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Convoi 09: Guillotine Blurlake

La route de tous les périls est réputée pour les changements climatiques soudains et anarchiques. Mais aujourd'hui, le brouillard de guerre ambiant n'est dû qu'à l'activité d'un énorme volcan à une île des alentours. Le ciel chargé de cendre a répandu une brume salissante, sous forme de neige grise et de poussière grasse en suspension. A force de dépôts, le Guillotine Blurlake ressemble à une vieille photo en nuances de gris. Bien entendu, on n'y voit pas à plus de quelques mètres. L'équipage s'est équipé de grands cirés et époussette sa tenue à chaque retour à l'intérieur. Au moins, les risques d'embuscade sont atténués. Si cela devait toutefois se produire, tout se règlerait en pur abordage.

La partie incarcérée des membres de la secte des Contristes est curieusement seule préservée de l'impondérable brume. Bien au propre dans leurs cellules, ces fanatiques avaient débuté leur mouvement par contestation des extrêmes. A force de se révolter contre tout, leur propre cause avait été contrée. Il avait fallu plus de quatre ans et une infiltration totale d'un de ses soldats pour que la Marine conforme toute la secte au port du fer et la soumette aux lois mondiales.

Haven "Garde" Ist est ce qui sert de chef au groupe, même si avoir un chef est trop dirigiste pour ces nihilistes. Sa capture le dérange, mais le rassure en même temps. On punit les crimes commis, enfin un peu de logique ! Depuis sa zone de détention, il songe à une nouvelle secte, destinée à naître et mourir durant le convoi. Les Anti-évasistes, un mouvement criminel ne reculant devant aucune cruauté ni aucun extrême pour punir de façon illégale ceux qui voudraient s'évader.

Manu dit "la Teigne" a honte d'être incarcéré ici. De sa geôle, il assiste à la folie qui gagne les membres de ses frères, envers lesquels il n'avait jamais vraiment cru. L'absurde qui le dépitait au Third District de Strong World avait contaminé les gens qu'il avait rejoints pour y échapper. Sa prison lui semble double, son purgatoire déjà entamé. Espère-t-il pour autant un sauvetage ? Qu'importe, tant que né de nulle part, il puisse partir ailleurs.

Elina "Travel" Itré sélectionne ses prochaines cibles parmi les soldats de la Marine, suite au nouveau mouvement de son gourou. Pour elle, les uniformes pousseront les Anti-évasistes en dehors de la zone de détention, ce qui sera une forme de libération et être libre et condamné n'est pas tolérable. Déjà elle prépare une opération, afin de prendre en otage les gardes et de négocier auprès du Gouvernement Mondial le droit à rester emprisonnés au Guillotine Blurlake jusqu'à la fin. Ou qu'ils soient graciés pour pouvoir en sortir.
    Cher journal,

    C’est un spectacle impressionnant que de voir ce puissant navire de bois et de métal, semblable à une forteresse aux voiles fièrement gonflées, fendre la mer en balayant les vagues avec une nonchalante assurance. C’est dans ce genre de situation que je peux comprendre l’attrait que l’on peut trouver à une carrière dans la marine : c’est tout simplement grisant !  On éprouve une sensation exaltante d’invincibilité comme si ni les flottes ennemies, ni les monstres marins, ni l’océan lui-même ne pouvaient se dresser face à nous !

    Cependant, s’il y a une chose qui est meilleure que d’être dans la marine, c’est de faire partie du Cipher Pol. Si j’avais suivi la carrière d’officier à laquelle me destinaient mes parents (enfin surtout mon père, parce que je suis a peu près sure que maman croit que sa fille puinée doit avoir… oh, entre dix et douze ans, et que si elle ne l’a pas vue dernièrement c’est parce que les enfants n’ont pas à se mêler des affaires des adultes, et inversement) je serais sans doute comme l’un de ces officiers aux galons brillants et au manteau blanc fièrement accroché à leurs épaules, par-dessous leur ciré gris et parsemé de cendres, en train de clamer des ordres à tout va et de parader en bombant la poitrine pour se donner un air autoritaire, tandis que les matelots s’affairent à effectuer des tâches dont je n’ai pas la moindre idée de leur utilité. Garde ça pour toi journal, mais je n’ai toujours pas compris pourquoi, une fois lancé, on ne pouvait pas simplement laisser un bateau avancer tout seul pendant qu’on fait des choses plus intéressantes ? Ni à quoi ça servait d’avoir des équipages aussi compacts ? Certainement pas pour le combat en tout cas, tout le monde sait qu’en cas d’impondérable tous ces braves gens serviront juste de défouloir aux vrais combattants, ceux qui ont un nom et un style visuel un peu travaillé !
    C’est d’ailleurs pour cette raison que le convoi accueille également quelques personnes comme moi : des officiers de la marine pour la plupart, mais aussi des v.i.p expressément détachés pour s’assurer que notre chargement parvienne à bon port. Et il vaudrait mieux, parce qu’aux dernières nouvelles ça barde sur les mers en ce moment !

    N’ayant pas de rôle spécifique à tenir, sinon montrer que je suis la et afficher un air serein pour faire comprendre que « tout va bien, et que même si un danger arrivait il repartirait vite fait la queue entre les jambes, non sans s’être platement excusé au préalable », mais ne pouvant pas -encore ?- me permettre d’aller trop loin dans la nonchalance en m’installant un transat sur le pont supérieur, je me contente de profiter paisiblement du spectacle, tranquillement assuse sur une rambarde au dessus du pont, installée sous un parasol qui protège mon élégant chapeau à ruban orange et ma robe d’été assortie, de la cendre qui tombe dru.
    La cendre, parlons-en puisque je suis sure que ça t’intéresse journal ! Elle est de toute manière le principal sujet de conversation sur le Guillotine depuis que nous avons commencé à croiser au large de ce volcan en éruption. On a essayé de m’expliquer que c’était un phénomène météorologique attendu et prévisible et il n’y a rien à craindre, mais je suis convaincue qu’on m’a dit ça pour ne pas avouer que quelqu’un s’est planté. A moins qu’il ne s’agisse d’un super plan pour dissimuler notre route à tout observateur extérieur et ainsi éviter les mauvaises rencontres ? … Mouais ! Vu les conditions de navigation déplorables que cela implique je suis convaincue que quelqu’un a juste dessiné notre itinéraire à la va-vite, ou bien qu’il a mal lu ses cartes de navigation !
    Entre nous, journal, ce ne serait pas plus simple de me l’avouer ? Ce n’est pourtant pas comme si mes collègues et moi avions la réputation d’attirer des ennuis aux autres !

    Peu importe. En attendant je profite de ce spectacle insolite mais agréable à regarder -et assez reposant et plaisant si on omet l’odeur de brûlé- de cette cendre qui essaie de se faire passer pour de la neige. Je me dis qu’assister à ce genre d’évènements une fois de temps en temps vaut bien de devoir protéger avec ma main le thé glacé que je sirote, pour que de petits morceaux de poussière ne tombent pas dedans.
    • https://www.onepiece-requiem.net/t21492-l-envers-du-journal#2313
    • https://www.onepiece-requiem.net/t21479-caramelie-la-critiqueuse
    Le temps s'était décidément dégradé en l'espace de quelques heures. L'éruption du volcan, quoi que prévisible par les sismologues, restait impressionnante aux yeux des simples néophytes. Le navire de guerre voguait en direction de l'île de Citadelle, située sur la quatrième voie de Grand Line. L'équipage était guidé par un Eternal Pose donné par le gouvernement de l'île lourdement fortifiée aux officiels de Terra, dans le cadre de l'établissement des relations cordiales entre les deux nations.

    Mountbatten avait été dépêché une première fois pour sécuriser une voie d'approvisionnement avec les industries locales pour permettre un transfert de technologie militaire vers Terra. En tant que directeur du Complexe Militaro-Industriel, le lieutenant-général avait conduit la mission la première fois, laquelle avait eu le malheur de se retrouver en plein milieu d'un convoi de la Marine. Cette fois-ci, et pour prévenir le coup, ce n'était plus un navire marchand qui avait été désigné pour l'occasion, mais une véritable frégate armée jusqu'aux dents. La stratégie usée jusqu'à ce que le bâtiment arrivât dans les eaux proches du volcan était la suivante : grâce au fruit du démon du lieutenant-général, l'ensemble de l'embarcation était invisible. Le navire pouvait ainsi voguer tranquillement sur les eaux du Nouveau Monde et de Grand Line. Mais à cause de la pluie de cendres et de l'atmosphère lourde, la technique ne fonctionnait plus, au grand dam des Terrans. Les particules de cendre qui tombaient sur le navire pouvaient devenir invisibles, puisqu'elles entraient en contact avec une structure liée au Fantôme. Toutefois, un observateur pouvait deviner la silhouette du navire, ce qui rendait inutile la manœuvre, tout en diminuant la condition du mangeur de fruit du démon qui devait mobiliser une partie de sa puissance pour maintenir l'effet. Ainsi, il avait décidé de retirer le voile d'invisibilité du bâtiment de guerre. Par conséquent, l'équipage avait été mis en alerte.

    Quelques minutes seulement après l'arrivée dans les eaux proches du volcan, des ombres se distinguaient à l'horizon. La vigie sortit sa longue-vue pour vérifier l'horizon.

    "- NAVIRES EN VUE ! NAVIRES EN VUEEEE !" criait la vigie, d'où elle pouvait apercevoir un convoi composé de trois navires de taille différente.

    À ces mots, le capitaine ordonna le branle-bas de combat. Tous les matelots joignirent leur poste sans broncher, abandonnant sur-le-champ leurs activités. La discipline et la rigueur de soldats de l'île permirent une préparation minime du navire pour un affrontement en mer. Toutefois, leurs intentions n'étaient pas fondamentalement hostiles. Mais il fallait constamment se méfier. L'incident de la dernière fois leur rappelait que la Mer de Tous les Périls portait bien son nom.

    "- Mais.. C'est… Putain.

    C'EST LA MARINE ! CE SONT DES NAVIRES DE LA MARINE !" hurla encore plus fort la vigie.

    À ces mots, les soldats frémirent. C'était encore pire que ce qu'ils pensaient. Mount retint sa respiration un moment, comme si son buste était compressé par le choc de la nouvelle. Le navire de Terra pouvait à tout moment repousser un petit équipage de pirate mal intentionnés. Mais avec les forces du Gouvernement Mondial, les choses étaient toutes autres. Déjà, parce que leur puissance de feu était probablement supérieure à ce qu'ils pouvaient donner. Et ensuite, parce que les rapports entre Terra et Marie-Joie restaient troubles. Récemment, le Fantôme avait du "s'occuper" d'une équipe du CP9 envoyée sur l'île pour la déstabiliser, avec des buts qui restaient encore flous. Cela faisait suite au refus de l'Imperiosa de la proposition d'alliance du Gouvernement Mondial. Les relations étaient donc tendues, et tout pouvait tourner cette atmosphère méfiante en une guerre ouverte.

    Et une occasion se présenter juste devant eux.


    Dernière édition par Mountbatten le Sam 3 Avr 2021 - 19:03, édité 2 fois
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    Y'a un truc que je déteste, c'est quand les pontes me collent une mission à la con. Je suis affecté temporairement à la protection d'un convoi alors que j'ai du pirate à traquer. Là, je me tourne les pouces. 'Fin, façon de parler vu que j'ai qu'un bras de valide. En gros, le Gouvernement Mondial estime que je suis plus utile dans ce genre de moment à attendre que ça se passe. J'ai fait un truc qui leur déplait ou quoi?! Je trouve ça ridicule! Tout le monde sait que je suis efficace dans le feu de l'action. Pas à jouer les nounous...

    Bref, je me suis isolé dans un coin du pont supérieur à bouder sévère. J'ai même pas encore vraiment capté qui est à bord tant je préfère grogner comme pas deux. Je veux dire, je sais rien des malchanceux qui se retrouvent dans le même... ...bateau que moi... À moins que je sois le seul? Boarf, ça me fout les nerfs. Qu'importe le reste de l'équipage, j'ai qu'un désir. Que ça soit plié histoire que je reprenne mes habitudes ou qu'un évènement survienne. Pourquoi pas des pirates stupides qui voudraient s'en prendre à nous? Impossible, on baigne depuis quelque temps d'une sorte de brouillard poisseux. Le ciel nous gerbe de la cendre parce qu'un volcan a eu la bonne idée de rentrer en irruption. La blague. Et dire que les têtes pensantes l'ont prévu? Mon cul, ouais! Je dis merde à leur ciré inutile.

    Je continue de zyeuter l'horizon comme un glandu. Vrai qu'on y voit que dalle. 'Fin, on va pas rester là éternellement, alors je bite pas en quoi c'est tactique de nous encrasser de cendres. Je m'amuse à activer ma prothèse oculaire pour voir si je peux capter une quelconque perturbation dans l'air. Nada. Tout est calme. On se fait vraiment chier. Et là, au milieu de cette "brume" grisante, je crois entendre un cri. J'éveille alors mes sens en me penchant sur le bastingage pour mieux recevoir le son. Hum, possible que ça soit simplement un écho. Je dois probablement halluciner à cause de cet ennui mortel. Je vois toujours rien, mais je perçois à nouveau une onde sonore. Je me frotte alors le sommet du crâne pour essayer de comprendre ce qu'il se passe. Remarquant rien d'anormal par la suite, je me dis que c'est sûrement les deux autres navires qui nous encadrent.
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    Le navire de Foxy avançait en tête, le notre suivait. Sergent à mes heures, à présent, je n'officiais à bord que dans un seul et unique but : me tenir le plus loin possible de mon nouveau Commandant. Un type à la fois gras, costaud, vieux et patibulaire qu'on appelait Jack, mais aussi parfois « Princesse » ou «Petite Fleur ». Mais de ce que j'en avais vu, c'était surtout un putain de tyran.

    « - Allez les tire-au-flanc, on rattrape la barque de notre Commodore ci-sec ou je m'appelle pas Jack O'Bannon. »

    Quelque part, j'avais toujours l'impression que son regard était rivé sur moi. Même à cet instant présent où il dictait ces mots depuis le gaillard d'arrière, sommant tout l'équipage de « s'activer ». Oui mais ça veut dire quoi s'activer, quand on va déjà à la vitesse maximale ? Buck était à ses côtés, droit comme un i, comme toujours ; c'était pas un lèche-bottes, juste un type réglo. Il était présent pour transmettre les ordres puis il disparaissait consigner tel ou tel truc qui venait de se passer sur le navire. La pose poétique d'un goéland sur le bout d'un canon par exemple, qu'il comparerait à un signe de paix.

