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Escale à tort

Voilà plus d'une heure que le navire mouillait le long des quais de la ville-casino, large et lumineuse. Et dire que quelques dizaines d'années auparavant, il n'y avait pratiquement rien ici : cet endroit aussi pittoresque fut-il me faisait penser à Troop Erdu et son funeste destin. Il était difficile de se dire qu'il existait pire dans les Blues...

« - Profitons-en pour trouver un autre rafiot, le temps de rejoindre le Nouveau Monde.

- Pour ça, on aurait dû rejoindre Alvel non ?

- Pas besoin. Une goélette ou un petit trois-mât, ça doit se trouver ici. Nous aviserons davantage lorsque nous serons de retour en eaux pirates. »

Angelica faisait la moue. Elle avait hâte d'énoncer ses conditions pour notre futur bâtiment ; elle mourrait d'envie de posséder sa propre bibliothèque à bord. Mais il lui faudrait prendre son mal en patience...

Je n'aimais pas Grand Line : j'avais lourdement contribué à pacifier plusieurs îles et savais aujourd'hui que le Gouvernement Mondial avait la mainmise sur la plupart des voies. Nous étions en territoire ennemi, et ce jusqu'à ce que nous traversions Red Line. Là encore, ce ne serait pas une partie de plaisir, mais je connaissais des passages officieux entre les deux mers figurant sur des cartes au G-0. Il nous fallait nous préparer et partir en vitesse.

Je laissai derrière moi le Fantôme et son navire, lui rendant volontiers sa cabine mais pas son honneur aux échecs : plusieurs parties résolues assez rapidement avaient eu raison de son envie de lutter, lors de notre traversée. Pour l'instant, j'ordonnais à mes hommes de se disperser sur les quais, leur donnant une heure précise à laquelle se regrouper le lendemain. Ils étaient évidemment priés de ne pas faire de grabuge, auquel cas je m'occuperais personnellement de leurs fesses et aucun n'avait envie de voir ça.

Accompagnée de mes deux Lieutenants, j'avisais la suite :

« - Il y a une base de la Marine ici, mais à part quelques blancs-becs, tout le monde est pourri jusqu'à l'os. C'est pour cela que j'ai choisi de faire étape ici.

- De toute façon, on va pas rester plus de quelques jours. Trouvons-nous un établissement où on se posera pas trop de questions sur notre identité. J'irai voir pour un navire demain aux premières heures.

- On est au bon endroit pour ça aussi. »

Pas besoin de se taper une taverne ou une auberge miteuse : les casinos et hôtels vivaient aussi bien des riches rentiers que de la lie des mers, tant que les clients payaient. Après nous être enfoncés dans la métropole, un de ces établissements s'imposa à nous comme le meilleur choix. « Au Bon Pirate », c'était pratiquement un pied de nez à la Marine, et pourtant : à l'intérieur, on y trouvait de tout. Au rez-de-chaussée, une grande salle avec de multiples tables de jeux et bars s'étalait à gauche de l'accueil. À droite, des ascenseurs et une cage d'escalier menaient aux étages supérieurs.

Trois mots échangés puis je jetai les liasses pour trois chambres séparées, trois nuits, en prévision. Nous ne resterions probablement pas plus d'un jour, mais au moins ça permettait de voir large en plus de brouiller les pistes.

Rendue au deuxième étage, ma clé pivota dans la serrure en même temps qu'Angelica rentrait dans son appartement ; nous étions l'une à côté de l'autre tandis que Karen, elle, avait écopé d'une suite au quatrième en raison d'un manque de places. Il avait fallu aligner quelques billets en plus, mais rien de faramineux : l'homme au guichet nous avait fait un prix. Je le suspectais d'avoir déjà vu nos visages sur des avis de recherche.

L'ensemble blanc se dévoilait devant mes yeux, tout en propreté et en finesse. Le soleil, encore haut dans le ciel, illuminait la chambre proprette. Parfait. Je déposais mes affaires et me précipitais sous la douche pour profiter de ce confort rare en mer et pourtant essentiel. Dix minutes passèrent avant que je ne sois finalement prête à passer commande à la réception pour une robe figurant sur un catalogue. Enroulée dans une serviette, je reçus le paquet sans trop d'attente et remerciai le groom avant d'enfiler la fameuse tenue d'apparat légèrement trop serrée et rejoindre la fête.

***

Faisant le tour de mon verre de martini du bout de l'index, je regardais les tables, n'y trouvant qu'un seul intérêt pernicieux : celui de faire enrager mes adversaires. Je n'avais aucun talent pour cela, je préférais donc observer en jouant la groupie, en me collant aux côtés d'un riche bourgeois ou d'un criminel vénal et en le soutenant, si je voyais qu'il gagnait la partie. Je pouvais lire la rage et l'envie dans les yeux de ses ennemis, avant de m'effacer et passer à la table suivante. Finalement, faisant trêve de pusillanimité, je me prêtai au jeu.

« - La première carte est un huit de trèfle. »

Éloignant la cigarette de ma bouche et sirotant mon verre, je regardais mon jeu. Mal barré. Mais je ne laissais rien paraître. Je continuais à miser jusqu'à ce que toutes les cartes soient sorties, misant gros à chaque fois, usant de mon aura pour pétrifier mes adversaires et leur faire comprendre que je ne déconnais pas. Puis dévoiler mon bluff et entendre les dents crisser avant de remiser mes gains dans un sourire diabolique.

« - Reine de pique. »


Dernière édition par Eleanor Bonny le Jeu 20 Mai 2021, 08:36, édité 2 fois
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Kikai no shima, premier jour de la deuxième semaine. Je viens d'arriver dans ce qui me semble être une réplique de Manshon, en plus grand, en plus décadent, en plus dangereux aussi. J'suis pas ici pour goûter l'ambiance, ni pour faire des emplettes, ni pour jouer à celui qu'a le plus de chance au dés. Non, la seule raison de ma présence dans ce trou à rats -des rats plus cossues que la moyenne voilà tout, c'est de repérer le meilleur endroit pour tendre un piège à la mafia locale. Une mafia aux allures de piraterie, qui prend source dans la puissance d'un chef et d'un capitaine, qui dirige les Chimamires d'une mains de fer.

Partout règne l'omerta, alors j'risque de devoir découvrir par moi même le meilleur spot pour faire du grabuge, et attirer à moi un primé du calibre de Klaus, le second de l'équipage, et accessoirement leur brute la plus épaisse.

J'me ballade dans les rues, j'ai déposé mes affaires à la consigne du port, contre quelques deniers. Une pièce de plus m'a assuré que tout resterait en place jusqu'à mon retour. L'appât du gain, meilleur pourvoyeur du bon fonctionnement des choses dans notre monde. C'est aussi ce qui donne le plus de chaos, mais ça j'préfère l'oublier, dans le fond du verre qui m'accompagne. Je fais tournoyer le whisky bas de gamme que j'ai commandé à une auberge pourtant chicos.

L'auberge porte un nom qui prête à sourire ... "Au bon pirate", c'est pas vraiment ce que j'aurais choisis pour ce type d'établissement.

J'dénote dans le lot, avec ma longue cape sans manche, ma capuche descendu sur mes épaules, mes tatouages et mes cicatrices. Semblerait que c'est la fête aujourd'hui. La question serait de savoir s'il y'a un seul jour qui passe sans que ce soit la fête, à Kikai no Shima. Pas mon problème, j'suis la pour le travail, même si mon boulot c'est surtout de fracasser des crânes, et remettre des égos en place. J'suis pas un genre de justicier, mais simple bon samaritain j'aide mon prochain au quotidien.

La justice est aveugle, tandis que moi j'veux tout voir, tout entendre, tout sentir. La justice frappe sans queue ni tête, et moi j'ai les deux. L'un bien caler dans mon falzar, l'autre encore sur mes épaules. Mes longs cheveux ramené en catogan, je finis mon verre et me fige.

Cette tête. J'la connais. Tout le monde la connait maintenant remarque. Surtout quand on veut devenir Chasseur de Prime et rafler tout les berries que peuvent offrir ses enfoirés de la mouette. J'me rappelle plus de son nom, mais j'sais que dans le top 10 des tête d'affiche, elle a sa place. Alors j'me remet en mouvement, pour être plus discret qu'un pauvre type avec une tête d'ahuris, mesurant deux mètres, en plein milieu du passage.

- Chaud devant !
Que j'entends, et je me décale pour laisser passer un serveur pressé, qui serpente dans la foule avec son grand plateau au dessus de la tête, des verres à foison remplissant chaque centimètres carrés de son instrument.

