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[Sinister Song] Où la caillasse prend la flotte


Ah, Saint Urea. Une antiquité qui sentait la poussière et les dessous de table, à ne pas confondre à ceux de la noblesse. Les uns étaient poisseux et malsains et les autres … bah.

- Agent Sinister, votre mission si vous l’acceptez …


Et ça commençait toujours comme ça. Un petit briefing, un largage en bateau et une liste de consignes. Faites pas ci, faites pas ça. Attention, le Gouvernement niera vous avoir envoyé sur place, et blablabla. Les missions incognitos, comme toujours, étaient bien plus chiantes car on partait toujours d’un embryon de piste, plutôt qu’une vraie descente musclée dans les bars et les bordels. Enfin, j’y ramenais toujours du muscle là-bas, et j’avais plutôt tendance à y rester quand j’y descendais … Mais cette fois ça flairait le gros poisson. Le gros poissons tellement gros qu’il était supposé éteint à la préhistoire et après avoir soulevé quelques vieux cahiers, ce bon vieux Clifton avait fait remonter un rapport datant de 30 ans. De quoi renforcer des relations déjà cordiales, de quoi trouver un asset bien intéressant pour récupérer la main sur un jeu perdu il y avait quelques années. Et qui disait important, disait Jack. Alors si je comprenais très bien pourquoi on m’y avait envoyé …

- Répète-moi encore ce que tu fais là, Song ? Parce que je comprends pas pourquoi on a besoin d’être deux ici.

Ben oui, c’était évident : j’avais pas envie d’un chaperon, qui râlerait dès qu’on irait passer du bon temps dans les dessous de Saint Urea. Rah là là, il comprenait pas que pour se mêler à la fange, il fallait apprendre à parler et vivre comme eux. Avec sa posture là, il sentait tellement l’arnaque à plein nez le Cheh, que je le prendrai pour un agent avant même qu’il se présente. Peut-être parce que je le savais déjà, et que je lui devais une quantité astronomique de berries, certes, mais j’étais rarement sujet aux jugements de valeur. Non, non. Ce serait mal me connaître.

- Bon, je te propose d’aller enquêter là où on aura le plus d’infos : sur le port, je prends les bars et tu prends les étals de pêche ? Allez, tiens-toi prêt. On arrive, j’entends la passerelle qui descend.

Le bateau s’était stabilisé, le cri des mouettes avait empli les cieux depuis un moment, tandis que les cris des dockers fusaient çà et là. Je passai près d’un mousse que j’avais quelque peu arnaqué durant la traversée et lui filait une pièce pour lui tirer un sourire cabochard. Le capitaine nous adressa un signe de tête, comme à tous les autres voyageurs du transporteur. On se noyait dans la masse, en temps normal, mais Song avait insisté pour avoir une cabine tout confort. De l’argent gâché, on voyait bien qui était né avec une cuillère en argent dans le bec. Bon, maintenant qu’on avait été largué en bateau, les consignes arriveraient bientôt. Je me fis une place dans cette cité d’un pas conquérant, mon baluchon sur le dos. On avait un hôtel qui servait de plaque tournante des agents dans le coin. Autant ne pas y aller, surtout vu la mission qui nous attendait. J’avais compris qu’on était en chasse d’un traître, et qu’on devrait le faire couiner.

- Tu connais le coin ? Y’a un bail que je suis pas venu ici, faudrait qu’on trouve un coin où crécher aussi, pas tellement envie d’aller là où on nous a dit d’aller. C’est … hum … léger si on veut filer un ancien. Ah attends, j’ai le machin qui s’agite.

Quelques mètres, une ruelle un peu plus éloignée et quelques épaules enfoncées et nous pûmes enfin nous isoler. Recevoir quelques bribes d’info. Ah, voilà ce foutu denden.

- Agents Sinister et Cheh. Bienvenue à Saint Urea, je suis numéro 4, votre contact. Les documents concernant votre cible vous attendent au point de rendez-vous alpha 8. Le code a changé mardi dernier, avez-vous les clefs ?
- Ouais ouais, merci numéro 8. Rendez-vous au point alpha 4 alors. Salut.

*clic*

- Heu, Song, t’as les clefs ? Je crois que je les ai oubliées dans mon ancien imper …
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On se demandait pourquoi on avait choisit Sinister pour cette mission. Enfin, tout le monde sauf lui apparemment. Toujours engoncé dans son costume d'écrivain à deux berrys, il baragouinait des élucubrations dans son coin, à voix basse, comme si personne ne pouvait l'entendre. Il se prenait pour une voix off... Et dire que c'était de lui même que c'était proposé Cheh pour cette mission. Et dire que cette loque humaine, accro aux jeux, à l'alcool et aux femmes, était son plus proche collaborateur ... C'était du jolie. Summum du bon goût, on leur loua une cabine ridicule dans un navire marchand en direction de la sainte Uréa. Elle et son derrière en dépotoir, ses cajoleries pleines d'une grandeur décatie. Elle et ses religions multiples, ses nobles à la grandeur dépassée.

N'écoutant que son courage, il loua la cabine du capitaine, et s'installa avec ses effets dans la pièce la plus cossue du navire. Une garde robe à en faire pâlir un nobliau dans le besoin, des onguents, des crèmes de jours, bref, toute la panoplie d'un bon gentleman se trouvait dans la caisse qui ne le quittait jamais. Mais également des clefs, des kits de crochetage, des lames, des piques, des pointes. Des instrument pointus, d'autre tordus, et souvent du poison dont il enduisait ses dagues pour laisser des souvenirs marquant à ses futurs adversaires. Bref, la panoplie du bon espion se trouvait dans un double fond savamment étudié de la malle aux malices. Comme l'appelait son bougre de partenaire.

D'ailleurs, ou était-il passé encore ? Cheh se porta à sa hauteur, le sentant dans ses réflexions, et ne désirant pas le perturber plus qu'il n'était déjà dérangé, il se tût. Jusqu'à ce que l'autre l'alpague. Il n'avait pas encore comprit que Song, était là pour rattraper ses conneries. Comme d'habitude. Cette mission était trop délicate pour que l'on envoi un élément aussi versatile que Jack. En tout les cas, pas seul.