    « - Qu'est-ce que je fous ici, putain.

    - Je sais pas non plus, Blue, » répondit le Lieutenant, ne sachant pas s'il s'adressait à moi ou à lui-même.

    J'avais trouvé que le meilleur moyen de me tenir à bonne distance d'O'Bannon était encore de coller son second. Lui se fichait pas mal de ma compagnie ; rien ne pouvait le déconcentrer lorsqu'il commençait à écrire.

    « - Pourquoi on est sur Grand Line à escorter un convoi à présent ?

    - Et pourquoi pas ? »

    Il s'en fichait. Ses réponses étaient génériques de toute façon, il me servait de canard en plastique pour tirer mes propres conclusions. Foxy aimait le danger, elle poussait parfois un peu trop sa chance mais jamais ça ne lui avait porté préjudice. Et elle estimait avoir fait son temps sur les Blues, alors elle cherchait à étendre son activité. Le Green Fairy et le Red Hare sur Grand Line, quelle blague. Mais surtout, j'appréciais l'ironie de n'avoir jamais été autant en danger que depuis que j'étais retourné dans le rang.

    Le navire-prison venait en troisième position. D'où nous étions, nous ne pouvions voir... rien. De la cendre obscurcissait le paysage, tombant à gros flocons et couvrant le pont et le bastingage de sorte à ce que le Commandant devait constamment s'époumoner de faire gaffe, de repasser un coup, de « non mais bordel, Ranger, pourquoi t'es déjà à trois grammes alors que c'est le début de l'après-midi » ? Mais Ranger était toujours à trois grammes.

    Apparemment, sur ces mers on pouvait développer des talents incroyables, tellement le danger était présent. Certains officiers manipulaient ce qu'ils appelaient du Haki ; au départ je pensais que c'était le nom d'un alcool local et très prisé de la hiérarchie. Du coup, je fixais bêtement l'horizon en essayant d'identifier les contours du navire de queue, me disant que ça me permettrait peut-être de développer un sixième sens. Mais rien du tout, j'y voyais que dalle.

    Puis le chef aboya à nouveau des ordres, le Lieutenant les retranscrit plus calmement et, de manière un peu mollassonne, je les faisais appliquer. Le Green Fairy donnait l'ordre de ralentir.

    « - Un peu plus de tonus, Blue, ou je te promets que je t'accroche à l'ancre et je te fais couler avec.

    - Ahem. Dépêchez-vous d'affaler les voiles, bon sang de merde ! »

    C'était tout ce qu'il fallait pour qu'il me lâche la grappe. Enfin, il me tenait toujours à l’œil, le regard mauvais, mais j'appliquais les ordres, nonchalamment certes, mais je le faisais.

    Bientôt, nous pûmes observer la proue du Green Fairy qui revenait vers nous. Le bâtiment nous dépassa et alla se ficher dos au navire-cargo qui opéra une rotation à quatre-vingt-dix degrés pour coller son flanc à notre cul. Nous étions en position de défense, mais pourquoi ? Y avait-il quelque chose de caché dans la brume qui nous menaçait ?

    « - Buck, envoie un homme essayer de comprendre ce qu'il se passe.

    - Blue. »

    Il n'avait pas cherché bien loin : j'étais le plus proche. Merde. Mais je ne perdis pas de temps en complainte, escaladant le gaillard d'arrière et sautant du bastingage pour atterrir sur le pont du transporteur. Quelques gens à bord me dévisageaient, mais je n'étais pas le seul à avoir fait le déplacement : le Lieutenant-Colonel était là aussi. Elle faisait tourner son barillet, comme prête au combat.

    « - Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

    - Des ombres dans la brume. »

    Ce fut tout ce que j'eus comme réponse. Je ne savais pas vraiment si cela méritait de retourner à bord du Red Hare, sachant que j'allais me faire houspiller, que l'on me prendrait probablement pour un guignol. J'avisais plutôt une place sur une des tables aménagées à bord où une civile, vraisemblablement, prenait le thé. Je pris mes aises, profitant de l'absence de Jack pour reposer mes esgourdes. Ma camarade de tablée était plutôt mignonne, un peu bon-chic-bon-genre, je ne pus me résoudre à m'asseoir sans rien dire, même si l'ambiance ne s'apprêtait pas forcément à ce genre d'inconvenances.

    « - Je ne savais pas qu'on escortait aussi des « Moldus ». »

    C'était un doux nom trouvé par Jack pour désigner ceux qui n'étaient ni amis, ni ennemis ; nul ne savait d'où il venait. Je ne compris la familiarité de ma question qu'après-coup, cependant.


    Dernière édition par Will Blue le Dim 18 Avr 2021 - 17:35, édité 1 fois
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    "Bon sang de bonsoir, c'est pas compliqué, quand même. Donnez-moi ça."

    L'anarchiste masqué soupira. Profitant du petit espace de flottement qui séparait le sol du début des barreaux, il arracha des mains du tatoué la craie rose translucide qu'il utilisait jusqu'ici pour schématiser ce qu'il comprenait du discours du captif. Celui-ci s'empressa alors de barrer une partie des notes inscrites sur la coque du bateau, et de rajouter plusieurs éléments sur le dessin que le sniper avait commencé pour espérer comprendre mieux les revendications du Contriste. Après une correction plus ou moins limpide, il désigna d'un coup de tête l'élément qu'il souhaitait mettre en avant, entraînant ses cheveux en bataille dans son geste.

    "On réclame que vous nous laissiez la liberté de rester enfermés. On en a assez d'être prisonniers dehors ! D'être enfermés dans notre liberté ! On veut profiter pleinement de notre condition de prisonniers, sans que vous cherchiez à nous en empêcher. C'est clair ?"

    Accroupi devant la cellule du cinquième frère Ist, l'homme à la peau brûlante hocha horizontalement la tête, observant les inscriptions d'un rosâtre fluo qui se trouvaient à ses pieds. Si celles qu'il avait faites en écoutant le chef de secte n'étaient déjà pas évidentes pour lui, les modifications n'avaient fait que le plonger plus loin dans sa confusion.

    "Non. Désolé, je ne vous suis pas."

    Dés l'instant où l'ancien armurier prononça ces mots, la craie mimée disparut d'entre ses deux doigts, ainsi que toute forme de son tracé sur le bois du navire. L'homme au manteau à fourrure tapa du poing et se prit le crâne dans les deux mains, avant de tenter une nouvelle fois de reprendre sa thèse.

    "C'est ce que je vous dis depuis tout-à-l'heure ! Bien sûr que vous nous suivez pas, on reste dedans ! Vous allez pas nous suivre dehors, puisqu'on sort pas ! Et je m'engage fermement à combattre tous ceux qui voudraient s'évader d'ici ! Qui est avec moi, les gars ?"

    "Ouais !"

    Après un soutien retentissant de la part de plusieurs des adhérents à son idéologie, il fixa l'agent droit dans les yeux pour attendre sa validation. Du moins la confirmation qu'il avait saisi son discours, car il n'avait en réalité que faire de son approbation. Il restait un anarchiste, et n'avait pas à attendre l'aval du Gouvernement pour agir comme bon lui semblait.
    L'émissaire aux dreadlocks se retroussa les lèvres avant de hausser calmement les épaules.

    "Oui. Ça, à la rigueur, ça nous arrange."

    Le leader de secte serra les dents et contracta les biceps dans un mouvement de repli sur le sol, avant de se relever et de réitérer pour la quinzième fois l'exposé de ses réclamations.

    "Non, ça vous arrange pas ! Parce que vous voulez nous retenir prisonniers, prisonniers de cette liberté que vous allez nous donner. On réclame le droit de rester contraints, parce qu'on l'a choisi ! Vous l'avez cette fois ?"

    Le Rokadien fronça les sourcils et s'éclaircit la gorge avant de répliquer.

    "Que ce soit clair, parce que vous semblez vous méprendre là-dessus, nous n'avons absolument pas prévu de vous laisser vous enfuir. Encore moins de vous y aider."

    Une énième explosion de rage de la part du Contriste en chef lui confirma que leurs deux points de vue appartenaient définitivement à des réalités différentes. L'ex-artilleur, en vérité, ignorait si le discours du masqué n'avait aucun sens ou si lui-même était trop formaté et fermé d'esprit pour parvenir à en déceler la logique. Alors qu'il se redressait, une main habile tenta de lui toucher la poitrine. Un Kami-E utilisé par réflexe lui permit d'échapper à ce contact, bien qu'il ne l'avait évité que de quelques centimètres. L'Alegrian, surpris par la vivacité de ce mouvement, se posa la main sur le crâne et observa la mercenaire aux cheveux turquoise reprendre sa place dans le fond de sa cellule. Son sourire mesquin montrait définitivement qu'elle n'avait plus toute sa tête. Ou qu'elle ne l'avait jamais eu. Elle imita un baiser avec ses lèvres dans la direction du tatoué, avant de former un faux pistolet avec ses doigts et de lui tirer dessus. Ignorant si elle faisait référence à la technique du Shigan ou si elle assumait pleinement son désir de le tuer, l'agent du cinquième pôle préféra considérer la première option.
    S'adressant à sa camarade, l'homme dépité au bouc jeta son bras droit vers elle avec lassitude avant de lui expliquer qu'elle perdait son temps.

    "Il te l'a expliqué, Elina, il est au courant pour ton pouvoir. Il ne te laissera pas le toucher."

    En guise de réponse, elle mima une explosion en ouvrant ses deux mains avant de se mordre les lèvres et de jeter un nouveau regard fou en direction du sniper.

    "Je t'aime."

    L'ex-armurier déglutit, presque intimidé par la névrose apparente de la tueuse, et souffla un coup avant d'annoncer son départ.

    "Je vais vous envoyer ma collègue et... réfléchir à tout ça, de mon côté. Elle est courtoise au premier abord, mais si vous envisagiez de la provoquer, je vous le déconseille."

    Un hochement de tête suffit pour les saluer. Il fit volte-face, pris d'assaut par les reproches du cadet Ist qui n'avait toujours pas digéré leur dialogue de sourds.

    "C'est ça, va-t-en, ouais ! C'est pas ma faute si t'as pas assez de neurones pour comprendre quelque chose d'aussi basique ! Imbécile !"

    Un Soru lui permit de fuir cette tornade d'insultes en un éclair. Lorsqu'il sortit du compartiment réservé aux geôles, il s'aperçut que la météo ne s'était pas apaisée, et avait même empiré depuis qu'il était entré à l'intérieur. Il était peut-être resté trois bons quarts d'heure à tenter d'établir la communication avec les anarchistes, et le changement lui paraissait un tantinet brusque, comme si le temps s'était arrêté pendant cette négociation invraisemblable qu'il avait tenté de mener avec le leader. Il activa en conséquence sa technique de Peau du désert, fruit de son entraînement de plusieurs mois avec le nomade Sergueï Recat, afin de calmer la sensation très désagréable qu'avaient la température ambiante et les retombées de cendres sur la peau encrée et nue de son torse.
    L'effet fut instantané, et l'agent se retrouva la bouche grande ouverte à bailler de plus belle. Cette capacité avait définitivement un effet sur son sommeil.

    Après une petite minute de marche, il rejoint la table où lui et sa camarade du cinquième pôle s'étaient installés. Il ne put s'empêcher de notifier qu'un officier aux cheveux mi-longs, maîtrisant manifestement le style du judicieusement-rasé-pour-paraître-mal-rasé, lui avait volé sa place assise. Il ne lui en tint pas rigueur et revira son regard vers l'agente, lui demandant de prendre le relais quant au marchandage avec les prisonniers.

    "Je te laisse prendre le relais. C'est compliqué, je ne te le cache pas."

    Il s'introduit ensuite au militaire d'un signe de tête solennel.

    "Agent Uzi, du CP5. Enchanté."

    N'attendant aucune réponse en particulier ni de l'une, ni de l'autre, il se contenta de s'installer sur le rebord opposé à celui qu'il s'était réservé, faisant alors face au gaillard de la Marine. Adossé contre le rebord en métal du compartiment surélevé à côté duquel la tablée était installée, il rapprocha chacun de ses index du pouce de la main correspondante, feignant de secouer un objet fictif. Une couverture d'un rose translucide ne tarda pas à apparaître, laquelle recouvrit l'ensemble de son corps suite à un grand geste astucieux.
    Saloperie de chaleur.


    Dernière édition par Tim Uzi le Mar 13 Avr 2021 - 10:45, édité 2 fois
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    Cher journal,

    Je suis contente de voir que certaines rumeurs ne mentent pas, comme celle qui disent qu’on trouvera toujours quelques beaux marins sur les navires de la marine ! Un peu comme cet homme qui vient s’asseoir à côté de moi, la mine un peu fatiguée, l’air de porter le poids et les reproches du monde sur ses épaules. Ajoutes-y la couche de cendre qui s’y est accumulée, et ça fait beaucoup de choses pour un seul pauvre homme !
    Ça lui va plutôt bien cela dit, tout comme son air plus ou moins négligé qui lui donne un côté aventurier rebelle. Dommage, il a l’air un peu vieux. Il doit avoir au moins… genre… trente ans ou même plus !

    Je l’accueille néanmoins avec un sourire chaleureux lorsqu’il s’installe à ma table pour engager la conversation, et glousse d’un petit rire en réponse à sa provocation. Quelqu’un de plus vilain (j’assume totalement, journal, de juger les gens sur leur faciès. Ça marche beaucoup trop souvent pour s’en priver !),  aurait eu le droit pour seule réponse à un « Je ne suis pas une moldue, je suis celle qui remplis vos fiches d’évaluation » mais mon interlocuteur a le droit à un sourire amusé et :

    « - Je ne suis pas une "moldue", je suis la magicienne ! »

    Et de transformer joyeusement mon bras en un nuage de gaz qui soulève ma tasse pour la faire léviter et tournoyer au-dessus de la table, le tout en dévisageant mon interlocuteur avec un regard pétillant. La tasse ainsi malmenée renverse le peu de contenu qui y restait, mais je fais mine que cet incident soit volontaire en demandant d’un air ingénu :

    « - Vos chefs ne vont pas vous disputer si vous m’offrez un nouveau thé ? »  

    C’est à ce moment que nous sommes rejoints par mon collègue l’agent Uzi, qui n’a pas l’air d’avoir passé un meilleur moment que mon joli -quoique trop vieux- marin. Je le comprends : il parait que notre patron, conscient de sa vulnérabilité aux températures trop élevées, prend un malin plaisir à l’envoyer en mission partout où il fait chaud !

