Au nom des Amiraux



Me voilà affectée à Inari car une grosse affaire est en cours et qu'il manque des effectifs pour faire la besogne de base. Je me retrouve donc une nouvelle fois sur Inari, cette île où je suis déjà venue quelques semaines plus tôt lorsque j'étais encore qu'une innocente civile sans grande ambitions. Je m'en souviens encore, telle une gamine je jouais au cerf-volant sur le toit d'un bâtiment, trop égoïste pour prêter attention à ce qu'il se passait autour de moi et trop peu soucieuse d'autrui pour aider la Marine lorsque j'en ai eu l'occasion. Je ne me souviens plus très bien du nom du Lieutenant qui avait réussi à me repérer et avait envoyé des soldats venir me chercher pour vérifier si j'avais ou non de mauvaises intentions. Je me souviens d'une chose, il était blond, oui, c'était un homme blond et charismatique.

Présentement, et malheureusement pour la part enfantine en moi, l'heure n'est pas aux jeux car la situation exige d'être plus sérieux car un drôle de crime a eu lieu. Enfin, un crime, ça on ne le sait pas encore mais j'ai personnellement du mal à admettre qu'un jeune trentenaire et Sergent de la Marine puisse faire une crise cardiaque au beau milieu d'une rue alors que l'heure d'avant et cinq pizzas plus tôt tout allait bien.
Drôle de crime ou mort naturelle, voilà les rumeurs qui courent autour du Sergent Grima, ce décédé laissant derrière lui une femme que personne n'arrive à consoler et qui désire seulement une chose, s'isoler et avoir la paix.

En ce moment j'écoute tout ça, et des choses plus banales, dans une taverne ou moi et mes coéquipiers trinquons, dans l'espoir d'être assignés à l'enquête concernant ce crime. J'espère ne pas me retrouver à faire des choses moins palpitantes comme le ramassage des déchets en ville donc j'attends en buvant mon lait à la menthe. J'attends de voir comment vont évoluer les choses alors que soudain j'entends un homme jurer qu'il s'agit...


- Nom d'un Amiral, c'est une overdose !

...d'une overdose. Qui sait.

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Venant à peine de classer l'ultime document qui encombrait l'espace de travail de Vassili, il souffla enfin. La paperasse était enfin terminée. Harassé par cette part d'ombre du travail de gradé, le blondinet s'appuya de ses deux mains pour reculer sa chaise et se redresser. S'étirant succinctement le bas du dos, puis sorti sa montre à gousset. A peine plus de treize heure, il était plus que temps pour lui de prendre le repos qu'il méritait amplement. Inari était la première affectation importante pour sa carrière, celle où il pouvait enfin diriger de nombreux hommes. Il n'avait alors cessé de montrer l'exemple. Sur tous les fronts, il avait mis plus que ce qu'il n'avait d'énergie pour se faire accepter. Lui, l'Officier frêle que tous avaient souhaité briser en deux à son arrivé, le portaient désormais haut dans leur estime. Cela n'avait pas été chose aisée. Finalement, Yoshi Baresta, le Colonel, lui avait accordée une journée entière de permission. Une aubaine qu'il s'abotta pourtant. Venant travailler toute la matinée pour "être plus tranquille" tel qu'il l'avait prétexté, il venait alors de sacrifier la moitié d'une récompense durement acquise. Récupérant son épée, apposée contre le mur derrière sa chaise, il fit un rapide inventaire mental pour être sûr de n'avoir rien oublié. Un léger sourire se dessina et il pris la porte. Cette journée était pour lui l'occasion de relâcher un peu la pression qui pesait sur ses maigres épaules.

Quittant la Base en saluant quelques soldats, il avançait d'un pas assuré. Aucun doute, sa destination était clairement définie. Il traversa les ruelles animées, pleines de touristes, d'Inari sans détourner son regard. Ces pavés il les avait vu cent fois, les foulants de ses chaussures blanches lors des innombrables rondes auxquelles il avait tenu à participer. Esquivant un ou deux hommes au passage, il parvint à se frayer un chemin jusqu'à l'objet de sa quête. Face à lui une petite échoppe qui ne payait pas de mine. Pourtant, à l'intérieur se trouvait un véritable trésor. La tenancière était une femme brune, au beaux yeux verdoyants. Un léger strabisme venait perturber le charme qui émanait d'elle. Bien sûr l'on faisait comme si de rien n'était, question de respect. Ce royaume était celui des jeux de plateau, un véritable paradis pour Vassili. Echec, Go, Dames et tant d'autres merveilles se pratiquaient entre de sérieux adversaires. Cette fois-ci, le Lieutenant souhaitait s'exercer au jeu de Dames. Il trouva rapidement un opposant digne de se nom et tous deux prirent place autour d'un plateau. Ils se jaugeaient, tendaient de savants pièges et avançaient leurs pions dans un seul et unique but : vaincre.

Les minutes défilaient et il ne restait plus beaucoup de pions. La partie était si prenante qu'il n'avait pas eu vent de cette mort aussi soudaine qu'aux curieuses circonstances dans les rangs de la Marine. Face à son paradis de joueurs de stratégie, une taverne où l'ambiance était strictement opposée, accueillait une bande de soldats. Leur effectif était composé d'hommes et de femmes, la trentaine solide. Cependant, quelque chose attirait l'attention des passants, une gamine, buvant un lait légèrement coloré de vert. Que faisait-elle ici ? Pourquoi était-elle habillé comme eux ?
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Au nom des Amiraux
Flashback

Une étrange rumeur avait récemment vu le jour, troublant hautement Belphégor. Son origine, malheureuse, n’avait point pu être remise en question : elle venait d’un de ces gradés à épaulettes jaunâtres un peu délavées. Le prince de l’île de Garamond, désormais vulgaire seconde classe de la Marine, n’avait pris le temps d’écouter les histoires de cette île. Il ne savait même plus comment il avait été envoyé ici. Sur un bateau, on lui avait fait nettoyer le pont ; et le commandant s’était volontairement débarrassé de lui lorsqu’il avait cessé de laver le navire. L’excuse était pourtant de qualité : Dame Destinée, déesse parmi les déesses, lui en avait intimé l’ordre. Il avait donc naturellement obéi. Le commandant ne l’avait pas entendu de cette oreille, et c’est avec véhémence qu’il l’avait affecté à d’autres tâches ingrates.

