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Le guide de survie en territoire pirate (Quête)

Bon, me voilà sur Armada, et… il me faut gagner ma croûte. Pour moi, évidemment, mais aussi pour mon fils. Et si plaie d'argent n'est pas mortelle, le fief des Libres Pirates et un lieu où elles ont vite fait de s'infecter. Alors il faut que je trouve une occupation "honnête". Je ne peux pas faire de flibuste, vu que je n'ai pas de navire, et je ne peux non plus me résoudre à demander du pognon à Red. On est complices, soit, mais je n'ai pas envie d'être le genre de femme qui a besoin de l'argent d'un homme pour survivre. Et puis, je ne brûle pas de passer pour un de ces vautours qui lui tournent autour pour son argent et son prestige. Bref, je dois me débrouiller seule. Comme d'habitude.

Mon premier défi est de me repérer dans cet endroit immense. En tant qu'aveugle, c'est loin d'être évident. Et je me perds plus que de raison. Mais je finis par arriver à ma destination. Le Kraken. Et la demeure d'un certain Malatesta. L'endroit sent l'opulence exagérément affichée de son locataire. Je n'ai pas rendez-vous, et je sens que ça fait légèrement tiquer le gorille à l'entrée. Surtout avec le petit garçon pendu à mon bras. Poliment, je lui demande quand même d'avertir le maître des lieux que je suis là. Au bout d'un quart d'heure, on me laisse finalement rentrer. Un majordome nous guide jusqu'au bureau de l'Usurier. Une épaisse odeur de tabac brun flotte dans l'air. Ainsi que celle d'une eau de parfum très très chère. Sans doute pour masquer le fait que l'homme devant moi ne prend pas de bain tous les jours. Ce qui est assez normal, vu qu'ici, le litre de rhum coûte moins cher que le litre d'eau claire.

Galamment, il se lève quand mon fils et moi rentrons dans la pièce et il nous propose de nous asseoir. Cependant, c'est un homme occupé. Alors, il rentre directement dans le vif du sujet.

"Que puis-je faire pour toi?"

Le ton est enjoué, comme si ça lui faisait vraiment plaisir de rendre service. Mais je sais à qui j'ai affaire. Je ne me fais pas d'illusions, avec ce genre d'hommes, tout à un prix. C'est pour ça qu'il vaut mieux lui en demander le minimum.

"J'aurais besoin d'un travail."  

Je n'ai pas besoin d'yeux pour savoir que ma demande le surprend. La façon dont il penche un peu plus sa tête vers moi, comme s'il essayait de me scanner. Mais le fait que je sois allé le voir lui plutôt que Red titillait sa curiosité. Je pense avoir bien cerné le personnage. Il pourrait m'envoyer bouler. M'aider à trouver un boulot ne remplira pas ses poches. Cependant, la perspective d'avoir un proche de Red qui lui devra un service, ça vaut son pesant de cacahuètes. Alors il se gratte la barbe de sa main gauche, tandis que, de la droite il vide la cendre de sa pipe dans un petit pot.

"Tu pourrais m'aider à récolter des dettes. Je paie bien et ne suis pas trop regardant sur l'état dans lequel tu laisseras mes créditeurs. Tant qu'ils me règlent ce qu'ils me doivent, bien entendu."

Je fais la moue.

"Vous n'auriez pas quelque chose de plus..."  

"Honnête?"

C'est exactement ce que je voulais dire. Et ça m'embête un peu qu'un homme tel que lui arrive à lire en moi aussi facilement. Je hoche la tête en silence.

"Ne m'en veux pas d'avoir tenté ma chance. Tu as fait fondre la main d'un supernova, ça force l'admiration et le respect. Mais je comprends, et je crois que j'ai le travail idéal pour toi." Il griffonne un bout de papier, avant de percuter que ça ne servira pas à grand chose, à cause de mon handicap. "En fait je vais te dire où c'est…"

Quelques minutes plus tard, me voilà dehors. Les instructions de Malatesta son précises, et malgré le labyrinthe que constitue cette cité pirate, je trouve facilement mon chemin. Cependant, je ne peux m'empêcher de trouver qu'Armada ressemble de façon assez frappante à un autre ancien bastion de la piraterie : Jaya. Encore une fois il y a une masse grouillante de gens qui bossent pour qu'une petite élite s'enrichisse et vive dans l'opulence. C'est tristement marrant de constater que ces pirates, si avides de libertés qu'ils prétendent être, ont vite fait de reproduire les même systèmes qui les oppressent. La main trempée dans l'encre de poulpe d'Armada n'est qu'une copie du sabot des Dragons Célestes, par exemple. Enfin, je garde ces pensées pour moi, jamais je ne serai celle qui brisera la petite utopie que Red s'est construit.

