"Tasse de thé et prisonniers"
Sohalia avait observé un moment de silence lorsqu’on les avait informés qu’ils allaient devoir servir d’escorte sur un convoi de prisonniers. Ce n’était pas qu’elle n’avait pas saisi l’information, ou n’en avait pas pris la pleine conscience, plus qu’elle avait dû réfléchir quelques minutes de plus que son frère pour saisir qu’elle allait servir de porte-étendard de confiance, avec ses collègues agent plutôt que de servir à quelques choses de concret, si toutefois tout se passait bien. Peu importait finalement, car cela lui rappelait quelque peu son passif au sein de la marine d’Elite. Ils devaient concrètement conduire ces prisonniers à l’échafaud. Ce qui, elle devait bien l’admettre ne lui déplaisait pas vraiment. D’autant que même si elle avait conscience de faire partie du Cipher Pole, une partie de son côté militaire reposait toujours auprès de ses camarades de la 102e. Elle avait donc préparé ses armes et avait enfilé une tenue qui lui paraissait correcte et fonctionnelle – si tant est qu’on considère une chemise blanche aux manches roulées sur les épaules et nouée sous les seins, et un pantalon noir ample comme étant correct – et était partie à bord du Green Fairy. Elle avait pu rencontrer la Commodore Foxy Et la lieutenant-colonel Nikitin.
C’était quelque peu impressionnant de se retrouver porte-parole du Gouvernement Mondial face à ces pontes pour l’agente qui avait pleine conscience de son inexpérience en tant qu’agent du Cipher Pole, c’était même plutôt drôle à constater. Elle avait eu vent de la présence de collègue de collègues du Pole 5 sur le navire prison – qui s’apparentait à son sens à un bâtiment immensément et massivement blindé – dont Tim Uzi et une autre agente, que son frère connaissait mieux qu’elle, et qui s’appelait de mémoire Caramélie.
Et en parlant de son frère, Yoligan avait embarqué avec elle sur le Green Fairy et avait passé le gros de la traversée à se faire du thé et à potasser son bouquin de Chimie, il était d’ailleurs assez impressionnant de constater qu’il ne se préoccupait en rien des cendres qui tombaient dans son breuvage, ce qui avait fait grimacer la jeune femme, elle aurait pu aller lui faire la remarque, mais avait fini par abandonner. Sohalia s’était installée juste le temps de piller sa réserve de Scones et de petits gâteaux – chacun prépare sa mission comme il veut… Elle n’allait pas juger – et avait fini par le laisser lire pour aller déambuler et surveiller la mer.
C’était difficile au vu de la situation climatique, de voir quoi que ce soit ; alors elle déambulait le dos bien droit, une main sur le fourreau de son Katana. Si elle marchait (s’impatientait) sur le pont comme s’il lui appartenait, elle ne devait pas nier qu’elle essuyait les quelques regards curieux des marins qui couraient presque sur le bateau pour effectuer leur mission elle n’avait pas franchement la dégaine d’une marine… Ou de quoi que ce soit qui aurait dû se trouver légalement à bord de leur rafiot. Elle était allée saluer la Commodore qui les avait accueillis avec un sourire chaleureux. Les cendres s’étaient épaissies dans le ciel et elle était bien heureuse d’avoir grandi sur Sanderr et d’avoir affûté sa vision dans les climats troublent, car sans ça, elle aurait sûrement été complètement perdue, pour autant, elle ne vit pas plus que les autres quand le bateau s’écrasa lamentablement et à grands fracas contre le navire prison.
Il ne lui fallut pas un instant de plus en entendant le vacarme que cela provoqua, pour que son sang se mette à bouillir et qu’elle accapare un cordage pour se rendre sur le navire en question. Elle aurait sûrement dû prévenir le commodore de son départ, mais n’avait même pas pris la peine de s’en charger, sûre et certaine qu’avec ou sans son intervention l’agent Giacca – Yoligan – s’en chargerait.
Ce n’était pas tant que son frère était sourd, mais plutôt qu’elle avait un doute sur son niveau d’implication dans sa lecture, et le secouer un peu n’était pas une mauvaise idée.
Elle avait sauté sur le bateau principal – qui s’était retrouvé par on ne savait quel miracle en tête du peloton – et observa une scène quelque peu surprenante. Enfin, surprenante pour quelqu’un qui n’aurait pas eu son frère occupé à faire la même chose de l’autre côté, à savoir boire un thé comme s’ils n’étaient pas dans un convoi. Et la coupable n’était autre que… L’agent d’Izigny. Eh bien… L’agente se hissa dans les cordages noueux du navire pour prendre la hauteur sur la situation. Tim et Caramélie sur le pont supérieur avec un homme en uniforme, il portait une barbe de trois jours, ou de la crasse, peut-être…. Rien n’était vraiment sûr avec toute cette cendre. Et celui qui semblait réclamer dommages et intérêts à… Eh bien… la Marine… Un autre débarqua, et même dans le noir elle aurait pu reconnaître son uniforme de Marine d’Elite, mais il s’exclama si fort qu’elle put comprendre que l’importun n’était autre que Mountbatten. Il était difficile en ayant fait partie des rangs de la Marine d’Elite de ne pas avoir entendu parler de lui.
Il semblait qu’il était passé du côté Pirate de la force et cela avait fait grincer des dents l’agente. Dommage fut le seul mot qui lui vînt à l’esprit. Cependant, ce qui la fit plus tiquer, ce fut de se demander si elle devrait saluer ou non le Commandant d’Elite. Réflexion qui lui prit assez de temps pour que la situation dégénère.