Mais, Belphégor avait rencontré une étrange rumeur, une consigne qu’il n’avait pas comprise. Il semblerait que sur cette île, les artisans n’aient pas à produire gratuitement des petites icones de la Déesse. Bel’ avait pourtant prit le soin de commander en détail la petite statuette en bois. Ici, il n’y avait aucun autel ; et voilà un mal que le seconde classe s’était donné de résoudre. Sans le sou, le non-paiement de l’artisan avait causé un remue-ménage qui avait amené Belphégor à subir les foudres de son supérieur – ainsi que ses leçons de morales –. Non, la Marine était là pour aider les gens et pas les spoiler de leurs biens. Le prince n’avait pas écouté le reste, se contentant d’acquiescer aux ires de la hiérarchie.

La colère s’apaisa uniquement par la rumeur d’une mort volage. Et rapidement, Belphégor fut chargé d’une mission capitale. Récupérer les marines plus très sobres, et les envoyer au QG. Il avait causé assez d’animation pour la journée, probablement. Malheureusement équipé du sabre – presque rouillé – et de son traditionnel boken, symbole de sa formation –, Belphégor se dirigea vers la taverne où les poivrots du régiment l’attendait probablement. Sifflotant sur la route, Belphégor répéta la douce prière chantée de Dame destinée à qui ne voulait pas l’attendre, avant de pousser victorieusement la porte de l’humble demeure des alcooliques et des joyeux drilles de l’île.

Dans sa vie, le prince avait peu connu les tavernes. Les moines du Temple qui l’avait formé se contentait de boire en toute discrétion, et les rares voyageurs qui fréquentaient le Temple avait décrit ces endroits comme des places animées où le danger est partout, surtout au fond d’une pinte en bois rempli par ce doux nectar qui donnait à la vie une raison d’être vécue. Dans la maison des poivrots, avec une entrée tonitruante, Belphégor rencontra sa première déception. Il n’était pas accueilli avec les formes. Non. Sa première visite, énergique, se solda par un juron. Overdose ? C’est quoi ça ? s’interrogea Belphégor, dans ses pensées. Il baissa alors les yeux, trafiquant la petite statuette de bois qu’il avait extorqué involontairement par manque de connaissance des traditions de cette île à un artisan.

« Oh non ! » s’écria le jeune marine. « C’est une représentation de la déesse unique, ça » dit-il en agitant la petite statuette.

Il s’approcha doucement de l’homme, vraisemblablement habitué à la folie. Il jura à nouveau le même juron, comme s’il était pris de frénésie.

« Tiens, l’ami. » Il agita la statuette vers l’homme, mimant le fait de lui donner. Il ne lâcha néanmoins pas l’objet, à l’image d’un bambin refusant de prêter son jouet. « C’est la Déesse Destinée, puisse-t-elle t’apporter un peu de … » Belphégor hésita. « Tout en fait, vu ton allure. »

Insultant, peut-être ; mais ne peut-on pas y voir un excès d’honnêteté ? L’homme n’avait clairement plus toute sa tête. Au contraire, son apparence s’approchait de celle d’un pauvre ermite sans le sou que d’un bourgeois à la parure de qualité.

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Nous sommes entourés de personnes venant pour de multiples raisons, dont quelques-unes pour boire afin d'oublier les soucis liés à leur vies privées. Malgré tout, ici, maintenant, je me sens heureuse. Heureuse car à l'aise, vu que je vois autour de moi plus de cinq personnes qui ont le même militaire uniforme que moi.

Il y a quelques semaines de cela, en civile, j'avais croisé ce Lieutenant dont le nom me revient enfin : Vassili Joukov. Je vois et comprend dans son regard interrogateur, et cela m'attriste, qu'il ne m'a pas aussitôt reconnue et c'est bien normal. Mais je préfère ne pas m'éterniser sur cette fougueuse tristesse que cela m'apporte afin de rester fidèle à moi-même : souriante. Je préfère me dire que cet homme se souviendrai de moi si j'étais en tenue civile, peut-être, tout simplement. Une tenue qui collerait mieux à l'adolescente que je suis, bien que j'aie le mental suffisamment forgé pour grimper sur l'échelle des grades. Il est vrai que parfois je veuille m'amuser, ce qui est normal à mon âge, pourtant nul doute que j'ai suffisamment de maturité pour y arriver.

Les clients, après s'être rafraîchis en quelques gorgées, posent leurs choppes  et ce qui les pousse à boire me fait penser que dans la vie il faut toujours aller de l'avant. Toujours. Aller de l'avant. Mais subitement j'ai une larme à l'oeil... De peine. Par conséquent je ne préfère pas approfondir cette pensée car cela m'attriste, tout comme le récent décès du Sergent Grima dont le mystère est encore total. Afin d'espérer être de la partie pour résoudre cette énigme je préfère penser positif sinon on me verra comme une faiblarde et du haut de mes quinze ans je me retrouverai à faire des tâches ingrates. Je ne veux pas, non, je ne veux pas montrer ma faiblesse car je souhaite de tout cœur que l'on m'offre ma chance. Je veux et je prouverai que ce n'est pas l'âge qui compte mais bel et bien l'expérience acquise par le vécu qui permet de dominer. Je montrerai que même jeune l'on peut avoir les épaules pour gérer des responsabilités.

Soudain, alors que j'ai les yeux sur Vassili, prête à aller l'interrompre pour lui proposer une partie, quelque-chose m'intrigue. Une aura, celle de quelqu'un qui a aussi vécu des moments difficiles et qui fait de lui, sans nul doute, un nouvel ami et allié. Aléatoirement mon instinct me dis que son prénom commence par un "B". Est-ce vrai ? Est-ce faux ?
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Il ne restait plus qu'une poignée de pion de bois sur l'échiquier. Les tours, les fous, des cavaliers, toutes ces pièces avaient été éjecté. La tenaille se refermait lentement sur le roi adversaire. Le Lieutenant n'avait pas eu de mal à dominer la partie, puis à la fin, le stratège d'en face s'était transcendé. Peut-être avait-il tout prévu à l'avance, une stratégie basée sur le sacrifice, Vassili nota que cela était, bien que risqué, assez efficace. Il allait enfoncer le clou, lorsqu'il fut interpellé par le brouhaha émanent de cette rue passante. Les rumeurs fusaient et rapidement, un rassemblement se forma dans la taverne de l'autre côté de la rue. Déconcentré, Vassili se leva en s'excusant platement d'interrompre une partie si palpitante. Bien qu'il était en repos, son sens il n'arrivait pas à se défaire de ses réflexes. Après tout, il avait encore besoin de prouver des choses. Il traversa son antre favori, puis en sorti pour prendre la température. L'air éternellement calme, il entendit quelques bribes de discussion qui le ramenaient toujours à un "soldat mort". Ces quelques mots suffirent à briser toute perspective de flânerie. Un sens du devoir aiguisé tel un katana de Shimotsuki, Vassili pris sa décision aussitôt. Il fendit alors la foule jusqu'à trouver un soldat qui venait d'entrer dans la taverne. Annonciateur de nouvelle, il venait dispenser des ordres, le ton grave.