    « - Je te laisse prendre le relais. C'est compliqué, je ne te le cache pas. »

    Je secoue la tête d’un air amusé, et réponds à mon collègue zélé :

    « - Tu sais que tu perds ton temps. Maintenant qu’ils ont été jugés et condamnés, ce sont juste des morts qui marchent et respirent encore un peu ! »

    Tu vois journal, c’est ça la différence entre les agents "trouvés", ceux que l’on recrute au pied levé et qu’on entraine plus ou moins à la va-vite, par rapport agents de carrière comme moi qui sommes formés depuis l’adolescence ou qui avons une carrière dans la marine derrière nous. J’aime bien Tim Uzi, mais malheureusement pour lui il appartient au premier groupe ! De toute manière mon collègue tatoué, après s’être présenté, indique sa volonté de ne pas s’intégrer à la conversation en activant son pouvoir qui le condamne au mutisme.
    Chassant mes pensées un peu mesquines et suivant l’exemple de Tim, je me présente à notre compagnon de voyage et lointain collègue de la marine :

    « - Et moi c’est Caramélie, enchantée. »

    J’aurais pu dire "Agent d’Izigny", mais tu te souviens journal : jugement sur le faciès, adaptation du discours, tout ça…

    Je m’interrompt alors qu’un matelot passe en trombe à côté de nous, brassant un nuage de cendres dans son sillage. Il a l’air de se passer des choses importantes quelque part, mais j’ai appris une chose au cours de mes pérégrinations, journal : sur un navire, il faut toujours laisser les ennuis à ceux dont c’est le travail !
    Je le regarde donc passer avec le sourire bienveillant qu’afficherait une maîtresse d’école regardant ses petits élèves en train de jouer, et porte mon thé glacé à mes lèvres en prenant soin de disposer mon autre main à la manière d’une coupelle par-dessus pour le protéger de la garniture indésirable au goût de cendre. Puis je reprends le cours de la conversation comme si de rien était et me retourne vers Tim, ajoutant à son intention :

    « - Et voici le caporal… euh… »

    A ce moment, notre navire change brusquement de direction en pivotant à quarante cinq degrés dans le brouillard ! Le mouvement, bien que lent à l’échelle d’un aussi gros bâtiment, surprend tous ceux qui ne s’y attendaient pas ! Je me demande ce qu’ils fabriquent, journal, mais je te parie que ça a un rapport avec le fait que "quelqu’un" ait surement mal calculé notre itinéraire ! Tu vas voir, on va finir par nous apprendre qu’on a navigué vers l’est alors qu’on aurait dû aller au sud, mais que ce n’est pas grave parce qu’on s’en est rendus compte à temps et qu’on a dérivé "que" de quelques centaines de kilomètres dans la mauvaise direction !  A moins que l’on ne nous l’avoue jamais, ce qui est très possible aussi. Ou bien que le capitaine essaie de nous faire gober cette histoire de navire qui rôde autour de nous, et il va en profiter pour essayer de rectifier notre direction discrétos. Son excuse ne tient pas : comme si on pouvait y voir quoi que ce soit dans ce brouillard ! Déjà qu’on arrive plus à entrevoir les navires d’escorte que par intermittence… !

    « - Il y en a qui s’amusent à la barre ! Dites-moi, Will, entre nous, ce n’était pas prévu ce détour par un volcan n’est-ce pas ? Vous connaissez un peu notre navigateur ? C’est son premier voyage ou… »

    Soudain la cloche du navire retentit, bientôt reprise dans le lointain par nos deux navires d’escorte. Le signal ne trompe pas : c’est le branle-bas de combat ! J’avise le matelot toujours courant qui revient dans l’autre sens, et l’alpague au passage :

    « - Que se passe-t-il ?
    - On a repéré un ou plusieurs bâtiments qui rôdent dans la brume. Le commodore redoute une attaque, on passe en formation de combat !
    - "Un ou plusieurs ?" Ce n’est pas très précis ! On sait de quoi il s’agit ? »

    Le marin affiche une mine contrite :

    « - Je ne sais pas… s’il vous plaît, je vais drôlement me faire disputer si je ne vais pas tout de suite à mon poste ! »

    Prenant mon absence de réponse pour un oui, il repart aussi vite qu’il est venu. J’ai beau soigner ma posture sereine, je sens mon cœur s’accélérer. Il y aurait vraiment un danger, la, dans le brouillard de cendres ? Quelqu’un aurait vraiment été assez tordu pour envisager une embuscade à l’aveugle près d’un volcan en train de vider ses poumons ? Et puis surtout : qui aurait envie de libérer et de revoir les Contristes en liberté ?!
    Le son de la cloche s’est tu. J’entends les mouvements frénétiques des marins autour de moi qui s’activent, mais à part ça il n’y a rien d’autre que le clapotis de l’eau et le doux bruit de la cendre qui tombe, un peu semblable à celui de la neige. On y voit pas à quelques pas devant nous, et même en plissant les yeux je ne distingue plus les ombres des navires qui nous escortent. Cette incertitude quant à notre situation, cette absence de réponse concrète quant à la présence ou non d’une menace, est plus pesante que n’importe quelle agression ! Le capitaine et le commodore savent pourtant ce qu’ils font. Sans doute. Notre navire, lui, s’élance à bonne allure dans sa nouvelle direction et…

    CRAAAAAAAC !

    Un violent choc ébranle le navire, accompagné du bruit de bois qui se brise et éclate, et je suis violemment projetée au sol ! La secousse renverse également nos chaises, notre table, ainsi que ma tasse de thé toute fraîche sur le sol ! Les glaçons se répandent en même temps que le délicieux liquide, se mêlant à la cendre qui recouvre le pont dans un gâchis désolant…

    Autour de nous les gens courent et crient tandis que la cloche d’alerte retentit à nouveau:

    « - On a heurté quelque chose !
    - Ne me dites pas que c’est le navire de bâbord qui nous a heurtés ? Quelle belle bande de marins de baignoire !
    - Ce n’est pas eux, leur navire est encore là-bas !
    - Parce que tu y vois quelque chose, toi, dans tout ce bazar ?
    - Mon Dieu… on a heurté un navire fantôme !!!
    - Mais non, on nous aborde !
    - Tu as déjà vu des gens aborder de cette façon ? Même le contre-amiral Levi ne serait pas assez dingue pour faire ça !
    - Silence dans les rangs ! Préparez-vous à vous défendre ! »
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    "- Attendez… Ce n'est pas possible. Comment ça vous avez perdu les bateaux de vue ?!" S'exclama Mount, passablement agacé par la situation.

    "- C'est votre boulot, vous avez une longue-vue, c'est pas compliqué bordel ! Bon, bon… Donc vous ne voyez plus rien ?

    - Non, lieutenant-général. La brume s'est épaissie et… La visibilité s'est grandement réduite en l'espace de quelques minutes." Expliqua le marin, non sans démontrer son inconfort.

    Le Fantôme soupira. Mais ce n'était pas une mauvaise nouvelle. La Marine ne devait pas y voir grand-chose non plus. C'était peut-être mieux ainsi. Il souhaitait éviter toute confrontation qui aurait pu dégénérer. Ses hommes se détendirent également. Ils devaient partager la même pensée. Autant continuer la route sans se préoccuper de cette rencontre, et tout ira bien.

    Mountbatten demanda un café à un de ses subordonnés, et il obtint une tasse et sa soucoupe. Il sirota le breuvage amer avec une pointe de satisfaction, en fixant l'horizon sans pouvoir y distinguer autre chose qu'une épaisse couche de cendre. Celle-ci était d'ailleurs en train de recouvrir le pont supérieur, et quelques militaires lavaient de temps à autre le sol pour s'en débarrasser. Son second s'occupait de déchiffrer une carte des environs, et continuait de guider le navire à l'aide de l'Eternal Pose.

    Le calme revenait progressivement, mais les soldats étaient toujours sur les nerfs. La vigie n'avait pas halluciné : il y avait bel et bien des bâtiments du Gouvernement Mondial non loin de leur position. Mais tant qu'ils s'ignoraient, tout allait bien. L'atmosphère redevint plus joviale, moins tendue. Quelques petits rigolos faisaient même des blagues, du style "Sans ce volcan, on aurait coulé !", ou encore "Hé les gars, imaginez si on se fait percuter par la Marine à cause du manque de visibilité, ahah !".

    "- Hein…

    mais…

    CAPTAIN !!

    - Ou… Oui ?

    - LAAAAA !" hurla un marin, visiblement désespéré par ce qu'il venait de voir.

    Un navire qui faisait presque deux fois la taille du croiseur terran fonçait en effet à pleine voile à bâbord. L'impact était imminent. Tout l'équipage se tourna et fut pris de la même surprise que le lanceur d'alerte. Chacun courut à son poste, mais c'était déjà trop tard. La tasse du Marijoan se brisa sur le sol. L'espace d'un instant, il était tétanisé. De plus, il remarqua le drapeau de la Marine qui flottait en haut du bateau. Son regard se vida de toute son essence. Comment ça avait pu arriver, putain.

    "- NON, NON, NON !! ACCÉLÈRE !!!" Hurla-t-il, à l'attention du navigateur, alors même qu'il savait qu'ils ne pouvaient pas aller plus vite.

    CRAAACCC

    Malgré la vitesse du navire, la collision n'avait pas pu être évitée. La proue du bâtiment de la Marine heurta la poupe du vaisseau de ligne de Terra. Le choc projeta de nombreux marins à terre, tandis des morceaux de bois furent propulsés dans tous les sens de la part des deux embarcations. Les sous-officiers beuglaient leurs ordres pour remettre leurs hommes à leur place. Le navire terran vira à tribord, ce qui le plaça juste à côté du cuirassé. La situation semblait lunaire : les deux camps se dévisageaient de stupeur, sans qu'aucune hostilité ne soit lancée. Les matelots pouvaient littéralement se voir, et certains commencèrent à lancer des insultes, en traitant les Marines de "peintres", "marins du dimanche", "bachi-bouzouks" et autres mots fleuris bien connus dans le milieu maritime.

    "- MILLE MILLIONS DE MILLE SABORDS, ils vont m'entendre…

    - On n'est pas en guerre avec eux, rappelez-vous lieutenant-général.

    - Je n'ai pas parlé de leur taper dessus, commandeur. Juste de leur rappeler les bonnes manières." Dit Mountbatten, avant de lancer plusieurs Geppous en direction du navire du Gouvernement Mondial.

    Il arriva sur leur pont, un poil énervé par la situation.

    "- C'est qui le responsable ?! J'espère que vous avez un peu de Berry dans la cale pour payer les réparations, bande de moules à gaufre !!" Clama l'ancien commandant d'élite, sans pour autant se montrer plus agressif qu'il n'en fallait.

    En face de lui, il vit à sa grande surprise une table où quelques individus prenaient le thé. Il haussa légèrement les sourcils. Il se demandait ce que ça foutait sur un bâtiment de la Marine. En tout cas, ce n'était pas comme ça de son temps… Finalement, ce fut une sorte de cyborg qui vint se présenter à lui.

    Convoi 9 en vidéo:
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    Et voilà une secousse, maintenant! Un iceberg de magma? Plutôt en pierre ponce pour la flottabilité... Ou un monstre marin? Qu'importe ce que c'est, ça m'arrache de ma position et je tombe à la renverse comme une merde. Bordel, je suis autant maudit qu'un putain de fruité sans avoir les avantages! Ouais, parce qu'il faut une poisse inouïe pour heurter quelque chose comme ça au milieu d'un pseudo-brouillard à la con. Satané volcan! Toujours est-il que je me relève illico et je me tourne dans tous les sens pour capter ce qu'il se passe. Je suis en alerte. Je comprends alors que le choc vient de l'autre côté. Je me rue sans réfléchir dans la direction. Par instinct ou par réflexe, j'active ma prothèse oculaire qui me permet de voir à l'infrarouge. C'est là que je constate que ce qu'on vient de percuter est simplement un rafiot civil. En effet, je remarque immédiatement le pavillon de Terra. Manifestement, c'est nous qui l'éventre.

    Je rejoins rapidement d'autres camarades en tenu non réglementaire. Élite ou Cipher Pol, ça. J'arrive assez brusquement et je m'arrête pour analyser ce qu'il se présente devant moi. Un jeune mal rasé, un type chelou avec des tatouages et une blondinette mondaine. Sérieusement, z'étaient en train de prendre le café avant ce foutoir?! Je me dis qu'ils ont bien raison. Déjà que ça me fout les nerfs de glander sur ce convoi, alors je dis oui à un peu de rébellion. Avec un peu de chance, ils pourraient devenir des nouveaux copains. Entre la barbe négligée, le torse-poil et la fillette, y'a de quoi s'amuser, je pense. Alors que je m'interroge encore, voilà un énième type qui débarque du ciel. Je fronce les sourcils, l'air un peu mauvais. 'Faut dire que cet inconnu est sacrément gonflé. Voilà qui parle de dédommagement alors qu'il barre la route à un convoi officiel? Je me place de toute ma hauteur entre cet individu et le reste de "ma troupe". C'est là que mon scanner affiche l'identité de celui qui me fait face. Sans faire attention si les autres collègues s'en remettent, je réplique avec une pointe de mécontentement.

    On dirait que tu tombes littéralement au mauvais endroit au mauvais moment, Alexander MOUNTBATTEN... J'imagine que t'es pas là pour prendre le thé avec nous, alors explique-moi que fout un pirate de ta trempe avec des gars de Terra?!

    Je suppose qu'il est là pour délivrer des prisonniers, sinon, je vois pas ce qu'il foutrait là. Maintenant que je sais son identité, je devine à peu près à quoi m'attendre en terme de puissance. Mais comme je le connais pas personnellement, je reste sur mes gardes. Ça fait toujours bizarre de devoir taper sur un ancien camarade. Et je préfère avoir un peu plus d'informations avant de cogner aveuglement. Contre un criminel sanguinaire, je me pose même pas la question, mais comme les circonstances sont différentes, je veux m'assurer d'arrêter les bonnes personnes. Et au moindre dérapage, je suis prêt à le traquer. Alors que j'attends la réponse, le reste de l'équipage se rameute dans le coin, visiblement agacé. Le Capitaine du navire-prison souhaite pas faire un d'incident diplomatique en attaquant les terrans, mais il se prépare à contre-attaquer à tout moment. Après tout, tout ça peut être un leurre. Et avec ma malchance, il est possible que ça soit des forbans sous une fausse apparence. Déjà qu'on a pas vu venir, alors moi je dis qu'il y a anguille sous roche.
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    Les questions fusaient dans mon crâne, la plupart portant sur le joli minois de mon interlocutrice avant que les aléas ne nous séparent malheureusement. Nous venions de percuter un navire, apparemment. Un homme avait aussitôt débarqué de nulle part, demandant réparations. C'était un autre gaillard, un Commandant d'élite qui accompagnait le convoi, d'après ce que m'avait dit Buck, qui avait pris la parole face à l'énergumène. Un nom avait couru sur ses lèvres, saisissant l'assemblée pour ceux qui n'avaient pas reconnu le criminel, celui d'Alexander Mountbatten. Un traître et un ennemi du Gouvernement Mondial.

