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Les fleurs du mal

Les fleurs du mal 28d0d610

そして花の雌しべは腐る - Soshite hana no meshibe wa kusaru - «Et les pistils des fleurs pourrissent»

Les quelques pas en arrière que fit Noah ne lui permirent pas d'éviter la main qui vint frapper sa joue droite. Désemparé, tentant de se confondre en excuses, le jeune marin n'eut d'autres choix que de subir, passivement, les remontrances ubuesques de la vieille dame à qui il venait de toucher la poitrine. Ce n'était pas réellement de sa faute, puisqu'il avait trébuché sur un tonneau usé laissé à l'abandon par le tavernier du coin, mais il ne pouvait en vouloir à l'honorable dame de le sermonner. Une fois le différent réglé – si tant est que le jeune homme ne gagne pas une réputation de pervers gérontophile auprès de la population de Portgentil – Noah pu continuer sa lente inspection des auberges du coin.


- Franchement, vous avez fait fort cette fois, Commandant. Elle vous a mis une de ces roustes la p'tite mamie !

Barkley, l'homme qui venait de parler, était un soldat de la dix-neuvième division lui aussi, bien moins coincé et bien fripé que Noah. En théorie, Noah était son supérieur hiérarchique. En théorie, seulement, puisque les hommes que le Commandant avait sous ses ordres passaient la plupart de leur temps à le charier, s'amusant des gaffes qu'il produisait bien malgré lui. Mû par une malchance légendaire, Noah déplorait son manque de dextérité flagrant, qui le décrédibilisait auprès des têtes brûlées qu'il devait tempérer.

- Ne me cherchez pas, Barkley. Allez plutôt voir du côté l'auberge des Trois Brasseurs si y a pas d'soucis. Qu'on rentre au plus vite, j'suis crevé.

Un ton sec, froid et discipliné. Car si ses hommes avaient peu de confiance quant à ses mouvements bien trop imprécis, ils n'en étaient pas moins respectueux de l'homme de fer qu'ils avaient face à eux. Enfin, l'adolescent tout du moins, puisque Noah en était encore un légalement, même si les affres de la vie à la caserne l'avaient durablement marqué, donnant à son visage des formes bien plus rugueuses que celles qu'un gamin de son âge aurai dû avoir. Tant et si bien que désormais, le grade qu'on lui avait attribué avait bien moins de valeur que la fermeté avec laquelle il mettait les soldats peu respectueux au diapason.

Noah se frotta la joue, engourdie par la lesteté de la main de la vieille dame. Une gifle bien éclatante qu'il avait prise là, si bien que le feu commençait déjà à gagner ses pommettes émaciées. Il avait en horreur les inspections de nuit dans les quartiers nord de Portgentil. Certes, ça faisait parti de son boulot et veiller à la sécurité de la ville lui semblait important. Pourtant, la plupart du temps, les seules personnes qu'il croisait durant sa garde étaient les vieillards du coin, pas encore endormi ou pressés de pousser les portes du marché du coin pour faire leurs emplettes. Autant dire qu'il n'y avait rien de stimulant à ce type de mission. Aussi, quand c'était à son tour de gérer la veille d'un quartier, il faisait en sorte de s'entourer des hommes les plus tranquilles de la caserne. Cette fois, il avait quasiment réussi son coup, sauf pour Barkley, un bleu intrépide qui n'avait de cesse que de se foutre de lui, faisant fit des grades et des décorations.

- RAS de ce côté-là, Commandant !
- Idem par ici !

La petite escouade que Noah avait sous sa responsabilité se rassembla peu à peu autour de lui, leurs tâches dûment accomplies. Le dernier à revenir fut Barkley, les pieds traînant sur le sol comme le gamin impertinent qu'il était malgré sa trentaine bien passée. En rang d'oignons, la troupe mal coordonnée attendait la suite des ordres de leur Commandant, qui semblait bien satisfait de la mission rondement menée. Aussi se permit-il de se détendre un peu, faisant tomber ses épaules et la mine affreuse qu'il arborait comme unique masque d'apparat.

- Bien joué, les gars. On rentre à la base faire notre rapport, et tout l'monde au lit. Ça vous va ?

Légère acclamation dans les troupes, même si l'envie n'y était pas. La lune dansait déjà haut dans le ciel, signe qu'on s'approchait doucement de l'aube. Noah avait en horreur les rondes nocturnes, puisqu'elle décalait son cycle du sommeil qu'il avait mis des années à retrouver après le traumatisme de la mort de sa mère. Les cauchemars étaient de moins en moins fréquents, aussi se permettait-il des nuits bien plus longues, histoire de récupérer de ses journées à la fois chargées en responsabilité et de temps à autre en action.

- On précise dans l'rapport que vous avez agressez sexuellement une pauvre grand-mère, Commandant ?

Éclats de rires dans les troupes. La perspective de mettre dans l'embarrât leur supérieur semblait bien plus réjouissante que celle de retrouver un nid douillet pour la nuit. Noah avait envie de réprimander sévèrement Barkley pour son impertinence, mais ce petit trait d'humour semblait détendre les foules. Lui n'était pas doué pour cela, avec son attitude bien trop rigide et militaire. Aussi laissa-t-il passer l'intervention malvenue du soldat pour cette fois, même s'il songeait sérieusement à convoquer le matelot une fois à la base pour lui passer un soufflon digne de ce nom.

- Très drôle, matelot. J'espère que votre humour ne vous sert pas à compenser les nombreuses sessions d'entraînements auxquelles vous ne daignez pas vous montrer depuis quelques semaines ? Ou à compenser un atout bien plus important de votre virilité ?

Nouveaux éclats de rire, même si ce n'était pas l'effet recherché par Noah. Faisant fit des brimades de ses hommes envers Barkley et la remontrance cinglante qu'il venait de se prendre en pleine face, le jeune Commandant emboîta le pas à sa garnison pour prendre le chemin de la caserne de la dix-neuvième division. L'ambiance était au beau fixe dans les rangs, et Noah, dans sa tenue strictement protocolaire, faisait figure de proue en tête de file. Lui-même compensait son jeune âge par une prestance et une aura qui se voulait impressionnante, même si la nature même de sang aurait dû suffire à appuyer son autorité. Mais, vu qu'il ne mettait jamais en avant cette particularité et que la plupart des hommes de la base n'était pas au courant de son affiliation avec la famille royale, il se devait d'user d'autres stratagèmes. Il avait appris, avec le temps, à durcir son regard au besoin et à cintrer ses mots. Une façade bien peu solide, mais qui lui permettait de s'affirmer sans trop de mal face au menu fretin qui composait les rangs de la Marine.

- Hé, Commandant, y a un papi là-bas ! Ça ne vous dit pas d'aller l'agresser, lui aussi ?