> Soldats, l'Adjudant Walderner a demandé à ce que vous vous rendiez sur le lieu de décès du Sergent Grima. Une enquête est ouverte et vous êtes missionnés pour l'effectuer, expliqua-t-il.
> Oui, d'accord mais qui chapeaute l'unité ? Demanda un homme assis juste à côté d'une gamine en tenue de soldat.
> C'est moi, intervint Vassili en faisant un pas en avant, je prend en charge cette mission, réitéra-t-il alors que les soldats alentours furent surpris de sa présence ici.
> Lieutenant... mais vous n'êtes pas en permi..
> Soldat, écoutez-moi bien, je vais mener nos hommes, n'ayez crainte, tonna-t-il fermement. Soldat, fit-il en toisant les hommes et femmes qui profitaient d'un moment de répit pour boire et partager leurs souvenirs, je me présente Lieutenant Joukov, nous allons enquêter sur la mort du Sergent Grima, veuillez vous lever s'il-vous-plaît et sortons de cette endroit, ordonna l'Officier à la chevelure dorée.

Tous se levèrent, se bousculant afin de sortir du bar. La jeune fille et le gamin à la statuette furent emporté dans le mouvement de soldat, bien obligé d'obéir à cause de leur uniforme. Après tout, ils avaient signés pour ça. Une fois que tous furent sorti, Vassili dispersa les civils puis s'adressa aux soldats.

> Quelqu'un peut-il s'avancer et me faire un rapport sur cet événement tragique ? Demanda-t-il simplement. Dévisageant chacun, il tentait de déceler le potentiel, l'engagement de chaque membre de cette escouade.

La douzaine de visage qui lui faisait face semblait n'avoir que peu d'expérience. Sûrement des nouveaux, après tout le manque d'effectif permanent obligeait le Colonel à avoir recours à des renforts mobiles. Des unités supplémentaires qui ne restaient que peu de temps. Un apport numéraire souvent terni par un manque effroyable d'adaptation et le manque de bouteille de desdit soldats. Soudain, le regard du blondinet buta sur la jeune fille. Elle portait l'uniforme mais semblait bien jeune. Ses traits disaient bien quelque chose au Lieutenant, mais après tout, il voyait tant de monde qu'il ne pouvait la remettre. Puis, une seconde fois il s'arrêta sur le jeune homme, lui aussi semblait jeune. Mais avant toute chose, il semblait déconnecté.

> Le Sergent Grima, en ronde jusqu'à il y a peu, s'est effondré dans une ruelle. Il sortait d'un restaurant. A première vu, une crise cardiaque a été signalé mais rapidement la rumeur d'un meurtre a été avancée, répondit une femme aux cheveux roses bonbons et attaché en queue de cheval.
> D'accord, merci soldat ! Allons sûr les lieux, mais d'abord... fit Vassili avant de marquer un arrêt, observant le jeune garçon qui manipulait avec trop d'attention sa statuette. Soldat, oui vous jeune homme, pouvez-vous vous présenter s'il-vous-plaît ? Que faites-vous avec cet objet ? Demanda le Lieutenant, agacé au jeune homme après l'avoir clairement désigné.

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Au nom des Amiraux
Flashback

Tel un enfant, Belphégor s'attacha à la petite figurine de bois qu'il agitait frénétiquement au bout de ses doigts. Un homme, beaucoup trop bruyant pour être sobre, avait tenté de s'en emparer. Le jeune prince ne laissa pas la petite idole quitter sa poigne de fer. La petite statuette, taillée dans un bois morose, refusait de quitter ses doigts filandreux. Et rapidement, l’homme renonça à s’en emparer. Peut-être était-ce le regard plein de conviction de Belphégor qui l’avait fatalement convaincu de se retirer. Par un pas entraînant, il recula, manquant de tomber à la renverse. Le prince lui offrit un sourire forcé, mais son âme se vanta immédiatement du succès de l’opération. Belphégor avait montré une certaine générosité, et la Déesse pouvait être heureuse.

Pourtant, une ombre venait d’engloutir le jeune homme. Un coup d’œil rapide le convainquît que finalement le vieil homme n’avait renoncé qu’en raison de ce blondinet aux épaulettes qui c’était pointé. Belphégor ne tarda pas à souffler avant d’être contraint de le suivre, la Déesse ne s’y opposant malheureusement pas.

La consigne exécutée et la statuette sécurisée dans la paume de la main, Belphégor resta au côté de ce nouveau commandant. Rarement la chance avait épousé la cause du Prince, lui offrant des commandants appréciant peu ses intérêts religieux ; et Belphégor n’avait jamais vraiment prêté cure à ses officiers peu scrupuleux. Son instinct resta silencieux pour celui-là. C’est pourtant à ce moment, alors qu’il était immobile à jouer avec la petite statuette, lui faisant faire des allers retours entre ses doigts agiles, qu’une Marine aux cheveux roses vînt résumer le travail de ce sergent Grisha. Le commandant se retourna alors vers le prince, lui ordonnant de se présenter.

« Soldat de première classe, Belphégor Harrington » dit-il sur un ton mécanique, répétant avec minutie ceux qu’on lui avait apprit à dire. C’est à ce moment qu’il voulu en rajouter, préciser qu’il était de sang royal. Mais une voix lui susurra de se taire. Alors, il ne dit rien. Néanmoins, par réflexe, il se mit au garde à vous. Parfois, même Bel’ pouvait être un bon soldat. En retard, mais un bon soldat tout de même. Puis, il saisit sa petite figurine de bois. « Eh bien, c’est Dame Destinée ; notre déesse à tous. Un artiste de l’île l’a fait que pour moi ! » rajouta t-il, comme s’il avait besoin de justifier la présence du petit objet. Il cacha néanmoins le petit artefact dans son dos, mais l’action subite la fit tomber au sol. Belphégor fronça les sourcils, mécontent de son manque de dextérité. Ironiquement pour un artiste comme lui au katana.

Alors, le prince se sentit obligé de détourner l’attention.