Je m'approche de la table comme tout les autres badauds qui n'ont pas un sous en poche. J'regarde de temps en temps la p'tite dame. Elle est plutôt jolie. Jolie mais dangereuse. J'oublie pas qu'elle est plus crainte sur ses mers que moi, et qu'elle me rend sans doute le double de ma force brute. Il y'a des gens comme ça, vous aurez beau faire tout les efforts du monde, vous n'arriverez jamais à les dépasser. Et celle là, j'ai le sentiment qu'elle tutoie le ciel, tandis que moi j'me trouve encore les deux pieds sur terre.

Elle met à mal tout le monde avec son aura féroce, même ceux qui regardent sont intimidés. Même moi, j'ai du mal. Alors quand l'un de ses adversaires se lève en montrant les dents, j'peux pas m'empêcher de penser que ça va tourner au massacre.

- DITES DONC ! Vous trichez, je vous ai vus ! Arrêtez donc de nous intimidez, et jouez le jeu ... Qu'il commence à crier, mais plus il avance dans son discours, plus il murmure du charabias incompréhensible. Même lui sait pas quelle mouche la piqué. Sans doute un pirate envieux de plus fort que lui. Seulement, il voit bien que tout le monde le regarde, qu'il va être la risée de tous s'il se décourage. Il peste et sort une arme de son veston.

C'est là que j'interviens. Me plaçant entre lui et la cible. Déjà, il déglutit, voyant une masse de presque deux mètre le surplombant, lui faisant de l'ombre. Puis une grosse paluche attrape son arme, qu'il déclenche automatiquement. Détonation, frayeur du publique. Moi j'rigole doucement dans mon fort intérieur, ça n'a pas plus piqué qu'un moustique. C'est pas ce genre de calibre qui va m'blesser, même si un peu de sang dégouline de ma main.

J'broie l'arme en serrant très fort.

- Si j'étais toi, j'me considérais chanceux et j'me casserais sans faire d'histoire. Mais t'as raison, j'suis pas toi... Que je fais en le regardant dans les yeux, devenant presque glacial, cassant. Moi aussi j'ai une aura, et elle est pas tendre.

Il ramasse ses affaires, et s'barre en maugréant. Je jette l'arme sur le plateau à vide du serveur, qui repasse par là comme si c'était le bon moment pour lui d'entrer en scène. Bah bravo, tout le monde me regarde maintenant. On passer pour l'opération en sous marin.

Je m'installe à la table et dit sobrement :

- Cartes.

Et le temps semble reprendre son cours, comme la partie.


Dernière édition par Judas le Jeu 27 Mai 2021, 13:05, édité 1 fois
    Une altercation toute naturelle ; j'étais tout sourire face à l'homme honteux qui s'enfuyait la queue entre les jambes, malheureux perdant du duel de regard avec le géant. Enfin, un homme de grande posture, en réalité. Il s'était assis à la table, prenant la place du fuyard, me dévisageant quelques peu. Le dealer ne fit pas de cas du changement de participant, il distribua les cartes sans broncher.

    « - La première carte est un as de pique. »

    Quatre des cinq cartes dévoilées à présent ; la partie commençait fort, mais après une victoire obtenue grâce au bluff, il était temps de jouer profil bas. De toute manière, le jeu ne m'intéressait plus autant et j'avais prévu de me coucher. J'attendais juste de voir quelles opportunités j'avais de capter mon audience une dernière fois, avant de les laisser réaliser que je resterais seule héritière de mes gains.

    « - La seconde, un roi de trèfle.»

    Je cernais la possibilité d'étaler mes deux paires désormais, mais je devinais quelque chose de plus fructueux à la table. Je sentais une forme de fierté émaner du participant à ma droite grâce à mon mantra, ainsi j'annonçai :

    « - Je me couche. »

    Petite mise, de toute manière, il n'y avait que très peu à perdre. Je fis mine de me lever de mon tabouret, récupérant mes jetons pour les échanger au comptoir de devises. Avec cela, je pourrais très probablement rembourser ma nuit à l'hôtel : c'était ainsi que les choses fonctionnaient ici. En m'éloignant, je pouvais sentir le regard du dernier venu couler sur mon dos, une observation loin d'être anodine. Résolue à en savoir plus, je pris un verre au bar le temps de le voir quitter la table à son tour et le suivis discrètement en dehors de l'établissement.

    La nuit était claire : l'astre lunaire haut levé dans le ciel éclairait le firmament et rivalisait avec les illuminations étourdissantes des casinos et salles de jeux. Seulement quelques bâtiments avaient conservé leur sobriété dans cette ville où l'on ne dormait jamais, ni ne voyait les étoiles. C'était probablement le seul endroit où une femme pouvait circuler en toute sécurité la nuit, sans risquer quoi que ce soit. Du moins, c'était ce que je pensais. Mon allure me trahit : certains crurent que j'étais une riche rentière et, en cherchant à filer mon homme, concentrée sur sa trace, je ne remarquai pas ceux qui me traquaient depuis une petite ruelle traversée à la hâte. Ils n'avaient aucune idée d'à qui ils cherchaient des noises, lorsque l'un d'entre eux me prit à revers et bloqua contre mon cou la lame effilée d'une dague.

    « - Alors ma jolie, on cherche quelque chose ? »

    Des rires gras suivaient, quatre ou cinq : deux hommes apparurent devant moi, on aurait bien dit que l'attrait de l'argent seul ne leur suffisait pas. Ils voulaient plus. Sur le coup, je manquai de jugeote : plutôt que de réagir derechef, je laissai mon ravisseur jouer de son poignard pour tenter de m'impressionner et essayer de faire perler du sang en rapprochant l'arme de l'angle de mon cou. Probablement novice, il trancha trop profondément et me fit une entaille normalement suffisante pour provoquer une mort par hémorragie. Cependant, les regards incrédules de ses congénères durent le mettre rapidement au parfum : il se passait un truc pas net.

    « - Putain, qu'est-ce que c'est que ç- »

    Fin de la discussion. Dans un jeu de jambes aérien, les faisant tourner devant moi, je me libérai tout en déchargeant des courants d'air tranchants sur l'ennemi. Une seconde plus tard, les complices du ravisseur étaient à terre : il ne restait plus que celui qui, ahuri, regardait le bout de mes doigts chercher à refermer la plaie ; inutile, il me fallait rentrer à l'hôtel pour régler ça.

    « - Q-qu'est-ce que t'es bon sang ?

    - Une pirate. »

    Mon talon vola haut et, en un clin d’œil, s'écrasa violemment sur la boite crânienne de ma victime, lui faisant sortir les orbites et tout le tralala comme du citron pressé. Je pestai en voyant l'allure miteuse de ma chaussure après cela, me débarrassant des deux exemplaires pour les laisser sur les lieux du crime. Je n'étais pas seule de toute façon, il y avait un témoin :

    « - Pas besoin de prendre ma défense ; comme tu le vois, je peux me débrouiller seule. De toute façon, tu sais qui je suis pas vrai ? »
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    Je mire celle qui m'a fait sortir de mon infiltration pour quelques instants. J'dois vérifier, recouper, et prendre une décision. Après tout, m'semble qu'avec sa prime, j'pourrai me payer tout les permis du monde, et bien plus encore. C'est une vraie mine d'or, une poule à berries qui chie de l'argent par tout les trous, tellement on veut sa tête sur le billot. Y'a des gens, comme ça, ils ont le don d'énerver tout le monde, même si moi le côté de la loi duquel tu te trouves ne m'émoi guère, ma chère pirate. Même si je l'attaque, personne m'dit que je vais en sortir vivant. De toute manière, on attrape pas des mouches avec du vinaigre, et l'argent appelant l'argent, je reste quelques tours de plus pour asseoir ma position sur la table. J'utilise mon flair et ma carrure imposante, j'utilise mon instinct de chasseur, pour faire doubler la mise.

    Cela fait déjà longtemps qu'elle est partie, mais j'dois jouer mon rôle, comme tout à chacun dans sa vie. Pour l'instant je la cherche du regard, mais elle a disparu.

    Puis j'quitte la table de manière anodine, presque anonyme. En attendant, j'ai du pain sur la planche, et c'est pas en poursuivant des chimères que je vais gagner de l'argent. J'suis même pas sûr de mon coup, juste que sa tronche m'revient comme si elle était dans letop of the top. J'récupère mon argent, et me confonds avec la foule éclectique qui se presse à l'extérieur de l'auberge. Y'a toujours du monde dans les rues de Kikai no Shima, de jour comme de nuit. Et un dicton dit que si tu prends la bonne ruelle, tu trouveras toujours ce qu'tu cherches.