Ils venaient de s'affranchir de la limite entre le secteur nord de la ville et celui de l'est, dans lequel se trouvait la caserne. Au détour d'une ruelle, Noah jeta un coup d'œil et remarqua en effet la présence d'un vieillard, qui se tenait debout à l'aide d'une canne en bois. Il était habillé d'une longue toge marron et miteuse. Des yeux cernés, une longue chevelure grisonnante et crasseuse, le tout serti par une mâchoire à demi-édentée, laissant pendre la moitié d'une langue râpeuse. Rien de bien suspect, malgré les blagues lourdes de Barkley. Pour autant, il avait la fâcheuse impression que quelque chose n'était pas à sa place. Comme si l'ambiance, dans cette nuit peu éclairée, venait soudain de changer de ton. Peut-être la lune chantait-elle une nouvelle sonate ? Même les hommes de Noah s'étaient soudain murés dans un silence profond, bien loin de leurs habituels chants de marins.

- A l'aiiiiiiide !

Un cri, perçant la nuit. Un cri d'effroi, d'alerte et de détresse. Noah regarda autour de lui, mais rien. Résonnant en écho dans les ruelles de la ville, le hurlement pouvait provenir de n'importe où. Il tourna la tête une nouvelle fois, pour remarquer que le grand-père dans la ruelle venait de se volatiliser. Mais peu lui importait la présence d'un vieillard, puisque c'était avant tout le cri d'une jeune demoiselle en détresse qui l'animait désormais.

- Ça vient de par là !
- Non, c'était vers la place principale, j'crois.
- Moi, j'ai entendu que ça venait du port.
- Moi je...
- Taisez-vous !

Noah avait eu besoin d'élever la voix pour faire taire les élucubrations de ses hommes, qui commençaient déjà à paniquer alors même qu'l n'y avait aucune raison pour l'instant. Et, dans la panique, c'était là qu'on perdait le plus de temps à se rassurer et qu'on loupait par la même occasion pas mal d'informations importantes. Noah mit une main sur sa tempe pour réfléchir, un petit tic qu'il avait pris depuis qu'il avait sous sa responsabilité une bande de gros bras écervelés.

- On se sépare en groupe de deux. Edith et Murray, vous ratissez les zones 12 et 13. Julian et Barkley, vous prenez les 8 et 9. Pierre et Maxwell, vérifiez les zones 11 et 14. Et moi, j'm'occupe de la 7. On concentre nos recherches sur le quartier Est, en priorité, compris ?

Comme une unique entité, les soldats approuvèrent de la tête, émettant par la même quelques grognements bestiaux.

- Bien, rompez !

Des ordres clairs, précis et réfléchis. Voilà qui suffisait à contenter ceux qu'il avait sous son commandement. Et, même s'il n'était jamais sûr que les décisions qu'il prenait à la hâte étaient judicieuses, Noah devait pour autant faire son possible pour les assumer fièrement devant ses hommes, et même devant ses supérieurs. Là, il avait choisi de ratisser large au niveau du champ de recherche, environ le quartier est dans sa globalité puisque c'était de là que semblait provenir le bruit, même s'il n'en était pas certain. Ses hommes avaient déjà pris la direction des zones auxquelles il les avait affectés, aussi se rendit-il à son tour dans la zone 7, celle qui se trouvait le plus proche du port principal de Portgentil. Il y mouillaient en permanence une véritable armada de navires en tout genre, la plupart sortant du chantier naval de l'île, réputé par-delà les mers pour son savoir-faire. Et, même si le jeune homme ne s'était jamais vraiment intéressé à la beauté d'une embarcation maritime, il devait reconnaître que le florilège de couleurs et de formes qui s'offraient à lui était somptueux.

- Aidez-moi, je vous en supplie !

Un nouvel hurlement venant éteindre la sérénité de la nuit. Noah en était quasiment sûr, si ses sens ne le trompaient pas, le bruit était tout près de lui. Dans l'agitation, il attrapa à la hâte le gonher 0/40 accroché à sa ceinture – son pistolet de service – et se mit à courir. Il posa son regard sur chaque ruelle, chaque intersection, chaque maison d'où s'échappait de la lumière. Et enfin, il arriva sur les lieux de l'incident. Une ruelle sombre et peu éclairée, ouverte d'un côté sur la place du quartier vide d'où venait le jeune, et l'autre côté débouchant sur l'allée principale du port.

Trois hommes, de hautes statures et à la mine dégarnie, encerclent une jeune fille, dont l'âge laisse peu de doute sur sa minorité. Blonde, les cheveux coupés mi- court, son visage encore poupon laisse présager une future beauté. Elle se débat, cri de sa voix perçante et tente même de griffer ses agresseurs. Mais ceux-ci ont pour seule réponse des rires qui viennent agresser les tympans et des coups qui viennent marquer le corps. Vu l'apparence des hommes, Noah ne doute pas un seul instant de leur allégeance à une quelconque branche de la piraterie. Des roublards de basse zone, des crevures de la pire espèce qu'il considère comme moins important qu'une vie d'insecte. Il veut agir, il veut intervenir.

Son arme est pointée, son cœur armé.

Une détonation. Mais ce n'est pas la sienne.

Les brigands viennent de lâcher un petit objet sur le sol qui, en touchant terre, libère un large voile de fumée. L'écran l'entravant, Noah se jette à corps perdu dans la bataille, franchissant l'écart qui le sépare de l'altercation pour venir en aide à la jeune fille, au risque de blessure. Les volutes de fumée viennent lui irriter les yeux. Il navigue à l'aveuglette mais finit par se rendre compte, alors qu'il met un pied sur les berges du port, que les brigands en ont profité pour prendre la fuite, emportant avec eux leur victime.

Noah laisse tomber son arme sur le sol.
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    あなたの縫い目の炎のエコー - Anata no nuime no honō no ekō - «Les échos des flammes sur ta couture»

    - J'veux parler tout de suite aux agents chargés du renseignement !

    Un ton froid et sec comme à son habitude, mais teinté d'une colère si froide que personne n'osait contredire sa requête. Après un ultime quadrillage des lieux, Noah avait fini par se résigner au fait qu'il avait perdu la trace de la jeune fille, et qu'on avait réussi à l'enlever sous ses yeux sans qu'il ne puisse réagir. Il avait donc rassemblé ses hommes, et ils étaient tous ensemble rentrés à la base, Noah les abandonnant sur le perron de la caserne pour se rendre au niveau des bâtiments administratifs, qui venaient tout juste de commencer leur service à cette heure si matinale.

    Pourquoi était-il si en colère ? Noah se posait la question, sans vraiment avoir de réponse. Pourtant, durant sa courte carrière, il avait eu l'occasion d'en voir des enlèvements, des morts et d'autres atrocités que les nombreuses séances chez le psychologue de la caserne ne suffisaient pas à effacer. Le Royaume de Bliss n'avait jamais été réputé pour sa tranquillité, après tout. Mais cette fois-ci, cette histoire l'atteignait plus que de raison. Peut-être à cause de la similitude avec le meurtre de sa mère, elle aussi agressée sous ses yeux sans qu'il ne puisse réagir ? Peut-être que ce simple enlèvement, alors qu'il était le seul à pouvoir agir, le mettait face à ses propres difficultés ? N'avait-il donc pas évolué en sept ans ? Était-il toujours incapable de venir en aide aux autres ? S'effondrait-il toujours à la moindre embûche ? Les doutes lui tiraillaient la gorge, et il avait l'impression qu'un mercenaire habile était en train de tricoter avec des aiguilles en fer chauffées à blanc au creux de son estomac. La peur, la solitude, l'inutilité. Autant de sentiments fragiles qui pouvaient venir harceler sans discontinuer le jeune homme à chaque fois qu'il devait faire face à un échec. Sûrement une réminiscence de la personnalité instable de sa mère, possiblement héréditaire selon les médecins. Il espérait juste ne pas finir sa vie comme elle, à naviguer sur les voiles entre passé et présent.