« C’est un malin votre sergent ! » dit-il en rigolant, conservant une posture de garde à vous, mais avec les bras plus ou moins détendus. « Une ronde dans un restaurant. Brillant. » glissa-t-il, son air innocent s’imprimant sur son visage. Belphégor n’avait probablement pas réalisé sa sagesse du moment.« Ceci dit, Dame Destiné l'a probablement puni pour avoir cracher sur son devoir.. Je vais réciter une prière ! » Il s'apprêta alors à joindre ses deux mains pour prononcer quelques mots poétiques à l'honneur de la Déesse quand son ventre profita de l’instant pour se rappeler à la foule.

« Mmh. Celà-dit, je suis volontaire pour inspecter le restaurant, Monsieur le commandant-enquêteur. » Belphégor marqua un bref arrêt. « J’inspecterais avec minutie chaque plat qu’il a mangé ! Promis. » dit-il fièrement.

Le prince posa sa main sur son estomac demandeur, laissant au sol sa petite statuette. « Madame le soldat peut venir avec moi ? »  Il jeta un regard – pas discret – à la marine qui avait parlé du restaurant. Il lui fit un clin d’œil qui manqua ouvertement de discrétion. Belphégor sentit pourtant son dos lui picoter. C’était donc ça le stress d’une rencontre enjôleuse. Les cheveux roses de la dame ne le laissait certes pas indifférent, mais l’idée d’un bon repas – gratuit – l’attirait tout autant. Le pain sec du pont du navire avait entamé sa patience pour goûter un vrai repas agréable. Décidément, les mets sensationnels de Garamond lui manquait. Il n’aurait jamais dû quitter sa terre.. Mais il faut dire que la jeune fille était plus à son goût que les moines dégarnis du Temple sacré où il avait grandit.

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Belphégor mentionne les plats du restaurant qu'il goûterai volontiers, là où le sergent Grima a mangé, et soudain deux souvenirs me reviennent.

Le premier c'est que je suis bel et bien arrivée sur l'île aux côtés de la Marine, mais ils n'avaient pas d'uniforme conforme à ma jeune taille. Faut croire qu'ils ne voient pas tout les jours des adolescents qui s'engagent et comme par hasard, alors que j'étais perdue lors d'une ronde, je suis tombé sur une femme. Une femme si peu charismatique que j'en ai totalement oublié l'apparence et le nom, comme si elle possédait une capacité naturelle à se faire oublier. Qui plus est, il s'agit peut-être bien d'une capacité à faire oublier la mémoire comme de l'hypnose car mon vécu sur cette île est plongé dans un épais brouillard et seules quelques bribes me reviennent. Cette femme, peut-être par instinct maternel, à bien vu que je venais tout juste de m'enrôler aux côtés de la justice et elle avait une solution à mon problème vestimentaire. Mais je me rappelle d'une condition à réaliser pour que cette charmante couturière me fasse un uniforme à ma taille.

Un détail semble me revenir, mais il s'échappe lorsque je souhaite mettre la main dessus.

Détail:

La deuxième chose dont je me rappelle à l'instant, c'est cette condition. Étant alors habillée en civile, j'ai du aller voir un homme qui avait l'habitude de fréquenter un restaurant. Je devais, simplement, aller lui livrer sa pâtisserie préférée que sa femme militaire lui avait préparé. Je m'en souviens car cela m'a paru étrange de se faire apporter un dessert dans un lieu où on les prépare, mais faut croire que pour le Sergent Grima cela faisait parti de ses habitudes.

Me remémorant ces péripéties, soudainement, je me sens mal à l'aise. J'ai des bouffées de chaleur et je ne souhaite surtout pas aller à nouveau dans ce restaurant car on pourrait, même habillée en militaire, me reconnaître. Suis-je liée à ce meurtre ? Peut-être. Pour l'instant je préfère doucement m'éclipser du groupe.

- Je m'excuse mais une nouvelle recrue comme moi sera bien inutile dans une telle enquête. Du coup si cela ne vous dérange pas je vais gentiment retourner dans le bar car je suis curieuse d'apprendre deux ou trois cocktails.

A cette idée je me sens apaisée mais quelque-chose m'inquiète, lors de ma prise de parole j'ai senti ma voix me trahir sur un mot mais je suis incapable de savoir sur lequel. J'espère que tout va bien se passer.
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Le Lieutenant commençait à s'habituer aux allégations religieuses, tolérant n'était pas sa qualité première, mais il n'avait que faire de la foi. Pour lui, cela relevait de chacun et il ne jugeait pas. Après tout, sur cette île il en avait vu des cultes étranges. Des idoles risibles et des prêches incompréhensible. Cependant, bien qu'il respectait les convictions de chacun, il était intransigeant sur un point en particulier : la séparation entre le privé et l'uniforme. Alors, quand le jeune Belphegor proféra ses mots autant maladroit qu'irrespectueux, il senti la pression monter. Serrant légèrement la mâchoire, il fixait ce gamin à la statuette dorée droit dans les yeux. Cependant, il n'eut pas le temps de rétorquer que le soldat Harrington rempila pour des propos hérissèrent le poil de Vassili. Un mal, puis une moquerie, le blondinet bouillonnait intérieurement. Devant le visage tout à fait passible de ce gamin qui paraissait n'avoir aucune considération pour un supérieur, le blondinet s'emporta définitivement.

> Soldat Harrington j'en ai assez entendu comme ça ! Tonna Vassili pour faire cesser ces paroles. Prenez-moi cette statuette et rangez-là sur le champs, reprit-il fermement. Vous n'irez nul par comme ça, c'est à moi d'en décider. Alors venez à mes côtés, immédiatement. Lorsque le jeune Belphegor s'exécuta enfin, un air d'incompréhension au vu de la réaction de son supérieur, Vassili souffla discrètement. Vous m'accompagnerez, un peu de discipline ne vous fera pas de mal, d'ailleurs, je vous accompagnerais, à l'issu de l'enquête pour discuter avec la famille. Vous apprendrez à respecter la mémoire des nôtres ! Finit-il avec véhémence.

Le silence qui s'imposa à l'audience du Lieutenant lui permis de se relâcher un peu. Il était si rare qu'il s'énerve et pourtant. De temps en temps, taper du poing sur la table permettait de rappeler la hiérarchie à tous. Qui plus est, les nouvelles recrues avaient souvent quelques mauvais plis, autant prendre le problème à la racine. Enfin, cet espoir ne fut que de courte durée. Cette fois-ci, ce fut la benjamine de l'escouade qui pris la parole. Des dires qui, cette fois-ci, donnèrent envie au Lieutenant Joukov de jeter l'éponge. Après tout, il était en permission, pourquoi se retrouvait-il à s'adresser à des pleutres dans ce genre. Une honte pour la Marine, peut-être fallait-il rehausser les test d'admissions. Si cela ne tenait qu'à lui, il y aurait moins d'acceptés mais de plus grande qualité. Malheureusement, il était encore bien trop loin des fonctions de pouvoirs dans les rangs de la Marine. Aujourd'hui la politique était à la masse, le gouvernement souhaitait annihiler le mouvement révolutionnaire, cependant, un groupe de fauves aurait sûrement plus de valeurs qu'une colonie de fourmis.