    Je déambule, poussé par la rumeur de la nuit, et une sorte d'instinct qui m'dit que des surprises m'attendent, cette soirée là. Grand Line restera décidément toujours pleine de surprise. J'en prend plein la gueule de lumière, et j'me dirige vers des quartiers moins éclairés, moins animés, plus dangereux aussi. A un moment, j'commence à prendre conscience de ce qui se trame ici. Des présences dans mon dos, un regard appuyé derrière moi m'fait m'en rendre compte, j'suis pas tout seul dans ces coupes gorges. Une silhouette au loin, des hommes qui suivent une femme qui fait pas un seul bruit, même en talon.

    Une chaîne vole de ma manche, une chaine terminé par un instrument triangulaire et tranchant, perforant, qui se plante dans le mur, tirant en sautant j'atterris sur le toit avoisinant en une roulade digne du seigneur Auditore. Il avait sut marqué ma chaire, et faire de moi un autre homme, prenant plus de précautions, plus discret, plus affuté aussi. Mon premier entraînement l'avait été par un homme au savoir faire réelle dans l'art de déverser la mort. Et j'utilise à présent ses petits trucs et astuces pour me frayer un chemin entre les toits de Kikai no Shima.

    J'arrive un peu tard à hauteur de ma cible, qui se trouve alors en très mauvaises posture. J'vais intervenir quand elle se relevé d'un coup mortel, comme si de rien n'était. Par quel magie peut-elle être animée d'une volonté de vivre pareil ? Je n'aurais su dire comment on pouvait avoir autant de rage en soi, et la transmettre d'une manière si efficace. Elle se débarrasse des hommes crasseux qui voulaient la coincer, et je reconnais alors la dame avec qui j'ai partagé une table de jeu. Je vois, cela devenait dangereux.

    Et j'aimais frôler avec sa ligne, ses limites et ses avertissements. Je n'suis plus sur ma Blues, ou l'on a peur de moi, et où ma réputation me suit partout. Ici, j'suis un petit homme dans un gros bac à sable. On peut croiser des personnalités comme celle qui se trouve là, sous mes yeux. J'allais poursuivre ma route quand sa voix m'interpella et me figea sur place. J'étais repéré. Mon professeur serait très déçu mais à ma décharge, j'pense que cette fille est une sorcière.

    - J'suis qu'un type curieux, j'pensais pas avoir attiré l'attention de quelqu'un de ton calibre, sinon j'aurais pas fais demi tour. Que je fais en sortant de ma torpeur. De toute manière c'est déjà trop tard, non ? Si j'fuis, je joue son jeu. Si je reste et que j'discute, j'pourrais tirer au clair toutes ses histoires d'identité. Car même si j'suis sûre qu'elle est recherchée, j'me demande à quel sauce je vais être mangé.

    Je me penche du haut du toit, coinçant ma chaine dans un rebord, je glisse le long d'un mur sur les pieds. Encore un tour appris au côté de mon ami révolutionnaire. Il faut dire que son opération nécessitait du doigté, même si je fais pas avec le dos de la cuillère, j'ai appris à me modérer. D'abords, elle ne sait rien de moi, et en soi, j'ai l'avantage grâce à cela.

    - Judas, Le lion de North. J'suppose que mon nom ça te dit rien, alors autant te dire que j'ai rien d'un enfant de coeur. Mon regard se plante dans le sien, après tout, c'est pas la peur qui va me freiner, autant apprendre tout de suite mes leçons. Pour le monde, j'suis qu'un mercenaire retraité, qui a longtemps vogué sur les Blues pour régler des comptes, faire payer des dettes... Bref, j'suis un mec proche de la mafia, et ça se sait. Autant jouer mon rôle encore un peu, plus j'aurais l'air menaçant.

    Et mon instinct me dit que la p'tite dame en face de moi c'est le genre d'adversaire que tu ne veux pas menacer. Elle est plus petite que moi, mais d'elle se dégage une aura féroce, presque animale. Le même genre que la mienne, à son âge. Furieux d'avoir vieillit, et de m'être assagit, la part de moi qui veut toujours se battre avant de négocier, de discuter, de tâter le terrain, s'agite dans mon estomac. L'air est tendu entre nous, je respire calmement malgré tout. J'ai l'habitude de la tension.

    - Par contre tu te trompe sur un point, même si ta tête m'dit quelque chose, j'ai aucune idée de qui tu es... J't'ai pris en sympathie toute à l'heure, parce que pour moi la puissance n'a aucun point commun avec la tricherie. J'ai un ami qui disait que "Rien n'est vrai, tout est permis", t'en penses quoi ? Que je lui fais, anodin.

    Pourtant, tout mes muscles tendus, je suis prêt à dégainer. J'ai pas l'air de ce que je veux faire, juste qu'entre mon instinct de combattant qui me dit de frapper, et ma raison bien gardée, qui m'dit de la jouer fine, j'sais pas quoi faire. Je me gratte la tête, et j'attends la suite.
      « - Tous les coups sont bons pour gagner. Après, faut-il en assumer le prix. »

      Ce Lion de North me regardait sans sourciller, même si je ressentais une forme de pression exercée sur lui. Je m'étais habituée, depuis le temps, à ce que ma présence ait un effet sur le commun des mortels ;  il était clair que ma puissance s'était élevée bien au-dessus du plus grand nombre. Mais je n'étais plus cette tueuse sanguinaire qui pouvait raser une ville pour justifier les actions d'autrui, j'avais mes propres objectifs désormais.

      Et je n'avais plus aucune raison de dissimuler ma véritable identité.

      « - Eleanor Bonny. Je suis ce que l'on appelle communément une pirate, » dis-je en regardant aux alentours, pour être sûre que ce n'était pas un piège de la Marine.

      Aucune âme qui vive, parfait. Je posai un pied sur un macchabée comme s'il s'agissait d'un butin, le faisant rouler avant de cesser mon petit jeu. Que des petites frappes, rien qui ne vaille quelque chose pour dissuader mon invité de partir avec un pactole et me fiche la paix.

      « - Ma tête est mise à prix, cela ne m'étonnerait pas que tu l'aies déjà vue quelque part. Beaucoup me connaissent, en réalité ; le gouvernement veut ma mort plus que quiconque. »

      Je me rapprochai de mon interlocuteur, le sentant davantage sur ses gardes à mesure que j'avançais, puis le dépassai sans en tenir compte. Il semblait évident que je n'avais pas l'intention de faire de vieux os ici : la lune était encore haute et la soirée promettait d'être longue. Je pouvais m'enticher d'un peu de compagnie, mais le laissais faire son choix. Le Lion pouvait aussi prévenir les autorités, mais il n'y gagnerait rien ; de plus, je connaissais son identité à présent.

      « - Tu connaitrais un coin tranquille où l'on peut trouver du bon gin ? Ces lumières m'aveuglent et je préfère voir du pays qu'un concours absurde d'illuminations. »

      J'espérais correctement faire référence à un troquet, à quelque chose de miteux où je pourrais trouver des loups de mer à mon image. Il y avait des mouvements révolutionnaires ici, je le savais, j'aurais bien aimé entrer en contact avec eux. Lui aussi, peut-être ? Je tentais ma chance, au cas où il en ferait déjà partie. Il n'était pas forcément mentaliste donc je précisais la question :

      « - Un endroit où les mouettes n'osent pas fourrer leur bec. Et encore moins les cafards. »

      Aussitôt, l'une de mes dagues se décrocha de son étui fixé à ma cuisse et vola entre deux poubelles. Un bruit mat m'informa que j'avais bien atteint ma cible ; le corps s'effondra dans l'ombre, en silence. Je récupérais mon arme, toisant l'agent qui m'avait filé jusque là. La question était : depuis quand étaient-ils au courant ? Outre mesure, je me demandais aussi si mon invité allait rester sans ciller devant ces meurtres, ou bien s'il n'en tiendrait pas compte. Je fouillai prestement le cadavre, cherchant des doigts la pochette secrète qui contenait une carte, la carte. Une fois sortie, je la brandissais à la lumière tout en décryptant l'immatricule, le code secret que n'importe quel agent connaissait pour identifier un pair.

      Mon visage se décomposa légèrement sitôt que l'information transparut :

      « - CP8. On a des ennuis. »

      À présent, mon regard criait de se barrer d'ici. Mais la situation pourrait aussi bien tourner à mon avantage, si j'avais un guide pour m'amener auprès d'alliés. Le CP8 œuvrait en plans cousus de fils blancs à cause de leur nombre ; avec mon aide les rebelles pourraient parfaitement renverser la situation, si jamais les agents se décidaient à passer à l'action.

      Et ce Lion de North m'y aiderait, qu'il le veuille ou non.
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      Je m'suis embarqué dans une galère sans nom, enfin si j'en ai un sur le bout de langue qu'elle ne dissimule même pas. Eleanor Bonny. Une Supernova, rien que ça. Même si j'suis ici pour récolter des informations dans l'but de devenir chasseur de prime, j'ai jamais pensé pas tomber derechef sur une des primée les plus recherchée des mers connues en ce moment. Disons la plus récente en tout les cas, car je n'avais jamais entendu parlé d'elle avant de feuilleté l'annuaire des primes de la marine.