    Eh bien heureusement que ma désertion n'avait pas été perçue comme telle.

    Le grand type aux tatouages et à l'air blasé qui était sorti de la cale quelques instants plus tôt était encore là, il semblait bien connaître l'agente et devisait avec elle, comme je quittais la tablée pour me rendre auprès de la Lieutenante-Colonelle. Sa seule réponse à mes interrogations ?

    « - Des erreurs ont été commises. Retourne à bord du Red Hare, dis à O'Bannon de nous contourner par le flanc pour se préparer à les pilonner. Nous ne pourrons peut-être pas échapper à une confrontation. »

    Visiblement, la perspective d'une bataille n'était pas ce qui l'animait le plus. Elle disait cela tout en regardant le ciel. Il y avait autre chose ; même moi j'avais remarqué que la pluie de cendres s'était intensifiée. Nous ne devrions certainement pas rester dans les parages et le souhait d'en finir rapidement avec ce carambolage pour se carapater primait probablement sur le simple danger d'un affrontement inattendu.

    Quelques instants passèrent avant que le Green Fairy et le Red Hare nous dépassent ; la proximité des deux navires à un moment charnier me permit de retrouver les flancs d'O'Bannon en sautant d'un bastingage à l'autre d'un grand bond. La pirouette, jugée anodine, ne fût pas félicitée malgré mes bras levés face à l'équipage.

    « - T'es absenté bien plus longtemps qu'nécessaire, Blue.

    - Le Lieutenante-Colonel avait beaucoup de choses à me dire.

    - Et ma mère l'est un monstre marin. Alors, c'est quoi les nouvelles ? Qu'est-ce qu'il s'passe ici bon sang d'bois ? »

    Le bataillon écoutait lui aussi ; la vie sur le pont semblait s'être figée dans son effervescence habituelle. O'Bannon ne supportait pas les tire-au-flancs mais la curiosité l'emportait sur son caractère méphistophélique.  Ses deux billes noires sondaient mon âme.

    « - On a percuté un navire.

    - ON a percuté un navire ?

    - Le navire prison, plus exactement.

    - Qu'est-ce qu'il foutait en tête ?

    - Sais pas.

    - C'est pas Aran qui commande l'rafiot ? La Marine d'Élite sait plus naviguer ou respecter une formation défensive ? Bordel, Blue, qui c'est qu'on a percuté ?

    - Euh, euh... »

    Le mutisme manquait de s'emparer de moi. Les yeux du Commandant crachaient des flammes à présent, sa haine semblait sans limites et j'étais le seul à me dresser sur le chemin de sa fureur. L'instructeur en lui ne pouvait supporter qu'un lot minime d'erreurs avant d’exploser ; il fallait croire que nous avions dépassé la limite maximale. Je me repris, cependant, avant de finir grillé à la broche.

    « - Je peux pas répondre à tout ça, mais le capitaine du navire qu'on a percuté est sur le pont de notre navire accidenté. Il demande des réparations. Un certain Alexander Mountbatten...

    - Quoi ?! Mounty ?! Putain, il manque pas d'toupet ce p'tit cancre. »

    Le monde semblait s'être arrêté ; O'Bannon était pensif, se ressassant visiblement des souvenirs heureux du temps où il était instructeur. C'était rare de le voir dans cet état, mais généralement cela ne durait pas longtemps. Après le beau temps, la pluie ; l'orage gronda.

    « - Bordel de bon sang de merde, je vais lui refaire les oreilles à ce p'tit merdeux ! Comment ose-t-il nous trahir et aujourd'hui pointer l'bout de son nez ? Blue, suis-moi, on retourne sur l'navire prison.

    - M-mais le Lieutenant-Colonel Nikitin m'a demandé de vous transmettre ses ordres...

    - Elle a demandé quoi, la porte de prison ? D'coller l'flanc de l'ennemi et s'préparer pour une séance de canonnade, j'parie ? Howski !

    - J'suis là, Commandant.

    - T'es le commandant à bord durant mon absence. Fais ce que le Lieutenant-Colonel a dit. Avec Blue, on part en vacances. »

    Sitôt dit, sitôt fait. Le bon soldat Buck prit la relève et les hommes le suivirent sans broncher, bien content de ne plus avoir l'autre gueulard à bord, tandis qu'en compagnie de ce-dernier je franchissais à nouveau le bastingage. Misère...

    Nous reparûmes à bord du navire-prison à la surprise de tous. Mais surtout du représentant de Terra, dont le regard sembla soudainement s'arrêter sur l'ancien instructeur. Ignorant les codes et la hiérarchie, comme d'habitude, le Commandant dépassa son homologue de l'élite sans même le calculer pour étendre son ombre gigantesque sur le petit homme face à nous tous.

    « - Mounty, » grogna-t-il de sa voix caverneuse, intimant une impression étrange comme s'il était possesseur de l'emblématique Haki des Rois, même s'il n'en était rien. « D'abord j'apprends que, malgré tous mes enseignements, t'as trahi la Marine et aujourd'hui t'voilà ici, face à nous, à désobéir une fois de plus à l'ordre établi ? »

    L'ironie de la situation n'échappait à personne, mais tout le monde se tut. La conversation pouvait dégénérer d'un moment à l'autre mais même Nikitin n'avait aucun pouvoir sur le gros balourd à ce moment précis.

    « - Bon sang, qu'est-ce qu'ils diraient tes parents s'ils t'voyaient, hein, Mounty ? Tu crois qu'c'est des façons de faire ça ? T'y penses jamais aux p'tits camarades qu't'as laissé derrière ? Si j'avais su, j'aurais doublé tes exercices à l'époque. »

    L'assemblée demeurait coi, ainsi que le principal prévenu. Personne ne savait comment cela allait finir, mais pour avoir vu la vieille barrique faire une fois ou deux ce numéro à des recrues innocentes, j'en devinais l'issue. Inéluctablement :

    « - Maint'nant t'vas m'faire l'plaisir de t'excuser, puis tu vas m'nettoyer le pont et réparer les dégats qu't'as causés avant d'te rendre bien gentiment. Sinon... »

    Au même moment, les ombres du Red Hare et du Green Fairy apparurent de part et d'autre du navire que nous avions embroché, partiellement dissimulées dans la brume. Les écoutilles étaient relevées et les canons de sortie, bien visibles. Une fois de plus, le Commandant allait outrepasser son grade en proférant des menaces qu'il n'était pas en droit de dicter, cependant Nikitin ne leva pas le petit doigt pour l'arrêter. Elle se posta simplement à mes côtés, les bras croisés, la mine grave.

    « - Sinon tes p'tits amis iront nourrir les poissons pour entrave à la Justice, Mounty. »
    • https://www.onepiece-requiem.net/t18326-
    • https://www.onepiece-requiem.net/t18308-
    Cher journal,

    ...
    Ah non pardon.

    Le tatoué avait bien suivi l'intégralité de ce qui se passait, ne parvenant de toute façon pas à s'assoupir dans de telles conditions. C'est d'un œil seulement à moitié endormi qu'il s'était tout d'abord fait la réflexion de pourquoi sa collègue ne semblait pas considérer les captifs en tant qu'êtres vivants. Le sniper n'avait rien contre les classes hautes - il travaillait, par ailleurs, plus ou moins directement pour elles - mais ne put s'empêcher d'y reconnaître un symptôme de l'appartenance à la noblesse. Lui aussi, pourtant, avait tenté d'adopter cet état d'esprit sur le convoi précédent, mais le capitaine des Ghost Dogs lui avait laissé comprendre qu'un prisonnier était à traiter comme n'importe qui, malgré la surface solide qui l'en séparait. En dépit de son trouble émotionnel, le Rokadien avait pu concevoir cette morale d'un point de vue humain.
    Les détenus actuels, celà-dit, fonctionnaient de manière suffisamment instable pour que le danger qu'ils puissent représenter libres soit limpide. Contrairement à Nosono Chiyo, il était pour le coup clair qu'ils méritaient véritablement leur sort. Via un curieux raisonnement paradoxal, ils semblaient même l'approuver eux-mêmes.

    Un choc. Un navire civil. Un type mécontent à l'œil bandé venu réclamer des dédommagements.

    Celui qui approuvait beaucoup moins la situation, c'était cet homme. Le nom d'Alexander Mountbatten, auparavant commandant dans la remarquable Marine d'Élite, s'était changé en synonyme de "déserteur" dans tous les rapports et dossiers que l'agent à la peau brûlante avait eu l'occasion de lire. Il était ostensiblement le responsable du bateau avec lequel le navire-prison venait de s'entrechoquer.
    Le nom d'Alexander Mountbatten, par ailleurs, avait été prononcé par un autre illustre ; ce pourquoi, bien qu'il avait reconnu le criminel à première vue, Uzi replia sa couverture mimée et la plaça derrière sa nuque avant de se redresser. Baal Z. Aran, cyborg gradé de la Marine d'Élite - encore elle -, semblait avoir été convoqué également, probablement pour assister la Lieutenante-Colonelle dans sa fonction. Celui-ci interrogeait le Fantôme aussi bien du regard que verbalement, manifestant une méfiance que l'ancien artilleur partageait avec lui. Si le bateau de Terra était effectivement proche, cette proximité entre les deux navires ne donnait pas l'impression d'être due au hasard.
    Le Briseur de Rêves ne put cependant pas continuer son sermon, interrompu par le commandant du Red Hare qui venait de faire irruption sur le pont du navire geôlier. Celui-ci, manifestement sollicité par le mystérieux officier dont le charme ne semblait pas rendre sa collègue indifférente, s'adressa au traître à son tour. L'Alegrian s'aperçut rapidement que plus son discours avançait, plus la forme comme le fond de son reproche commençaient à dépasser l'entendement. Le gaillard prenait ça comme une affaire personnelle.

    Trop personnelle. Et titiller les nerfs de cet homme, passif commun avec lui ou pas, n'était pas une bonne idée. Les deux autres navires avaient pris de l'avance et semblaient déjà s'être préparés à l'offensive. Le regard de l'ex-armurier croisa celui de Nikitin, résignée à laisser son collègue s'enfoncer dans une remontrance à la limite de la menace.

    "Stop."

    Une interjection à voix basse qui servait à effacer les effets de sa malédiction, mais qui s'adressait aussi indirectement à O'Bannon. La chaleur devenait infernale au premier sens du terme, et les effets secondaires de la Peau du désert du tatoué frappaient son mental et sa condition physique de plein fouet. Malgré la contre-indication de la Lieutenante-Colonelle, suivie de peu de celle de l'agente à la chevelure d'or, l'émissaire aux dreadlocks se leva, s'apprêtant à poser sa main sur l'épaule du commandant courroucé en espérant le faire revenir à la raison. Mais un autre évènement l'interpella immédiatement.

    "Alors ! On avait vu clair dans votre jeu ou pas ?"

    L'anarchiste masqué, accompagné de l'ancienne mafieuse aux cheveux colorés et de la Teigne, se tenait devant la porte du compartiment des captifs. Pire encore, la majorité d'entre ceux-ci se tenaient derrière eux trois, désormais libres de tout mouvement. Manu baissa la tête, ferma les yeux et se tint l'arête du nez entre le pouce et l'index.

    "J'ai honte..."

    Comme Caramélie avait refusé de venir aux prisonniers, ils étaient venus à elle. Stupéfait, le Rokadien fronça les sourcils et, après avoir évité un nouveau tir de la part d'Elina, qui avait apparemment réussi à se procurer la carabine de l'un des deux gardes, fit demi-tour et questionna le chef de secte.

    "Qu'est-ce que vous faites là ?"

    L'homme au manteau à fourrure répondit d'un court rictus sarcastique, avant d'expliquer leur présence sur le pont.

    "Vous jouez le jeu jusqu'au bout, hein ? Il s'est mis à faire plein cagnard en bas quasiment d'un coup ! Du coup les barreaux ont fondu et on a pu sortir. On sait pas comment vous avez fait ça, mais vous allez payer pour nous avoir empêché de rester librement enfermés, bande de salopards ! Les gardes en ont déjà payé les frais, mais ils sont plus là pour en parler..."

    La surnommée "Travel" confirma la dernière affirmation d'un sourire sournois. Les gardes avaient bel et bien rendu l'âme. L'agent à la peau brûlante arrêta le cinquième frère Ist d'un signe de la paume droite et se gratta la nuque, confus par la conjoncture actuelle.

    "Attendez. Qu'est-ce que vous entendez par "les barreaux ont fondu" ?"

    Le leader criminel perdit patience et haussa le ton, montrant Uzi du doigt.

    "Arrêtez de faire semblant, on sait que vous vous foutez de nous depuis le début ! On est pas vos prisonniers, vous aviez tout prévu !"

    Alors que l'ancien artilleur, légèrement agacé, s'apprêtait à démentir ces accusations - était-ce seulement possible de considérer ça comme des accusations ? -, un bruit plus gigantesque encore que celui du choc entre le convoi et l'embarcation du directeur d'usine terran. Les cris d'horreur de l'équipage marin, bientôt suivis d'un calme "Oh !" de l'agente distinguée et d'un brusque "Bordel !" de l'androïde, confirmèrent à l'Alegrian que la vision qui s'était offerte à ses eux depuis qu'il s'était de nouveau retournée était bien réelle.


    Quoi?:


    Un monstre marin, monté sur plus d'un kilomètre de tentacules, grand comme l'ex-armurier n'en avait jamais vu jusqu'alors. Si observer ce qui semblait être son visage était difficile en vue de la quasi-insignifiance que le navire représentait à côté du titan aquatique, la simple vue des appendices qui lui permettait de se dresser devant le convoi était suffisante pour faire froid dans le dos.

    Formidable. Ils étaient coincés entre trois dangers.
    D'un ton presque déjà découragé, le tatoué se retourna vers la bande du chef Contriste, espérant parvenir à souligner formellement au cadet la fratrie Ist qu'il était également, pour le moment, le cadet de leur soucis.

    "Ça vous convient si on s'occupe de vous dans un second temps ?"