> Bon écoutez, avant que je n'en vienne à demander un redressement disciplinaire, donnez-moi votre nom soldat ! Je ne sais depuis combien de temps vous faites partie de nos effectifs, mais sachez que la Marine n'est pas un lieu de villégiature. Vous vous êtes engagé, et ce mot n'est pas anodin ! Vous êtes soldat, la personne qui est à votre droite compte sur vous en cas d'affrontement et chaque citoyen de cette ville a besoin de votre protection ! Il ne s'agit pas d'un jeu ! Je parle de dévotion, votre uniforme a été porté par d'illustres noms, alors faites-y honneur ! Sermonna Vassili avec cœur. Ca vaut pour vous aussi, matelot Harrington ! Piqua le Lieutenant.

L'Officier subalterne laissa quelques secondes de répit à ses hommes, fusillant du regard cette escouade qu'il détestait déjà.

> Soldats, vous vous diviserez en groupe de trois. Tournez dans un périmètre de trois-cent mètres autour du lieu de l'assassinat. Laissez traîner vos oreilles et soyez attentifs au moindre détail. Compris ?
> Oui Lieutenant ! répondirent les soldats à l'unisson.
> Shkoffee, Harrington et vous... ?
> Caporale Alami, répondit la femme aux cheveux roses, ne dévoilant alors que son nom de jeune fille au Lieutenant.
> Merci, nous quatre nous occuperons du gros de cette enquête. Nous nous rendons directement à l'auberge ! Ordonna Vassili en tournant automatiquement les talons.

Les quatre soldats prirent la route en silence, marchant jusqu'à rejoindre le fameux restaurant. Une fois arrivée, le gradé dispensa quelques ordres.

> Caporale Alami, prenez les soldats Shokffee et Harrington avec vous, allez questionner le tenancier s'il-vous-plaît ! Je vais prendre à parti quelques passants. Chacun avait désormais sa mission, il ne restait donc plus qu'à passer à l'action. Se maudissant d'être sortie de son antre du jeu de plateau par sens du devoir, Vassili commença son labeur. Questionnant ceux qui, potentiellement, avaient pu voir quelque chose. A l'affut du moindre indice, il espérait régler cette affaire rapidement, histoire de reprendre une partie d'échec pour se détendre.


Dernière édition par Vassili Joukov le Mar 25 Mai 2021, 12:34, édité 1 fois
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Dévotion. Existait-il un mot que Belphégor connaissait mieux ? Le lieutenant poussa une beuglante au moment où le regard du jeune matelot se perdit directement dans les yeux de la dame aux cheveux roses. Le prince n’avait guère l’habitude de voir une chevelure aussi brillante, et la légère fleur qui ornait ses cheveux lui donnait un air exotique qui charma le marine. Les mots du Lieutenant entrèrent à peine d’une oreille que Belphégor agita un sourcil, comme s’il percevait le manque délicatesse du supérieur. Petite beuglante, mai surement pas première. Bel’ se remémora, durant quelque secondes, ses premières beuglantes, prononcées par les officiers de rang aux épaulettes jaunes. Les ordres prononcés – et difficilement écoutés – que Belphégor emboita le pas du lieutenant, non sans râler dans sa barbe inexistante.

Ils arrivèrent finalement à la taverne, le lieutenant en premier. L’endroit était lugubre. Les rares clients ne souriaient pas. Au contraire, ils évitèrent le regard des matelots aussi longtemps qu’ils puissent. Les tables, en bois grossièrement taillés, semblaient peu accueillantes. Faiblement éclairés, les divers meubles voyaient les bougies en cire terminer leur cycle de vie, coulant à même le bois. Seul un enfant, énergique, courrait partout pour essuyer la cire et préserver le mobilier. Au fond de la salle, un vaste comptoir faisait office de bar où seules les nombreuses bouteilles pleines faisaient offices de pancarte pour le client perdu.
Par réflexion, Belphégor s’avança vers le tavernier. L’homme était dense. D’un embonpoint maîtrisé, la peau s’exfiltrant de son pantalon grisonnant, l’homme avait une calvitie gênante, peu assumée. Quelques cadavres de mèches semblaient vouloir s’illustrer au sommet de son crâne, laissant une impression de coiffure inachevé. Sa moustache, drôlement travaillé, dessinait un visage agréable, bien que rude. Baissant son menton, laissant transparaître son regard étonnement souriant, le tavernier s’exprima avec une voix aigüe, ne collant guère avec l’atmosphère austère de son établissement.

« Vous, vous êtes là pour le père Grisha ! » dit-il

Belphégor, le matelot le plus avancé du tavernier, tendit l’oreille. « C’est qui Grisha ? » se demanda-t-il. Il jeta un œil, aussi discret que possible, au lieutenant. Il voulait éviter une autre beuglante. On lui avait suffisamment crié ici pour le moment. Alors, le jeune prince dégaina son arme secrète. Fouillant dans sa poche, la petite statuette de bois semblait se refuser aux doigts inquisiteurs du marine. Finalement, la sculpture se rendit. Belphégor posa celle-ci fièrement sur le comptoir.

« Prends ! » dit-il, le ton vainqueur. « C’est Dame Destinée. Elle te protégera, toi et ta famille ! »

Le barman leva un sourcil. Si son visage était toujours aussi accueillant, ses yeux laissèrent transparaître un sentiment d’incompréhension.

« J’en veux pas. J’ai suffisamment de babioles.. » Le regard de Belphégor se mua en quelque chose de colérique. « Votre Grisha, il venait toujours là pour bouffer. Jusqu’à son dernier repas. Du thon aux endives qu’il a mangé. Puis il est devenu tout rouge, comme un saumon bien cuit ! Il a mit la main à son visage, et il a couru dehors. »

Le tavernier se gratta le coin de la bouche.