      Faut pas m'enlever un truc, c'est que mon boulot, j'le fais bien règle générale. J'ai jamais rechigné à la tâche, ni démérité, même si mon truc c'est plus la castagne. Il faut de l'instinct dans ce genre de discipline, et mon sens de la survie est si pointu que beaucoup s'y piquent.

      Alors quand j'vois une dame comme Miss Bonny, j'sais à peu près de quoi on parle ; Grosse prime, grosse puissance, grosse histoire.

      - La marine veut la mort de beaucoup d'monde, ces temps-ci. Doit être la tradition qui veut ça. Que j'lui répond, haussant les épaules, avant d'assister un peu pantois à son cinéma. J'sais que quelque chose cloche. Même si je m'suis détendu, le sentiment de malaise me reprends, j'sais qu'elle prépare un truc sournois, alors je retends ma masse musculaire.

      Avant de voir où elle veut en venir rien qu'en l'écoutant parler, sorte de mélange d'avertissement, et d'un brin de sentence irrévocable. J'me sens dans l'obligation de l'accompagner, et de lui trouver un endroit au calme. Pas que je sois un quelconque obligé, mais j'suis surtout un survivant, du haut de mes trente et quelques berges à arpenter ce monde, j'sais reconnaître les talents qui ont murît plus vite que d'autres. Les fruits mûres à l'intérieur comme cette Eleanor, sont pas du genre à demander la permission, mais plutôt à prendre les devants.

      Elle descends un type de sang froid, sans sourciller. Même si elle  ne me tue pas maintenant, qui dit quand j'deviendrais gênant, comme ce type, et qu'elle m'éliminera ? J'suis sensé être de l'autre côté de la loi, après tout. En tout les cas, je m'en rapproche dangereusement, et j'ne peux pas penser autrement que cette rencontre est là pour me dissuader de devenir un chasseur. Je vais devoir me coltiner ce genre d'animal à l'avenir, j'ai intérêt à reprendre les entraînements, et le combat réel si j'veux pas finir dans un coffre en sapin, au fin fond de la mer.

      - J'vois ça, en tout les cas tu sembles plus inquiète que moi. Être un inconnu semble me servir, pour une fois. Je vais quand même pas passer à côté de l'occasion de t'voir à l'action. Que je fais en lui emboîtant le pas, me penchant pour voir ce qu'elle fait près du cadavre. Elle remballe une carte sans m'dire ce que c'est, mais comme le type est agent secret, j'me doute que c'est quelque chose qui a été spécial pour lui. On garde pas sur soit quelque chose de superflus quand on est en opération, moi qui suit un mercenaire, j'ne peux que le comprendre au mieux.

      - Viens avec moi, j'connais l'endroit qu'il nous faut pour taper causette, et peut être même que y'a quelques spécimens qui s'intéresseront à ton histoire, qui sait ?

      A moins que j'me trompe et que j'ai mal lu entre les lignes, elle n'est pas ici que pour faire du tourisme. P'tet qu'elle cherche des alliés, ou bien à faire main basse sur quelque chose. Ou bien échapper à des tonnes d'ennuis. En tout les cas, le Salamanca, c'est le troquet qu'il lui faut. Là bas, y'a toute la clique des réprouvés de Kikai no Shima, des hommes sans gloire, sans honneur non plus. Mais qui savent faire des affaires, et aussi le sens du mot survie.

      Un jour d'plus passé sur cette putain de planète. [/b]
        Je suivais le guide sans faire d'histoires. Ma petite passe d'arme l'avait visiblement dissuadé de tenter quoi que ce soit, il s'était résolu à m'amener à bon port. Je n'avais encore aucune idée précise de ce que je comptais faire, mais je savais que mes talents pouvaient intéresser le crime local. J'étais aussi heureuse de constater que nous avions bien fait de laisser O'Murphy derrière nous, à Zephyr, pour ne pas l'avoir dans les pattes à ce moment précis. Si le navire de Mountbatten n'avait pas déjà quitté le port, le CP8 devait l'avoir inspecté sous toutes ses coutures.

        Finalement, on arriva au détour d'un immeuble où une cage d'escalier mal éclairée s'enfonçait dans le sol. Une femme, clope au bec, en gardait l'entrée. Du moins, c'était l'idée qu'on en avait si on connaissait le coin, sinon elle aurait aussi bien pu être là pour tapiner.

        « - Z'allez quelque part ?

        - Salamanca, » répondit simplement mon compagnon.

        Elle darda un regard soupçonneux sur nous deux, nous passant au crible avant de se redresser :

        « - Z'avez l'air net, pouvez entrer. Pas de chichis, pas de bagarre. »

        La porte s'ouvrit d'elle-même et nous nous y engouffrâmes sous le regard dur d'un videur, planqué là depuis le début. Bonne idée ça, de ne pas le laisser apparent dès le début ; ça permettait de garder l'activité du lieu secrète. Les marches poursuivaient la descente aux enfers, jusqu'à ce que l'atmosphère se fasse plus pesante. Un petit dédale de salles de pierre, en sous-sol, proposait de boire un verre ou bien de se shooter à l'opium pour des clients de tous les horizons.

        L'envers du décors de Kikai no Shima.

        « - 'Voulez boire quelque chose ? » demanda le barman, tandis que je m'accoudais au comptoir, laissant le Lion de North vaquer à ses propres activités.

        « - Je voudrais voir le patron.

        - J'ai peur que ça ne puisse pas être possible.

        - Oh si, ça l'est. »

        Ma main vint frapper le comptoir, dévoilant la carte de l'agent du CP8. Même pour un simple criminel, il était évident que cela avait à voir avec le Gouvernement Mondial. Avant que le gusse ne se mette à hurler au loup, je montrai patte blanche en tirant de ma poche un exemplaire de ma prime que je gardais toujours précieusement avec moi, pour ce genre de situations.

        « - Nous avons un ennemi commun, » dis-je en pointant le badge de l'index. « Il parcourt vos rues à ma recherche et serait pas contre démanteler vos petites activités. M'est avis qu'on peut s'arranger.

        - Hum... Si vous m'accordez un instant. »

        L'homme s'effaça, me laissant patienter au comptoir. Mon regard se promena aux alentours sans détecter la présence de mon guide. Je ne m'en faisais pas plus que cela, je savais qu'il n'était pas très loin, grâce à mon mantra. L'instant promis dura un certain moment avant que mon hôte ne revienne, ouvrant la petite porte qui menait derrière le comptoir en m'invitant à le suivre.

        Après avoir dépassé un second sas, derrière le mur de bouteilles, nous arrivâmes dans un long couloir qui menait vraisemblablement à la cave d'un autre immeuble, un vieux hangar désinfecté peut-être. Nous étions en bordure de la ville à présent, dans des quartiers franchement pas fréquentables, et pourtant j'étais certaine  que le CP8 devait déjà avoir quadrillé la zone. Ils n'avaient juste pas fouillé suffisamment sous terre, mais ça ne tarderait pas.

        « - Annabella Sweetsong. »

        Il était assis dans un fauteuil, au milieu d'une sorte de salon improvisé, dans une grande salle dont on ne discernait pas les contours perdus dans l'ombre. Le mobilier était en mauvais état et d'autres crapules d'envergures, probablement de fameux portraits du coin, s'y prélassaient. Alcool et drogues coulaient outre mesure.

        L'homme avait un cache-oeil fleuri ; sa main garantissait la protection d'un verre de whisky, le cul à demi-posé sur son accoudoir. Il me contemplait comme une sorte de rose sauvage.

        « - Plus personne ne m'appelle par ce nom.

        - Certes. J'apprécie simplement l'ironie de recevoir dans mon antre celle qui, dans une vie passée, aurait été mon ennemie si j'avais croisé son chemin. Combien d'organisations comme la notre avez-vous démantelé, déjà ? Une dizaine ? Une vingtaine ?

        - Suffisamment. Je ne suis pas là pour cela aujourd'hui. Le temps où je jouais aux héros est révolu, je cherche à présent des alliés.

        - Tu cherches de l'aide. »

        Changement de ton. Cependant ce n'était pas le moment de monter sur mes grands chevaux, il fallait voir la vérité en face :

        « - C'est vrai. Mais je viens aussi avec une opportunité à saisir, » répondis-je tout en lançant la carte de l'agent à terre, entre les pieds du mafieux. « Votre ville est atteinte d'un mal qui la ronge. Sans moi, vous n'en auriez rien su, jusqu'à ce qu'il vous atteigne. Peut-être sont-ils déjà parmi vous. »

        Mon regard se promena sur l'assemblée, cherchant la moindre réaction. Un détail ne m'échappa pas, mais je gardai mon attention rivée sur mon interlocuteur qui ne bronchait pas. Il était tout ouïe.