    Après une fusillade du regard leur intimant qu'ils ont intérêt à rester ici, l'émissaire gouvernemental tenta d'étudier la situation. Caramélie et le commandant Aran étaient de manière avérée des potentiels de combat qui lui étaient supérieurs. Nikitin et O'Bannon représentaient hypothétiquement, eux aussi, une puissance dépassant la sienne. Ainsi que...

    L'agent à la peau brûlante apparut d'un Soru derrière le Marine mal rasé, affolé par les trois menaces qui les encerclaient. Ne souhaitant pas paraître malpoli, il expédia tout de même le dialogue afin d'en venir aux faits.

    "Rappelez-moi votre nom."

    L'autre, qui avait d'abord eu le réflexe de placer ses deux avant-bras devant son visage, reprit ses esprits et se présenta.

    "Euh... Sergent Blue. Will Blue."

    L'ex-artilleur acquiesça et se prépara, par un signe de main, à clarifier et à vulgariser un maximum son propos.

    "Je vais vous demander de frapper dans mon avant-bras, avec votre poing. Maintenant. Ne vous retenez surtout pas."

    Comme convenu, il plaça l'avant-bras droit devant son visage et maintint sa position, puis activa son Tekkai. Confus, l'officier continua à hésiter.

    "Mais pourquoi je ferais ça ?"

    Le sniper désactiva sa technique de durcissement de la peau, s'éclaircit la gorge et demanda à son compagnon d'infortune de se hâter. Après réactivation du premier des Six styles, le bellâtre s'exécuta, plissant les yeux d'une douleur fictive en assénant un coup au fils Uzielgin de toutes ses forces.
    Après une légère perte d'équilibre, l'agent de South Blue se redressa. Le dénommé Will Blue se situait quelque part entre mille cent cinquante et mille deux cents Dorikis, soit toujours nettement plus que l'humain moyen. Le Rokadien l'invita d'un signe de tête à participer à la bataille.

    "Vous allez nous aider à combattre. Vous êtes suffisamment fort."

    Sans attendre un consentement de la part du sergent, il réapparut en un éclair à l'arrière du bateau geôlier, près des anarchistes abasourdis. Organisant son mime, il plia son avant-bras droit à quatre-vingt-dix degrés, courbant légèrement sa paume pour signifier la présence d'une matière lourde, et tendit le bras droit avant d'en fermer partiellement le point, imitant la manipulation d'une gâchette en écartant légèrement l'index des autres doigts. Après plusieurs secondes de mise en place, un bazooka d'un rose translucide apparut, soutenu par son épaule droite. Il dirigea le canon vers l'immense créature qui avait jailli des flots, et se concentra pour ne pas causer de dégâts pendant la visée.
    Quand soudain, il se raidit. Quelqu'un venait de poser sa main sur son dos. Il se retourna et reconnut instantanément la mine moqueuse de la mercenaire Contriste, qui s'était mise à rire gaiement.

    "Je t'ai eu mon chéri."

    Bon sang.
    Le fruit de la Cible.


    Dernière édition par Tim Uzi le Sam 17 Avr 2021 - 19:11, édité 1 fois
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    Cher journal,

    Il est monstrueux, il est énorme, il est… monstrueusement énorme ! Nous ne naviguions pas au large d’une île volcanique mais d’une pieuvre volcanique géante !!! A présent cette dernière agite ses tentacules immenses et menaçants, probablement passés maîtres dans l’art de couler les navires et de fasciner les jeunes hommes ! Oui, parce que je sais ce que tu vas me dire journal : tu es un garçon, et comme tous les garçons tu es un pervers -ou en tout cas tu te sens obligé de faire semblant de l’être devant tes copains-. D’ailleurs je devine aux coups d’yeux que me jettent certains de mes compagnons qu’ils pensent la même chose que toi: heureusement que je suis une femme adulte habillée comme telle et pas une lycéenne en uniforme, sinon ça aurait pu très mal tourner !

    Rapidement, la commandante de notre navire donne ses ordres : il faut s’en aller d’ici, avant que le monstre ne décide que notre convoi de moucherons flottants est une cible intéressante pour lui ! A cet instant le voile de cendre se referme sur nous, dissimulant à nouveau l’horrible bête à nos regards. L’équipage s’affaire tout en faisant preuve d’un semblant d’ordre admirable vu les circonstances, mais il est difficile de s’empêcher de fixer le ciel opaque avec anxiété. Quelque chose se fait ressentir... comme le bruit d’un grand vent, accompagné d’une puissante cascade.

    « - Elle arrive… » murmure un des marins d’une voix plaintive.

    Les cendres devant nous s’épaississent avant de se mettre à tourbillonner. Il me faut quelques instants pour comprendre que c’est parce qu’un tentacule colossal nous fonce dessus !!! Il est gigantesque, à l’image de son possesseur ! Il est très lent également, sans doute à cause de sa taille démesurée, mais il n’en est pas moins redoutable ! A cause de l’humidité la cendre s’y est agglutinée, lui donnant un aspect gris et poisseux comme de la boue. C’est encore pire : une pluie de cendre mouillée s’abat sur le pont !
    Sans perdre de temps, je me retourne vers mon collègue du CP5 et le hèle :

    « - Tim, nous devrions… »

    Ah, il n’est plus à côté de moi. En le cherchant du regard, je ne retrouve de nouveau occupé à jouer avec les prisonniers. Il est incorrigible ! Je lui ai déjà dit ce que je pensais de ce genre d’activités ! Pourquoi perd-il son temps avec eux ?!
    Tant pis, je ferai sans lui. Voltigeant de plus belle, je traverse le pont en un instant et me porte au niveau des quelques officiers occupés à discuter avec le capitaine du navire qui vient de s’emboutir dans le nôtre, et à lui faire de câlins. Je crois. Dans ce genre de cas il vaut mieux ne pas y regarder de trop près, et pousser une toux un peu forcée pour leur laisser le temps de reprendre une tenue correcte. Je profite de ces quelques secondes que je leur accorde pour me composer une mine aimable et souriante, contrastée par le regard impatient de celle qui aimerait bien faire son boulot au lieu de jouer ! Je déclare :

    « - Bonjour Lieutenante-Colonelle Nikitin. Messieurs.» A l'intention du commandant du navire d'en face: « Capitaine. Agent d’Izigny, enchantée ! »

    Je leur souris à chacun puis demande, toujours avenante :

    « - Ce n’est toujours pas terminé cette histoire ? Que ce passe-t-il Colonelle, ce petit monsieur refuse de signer le constat ? Vous avez pensé à lui rappeler que c’est nous la police ? »

    Le « petit monsieur » en question, vêtu d’un uniforme de Terra très négligé parce que plein de cendres,  n’est visiblement pas de mon avis. Mes collègues de la marine (collègues mais de très loin, des genre de cousins) m’expliquent le quiproquo. J’ai un moment de réflexion et puis je renchéris :

    « - Ah bon, il veut que ce soit nous qui payons ? Eh bien… soit, faites donc dans ce cas. »

    J’ai une petite hésitation sur la formule à adopter, mais j’ajoute à l’intention du Terran. Terrien. Teran… du monsieur:

    « - Je suis navrée qu’ils vous aient embouti mon cher monsieur, mais franchement, entre nous, quelle idée de venir passer au milieu d’un convoi de la marine ?! »

    SPAAAASSHHHHHH !!!

    Ça journal, c’est le bruit que fait un tentacule boueux géant qui s’abat dans l’océan à quelques dizaines de mètres de nous ! Le navire se retrouve violemment soulevé par une vague de la hauteur d’une grosse colline, bascule un moment à quarante-cinq degrés, racle de plus belle le second navire dans lequel il est toujours encastré, avant de reprendre sa position initiale. La Lieutenante-Colonelle ordonne de sa voix autoritaire :

    « - Activez-vous, il faut désencastrer les deux navires ! Où sont les charpentiers ?! Maître artilleur, je veux que les canons soient en position : si ce tentacule s’approche encore de nous, démolissez-le ! »

    J’aime bien les chefs comme ça, qui ont l’air de savoir ce qu’ils font. Ses marins ne réfléchissent pas, et lui obéissent aveuglément. C’est chouette. Ce qui l’est moins, c’est quand il lui vient l’idée de me donner des ordres à moi aussi :

    « - Agent d’Izigny, commandant Aran, vous avez une mission il me semble ! Le prototype vous attend dans la cale ! »

    J’échange un regard avec le concerné, un individu à l’allure caractéristique : le commandant d’élite Baal Z. Aran. Un visage connu en ce qui me concerne : notre dernière rencontre remonte à l’époque où, alors que ce monsieur avait décidé de quitter le Cipher Pol pour la marine (décision très étrange : on ne fait pas plutôt l’inverse d’habitude ? Ça sonne comme une régression !) on m’avait chargée d’enquêter discrètement sur lui. C’est drôle, mais quand j’y repense la majorité de mes souvenirs concernant cette mission évoquent plutôt une course de caisse à savons, les montagnes russes de Suna Land, et de délicieuses barbes à papa. Ah, et une photo de moi dans le manège enchanté des licornes que j’ai faite envoyer à ma grande sœur Réglisophie pour la narguer !

    J’ignore si le commandant m’a reconnue : nous n’avons pas encore eu l’occasion de vraiment converser durant notre court voyage à bord du Guillotine ; en plus je n’avais que quinze ans à l’époque de sa « retraite », et beaucoup moins de cendres sur les vêtements malgré mes efforts et mon parasol pour tenter de m’en protéger ! J’adresse cependant un sourire charmant au cyborg :

    « - Enchantée commandant Aran ! Ou alors on dit Z’Aran ? La prononciation de mon chef laissait à désirer quand il m’a briefée par escargophone… » je secoue légèrement la tête « bref, ravie de travailler avec vous ! Je ne pensais pas commencer les expérimentations avec vous aussi vite, mais... »

    J’ai un regard en direction de l’énorme série de tentacules qui oscillent dans le ciel opaque :

    « - … que diriez-vous de nous y mettre tout de suite ? »
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    "- Heureusement que vous payez oui, c'est vous qui êtes en tord !!" Clama le militaire terran.

    Il y avait une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'était que la Marine allait payer les réparations qui s'imposaient à la suite de l'accrochage entre les deux navires. La mauvaise, c'est que ce petit souci devenait terriblement anecdotique tant la nouvelle menace qui s'incarnait sous la forme d'un kraken devenait urgente. Les agents et soldats du Gouvernement Mondial s'activaient sous les ordres éclairés du Lieutenant-colonel.

    "- Bien. Sinon…" dit-il, en regardant le poulpe géant.

    "- Je propose qu'on s'en occupe le plus vite possible. On discutera des modalités du constat après. Mais n'essayez pas de nous la mettre à l'envers." Avertis le lieutenant-général.

    En un éclair, il quitta le navire-amiral du convoi de la Marine et atterrit sur son propre bâtiment de guerre. L'équipage était en train de manœuvrer pour se désencastrer et, à force d'efforts répétés, finit par se désolidariser du grand navire de ligne. Toutefois, les marins avaient également aperçu cette gigantesque créature des mers. Le second édictait ses ordres le plus fort possible pour être entendu de tous, de sorte que les Terrans prennent un peu de distance avec la Marine. Il valait mieux ne pas être entassé et constituer une cible facile pour la monstruosité.

    Les flots devenaient de plus en plus agités sous l'action des multiples tentacules. Alors qu'une série de vagues faisait tanguer les bateaux à la suite d'une première frappe, la pieuvre volcanique n'attendit pas avant d'élancer un deuxième membre vers ses proies. Cette fois-ci, le coup fut bien plus proche et ébranla à la fois les navires de Terra et de la Marine. De nombreux hommes furent projetés au sol ; certains manquèrent de justesse de passer par-dessus bord.

    "- Alors, ils ont dit quoi chef ?!

    - Ils vont payer les réparations ! Mais encore faut-il qu'on ne finisse pas à mille lieues sous les mers ! Déployez la grande voile, il faut qu'on soit le plus mobile possible !" Beugla-t-il à son second.

    Le temps ne s'était pas amélioré, bien au contraire. La visibilité restait limitée. Pourtant, il était possible d'apercevoir la silhouette de l'immense créature, dont les yeux semblaient fixer les petites embarcations d'un air inquiétant. Il était tel un prédateur qui savourait la peur et la détresse de ses victimes. Un monstre cynique – mais pouvait-on vraiment parler de sentiment à propos de cette… Chose. Une troisième attaque se dessinait. Cette fois-ci, le kraken avait eu la possibilité d'ajuster son tir ; aussi était-il raisonnable de penser que ce coup allait toucher un des navires.

    "- Messieurs… On se revoit bientôt si tout se passe bien." Déclara Mount, en sortant ses sabres de leurs fourreaux et en plaçant l'Amante au niveau de son visage, de sorte que la garde se retrouve devant son nez. C'était un geste élégant que les aristocrates faisaient de temps en temps avant un duel ou un combat. Même face à la mort, il ne fallait pas oublier l'étiquette.

    C'est pourquoi Mountbatten se lança dans les airs à l'aide de quelques Geppous pour opposer sa lame au tentacule. Un pari risqué, mais le Fantôme avait confiance en ses sabres, deux Meitous de qualité supérieure. Il se positionna en plein milieu de la trajectoire. L'impact devenait imminent. Là, au milieu d'un océan agité, à plusieurs centaines de mètres au-dessus de ses subalternes et d'un convoi de la Marine, il attendait l'espace de quelques secondes. Un moment qui parut interminable, tant les enjeux de ce qui allait suivre étaient grands. Si le poulpe pouvait lancer une attaque plus puissante que sa défense, alors il serait défait et sombrerait dans les abysses. Peut-être que le Gouvernement Mondial avait dans ses rangs des soldats capables de combattre le kraken, mais de son côté, il avait la pleine responsabilité de son navire. C'était une question de survie et d'honneur.

    Le membre du monstre marin rencontra en un point les deux lames de l'ancien commandant d'élite. Une violente onde de choc fut projetée de part et d'autre des deux êtres, qui dissipa l'épaisse couche de cendre sur un large rayon. Le Marijoan fut surpris par la force du poulpe et fut forcé de reculer sur une dizaine de mètres, mais réussi à contenir l'attaque, non sans difficulté. Ses sabres tremblaient, tandis que la monstruosité essayait de placer tout son poids contre l'insignifiant insecte qui osait lui tenir tête. Il appuyait de plus en plus fort. La situation allait devenir intenable assez rapidement.

