Les grandes vitres du bureau du Premier Maréchal étaient inondées de rayons de soleil éblouissants. Dehors, les militaires et les fonctionnaires s'affairaient dans l'immense fourmilière que constituait le palais impérial, siège de nombre d'institutions du royaume. Quelques ricanements de satisfaction éclatèrent dans la pièce. Mountbatten était là, avec un sourire discret, mais franc, illuminant son visage d'habitude si imperturbable. Son hôte était plus expressif et commençait même à taper des mains de joie. L'officier était radieux et semblait bouillir d'excitation. Il faut dire que les dernières unes des journaux du pays étaient extraordinairement favorables à leur agenda.
"- Et si avec ça, le Conseil ne cède toujours pas à la pression…
Honnêtement…
Je ne vois pas quoi faire d'autres." Clama-t-il, avant de rire aux éclats.
Les temps avaient été rudes pour la Garde Impériale. Après sa prise de pouvoir, Sekiza avait assemblé une armée privée composée des jeunes ambitieux des Cent Familles. Une caste de nobliaux plus adepte des bals mondains que des combats, plus proche de la réalité des bourgeois que de celle des soldats. Très vite, les militaires avaient appris à haïr leurs collègues, et cela avait mené à une relation plus que houleuse et peu efficace.
Le vent avait, semble-t-il, tourné depuis la période des "troubles". Lorsqu'une équipe d'agents du CP9 fut envoyée sur Terra pour la déstabiliser en assassinant des personnalités clé du régime et de l'armée, seule la Garde Impériale avait répondu présent pour défendre l'île et les sujets de l'Imperiosa. Les Élus, eux, s'étaient retranchés derrière les murs de leurs forteresses, bien à l'abri de toute confrontation avec la réalité impitoyable du terrain.
Les deux compères avaient poussé leur chance en invitant les journaux de l'île à plusieurs interviews, et leur avaient raconté toute l'histoire, peut-être en embellissant un peu trop le rôle de la Garde. La propagande était lancée et la plume des journalistes avait été étonnamment élogieuse. La presse locale était toujours avide de sujets pouvant décrédibiliser un peu plus les Élus, qui s'étaient octroyés des droits illégitimes et avaient dressé une partie considérable des intellectuels de la nation contre eux. L'homme moderne et libéral de ce temps était aux antipodes des aristocrates brandissant leur acte de naissance pour prouver une très théorique supériorité de statut.
"- Le tout, c'est de faire grandir cette opposition entre une Garde Impériale patriote, puissante et loyale, aux Élus prétentieux et déconnectés du monde." Expliqua Mount, assis confortablement dans un fauteuil et accompagnant ses propos avec une gestuelle mesurée.
"- Mais déjà, ce qu'il y a dans ce papier, c'est de la bombe ! Attendez, écoutez ça : 'Alors que le lieutenant-général Mountbatten affrontait dans les ruelles obscures de Delta les ennemis de la patrie, nous pouvons nous demander ce que faisaient nos chers Élus. Cette nuit-là même, une grande réception était organisée à l'hôtel particulier Hazaneva. On raconte que près d'une centaine d'officiers dansaient et chantaient, ivres, au son des violons hors-de-prix. Au menu : langouste, homard et autres fruits de mer, tandis que de l'autre côté de la ville se tramait un combat au sommet dont l'enjeu était la survie de notre île.'. Mais attendez, l'auteur conclut sur une formule excellente ! 'Qu'est-ce que la Garde Impériale ? Tout. Qu’a-t-elle été jusqu’à présent dans la hiérarchie militaire ? Rien. Que demandons-nous ? Qu'elle y devienne quelque chose.'.
- C'est brillant. Ce Hammersmith possède un réel talent pour les pamphlets.
- Oh que oui. Tant que ses mots soutiennent l'institution, nous pouvons nous réjouir."
Flika déposa hâtivement le journal sur son bureau, avant de se relever subitement et de se tourner vers la fenêtre. Il fut presque aveuglé par la lumière, jusqu'à ce que son œil s'habitue au changement soudain. La vue donnait sur des arbres en fleur. Les teintes de rose, de blanc, de vert et de marron conféraient un aspect poétique, presque romantique, au paysage. Le calme apparent était toutefois troublé de temps à autre par du personnel courant ici et là, vaquant à leurs occupations avec dévouement et solennité. Le cœur du Maréchal battait fort. Le moment où la Garde Impériale allait recouvrer sa place était proche. Cela faisait plusieurs années qu'il attendait ça. Il savourait sa victoire avant l'heure, d'une façon quasi enfantine, qui laissait toutefois entrevoir la sincérité de l'homme. Il avait été humilié un nombre incalculable de fois par ces arrogants Élus, alors que lui dédiait sa vie à la défense de sa terre. Il le percevait comme un juste retour des choses. Néanmoins, il s'était fait attendre. Trop attendre.
"- En revanche, j'ai trouvé les articles des Nouvelles de Delta et de Terra News assez timorés. Il faudrait leur en souffler deux mots.
- Ah bon ?
- Je ne sais pas… Leurs articles ne prennent pas assez de place dans le journal. Et puis le ton n'est pas aussi élogieux que sur les autres. Faudrait régler ça.
- C'est noté. Je transmettrai.
- Parfait."
Le Fantôme se redressa, ajusta sa tenue et marcha un petit peu dans la pièce. La température était convenable, quoi qu'il suât légèrement dans son uniforme. Il était moins enthousiaste que son homologue. Rien n'était joué d'avance, même si leur stratégie allait vraisemblablement avancer les intérêts de l'armée. Il marcha jusqu'à la fenêtre et posa son regard sur l'extérieur. Un bref sourire anima son visage. Il était enfin rentré dans le grand jeu de Terra. Et puis il apercevait la lumière au bout du tunnel. Il avait bon espoir de faire basculer l'Imperiosa dans le camp de Kiyori, et ainsi honorer le contrat qu'il avait conclu avec un mystérieux émissaire de Ravrak. Le Marijoan entrevoyait sa liberté, mais il savait que le chemin serait forcément semé d'embûches.