        « - Je sais comment le CP8 travaille, j'ai été dans leurs rangs pendant bien des années. Leurs stratégies ne me sont pas étrangères et je peux vous aider à vous en débarrasser.

        - Et qu'est-ce que tu aurais à y gagner ? Une supernova de ton calibre semble bien capable de se défendre sans notre aide.

        - Moi oui, mais mes hommes non. Ce soir, ils s'amusent, jouent et boivent, peut-être même dans certains de vos établissements. Mais le danger plane sur leurs têtes comme une épée de Damoclès. Or je suis persuadée que le CP8 surveille mes moindres faits et gestes, je ne peux pas agir moi-même.

        - Tu voudrais donc que l'on garantisse la sécurité de tes hommes en éch- »

        Mon index claqua, interrompant le baron du crime. L'homme que je suspectais d'être une taupe s'écroula de tout son long, après avoir vainement tenté de se soustraire à l'assemblée. Des armes diverses pointèrent aussitôt dans ma direction, mais sans y prêter la moindre attention je marchai en direction du cadavre pour fouiller la doublure de son costard et en sortir une carte. Je la brandis aussitôt à la vue de tous, mais surtout du boss.

        « - Elle a pas l'air de mentir, Bradley, » constata enfin l'un des mafieux, particulièrement chevelu, le premier à avoir sorti son arme.

        « - Je sais. »

        Le verre de whisky trouva définitivement l'accoudoir ; son possesseur s'était redressé pour allumer une lampe, éclairant un bureau posé contre un mur. Une carte y trônait, ainsi que du matériel permettant à l'organisation de planifier ses opérations, visiblement. Du regard, il m'invita à le rejoindre.

        « - Dis-nous comment agir au plus vite et je demanderai à ce que l'on protége tes hommes.

        - D'abord, je vais avoir besoin que l'on fasse venir l'homme avec qui je suis venue. Je suis persuadée qu'il pourra nous être utile. »


        Dernière édition par Eleanor Bonny le Mer 21 Avr 2021, 14:03, édité 1 fois
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        Je fais sûrement des détours, et c'est pas par précaution mais bien par incompétence. J'suis un mauvais guide tant j'connais à peine l'intérieur de cette ville aux allures salaces. Au derrière plein d'crasse aussi. La devanture est brillante, suintant l'fric et l'pouvoir à plein nez, mais dans l'ombre de cette cacophonie lumineuse, s'cache un atour beaucoup plus froid. J'connais à peine l'envers pour y avoir mit l'nez, en contactant des gars, faisant jouer les rouages et les services qu'on m'devait. Pratique de s'appeler Judas, et North est pas en reste d'info sur sa grande sœur de Grand Line. En tout les cas sont ils de la même famille, sinon de la même engeance. Ici, on sent la patte d'un gouvernement corrompu, et de pirates à la réputation sanguinaire.

        Après j'suis pas un enfant de chœur non plus. Un bon samaritain qu'a tourner casaque, j'suis plus là pour la gloire. J'travaille pas pour des clopinettes. Ni des sourires et des vivats à la fin de l'histoire. Et j'sens qu'en collaborant avec Eleanor, l'moment de m'faire de gros bénéfices allait vite arriver. Ca et sa puissance hors norme, qui m'a happé comme un têtard dans un grande mare, j'avais juste pas l'choix, j'étais tenu par un contrat tacite entre quelqu'un de beaucoup trop puissant, rencontrant un gars dans mon genre.

        J'peux m'avérer utile, tout simplement parce que j'ai les clefs pour déverrouiller des portes.

        On arrive dans le saint de saint, le Salamanca. Vrai repère de vrai forbans, et de vrais rebelles aussi. Ici, on voulait prendre la place du calife à la place du calife. On voulait s'faire le magot, et l"cul de la crémière, aussi. Les gens du coins étaient tous des canailles, avec la dent dure et longue, creuse la plupart du temps. Le voisinage était un dédale de coupe gorge engoncés dans un labyrinthe de crasse, et de petites gens titubant. Le mauvais Kikai, celui qui aurait fait tâche sur les cartes postales, alors relégué à des endroits ciblés, hors de vue, contrôlé, entassé là.

        J'laissais mon invité faire ses découvertes, et j'allais à la pêche aux infos avec le barman du coin. Un gars tout sourire qui cachait bien son jeu. Toutes les rumeurs tombaient forcément dans ses oreilles, et c'est grâce à lui que j'vais pu avoir quelques noms de potentiel associés, capable de m'aider.

        - Hey Jibus, tu me mets un rhum dans un grand verre... J'fais le signe de boire avec le pouce au barman qui comprends que j'ai soif. Faut bien j'me remette de mes émotions, j'ai bien faillis être dans de sales draps, si j'y suis pas encore plus depuis que j'suis cette blondine d'Eleanor. Et un verre à ma taille hein, pas un d'tes godets pour les p'tits gars ! Que j'fais avec un sourire, tandis qu'il me réponds avec un grand verre de rhum que j'sirote, en lui tapant causette.

        - Alors mon gars, t'as entendu des rumeurs, qu'est-ce qui chauffe en ce moment ? Que j'lui demande, innocemment, sur le ton de la conversation. Il me sort une ribambelle de truc. Trafic, marché noir extorsion, inceste. Des tas de trucs communs et sans intérêt qui font une ville comme celle de Kikai. Puis avant qu'on puisse arriver au croustillant, deux loubards plus grands que la moyenne vont se mettre entre moi et les autres types du bar. J'le sens moyen ...

        - M'sieur, j'crois qu'on a une connaissance en commun, et qu'elle voudrait vous voir instamment. Fit-il  avec un accent fortement snob. Le gars faisait un effort pour être diplomate. Un grand gaillard avec des muscles et un cerveaux, c'est rare ... J'décide de le suivre rien que pour l'effort que ça a dût lui couter.

        J'arrive comme un cheveux sur la soupe, pendant que les deux discutes bizness. Il faut dire que le patron, Edward Salamanca, était de ces vieilles familles de Kikai, qui étaient là avant même les Chimamire. Ce genre de famille qui a toujours eu de l'influence, dans l'ombre. Mais depuis que les pirates étaient à la tête de cette satané île, ses pouvoirs étaient éclipsés par le rayonnement du drapeau pirate. Ils avaient la mains mises sur la plupart des trafics, et des jeux de l'île. Seul quelques initié et quelques rejetés, refoulés et  ratés  dépendaient de lui. Un troupe de bras cassé que j'ai déjà pu voir à l'œuvre à mon arrivée.

        - J'vois que vous faites connaissance avec le patron du bar, marrant la puissance d'un homme, ça chavire toujours l'coeur des femmes, j'ai l'impression
        . Que j'lance pour rire. Bon, j'm'attarde pas sur l'sujet. Va falloir m'dire ce que moi, j'y gagne, de vous aider ? Parce qu'a part être la bonne poire, j'aimerais bien y retirer quelque chose. J'suis qu'un homme, j'ai besoin de manger moi aussi... Et j'ai un faim de loup.

          Le patron du bar ? Mmh. Oui, ça pouvait se comprendre que le grand chef des Chimamire évoluait sous une identité secrète, alors quoi de mieux que celle d'un certain Salamanca. J'hésitais à laisser le Lion de North dans son ignorance, mais une stratégie me vint à l'esprit.

          « - Messire Bradley, cet homme que j'ai amené avec moi est un simple civil ignorant tout de vos activités. Cependant, c'est exactement ce qu'il nous faut pour leurrer le CP8. »

          Un sourcil levé. Je venais d'intriguer davantage le patron de la pègre de Kikai no Shima qui était à présent tout ouïe, même si les réclamations de Judas, d'entrée de jeu, l'avaient refroidi. Je devais m'assurer que le bougre y trouve son compte au même titre que moi. Et rien de mieux que de lui laisser miroiter une place dans cette organisation plus tard.

          « - J'ai cru comprendre que vous aviez déjà des ennemis enquêtant sur vous... Nous n'aurons probablement même pas besoin d'un bain de sang. Les instances du Gouvernement Mondial passent leur temps à se marcher sur les pieds ; si la Commodore qui vous colle au train remarque la présence du CP8, elle ne manquera pas de le reporter à sa hiérarchie et contraindra leur retrait de l'île.

          - Cela ne risque pas de prendre du temps ?

          - Pas si vous avez un contact à la Marine qui peut activer son réseau, » répondis-je en faisant un clin d'oeil au baron.