Uzi se retrouvait, par le plus grand des miracles, entouré par les prisonniers qu’ils se devaient d’escorter jusqu’à l’échafaud. Si elle n’était pas très studieuse, elle avait tout de même vaguement lu les dossiers des membres les plus dangereux au cas où un cas de figure semblable se produise. Aussi étonnant que ça puisse paraître, elle avait bien retenu que celui au masque était plus ou moins le chef des autres, et qu’il ne fallait pas s’approcher de trop prêt de celle qui ressemblait à un perroquet. La question étant tout de même « mais bordel comment ils sont sortis ces cons ?! ». La première idée qui lui vînt fut sans conteste et vous ne la reprendrez sûrement pas, que le pirate avait chercher pour une raison obscure à libérer ces tarés.
Son idée fut assez vite balayée par un tentacule immense qui s’écroula dans la mer envoyant des gerbes monstrueuses d’eau. Bonne nouvelle, cela eut pour effet de dégager pour quelques instants au moins la vue à l’agent Sciabola. Ok.
Si la situation lui avait paru étrange, elle en eut le bec coupé. D’immenses tentacules, qui n’avaient rien d’une attraction de manège, étaient sortis de l’eau. C’était comme observer son pire cauchemar s’échapper des flots marins. Énorme, gluant, à la teinte grisonnante. La cendre tourbillonnait, le pont déjà recouvert de gris devenait poisseux. Une bonne journée où on aurait préféré rester dans le fond de son lit.
« Oh putain de bordel de merde. »
Si elle avait douté d’être d’une quelconque utilité à un moment pendant la période de calme qui avait précédé cet enchaînement de catastrophes, elle ne douta pas un instant que toutes les mains soient d’une aide précieuse à l’heure actuelle. Tim avait bougé. Elle redescendit du cordage aussi vite qu’il lui fut possible de le faire et se rua en direction de Tim Uzi grâce au Soru. Elle dut prendre trop de temps pour arriver sur le pont, car la situation avait quelque peu évolué. C’était le fameux Mountbatten qui se trouvait devant elle. Ce n’était cependant pas vraiment la situation la plus dérangeante là-dedans. Qu’est-ce que le perroquet avait foutu ? L’agent tatoué avait sorti son… Bazooka… Est-ce que c’était bien ça ? Elle dut creuser sa mémoire et faire abstraction de l’autre braillard qui semblait outré par leur inactivité, et compris assez rapidement le souci avec la nana aux cheveux iroquois. Le fruit de la cible bordel. Elle déclipsa l’attache du fourreau de son Nodachi pour saisir son arme sans la dégainer. Après tout, le but du convoi restait d’amener les prisonniers à la potence pas de leur ôter la vie.
« Si je devais être payée à chaque fois que ça part en couille, je serais putain de milliardaire.»
Elle se déplaça en face d’un des hommes, qui était, il lui semblait « Manu ». Le fourreau de son arme en main, elle observait la situation en se rapprochant de ceux qui semblaient plus ou moins de son côté. Il n’y avait finalement pas que les trois gros antagonistes qui semblaient en colère, et finalement, il semblait même qu’un vent d’insurrection soufflaient parmi les prisonniers.
«Ils veulent prendre notre liberté ! »
« Notre liberté d’être prisonniers ! »
« À mort les oppresseurs ! »
« Agent Niveren, je peux aider peut-être ? »
Elle se mit en garde, la situation étant quelque peu ridicule puisqu’elle n’avait pas ôté le fourreau. Dans tous les cas, elle jeta un coup d’œil rapide à la situation, il lui semblait plus urgent de calmer la masse, Tim Uzi avait plus d’expérience qu’elle, il s’en sortirait sûrement très bien pour calmer le perroquet. Elle se mit en garde, la situation étant quelque peu ridicule puisqu’elle n’avait pas ôté le fourreau. Elle ne bougea pas d’un pouce jusqu’à ce qu’on lui fonde dessus, sûrement de colère.
Est-ce qu’ils étaient aveugles ou est-ce qu’ils ne prêtaient pas attention aux gerbes d’eau salés qui s’écrasaient sur le pont ? Dans tous les cas, il ne fallut pas longtemps pour que le vent d’insurrection se transforme en émeute. L’agente n’eut pas à attendre longtemps pour commencer une danse macabre dans le seul et unique but d’au moins les assommer pour qu’ils arrêtent, soit de brailler, soit de se mettre dans les pattes de ceux qui allaient leur sauver les fesses plus tard (enfin jusqu’à les mener à leur mort vous l’aurez compris…). Elle n’eut pas grand mal à balayer la première vague de prisonniers qui lui tombait dessus, sans doute parce qu’ils n’étaient pas armés, mais les prisonniers continuaient, et ce devînt plus difficile d’assurer sa survie et la leur.
Elle parvenait grâce à l’allonge de son arme, à les garder à bonne distance, ce qui lui assurait que sans armes, ils ne pouvaient la blesser, elle usa du Soru pour s’échapper de la masse qui l’encerclait et reprendre une vision d’ensemble sur la situation. C’était dans ces moments-là que sa petite taille l’handicapait. Elle n’eut le temps que de constater que celui au masque semblait déjà s’échapper de ce raffut, et que ces gens étaient suffisamment fous pour écraser et piétiner sans vergogne leurs camarades qu’elle avait assommer.
Mais comme il en venait encore de toutes parts alors elle continuait son œuvre, pas assez diplomate dans l’âme pour tenter de les calmer. Ça, c’était l’affaire de son frère. D’ailleurs, il prenait encore le thé ou quoi ?!
« Bordel, mais ils sont combien ?! Le chef se barre ! »