Et bien que tout le reste du bureaux soit en RTT, Cheh se trouvait poissard par nature, et recherchait même les ennuis. C'était grâce à eux que l'on devenait vraiment quelqu'un. Sans eux, on ne pouvait qu'être ordinaire ... Je te sers de garde fou, mon gars. Tu vas pas nous foutre le même bordel à Saint Urea qu'au Grey Terminal, j'espère ? Lui disait-il avec un regard venimeux, presque mordant. Habillé d'une veste noire croisé couture blanches en soie sauvage, et d'un pantalon cigarette doublé de solides bottes en cuir, le jeune homme se servait de sa couverture pour faire des frais astronomique, et envoyer la facture à Khalil, son oncle.

En plus de cela le salaire d'Agent n'était pas dégeu, raison de plus pour supporter cette tronche de gland. A sa question, Cheh lui mit sous le nez en l'agitant la brochure qui expliquait tout sur Saint Uréa, en long et large, qu'on leur avait fournit pour la "réussite" de la mission. Pas plus que toi, mais au moins j'ai fais mes devoirs ... Qu'il lâcha, un peu acerbe, un peu taquin. Mi figue mi raisin quoi. Ignoré complétement, la réflexion termina dans l'air que brassa Sinister en répondant à son escargophone.

La mission commençait réellement.

- Oui, j'ai ses satanés paire de clefs ... Il faut juste fouiller dans le double fond. Désigna-t-il la mallette de voyage qui le suivait toujours de partout. Une petite caisette avec des poignées pour la porter, et dans lequel il centralisait toutes ses affaires. Ne jetant pas un regard en arrière, Cheh se dirigea avec la carte fournie dans le fascicule, jusqu'au quartier dans lequel les attendait la planque, et les infos.

- Et pour te répondre, on fait profil bas cette fois, on descend pas dans les grands hotels, on se fait pas la tournée des grand duc, c'est comprit ? On se planque et on la joue discret. Lâcha-t-il dans un ton condescendant. Après tout, il le connaissait bien son Sinister. S'il avait l'occasion de lambiner, il le ferait.

Et les honneurs de la mission lui serait attribué. Alors un peu de psychologie inversée ferait pas de mal à son côté plouc.


    ‘tain, toujours là pour casser les … Sérieux, impeccable : il avait tout de la personne chiante Song. Il avait dû être administrateur dans une autre vie, c’est pas croyable. Tout mon opposé, fringuant, superbe et magnifique. Enfin bon, on faisait avec ce que le monde nous donnait et la vie était une … et bien, une chienne. Tiens, bizarre ça, j’ai comme l’impression de vous l’avoir déjà dit. D’ailleurs, ça vous le fait pas, de temps en temps, de trouver des mots bizarres ? Regardez, bol. Booool. Amphibole ? C’était clair. Tout ça était très amphibole. Ah ah.

    Ahem.

    - Nan nan Cheh, j’parle de la clef de décryptage pour le message. Roh là là, t’es vraiment nul, qu’est-ce que tu ferais si j’étais pas là, hein ? T’inquiète, je t’apprendrai. Bon, du coup, t’as dit quoi ? Profil bas ? P’tain, maiiiis … t’es chiant : on doit trouver un agent, tu sais ce qu’ils font les agents ? Ils jouent au poker, et ouais. Alors, tu seras … hm … mon valet, et moi je serais le célèbre Jack Sinister, écrivain et romancier. Séducteur, ténébreux et … hmmm … avec un mystérieux et sombre passé.

    Une main dans les cheveux, un peu de gomme pour lisser ma crinière rou … blonde, et un poil ébouriffé voilà. Le truc d’un grand artiste.

    - Pas question d’aller au Continental. Si notre mec suit l’actualité et a réussi à se cacher aussi longtemps, c’est qu’il doit connaître les diverses planques. Vaut mieux chercher des mecs qui cherchent si tu m’suis ? Hé hé, bien sûr que non. Attends, hum, comment dire ça à un abruti ? Ah. On pourchasse un mec qui est au moins à moitié aussi doué que moi. Du coup, il doit surveiller les anciennes planques, et avoir des yeux partout. Si on suit les pistes des administrateurs – j’ai rien contre les administrateurs tu sais, je sais que tu veux faire ça un jour – on risque de se faire repérer, tu vois ? Alors on va prendre une planque pas loin, et surveiller les gens qui surveillent t’vois ? Enfin, toi tu fais ça et moi j’vais jouer au Poker. Ou on le fait plus tard … ouais, on le fait plus tard : tu trouves pas ça suspect toi, si un mec vient surveiller une planque dès qu’il arrive en ville ? Ouais, un jour ou deux … ou dix. C’est pour la mission, oui oui.

    Voilà un bon plan, qu’il était con ce Song, se planquer ? La jouer discret ? C’était surtout pas ce qu’il fallait faire.

    - Et puis comme ça, on trouvera bien une table avec des malfrats, mille berries sur le fait qu’il est devenu chef d’une mafia notre agent Caillasse. AH ! Oui, voilà, je me souviens qui on chasse. Du coup, tu connais un grand hôtel ? Tu dois bien avoir un million de berries dans ta mallette ? Tu veux bien me les passer que je les mise au poker ? Allez, sois pas radin : c’est pour la mission.

    Il y avait toujours des filles habillées en longues robes noires moulantes à ces tables en plus … le Jack-pot. Enfin, ne restait plus qu’à trouver une table, et des joueurs … et des cartes … et un million de berries. Pfou, ça s’annonçait épuisant cette histoire …

    - Au fait, tu sais jouer au Poker toi ? C’est quoi le plus fort, un as ou un valet ?

    Oh oh, t’aurais vu sa tête. Evidemment que l’As c’était le plus fort, car l’As c’était moi … et le valet : c’était lui !
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    Song s'arrêta en plein milieu de la rue. Les élucubrations de ce type le mettait en rogne. Toujours le mot pour rire, le verbe haut, le jeu de mot bien placé. C'était consternant, énervant, mais étonnamment bien placé.

