Voilà plus d'une heure que le navire mouillait le long des quais de la ville-casino, large et lumineuse. Et dire que quelques dizaines d'années auparavant, il n'y avait pratiquement rien ici : cet endroit aussi pittoresque fut-il me faisait penser à Troop Erdu et son funeste destin. Il était difficile de se dire qu'il existait pire dans les Blues...
« - Profitons-en pour trouver un autre rafiot, le temps de rejoindre le Nouveau Monde.
- Pour ça, on aurait dû rejoindre Alvel non ?
- Pas besoin. Une goélette ou un petit trois-mât, ça doit se trouver ici. Nous aviserons davantage lorsque nous serons de retour en eaux pirates. »
Angelica faisait la moue. Elle avait hâte d'énoncer ses conditions pour notre futur bâtiment ; elle mourrait d'envie de posséder sa propre bibliothèque à bord. Mais il lui faudrait prendre son mal en patience...
Je n'aimais pas Grand Line : j'avais lourdement contribué à pacifier plusieurs îles et savais aujourd'hui que le Gouvernement Mondial avait la mainmise sur la plupart des voies. Nous étions en territoire ennemi, et ce jusqu'à ce que nous traversions Red Line. Là encore, ce ne serait pas une partie de plaisir, mais je connaissais des passages officieux entre les deux mers figurant sur des cartes au G-0. Il nous fallait nous préparer et partir en vitesse.
Je laissai derrière moi le Fantôme et son navire, lui rendant volontiers sa cabine mais pas son honneur aux échecs : plusieurs parties résolues assez rapidement avaient eu raison de son envie de lutter, lors de notre traversée. Pour l'instant, j'ordonnais à mes hommes de se disperser sur les quais, leur donnant une heure précise à laquelle se regrouper le lendemain. Ils étaient évidemment priés de ne pas faire de grabuge, auquel cas je m'occuperais personnellement de leurs fesses et aucun n'avait envie de voir ça.
Accompagnée de mes deux Lieutenants, j'avisais la suite :
« - Il y a une base de la Marine ici, mais à part quelques blancs-becs, tout le monde est pourri jusqu'à l'os. C'est pour cela que j'ai choisi de faire étape ici.
- De toute façon, on va pas rester plus de quelques jours. Trouvons-nous un établissement où on se posera pas trop de questions sur notre identité. J'irai voir pour un navire demain aux premières heures.
- On est au bon endroit pour ça aussi. »
Pas besoin de se taper une taverne ou une auberge miteuse : les casinos et hôtels vivaient aussi bien des riches rentiers que de la lie des mers, tant que les clients payaient. Après nous être enfoncés dans la métropole, un de ces établissements s'imposa à nous comme le meilleur choix. « Au Bon Pirate », c'était pratiquement un pied de nez à la Marine, et pourtant : à l'intérieur, on y trouvait de tout. Au rez-de-chaussée, une grande salle avec de multiples tables de jeux et bars s'étalait à gauche de l'accueil. À droite, des ascenseurs et une cage d'escalier menaient aux étages supérieurs.
Trois mots échangés puis je jetai les liasses pour trois chambres séparées, trois nuits, en prévision. Nous ne resterions probablement pas plus d'un jour, mais au moins ça permettait de voir large en plus de brouiller les pistes.
Rendue au deuxième étage, ma clé pivota dans la serrure en même temps qu'Angelica rentrait dans son appartement ; nous étions l'une à côté de l'autre tandis que Karen, elle, avait écopé d'une suite au quatrième en raison d'un manque de places. Il avait fallu aligner quelques billets en plus, mais rien de faramineux : l'homme au guichet nous avait fait un prix. Je le suspectais d'avoir déjà vu nos visages sur des avis de recherche.
L'ensemble blanc se dévoilait devant mes yeux, tout en propreté et en finesse. Le soleil, encore haut dans le ciel, illuminait la chambre proprette. Parfait. Je déposais mes affaires et me précipitais sous la douche pour profiter de ce confort rare en mer et pourtant essentiel. Dix minutes passèrent avant que je ne sois finalement prête à passer commande à la réception pour une robe figurant sur un catalogue. Enroulée dans une serviette, je reçus le paquet sans trop d'attente et remerciai le groom avant d'enfiler la fameuse tenue d'apparat légèrement trop serrée et rejoindre la fête.
Faisant le tour de mon verre de martini du bout de l'index, je regardais les tables, n'y trouvant qu'un seul intérêt pernicieux : celui de faire enrager mes adversaires. Je n'avais aucun talent pour cela, je préférais donc observer en jouant la groupie, en me collant aux côtés d'un riche bourgeois ou d'un criminel vénal et en le soutenant, si je voyais qu'il gagnait la partie. Je pouvais lire la rage et l'envie dans les yeux de ses ennemis, avant de m'effacer et passer à la table suivante. Finalement, faisant trêve de pusillanimité, je me prêtai au jeu.
« - La première carte est un huit de trèfle. »
Éloignant la cigarette de ma bouche et sirotant mon verre, je regardais mon jeu. Mal barré. Mais je ne laissais rien paraître. Je continuais à miser jusqu'à ce que toutes les cartes soient sorties, misant gros à chaque fois, usant de mon aura pour pétrifier mes adversaires et leur faire comprendre que je ne déconnais pas. Puis dévoiler mon bluff et entendre les dents crisser avant de remiser mes gains dans un sourire diabolique.
