William White

« Mon premier ? Oh là là , que de choses à vous dire sur lui. Tout d’abord, il est gauché. Pour sûr ça n’lui vient pas d’un gêne familial. On est tous droitiers vous savez, alors il est pas peu fier hein. Il dit qu’il s’est forcé à être gauché pour pas faire comme les autres. Mon avis qu’il est né comme ça.
Créer des histoires et anecdotes pour embellir l’histoire a toujours été dans son caractère depuis tout p’tiot. Oh ça oui, depuis tout p’tiot. Tout pareil que son visage. Un bel ovale expressif clôturé par de longs cheveux blonds et fins. Sans une once de poils hihi. Ne lui parlez surtout pas de ce point, c’est un véritable complexe. Qu’est ce que son frère a pu le taquiner avec ça d’ailleurs :

"- Alors grand-frère, toujours pas d’poil au menton ?
- Tiens j’crois bien voir un duvet pousser… Ah non ! C’était un des miens. "

Qu’est-ce qu’on a ri ce jour-là. Tout rouge qu’il était mon petit Willy. Comme dit, on voit bien quand ça l’énerve. Il vous pointe ses beaux yeux ambre au fond des vôtres. Mon grand-père avait les mêmes. Ça saute des générations comme disent les scientifiques.

Tout ça pour dire qu’il fait pas son âge mon p’tiot. Pas plus grand qu’un mètre soixante-quinze… seize peut-être. P’têtre pour ça qu’ça l’énerve d’passer pour plus minot qu’il n’l’est. Attention, pas maigre pour autant. Un chat maigre comme disent les marins… Vous connaissez pas l’expression ?... Non ? Par chez nous, les marins d’Poiscaille disent ça d’quelqu’un qui paye pas d’mine mais avec d’la ressource à revendre… Sec ? Oui oui, sec ça lui va bien aussi.

Vous v’lez en savoir plus sur son attitude ? D'prime abord, Willy passe-partout avec son attitude nonchalante qui a le don de m’énerver. Quasi toujours une bouteillette – c’est une petite bouteille –  de lait dans la main, il vadrouille dans le port et les rues de la ville comme si de rien était et que rien ne pouvait lui arriver.
Un monsieur tout le monde en somme v'savez. Tous ses habits sont pour le moins sobres. De bonne présentation, l’originalité n’est pas son fort, mais il sait assortir les couleurs, les textures et les motifs pour rester présentable en toute circonstance. Comme il dit et, en d’autres mots : à chaque occasion sa pièce de tissu et, en un seul : classique.

Passez-moi les carottes voulez-vous… Merci bien. »

Jane - Mère de William

« Quoi encore ?! Z’avez pas eu assez avec ma femme, faut qu’vous v’niez m’emmerder moi aussi… Et puis en quoi le caractère d’William vous intéresse ? Un article ? Qu’est c’qui faut pas entendre comme connerie d’nos jours...
J’sais pas quoi vous dire. C’est un bon môme v’là tout. Loyal, pour sûr. Les personnes proches ça s’mérite. La confiance c’est comme les sous, ça s’gagne petit à petit et, si tu fais pas gaffe, tu peux tout perdre d’un coup. Dans les moments durs faut savoir tendre la main. ‘Ttention hein, m’faîtes pas dire c’que j’n’ai pas dit. Tendre la main au tout v’nant ça apporte que des problèmes. Le tout c’est d’bien s’entourer.  

Ça, il l’a bien compris. C’qui pose problème chez Will, c’est qu’il a tendance à ne pas avoir toujours sa langue dans sa poche. Trop franc par moment. Vous m’direz, ça peut être un avantage comme un inconvénient. C’vrai, tout dépend la situation dans laquelle il est. Et pour ça, c’est pas l’dernier des cons. Pragmatique comme pas deux, il analyse vite et bien les situations sauf… Sauf quand il laisse ses émotions prendre le dessus.

Déjà que son visage est expressif comme pas deux… Ma femme a d’jà dû vous l’dire ça, elle adore radoter à c’sujet. Pour d’venir marchand de renom, ça va lui compliquer la tâche. Quoi qu’il en soit, il a encore du mal à garder son calme quand un sujet l’touche ou quand il a une idée en tête. Ah ça !… Quand il a une idée en tête il l’a pas autre part.
L’aut’ jour, pas plus tard qu’y a deux s’maines, on f’sait nos courses. J’achète des tomates, des carottes et du poisson au vieux Hubert. V’connaissez pas l’vieux Hubert ?
Hubert D’Labatte, un bon gars, j’le connais depuis vingt ans, pas moins. On discutait d’sa pêche du jour et il avait des harengs pommes à l’huile… Oui ? Que je revienne au sujet d'base ? Y’en a qu’pour l’gamin si j’comprends bien.
Enfin bref, le v’là t’y pas qu’il part à toute berzingue. Il r’vient, demi-heure plus tard, la mine renfrognée et un sale coup au visage. Alors gamin, que j’lui dis, t’as vu l’diable ou quoi ? Vous devinerez jamais. Il s’était persuadé de s’faire du fric au bonneteau ! AHAHAH !