    Un homme en uniforme vint à la rencontre de Noah. Le nom de ce soldat lui importait peu, puisqu'il ne semblait pas être gradé plus que lui. Aussi se contenta-t-il d'un formel salut militaire, avant de s'empresser de lui poser des questions.

    - Une gamine vient de se faire enlever il y a tout juste une heure par une bande de pirates, sur les quais de Portgentil. Des informations sur un quelconque équipage illégal qui mouillerai non loin de nos côtes ?

    L'homme, qui devait avoir la quarantaine bien entamée et qui, vu son accoutrement légèrement débraillé et les cernes marqués sous ses yeux venait tout juste de sortir de son lit, mit un moment avant de répondre. Il intima à Noah de le suivre jusqu'à son bureau, une petite cage à poules non loin du hall d'accueil du département des renseignements. Un bureau sobre, intimiste, comme en faisait à la pelle dans les nombreux quartiers de la Marine. Noah n'avait pas souvent eu affaire aux soldats de ce service, ceux qui géraient les informations et traitaient les affaires courantes. Des gratte-papiers selon lui, bon à l'archivage et à traiter des dossiers périmés. Lui, il préférait mille fois les hommes d'action, même s'il fallait souvent conjuguer avec leur sang chaud.

    L'homme entreprit une fouille lente et minutieuse des nombreux documents qui s'entassaient sur son bureau. Noah avait envie de lui demander de se presser, mais il était bien conscient que son simple grade de Commandant ne lui donnait pas l'autorité suprême sur tout le monde. Il fallait encore qu'il respecte les règles de savoir-vivre en communauté, même si ça lui était souvent difficile. Pour lui, il fallait que tout le monde avance à son rythme, ce qui n'était pas toujours chose aisée vu les nombreuses fluctuations dans ledit rythme. Tantôt très lent pour certaines choses, tantôt très pressé quand il considérait que l'affaire était importante.

    - Le seul navire suspect – une caravelle - que nous avons repéré récemment est celui d'un ancien pirate à la retraite, un certain Xanxas Xonxus. Il était à la tête d'un équipage nommé les Dreadlocks il y a quelques années, mais ils avaient disparu de la circulation depuis un moment. Le fait qu'ils soient réapparus hier ne nous a pas alertés outre mesure, mais...
    - Mais une gamine s'est certainement faite enlevée par votre négligence !
    - Ma négligence ? Je ne vous permets pas, Commandant, de...
    - Tu ne me permets pas quoi ? Sale rat de...
    - Commandant Grantz !

    La voix du Diable. Celle qui avait effrayé Noah dès son arrivée à la dix-neuvième division, et qui ne l'avait pas quitté depuis. Celle d'un homme dont on disait que l'histoire torturée n'entravait aucunement son discernement et son savoir-être. L'homme impartial qui dirigeait d'une main de fer cette base, avec une ardeur et une sagacité que n'aurai jamais pu avoir Noah. Le Colonel Bava Aok se tenait dans l'entrebâillement de la porte, juste derrière le jeune homme qui ne l'avait pas entendu arriver. Son visage toujours impassible trahissait une certaine colère d'avoir surpris un de ses subordonnés se laisser aller ainsi.

    - Présentez immédiatement vos excuses au Sergent Castamord.

    Un ton qui laissait peu de place à l'interprétation. Aussi, comprenant qu'il venait de faire une connerie sous le coup de l'émotion – ou de Dieu savait-il quelle autre pulsion malsaine – Noah ne put qu'abdiquer en faveur de l'ordre de son supérieur. Il se morfondit donc en excuses, bien maladroitement, avant de se tourner vers le Colonel.

    - Je...
    - Dans mon bureau, Commandant.

    Sans un mot de plus, et avec l'intime conviction qu'il allait se prendre une sacrée remontrance, Noah suivi le Colonel jusqu'à ses quartiers. Un entremêlement de couloirs plus tard, durant lesquels aucun mot ne furent échangés, ils finissaient par atteindre le bureau de Bava Aok. Un lieu simple et chaleureux, mais où aucune fioriture ne venaient ternir l'harmonie recherchée. Le Colonel tendit une chaise à son subordonné, avant de lui-même se prostrer sur son trône roulant, derrière le secrétaire en bois massif où s'entassaient mille stylos – une des lubies du Colonel.

    Noah avait la tête baissé, regardant ses pieds comme s'ils étaient responsables de ses tourments. Pouvaient-ils lui permettre d'échapper à cette situation sûrement coûteuse pour sa future ascension au sein de la Marine régulière ? Il en doutait fort, à moins qu'ils aient la capacité de lui permettre de se téléporter en claquant des talons, comme dans ce conte pour enfant.

    - Je vous pensez bien plus raisonné que ça, Commandant Grantz. Que vous arrive-t-il pour que vous en veniez à mettre aux bas-fonds vos principes moraux ?

    Noah ressentait soudainement l'envie de se murer dans le silence, mais il était sûr que cette réponse sourde ne suffirait pas à calmer la colère dans laquelle semblait être Bava. Aussi s'empressa-t-il de lui raconter les récents événements de la nuit, sans omettre aucun détail, y compris sur les informations que lui avait fourni le Sergent Castamord sur les pirates des Dreadlocks. Le Colonel, lui, se contenta de tapoter de ses doigts sur le bois lustré de son bureau durant tout le long du récit.

    - La situation est grave, et je comprends qu'elle puisse faire écho à votre propre passé. Mais cela mérite-t-il pour autant que vous agressiez ce pauvre Castamord ?

    Le Colonel était sûrement l'une des seules personnes de la caserne à être au courant de la véritable histoire de Noah. En tant qu'ami de Douglas, l'homme qui l'avait sauvé durant son enfance, il avait eu accès aux informations à son sujet. Il savait donc pour le meurtre de sa mère, ainsi que pour sa lointaine affiliation à la famille royale de l'île. Malgré tout, le Colonel l'avait toujours traité comme un soldat comme les autres, ne faisant pas de distinction entre la dernière des raclures et Noah, et ce dernier lui en était reconnaissant.

    - Non, Colonel.
    - Que préconisez-vous alors, Commandant ?
    - Je... Que voulez-vous dire ?
    - Qu'est-ce que vous me conseillerez de faire pour résoudre cette situation ?

    Noah n'était pas sûr de bien comprendre la question. Bava Aok était-il en train de lui demander de prendre une décision à sa place ?

    - Ce... Je pensais que vous alliez me donner des ordres, comme à d'habitude, et que j'allais devoir les exécuter.
    - Je vous mets à l'épreuve, Commandant. Alors, qu'est-ce que je devrai ordonner à mes hommes de faire dans pareille situation ?