    - Evidemment que l'on parle des clefs de cryptage, je les ai quelques part... Fit-il en tapotant sur sa malle de transport. Aide moi un peu, ce truc pèse une tonne et je te rappelle qu'il y'a aussi tes effets à l'intérieur ... Lâcha-t-il enfin, trainant la malle derrière lui comme on trainerait un macchabée. Trainant sur les pierres qui composaient la route vers l'un des hôtels du grand centre, Cheh allait dans le sens du vent, comme toujours. Bien qu'il soit un triple idiot finit à la pisse, un roturier aux idées folles, Jack n'avait pas tords. Il fallait qu'ils sortent des sentiers battues s'ils voulaient réussir cette mission. On n'échappait pas à la surveillance de tout un pays, ni à l'agence, en étant quelqu'un de peu prévoyant, ni d'observateur.

    Il devait avoir un réseau, des complices, des informations en pagaille. Ils se devaient donc de se faire passer pour un duo bien plus différent que ce qu'ils n'étaient. Le roturier ecrivain, célèbre pour ses feuillets d'espionnage, et ... Non, pas son valet. Mais son éditeur. Oui, voilà. Cela irait très bien.

    - Et rêve toujours pour que l'on me fasse passer pour ton valet. Je serai ton mécène et éditeur, comme nous l'avions convenu de prime abords. Lâcha-t-il, raide comme un piquet. Je te rappelle qu'il ne faudra pas longtemps à notre cible pour se rendre compte que je suis un noble, cela ne collerait pas vraiment à l'image que je donne. Fit-il en désignant de la main ses effets, ses nobles costumes et son port altier.

    - Fais donc ce qui t'amuses, mais ne compte pas sur mes ressources pour aller t'amuser, piller une taverne et fréquenter les bordels. On a un salaire, je te rappelle. Disait-il sans se retourner vers celui qui tenait l'autre bout de la malle, s'arrêtant à une intersection, il sortit le plan de sa poche intérieur, et suivit la route jusqu'au GHU. Grant Hotel Uréa. Une chaîne d'hôtel ou il avait un compte client directement débité sur celui de la famille.

    Il se présenta  à l'accueil: Song Cheh, il me faudrait une suite double. Fit-il laconiquement à l'agent de comptoir. Qui consulta ses registres avant de blanchir, se rendant compte de qu'il avait en face de lui. Un nanti de la pire espèce, connu pour ses exigences extravagante, et sa raideur administrative. On racontait dans les couloirs des Grant Hôtels, qu'il était le client le plus pointilleux qui leur avait été donné de voir, le plus alcoolisé aussi.

    Et c'était sûr qu'avec Jack collé à ses basques, entrain de s'extasier sur les boiseries clinquantes, et les dorures étincelantes, sa réputation n'allait faire que grandir encore. C'est pour moi, et mon ami. Son nom ? Sinister, écrivain célèbre des romans éponymes Nous sommes là pour la sortie de son dernier chef d'œuvre. Evidemment il mentait. Et il mentait bien.

    On leur remit une clef, et on leur donna le numéro de chambre : 666. Et bien, cela annonçait une mission de toute les diables.

      On a un salaire, on a un salaire. Ouais ouais, parle pour toi. Dur de tenir les fins de mois avec si peu. Et s’il était son mécène, il pouvait allonger la monnaie, sérieusement … Et un noble ? Vraiment ? Ah, elle était bien bonne celle-là. Il avais pas lu les petites lettres en bas du contrat quand il s’était engagé ? Vous n’avez plus de famille, plus de privilèges : vous appartenez au gouvernement. C’était pas clair ça ? Rah là là, il savait pas lire en plus …

      - L’image que tu te donnes, c’est ça le problème : faut pas viser trop haut quand on débute.

      Oh, c’était gratuit, ouais, mais drôle non ?

      - Qui te dis que je voulais aller aux bordels ? J’ai horreur des crabes.

      Quant à l’hôtel où le Cheh l’emmena, il fallait dire que ça déconnait pas. Tiens, maintenant que j’y pensais, d’habitude il rechignait beaucoup plus quand je disais des choses qu’il voulait pas faire ? Mais là, là il avait accepté tout de suite. Et il avait un compte perso en plus ? Roh, mais merde quoi ! C’était quoi ces avantages en nature ? Devait avoir les genoux bien usés ce Song, bien usés j’te dis … Quoi qu’il en soit, les cuillères en argent traînaient un peu trop ici, et les dorures étaient bien trop étincelantes pour être vraies. J’étais pas né de la dernière pluie et savait quand j’avais affaire à de l’apparat et à du vrai bling-bling. J’étais plutôt de ces artistes sobres et efficaces. Grand, beaux et mystérieux, je vous l’ai déjà dit non ? Oh, et modeste.

      Le p’tit avait eu raison de donner mon nom, pour sûr, mais fallait-il vraiment déclencher les furies en donnant mon vrai nom ici ? Une foule de groupies qui … ah ben non … le gusse, emanaché jusqu’au trognon, nous nasilla quelques mots avant de nous indiquer les escaliers. Et heu … c’était tout ? Sinister, rien pour toi ? Que dalle ?

      - T’inquiète, t’aura ton autographe aussi, j’ai remarqué à quel point tu étais appliqué dans ton travail. Lui fis-je avec un petit clin d’œil de celui qui savait : le réceptionniste faisait admirablement bien semblant de s’en foutre.

      Nous arrivâmes donc dans une piaule molletonnée, avec des tapis aux murs et des tableaux au plafond. Le genre de chose que seuls ceux qui avaient du fric à gâcher utilisaient. J’en profitai pour m’affaler sur le plus grand des lits et retirer mes chaussures. Je vidai aussi mon imper, puis les multiples lames dissimulées çà et là. Je désamorçais les armatures de mes grolles, sorti les dagues dissimulées et continuai ainsi pour me défaire d’un nombre important d’armes en tout genre. Puis mes clopes, mon zippo et tout le tutti quanti. Ma chemise amidonnée s’ouvrit pour révéler un corps musculeux et forgé dans les flammes des enfers. Couturé, abîmé. De quoi ôter les quelques billets que j’avais planqué là lors de ma traversée et lorsque j’avais rossé aux jeux les marins. Je refermai vite fait ma chemise, il était pas encore l’heure de faire changer Song de bord. Il était temps de vérifier mes armes, aiguiser et huiler ce qui avait besoin de l’être. Puis de se griller une clope.