    Pour s'extirper de cette situation, le Fantôme repoussa légèrement le tentacule et combina Soru et Geppou pour se placer sur le côté du membre. Enfin, il chargea le bras de la bête et le découpa net. Il fonça vers la mer et, fort heureusement, ne heurta aucun bateau. En revanche, une autre série de vagues secoua les navires, cette fois-ci plus violemment. Si bien que quelques marins tombèrent dans l'océan agité de Grand Line.

    Mount redescendit et se dirigea vers le navire-amiral du convoi de la Marine. S'ils voulaient vaincre le kraken, il fallait qu'ils y mettent du leur également.

    Il atterrit sur le pont supérieur, devant les regards incrédules des marins et interpella le premier homme rencontré. Un homme à la peau tatouée et visiblement dépassé par les événements, mais qu'importe.

    "- Eh ! Qu'est-ce que vous branlez sur ce bateau ?! Aidez-nous nom de Dieu, ou on va tous finir écrasé par cette immondice !" Hurla-t-il, à destination de tous, mais en particulier au drôle d'hurluberlu aux dreadlocks.

    En analysant la situation sur le Guillotine, il se rendit vite compte qu'un léger chaos régnait. D'après ce qu'il voyait, c'était à cause de plusieurs fauteurs de troubles. D'après leurs dégaines et leurs accoutrements, le Fantôme en déduisit qu'il s'agissait de prisonniers évadés, et que le jeune tatoué tentait tant bien que mal de les combattre, aidé par un type mal rasé qui sortait du lot.
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    "Tasse de thé et prisonniers"

    Sohalia avait observé un moment de silence lorsqu’on les avait informés qu’ils allaient devoir servir d’escorte sur un convoi de prisonniers. Ce n’était pas qu’elle n’avait pas saisi l’information, ou n’en avait pas pris la pleine conscience, plus qu’elle avait dû réfléchir quelques minutes de plus que son frère pour saisir qu’elle allait servir de porte-étendard de confiance, avec ses collègues agent plutôt que de servir à quelques choses de concret, si toutefois tout se passait bien. Peu importait finalement, car cela lui rappelait quelque peu son passif au sein de la marine d’Elite. Ils devaient concrètement conduire ces prisonniers à l’échafaud. Ce qui, elle devait bien l’admettre ne lui déplaisait pas vraiment. D’autant que même si elle avait conscience de faire partie du Cipher Pole, une partie de son côté militaire reposait toujours auprès de ses camarades de la 102e. Elle avait donc préparé ses armes et avait enfilé une tenue qui lui paraissait correcte et fonctionnelle – si tant est qu’on considère une chemise blanche aux manches roulées sur les épaules et nouée sous les seins, et un pantalon noir ample comme étant correct – et était partie à bord du Green Fairy. Elle avait pu rencontrer la Commodore Foxy Et la lieutenant-colonel Nikitin.

    C’était quelque peu impressionnant de se retrouver porte-parole du Gouvernement Mondial face à ces pontes pour l’agente qui avait pleine conscience de son inexpérience en tant qu’agent du Cipher Pole, c’était même plutôt drôle à constater. Elle avait eu vent de la présence de collègue de collègues du Pole 5 sur le navire prison – qui s’apparentait à son sens à un bâtiment immensément et massivement blindé – dont Tim Uzi et une autre agente, que son frère connaissait mieux qu’elle, et qui s’appelait de mémoire Caramélie.

    Et en parlant de son frère, Yoligan avait embarqué avec elle sur le Green Fairy et avait passé le gros de la traversée à se faire du thé et à potasser son bouquin de Chimie, il était d’ailleurs assez impressionnant de constater qu’il ne se préoccupait en rien des cendres qui tombaient dans son breuvage, ce qui avait fait grimacer la jeune femme, elle aurait pu aller lui faire la remarque, mais avait fini par abandonner. Sohalia s’était installée juste le temps de piller sa réserve de Scones et de petits gâteaux – chacun prépare sa mission comme il veut… Elle n’allait pas juger – et avait fini par le laisser lire pour aller déambuler et surveiller la mer.

    C’était difficile au vu de la situation climatique, de voir quoi que ce soit ; alors elle déambulait le dos bien droit, une main sur le fourreau de son Katana. Si elle marchait (s’impatientait) sur le pont comme s’il lui appartenait, elle ne devait pas nier qu’elle essuyait les quelques regards curieux des marins qui couraient presque sur le bateau pour effectuer leur mission elle n’avait pas franchement la dégaine d’une marine… Ou de quoi que ce soit qui aurait dû se trouver légalement à bord de leur rafiot. Elle était allée saluer la Commodore qui les avait accueillis avec un sourire chaleureux. Les cendres s’étaient épaissies dans le ciel et elle était bien heureuse d’avoir grandi sur Sanderr et d’avoir affûté sa vision dans les climats troublent, car sans ça, elle aurait sûrement été complètement perdue, pour autant, elle ne vit pas plus que les autres quand le bateau s’écrasa lamentablement et à grands fracas contre le navire prison.

    Il ne lui fallut pas un instant de plus en entendant le vacarme que cela provoqua, pour que son sang se mette à bouillir et qu’elle accapare un cordage pour se rendre sur le navire en question. Elle aurait sûrement dû prévenir le commodore de son départ, mais n’avait même pas pris la peine de s’en charger, sûre et certaine qu’avec ou sans son intervention l’agent Giacca – Yoligan – s’en chargerait.

    « « Yoli ça bouge ! »»


    Ce n’était pas tant que son frère était sourd, mais plutôt qu’elle avait un doute sur son niveau d’implication dans sa lecture, et le secouer un peu n’était pas une mauvaise idée.

    Elle avait sauté sur le bateau principal – qui s’était retrouvé par on ne savait quel miracle en tête du peloton – et observa une scène quelque peu surprenante. Enfin, surprenante pour quelqu’un qui n’aurait pas eu son frère occupé à faire la même chose de l’autre côté, à savoir boire un thé comme s’ils n’étaient pas dans un convoi. Et la coupable n’était autre que… L’agent d’Izigny. Eh bien… L’agente se hissa dans les cordages noueux du navire pour prendre la hauteur sur la situation. Tim et Caramélie sur le pont supérieur avec un homme en uniforme, il portait une barbe de trois jours, ou de la crasse, peut-être…. Rien n’était vraiment sûr avec toute cette cendre. Et celui qui semblait réclamer dommages et intérêts à… Eh bien… la Marine… Un autre débarqua, et même dans le noir elle aurait pu reconnaître son uniforme de Marine d’Elite, mais il s’exclama si fort qu’elle put comprendre que l’importun n’était autre que Mountbatten. Il était difficile en ayant fait partie des rangs de la Marine d’Elite de ne pas avoir entendu parler de lui.

    Il semblait qu’il était passé du côté Pirate de la force et cela avait fait grincer des dents l’agente. Dommage fut le seul mot qui lui vînt à l’esprit. Cependant, ce qui la fit plus tiquer, ce fut de se demander si elle devrait saluer ou non le Commandant d’Elite. Réflexion qui lui prit assez de temps pour que la situation dégénère.

    Uzi se retrouvait, par le plus grand des miracles, entouré par les prisonniers qu’ils se devaient d’escorter jusqu’à l’échafaud. Si elle n’était pas très studieuse, elle avait tout de même vaguement lu les dossiers des membres les plus dangereux au cas où un cas de figure semblable se produise. Aussi étonnant que ça puisse paraître, elle avait bien retenu que celui au masque était plus ou moins le chef des autres, et qu’il ne fallait pas s’approcher de trop prêt de celle qui ressemblait à un perroquet. La question étant tout de même « mais bordel comment ils sont sortis ces cons ?! ». La première idée qui lui vînt fut sans conteste et vous ne la reprendrez sûrement pas, que le pirate avait chercher pour une raison obscure à libérer ces tarés.

    Son idée fut assez vite balayée par un tentacule immense qui s’écroula dans la mer envoyant des gerbes monstrueuses d’eau. Bonne nouvelle, cela eut pour effet de dégager pour quelques instants au moins la vue à l’agent Sciabola. Ok.

    Si la situation lui avait paru étrange, elle en eut le bec coupé. D’immenses tentacules, qui n’avaient rien d’une attraction de manège, étaient sortis de l’eau. C’était comme observer son pire cauchemar s’échapper des flots marins. Énorme, gluant, à la teinte grisonnante. La cendre tourbillonnait, le pont déjà recouvert de gris devenait poisseux. Une bonne journée où on aurait préféré rester dans le fond de son lit.

    « Oh putain de bordel de merde. »


    Si elle avait douté d’être d’une quelconque utilité à un moment pendant la période de calme qui avait précédé cet enchaînement de catastrophes, elle ne douta pas un instant que toutes les mains soient d’une aide précieuse à l’heure actuelle. Tim avait bougé. Elle redescendit du cordage aussi vite qu’il lui fut possible de le faire et se rua en direction de Tim Uzi grâce au Soru. Elle dut prendre trop de temps pour arriver sur le pont, car la situation avait quelque peu évolué. C’était le fameux Mountbatten qui se trouvait devant elle. Ce n’était cependant pas vraiment la situation la plus dérangeante là-dedans. Qu’est-ce que le perroquet avait foutu ? L’agent tatoué avait sorti son… Bazooka… Est-ce que c’était bien ça ? Elle dut creuser sa mémoire et faire abstraction de l’autre braillard qui semblait outré par leur inactivité, et compris assez rapidement le souci avec la nana aux cheveux iroquois. Le fruit de la cible bordel. Elle déclipsa l’attache du fourreau de son Nodachi pour saisir son arme sans la dégainer. Après tout, le but du convoi restait d’amener les prisonniers à la potence pas de leur ôter la vie.

    « Si je devais être payée à chaque fois que ça part en couille, je serais putain de milliardaire.»


    Elle se déplaça en face d’un des hommes, qui était, il lui semblait « Manu ». Le fourreau de son arme en main, elle observait la situation en se rapprochant de ceux qui semblaient plus ou moins de son côté. Il n’y avait finalement pas que les trois gros antagonistes qui semblaient en colère, et finalement, il semblait même qu’un vent d’insurrection soufflaient parmi les prisonniers.

    «Ils veulent prendre notre liberté ! »
    « Notre liberté d’être prisonniers ! »
    « À mort les oppresseurs ! »

    « Agent Niveren, je peux aider peut-être ? »


    Elle se mit en garde, la situation étant quelque peu ridicule puisqu’elle n’avait pas ôté le fourreau. Dans tous les cas, elle jeta un coup d’œil rapide à la situation, il lui semblait plus urgent de calmer la masse, Tim Uzi avait plus d’expérience qu’elle, il s’en sortirait sûrement très bien pour calmer le perroquet. Elle se mit en garde, la situation étant quelque peu ridicule puisqu’elle n’avait pas ôté le fourreau. Elle ne bougea pas d’un pouce jusqu’à ce qu’on lui fonde dessus, sûrement de colère.

    Est-ce qu’ils étaient aveugles ou est-ce qu’ils ne prêtaient pas attention aux gerbes d’eau salés qui s’écrasaient sur le pont ? Dans tous les cas, il ne fallut pas longtemps pour que le vent d’insurrection se transforme en émeute. L’agente n’eut pas à attendre longtemps pour commencer une danse macabre dans le seul et unique but d’au moins les assommer pour qu’ils arrêtent, soit de brailler, soit de se mettre dans les pattes de ceux qui allaient leur sauver les fesses plus tard (enfin jusqu’à les mener à leur mort vous l’aurez compris…). Elle n’eut pas grand mal à balayer la première vague de prisonniers qui lui tombait dessus, sans doute parce qu’ils n’étaient pas armés, mais les prisonniers continuaient, et ce devînt plus difficile d’assurer sa survie et la leur.
    Elle parvenait grâce à l’allonge de son arme, à les garder à bonne distance, ce qui lui assurait que sans armes, ils ne pouvaient la blesser, elle usa du Soru pour s’échapper de la masse qui l’encerclait et reprendre une vision d’ensemble sur la situation. C’était dans ces moments-là que sa petite taille l’handicapait. Elle n’eut le temps que de constater que celui au masque semblait déjà s’échapper de ce raffut, et que ces gens étaient suffisamment fous pour écraser et piétiner sans vergogne leurs camarades qu’elle avait assommer.

    Mais comme il en venait encore de toutes parts alors elle continuait son œuvre, pas assez diplomate dans l’âme pour tenter de les calmer. Ça, c’était l’affaire de son frère. D’ailleurs, il prenait encore le thé ou quoi ?!

    « Bordel, mais ils sont combien ?! Le chef se barre ! »






    Dernière édition par Sohalia Niveren le Mer 21 Avr 2021 - 12:09, édité 2 fois
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    Convoi 09: Guillotine Blurlake  3uy2
    "Avec Baal, Caramélie, Mountbatten, Sohalia, Tim et Will"

    « Le saviez-vous, chers prisonniers, que la mort vous libérera des entraves de votre corps physique ? »

    La voix est lointaine, pourtant puissante ; elle traverse le pont de bout en bout ; ce n’est que quelques secondes après que ma silhouette apparaît dans le nuage de cendres.

    « Pourquoi vouloir empêcher cela ? Pourquoi pas montrer, depuis l’échafaud que tous observeront, que votre souhait de liberté transcende la chair qui freine tant votre esprit ? »

    Les bras le long du corps, la paume des mains tournée vers l’avant, le dos droit et la démarche assurée… je ne montre aucun signe d’agressivité malgré le sens de mes propos ; le ton est même enjoué.


    « Qu’est-ce que… »

    C’était la phrase que la lieutenant-colonel et moi prononcions en même temps, lorsque je découvris la disparition de mes gâteaux pendant que ma sœur abordait le navire-prison. Ma main tâtait la petite assiette quand l’élégante pistolero m’interpella ; elle était installée face à moi, astiquant son revolver, de l’autre côté de la table :

    « Vous devriez peut être rejoindre votre camarade non ? »

    Retenant ma déception de devoir m’en tenir qu’à mon thé, conçu spécialement pour que les cendres rajoutent un petit goût sucré, un petit rictus m’échappe :

    « Connaissant le personnel déjà sur place, je n’apporterai rien de plus ; je pense notamment à l'agent d'Isigny qui sait faire preuve de diplomatie, je risquerais de faire doublon. »

    Et puis cela peut être rassurant que le deuxième envoyé du Gouvernement Mondial sur ce navire garde son flegme ; mais ça, je n’ai nul besoin de le dire.