Je finis par arriver dans un endroit étrange, même pour Armada. Si l'odeur du bois de construction semblait plus récente qu'ailleurs, le lieu paraissait plus sale. Et la façon dont mon fils me serre la main m'indique qu'en plus l'endroit est mal famé. Sans le savoir, je suis rentré dans la Zone. Il y a encore quelques mois de ça, l'endroit s'appelait les Nouvelles Précieuses. Et, bien que je l'ignore pour le moment,  le maître officiel des lieux est Malatesta. Mais officieusement, l'endroit est géré par le gang des Macs. Dignement, je continue mon chemin, tout en restant aux aguets. Heureusement, personne n'a osé s'en prendre à moi et à mon rejeton. Je passe devant des salles de jeux pour finalement arriver devant la plus grosse bâtisse du coin.

Après avoir gravi quelques marches, je me retrouve face à deux malabars qui barrent la route. Je leur tend un lettre de recommandation que m'a faite Malatesta. Ils échangent un regard et m'ouvrent la porte. J'arrive alors dans une grande salle où des filles dansent autour de barres et des hommes fument et boivent. Instinctivement, je masque le regard de mon petit bout d'homme pour qu'il ne voie pas ça. Et je ne peux retenir ma surprise.
    
 "C'est quoi ce bordel!"     

Et je ne pouvais pas si bien dire! Ce satané Usurier, il allait me le payer!    

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Et là, un homme se pointe, plus petit que moi d'une bonne tête, il sent la pomme verte et la menthe poivrée. Faisant fi de ma remarque précédente, il m'accueille avec une voix qui avait un fort accent du Sud.

"Hé, bonjour-heu! Tu dois être Jeska! Moi c'est Alain-Bernard-heu! Mais tout le monde-heu ici m'appelle A.B. Je suis le mac-heu qui gère la Zone à cette heure."
    
En effet, les Macs, pour éviter des conflits de pouvoir inutiles se partagent la gérance de la Zone. Mais pas géographiquement comme le système des cadrans d'Armada. La répartition est horaire. Ils sont six, il s'occupent donc chacun à leur tour de l'endroit quatre heures durant. Là, c'est le 10-14 du Mac A.B. Le proxénète me propose de laisser mon fils jouer avec d'autres enfants dehors tandis qu'on va discuter de choses d'adultes. Mon petit bout de chou est ravi, alors je monte à la suite de l'homme dans ce qui fait office de bureau. Là, il me présente les cinq autres macs qui seront mes employeurs. Il se nomment Adam, Donald, Aréna, Ramé, et Simum. J'écoute poliment leur offre. Et je suis soulagée de savoir que ce n'est pas pour tapiner que je suis là. En fait, ça rejoint dans les grandes lignes la proposition que m'avait fait Malatesta un peu plus tôt dans la journée. Je suis en charge de la sécurité des filles. Je dois m'assurer que les clients se tiennent de façon convenable. Enfin, autant que faire ce peut dans une maison close. Quant au salaire, il est plus que généreux, un million par semaine, un logement, les repas et même la garde de Sakazuki est prévue, c'est vraiment pas mal. Et si je sais rester de glace, malgré l'intérêt que j'ai pour l'offre qui m'est faite, le fait que je ne négocie pas à la hausse leur indique qu'ils auraient pu me faire une proposition largement inférieure.

"Tiens, voilà le contrat, tout est dedans." me dit alors le Mac Simum.

"Vous avez pensé à l'éditer en braille?"     

"Quoi? Tu veux le lire?" lance la Mac Aréna.

"Je ne signe rien si je n'ai pas lu auparavant."  

