaient les hommes de la mission diplomatique dont Vassili faisait partie.
Il défonça la porte derrière laquelle ils se dissimulait puis, sabre et pistolet à la main démarra les hostilités.

- Qui est l'ambassadeur ? hurla-t-il une première fois. Qui est l'ambassadeur j'ai dit ! Devant le silence de ces gratte-papiers il décida de passer aux choses sérieuse.

Tirant une balle sur l'un des homme du Gourvernement au hasard il réitéra sa question. Dans un brouhaha causé par les pleurs de celui qui fut touché et les cris des autres, Vassili se leva solennellement.

- C'est moi, ambassadeur Vassili Joukov !
- Très bien, suis moi et aucun de ces bouffons ne sera tué ! ricana le forban et faisant jouer sa lame.
- D'accord, je vous suis sans hésitation monsieur. Pourriez-vous leur permettre de s'échapper maintenant ? questionna le blondinet dont le coeur battait à tout rompre sous la peur.
- Ok, cassez-vous bande de minable ! hurla à nouveau le pirate en tirant une balle en l'air.

Tous les fonctionnaires, dont le vrai ambassadeur, prirent la fuite pour se réfugier le plus loin possible des combats. De son côté Vassili fut emmené au capitaine des pirates qui l'examina.

- Vassili Joukov tu dis, ça me dis quelque chose... Joukov... Jou... bon ce n'est pas le moment. On est près Gromel ? demanda le capitaine à son second.
- Oui capitaine !

Les deux hommes, dissimulé derrière une petite cabane en bois sortirent de leur cachette, armes à la main. Face à eux l'affrontement opposé les deux factions faisait rage. Ils hurlèrent pour se faire entendre et purent alors faire comprendre aux soldats de la Marine que ceux-ci avaient d'ores et déjà perdu la bataille.

- Nous avons votre ambassadeur, si un seul de mes pirates meurs alors on lui tire une balle, expliqua-t-il alors que son second avait son pistolet braqué sur la tempe de Vassili. Compris ?!

Les soldats stoppèrent les combats automatiquement. Le Colonel, lui, avait déjà vu l'ambassadeur et savait pertinemment que ce n'était pas la bonne personne que les flibustiers avaient capturés. Cependant, il ne pouvait sacrifier la vit d'un jeune innocent d'une telle façon. Alors, bien que dans un sacré dilemme de conscience il décida de jouer la comédie.

- D'accord, nous lâchons les armes si nous le rendez ! Annonça-t-il.
- Ce n'est pas exactement comme cela que les choses vont se passer, vous nous escortés jusqu'à notre navire et vous nous laissez prendre la mer ! On le libère dès que l'on est à bord, ça marche ?
- Je pense que je ne suis pas vraiment en position pour négocier, très bien ! confirma le Colonel.

Devant tant de médiocrité, Vassili qui s'était dévoué assez subitement fut dégoûté. Face à lui, un officier qui ne cherchait même pas à négocier. Un homme qui ne paraissait pas très prompt à prendre des décisions et par-dessus tout, un homme d'une faiblesse déroutante. Révolté dans son for intérieur, le jeune homme parvint à réfréner ses états d'âme pour rester dans son rôle.
Tous prirent alors la direction de la côte et les pirates, embarquaient alors dans des canots pour rejoindre leur navire.  

- Vous pouvez relâché notre ambassadeur désormais ? Demanda le Colonel.
- Négatif, d'abord nous montons à bord ! Refusa le second de l'équipage dont l'attention n'était plus vraiment tournée vers le captif. Confiant, il ne pensait plus qu'à se moquer des soldats qui se trouvaient bloqués.

Le Colonel fit alors pointer deux canons vers le navire en guise de menace. Sans grand effet, tant les forbans se sentaient intouchables avec l'ambassadeur à leur merci.

- Attendez monsieur le Colonel, ahaha il faut respecter ses engagements !
- Alors envoyez-nous l'ambassadeur immédiatement, tonna le gradé.
- Oh oh, c'est qu'il est énervé le m'sieur ! se moqua le capitaine tandis que sa barque était arrivée au niveau du navire.

Là, il se dressa fièrement. Il avait vaincu les soldats de la Marine et, avec sa prise, était désormais capable de leur échapper sans grande difficulté. Après tout, les canons n'étaient qu'une dissuasion peu vraisemblable. Quel soldat aurait osé tirer alors qu'un membre du Gouvernement était entre leurs griffes ?

Alors que le capitaine se retourna pour grimper à l'échelle de corde qui le mènerait au plancher de son navire, il ne vit qu'une masse grise lui fondre dessus. Un bruit de chair charcuté suivit de hurlements de douleurs alerta tout le monde. Poussé par l'adrénaline, Vassili avait pris le sabre à la ceinture du second qui ne le surveillait plus et venant d'asséner un coup fatal en plein centre d'un front du capitaine pirate. Fendant ainsi le crâne de son kidnappeur, il choqua toute l'assemblée et lui-même avant tout.
Dans un ultime instinct de survit il parvint à sauter dans l'eau avant que qui que ce soit ne réagisse et n'entendit, par la suite, que de lointain bruits sourds. Les bombardements durèrent quelques secondes avant que, finalement, les pirates ne se rendent. Sans chef et à la merci des canons, ils ne résistèrent pas plus qu'il ne le fallait.

Le lendemain, ce fut avec les honneurs que Vassili fut convié à la base de Tanuki. En présence des soldats, de l'ensemble de l'équipe diplomatique ainsi que des dirigeants de l'île il fut remercié et son courage fut salué. On le félicita et lorsque vint le moment pour lui de faire un discours, il déclara son ambition d'intégrer la Marine. Des dires qui ravirent les soldats qui louèrent le héros de la veille et qui firent faire la grimace à l'ambassadeur qui perdait alors un élément sur lequel il aurait pu compter. Cependant, ce n'est qu'un mois plus tard, lors du retour de Vassili à Marineford que tout fut officialisé. Devant le visage abasourdit de sa mère, le jeune homme fut intégré aux forces de la Marine régulière. Un océan de tristesse envahit Miranda dont les pleurs, bien que discrets, ne cessaient pas. Vassili, lui, était évidemment fier. Faisant ainsi honneur à son défunt père, il empruntait alors sa voie. Son rêve de devenir Amiral ressuscita aussitôt et l'audience témoin applaudit. Après tout, le fils Joukov ne pouvait embrasser une autre voie que celle de l'uniforme.

Débutant au plus bas de l'échelle, il gravit rapidement les échelons. Affecté sur North Blue, il passa d'île en île. Ses lacunes physiques ne passèrent pas inaperçues mais furent comblées par ses prises d'initiatives opportunes et parfois décisives. Vassili Joukov était alors un véritable soldat et s'apprêtait à faire connaître son nom de part le monde.