Ça, pour faire de l’argent, du fric, de la moula comme ils disent de nos jours, il a d'la volonté à revendre. Ce but qu’il s’est fixé, allez donc savoir d’où l’idée a germé. On n’a jamais roulé sur l’or mais y’a toujours eu quelqu’chose à bouffer le soir chez nous.
Je n’l’ai jamais vu autant motivé et déterminé que pour ça. Il tient même un cahier de route, un carnet d’adresses ou livret de transactions. D’jà mis la main d’sus, impossible à comprendre son bordel. Oui, pour ça il en veut…
Pour tout le reste, un procrastinateur d‘première. Toujours à r’pousser au maximum. Bah tiens, ses ch’veux par exemple. C’pas parce qu’il les aime particulièrement longs, il n’a toujours pas pris rendez-vous pour s’les couper.

J’parle j’parle, mais j’ai soif moi… Un petit verre l’ami ?... Non ? Comme vous v’drez… Vous devez aller l’interroger ? Soit. J’y pense mais, avant d’y aller, un p’tit conseil.
Primo, ne lui dites pas qu’il fait plus jeune que son âge, sa taille ou quoi qu’ce soit en rapport. Il a un petit complexe là-d’ssus.
Secundo, la politique. Si vous voulez l’ennuyer et le voir déguerpir en moins de temps qu’il en faut pour l’dire, alors n’hésitez pas. Il s’en contrefiche comme d’l’an 40 et même plus. Pourtant il joue s'vent aux échecs avec d'amis à lui... presque la même chose dans l'fond. Mes avis qu’il découvrira bien tôt ou tard qu’il n’y échappera pas mais, pour l’moment, il vous enverra paitre…

…

Vous êtes sûr d’pas vouloir d’godet ? »

Serge - Père de William

« Mouais… C’est pourquoi ?... Un article ? C’est quoi cette arnaque encore ? Tu sais ce qu’on dit : si c’est gratuit c’est toi l’produit… Tu veux faire un panorama des personnes de l’île et tu t’es dit que ma bonne poire serait idéale ?... Un genre de recensement des parcours de vie… Oula. Calme toi. J’y gagne quoi… Okay ça m’va. Envoie les questions :

…

Je t’avoue que je ne sais pas vraiment par où commencer. J’suis né ici, sur Poiscaille et suis le premier de la famille. Mes parents, tu les as déjà rencontrés à ce que je vois, Serge et Jane, ainsi que mon petit frère Yvel… Tu peux sourire, c’est vraiment un prénom à la con. Ça aurait été la mode sur West Blue d’après les vieux. Mon avis que c’est du flan. Sinon, j’ai jamais quitté l’île enfin… Si, une fois, mais j’y reviendrais plus tard.

Spoiler:

Mon enfance a été tranquille. Quelques querelles avec les gamins de l’école, les engueulades parentales pour avoir cassé une assiette sur le crâne d’Yvel ahah. Il a encore la cicatrice d’ailleurs. Fais pas cette tête c’était mérité – une histoire de duvet - et maintenant on en rigole. Hum ? Oui, j’ai une bonne relation avec lui même si, depuis son départ, c’est plus difficile par lettres. Il envoie aux parents, ils répondent, j’oublie de donner ma lettre, etcetera. La routine quoi. Faut dire qu’on se chamaillait pas mal petit, toujours maintenant, mais plus pour déconner que pour se piquer. Bref, j’commence à divaguer comme le vieux.

En parlant de mon paternel, il était… Attention roulement de tambours… Et ouais, marin, comme tout le monde ici. Il partait tôt le matin, revenait, les poissons étaient ouverts, vidés, congelés et vendus ensuite au marché. J’l’ai aidé pas mal de fois pendant les week-ends, les vacances. Au début je trouvais ça sympa. T’es petit, tu découvres le monde, tout est sympa sauf quand tu commences à comprendre que c’est du travail et que tout travail mérite salaire. De plus, vider la poiscaille… Ça pue et ça colle aux fringues.
J’préférais aller sur la jetée et à la criée. Ça, négocier les prix, attirer le passant, faire des affaires tu vois, ça a de la gueule, c’est quand même bien plus intéressant intellectuellement et tu peux gagner gros. Même si j’dois bien l’avouer : la thune a du mal à circuler dans le coin et elle ne s’amasse que d’un seul côté de l’île.