Je sens une certaine gène s'installer. Ils ont certainement l'habitude que les gens se laissent griser par la générosité de l'offre. Mais pas moi, je me suis assez faite avoir dans la vie pour savoir qu'avant de s'engager, il vaut mieux lire toutes les petites lignes du contrat.

"Je dois faire venir un ami pour me lire ce contrat?"  

Moi, je parlais de Malatesta, mais je crois que ces types pensent que je fais allusion à Red. Leur nervosité monte de plusieurs crans.

"Non, non. On va te l'éditer en braille et on va signer ça sur le Fortune Carré, comme ça ce sera officiel." annonce le Mac Ramé.

Quelques heures plus tard, les documents sont imprimés en bonne et due forme et j'y appose ma signature. Et je comprend la raison de leur embarras. En fait, il faut soustraire du salaire annoncé tous les avantages qu'ils présentaient comme offerts. En gros, je ne toucherai que 600.000 berry par semaine. Mais ça me va. Je gagnerai plus en sept jours ici qu'en un mois à la Marine. Le seul truc qui m'embête, c'est que je travaille de nuit.

Le travail en lui même n'est pas compliqué. Malgré une prime assez faible, ma renommée dans le milieu suffit à calmer les ardeurs. J'ai rarement plus à faire que hausser la voix pour avoir le calme. Même mes relations avec mes employeurs sont bonnes. Il semblent au petits soins avec moi, me demandant chaque jour si tout va bien. Certes, je ne profite pas beaucoup de Sakazuki, mais lui s'éclate avec les enfants des filles. Petit à petit, je noue des liens avec ces travailleuses. On discute, on échange. Elles ont toutes ma sympathie. Je finis même pas me lier d'amitié avec certaines. Même avec Vendémiaire, le gardien de jour.

Cependant, je réalise aussi comment fonctionne l'endroit. Je ne suis pas la seule liée par contrat aux Macs. Les filles aussi. Et comme moi, elle sont facturées du gîte, du couvert et de la garde d'enfants. Mais pour elles, c'est agencé de telle façon qu'elles ne gagnent presque pas d'argent. Ce qui les force à prendre le plus de "clients" possible. Avec tous les risques que cela comporte pour leur santé. Et si jamais elles tombent malade ou enceintes, elle doivent quand même payer leur dû aux proxénètes. En fait, ce ne sont ni plus ni moins que des esclaves. Et ça me ramène malgré moi à ce que j'ai vécu sur l'Asile. Ces pauvres hères ont toute ma sympathie, et mon respect. Alors, patiemment, je décide d'échafauder un plan pour rendre un peu de dignité à ces femmes.

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Dans un premier temps, j'ai pensé à organiser leur fuite. Et si la chose n'est pas impossible, ça ne règlerait le problème que temporairement. En effet, les Macs n'auront aucun mal à remplacer la main d'œuvre manquante. Et j'aurais vite fait d'être démasquée. Dans un second temps, j'ai pensé à supprimer les proxénètes. A mon niveau c'est largement réalisable. Sauf que ces derniers disposent d'une sorte de contrat avec Malatesta, et que ce dernier et transmissible en cas d'évènement fâcheux. Et au moment où j'étais prête à abandonner l'idée de les sauver, une troisième option s'est présentée à moi. Il faut que je devienne le boss de cet endroit. Il n'y a que de cette façon que je pourrais véritablement sauver les filles de cet enfer. Et à cause de ce contrat qu'ils ont avec Malatesta, il faut que je trouve un moyen pour que les Macs me cèdent d'eux-mêmes leurs parts.

Il m'a fallu bien deux semaines pour échafauder un plan idéal. Alors, en fin d'après midi, je confie Sakazuki à "tonton" Red et je vais voir mes employeurs. En chemin j'achète deux quilles de rhum dans lequel je dilue un tout petit peu de poison toxique. Juste assez pour rendre patraque, mais pas assez pour tuer, ou altérer le goût et la couleur de la boisson. Ce tour de force m'a demandé de nombreux essais, et l'aide de quelques amies. me voilà donc devant le bureau des Macs. J'entre, et le Mac Donald rentre directement dans le vif du sujet.

"Pourquoi tu voulais tous nous voir, Jes?"

"Je souhaiterais que mes émoluments soient réévalués à la hausse."

"Et combien tu voudrais en plus?" lance sèchement le Mac Simum.