    « Et puis mes compétences pourraient être appréciées lors de notre approche du bâtiment à l’origine de l’accident. Si je comprends bien ce que signale notre commodore Foxy à vos soldats, nous allons l’approcher avec le Red Hare pour l’encercler, peut être que mon point de vue nous aidera à convaincre l’équipage de se calmer. Surtout qu’avec un peu de chance, nous aurons suffisamment de visibilité pour que je puisse diagnostiquer l’amplitude des dégâts sur le navire-prison. »

    « Effectivement vous avez raison, mais je doute qu’on n’y verra grand-chose, j’ai l’impression que ça va bientôt s’intensifier. Vous êtes charpentier ? »

    Un petit grincement amusé sort de ma bouche avant que je prenne ma dernière gorgée de thé :

    « Je pourrais vous répondre, mais je serais obligé de vous tuer ensuite. »


    Arrivé à leur niveau, faisant fi du combat en cours avec la monstrueuse créature qui menace le convoi, j’apparais subitement aux côtés de Sohalia en un Soru ; la poignée d’anarchistes sur mon chemin se retrouve violemment face contre terre :

    « Agent Sciabola, veuillez retirer la lame de votre fourreau ; il semblerait que nos pauvres hôtes souhaitent dépasser leur condition de prisonniers. Donnons-leur le plaisir d’obtenir ce qu’ils souhaitent tant ; vous n’avez aucunement besoin de périr pour accomplir leur fragile volonté, nourrie par leur impatience. »


    Dernière édition par Yoligan Niveren le Ven 14 Mai 2021 - 2:07, édité 1 fois
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    Cette gamine? Je plisse mon œil encore valide sous l'interrogation. Hum, on dirait que ma mémoire flanche depuis mon intégration dans le service actif. À l'époque dans le Cipher Pol, j'étais habitué à faire attention aux détails et à me rappeler des visages. Maintenant, je galère. De toute manière, j'ai pas le temps pour me souvenir du passé. Je réponds pas immédiatement à sa question de savoir comment prononcer mon nom, tant je juge l'intérêt sans intérêt justement. Sans un mot, je suis la fillette dans les entrailles du Guillotine Blurlake où c'est guère plus clame. Les Marines semblent dépassés par "l'émeute" des prisonniers qui sont pour certains actuellement à l'extérieur. 'Faut dire que la brèche est plutôt cocasse. Heureusement que la salle des machines reste intact, car c'est là qu'on va. Plus on s'enfonce dans les profondeurs, plus mon cerveau me titille l'esprit. Finalement, je parviens à me remémorer d'où est-ce que j'ai rencontré Caramélie. Dingue de voir qu'elle en a fait du chemin. Restant professionnel, j'ouvre la bouche seulement si nécessaire.

    C'est bon, la salle des machines est juste droit devant nous. Rappelle-moi ton utilité de m'accompagner, déjà?

    Autant, je connais mon rôle, autant, j'ai oublié celui de la jeune mondaine. Par défaut, je suis un soutient en cas d'attaque, car je suis sans pitié. Seulement, c'est pas un navire de Terra qu'on doit craindre, mais cette nouvelle menace. De toute ma vie, j'ai déjà affronté des monstres marins, mais jamais de cette envergure! Et d'ordinaire, je fonce tête baissée pour déglinguer de la bestiole, mais là, je sais encore reconnaître quand il faut fuir. En tout cas, mieux vaut pour nous de mettre les voiles fissa fissa. Me retrouver à la flotte au milieu des débris me dérange pas plus que ça, j'ai l'habitude d'être poisseux comme jamais. C'est plus la remontrance qui me fait chier. Et si la puissance de force adverse dépasse largement la notre, j'ai pour ordre de mettre au point une expérimentation du Végapunk lui-même. Il s'agit d'un moyen de propulsion sans précédent qui fonctionne avec du gaz... Connaissant pas vraiment bien l'appareil qui se présente à nous, je m'adresse à le petite blonde.

    Bon, par où commencer, bordel?!

    En théorie, on devrait juste appuyer sur un bouton et hop, on décolle loin d'ici, non? Et en cas de pépin, on intervient pour des réparations. 'Fin, je comprends toujours pas trop pour Caramélie, car a pas la tronche du mécano'. J'ai pas le temps de prendre une quelconque initiative qu'une secousse nous déstabilise encore. Cette fois, c'est plus violent. Les machines à vapeur tiennent pas le coup. Des rouages sautent dans tous les sens et des tuyaux se fissurent sous la pression. Un brouillard s'épaissit dans la pièce où on se trouve. Encore un! Et c'est que la partie la moins pire, car sous le choc d'un tentacule, une brèche béante vient de s'ouvrir sous la ligne de flottaison. Pour l'instant, j'essaye de rester calme, mais je risque de péter de rager si un énième problème survient. Des marins s'activent de tous les côtés dans la salle pour tenter de colmater ce qu'il y a de plus urgeant.

    Je crois que notre expérimentation vient d'être retardée...

    De mon côté, je cherche à réparer l'appareil qu'on est censé utiliser avec l'agente du Cipher Pol. Heureusement que ce cher Vladim a laissé des notes. Je me préoccupe plus de ce qu'elle pourrait faire pour le moment. Dans l'idée, la priorité, c'est de mettre en marche cette satanée machine et d'être hors d'atteinte. J'espère qu'elle peut faire preuve d'utilité.
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    « - Quel majestueux animal. »

    J'étais resté transi... environ une seconde. Du beau monde s'était ramené sur le pont, tout droit venu du Green Fairy cette fois-ci ; on m'avait parlé de deux autres agents du gouvernement qui voyageaient aux côtés de Foxy. Je n'avais pas le temps pour les présentations cependant. Tandis que certains se mettaient en ordre de bataille, que le Commandant rejoignait son propre navire tout en jurant à tue-tête, après son petit cinéma raté, je me réfugiais dans la cache la plus proche : la cale, là où se trouvaient les cellules.

    Sur mon chemin, les Contristes étaient aussi déboussolés et se laissaient malmener quand je leur passai devant en les bousculant. Tels des épis de blé, ils ne bougèrent que légèrement, bloqués dans leur observation du monstre titanesque. Dévalant les escaliers au-delà du pallier de la salle des machines, j'entrai dans les ténèbres.

    La première chose que je perçus fut évidemment l'obscurité du coin. Et pour cause, la seconde était la chaleur qui avait effectivement fait fondre les barreaux et tout le système d'éclairage. Ça et là, quelques particules dorées flottaient vers le plafond, depuis le sol, et éclairaient finement les ténèbres à trancher au couteau. À ce moment précis, je n'avais aucune idée de ce que c'était. Toujours est-il que j'étais bien parti pour échapper à la bataille qui se menait plus haut, comme les deux navires se faisaient balloter et des claquements monstrueux retentissaient contre la coque. Je me refusais à croire que les tentacules du monstre s'enroulaient autour du bateau, ni qu'ils chercheraient à l'éventrer. Même si la chaleur ambiante se faisait étouffante, comme si j'évoluais dans un bain de vapeur, j'étais bien en sécurité ici, calé entre deux caisses.

    « - Pour avoir des noix de coco... des noix de coco... des noix de coco... »

    Boum. Crac. Voilà que le bateau tanguait dangereusement. Une minute s'était écoulée à présent ; de l'eau perlait sur mon front et dégoulinait dans mon dos à profusion. Comment pouvait-il faire aussi chaud ? Certes nous étions sous la salle des machines, mais cela n'expliquait pas pourquoi je suffoquais autant. Tout en me questionnant intérieurement, j'essayais d'oublier le danger en me berçant d'avant en arrière. J'espérais évidemment que personne ne me verrait dans cette position.

    « - Il faut secouer le cocotier. Pour secouer le cocotier... le cocotier... le cocotier... »

    Reboum. Recrac. Ça s'activait au-dessus, on essayait probablement de déloger les deux navires. Je me forçais néanmoins à ne pas trop y penser, focalisant mon attention sur les paillettes dorées. L'une d'elles passa devant moi ; instinctivement, je la recueillis dans le creux de ma main droite. Un picotement intense et une sensation de brûlure s'en suivirent.

    « - Aouch. Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?! » m'écriai-je en sortant de ma torpeur et en me redressant d'un bond.

    Mon regard passa alors de ma chair légèrement brûlée à l'endroit de l'impact à la lueur rougeoyante qui nourrissait à l'autre bout de la pièce depuis mon arrivée. En m'approchant davantage, remarquant que la chaleur à cet endroit devenait insupportable, une véritable fournaise, je découvris une sorte de bosse dans le plancher. Là, le bois était distordu, gondolé, laissant entrapercevoir la coque dessous, elle aussi malmenée au point que la résine qui la recouvrait était le seul obstacle entre la mer et nous. À travers celle-ci, on pouvait pratiquement voir une lueur rougeâtre, menaçante, comme si un foyer couvait sous nos pieds. Et puis soudainement je compris ; mon cœur manqua un battement comme je restais, stoïque, près du point le plus chaud pendant près d'une seconde en me murmurant à moi-même :

    « - Sacré bon sang de merde. »

    Puis mes pieds et mon instinct de survie me propulsèrent vers le pont de batterie, dans une course effrénée jusqu'à l'écoutille la plus proche, que j'ouvris tout en me penchant par dessus bord. De là haut, on ne voyait pratiquement rien, mais à cette hauteur tout était parfaitement clair. Non seulement la lueur rougeoyante à peine perceptible, mais aussi les bulles qui apparaissaient nettement : des petits filons qui remontaient à la surface à différents endroits. Le gros poulpe n'était peut-être pas notre plus grosse menace en fin de compte. Je devais les mettre au courant !

    Manquant de me prendre les pieds dans des cordages au sol sur le chemin du retour, j'arrivai en trombe au sommet des escaliers et émergeai à la surface, profitant en même temps de la fraicheur de l'air à cette altitude. Je gueulai alors à qui voulait l'entendre, malgré le tintamarre ambiant :

    « - Nous sommes au-dessus d'un volcan sous-marin qui s'apprête à entrer en éruption !! »
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    Cher journal,

    Mon compagnon ne semble pas très enclin à faire la conversation mais ce n’est pas très grave : je m’en occupe pour nous deux ! De toute manière, ce n’est pas comme si je pouvais m’attendre à des émotions la part d’un cyborg. Je veux dire, quel humain doué de sentiments irait se retirer volontairement des morceaux pour les remplacer par des prothèses dénuées de sensibilité ? Ou alors c’est l’inverse : il a perdu des morceaux, et il a fait partie de ces candidats à la cybernétisation offerte par la marine en échange de leur maintien dans les forces actives. Un moyen comme un autre de conserver le personnel qualifié.

    Je lui poserai la question plus tard parce qu’il y a plus urgent : le navire prend l’eau ! Je pousse un « hiiii ! » de surprise au moment où je m’en rends compte, et m’empresse de décoller à plusieurs dizaines de centimètres du sol pour me mettre à l’abri de la vague qui vient tremper les chaussures de mon binôme.

    « - Arrêtez de me regarder avec cet air la », dis-je au commandant Zaran en voyant le regard révolté qu’il me jette. « J’attends de vous y voir si jamais vous mangez un jour un fruit du démon vous aussi ! En plus mes chaussures ne sont pas étanches, je n’ai pas envie d’avoir les pieds trempés. »

    Et puis bon, monsieur pourra se permettre de critiquer quant il aura réussi à trouver comment faire marcher le moteur ! Sauf qu’il n’a visiblement pas beaucoup plus regardé la notice que moi avant de venir… Pourtant ce n’est pas censé être lui l’expert en machines vu que c’est un cyborg ?
    D’un autre côté, c’est vrai que quand j’y pense la plupart des gens dotés d’un corps humain ne sont pas pour autant des experts en médecine... mais tu ne m’aides pas vraiment, la, journal !

    Mon premier réflexe une fois à l’abri est de sortir mon escargophone pour appeler des renforts, peut être même Tim à qui je demanderais de mimer un kit de réparation de bateau et des gilets de sauvetage, voire s’il est inspiré de me créer un ingénieur expert en moteurs expérimentaux (mais si journal, il sait surement faire ça. A quoi lui servirait son pouvoir sinon ?). Quelqu’un semble m’avoir devancée cependant, parce qu’à ce moment plusieurs marins se précipitent dans la cale. Armés de toiles étanches, de planches et de maillets, ils entreprennent de calfeutrer les brèches du mieux qu’ils peuvent !

    « - Passez-moi une autre planche !
    - Billy, par ici !
    - Il y a de l’eau partout, que quelqu’un écope !
    - Billy, tiens-moi ça ! »


    J’échange avec Zaran un regard approbateur (un échange à sens unique, je dois l’avouer) :

    « - Ça c’est de l’efficacité ! On sent qu’ils ont l’habitude ! »

    Je réfléchis au sens de ma propre phrase, et me sens obligée de préciser :

    « - Pas de couler je veux dire. Mais de travailler, de faire des réparations et tout. »

    A notre tour de nous activer à notre tâche. Enfin surtout le commandant, mais je te l’ai dit journal, c’est lui l’expert désigné en technologie ! Moi, comme je lui ai indiqué, je gère la partie approvisionnement.
    Le prototype est constitué d’un réservoir de forme très particulière chargé d’accumuler le gaz, d’une chambre de combustion, et de tout un tas de mécanismes complexes dont je serais bien incapable de dire l’utilité ! Entre nous journal, je me demande un peu s’ils ne sont pas juste la pour faire joli, pour justifier le prix de l’engin et le contrat de maintenance. Mais je ne dis rien, et laisse mon collègue essayer de comprendre tout ce bazar. Il ne peut pas être plus mauvais que moi à ce niveau !

    « - Vous ne risquez rien si l’eau monte encore ? Ça peut nager sans risque un robot… un cyborg ? Au pire des cas si la cale est inondée on pourra toujours faire un trou dans le pont pour remonter, mais j’ai peur que ça ne plaise pas trop à la lieutenante colonelle. »

    Je dis du bien de nos charpentiers, mais le commandant ne semble pas non plus malhabile avec la technologie. Je ne suis toujours pas sure qu’il sache quoi faire avec le moteur, mais en tout cas il essaie avec beaucoup de doigté !

    « - Vous vous en sortez au fait ? Je ne veux surtout pas vous presser ou vous déconcentrer ! D’ailleurs vous avez l’air de faire ça très bien, on ne voit presque pas que personne vous a expliqué comment ça fonctionne ! »

    Je ne suis pas sure que mes commentaires gentils fassent mouche, mais de toute manière la mine bougonne voire exaspérée semble être son expression faciale naturelle. En plus avec le faible éclairage de la cale, le reflet de l’ombre de sa lèvre donne l’impression qu’il a une moustache, hihi !