« - Reine de pique. »
« - Profitons-en pour trouver un autre rafiot, le temps de rejoindre le Nouveau Monde.
- Pour ça, on aurait dû rejoindre Alvel non ?
- Pas besoin. Une goélette ou un petit trois-mât, ça doit se trouver ici. Nous aviserons davantage lorsque nous serons de retour en eaux pirates. »
Angelica faisait la moue. Elle avait hâte d'énoncer ses conditions pour notre futur bâtiment ; elle mourrait d'envie de posséder sa propre bibliothèque à bord. Mais il lui faudrait prendre son mal en patience...
Je n'aimais pas Grand Line : j'avais lourdement contribué à pacifier plusieurs îles et savais aujourd'hui que le Gouvernement Mondial avait la mainmise sur la plupart des voies. Nous étions en territoire ennemi, et ce jusqu'à ce que nous traversions Red Line. Là encore, ce ne serait pas une partie de plaisir, mais je connaissais des passages officieux entre les deux mers figurant sur des cartes au G-0. Il nous fallait nous préparer et partir en vitesse.
Je laissai derrière moi le Fantôme et son navire, lui rendant volontiers sa cabine mais pas son honneur aux échecs : plusieurs parties résolues assez rapidement avaient eu raison de son envie de lutter, lors de notre traversée. Pour l'instant, j'ordonnais à mes hommes de se disperser sur les quais, leur donnant une heure précise à laquelle se regrouper le lendemain. Ils étaient évidemment priés de ne pas faire de grabuge, auquel cas je m'occuperais personnellement de leurs fesses et aucun n'avait envie de voir ça.
Accompagnée de mes deux Lieutenants, j'avisais la suite :
« - Il y a une base de la Marine ici, mais à part quelques blancs-becs, tout le monde est pourri jusqu'à l'os. C'est pour cela que j'ai choisi de faire étape ici.
- De toute façon, on va pas rester plus de quelques jours. Trouvons-nous un établissement où on se posera pas trop de questions sur notre identité. J'irai voir pour un navire demain aux premières heures.
- On est au bon endroit pour ça aussi. »
Pas besoin de se taper une taverne ou une auberge miteuse : les casinos et hôtels vivaient aussi bien des riches rentiers que de la lie des mers, tant que les clients payaient. Après nous être enfoncés dans la métropole, un de ces établissements s'imposa à nous comme le meilleur choix. « Au Bon Pirate », c'était pratiquement un pied de nez à la Marine, et pourtant : à l'intérieur, on y trouvait de tout. Au rez-de-chaussée, une grande salle avec de multiples tables de jeux et bars s'étalait à gauche de l'accueil. À droite, des ascenseurs et une cage d'escalier menaient aux étages supérieurs.
Trois mots échangés puis je jetai les liasses pour trois chambres séparées, trois nuits, en prévision. Nous ne resterions probablement pas plus d'un jour, mais au moins ça permettait de voir large en plus de brouiller les pistes.
Rendue au deuxième étage, ma clé pivota dans la serrure en même temps qu'Angelica rentrait dans son appartement ; nous étions l'une à côté de l'autre tandis que Karen, elle, avait écopé d'une suite au quatrième en raison d'un manque de places. Il avait fallu aligner quelques billets en plus, mais rien de faramineux : l'homme au guichet nous avait fait un prix. Je le suspectais d'avoir déjà vu nos visages sur des avis de recherche.
L'ensemble blanc se dévoilait devant mes yeux, tout en propreté et en finesse. Le soleil, encore haut dans le ciel, illuminait la chambre proprette. Parfait. Je déposais mes affaires et me précipitais sous la douche pour profiter de ce confort rare en mer et pourtant essentiel. Dix minutes passèrent avant que je ne sois finalement prête à passer commande à la réception pour une robe figurant sur un catalogue. Enroulée dans une serviette, je reçus le paquet sans trop d'attente et remerciai le groom avant d'enfiler la fameuse tenue d'apparat légèrement trop serrée et rejoindre la fête.
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Faisant le tour de mon verre de martini du bout de l'index, je regardais les tables, n'y trouvant qu'un seul intérêt pernicieux : celui de faire enrager mes adversaires. Je n'avais aucun talent pour cela, je préférais donc observer en jouant la groupie, en me collant aux côtés d'un riche bourgeois ou d'un criminel vénal et en le soutenant, si je voyais qu'il gagnait la partie. Je pouvais lire la rage et l'envie dans les yeux de ses ennemis, avant de m'effacer et passer à la table suivante. Finalement, faisant trêve de pusillanimité, je me prêtai au jeu.
« - La première carte est un huit de trèfle. »
Éloignant la cigarette de ma bouche et sirotant mon verre, je regardais mon jeu. Mal barré. Mais je ne laissais rien paraître. Je continuais à miser jusqu'à ce que toutes les cartes soient sorties, misant gros à chaque fois, usant de mon aura pour pétrifier mes adversaires et leur faire comprendre que je ne déconnais pas. Puis dévoiler mon bluff et entendre les dents crisser avant de remiser mes gains dans un sourire diabolique.
« - Reine de pique. »
Dernière édition par Eleanor Bonny le Jeu 20 Mai 2021 - 8:36, édité 2 fois