          Angelica avait tenu à se renseigner sur l'île avant que nous y mettions les pieds. Les nombreux documents qu'elle avait lus, lors de son existence au CP9, attestaient d'un certain Pancho Shima en charge de la garnison de l'île qui ne faisait pas grand chose pour combattre la criminalité. J'avais déjà eu à faire à ce genre de personnalité sur Astérion : l'officier corrompu avait trop à y perdre pour ne pas filer un coup de main, au risque de perdre ses privilèges, sinon sa tête dans l'opération préparée par le CP8.

          « - Je vois. Si j'ai bien compris, l'idée serait donc d'amener nos mouches du CP8 auprès de cette foutue de Saint Just.

          - Ils doivent être nombreux : c'est leur avantage mais aussi leur inconvénient. Sitôt qu'ils auront repéré le bon filon, nul doute qu'ils s'y précipiteront tous ou presque. Deux CP8 dans la nature passent inaperçus, mais pas une armée, je vous l'assure.

          - Et cet homme serait celui qui les appâterait ?

          - Tout juste. Suffisamment pour leurrer les deux camps, du moins. Cependant... Judas est un mercenaire. »

          J'avais mis du temps à choisir le terme précis. Je me doutais que le Lion de North était plus que cela, étant donné ma filature depuis l'hôtel et sa dextérité. Il me faisait davantage penser à un chasseur de primes tombé sur un trop gros morceau qui avait dû se résoudre à signer une alliance tacite. J'honorais cette alliance, mais il fallait à présent mettre quelque chose sous la dent de ce requin.

          « - Vous devrez rémunérer ses services. Je suis aussi sûre qu'il serait intéressé pour intégrer votre organisation... peut-être pourrait-il reprendre sa charge, » annonçai-je tout en pointant du doigt le macchabée.

          Bradley était songeur : c'était quelque chose d'intégrer un parfait inconnu au sein de son réseau. Toutefois le temps pressait et l'étau du CP8 ne tarderait pas à se resserrer davantage, maintenant que leur taupe venait de sauter.

          « - Dommage, j'aimais bien ce bar. Klaus, dis au Commandant qu'on a été roulés. Dis lui de rapporter l'existence de notre cache à De Saint Just, de sorte à ce qu'elle y dépêche ses hommes. D'ici combien de temps pensez-vous que le CP8 sera sur place, Bonny ?

          - Oh, il est probablement déjà dans les parages. Ils doivent avoir ceinturé les lieux et attendent le go de leur agent infiltré. M'est avis que d'ici quinze bonnes minutes, lorsqu'ils auront compris qu'il n'entendront plus parler de lui, ils passeront à l'action.

          - Ça ne sera pas suffisant...

          - C'est pour cela que Judas et moi sommes là. »

          Effectivement, il fallait abandonner le bar. Mais le CP8 n'était pas dupe : si l'espion avait été éliminé, ils chercheraient à boucler les alentours pour empêcher toute échappatoire. Le nombre était leur force : les agents étaient les yeux d'un chef d'équipe qui devait les coordonner soigneusement comme un nuage d'hirondelles.

          Notre point fort, c'est que si je jouais le rôle du témoin, profitant d'être déguisée pour effacer mes traces, il était possible de faire pencher la balance et faire se croiser le chemin du Cipher Pol et de la Marine en disséminant des petits cailloux. Par chance, le patch que le King avait à l’œil était un trait suffisamment distinctif pour maquiller Judas en appât et organiser la chasse à courre.


          Dernière édition par Eleanor Bonny le Dim 16 Mai 2021, 16:34, édité 1 fois
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          J'ai plusieurs casquettes, jamais engoncé dans un costume, j'en porte des milliers. J'ai tantôt été de mise avec les mafieux, les pirates, les marines et les révolutionnaires. Au final, ce qui change ? Le nom qu'on porte, c'est tout. Des hommes et des femmes, des idéaux et de basses pulsions, des erreurs et des succès. Voilà tout, on est que des humains, et on fait du mieux que l'on peut dans ce monde qui nous broie sous sa coupe, sa botte ou toute autre allégorie que tu trouveras assez savantes à insérer ici.  Aujourd'hui, je joue les gros bras pour les Chimamires, mais demain, qui sait de quoi sera fait mon destin ? J'ai toujours été une sorte d'énormes rondins de bois, emporté par les flots, suivant le courant comme d'autre l'influence à la place. J'aime pas me fixer des limites, moi, je fonctionne au feeling.

          J'regarde à chaque phrases Eleanor, puis Bradley, que je prenais pour un pecnos de plus sur cette île de malheur, mais qui se trouve être le chef de toute cette putain de terre qui baigne dans l'eau. Je garde ma surprise pour moi, mais j'sens que y'en a une qui n'est pas dupe, et qui sait ce qui se trame sous mon cerveau. Et si je profitais de la cohue pour embarquer Klaus, ou bien même le "Roi" Bradley, et les emmener loin, là ou personne ne pourra les entendre crier ? Et si j'arrêtais les plans complexes, pour me simplifier la vie ?

          J'vois qu'on attends une réponse de ma part, et la prudence m'enclin à devenir l'homme de paille des Chimamire. De Bradley en plus. Tsss.

          - Bon, et bien puisque tout semble tourner comme une horloge, je propose qu'on passe à l'action, on verra les détails de ma rétribution plus tard. Fais-je en tapant un de mes grands battoirs contre l'autre. Le Clac que ça fait, débouche les oreilles à tout le monde, et signe le début de l'aventure. En tout les cas de son côté le plus musclé.

          Si j'ai bien compris, je vais jouer les appâts, et j'vais devoir courir vite avec un cache œil et des Ciphers sur les dents à mes trousses. Encore une journée normale, pour Judas. Rien qui en sorte vraiment de l'ordinaire, si ce n'est qu'aujourd'hui, j'ai plus trente ans. Je m'approche dangereusement de la retraite, je le sais, mais en aurais-je la force ? En aurais-je l'envie et le courage ? Arrêter cette vie faite d'adrénaline et de combat, de pulsions de vie comme de pulsions de mort ... J'en ai pas le goût. Je fais partie de cette génération, qui a grandit avec les histoires des anciens, des histoires de combats et de cavalcades, d'hommes tombés au champ d'honneur.

          Alors si moi aussi j'veux marquer l'histoire, celle avec un grand H, ne devrais-je pas mourir l'arme à la main ?

          Ca s'active dans le bureau, on commence à tout faire disparaître ce qui pourrait être incriminants, ou bien donner l'identité du boss des chimamires. Bientôt, y'aura plus aucune trace de son passage dans ce bars, et tandis que je regarde Bradley utiliser sa cheminée pour faire s'évanouir les preuves de son existence, je m'approche d'Eleanor. Eleanor Bonny, qui m'intrigue. Qui est-elle au fond ? Une sorte d'encyclopédie du crime ? Un genre de conseillère pour les pirates en manque de jugeotte ? J'aimerai avoir plus de temps pour la connaître, et que tout ses faux semblants ne soient plus : Je suis pas encore chasseur de prime, et ça, elle semble pas l'avoir vraiment comprit. En tout les cas, c'est ce que j'déduis de sa conduite et de ses phrases sibylline sur ma profession.

          Pourquoi hésiter ? Pour le moment, j'suis effectivement qu'un mercenaire de plus, une épée à louer. Une genre de garantie pour la criminalité. J'suis juste là pour redresser certains torts, pas pour jouer les bons samaritains non plus, tout ça, c'est finit.

          - Tu sais, si j'dois me faire chopper, j'aimerai que les choses soient claires entre nous, je suis pas là pour la sinécure ou les jeux. J'veux lui manger son bizness... Que je fais en foudroyant du regard Bradley. Je chuchote, mais il doit sentir un truc pas sympa lui piquer derrière la nuque. Mais j'sens que j'ai plus à gagner ce soir, à ce qu'il s'en sorte indemne ... Peut être qu'il a de la chance que tu sois là, Bonny. Peut être que j'ai plus coeur à faire toujours les mêmes schémas continuellement, sans jamais réfléchir à changer mon fusil d'épaule ... Tu changes mes perspectives, Bonny ... J'aime pas trop ça.  

          Je déteste qu'on s'interpose entre moi, et quelque chose qui m'intéresse. Alors autant donner mains à la patte. Je me retourne vers Klaus et Bradley.

          - On y vas, il est l'heure
          . Que je fais, sûr de moi. J'installe le cache oeil sur mon visage, et je demande : C'est par ou la sortie ?
            « - Je ne suis pas un enfant de cœur. Je te rends service pour l'heure, tu me remercieras plus tard. »

            Je jaugeais le mercenaire du regard, écoutant sa dernière question avant d'indiquer du pouce une sortie plus discrète que la, déjà petite, porte par laquelle nous étions entrés. J'avais eu le temps de fouiller dans une caisse normalement réservée aux soirées à thème : une perruque grisâtre sentant l'alcool frelaté ferait l'affaire... ça et un vieux surcot à capuche putride. Pour le reste, je me basais sur mes cours et mon jeu d'acteur rôdé par les années.