    Un test ? Noah avait l'habitude, de par son grade, de prendre quelques décisions stratégiques mineures lors des interventions sur le terrain. Le commandement d'une petite unité, l'envoie d'un soldat en repérage, la rédaction des rapports de mission. Mais rien d'assimilé à des manœuvres de telle envergure, là où la vie d'un otage était en jeu. Ça, ça relevait normalement de l'autorité du plus haut gradé de la base, à savoir le Colonel lui-même. Qu'il lui propose de décider à sa place, sans filet, mettait le jeune homme dans une position plus qu'inconfortable. Inspirant un bon coup pour être sûr de ne pas bafouiller ou dire de bêtises, Noah commença sa lente description du plan qu'il avait déjà fomenté dans sa tête pour ce genre d'intervention.

    - Envoyer un contingent restreint d'hommes, dans une petite embarcation, et prendre d'assaut le navire des pirates.
    - Pourquoi pas tout simplement un de nos croiseurs ?
    - Trop gros, trop voyant et trop lent. Ils auraient largement le temps de s'enfuir ou de tuer la pauvre fille. Non, un petit navire me semble être la meilleure des options. On libère la gamine, on tente d'intercepter les pirates et on s'enfuit.
    - Une manœuvre stratégique risquée. On ne connaît pas les forces en présence sur le bateau pirate.
    - Selon le Sergent Castamord, ils possèdent une simple caravelle. Tout au plus une trentaine d'hommes à bord. À moi tout seul, je pourrai...

    Le Colonel, plutôt calme jusqu'à maintenant, saisi un stylo devant lui et, sans même que Noah n'ai le temps de réagir, le lançait droit devant lui. Le projectile passa tout près de l'oreille du jeune homme qui, n'ayant pu rien faire resta interloqué, avant de venir se planter dans le mur d'en face comme s'il était fait de papier.

    Véritable égide de la puissance des alentours, le Colonel savait se faire respecter sans avoir besoin de recourir à la force. Mais, quand il se mettait en action, il devenait une véritable arme de guerre, que Noah se sentait bien loin de pouvoir égaler. Impressionné et se sentant misérable de n'avoir pu ne serait-ce qu'anticiper l'attaque du Colonel qui aurai pu le tuer s'il l'avait voulu, le jeune Commandant baissa une nouvelle fois les yeux, ne pouvant soutenir le regard puissant de son supérieur.

    - Ne présumez pas de votre force, Commandant. Il vous reste encore un long chemin à parcourir avant de ne serait-ce qu'égaler mon niveau pourtant très modeste en comparaison à d'autres pointures.
    - Excusez-moi, Colonel.

    Bava Aok se leva, allant récupérer son stylo sur lequel il dut forcer pour réussir à l'extraire de la cloison. Il se retrouvait donc avec un mur de bureau percé, mais ça ne semblait pas le déranger outre mesure.

    - Bien, vous partirez dans une heure. Emmenez avec vous les matelots Barkley, Pierre et Judith. Je vais faire préparer votre embarcation, profitez-en pour vous reposer au moins une demi-heure.

    Noah se levait de sa chaise, en un parfait salut militaire. En temps normal, il aurait protesté sur le fait qu'il n'avait aucune envie d'avoir Barkley dans les pattes pour cette mission. Mais, vu la colère dans laquelle était le Colonel, inutile de le contrarier encore plus. Alors que le jeune homme s'apprêtait à passer le pas de la porte, Bava Aok lui lança une dernière remarque glacée au visage.

    - J'ai misé beaucoup sur votre avenir, Commandant. Vous me ressemblez sur bien des points, vous le savez. Alors ne me décevez pas en agissant sous le coup de la colère quand la situation nous convient pas.
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      不幸なことに嵐が降り注ぐ - Fukōna koto ni arashi ga furisosogu - «Les échos des flammes sur ta couture»

      Noah tenta bien de se reposer, mais il n'arriva pas à rejoindre Morphée et ses doux bras. La demi-heure qui lui restait, il la passa donc à préparer son sac. De la poudre pour son arme, un couteau, des allumettes, quelques outils. Autant de gadgets utiles qui lui avaient plus d'une fois sauvé les miches. Puis, dans un élan de gratitude, il se rendit une nouvelle fois aux quartiers des renseignements, pour s'excuser une nouvelle fois auprès du Sergent Castamord pour son attitude.

      En général, il se fichait royalement de l'avis des autres ou même de froisser le peu de sentiments qu'ils éprouvaient dans leur modeste vie. Mais cette fois, il avait dépassé les bornes, en accusant quasiment le gratte-papier d'être responsable de l'enlèvement de la jeune fille. Il avait simplement laissé parler sa colère de n'avoir pas pu intervenir à temps pour la secourir, et le devoir divin qu'il s'était imposé de mettre fin à tout type de criminalité avait prit le dessus. Face à l'échec, Noah réagissait souvent très mal, mettant de côté son aspect très protocolaire pour n'être que pure émotion. Une facette de sa personnalité qu'il essayait d'apaiser au mieux, pour espérer un jour progresser au sein de sa division.

      Une fois ses affaires de prêtes, et alors que le soleil commençait tout juste à pointer le bout de son nez, il rejoint dans la cours de la caserne les trois soldats avec lesquels il allait devoir conjuguer pour cette mission. Il aurait aimé agir seul, vu qu'il y aurait eu beaucoup moins de chance qu'il se fasse repérer, mais n'avait pu aller contre les ordres du Colonel.

      Judith, Pierre et Barkley se tenaient prêts sous le porche d'entrée. Trois soldats au comportement hétérogène. La seule fille du groupe, une grande brune aux yeux vairons et aux formes voluptueuses, était l'exemple même de la rigueur. Une version féminine de Noah, qui se passionnait pour le département des recherches dans lequel elle passait le plus clair de son temps, même si ses habiletés au combat étaient un atout non-négligeable. Pierre, un petit homme brun et peu musclé, passait pour être l'un des meilleurs tireurs de la base. Il était capable d'atteindre sa cible sur plusieurs mètres sans trop de difficultés. Son seul problème, c'était qu'il était bien trop pacifiste pour oser tirer sur une cible vivante. Aussi gachait-il ses compétences en pourparler inutiles. Et enfin Barkley, l'impertinent soldat aux muscles faciles. Véritable mastodonte quand il s'agissait de frapper avec ses poings, mais totalement irrévérencieux avec sa hiérarchie. Trois soldats sous les ordres de Noah, les trois étant bien plus âgés que lui. Mais, il l'avait appris depuis son entrée dans la Marine, l'âge n'avait aucune signification quand il s'agissait de commandement. Et seul le grade pouvait faire valoir son importance.

      Une fois les détails de la mission expliqués, Noah et ses hommes prirent la direction du port de Portgentil, là où les gars chargés de la logistique de la base leur avaient fait amarrer un bateau pour se rendre jusqu'à l'endroit où se trouvait le navire des Dreadlocks. Mais, arrivé sur place, Noah faisait la moue.