"Oh, je dirais 15%. Ce serait bien."

"Tu veux notre mort où quoi? 5%! C'est déjà pas mal" tempête le Mac Aréna.

"Et si on coupait la poire en deux? 10% ça vous irait?"

"Ah, bonne mère, tu nous saigne là. Mais tu fais du bon travail-heu. On te les donne tes 10%." chante l'accent du Sud du Mac A.B.

"Merci beaucoup! Tenez, pour fêter ça, j'ai amené du rhum!"

Le Mac Adam me prend les bouteilles des mains et sert tout le monde. On boit un verre, deux verres, plein de verres… et finalement, les effets du poison commencent à se faire sentir.

"Qu'est ce que…" bredouille le Mac Ramé.

"Je vous ai empoisonné, quelle question! Je vais être rapide car vous n'en avez plus pour longtemps. Je veux que vous me donniez vos parts. Et en échange, je vous fournis l'antidote, ce qui vous évitera de mourir dans les cinq prochaines minutes. Ca vous convient?"

"On a le choix?" maugrée Aréna.

"Si vous voulez rester en vie, je crains que non."

Quelques instants plus tard, me voilà avec six papiers en main.

"Bien évidemment, je vais vérifier avec mon associé derrière la porte."

Je bluffe, je n'ai personne avec moi, mais je connais assez ces loustics pour me savoir qu'ils vont essayer de m'entuber. Et alors que je fais mine de partir…

"Attends!"

Cette fois, il me donnent les bons documents. Et moi, je sécrète l'antidote dans des verres qu'ils s'empressent de boire. Sauf que malheureusement pour eux, mon fruit ne produit que des poisons, pas de remèdes. Une fois que j'ai constaté leur trépas, je file immédiatement faire enregistrer le changement de propriétaire à la Fortune Carrée. Me voilà officiellement propriétaire d'un Cadran d'Armada!
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J'ai récupéré mon fils chez Red et je rentre dans la Zone, la poitrine gonflée de l'orgueil de celle qui a réussi son coup. Tout ça est à moi. Je sais, c'est le plus petit cadran d'Armada, le plus mal famé aussi. Mais c'est chez moi. Chez moi. Nom d'une biscotte, c'est chez moi! Ca n'est peut être pas grand chose pour vous, mais pour moi c'est énorme! Car c'est le premier lieu que je considère comme tel. Petite, j'ai vécu en orphelinat, mais je n'ai jamais accepté que ce lieu pouvait être ma maison. Quand je suis rentrée dans la Marine, j'ai occupé des appartements, mais, je savais que j'étais de passage, difficile de vraiment poser ses valises quelque part quand on sait qu'on peut être muté du jour au lendemain. Et les navires, quel que soit le pavillon sous lequel ils voguent, j'ai toujours eu du mal à les considérer comme un véritable domicile. J'ai aussi vécu dans la rue, mais, je ne pense pas avoir besoin d'expliquer en quoi je ne m'y suis jamais senti chez moi. Mais là, c'est chez moi! C'est à moi! Un grand sourire illumine mon visage alors que j'arpente les rue de mon fief.

Mais ma joie est de courte durée, car devant moi se tient une vieille connaissance.

"Monsieur Malatesta, bien le bonjour!" entonne-je gaiement.

"Bonsoir Jeska. J'ai appris la nouvelle. Je suis venu discuter avec toi de quelques petites formalités."

Mon sourire s'efface progressivement tandis que que l'Usurier m'explique la situation. La situation est simple. Je ne suis pas propriétaire de l'endroit. Je suis simple locataire. Les parts des Macs que je leur ai extorqué sont donc celles d'un bail. Ma déception est immense, mais ce n'est pas fini. Apparemment, mes prédécesseurs ne payaient pas leur loyer. Je me suis donné beaucoup de mal pour acquérir des dettes! Je suis dévastée. 30 millions de Berrys, où diable vais-je bien pouvoir trouver ça? Charitablement l'homme me laisse une semaine pour trouver les fonds.