J’vais pas te parler d’politique, j’aime pas ça. Y’a bien eu du grabuge l’année dernière, mais que veux-tu, l’argent gouverne le monde. D’mon point de vue ? Tu changes les têtes, ça sent le renouveau, une sorte de révolution en sommes. Tu sais ce que c’est une révolution ? Un tour pour revenir au point d’départ… Et commences pas à me parler de la Révolution sinon j’te laisse en plan.

… Un peu de lait ? Non ? C’est toi qui vois…

Je n’ai pas à me plaindre, on manquait de rien, mais on en avait pas plus. Les pantalons étaient rapiécés jusqu’à l’usure et ceux de mon frère encore en bon état me sont revenus. Si j’avais eu un petit frère, je peux jurer qu’il les aurait récupérés derrière. Ou une petite sœur, ça n’aurait pas fait la différence.

Spoiler:

Enfin, tout ça pour arriver à l’adolescence. J’avais quoi, 13 ou 14 ans j’crois bien. Mon oncle, qui est aussi le parrain d’Yvel, travail sur Ohara. Alors, mes parents ont décidé de nous envoyer là-bas. Histoire de parfaire notre éducation, d’avoir les armes qu’ils n’ont pas eues la chance d’avoir comme ils disent.
Je les remercie pour ça, alors je reste ici, histoire de les aider du mieux que je peux. Ils disent que je m’enlise, mon frère aussi mais qu’est ce que tu veux. Ils ont dû en chier pendant cette période. Ils en parlent très peu, voir pas du tout, évitent le sujet dès la première question. Ils me disent de partir aussi, visiter d’autres îles… J’y pense un peu plus dernièrement mais ce n’était pas la question…

Mon frère ?... Il a toujours été passionné par la mécanique, les sciences « dures » jusqu’à être insupportable : « -Et comment ça flotte ? Et pourquoi ça se soulève comme ça ? Le ciel, pourquoi il est bleu et parfois gris ? Dis Will’, comment que ça se fait qu’on vieillisse ? … » Alors, dès qu’il a pu, il s’est plongé dedans aussi vite qu’une anguille dans son rocher.
Quant-à-moi, je me suis intéressé aux « belles » sciences. Les sciences du relationnel, la sociologie, un peu, la rhétorique aussi, mais principalement à la seule et véritable source de pouvoir : l’argent, la thune, le fric, le flouze, la moula, le magot, le grizzby. Tu peux être le plus fort de tous, le roi d’un empire, avoir les plus belles idées ou je ne sais quoi, sans monnaie t’avances pas. Tant que les personnes, les gouvernements, se baseront là-dessus, rien ne changera. Et tant que rien ne change…

Mais, là n’était pas la question. On est resté cinq, six ans, grand maximum sept ans sur Ohara. Ensuite, retour à la case départ. J’ai enchaîné les petits boulots, principalement en tant que vendeur. J’ai travaillé dans la boulangerie, celle au croisement de la rue Soles et Merlu, je te conseille leur pain-poisson. A la criée aussi pour le vieux D’Labatte… Mon père t’en a déjà parlé ? Ouais, il l’aime bien, un vieil ami à lui. Les années et les deux paquets de clopes par jour depuis sa plus tendre enfance lui ont bousillés la gorge.
J’ai aussi travaillé dans une brocante, le service achat & vente pour le matériel de bateaux, une bijouterie, du prêt-à-porter et d’autres boutiques. J’ai même fait deux ou trois mois dans un cabinet de curiosités, il a fait faillite depuis.
Mon frère, quant à lui, a voulu rejoindre la marine. Et, plus précisément la marine scientifique. Aux dernières nouvelles, son projet se portait bien et je crois même qu’il avait reçu une mutation… Où ? Je sais plus trop… Quelque part sur Grand Line. Il envoie de l’argent à mes parents quand il peut. Ça les fait rouspéter, mais j’vois bien qu’ils en sont fiers…

Mouais… Dans le fond… Ils n’ont peut-être pas tords… Il s’agirait de voir les opportunités d’ailleurs… S’agirait d'qgrandir… »

William White