      La barque à ses pieds laissait peu de doute quant à sa conception légèrement défectueuse. Certes, il y avait eu quelques coupes budgétaire dans les fonds de la dix-neuvième division, mais était-ce à ce point ? L'embarcation présentait déjà quelques trous dans sa coque en bois sec, et les rames semblaient pourrir sur place, la moisissure ayant pris place sur le plat de chacune d'entre elles. Entouré des trois soldats sélectionnés par le Colonel Bava Aok, dont l'irritant Barkley, Noah regardait non sans appréhension la bicoque amarrée dans la section du port réservée pour la Marine.

      - On va vraiment monter sur ce rafiot, Commandant ? J'veux dire, j'sais que vous êtes fana des vieux trucs, mais j'tiens pas à risquer ma vie en mer.

      Encore une blague douteuse de Barkley, mais que Noah ne trouva cependant pas dénuée de sens. Lui-même avait quelques appréhensions quant au fait de s'embarquer dans une bicoque aussi délétère. Cependant, il ne pouvait décemment pas montrer ses inquiétudes face à ses hommes, au risque de saper le peu de motivations qu'ils semblaient avoir d'avoir été promu à cette mission juste après une nuit de garde. Aussi, faisant bonne figure et étalage du peu de prestance qu'il avait, le jeune Commandant bomba le torse, les mains dans les poches pour montrer une apparente sérénité.

      - Si les gars de la logistique nous ont fourni cette barque, c'est qu'elle doit encore être en état de marche. Puis le navire ennemi est à moins d'une lieue du rivage. L'embarcation n'a pas d'importance.

      Aucun des trois matelots à ses côtés ne semblait convaincu, mais il se contenta de les regarder tous un à un, pour s'assurer leur confiance.

      - Si vous l'dite. On y va ?

      Sans plus de considération pour les états d'âme de chacun, les quatre soldats de la Marine embarquèrent. Barkley et Pierre se retrouvèrent vite chargés de ramer, tandis que Judith scrutait le large à l'aide d'une longue vue. Noah, lui, repassait en revue les possibilités d'échecs de sa mission. Et des aléatoires pouvant tout faire foirer, il y en avait pléthore : si jamais le Capitaine Xanxas avait recruté une fournée de pirates surentraînés, c'était fini pour eux. Si jamais les pirates possédaient des armes explosives d'ampleur, ça l'était également. Et autant d'autres gages d'échecs qui pouvait tout faire foirer.

      Cela faisait déjà plusieurs minutes qu'ils avaient pris le large, et toujours aucune trace du navire des Dreadlocks. Noah avait la boule au ventre, la pression et l'excitation lui tiraillant son estomac pourtant bien vide. Les affres de la vie en mer faisaient que le cœur tanguait souvent bien plus que la proue. Aussi, pour se rassurer, le jeune homme aux cheveux noirs se tourna vers la seule femme du groupe, celle qui était la plus à même de rabattre les cartes.

      - Matelot Judith, un résumé de la situation s'il vous plaît.

      Judith et son professionnalisme exemplaire. Une trentenaire au fort potentiel, que Noah appréciait pour sa droiture et sa rigueur. Elle avait, depuis son entrée dans le service actif il y a tout juste quelques mois, fait preuve d'une exemplarité qui faisait lorgner les plus hauts gradés. Si elle daignait abandonner son rêve dérisoire d'intégrer les services administratifs loués aux renseignements, elle pourrait devenir à terme un très bon agent de terrain.

      - Les ennemis font parti de l'équipage des Dreadlocks, dirigé par le pirate Xanxas Xonxus. Très vieil homme, peu actif à son époque et que l'on pensait disparu de la circulation depuis des années. Ces derniers mois, le navire des Dreadlocks a été aperçu dans plusieurs ports : Rokhade, Rhétalia, Saint Uréa, pour ne citer qu'eux. On imagine donc qu'ils se cantonnent à South Blue. Personne n'a semblé s'inquiéter, puisque les pirates se sont contenté de voguer au large, sans jamais chercher à accoster. D'ailleurs, on n'est même pas sûr que...
      - Ce sont eux, j'en suis sûr. Continuez.
      - Effectif de l'équipage estimé à une vingtaine de membres, tout au plus. Mais, sauf votre respect, je continue d'émettre des doutes, mon Commandant. Nous avons agi sur un coup de tête. Rien ne nous dit que ces pirates, aussi vils soient-ils, sont les responsables de l'enlèvement de la jeune fille.

      Bien à elle d'évoquer le «nous» alors que la décision avait été prise unilatéralement par Noah, qui avait embarqué avec lui les trois soldats dans cet assaut risqué. Certes, le Colonel Bava avait approuvé, mais ça semblait plus être pour lui une manière de mettre à l'épreuve le jeune homme qu'autre chose. Si jamais cette opération venait à être un échec, c'était toute l'ascension professionnelle de Noah qui était compromise.

      - Et je persiste à vous dire que je suis quasiment sûr de mon coup. Et puis de toute façon, peu importe, ça reste des pirates. Qu'ils soient responsables ou non de l'enlèvement de la gamine, ça ne doit pas nous empêcher de les mettre aux arrêts.

      Noah avait agi sur un simple coup de sang, et il avait bien du mal à l'assumer devant ses subordonnés. Après tout, il avait délibérément opté pour la seule option un tant soit peu logique qui s'offrait à lui, à savoir que le bateau pirate repéré non loin des côtes était le suspect principal de l'enlèvement. Pour autant, il y avait nombre de facteurs différents qui pouvaient rentrer en jeu, et se perdre dans l'unique contemplation de son propre ego pouvait souvent mener à sa perte. Aussi, et malgré les doutes auxquels il était soumis, Noah ne se permit pas de faire mauvaise figure. Son visage impassible, scrutant l'horizon en quête de sa future mission, bien loin des préoccupations passagères de ses compagnons d'armes.

      Ce jour-là, la mer était calme et le vent voulait apparemment épargner la petite embarcation. De toute manière, South Blue était réputée pour ses conditions météorologique plutôt favorables, bien loin des déluges démiurges qui éprenaient GrandLine.

      Judith tapota sur l'épaule de Noah, son œil prostré dans la longue-vue. Le Commandant tourna la tête, et il aperçut effectivement une tâche difforme dans le lointain, sûrement le bateau des Dreadlocks. Il intima l'ordre à Barkley et Pierre de faire une pause, tandis qu'il laissa glisser son propre regard sur les vagues apaisées. Quelle était la meilleure des stratégies à adopter ? De toute celle qu'il avait eue l'occasion de passer en revue durant la demi-heure de préparation pour cette expédition, il n'y en avait aucune de pertinentes ou s'élevant au-dessus du lot.

      - Le mieux, c'est qu'on approche le navire calmement, de façon frontale.

      Si Judith et Pierre trouvèrent cette idée légèrement suicidaire mais ne prononcèrent pour autant pas un mot, Barkley, lui, ne se gêna pas pour rétorquer. En véritable porte-parole improvisé de la petite unité que Noah avait sous ses ordres, il lâcha sa rame, en faisant cependant attention à bien l'accrocher au bastingage pour éviter qu'elle ne chute dans les tréfonds marins.