« J’me rappelle, je pensais que ce vieux rat voulait partir sans payer ; mais il a laissé sa veste derrière lui.. Il y tenait à sa veste le Père Grisha ! » Le tavernier marqua une pause. « Un jour, il a enguellé le petit Paul parce qu’il l’a déplacé sa foutue veste. »

Le taverne attrapa un torchon, et essuya le meuble ; obligeant Belphégor à retirer rapidement la statuette, jouant avec sa dextérité.

« C’était un rat le sergent ; mais au fond on l’aimait bien. Il rouspétait toujours sur la qualité du vin ; et il était toujours accroché à ses sous, jamais une pièce pour le pourboire du petit. Mais c’était notre Grisha à nous, v’voyez.. Un local. Un habitué. Il bouffait toujours ici, et il râlait toujours parce que la carte des desserts n’étaient pas à son goût. Oh, ça a fait un choc quand il s’est étouffé. »

Belphégor le fixa.

« Pourquoi vous voulez pas de la déesse ? » demanda Belphégor, bouillonnant à l’intérieur. « En plus, vous parlez trop. » Belphégor se tourna vers la fillette aux cheveux roses. « C’est lui le tueur, j’suis sur. » Puis, il se tourna vers la seconde jeune fille du lot. « Tu en penses quoi toi ? »

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Le questionna à la volée quelques passants sans découvrir ce qu'il ne savait déjà. Les informations étaient maigres et il s'impatientait. C'était un jour de repos, qu'il avait amplement mérité et pourtant il était désormais empêtré dans une affaire à n'en plus finir. Une femme affirmait avoir vu le soldat s'écrouler dans la rue après avoir fait un rot des plus sales, un enfant aurait entendu une mouette piailler lorsque le Sergent mourut et pensait que c'était lié. Les théories se multipliaient et les allégations fusaient dans tous les sens. A n'en plus rien comprendre, le blondinet pris finalement la décision de prendre du recul. Face à un tel flot d'informations, toutes plus erronées les unes que les autres il avait du mal à emmagasiner correctement. Il s'adossa à un mur, soulageant alors ses jambes en s'y appuyant de tout son poids. L'index et le majeur apposés délicatement sur l'arcade sourcilière droite, la tête légèrement baissée, il pensait. Les yeux fermés il tentait de reproduire mentalement les faits connus afin, peut-être, d'entrevoir quelque chose. Il y avait forcément des données qu'il n'avait pas encore exploité.

A quelques mètres, les trois soldats assidûment l'information qui ferait la différence. Le matelot Harrington ouvrit le dialogue avec le tenancier du fameux restaurant qui connu les dernières heures du défunt. Une initiative des plus appréciables. Au loin, Vassili observait et hocha la tête. Il pensait alors avoir réussi à mater cette recrue aux allégations religieuses dignes des plus inconditionnels d'Inari. Cette discussion semblait pertinente jusqu'à ce que Belphegor répondit. Il était passé complètement au travers de ces informations, n'avait d'ailleurs sûrement même pas écouté son interlocuteur. Juste derrière, Naïri ainsi que la caporale Alami étaient stupéfaites. Était-ce seulement possible d'être autant en marge de la réalité ?

Puis, d'un doigt dénonciateur il pointa sa supérieure qu'il accusait ouvertement devant des civils. La désignant comme coupable, il en faisait une traîtresse ce qui ne manqua pas de choquer. Devant l'attitude désinvolte du jeune garçon, la caporale s'insurgea.

> Qu'est-ce qu'il raconte lui ? Matelot ça va pas la tête ? fit-elle offusquée.
> Oh mais cette voix, excusez-moi j'vous avez pas reconnue, Mireille c'est bien ça ? Demanda le propriétaire du restaurant. Vous savez, avec l'habit j'avais pas capté qu'c'était vous... toutes mes condoléances, s'excusa-t-il.
> Merci beaucoup Marcus, ce n'est pas grave, nous ne nous étions vu qu'une seule fois c'est normal, fit-elle pour le rassurer.
> Gamin, ça n'va pas d'accuser la femme du père Grisha ? Hein, respectes un peu les défunts, non ? Gronda-t-il en regardant fixement Belphegor.
> Non mais c'est bien elle, Dame Destinée ne saurait mentir ! Réaffirma le jeune homme toujours aussi détaché.
> Chuuuut, tenta Naïri en mimant à son homologue de se taire à plusieurs reprises.
> Harrington, c'est un manque de respect que je ne tolère pas, mon mari s'en est allé et désormais vous m'accusez, vous salissez mon honneur, à moi, moi qui suit endeuillé... cria la caporale Alami, alertant tous les clients. Des dizaines de paires d'yeux étaient désormais tournés vers eux, scrutant leurs moindres faits et gestes. Un blanc pesant s'installa, mettant tout le monde mal à l'aise.
> Si t'avais pas l'habit, j't'aurais botté l'cul gamin.. râla Marcus tandis qu'il l'avait un verre frénétiquement. Il était enragé, bouillonnait intérieur, brisant presque le verre sous la pression des assauts de son torchon.
> Sortez d'ici, ordonna la caporale à Belphegor en pointant la porte du doigt.
> Assez ! Tonna une voix ferme. Tous les yeux se tournèrent vers son origine, la porte d'entrée. Ils y virent alors Vassili, dans l'encadrement, stoïque. Nous n'allons pas déranger ces messieurs dames plus longtemps, Venez tous les trois, hum, vous aussi monsieur, fit-il en désignant le propriétaire.

Une fois que tous furent sorti, il pu alors éclaircir la situation qui, de loin, lui semblait partir dans tous les sens.

> Bon que ce passe-t-il, je vous ai demandé de poser des questions ce n'est pas compliqué ! Caporale Alami ?
> Le matelot Harrington est ingérable Lieutenant, calomnieux et irrespectueux... fit la femme aux cheveux roses tandis que Naïri se faisait petite à ce moment.
> Pourquoi ?
> Vot'e soldat là, il accuse mademoiselle Alami, la fiancée du Sergent Grisha d'être la coupable... il mérite la corvée, intervint le restaurateur.
> Quelles sont vos preuves Matelot Harrington ? Fit Vassili, exaspéré face à l'attitude si étrange de ce jeune garçon.

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- Assez ! dis-je en prenant la parole d'une voix ferme et forte.

L'attention était désormais posée sur moi, moi qui jusque-là me faisait toute petite et j'avais mes raisons car je me souvenais avoir croisé la Caporale Alami.

- Assez ! J'en ai marre. dis-je en retirant mon uniforme et mon chapeau.

Soudain le responsable du restaurant poussa un cri à la vue de mes oreilles de Mink.