J'entre enfin chez moi. Oui, mon domicile est une maison close. Et je dois annoncer pas mal de choses au personnel. Je suis heureuse de constater que le changement de propriétaire ravit tout le monde. Mais je suis aussi obligée de les informer sur la situation de l'endroit. La mort dans l'âme, je leur confie aussi que je n'ai pas de solutions. Mais j'ai de la chance, une des filles était comptable avant de tomber dans l'esclavage. Et ce n'est pas tout, grâce aux compétence dans leur "vie d'avant", les filles m'aident à remette l'endroit sur pied. Même Vendémiaire, le garde de jour, met la main à la pâte. On opère ainsi des changements structurels importants. On a rapatrié les tables de jeu des autres établissements que possédaient les Macs. Si tout avoir au même endroit fait un peu fouillis, c'est cependant nettement plus facile à surveiller et protéger. Ensuite, l'endroit n'est plus une maison close sordide, mais un joli petit cabaret, avec un restaurant et un bar. Enfin, les filles ne sont plus des prostituées mais des danseuses. Avec un contrat en bonne et due forme. Si ces dernières souhaitent malgré tout vendre leur corps, elle sont libre de pratiquer le tarif qu'elles veulent. Je met même à leur disposition les chambres à l'étage. Je prend juste 10% sur ce type de prestations, histoire de dire que c'est moi qui gère le truc. Je commence même à gagner de l'argent. Beaucoup même. Mais pas assez cependant pour rembourser l'Usurier.

Et une fois la semaine passée, l'homme est à l'heure pour son rendez-vous. Il est accompagné d'hommes en armes.

"Tu as mon argent?" lance-t-il sans préambule.

"Bonjour, en effet j'ai ce que je vous dois." je lui tends une enveloppe.

"Il n'y a pas le compte, c'est certain." dit-il en jugeant le contenu du pli.

"Il y a le loyer de la semaine." dis-je calmement.

"Il manque les dettes des Macs!" s'emporte Malatesta.

"En effet, il s'agit de la dette des Macs, pas de la mienne. Je n'ai donc aucune raison de la payer. En plus j'ai ouï dure que vous aviez usé de votre influence pour saisir leurs biens et leurs comptes en banque. Je peux donc dire sans trop m'avancer que vous vous êtes déjà largement remboursé du préjudice subi. Je pense même que c'est dans ce but que vous m'avez envoyé travailler ici. Je me trompe?"

"Qui sait?" il y a dans sa voix un soupçon de malice qui me laisse penser que j'ai visé juste.

"Avant que vous ne partiez, j'ai une proposition à vous faire." Je sens que j'ai capté son intérêt alors je continue. "J'aimerais vous débarrasser de cette propriété encombrante pour vous."

"Je ne vois pas ce que vous voulez dire."

"J'ai mis un peu de temps à comprendre comment la vie fonctionnait ici. Cependant, je me suis dit qu'un Usurier qui possède en son nom propre un cadran d'Armada grâce à sa puissance financière… On pourrait croire que pendant l'absence de Red vous fomentiez une sorte de coup d'état en achetant les Libre Pirates."

"C'est totalement faux." ment l'homme.

"Je vous crois sur parole, évidemment. Mais que se passerait-il si cette odieuse rumeur arrivait aux oreilles de… Red, par exemple?"

"300 millions, ça vous va?"

"Ouhlà non! C'est bien trop cher! 150 max."

"Tu veux ma mort, petite? 250, je peux pas faire mieux!"

"Tu sais, non seulement, tu restes en vie, mais en plus tu gagnes de l'argent, tu ne devrais pas te montrer trop gourmand."

"J'ai mis bien plus que ça pour construire ce quartier! 200 millions, c'est mon dernier prix!"

"Si vous voulez bien me laisser quelques jours pour réunir la somme..."

"Deux jours, après ce délai, je ferai détruire l'endroit."

J'ai sans doute très bien négocié, mais… je n'ai pas 200 millions!
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J'ai invité Red. Je n'ai pas vraiment le choix, c'est le type le plus riche que je connaisse. Et j'ai désespérément besoin d'argent! J'ai briefé tout le monde pour qu'il soit accueilli comme un VIP. Quant à moi, je me suis fait une beauté et j'attends mon ami dans mon bureau. Peu après vingt heures, on frappe à ma porte. C'est lui. Je l'invite à s'installer dans un fauteuil et je m'assois en face de lui. Entre nous, il n'y a qu'une table basse, une quille de rhum et deux verres vides.