      - Z'avez pas mieux comme idée ? J'veux dire, si c'est une attaque directe que vous voulez, pourquoi ne pas avoir choisi d'y aller avec un navire plus gros ? Ça serait revenu au même.
      - Les pirates se méfieront bien moins d'une barque avec quatre clampins perdus en mer, que d'un navire de guerre de la Marine.
      - Donc on se jette direct dans la gueule du loup, c'est ça ?
      - Ils vont pas se méfier de nous. Une fois assez proche, on aborde et on libère la jeune prisonnière. Une expédition éclair. Et, optionnellement, on peut également essayer de capturer les membres de l'équipage, même si ça doit rester secondaire. La vie de la gamine en premier.

      Tous approuvèrent, même si la moue de Barkley laissait entendre qu'il n'était totalement d'accord avec le plan. Mais, aussi réfractaire soit-il à l'autorité, il restait tout de même un bon soldat, et tout bon soldat avait besoin de quelqu'un pour prendre des décisions avant d'agir. Véritable égide pour la protection des savoir-faire de ses hommes, Noah sentait la barque avancer doucement vers le navire pirate, tandis que celui-ci devenait de plus en plus distinct. Une simple caravelle, un pavillon floqué d'une tête-de-mort à l'aspect émacié et aux dents manquantes, quelques couleurs ternes ci et là. Un rafiot pas bien plus en état que l'embarcation sur laquelle voguaient Noah et ses hommes.

      L'ambiance avait soudainement changé, bien plus électrique, bien plus tendue. Tout le monde était en train de se préparer à la future attaque, mettant de côté ses idéaux pour agir simplement comme un soldat. Les armes étaient enclenchées, les sabres affûtés. Ce fut Judith qui vint trahir ce silence presque pesant mais foncièrement nécessaire.

      - Personne sur le pont, Commandant. J'vois personne non plus au poste de vigie.

      Ils n'étaient plus qu'à une cinquantaine de mètres du bateau ennemi. Judith devait donc avoir une vision plutôt parfaite de la situation à l'aide de sa longue-vue. Ses informations devaient donc être proches de l'exactitude parfaite, et Noah n'en doutait pas. De ce fait, la question qu'il se posait, c'était pour quelle raison un équipage entier de pirates laisseraient son bateau tout entier à proue et à proie sur les flots, sans surveillance ? Peut-être étaient-ils dans les cales, pour une quelconque occasion ? Possible, mais ne pas s'assurer de la sécurité était une preuve flagrante de l'incompétence de ces hommes. Encore de vils pirates n'ayant aucune connaissance stratégique ou militaire.

      - On commence l'abordage, alors !
        Les fleurs du mal 10708010

        最後の言葉を覚えて - Saigo no kotoba o oboete - «Souviens-toi de ta dernière parole»

        Ils étaient si près du bateau des Dreadlocks que Noah pouvait toucher la coque faite de bois. Pierre, en bon logisticien et doté d'une bonne précision, se chargea d'envoyer la corde équipée d'un grappin jusqu'au bastingage. Une fois tout en place, Noah agrippa fermement le lien, et entreprit une lente ascension sur la coque pour arriver jusqu'au pont. Heureusement, la caravelle n'était pas bien haute, et il ne lui fallut que quelques instants pour mettre pied sur le bateau pirate. Il fut rapidement rejoint par ses trois compagnons, eux aussi régulièrement entraînés à ce genre d'exercice.

        Le pont était désert, mais surtout extrêmement crasseux. Des bouteilles à demi-vide jonchées le sol poussiéreux et collant, tandis que des barils de rhum étaient en proie à mille insectes voraces. De la moisissure commençait à prendre le dessus sur les jointures du navire, si bien que Noah ne lui donnait que quelques jours d'espérance de vie. Un endroit digne des déchets qui vivaient à son bord, imagina le jeune homme.

        Mais toujours aucune trace des pirates, si ce n'était des voix qui semblaient provenir de sous leur pied. Noah lança un signe discret à ses hommes, leur intimant de faire le moins de bruit possible. Puis, il entreprit la quête d'un trou dans les lattes de bois du pont, ce qui ne fut pas bien dur à trouver. De là, il tenta maladroitement d'observer les cales. C'était souvent au cœur d'un bateau qu'avait lieu des événements d'importance. Et il semblait que c'était le cas actuellement, puisque Noah pu observer un malsain rassemblement d'hommes dans l'antre du navire. Il n'arrivait pas à voir clairement, la lorgnette par laquelle il observait n'étant pas suffisamment grande pour lui permettre de d'avoir une vision d'ensemble de la situation.

        Une vingtaine de pirates semblaient s'attrouper dans les cales, riant et trinquant à l'aide de chopes immenses et dégoulinantes. Des hommes édentés, des vils putrides. L'un d'entre eux sauta aux yeux de Noah, puisqu'il l'avait vu la veille juste avant l'enlèvement de la jeune fille. Un vieil homme, entouré de mouches et d'autres insectes charognards, qui semblait si âgé que sa simple canne n'expliquait son apparente vigueur. Vu le respect que les pirates semblaient avoir pour lui, c'était sûrement le capitaine, ce fameux Xanxas donc. Noah se fit la réflexion qu'il avait dû se montrer sur les lieux de l'enlèvement, simplement pour distraire les autorités par sa présence en apparence insignifiante. Un mécréant de la pire espèce, las de la vie mais se refusant à la mort.

        Le groupuscule de pirates se plaisait à tonitruer leurs cordes vocales, s'agitant sur le rythme lent d'une musique festives, assurée par un accordéoniste manchot. Dans un coin de la pièce, quelques ombres se massaient. Une dizaine de jeunes gens, dont les âges variaient entre les cinq et seize ans environ. Terrifiés, recroquevillés les uns sur les autres comme l'habile attroupement de proies effrayés, ils s'adonnaient à la contemplation du pitoyable spectacle de l'équipage des Dreadlocks. Noah réussit à identifier l'une d'entre elles comme étant la jeune adolescente qu'il avait vu se faire enlever. Avec ses longs cheveux de paille, elle était facilement reconnaissable au milieu de cette crasse.

        Se redressant, faisant attention à ne pas peser plus lourd que de mesure sur le plancher brinquebalant du pont afin de ne pas alerter les pirates, il se retourna vers ses hommes, toujours prostrés non loin de la proue, près du gouvernail. Il tenta de les rejoindre le plus discrètement possible pour n'éveiller aucun soupçon. Quand ce fut fait, il se mit alors à chuchoter.

        - Les pirates sont dans les cales. Petite fête improvisée, une vingtaine d'hommes comme prévu, dont le capitaine. Dix ados présents dans le fond de la pièce, dont la jeune fille enlevée.

        Sans vraiment vouloir le reconnaître parce que ça ferait prétentieux mais également que c'était très malvenu dans pareille situation, Noah était bien content de ne pas s'être trompé. Son instinct, celui de toujours chercher du côté de la piste la plus évidente, le trahissait rarement. Il n'empêchait qu'il fallait maintenant trouver un moyen de libérer les otages sans mettre leur vie en danger. Et, vu qu'ils n'étaient que quatre, s'en prendre frontalement à chaque membre de l'équipage pirate était risqué.