- Nom d'un Amiral, c'est Elle ! Je me souviens de sa tête maintenant ! C'est elle qui a apporté les pâtisseries au Sergent Grima à peine quelques minutes avant qu'il ne sorte de l'établissement.

- Vous voyez, repris-je, il ne faut jamais accuser un homme envoyé par la Sainte Déesse. Je l'avoue, c'est moi qui ait tout orchestré et pour preuve vous trouverez emballé dans la poche de mon uniforme un chou à la crème que je m'étais discrètement gardé.

En réalité j'avais pas eu le choix d'agir comme ça et je me sentais soulagée. Soulagée car voilà une bien belle journée ensoleillée avant de partir en prison, et soulagée pour autre chose aussi. Jusque-là personne n'avait capté un détail : sur le chemin du restaurant la veuve m'a marché sur le pied en me fusillant du regard. C'est à ce moment que je vis son vrai visage en portant ensuite mon attention sur ses jolis cheveux. Je me rappelle maintenant, puisque lors de notre première rencontre je me suis demandée s'ils sentaient la rose. C'est à ce même moment que j'avais vu son vrai visage, celui que d'ordinaire une femme cache, un visage rouge de colère à cause d'une profonde tristesse. Le détail supplémentaire que seul l'instinct féminin pouvait capter était qu'elle avait eu le cœur déchiré, mais qu'importe, c'est une belle journée.
Une belle journée où la seule erreur de cette femme a été de me marcher sur le pied, soit disant sans faire exprès, ce qui m'a permit de me remémorer notre première rencontre.

Je leva les yeux au ciel et rencontra Monsieur le Soleil qui, lui, me comprenait et m'imposait des larmes dont j'ignorais la signification. Du revers de la main je me sécha les yeux, je m'en fichait d'une future tristesse, j'étais contente d'avoir sauvé une femme brisée de l'intérieur. D'un autre côté, me disais-je,  ayant aussi sauvé la peau d'un envoyé de Dame Destinée, je savais que mon séjour en prison ne durerait pas toute ma vie, et puis je suis mineure.

- De plus, renchéris-je pour en finir, vous l'ignorez mais je suis en réalité une pirate primée à plus d'un demi-million de berries. Je vous assure que c'est vrai, mon passé m'a rattrapé alors que je portais l'uniforme des défenseurs de la Loi.

Désormais j'acceptai mon destin avec l'espoir de réparer mes fautes criminelles, au plus vite, afin de brûler à jamais ce passé ainsi que l'affiche de ma prime pour renaître de mes cendres.
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Au nom des Amiraux
Flashback

« Hein ? » dit-il simplement, avec son air benêt. Belphégor pouvait avoir l’air, parfois, bien niais. Après avoir blâmé, probablement stupidement, le tenancier sur la base d’un indice parfaitement irréfutable, Belphégor tomba des nues lors des révélations de la jeune marine. « Pirate ? » entendit-il. C’était comme un coup de fouet vivifiant le corps du jeune homme. Il n’en fallut pas plus pour réveiller les sentiments enfouis du jeune homme. Comme si les mots lui donnèrent une énergie étrange, bien éloigné de l’apesanteur divine qui le maintenait dans son état de moine. C’était une légère catatonie dont il se tira subitement, allant jusqu’à ignorer le Caporal et le tenancier.

C’était un réflexe, un réflexe soudain mais bienvenu. Le jeune garçon, malgré sa chemise et sa veste immaculée, brilla de lucidité l’espace d’un instant. « Pirate » répéta-t-il, comme un robot venant de scanner sa cible. Il lâcha alors immédiatement sa petite statuette, petit objet ayant tant de valeur aux yeux du prêcheur qui tomba encore au sol. Belphégor lorgna immédiatement le vilain bonhomme en bois. Sa main, presque naturellement, s’empara de la poignée du sabre – en mauvais état – qu’il portait à la ceinture.

L’acier hurlant fendit l’air pour venir flirter avec la gorge de la jeune pirate. Le iaido – art de dégainer – était une spécialité du temple bleu où Belphégor avait grandi. Le métal arrêta sa course près de la gorge de la jeune femme. On pouvait voir sur la lame le mauvais entretien de ce sabre d’apparat, utilisé par les pauvres militaires de l’île. « Commandant-enquêteur, je fais quoi ? » dit-il en maintenant la jeune femme à portée de son sabre.

Le regard de Bel’ se porta discrètement vers le tenancier. Du coup, pensa-t-il, quel était son rôle dans tout ça. Et la Caporale, elle s’était sentie visée un peu trop facilement. En plus, ils avaient manqué de respect à la Déesse. Ils méritaient, sans nul doute, la mort. La fillette, au bout du sabre de Belphégor, avait eu des mots qui lui avaient subitement réchauffé le cœur. C’était peut-être une pirate, mais elle n’était pas complètement perdue. Elle respectait la déesse, au moins. Belphégor attendait sagement que la situation se libère, et il n’y avait que les ordres du commandant impie qui viendrait donner un mot final à la situation.


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Tentant d'appréhender le fonctionnement complexe de l'esprit du matelot Harrington, Vassili fut comme frappé au crâne lorsqu'il entendit l'autre nouvelle recrue, la jeune Shkofee qui intervint. Son discours semblait être celui d'une illuminée, vêtue de l'habit de la Marine elle avouait, trop facilement, avoir commis ce meurtre. Comment était-ce possible ? Stupéfait, le Lieutenant ne comprenait rien. Une traîtresse se dressait face à lui et pourtant, ces aveux étaient si étranges. Enfin, lui qui cet après-midi était censé être en permission voyait enfin l'occasion de clore une enquête qui ne durait que trop. Le tenancier du restaurant, la Caporale Alami ou encore les passants autour étaient dans le même état de questionnement que le blondinet. C'était comme si la vie s'était arrêtée. La ruelle commença à se remplir, les gens se bousculaient après que certains aient fait circuler la rumeur qu'il se tramait quelque chose. Le soleil réchauffait chaleureusement les pavés et quelques oiseaux chantonnaient gaiement et un événement incroyable se déroulait. Incroyable était un peu exagéré jusqu'à ce que cette matelot décide de faire une ultime annonce. Elle prononça les mots pirates et primé qui scandalisèrent toute l'assemblée qui observait cette cocasse discussion. Le sang de Vassili ne fit qu'un tour, bouillonnant intérieurement il allait dégainer son épée mais fut devancé par le jeune Harrington, réaction qu'il apprécia fortement. Alors ce jeune homme, aussi étrange était-il était capable d'avoir le sens du devoir. Son épée placée sous la gorge de la traîtresse, il était hagard. Un peu comme tous après tout. D'un léger sourire de satisfaction, le Lieutenant félicita le fanatique de la Dame Destinée. Avec un respect approximatif des formules d'usage, le matelot demanda enfin à Vassili ce qu'il était censé faire. La réponse ne se fit pas attendre.