            « - Comment tu me trouves ? »

            L'homme me répondit avec un clin d’œil, avant d'emboîter la marche à l'élite des Chimamire qui piétinait dans un petit tunnel, faisant monter et descendre des caisses grâce à l'activité permanente de leurs subalternes sous-terre et à la surface. Je me rappelais que le bar était sous le niveau de la mer, j'aurais dû me douter d'une autre issue, secrète.

            « - Bon, si j'ai bien compris, c'est à vous de jouer.

            - Exactement. Ils doivent avoir encerclé le bâtiment, je n'aurai aucun mal à les trouver.

            - Et ton gars se sent prêt à taper un sprint ? »

            Lui ? Il semblait s'être entraîné toute sa vie pour ce moment. De près, on pouvait difficilement le confondre avec le grand manitou de la pègre, mais dans la nuit à filer comme le vent entre deux ruelles sombres... Et puis le patch faisait son effet, définitivement.

            Trente seconde plus tard, nous débouchions tous les deux à l'air libre, au milieu des caisses. À notre droite, cinq gars chargeaient une de ces voitures qui fonctionnent à la vapeur. Pas forcément discret, mais moins bruyant qu'un carrosse filant à vive allure je dirais. J'observais bien les alentours, m'assurant que nous avions émergé suffisamment loin du bar... mais peut-être plus pour longtemps. Il fallait faire vite, avant qu'une patrouille nous trouve ; les agents avaient, dans l'attente, sûrement commencé à faire des rondes tout autour.

            « - Toi, tu files par le Sud. Ils ne tarderont probablement pas à te poursuivre. Tes chances de survie dépendent de la vitesse à laquelle la Marine compte rappliquer et croiser ta route. C'est pas pour te filer la frousse, mais n'oublie pas que tu as à faire à des agents entraînés qui peuvent choisir de te faire disparaître s'ils n'apprécient pas la supercherie. »

            Le message était passé : l'idée n'était pas de l'effrayer, mais plutôt lui faire prendre conscience des réalités au cas où il les aurait oubliées. Un geste du bras en guise de salut et je m'éloignais dans la direction opposée ; les Kitsune, eux, prendraient la tangente et ne risqueraient rien si je jouais parfaitement mon rôle.

            Je mis quelques bonnes minutes à tomber sur mon premier client ; ça n'avait pas été difficile, il n'y avait pas un chat dans les rues. Malgré mon air fébrile et l'odeur nauséabonde de mes loques, il me prit d'abord pour une prostituée. Il était vrai que c'était comme cela que nous avions trouvé le bar...

            « - Écoute, catin, j'aurais pas dit non pour m'amuser avec toi, mais là je suis occupé.

            - Je... Monsieur, écoutez-moi, je vous en prie. Il se passe des choses étranges... »

            Je n'étais pas encore sûre de l'identité du bonhomme, mais il y avait de grandes chances que ce soit un sbire. Son attitude était bien trop délétère pour celle d'un agent entraîné. Lorsqu'il cessa de me repousser et tendit ses esgourdes pour entendre ce que j'avais à dire, je sus que j'avais touché le gros lot.

            « - Raconte.

            - J'ai vu... il y avait des hommes armés, ils m'ont bousculée alors que j'essayais de rentrer chez moi. Je l'ai reconnu tout de suite : il avait un patch sur l’œil et semblait pressé. Oui, je crois... je crois que c'était lui, le dangereux criminel, King Bradley ! Monsieur, je ne peux pas aller prévenir la Marine, vous comprenez. Avec mon apparence, ils risquent... ils risquent de penser que je leur vends des salades. Ils me jetteront en cellule, sûrement. »

            Du pathos, toujours plus de pathos. À ma voix chevrotante et mes joues mouillées de larmes, crasseuses, mon dos vouté et mes mains qui gesticulaient tous azimuts, je donnais cette impression d'une femme traumatisée, usée par les sévices. Plus qu'une clocharde, j'étais une misérable et je donnais bien cette impression que personne ne daignerait m'évouter. Personne, sauf un agent du CP8 à la recherche de sa proie.

            « - Ah ouais ? Et ce fameux criminel, tu l'as vu où ?

            - À quelques rues d'ici, je crois... » fis-je tout en pointant du doigt la direction prise par Judas. « Ses hommes... ils transportaient des caisses, ils ont pratiquement failli me marcher dessus... »

            Une pointe de vérité dans mon odieux mensonge, seulement pour le rendre plus réaliste. J'avais eu de la chance de ne pas tomber sur une lumière ou un élément bien gradé, mais sur un maillon qui s'empresserait sûrement de remonter l'information à son supérieur sitôt qu'il m'aurait congédiée. Je le surpris un instant à essayer de se baisser pour se mettre à hauteur de mon visage, pour mieux me regarder dans les yeux. Ce dont il écopa au lieu d'un échange de regards ? La toux grasse d'une souffreteuse qui le fit reculer instinctivement.

            « - C'est bon ! Hors de ma vue, la vérolée ! Va donc raconter tes histoires à l'aumônerie du coin. Il est tard et j'ai d'autres chats à fouetter que d'écouter les ragots d'une folle à lier.

            - Mais...

            - Je t'ai dit de dégager ! »

            Le coup de pied partit, comme je l'avais escompté, et me heurta les côtes de plein fouet, m'envoyant bouler au loin et me rétamer en tas de haillons sur le sol. Percevant le poids d'une paire d'yeux méprisants, je feignais la douleur, la peur et le désespoir en restant recroquevillée à ma place, renvoyant cette image d'une pauvrette qui s'attendait à davantage de répercussions. Il n'en fut rien : lorsque je relevai le visage, l'homme avait disparu. Et moi je souriais.
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            Grimé en mon ennemis naturel, j'suis pas le plus beau des lardons. Faut dire que l'original à une gueule à la con, l'genre de tête à claque que je m'aurais bien empaillé au dessus du feu, pour raconter son histoire, et m'rappeler le bon vieux temps, un fois devenu un croulant. Et pourtant, voilà ou j'en suis, fuyant à petit pas pressé mais pas vifs, essayant d'aider un criminel qui ne méritait qu'une seule chose : La potence. La nuit était sombre, et pleines d'ombres imaginaires qui me poursuivaient jusque dans mes fantasmes les plus fous. La ville se transformait en un clapier d'où il était difficile de se tirer, je regardais derrière moi frénétiquement pour vérifier que j'étais pas pris en filature, jouant mon rôle. Si tout s'passait bien, j'aurais ma place chez les Kitsune, et j'aurais même une place de choix pour les arnaquer plus tard. Judas, le roi des voleurs et des escrocs, ça vous en bouche un coin pas vrais ? Moi pas, j'trouve ça naturel d'user d'mon charme, d'mes dons, et de mon intelligence pour flouter mon prochain. Surtout quand mon prochain c'est  la plus haute autorité dans l'monde. J'aime pas l'autorité. J'aime pas le monde non plus. Truc de vieux ça, j'en ai conscience.

            Tout va très vite dégénérer, trop vite peut être à mon goût. Des ombres, bien réelles cette fois, apparaissent sur les toits des chaumières de Kikai no Shima. Pas très discrets les agent du Cipher Pol, peut être qu'ils se disent qu'ils en ont pas besoin. Je les sens v'nir. Un baleineau dans l'océan aurait été plus fin. Tant mieux, j'aurais pas aimé m'faire prendre par surprise, tu m'diras, j'aime pas me faire prendre tout court. Truc d'hétéro ça, j'en ai conscience.

            Tout s'accélère quand dans l'ombre d'un bâtiment, une silhouette m'barre la route. Moi, sous mon long manteau avec le col remonté, mon cache œil et mon cou baissé loin dans mes vêtements, j'ressemble au type lambda qui a un truc à s'reprocher. En l'occurrence, le sus nommé King Bradley dont je joue la scène tragique de la fuite. Lui, avec son costume impeccable, ses lunettes de soleil dans la nuit et ses cheveux plaqués en arrière façon gominé, go-minet. Encore un type fraichement sortie de l'école qu'a eu ses classes dans un paquet surprise, j'suis sûr.

            - Halte là Bradley, s'en est finis de toi ! Tu es encerclé ! Que fait le petit gars. Mais en vrai, ça commence à peine que j'me retiens de lui dire. Les mots s'accrochent à ma bouche, passent pas mes lèvres. J'ai oublié qu'il fallait pas que j'me trahisse. Qu'il fallait que je joue le jeu jusqu'au maximum de mes capacités.