      - Hm, lui fis-je tout en laçant mes chaussures et tirant sur ma cigarette, Song ? Au fait, t’as remarqué le gars qui nous suivait tout à l’heure, avant de sortir dehors et utiliser son denden ?
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      Dans les couloirs, montaient une musique depuis des Audiodial de qualité première, un opéra des plus ronronnant qui fit du bien aux oreilles du nanti, qui se permit même de pianoter quelques notes avec ses doigts à la fin de la partition. Il connaissait cet air par cœur, son éducation l'avait mit à l'abris de ce genre de déboires, et son argent de la plupart des tracas du quotidien. Jack avait raison, normalement, l'on perdait son identité au service du Gouvernement Mondial. Ses privilèges aussi. Pour la plupart des roturiers et du commun, c'était le cas. Mais il était infiniment plus précieux en tant que noble de Pétales, qu'en tant qu'agent de terrain. Il avait de la valeur, et des attributions particulières.

      La suite était rondelette, mais en valait tout l'argent qu'il déboursait. Les tapis somptueux, les lits molletonné, les petits chocolats qui attendaient sur la table de chevet. L'on avait même prit soin de déposer une lettre sur le rebords du lit, pour leur souhaiter la bienvenue. Attendez, une lettre ? Par quelle diablerie ? Ils n'avaient pas réservé, mais exigé au dernier moment l'une des piaules les plus chères du crue. Même s'il savait l'efficacité du Grant Hotel, il savait que cela était impossible.

      Il déposa sa malle au pied du plus petit lit -qui faisait un bon cent quarante centimètres par cent soixante déjà, et attrapa la lettre.

      - Tu crois que ça avoir avec cette lettre qui dit "N'essayez même pas de me retrouver, les crétinus" ? Qu'on vient juste de nous déposer il y'a quelques instants je suppose. Cela avait-il avoir avec l'homme d'âge mûr qu'ils avaient croisé dans le couloir, tout de noir vêtu. Erf, ils étaient tout deux tellement embarqués dans leur rivalité, qu'ils en avaient oublié l'essentiel.

      Il fit jouer le double fond de sa malle, récupéra les armes et les ustensiles nécessaire à sa mission, et se redressa de manière adroite. Tout était calculé, millimétré. Il lui dit alors : J'te laisse te charger de l'anonyme au den den, je vais aller chercher les infos sur notre cible. On se retrouve ici, dans une heure précise, ça te vas ? Fit-il avant de disparaître dans le couloir, l'air hautain et toujours aussi roide.

      Bon dieu, sa vigilance émoussé, ne dites pas que c'était un hasard ? A chaque fois qu'il se laissait distraire par les pitreries de Sinister, cela tournait mal. Il devait rester concentrer, calme comme un lac, et surtout, efficace comme une lame de premier rang. Comme d'habitude, quoi. Il prit la carte qui découpait Saint Uréa en case avec des chiffres et des lettres, et retrouva le point Alpha 8 en quelques instants. Il chaussa ses lunettes de soleil, prit un air décontracté, et usa de sa cane pour repousser les roturiers qui restait sur sa route, en donnant des noms d'oiseaux à tous.

      Même s'ils étaient repérés, il se devait de donner le change au monde ; Song Cheh était un intraitable connard, un richissime enfoiré, le pire de tout les nantis. Et rien de ce qu'il était ne ressemblait à un agent secret du Gouvernement Mondial.

        Possible, possible. Il y avait peu de chances pour qu’on ait déposé tous les jours des lettres comme ça, dans chaque suite et dans chaque hôtel. Réfléchis, Song, réfléchis ! Ah bon sang, c’était à moi de tout faire ici. Mieux valait alors s’occuper du type le plus dangereux du lot, plutôt que laisser Song foirer sa mission.

        - Ouais, vaut mieux que je m’occupe des affaires sensibles. Il va certainement me mener à une salle de Poker : t’es sûr que t’as pas un million sur toi ? T’es pas vraiment organisé dis moi … enfin bref, va prendre une menthe à l’eau pendant que les vrais font le job. Hé hé, j’ai hâte de tester un truc … On a le droit de faire des trous ou pas ? Par contre, si on nous a effectivement repéré, ça craint : on est ici incognito, faudrait pas que la Dame de Pierre l’apprenne …. Grommelai-je, rappelant à Song les enjeux de la mission : il fallait bien que quelqu’un le fasse.

        Enfin bref, je déposai mes billets sous le matelas avant de m’emparer du nécessaire dans mon baluchon. Quelques brouillons, de quoi écrire et une paire de lunettes de soleil. Et mes gants noirs. On ne savait jamais à quel moment il faudrait dégainer l’artillerie lourde. Rah là là. J’avais pas envie de devoir me tailler une route sur les corps inanimés, un truc à base d’écraser ses ennemis, de les voir mourir devant soi et entendre les lamentations de leurs femmes.

        Lorsque j’entrepris de descendre à l’accueil, évidemment, le gars que j’avais observé du coin de l’œil n’était plus là. Cela devait bien faire une vingtaine de minutes que nous étions remontés et il avait dû avoir le temps de prévenir son chef que nous étions là. Ce qui signifiait qu’il n’était pas loin de revenir poursuivre son espionnage, afin de vérifier – je l’espérais – que nous étions bien des espions. S’il avait déjà ces infos, bah, on avait des crabes dans nos rangs. Et je détestais les crabes.

        Et … bingo, à peine j’eu le temps de franchir les portes qu’une ombre me fila le train. Il fallait s’éloigner un peu, provoquer la distance, jouer les notes et le type qui se baladait comme un bon sire dans le coin. Plaider l’écrivain à fond, ce que je savais faire bien entendu. J’avais piqué une liasse de berries à Song, et je savais quoi en faire. Se rendre dans un bouge, le genre de café littéraire qui ne servait pas les poètes. Je trouvai rapidement mon plaisir, au nom éponyme de l’Antagoniste. Ça sonnait bien pour un début, pour démarrer mon enquête. Maintenant que j’étais débarrassé de Song, j’allais enfin pouvoir mener les choses à bien. Au pire, s’il se faisait épingler par la Dame de Pierre, ce serait tant pis pour lui. L’incident diplomatique serait pour sa pomme, j’avais jamais demandé à faire la mission accompagné moi …

        - Hé, patron, sers-moi donc une pinte. M’en fous, la moins chère. C’est quoi ça une IPA ? ‘tain, encore un truc de révo ? Allez vas-y, envoie. On va voir ce que vous faites comme bière quand vous avez du temps à perdre.