"- Et si avec ça, le Conseil ne cède toujours pas à la pression…
Honnêtement…
Je ne vois pas quoi faire d'autres." Clama-t-il, avant de rire aux éclats.
Les temps avaient été rudes pour la Garde Impériale. Après sa prise de pouvoir, Sekiza avait assemblé une armée privée composée des jeunes ambitieux des Cent Familles. Une caste de nobliaux plus adepte des bals mondains que des combats, plus proche de la réalité des bourgeois que de celle des soldats. Très vite, les militaires avaient appris à haïr leurs collègues, et cela avait mené à une relation plus que houleuse et peu efficace.
Le vent avait, semble-t-il, tourné depuis la période des "troubles". Lorsqu'une équipe d'agents du CP9 fut envoyée sur Terra pour la déstabiliser en assassinant des personnalités clé du régime et de l'armée, seule la Garde Impériale avait répondu présent pour défendre l'île et les sujets de l'Imperiosa. Les Élus, eux, s'étaient retranchés derrière les murs de leurs forteresses, bien à l'abri de toute confrontation avec la réalité impitoyable du terrain.
Les deux compères avaient poussé leur chance en invitant les journaux de l'île à plusieurs interviews, et leur avaient raconté toute l'histoire, peut-être en embellissant un peu trop le rôle de la Garde. La propagande était lancée et la plume des journalistes avait été étonnamment élogieuse. La presse locale était toujours avide de sujets pouvant décrédibiliser un peu plus les Élus, qui s'étaient octroyés des droits illégitimes et avaient dressé une partie considérable des intellectuels de la nation contre eux. L'homme moderne et libéral de ce temps était aux antipodes des aristocrates brandissant leur acte de naissance pour prouver une très théorique supériorité de statut.
"- Le tout, c'est de faire grandir cette opposition entre une Garde Impériale patriote, puissante et loyale, aux Élus prétentieux et déconnectés du monde." Expliqua Mount, assis confortablement dans un fauteuil et accompagnant ses propos avec une gestuelle mesurée.
"- Mais déjà, ce qu'il y a dans ce papier, c'est de la bombe ! Attendez, écoutez ça : 'Alors que le lieutenant-général Mountbatten affrontait dans les ruelles obscures de Delta les ennemis de la patrie, nous pouvons nous demander ce que faisaient nos chers Élus. Cette nuit-là même, une grande réception était organisée à l'hôtel particulier Hazaneva. On raconte que près d'une centaine d'officiers dansaient et chantaient, ivres, au son des violons hors-de-prix. Au menu : langouste, homard et autres fruits de mer, tandis que de l'autre côté de la ville se tramait un combat au sommet dont l'enjeu était la survie de notre île.'. Mais attendez, l'auteur conclut sur une formule excellente ! 'Qu'est-ce que la Garde Impériale ? Tout. Qu’a-t-elle été jusqu’à présent dans la hiérarchie militaire ? Rien. Que demandons-nous ? Qu'elle y devienne quelque chose.'.
- C'est brillant. Ce Hammersmith possède un réel talent pour les pamphlets.
- Oh que oui. Tant que ses mots soutiennent l'institution, nous pouvons nous réjouir."
Flika déposa hâtivement le journal sur son bureau, avant de se relever subitement et de se tourner vers la fenêtre. Il fut presque aveuglé par la lumière, jusqu'à ce que son œil s'habitue au changement soudain. La vue donnait sur des arbres en fleur. Les teintes de rose, de blanc, de vert et de marron conféraient un aspect poétique, presque romantique, au paysage. Le calme apparent était toutefois troublé de temps à autre par du personnel courant ici et là, vaquant à leurs occupations avec dévouement et solennité. Le cœur du Maréchal battait fort. Le moment où la Garde Impériale allait recouvrer sa place était proche. Cela faisait plusieurs années qu'il attendait ça. Il savourait sa victoire avant l'heure, d'une façon quasi enfantine, qui laissait toutefois entrevoir la sincérité de l'homme. Il avait été humilié un nombre incalculable de fois par ces arrogants Élus, alors que lui dédiait sa vie à la défense de sa terre. Il le percevait comme un juste retour des choses. Néanmoins, il s'était fait attendre. Trop attendre.
"- En revanche, j'ai trouvé les articles des Nouvelles de Delta et de Terra News assez timorés. Il faudrait leur en souffler deux mots.
- Ah bon ?
- Je ne sais pas… Leurs articles ne prennent pas assez de place dans le journal. Et puis le ton n'est pas aussi élogieux que sur les autres. Faudrait régler ça.
- C'est noté. Je transmettrai.
- Parfait."
Le Fantôme se redressa, ajusta sa tenue et marcha un petit peu dans la pièce. La température était convenable, quoi qu'il suât légèrement dans son uniforme. Il était moins enthousiaste que son homologue. Rien n'était joué d'avance, même si leur stratégie allait vraisemblablement avancer les intérêts de l'armée. Il marcha jusqu'à la fenêtre et posa son regard sur l'extérieur. Un bref sourire anima son visage. Il était enfin rentré dans le grand jeu de Terra. Et puis il apercevait la lumière au bout du tunnel. Il avait bon espoir de faire basculer l'Imperiosa dans le camp de Kiyori, et ainsi honorer le contrat qu'il avait conclu avec un mystérieux émissaire de Ravrak. Le Marijoan entrevoyait sa liberté, mais il savait que le chemin serait forcément semé d'embûches.