        - Je vais les distraire et les attirer si possible loin des otages. Vous, vous libérez les gamins, et vous filez d'ici en vitesse avec la barque, d'accord ? J'trouverai un moyen de vous rejoindre une fois que vous serez en sécurité.
        - Mais Commandant, je...

        Barkley allait riposter. Certainement quelque chose comme « Bon, maintenant, tu vas te calmer. T'es un gamin tout juste pubert, donc ne viens pas jouer les super-héros avec nous. ». Mais, au regard que lui jetait Noah, il n'osa même pas conclure sa phrase. L'ordre était clair et posé, aucun moyen de le contester, surtout pas dans le feu de l'action.

        - Vous voyez la cabine là-bas ? Dit Noah en pointant du doigt une grande dépendance au deuxième étage du ponton. Je vais essayer de les faire me suivre jusque-là. Vous, vous vous faites le plus discrets possibles, vous éliminez les quelques pirates qui ne tomberont pas dans mon panneau, et vous vous cassez.

        Un simple jeu du chat et de la souris. Autant dire que le risque d'échec était cette fois globalement plus élevé. Si jamais les pirates ne se laissaient pas berner, Noah s'exposait à la mise à mort des otages. Et, si finalement les pirates décidaient de le suivre, il s'exposait lui-même à devoir fuir l'assaut d'une vingtaine d'hommes armés et prêts à en découdre. Autant dire que les perspectives de réussite de cette mission relevaient de l'impensable. Mais combattre l'impensable, c'était l'adage du plus fort après tout. Et des plus faibles aussi, quand la ruse n'était qu'un outil familier.

        Au signal de Noah, les trois soldats se cachèrent derrière le plus grand des mâts de la caravelle. Ainsi dissimulés, ils étaient théoriquement hors d'atteinte du champ de vision des pirates à leur sortie des cales. Le jeune Commandant, lui, prit la direction du surbau, sur le panneau de cale, unique trappe menant vers les entrailles du navire. Il prit une lente et longue inspiration. Tout allait se jouer sur cet unique instant durant lequel il allait devoir provoquer suffisamment les pirates pour qu'ils daignent le poursuivre sur le pont, laissant l'accès libre à ses hommes pour qu'ils aillent sauver les otages.

        Pas le temps de réfléchir, l'heure était à l'action.

        Il attrapa d'une main ferme la corde servant à ouvrir les portes battantes dans le sol. D'un geste ample, il les ouvrit sans même prendre la peine d'être discret. Les trappes ouvraient sur de petits escaliers en bois. Noah descendit simplement deux marches, pour bien se faire voir par la horde de pirates amassaient dans la pièce. Surprit par l'irruption soudaine, ils mirent un moment avant de réagir.

        - Salut les porcs ! L'odeur pestilentielle qui se dégage de ce rafiot m'a fortement intrigué, aussi me suis-je permis de vous aborder. Si jamais vous avez quelques caisses de rhum à me dépanner, j'suis pas contre. Non, vous savez quoi, j'vais me servir moi-même. Pas envie que vos mains dégueulasses viennent gâcher le goût de l'alcool.

        Niveau provocation, Noah avait fait fort. Et autant dire que son petit stratagème porta ses fruits, puisque le moment suspendu hors-du-temps durant lequel les pirates ne réagirent pas ne dura pas bien longtemps. En quelques secondes, ils se ressaisirent et, comme un seul homme – ou comme un seul troupeau mal ordonné – ils grimpèrent les marches des cales pour tenter d'attraper le jeune Commandant, à coup d'insultes et de vociférations grotesques. Ils n'écoutèrent même pas les alertes de leur Capitaine, qui essayait de les raisonner. Mus par de simples instincts primaires, ils s'élancèrent à la poursuite de Noah, rejoignant le pont en moins de temps qu'il n'en fallut à Noah pour fuir.

        Poursuivi par la vingtaine de bêtes musclées, dont le Capitaine Xanxas qui essayait de calmer son petit peuple, le jeune homme jeta un coup d'œil complice à ses subordonnés dissimulés derrière un mât non loin du poste de timonerie. C'était maintenant à eux de passer à l'action. Lui, aussi rapidement qu'il le put, mit à profit ses cours de sports imposés à la caserne et mobilisa l'entièreté des muscles de ses jambes pour échapper à la furie des pirates. Grimpant les marches menant à l'étage du pont avant que les hommes n'arrivent à l'atteindre, Noah fut attrapé à la manche par un des hommes qui semblaient légèrement plus rapide que ses comparses. Il tenta de s'en débarrasser d'un coup de pied bien placé, mais le mastodonte résista. N'ayant pas le temps de faire dans la demi-mesure, Noah sorti son Gonher 0/40, son pistolet à silex, et tira une balle dans le bras de l'homme à bout portant. Explosion de sang, éclaboussures nacrées désagréables et cris d'agonie. Aussi violente que fut la réponse, elle permit à Noah de se libérer de l'étreinte du pirate avant que ses compagnons n'arrivent à sa hauteur. Il reprit sa course effrénée, et arriva finalement au niveau de la cabine qui se trouvait en hauteur. Là, il poussa la porte sans prendre de gants, et referma derrière lui le loquet. Une sécurité bien maigre, mais qui lui permettrait de retenir les pirates quelques minutes.

        Ainsi à l'intérieur de cette petite cabine aux petits hublots donnant sur l'extérieur, il ne mit pas longtemps à entendre les cris de rage des Dreadlocks qui s'attaquèrent sans plus de compassion à la pauvre porte en fer. Noah était bloqué à l'intérieur. Quand les pirates finiraient par réussir à pénétrer dans la pièce, il serait cerné et, aussi fort soit-il, il ne pourrait pas venir à bout de vingt pirates à lui tout seul, surtout pas dans un endroit aussi restreint. Les mots du Colonel Bava Aok lui revinrent à l'esprit. « Ne présumez pas de votre force, Commandant. » C'était peut-être un peu trop tard pour ça.

        Quelques secondes passèrent, ponctuées par le martellement incessant des pirates sur la porte de la cabine. Pierre, Judith et Barkley avaient sûrement eu le temps de faire évacuer les otages, à l'heure qu'il était. Et, si tout s'était bien passé, ils devaient déjà avoir pris le large sur la barque qui les avait menés ici. Noah était donc seul, et il devait trouver une solution pour se sortir au plus vite de cette situation.

        Réfléchir. Réfléchir. Réfléchir. Le garde-fou des pleutres mais l'unique gage de survie des vaillants. La porte qui le séparait d'une mort certaine n'allait pas tarder à céder. Il n'avait plus le temps, aussi jeta-t'il un rapide coup d'œil à la pièce dans laquelle il était. Quasiment vide, hormis la présence d'un bureau miteux. Sûrement la pièce privée du capitaine. Ici aussi, le bois des murs et du plancher était parsemé de trou, marquant l'usure du navire mais également le manque d'entretien flagrant. Il se baissa, pour regarder à travers l'une des œillères dans le sol. À l'étage du dessous, il aperçut un amoncellement de plusieurs barils, d'où s'échappait une poudre reconnaissable entre mille. De la poudre à canon. Il tenait là un moyen de s'échapper de cette situation, tout en se débarrassant de ces sales pirates.