> Eh bien, tenez notre traîtresse en défaut s'il-vous-plaît, nous devons vérifier quelque chose, commença Vassili. Caporale Alami, pouvez-vous vérifier l'information concernant la prime de cette personne ? Demanda-t-il dédaigneux envers la primée. Alors mademoiselle, comment est-ce possible ? Comment et pourquoi avoir infiltré nos rangs ? Qui sont vos supérieurs ? Commença-t-il à questionner Naïri avec véhémence.

L'assemblée restait sous le choc de l'annonce de la jeune pirate, elle était si jeune. La Caporale sortie un escargophone et questionna le QG de North Blue au sujet des récentes primes, et notamment les plus basses. Alors, elle entendit une réponse claire et nette. Elle se savait fautive, elle savait qu'elle était la vraie scélérate et que la jeune fille la protégeait. Peut-être l'avait-elle compris, après tout, entre femme il n'y avait pas toujours besoin de mots. Prise de remord elle voulu contredire ce qui venait d'être annoncé par le bureaucrate mais le mal était fait. Vassili avait eu la confirmation qu'il souhaitait et rien ne pouvait plus y changer quoi que ce soit. La vie lui accordait une seconde chance, elle qui était toujours restée droite, qui n'avait jamais déviée du bon chemin y avait été amené par un mari violent aux airs de bon samaritain. Un homme de la pire espèce en somme. La Caporale était battue, depuis de longue année et, ce jour, avait enfin eu le courage d'y mettre fin. Sous emprise, elle n'avait eu d'autre choix que d'user d'un stratagème pour éliminer l'auteur de tous ses malheurs. Du poison et une jeune fille serviable qui fit les emmena au Sergent. Désormais, c'était la vie d'une gamine qui était brisée. La seule chose qui rassura la gradée fut que cette fameuse Shkofee soit, en réalité, déjà primée pour un crime. Finalement, devait-elle vraiment s'en vouloir. Prise dans un tourbillon de pensée contradictoire, elle se figea simplement, ne réagissant plus que superficiellement aux interactions extérieures.

> Alors c'est décidé, Shkofee Naïri, vous êtes en état d'arrestation ! Fit solennellement Vassili devant une assemblée qui accusait encore le coup. Une femme, projetant l'amour inconditionnel qu'elle portait à sa fille qui avait sûrement le même âge que cette jeune pirate éleva la voix, demandant de la clémence mais la réponse fut sèche. Aucune faveur envers la vermine, lâcha-t-il. Caporale Alami, matelot Harrington emmenez là à la base ! Nos hommes vont vous rejoindre pour l'escorter ! Attention à une chose, dites bien que c'était le matelot première classe Harrington qui a appréhender la pirate ! Je vous en félicite, fit-il en guise d'encouragement au jeune homme. Après tout, un gradé avait également ce rôle de transmission. Il voulait transmettre le sens du devoir à Belphegor et valorisa alors son geste en ce sens. Dispersez-vous, il n'y a plus rien à voir, lança-t-il enfin à la foule qui s'agglutinait.


La ruelle se vidait de citoyens d'Inari et les soldats, encerclants la pirate s'en allèrent également, le cap droit sur la Base. C'était là qu'elle allait être conduite pour y être enfermée ou conduite au QG de North Blue en fonction de la disponibilité des cellules.

Ce fut ainsi que la journée de repos de Vassili pris fin. Une enquête et une arrestation de pirate de trop, celle qu'il n'avait pas vu venir. Cependant, cela lui permis de se remettre en question. Il devait rester aux aguets, les rangs de la Marine étaient infestés de vermines. Le blondinet devait rester lucide et clairvoyant en toute situation. Chose qu'il avait appris, à ses dépends lors de cette journée pleine d'imprévus.
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Au nom des Amiraux
Flashback

Le silence avait vaincu jusqu’au battement des ailes des oiseaux. Un nénuphar s’était installé sur la bouche de chaque protagoniste, emportant toute parole. Les yeux de Belphégor naviguèrent rapidement vers ceux-ci, puis se focalisèrent sur la jeune traitre. La lame hurlante de son sabre était posée droit sur sa gorge, plus rapidement que le vieux qui se prenait au sérieux ; par réflexe, probablement. Il regarda pourtant, il entendait le flot sanguin qui s’écoulait derrière cette délicate petite peau, là où le tranchant flirtait avec la blancheur du teint. Sa concentration avait été happé par ce bruit, par ce pouvoir qui l’engloutissait. Il resserra doucement son emprise sur son épée, comme pour se forcer à se réveiller. Puis, le patron se rappela à ses devoirs, donnant des ordres.

« Tchh’ » protesta, silencieusement, Belphégor. Comme une complainte mutine, il étouffa sa rancœur pour son travail. Il voulait seulement manger en paix et prier la plus divine des déesses. Alors, il ne dit rien. Pas de corvée supplémentaire. Bel’, malgré tout, observa les passants. Ils étaient silencieux, le visage pétrifié devant les annonces récentes. « Les ordres sont absolus » dit-il, dans un sarcasme affirmé, lui qui croyait en un seul dogme. « Allons-y » souffla-t-il à la jeune femme, l’amenant à sa nouvelle demeure.

De toute façon, elle avait probablement de la chance. Les geôliers seraient plus sympathiques que les imbéciles de soldat qui venaient intervenir, maintenant que les investigations étaient terminées. Ils ne tardèrent pas à l’empoigner, presque sans violence pour l’amener. Belphégor se joignit à eux, le sabre en main. Et finalement, il jeta un dernier regard vers Vassili, lui tirant la langue avant de disparaître dans les ombres des soldats vers la base.

Devant la geôle, Belphégor jeta un regard à ses marines qui s’éloignaient, rigolant du sort de la jeune femme. L’épée rengainé, Belphégor fouilla sa poche, dégainant sa petite statuette. Il n’expliqua pas son geste. C’était comme si on avait pris le contrôle. Il lança la statuette en l’air, vers les barreaux. « Pour tes nuits solitaires. » dit-il. Des mots qu’on lui souffla. Qui d’autres que la Déesse, pensa le garçonnet. Et l’idée que Dame Destinée s’empare de son corps pour passer un message fit sourire le jeune marine qui disparut, chantonnant dans l’ombre des cellules.



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