            Je prends un appuis, tandis que des gars déboulent de tout les côtés. Même pas peur. Rapidement, j'fonce dans une ruelle adjacente et anonyme, aveugle à tout les rayons, même ceux de lune. Rue obscure, sombres intentions. J'prends la tangente, avec cette impression que tout a été calculé pour m'attraper. Je débaroule sur une avenue, y'a encore du peuple dans les rues, des lumières à tout les étages, et des panneaux qui clignotent. Ca m'arrange, tout ce monde. Avec ma stature, s'est facile de bousculer le chalands, qui m'enguirlande de tout son jus quand je lui rentre dans le lard. Comme quoi, tout est bon dans l'cochon. Je virevolte, tandis qu'on me poursuit derrière avec beaucoup de pugnacité -j'sors les grands mots eh ouai, et de savoir faire. J'me sens comme un poisson dans l'eau, même si c'plus moi qu'eux l'hameçon. Ils pensent avoir ferré le bon gars, j'suis que de la poudre au yeux, de l'esbrouffe. Un dernier coup d'éclat de Bradley, avant que j'vienne emmerder son bizness pour de bon.

            En face, d'autres hommes en costumes, chapeaux mous sur la tête, m'barrent l'passage avec beaucoup de minutie. J'prends appuis sur une guerite, crochète un toit et m'retrouve perché à quelques mètres de hauteurs... J'vois que ça s'agite autant en bas qu'en haut. Sauf que je les ais pris de court, avec mes cabrioles. S'attendaient surement pas à ce que Bradley soit aussi agile. A vrais dire, j'sais pas trop à quoi ils s'attendaient, mais sans doute pas à un Judas, et à une Bonny en pleine possession de leurs moyens. Je ricane en sautant de toits en toits, tandis que la ville commence à s'agiter, et que l'infos remontent jusqu'aux oreilles de qui de droit.

            Une poursuite aussi tape à l'œil, c'est manière d'abattre ses cartes pour le Cipher. Seulement, tout va pas s'passer comme prévu, ils attraperont que du vent, en l'occurrence une bourrasque du nom de Pater Pugilat. J'sens que l'piège s'referme lentement sur moi, les crocs de l'agent en charge de cette mission se plantant dans mon ombre, plutôt que dans ma nuque.

            On me marque à la culotte, j'suis plutôt du genre à porter le boxer. Alors je saute du toit, m'réceptionne d'une roulade, et j'continue ma fuite ... P'tite pensée pour celle qui m'a fourré là, mais j'lui en veux pas, elle est pas la responsable de mes choix délétères.
              Le moins que l'on puisse dire, c'est que le mercenaire ne faisait pas les choses à moitié. Quelques instants après m'être faite botter le cul par la victime de mon petit jeu, je voyais des silhouettes faire des bonds dans la nuit. D'immeuble en immeuble, passant entre les échafaudages et les escaliers de taule à l'arrière des bâtiments, les agents se dirigeaient irrémédiablement vers leur proie en resserrant leur étau. Je m'amusais moi-même à répéter leur parcours, plus discrètement encore, naviguant avec la bise dans leur sillage.

              « - Bien joué, » laissai-je échapper en voyant les silhouettes continuer leur course effrénée dans des quartiers de plus en plus plus fréquentés, jusqu'à apparaître au « grand jour » sous les feux des projecteurs.

              J'avais choisi comme perchoir le sommet d'un château d'eau, lui-même positionné sur un gratte-ciel ou ce qui s'en rapprochait le plus ici. D'ici, j'avais une vue imparable sur toute la ville, mais surtout sur les pâtés de maisons proches du port que la Marine avait commencé à investir. Bientôt, le CP8 se rendrait compte, trop tard sûrement, qu'ils n'avaient pas été les seuls à avoir leur tuyau, et les deux services du gouvernement se marcheraient sur les pieds.

              D'une façon ou d'une autre, le Lion de North parvint à disparaître à l'insu de tous, laissant ses traqueurs pantois, se faisant face sans trop comprendre. D'un côté, des individus en uniforme qu'une femme de haute stature vint représenter, de l'autre des prétendus civils qui n'en avaient plus l'air lorsqu'on les rassemblait au même endroit.

              Je ne sus quels mots les deux parties échangèrent à ce moment là, mais ce que mon haki de l'observation m'apprenait à cet instant présent, c'était qu'il ne fallait pas bon être entre les deux. Connaissant très bien l'issue de cette discussion, j'étais persuadée que le CP8 serait vite contraint de cesser ses recherches et quitter l'île, mais aussi que la Marine se mettrait vite à mes trousses pour rattraper la faute de m'avoir laissée mettre pied à terre là où la justice du Gouvernement Mondial est censée prévaloir. Le jour commençait déjà à se lever et je savais d'emblée que je ne rattraperais pas mon sommeil perdu ; il me fallait à présent me mettre en chasse de mes subordonnés, qui devaient déjà se trouver en présence de mon nouveau partenaire.

              ***

              Bradley était un homme précautionneux. Les indices qu'il m'avait laissés pour le retrouver ne m'avaient pas menée directement à lui, mais à l'un de ses hommes, un type sans histoires à première vue, qui savait où trouver quelqu'un qui savait où le trouver. J'avais gambadé pendant près d'une heure dans la ville avant d'atteindre une nouvelle planque où je retrouvais, non seulement l'homme au patch fleuri, mais aussi mon équipage visiblement indemne. Quelques fortes têtes, que l'alcool avait rendues plus butées, avaient dû être contraintes par la force, mais mes deux lieutenantes avaient suivi sans faire d'histoires.

              « - Il semblerait que nous ayons tous deux rempli notre part du contrat, je propose cependant que nous en restions là. Votre présence nous met en danger tous les deux et je pense qu'il serait de bon ton pour vous de quitter l'île au plus vite.

              - Effectivement, c'est ce que j'avais aussi en tête. Mais je manque d'un navire. »

              L'homme se gratta le menton, comme s'il pesait le pour et le contre d'une solution à mon problème. Il était vrai qu'il n'avait pas besoin de m'aider et pouvait me laisser dans l'embarras, mais je me doutais qu'il préférait que je parte sans faire de vagues, probablement car un combat risquait de mettre du désordre dans ses affaires sur le port.

              « - Il y a une goélette. Officiellement, elle n'appartient à personne et mouille toujours au même endroit, mais je m'en sers occasionnellement pour déplacer des marchandises d'un bout à l'autre de l'île. Si vous la voulez, elle est à vous. »

              Se tournant vers ce qui semblait être un bureau dans son nouveau salon aménagé, le mafieux saisit un bout de papier et griffonna des lettres dessus.

              « - Donnez cela au capitaine du port, il saura que vous venez de ma part et vous laissera prendre possession du navire. »

              Tout en saisissant le mot et en le brandissant entre mes deux doigts, je répondis :

              « - J'espère que vous ne vous attendiez pas à des remerciements d'une pirate.

              - Pas plus que je n'en ferais moi-même à une ancienne directrice du CP9. »

              Bien dit. Je lâchai un sourire et fis volte face, emportant avec moi ma petite tribu. Nous avions une nouvelle maison à investir. Après avoir regagné les quais en faisant davantage preuve de prudence, nous déplaçant par petits groupes, j’investissais la cabine du patron pour lui présenter mon passe-droits. La signature le dissuada probablement de chercher à savoir si tout était en règles ou non : quelques secondes après avoir lu le papier et être devenu blême comme un linge, il se proposa de nous guider lui-même jusqu'à notre future embarcation.

              Là nous la trouvâmes entre deux pontons... quelconque. Je ne m'attendais pas à un vaisseau de ligne, mais il s'agissait d'un navire pour le moins basique et étroit qu'on pourrait armer de quelques canons uniquement, à la cale comme sur le pont. L'idée de pillages à bord d'un tel foudre de guerre n'était peut-être pas la meilleure que l'on puisse avoir, toutefois son gabarit promettait de nous porter à bonne vitesse et de le manœuvrer facilement, ce qui plaisait à Karen. Elle lui trouvait même un certain charme qui m'échappait personnellement.

              Nous embarquâmes et levâmes l'ancre dans la foulée. Rapidement après cela, les hommes se soucièrent des superstitions et me tannèrent pour trouver un nom à la coque de bois dans le but de ne pas attirer le courroux des divinités marines, alors je décidai de le baptiser « l'Anonyme » pour leur faire les pieds. Peut-être cela nous porta chance, effectivement, car à peine étions-nous rendus au large que nous découvrîmes une cale pleine de denrées pouvant se vendre à prix d'or : essentiellement du gin, mais aussi de quoi nous sustenter jusqu'à notre prochaine escale.

              Dans son infinie bonté, Bradley avait oublié de décharger son navire avant de nous le confier.
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