"Bonsoir! Fais comme chez toi, Red!"

"Chez moi j’y étais si bien que j’en suis parti. C’est d’origine ou tu as refais la déco?"

"On a un peu redécoré." Dis-je dans un sourire.

"J’aime bien. C’est mieux que le quai de gare de Parisse."

"Oui!" Je sers deux gobelets de rhum. "A notre liberté!"

"A notre liberté.. et à la fin de ceux qui nous l’ont prise."

Je trinque et boit mon verre d’un trait. "Que leur mort soit lente et douloureuse. " Je prends une longue inspiration, pour me donner du courage. "Malheureusement ce n’est ni pour parler du passé ni de l’avenir que je t’ai invité ici. En fait, je… j’ai…" J’ai mal à ma fierté, mais je n’ai plus trop le choix alors je le dit tout doucement d’une façon presque inaudible. "J’ai besoin d’argent."

"On m’a dit que tu avais vite pris tes marques dans le coin. Tu es la nouvelle patronne?"


"Tu es au courant?"La surprise se voit sur mon visage. "Les nouvelles vont vite…"

"C’est la magie du bouche à oreille. Et puis… j’ai toujours des gens qui gardent un œil sur Malatesta."

"Ha… alors… tu sais… je suis désolée!" Dis-je avec l'air d'une gamine forcée d'avouer qu'elle à volé des bonbons à l'épicerie du coin.

"Désolée? Pourquoi ça?"

"J’ai un tout petit peu utilisé ton nom pour négocier avec Malatesta."

"C’est pas moi qui vais te reprocher de le faire trembler un peu. Il veut te vendre tout ça?"

"C’est ça, mais je n’ai pas les 200 millions qu’il m'en demande. Alors je… enfin… moi je voulais juste gagner ma vie par moi même pour ne pas être dans tes pattes et je me retrouve à te demander du fric. Mais t’inquiète, on a vu avec les filles, si tu nous aide, tu auras un statut VIP ici, et tu n’auras jamais à payer ici, pour quoi que ce soit."

"Une offre d’autant plus intéressante qu’elle me coutera pas grand chose. Il suffira que je serre un peu la vis pour que cet argent retourne d’où il vient. Et comme personne n’a eu le cran de taper dans la caisse pendant mon absence… Aucun problème pour 200 millions."


Il est prêt à me lâcher 200 millions comme ça? A moi? Je suis sur le derrière. Mais très vite c'est ma joie qui reprend naturellement le dessus.

"Oh, merci!" Je saute au cou de Red sans même m’en rendre compte, renversant table, verres et rhum au passage. "Les filles vont être ravies!" Je m’éloigne un peu du pirate un peu gênée par cette soudaine proximité que j’ai moi-même initiée. "Je tiens à te rembourser, ça prendra le temps qu’il faudra mais je te rendrai ton argent."

Si tu y tiens et que tout se passe comme prévu tes parts de butin devraient largement suffire… et sinon on sera morts.

"Croquons la vie avant l’inverse!" Dis-je avec entrain. "Qu’est ce qui te ferait plaisir ce soir? Une fille? Il paraît que Nathalie est très bien. Ou alors tu veux peut être profiter du spectacle? Je dois pouvoir nous trouver une table au premier rang. Dis moi ce que tu souhaites et je ferai de mon mieux pour te satisfaire. Je suis ton bon génie!"

"Le spectacle ira très bien. Montre moi ce que tu achètes."

J’embarque ce qui reste de rhum et je guide Red jusqu’au cabaret. Une fois arrivés, je demande à la placeuse de nous trouver une bonne table. On nous installe au premier rang. Et le spectacle commence peu après.

"On a du mal à croire que toutes ces filles sont des prostituées." Dis-je à voix basse pour ne pas couvrir la musique. Puis j’enchaîne, sur le ton de l’excuse. "Tout n’est pas parfait mais elles s’améliorent de jour en jour."

"Je ne suis pas très difficile."

"Oh. Mais ça te plaît quand même?"

"Un verre, de la musique, de la compagnie… tout baigne. Et puis j’aime bien te voir t’occuper."

"C’est vrai, ça? Si tu veux, je peux danser aussi."

"Je crois que j’aimerais assez voir ça."