        Noah étala le peu de poudre qu'il avait emporté avec lui dans sa sacoche en une ligne fine et longue, jusqu'à ce qu'elle atteigne le trou menant à la salle en dessous. Derrière lui, le bruit sourd des hommes de Xanxas qui tentait de pénétrer dans la cabine du capitaine venait le distraire. Son seul souhait, maintenant, c'était que son plan fonctionne et que les petits aient pu s'éloigner suffisamment du navire pour échapper à la déflagration qui allait suivre. Puis, s'approchant d'un hublot, il serra le poing et le brisa, s'entaillant au passage la main sur plusieurs endroits. Mais cela lui permit ainsi de sortir, non sans lâcher une allumette sur la ligne de poudre qu'il venait de déposer.

        Les membres d'équipage des Dreadlocks, bien trop occupés à essayer de défoncer la porte d'entrée du sas de commandement, mirent un moment avant de remarquer que leur cible venait de se faire la malle par une fenêtre dérobée. Noah descendit sur le pont principal à coup de grandes enjambées, suivi par la horde de pirates. Leur capitaine, non sans mal, les suivait, se servant de sa canne pour tenir debout. Vif comme il l'était, le jeune homme s'agrippa au bastingage, jetant un dernier coup d'œil aux vils êtres infâmes qui avaient gâché sa journée de repos.

        - À votre place, j'éviterai à l'avenir de venir me frotter une nouvelle fois aux soldats de Bliss, bande de vauriens.

        Et, bien conscient qu'il n'avait pas le temps pour une sortie plus spectaculaire que ça, il appuya de toutes ses forces sur la rambarde pour se jeter dans le vide, plongeant dans l'eau tempérée de South Blue. Si le contact avec l'eau le vivifia, il ne lui en fallut pas plus pour perdre un temps ses repères. Et, les précieuses secondes qu'il usait à essayer de dissocier le haut du bas le menaient à chaque instant vers une mort certaine. Une fois totalement immergé, il tenta de nager aussi vite qu'il le put, toujours sous l'eau, pour s'éloigner du bateau. Une explosion retenti, illuminant les fonds marin et provoquant un vacarme perceptible même sous l'eau. Et, si le choc fut atténué, ça n'empêcha pas à Noah d'être expulsé par un courant marin violent, la déflagration l'emportant dans son sillage.

        Après peut-être une éternité sous les flots, mais sûrement moins en réalité, une main agrippa Noah par le col et le traîna hors de l'eau. Une main ferme, forte et puissante. Celle de Barkley, ce soldat impertinent qui n'avait de cesse de le tourmenter au fil de ses missions. Le jeune Commandant, non sans mal, réussi à se hisser par-dessus la bordure de la barque, pour s'étaler à l'intérieur de celle-ci, crachant de l'eau sur les pauvres otages qu'ils venaient de libérer. Il avait eu de la chance que ses hommes ne soient pas partis trop loin, auquel cas il aurait certainement perdu la vie sous les eaux.

        - M...Merci, Barkley.
        - De rien, Commandant. J'remarque juste, encore une fois, que vous avez dû vous frotter à une personne âgée et à son équipage. Ça risque de devenir une manie, faite gaffe.

        Éclats de rire bienvenu. Même Noah se permit un léger sourire, bien loin de sa rigueur habituelle. Noah s'assit tant bien que mal à l'intérieur de la barque, observant les jeunes gens qu'il venait de sauver. Ils étaient tous effrayés, mais en vie. C'était le principal.

        Le bateau des Dreadlocks était en proie aux langues de flammes qui léchaient nonchalamment le bois de la poupe à la proue. Un spectacle magnifique, accentué par le soleil progressait dans le lointain et les rires des soldats. Noah, sans aucun remord, observait les échos de son malicieux stratagème. Il avait eu de la chance que cela fonctionne, même s'il avait finalement eu peu de doutes.
          時の終わり- Toki no owari - «La fin des temps»

          Le retour à la base se faisait dans le calme. Exténués par les courtes aventures qu'ils venaient de vivre, les soldats n'avaient aucune envie de discuter. Même le bavard Barkley s'était enfermé dans le silence, observant les enfants qu'il venait de libérer. De retour au sein de la caserne, un soldat venait chercher les enfants pour les emmener au niveau du service logistique, qui allait prendre la suite des opérations. Quelques marins attendaient dans la cours de la caserne, et applaudissaient au passage de Noah et des trois matelots. Un remerciement quelque peu malvenu, puisqu'ils n'avaient finalement pas réussi à mettre derrière les barreaux les pirates, la mort ayant emporté la totalité de l'équipage dans son feu divin.

          Décidant sur son rapport pouvait bien attendre le lendemain, Noah se dirigeait vers le bureau du Colonel Bava Aok, qui attendait patiemment sur sa chaise, comme s'il ne l'avait pas quitté pendant toute la durée de l'opération. Le jeune homme s'était changé afin de paraître plus présentable devant son supérieur.

          - Commandant Grantz. Heureux de vous revoir.
          - Moi de même Colonel.

          Bava proposait à Noah une chaise, de même qu'un verre de rhum que le jeune homme ne refusa pas. Boire en service n'était pas dans ses habitudes, mais il avait techniquement fait assez de son travail pour la journée. Voir pour la semaine.

          - J'ai appris la réussite de votre mission.
          - Oui, mon Colonel. Mais les pirates ont malheureusement perdu la vie dans l'explosion du navire.

          Malheureusement... Noah ne ressentait aucune once d'empathie pour la mort de quelques pirates de ce genre, mais il devait tout de même faire bonne figure afin de pas être considéré comme un pur monstre sans cœur. Déjà que sa réputation n'était pas au beau fixe, autant ne pas l'entacher encore plus.

          - Vous serez peut-être surpris de savoir que leur capitaine a survécu. On l'a repêché en mer quelques minutes après l'explosion. Ce Xanxas va pouvoir être jugé pour ses crimes.

          Un survivant ? À une pareille fournaise ? Le vieux croulant avait eu beaucoup de chance, surtout dans l'état dans lequel il était. Mais c'était toujours la pire des carnes qui vivait le plus longtemps, après tout.

          - Je..Je vois. Ravi de l'apprendre.

          Selon les premières infos que nous avons pu tirer de lui, son équipage s'était spécialisé dans l'enlèvement et la revente d'esclave pour un gros poisson de South Blue. Autant dire que, malgré l'imprudence dont il me semble que vous avez fait part durant votre mission, vous avez certainement contribué à appauvrir un chemin d'accès d'esclavagisme. Félicitations, Commandant.

          Le reste de la discussion n'apprenait pas grand chose à Noah. De toute façon, il n'écoutait qu'à moitié son supérieur, bien trop fatigué par sa nuit blanche et l'assaut qu'il venait de mener. Une bonne nuit de sommeil allait lui faire le plus grand bien. Une nuit après la mort de quelques mécréants était toujours signe de beaux rêves. Des délires oniriques sans douleur, sans vices, sans corruption. Le monde que Noah voulait créer. Un monde à son image, fier des idéaux qu'il allait devoir construire.