        Ah, et le voilà qui entre. Un petit bonhomme qui payait pas de mine, avec sa calvitie et son air de bonhommie joyeuse. Un costume taillé sur mesure, mais un peu petit : il s’était laissé aller récemment. Sa moustache fine encadrait une bouche bien dessinée, une bouche de crabe. Des yeux noirs, et globuleux débordaient de ses cernes. Il les riva sur moi, ne sachant où aller dans la salle. Pas beaucoup de place, sinon une pas loin de moi. Hé. Il avança, prudemment, alors je lui fis glisser un tabouret.

        - Allez, mon mignon, assied-toi. Je t’ai commandé une IPA. Paraît que c’est un truc de révo. Patron, ton meilleur rhum pour moi. T’inquiète pour l’addition, c’est papa qui régale. Alors, Jeanclauduss, pourquoi tu me suis ? Tt, tt. Essaie pas de t’enfuir, mon pote est posté dehors et il t’attend pour te tuer.

        Hé hé, comme si Song était capable de ça.

        - Quoi ? Parle plus fort. J’entends pas. Tu dis … que tu sais pas de quoi je parle ? Bon sang, Jeanclauduss, si tu voulais un autographe, fallait t’y prendre autrement. Alors, p’tite catin, dis moi pour qui tu travailles ? Oh, la Lady de Pierre ? C’est pour ça le message ? Comment ça, quel message ? Mais c’est un vrai nid d’espions ici ! Y’en a un au mètre-Caire, ah ah. Non, évidemment que tu comprends pas, c’est juste un mur à briser.

        Une p’tite clope, un peu de nicotine, et nous revoilà. La Dame de Pierre, et merde. Foutu Song, il s’était encore fait gauler. Et si le gars repartait, il irait la prévenir en vitesse. Si je l’éliminais, pareil … Merde, foutue diplomatie.

        - Ecoute, mon pote. J’ai pas envie d’avoir d’ennuis avec ta chef, pas plus que j’ai envie que le Gouvernement soit au courant de ce qu’on fait ici, tu vois ? Depuis que les cinq étoiles ont lancé leur purge, on a répliqué et on a des affaires à régler ici. Alors tu diras à ta chef qu’on lui veut pas de mal, et qu’on a des affaires à régler qui éclabousseront pas sur elle. Ok ? Non, mais j’ai l’air d’un agent du gouvernement ?

        Petit con va, comment ça ‘non clairement pas’ ? J’ai pas la dégaine, le panache ? La classe à la marijoienne ? Un p’tit trou dans ta gueule, et on verra comment j’ai pas l’air d’un pol ! Ok, ok, je m’emporte … Ahem. Sourire, sourire.

        - Tu vois. Ces connards des pols chieraient des balais s’ils le pouvaient. Ouais, comme mon pote, mais lui c’est un richard, il m’arrose pour que je puisse éditer mes livres. Si si, c’est vrai ça. Oh non, il pourrait pas faire de mal à une mouche tu sais. Même s’il le voulait : il est incroyablement faible, son seul atout c’est la thune. Bon, Jeanclauduss, dis moi, je suis à la recherche d’un gars qui pourrait m’aider à niquer les pols, tu dois connaître ça avec ta chef ? Foi de révo, ouais. Regarde : je t’ai offert une IPA, c’est bien une preuve. Je sais pas ce que ça veut dire non, est-ce important ? Alors, je suis à la recherche d’un gars qui serait arrivé là y’a trente ans, et qui aurait infiltré votre superbe ville avant de tourner casaque. Depuis, il vend des secrets des pols, et j’ai besoin d’en choper pour aller leur foutre un coup d’pied au cul. Si si, c’est le grand Ragnar lui-même qui m’a embauché : j’suis juste un prête nom tu vois ? J’ai b’soin de thunes pour mes livres … ça paye pas le métier d’artiste. Et comme les pols me connaissent pas, tu vois … ben bingo. En plus, ça me permet de trouver une superbe aventure à raconter. Hé, en plus je peux t’offrir un rôle dans mon bouquin s’tu veux ? T’inquiète, j’te ferai pas passer pour un con qui se fait avoir par une histoire à deux balles. Non, un vrai dur, avec des cicatrices. C’est quoi ton nom ? Michel Dupont ? Bordel. Non, Jeanclauduss ça t’ira mieux. Regarde, ça c’est mon premier bouquin, Sinister 1 : La paire de tenailles. Bon, c’est pas encore édité, mais j’t’assure que ça vaut le coup. J’me fais torturer par un révo et je m’en sors. Ouais, ça permet de faire penser aux autres que je bosse pas pour la révo, malin hein ? Ben ouais, ce serait trop évident sinon. Donc, du coup, un gars taillé comme un cul, y’a trente ans ? Qui serait arrivé et aurait petit à petit pris place dans la cité ? Genre, réseau parallèle, recel et abus de bien sociaux ? Ça correspond aux trois quarts des puissants ici ? Fait chier. Et si je te dis, réseau d’arts ? Trafic et recel d’œuvres en tout genre ?

        Hé hé, dire que Song pensait que j’avais pas écouté le briefing … Quand même : entre artistes on se comprenait, et se faire piller son œuvre, je connaissais ça. Combien de romans inspirés de mes aventures avaient été publiés sans mon accord ?

        - Ah, là ça coche quelque chose. Il y aurait bien des trucs louches à l’école d’art ? Ta patronne ferme les yeux c’est ça ? On dirait presque que ça pourrait me renseigner. Mais t’es super utile en fait, un dirait un procédé narratif flemmard tellement tu m’aides. Non, tu sais, c’est souvent utilisé pour déverrouiller une situation inextricable et arriver rapidement à une solution, ou passer au chapitre suivant. Histoire d’avoir enfin un peu d’action. Et si tu me montrais ? Bien sûr que tu dois appeler ta chef avant, écoute. Vas-y et on se rejoint dehors ?