"Oh, je crois que tu vas bien aimer!" Je me lève et j’adresse un grand sourire à Red. "Je te demande juste un peu de patience, le temps que je me prépare."

Je file en coulisses me changer. Pendant ce temps se joue un autre spectacle. Enfin, une hôtesse annonce le changement de programme. On peut entendre les habitués jubiler. Le rideau se lève, je suis seule sur la scène, couverte de rubans en mousseline légère. La musique s’élève doucement. Mais ce n’est pas une mélodie de cabaret. C’est un air du désert joué à la guitare et au violon. J’inspire profondément, et je commence la danse de sept voiles des nomades du désert d’Hinu Town. Je l’ai apprise lors de mon bref séjour là bas. Et je dois être une des rares étrangères à la connaître et à la pratiquer. Il s’agit d’une parade nuptiale où la femme découvre, un voile à la fois, son corps face à son époux. Les mouvements sont doux et sensuels. Jamais vulgaires. Normalement la danseuse finit dans son plus simple appareil. J’ai donc adapté la danse à la présence d’un public. Ainsi, à la fin du quart d’heure de show, c est en sous vêtements que je rejoins mon invité à notre table.

"Alors, tu as trouvé ça comment?"

"J’adore. c’est terriblement suggestif Et tu es sacrément belle et douée. Je crois que si tu faisais mine d’encourager un peu les gens du coin tu pourrais provoquer un vrai bain de sang pour gagner tes faveurs."

Et pour cause. Même moi, je peux sentir la tension et le désir sont montés de plusieurs crans. Les filles vont avoir du boulot ce soir. Je bois un bonne gorgée de rhum. Danser m’a donné chaud et soif. D’un petit geste, j’indique à la serveuse que je souhaite quelque chose de plus frais.

"Oh, mais moi je n’ai pas besoin de tant, tu sais? Je veux juste rendre les gens heureux. Les filles aussi. Leur travail n’est pas facile. Alors je fais ce que je peux pour qu’elles disposent d’un endroit sain et sûr. C’est pas grand chose. Mais elles ont aussi le droit à la dignité." Un grand verre de jus de pomme arrive de mon côté de la table. Je le saisis et je le vide d’un trait. Un "Haaaaaa!" de rafraîchissement plus tard , je reprend, plus grave. "En fait je me reconnais en elle. J’ai aussi été un esclave entre les mains de gens qui tiennent plus du porc que de l’humain."

"Je ne peux pas dire que j’ai déjà vécu ça...Mais je sais ce qu’on peut faire pour calmer les voix dans sa tête. Continuer à se sentir humain. Ça vaut ce que ça vaut mais je pense que ta méthode n’est pas pire. Je bois à tes affaires et à toi Jeska."


"Je vais avoir besoin que tu boives beaucoup. J’ai tendance à louper dans tout ce que j’entreprends."

"Bah. De vieux coriaces comme nous le savent non? On survit et on apprend. Si ça ne marche pas, il suffira de recommencer. Mais très franchement. J’y crois assez."

"J’ai furieusement envie d’y croire, moi aussi." Dis-je dans un sourire.

"Alors buvons à ça."

"Oui, buvons!" Je trinque et je vide mon godet cul-sec.

On boit un verre, deux verres, beaucoup de verres. Normalement, je ne bois pas autant. Je sais que je ne tiens pas l'alcool. Mais, je ne comprends pas encore trop bien pourquoi, mais, avec Red, je suis certaine que je peux me laisser aller. Qu'il n'en profitera pas. Tant st si bien que je finis assez vite complètement saoule. Ce qui n'échappe pas à mon ami, qui me propose alors galamment de m'aider à retourner dans les appartements. Mais force est de constater que j'arrive juste à maintenir les apparence devant les clients et à quitter la pièce seule. Mais une fois à l'abris des regards, c'est Red qui me sert de béquille. Le chemin est long et fastidieux, mais finalement, je finis par me vautrer dans mon lit comme une malapprise et je sombre très vite dans une torpeur éthylique.

Le lendemain, j'accueille Malatesta avec une de ses gueules de bois! Heureusement, l'échange est court. Red a déjà réglé l'Usurier. Me voilà propriétaire d'un cadran d'Armada! Je suis une vraie pirate! Ce n'est pas trop tôt!

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