    « - Il faudra me dire quand ce sera bon pour que je mette le carburant. Parce que le propulseur ne peut pas s’allumer si je ne le remplis pas avec mon fruit du gaz, ça je l’ai bien retenu quand on m’a expliqué le principe de fonctionnement ! »

    Bein quoi ? Je disais juste ça pour faire la conversation et pour l’encourager, c’est tout. Mais quand je vois sa mine, journal, je me dis que j’aurais peut-être du commencer par là…

    ♦♦♦♦

    A l’extérieur les choses continuent de dégénérer. Les tentacules géants qui s’agitent provoquent des remous qui commencent à malmener sérieusement les navires, et à ce chaos ambiant vient s’ajouter un volcan qui choisit bien son moment pour entrer en éruption !
    Ou alors… rien de tout ça n’est dû au hasard ? Nos prisonniers, les Contristes, sont peut-être bien plus forts que je ne l’avais imaginé ?! Mais qui aurait cru qu’ils avaient comme alliés une pieuvre géante et un volcanomancien ? Tim avait peut-être raison de vouloir les interroger finalement !

    Lorsque j’utilise mon escargophone pour contacter la lieutenante-colonelle restée sur le pont, je sens à sa voix que la situation échappe un peu à son contrôle :

    « - Le prototype est prêt à être activé, on a été super efficaces ! » Annonce-je fièrement !

    Pour illustrer mes dires je tends mon escargophone près du moteur pour en faire entendre le ronronnement très prometteur à mon interlocutrice, mais à cause de ça je n’entends pas ce qu’elle me répond.

    « - Pardon ?
    - J’ai dit : il était temps !! Activation immédiate, on s’en va de cet endroit avant que tout n’explose ! »

    J’échange un regard avec Baal Zaran, qui a entendu l’ordre comme moi. Une complicité commence à naître entre nous, fruit de notre effort commun au milieu de l’adversité. Je crois. Ou alors il en a juste marre et il est content d’en finir.

    « - Je compte jusqu’à trois et on y va : un… »

    Je plonge mes mains à l’intérieur du réservoir (chose à ne jamais faire quand on tient à rester intacte, journal, mais le logia à tendance à pousser les gens à faire n’importe quoi. D’ailleurs je n’ai jamais été autant découpée, écrasée et explosée à mort que depuis que je suis immunisée contre ce genre de choses !). De toute mes forces, je produit le flux de gaz le plus puissant que je peux et qui, aussitôt, est capté par la chambre de combustion.

    « - Deux… trois ! »

    Baal actionne le moteur : le gaz est absorbé d’un coup et le navire part si vite qu’on a l’impression qu’il semble décoller ! Ce n’est pas juste une impression : poussé par le prototype-turbo il avale la distance à toute vitesse, percute un premier obstacle, puis un second -une vague ou un tentacule je n’en sais rien- sur lequel il rebondit… et quitte la surface de la mer !

    Je suis secouée dans tous les sens, mais je continue de générer du gaz aussi fort que je peux. Pas que ça ait l’air d’être une bonne idée, mais je redoute encore plus ce qui risque de se passer si j’arrête ! Le Guillotine poursuit son petit chemin à toute allure, et je crois bien qu’on vole, journal. Et puis soudain : BAM ! Un nouveau choc encore plus violent que les autres secoue tout l’ensemble, au point que je suis projetée au plafond ! Je réussis à m’y maintenir, heureusement. Difficile de comprendre ce qui se passe de là où je suis mais je suis sure qu’on a heurté quelque chose d’énorme, de plutôt mou, mais qui offre une résistance inattendue. Quelque chose qui bouge d’ailleurs, et qui sent un peu fort. En réalité, au lieu de fuir… le navire a atterri en plein sur la pieuvre géante !


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    Convoi 09: Guillotine Blurlake  Unknown
    "Révolte et Tentacules"


    S’il n’avait pas fallu attendre longtemps pour que Yoligan débarque, cette arrivée avait été suffisamment retardé pour qu’un assaut ait obligé l'agente à utiliser son Tekkai et son Soru pour s’extirper de la masse.
    L’agente observa à peine une demie seconde de circonspection alors qu’on l’autorisait à dégainer son arme. Cette autorisation n’en était pas réellement une puisqu’il n’y avait pas à douter que son frère ne fût pas son supérieur, mais en bon petit soldat, elle ne tuait que si on l’y autorisait, de vieux reste de son passé en tant que bourreau du Gouvernement Mondial.

    «Agent Giacca, c’est une autorisation à être efficace ça.»

    «N'oubliez pas de rester convaincante avant tout, si on peut en emmener quelques uns à l’échafaud ça passera mieux. Les autres...»

    Il y avait eu un instant de flottement, elle s’était écartée de la masse d’un mouvement souple attachant d’un mouvement son Nodachi à sa ceinture pour en dégainer la lame de son immense fourreau, Yoligan avait été interrompu par un assaut, mais repris avec sa classe habituelle.

    «On pourra toujours dire que ce sont des pertes collatérales ?»

    l’arme était immense, il n’en fallait pas beaucoup pour le remarquer, qu’elle était trop longue pour les mains de l’agente. Ce mouvement de recul pour dégainer lui permis d’analyser la situation. Elle vit Yoligan se rapprocher de celui qui était… Manu, elle se souvenait, c’était lui, il était celui qui poserait le plus de problèmes s’il s’en mêlait, elle jeta un coup d’œil dans la direction de Tim. Comme elle l’avait présagé, il usait de ses frasques roses – et bien pratique elle devait le reconnaître – pour maîtriser le perroquet. Son rôle ici était bien défini, elle devait calmer la révolte, au risque de devoir tous les tuer.

    Elle glissa un pas en avant alors que la vue de la lame brillante n’avait que peu ralenti la foule galvanisée par… Eh bien, il semblait évident que tout ça n’avait plus rien de cohérent. Si tant est que ça l’ait été à un moment, si elle avait eu espoir que les paroles de son frère calme les prisonniers, ce ne fut que de très courte durée, puisqu’il semblait que le chaos ambiant n’aidaient pas leurs pauvres cerveaux flétris à réflechir. Les cris se firent plus aigus alors que le sang jaillissait de plaies qu’elle tentait tant qu’elle pouvait de ne pas rendre mortelles. Cette attention la rendait plus lente, l’exposant à une certaines quantités de coup avec des armes improvisées qu’elle ne pouvait pas toujours parer. Du coin de l’œil, elle vit Mountbatten bondir dans les airs pour envoyer des lames d’air sur la créature qui menaçait toujours le navire.

    « - Nous sommes au-dessus d'un volcan sous-marin qui s'apprête à entrer en éruption !! »

    Il ne fallut pas longtemps non plus pour que la situation qui semblait peu à peu se calmer sur le pont n’explose de nouveau pas dans sa tête. Elle glissa un regard autour d’elle, ils n’avaient pas été beaucoup à entendre. Elle ne connaissait pas les membres qui étaient sur le bateau que parce que Yoligan lui avait fait avaler leurs noms comme des crevettes avariées, elle avait dû retenir chacune des personnes de la marine ici. Bref, elle se retourna sur le Sergent.

    «Sergent Blue, venez aider ici ! Agent Giacca il nous faut…»

    Elle s’était rapprochée, se frayant un chemin à travers les contristes, qui semblaient à présent attaquer plus par panique que par réelle conviction, quand une force monstrueuse lui fit prendre appui sur ses jambes, et qu’une explosion sonore fit trembler ses muscles. Le navire s’éleva dans les airs comme… Comme un putain d’oiseau.

    Sohalia, qui n’avait aucune idée de si c’était une situation voulue, ou plutôt une catastrophe naturelle dont on lui avait déjà parlé, eu pour réflexe premier de se jeter sur son frère dans un Soru pour l’attraper. Sûrement, ce geste était-il pour le protéger, ce n’était pas vraiment réfléchi, elle l’attrapa, et quand le navire retomba, leurs corps s’élevèrent… Ou restèrent statique, ça dépend de quel côté on se place, vous voyez, et sûrement poussé par son Soru, ils se firent arrêter par les cordages du bâtiment.

    Non seulement, ils furent stoppés, mais ils se retrouvèrent bloqués dans les cordages du bateau, enchevêtré tant et si bien qu’il serait difficile pour un observateur extérieur de retrouver la tête qui allait avec le corps. Elle était complètement assise sur son torse avait un bras coincé sous sa cuisse, l’autre bras coincé entre les mailles du cordage qui s’était emmêlés autour d’eux. Pour sa part, Yoligan avait un gros plan sur sa hanche le bras coincé entre ses cuisses qu’elle ne pouvait pas bougées parce que prises dans les liens. Ouais, on aurait pu se croire dans un mauvais film pour adulte. Mais la situation était bien plus risible que ça puisqu’ils étaient… Eh bien… Sur la tête du Kraken. Ouais. Enfin pas eux, le bateau. Elle lâcha un grognement alors que sa vue était bloquée sur le sol, alors que Yoligan ne pouvait voir que sa hanche et le ciel.

    «Je suis ravi d'autant d'attention de ta part, mais tu comptes te relever ou je retiens une tentative de harcèlement ? »

    Elle lâcha un petit rire sarcastique.

    «Oh putain me chauffe pas sinon j’te mords ! J’peux pas bouger p’tit géni, attrape mes couteaux pour nous sortir de là. Putain t’es lourd je t’avais dit d’arrêter de te goinfrer de sucrerie et de venir t’entraîner !»

    Elle gigota un peu pour lui donner accès et visibilité sur sa cuisse où trois couteaux étaient attachés dans sa cuissarde. Ouais, comment perdre du temps… Elle pouvait cependant voir en contrebas que la secousse avait eu pour effet de débarrasser le pont de quelques gêneurs et que ceux qui restaient étaient plus calme.  Sauf le chef. Ouais, fallait qu’il s’y mette. Elle rechercha ses alliés, vit Tim continuer son oeuvre avec la jeune femme qui commençait visiblement à fatiguer, et à être choquée, et pour Mountbatten... Eh bien il disparut, purement et simplement. Elle eut envie de se frotter les yeux, mais ne put pas... Vu qu'elle ne pouvait pas bouger.
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    "Avec Baal, Caramélie, Mountbatten, Sohalia, Tim et Will"

    Nous étions si près… si près… On s’est fait coiffer sur le poteau, pourquoi ?! Parce qu’un petit volcan est venu perturber mes plans. La haine m’habite, comment puis-je garder ma crédibilité dans une posture pareille ?! Était-ce vraiment le moment de gâcher cette entrée en scène que je travaillais depuis que j’ai reçu l’ordre de mission ? À cause de ça, ce pour quoi j’ai dû accélérer l’instruction de ma sœur a été réduit… en cendres.


    « On n’y voit rien dans ce merdier ! »

    « En voilà de l’humour pour un agent vissé à sa chaise. »

    Je n’avais pas besoin de détourner le regard de ses yeux pour comprendre ses dires ; une pression longiligne parcourait mes hanches et mes chevilles, qui ne pouvaient s’écarter d’un seul millimètre de l’assise ou des pieds :

    « Je connais votre dossier, mais l’inverse est loin d’être réciproque ; vous ne ressentiriez pas cette nécessité de me restreindre le cas contraire. »

    « C’est justement parce que vous savez ce dont je suis capable que je suis obligée de me restreindre, en plus de vous-même. Je n’aime pas trop les gens qui prennent les escortes pour des colonies de vacances et laissent leurs camarades passer devant, tout en insultant leurs hôtes. »

    Mon sourire grandit presque à mesure que la jeune lieutenant-colonel développe sa pensée, ne s’effaçant pas une seconde :

    « Malgré le palmarès qui vous précède, vous restez de jeunes recrues ; contrairement à vous tous sur ce navire j’ai ce dont vous avez besoin pour éviter les effusions de sang. »

    D’une main, je balayai joyeusement l’embarcation en la suivant du regard :

    « Vous avez vos muscles et vos armes… » De l’autre main, je tapotai ensuite ma tempe de l’index : « … quant à moi, j’ai mon muscle et mon arme. »

    Je marque une pause, avant de reposer mes mains sur les accoudoirs ; mes yeux fixent de nouveau les siens :

    « Tout ce que j’espère, c’est que nous n’aurons pas à nous servir des vôtres. »

    Une expression de surprise parcourut subitement l’éclat violet de la jeune enchanteresse de cordes. Pensant cerner mes propos, elle me tendit alors une mince corde de quelques décimètres de longueur, dubitative :

    « Pouvez vous la nouer ? »


    Mon attention pourtant happée par le cordage, que je tâte afin d’en déterminer l’ordre des liens à découper – car cette situation est suffisamment humiliante à mon humble avis –, je ne peux contenir ma haine lorsqu’elle sort de ma bouche :

    « Me goinfrer de sucreries ?! C’est donc toi qui m’as piqué mes biscuits tout à l’heure ?! »

    Raisonnement totalement absurde je concède, mais que voulez-vous ? Il faut bien montrer des failles pour demeurer le protagoniste parfait, sinon le public se lasse. Sohalia soupire alors à ma remarque et me répond presque nonchalamment :

    « Je ne t'ai rien piqué, je t'ai rendu service, en plus on partage entre frère et sœur… »

    Et elle ose jouer sur les sentiments la fourbe. Décidément les jeunes de nos jours ne savent plus convaincre sans user du pathos :

    « Entre frère et sœur on demande quand même la permission ! Ça s’appelle la bonne éducation ! »

    J’ai alors droit à un rire franc de sa part, beaucoup trop franc même pour mes nerfs :

    « Connais pas, souviens-toi, c'est toi qui a appris ça mon frère d'amouuur. Aller bouge-toi j'sens plus mon bras avec ton gros cul. »

    J’explose de frustration quand elle ponctue sa phrase de faux bisous, achevant ma patience :

    « Attends ça vient ! »

    « Pas trop tôt ! On est pas passé loin du volcan ! »

    Crie-t-elle étrangement pour qu’on l’entende à l’autre bout du pont. Couplée à cet œil de kraken qui nous observe de beaucoup, beaucoup trop près parce qu’on vient littéralement de lui atterrir dessus… je commence à me demander ce que j’ai mal dosé dans mon thé. Je jette un œil à la… au commodore Justine, qui sort visiblement tout juste de ses quartiers, les cheveux en bataille :

    « Dites donc c’est pas bientôt fini ce barouf ?! Je viens de rater ma colo par votre… »

    C’est à ce même moment que règne un silence des vagues, car il se retrouve nez à nez avec les contrists qui jonchent encore le pont au milieu des soldats. Même l’œil du kraken dominant le pont est tourné vers lui, puisqu’il ne perçoit plus son mortel ennemi :

    « … Faute ? »

    Commodore Justine:
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