        Petit con va, tu crois que j’ai pas vu la sueur qui perlait sur ton front ? Hé merci patron, voici les berries. Hop, un cul sec pour finir ce rhum dégueulasse. Et voilà Michel qui sort dans la rue. Il regarde derrière lui, et hop un p’tit soru et je suis sur les toits. Personne m’a vu, je suis les ténèbres en personne. Là, il s’éloigne, dans une ruelle, sors son denden … Hm. Moment d’agir.

        - J’ai rencontré l’un des deux hommes à surveiller, l’un d’eux est … heu … très étrange. Il m’a payé à boire et laissé repartir. Et il m’a raconté tout un tas de choses. Vous pensez sincèrement qu’un agent serait aussi crétin ? Peut-être que l’autre est vraiment un agent, mais celui-là clairement pas. Il m’a demandé des infos sur Bolton Baltimer … c’est bizarre, il chercherait quelqu’un là-bas. Ecoutez, je vais aller enquêter, mais ça serait bien d’avoir une rallonge pour euh … prime de risque ? Non. Bon d’accord … Du coup, j’ai perdu la trace de l’autre. Vous voulez que j’aille enquêter à l’école d’art ? Soit … c’est vrai que Baltimer a sacrément tendance a … Oui, pardon, vous me payez pas pour penser. Bon, vous transmettrez mes salutations à la Dame, hein ? Vous lui direz que c’est moi …

        *Clic*

        Oh, la violence du mépris. Dommage pour toi Jeanclauduss. Tu m’avais donné tout ce dont j’avais besoin : des infos, un alibi et … un nouveau denden.

        - Bien bien bien. J’en attendais pas moins de toi mon pote.
        - Que …
        - T’as dit que j’avais pas l’air d’un agent, hein ? Attends que je mette mon gant.
        - Mais … mais je croyais que les pols avaient des protocoles et heu …
        - … un balais dans le cul ? Les autres ouais, mais pas moi. Pas le meilleur agent de tous les temps. Retiens mon nom, l’ami. Jack Sinister, écrivain, esthète et … agent de talent. Le protocole, c’est moi.
        - Tu … tu peux pas me tuer : la Dame de Pierre est au courant de votre venue et … oh merde.
        - Oui, merde. Tu viens de m’innocenter, Jeanclauduss. Tu es tombé dans mon piège, et dans mon merveilleux jeu d’acteur. Toi, comme de nombreux autres, tu as été abusé par mes nombreux talents : je ne peux pas t’en vouloir. Et maintenant que tu sais la vérité, je vais t’offrir un ultime honneur.

        Shigan.

        - Mourir par ma main.

        Hm. J’aurais peut-être dû attendre de savoir ce qu’il allait collecter comme info chez Baltimer.

        Hm. Et lui dire de retenir mon nom avant de le tuer ? Bah. Tant pis.
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        Et dire qu'avec ses lunettes de soleil, sa canne et sa fâcheuse tendance à rentrer dans le lard de tout ceux qui croisaient son chemin, il avait plutôt l'air d'un aveugle qu'un nanti. Tant pis pour le standing, il avait besoin de discrétion. Il faut dire que Saint Uréa, était un vrai nid à emmerdes. Déjà qu'il sortait de l'hôtel qu'un autre homme lui emboîta le pas. Comment il le savait ? Entraînement mon brave, entraînement et instinct forgeaient l'homme qu'il était devenu. Il se laisse suivre sur quelques artères bondées, bouchées comme ceux d'un homme de cinquante ans ayant abusé du sauciflard et du café. Toutes les bonnes choses ont une contrepartie, c'était comme ça que Song se rassurait, en se disant que comme Sinister ne pouvait pas être une bonne chose, alors la contrepartie lui serait bénéfique. C'était ainsi que le monde roulait, et pas que dans la farine.

        Allumant un cigare plus gros qu'un barreau de chaise vu de loin, avec l'allumette qu'on craque sur les vêtements là, et qui laisse une forte odeur de souffre sur les textiles. Si, si, tu connais, une vieille légende raconte que tout les Pols l'utilisent pour se donner du bagout. Cheh ne faisait pas exception à la règle, comme tout bon agent bien rodé et bien dressé par son gouvernement.

        Bon, règle numéro une quand on se fait suivre, c'est de donner l'impression qu'on a rien vu. Ce fut donc dans la plus parfaite des ignorance qu'il continua son chemin, direction le port. Il donnait l'air d'un touriste en manque de sensation, ce genre de richton qui aimaient se balader dans les quartiers populaires, pour se donner dans la "couleur locale" et dans le "philanthropisme". Comment être sûr qu'on se fait suivre ? Regardez donc, quand il tournait à droite, l'autre prenait à droite, toujours en catimini. Et quand il prenait à gauche ... Quelle surprise ! Il prenait à gauche sans réfléchir. Un bon espion qui connait son terrain, peu suivre un type à cinquante mètres, les yeux fermés et un main dans le dos. Une agence organisée, elle, prévois plusieurs types pour se relayer durant la filature. Mais ici, que nenni ! Rien de tout ça.

        Song se serait senti presque insulter qu'on le prenne pour un débutant pareil. Après tout, il n'était guère connu, et c'était le but recherché. Pousser l'autre à la faute, lui donner l'opportunité de se trahir. Plutôt que de rejoindre le point Alpha, il fit un détour par un genre de bouiboui qui sentait pas la rose. La niveau couleur et odeur, on faisait pas plus locale. Vu la distance qui les séparaient, son invité surprise et lui, il savait qu'il avait au moins deux minute trente devant lui avant que l'autre ne mette les pieds dans la taverne.

        Il commanda rapidement une gnôle, la plus chère, et paya rubis sur ongle avant de demander d'un air contrit et hautain, bien que naturel chez les richards de la pire sorte : Vos toilettes, je vous prie. Il suivit l'index qui donna la direction, s'enfonçant dans la bâtisse. Il savait une seule chose sur ce genre de taverne : Il y'avait toujours une sortie annexe quelque part. Déjà parce que cela permettait au patron d'entrer et de sortir discrètement, sans que sa clientèle ne l'attende de pied ferme. Et ensuite parce que c'était réglementaire, il avait lu ça sur la brochure qu'on lui avait fournit.

        Il se retrouva dans une petite court intérieure, aveugle, seul et sans témoin. Il mira une mansarde un peu plus basse que les autres, la crocheta, et se trouva sur les toits en moins de temps qu'il ne fallait pour dire "Cipher Pol". Presque sûr d'avoir semé son poursuivant, il se mit à la recherche du point Alpha, en passant par les toits et les venelles sombres que l'on hésitait à prendre dans certains quartiers malfamés du crue.

        Lui n'avait pas peur, et de toute manière la peur est un frein, pas un moteur.  Il se réceptionna dans la boue qui entourait l'usine désaffecté. Devant, la porte était murée. Derrière, un cadenas compliqué à crocheter faisait le travail. Il sortit une clef de sa poche. Et dire que Sinister c'était foutu de sa gueule, ce petit con. Enfin, son ignorance n'avait d'égale que son talent pour résoudre l'insoluble. Il était le genre d'élément instable et imprévisible, qui faisait que la vie avait du piquant, après tout.

        Il entra dans l'usine, qui sentait la poudre et la vieille sèche. Un mélange qui indiquait au jeune homme qu'il était au bon endroit. Un couloir faisait le tour de la bâtisse, il fallait monter au deuxième étage pour trouver une porte avec un clavier, dans lequel il entra le code de son matricule. Aussitôt, la porte en métal blindé s'ouvrit sur lui, et il pénétra une véritable forteresse, ou des armes, des équipements et une étrange boite en métal noir, trônait.

        Il prit la boite en métal, laissa le reste au cas où ils auraient besoin de plus de puissance de feu, et commença à compulser frénétiquement les documents.

        - Je te tiens ! Fit-il, avant de filer de l'endroit. Il lui restait encore une grosse demi-heure avant l'heure convenu avec Jack. De toute manière, l'énergumène ne connaissait surement pas la ponctualité. Pour plus de discrétion, il visita une librairie non loin de l'endroit, et commença à sympathiser avec le boutiquier.

        Il était maintenant l'heure de revoir son comparse. Il espérait qu'il n'avait pas commit de bévue, comme de se débarrasser de l'espion qui le suivait. Bah ouai, ils étaient là incognito, sous le manteau, et la moindre incartade aurait pû leur couter la vie, que le Gouvernement mondial n'aurait pas bouger le petit doigt. Autant la jouer fine et faire profil bas, comme il l'avait déjà fait remarqué.
          Dix minutes, vingt minutes. Le temps passait lentement. Surtout quand on attendait. Hé hé, et il fallait savoir faire monter la pression. Song serait cueilli à point, après n’avoir rien réussi à faire. Encore une fois, éclaboussé par ma grandeur. Le pauvre, ça devait être dur de vivre constamment dans l’ombre. Vingt minutes de retard … hm, j’avais encore le temps de prendre un petit verre dans le hall de l’hôtel ? Allez, ça le tuerait pas.

          - Oh, salut Song ! T’as fini par descendre ?

          Pas très patient le petit.

          - Alors, t’as trouvé quoi ? Oh tu sais, moi … bah rien d’important. Juste le nom, la destination et le type qu’on cherche. Ainsi que la confirmation que la Dame de Pierre enquête sur nous et des infos sur le trafic à Saint Urea. Et ouais, en une heure à peine. Je suppose que t’as rien toi ? Ah mon pauvre, ça doit pas être facile …

          Bien sûr le tout à voix basse, pour éviter d’être entendu. Mais ce bout de papier me laissait perplexe tout de même. Caillasse savait qu’on arrivait, mais comment avait-il pu ? Autant la caste dirigeante de Saint Urea pouvait avoir quelques facilités, des nids d’espions tout ça. Mais que l’agent qu’ils recherchaient ait des infos … c’était bizarre … Il devait avoir le bras long, et un réseau qui méritait qu’on s’y intéresse. Peut-être même des choses croustillantes à se mettre sous la dent ? Hmm. Voilà qui s’annonçait palpitant. Digne d’un Sinister 2.

          - Bon, sinon, il doit organiser des parties de poker de Bolton Baltimer. On peut s’y inscrire et en apprendre plus ? Du coup, t’as trouvé un million ou toujours pas ? Sinon on va être ridicules quand on va jouer. Au pire, demande à Clifton, il sera d’accord.

          Pas sûr de ça mais bon … qui ne tentait rien …

          - Faudrait y aller ce soir en tout cas. S’il fait du recel ou des ventes, ou mêmes des trucs à son école de machin, la couverture d’éditeur pour toi serait pas mal. Bon moi, c’est pas une couverture, je suis un vrai écrivain. En vente dans toutes les librairies. Bientôt, bientôt … D’ailleurs, tu sais comment on fait pour se faire éditer un bouquin, maintenant que t’es éditeur ?

          Song prenait toujours à cœur ses rôles, peut-être qu’il aurait des infos fiables cette fois ?

          - Quoi qu’il en soit, on peut se faire inviter à un dîner mondain, j’ai envie de manger de la langouste. Un plat de richard ça. Doit y en avoir plein pendant les parties de poker.
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          Sur la route du retour, Song emprunta la voie des écoliers. Les routes qu'il avait repéré pour éviter de se faire suivre une nouvelle fois, et d'attirer l'attention sur le duo déjà ... Explosif. Si Sinister avait des qualités -bien dissimulées, la discrétion n'en faisait pas parti. Il était une sorte d'ovni dans le bureau du CP5, le genre d'agent qu'on ne voyait qu'une fois par millénaire. Un génie de la crétinerie et du coup de bol. Quand ça dérapait, c'était Sinister. Mais le dérapage étai contrôlé, étudié, et souvent retourné à son avantage.

          Une heure était passé, pile poil, quand Song se présenta à l'entrée et retrouva l'imbécile heureux au bar, entrain de siroter des cocktails. Ah, la vie d'espion, n'était décidément pas la même pour tout le monde. Lui se coltinait les bars glauque, les escapades sur les toits, et les usines qui sentaient la vieille fille négligé. Et regardez le, comme un coq en patte entrain de s'envoyer son olivette ? Il soupira en se tenant l'arrête du nez entre deux doigts.

          A peine arrivé à son hauteur, Jack Sinister déballa ses arguments, et lâcha sa valda, tout content de lui.  

          - Et qu'est-ce que t'as glandé du type ? J'espère au moins que tu l'as pas tué, parce que je te rappelle que nous ne sommes pas en terrain conquis ici. On marche sur des oeufs, alors à moi de vouloir finir en omelette ... Qu'il fit, plein de morgue, sûr que l'autre avait fauté, par manque de zèle, facilité, ou par simple envie de tester sa nouvelle panoplie de technique. Tout le monde à l'agence savait que Sinister était entrain de monter en puissance, on l'avait tous vu s'essayer au Shigan dans son coin, sans succès pendant des années. Et un jour, le fuit de ses efforts avait finit par payer. Oui, alors il répéta : Tu l'as pas buté, hein, Sinister ? A voir sa tronche qui se démontait pas, mais semblant déçu du résultat de ses annonces sur le Cheh, probable que si.

          Il commanda un Gin sec, avec de la glaçe. Les voilà dans une merde noire, quand la Dame apprendrait qu'on avait zigouillé son agent, pas sûr qu'ils seraient encore pour témoigner de sa colère après coup.

          - Bon, t'es sûr de toi, il organise une partie de poker ? Il déballa les infos sur la table, de toute façon le tout était crypté par un code que seul deux zigotos connaissaient dans le coin. Une précaution de plus, à mettre au crédit du Gouvernement mondial. Parce que notre type à plutôt l'air d'un amateur de toile de maître acheté au marché noir, que d'un joueur et organisateur de tournois. Il fit tourner le document pour que Sinister puisse le lire.

          - Sa dernière planque connue, c'est dans le vieux quartier de l'obélisque, et je pense qu'on devrait commencer par là. Il paraît qu'il achète des toiles de maître volées, qu'il fait passer à ses petites mains qui les copie, pour les revendre sur le marché noire les yeux de la tête. Du coup il se fait une petite fortune, tout en gardant les originaux quelque part, sur Saint Uréa.

          Song sonda son partenaire. Ils savaient tout deux ce qui leur restait à faire. Moi je dis que pour suivre quelqu'un, faut suivre le pognon. Il doit bien avoir des société écrans, qui lui permettent de pas se faire repérer, suffit de remonter jusqu'à la société qui lui appartient réellement, et on aura l'adresse de notre homme. Qu'il fit, tout fier de lui.

          Et paf, il engloutit son gin cul sec, grimaçant quelque peu avant de sourire à son comparse. Son plan lui semblait moins scabreux qu'une partie de poker ... Il suffisait de s'introduire dans les archives de la ville, et de remonter la piste des deniers.
            Qu’est-ce que j’en savais s’il faisait un poker moi ?

            - Heu … ouais. Laisse-moi te poser une question, Song : pourquoi est-ce qu’il n’en ferait pas ? Hé, salut mademoiselle.

            Petit clin d’œil. Désolé, tu es bien charmante mais je n’ai pas le temps. Et, crois moi, ça me coûte de te dire ça. L’inexpugnable arrogance de votre beauté m’a … Ahem, je m’égare.

            - Bien sûr que si je l’ai buté, et j’ai foutu le corps pas loin de chez Baltimore car il était censé enquêter sur lui, sur ordre de la Dame de Pierre. Juste après qu’il m’ait innocenté auprès des services, j’suis pas crétin. Il doit être dans une benne, je sais pas où : c’était un salopard, Song, un vrai salopard. Il avait une moustache hideuse. Et des yeux globuleux. La sclère était jaune, et il était petit : c’était donc un traître comme tout ça le laissait deviner.

            Et hop, encore un verre pour moi.

            - Tu me décris le mode opératoire classique, mon cher Song. Si c’était aussi facile, ça se saurait. Non, écoute moi. Je pense qu’il s’agit d’un amateur de toile de maître acheté au marché noir. Il doit acheter des toiles de maître et les faire copier par ses petites mains pour les revendre sur le marché noir. Du coup, il doit avoir les originaux quelque part et se faire une petite fortune, tu me suis ? Ah, bien sûr que non. Tant pis. Voilà mon idée : on devrait aller dans sa dernière planque connue : vers le vieux quartier de l’obélisque. On trouve le registre des entreprises ayant existé dans le quartier, on repère les lignes étranges et on cible quelques tripots étranges. Puis on fait une descente, on fait couiner les types là-bas puis on continue jusqu’à le trouver.

            Du génie, j’vous dis. Non, c’est pas vrai. Il fallait quand même reconnaître que mon expérience avait une place importante dans mes capacités. L’aventure forgeait les héros. Ah mon pauvre Song, il fallait quitter ta chaise de temps en temps pour progresser. Mais il ne fallait pas s’inquiéter : j’étais là. J’allais te montrer comment faire. Bien. Il était temps d’agir. Quartier de l’obélisque nous voilà !

            - Allez, j’te laisse ta chance : montre le chemin. Vois ça comme un stage, Song. Peut-être qu’un jour tu deviendras un vrai agent. Et alors, je te promets, j’écrirai ton histoire dans mes livres : imagine ça, Sinister&Song, La caillasse prend la flotte. Que je lui dis, en dressant le tableau avec les mains.

            Non, pas d’esperluette, Sinister Song ça glissait tout seul. Un tableau avec un agent incompétent et l’autre incroyablement doué. Hé, ce n’était que la pure vérité. Mais un jour, il connaîtrait son heure de gloire le petit et saurait, lui aussi, maîtriser le shigan. C’était salissant d’ailleurs. Bon, du coup, on avait deux possibilités : les archives – spoiler alert : chiant – ou aller directement chez Baltimore et le faire couiner ? Allez, Song, dis oui putain … j’ai pas fait de deus ex juste pour aller lire de la paperasse moi !

            - Si on va direct chez Balti, on va gagner du temps. Après, je dis ça … je dis rien.
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            Song acquiesça, ironiquement ce sketch lui indiquait qu'il était écouté par Sinister. Cela serait suffisant pour le moment, après tout peu lui importait l'honneur et la gloire, il leur préférait l'efficacité et le professionnalisme. Il se racla tout de même la gorge pour effacer tout genre d'émotion dans la voix quand il hocha de la tête et lui dit :

            - On a qu'à faire ça, oui, tu t'occupes des tripots et du tabassage, si ça te chante, mais faudra bien commencer par éplucher quelques paperasses pour savoir ou frapper. Fit il en se levant, inflexible quand à la manière de procéder, qu'elle soit réglementaire aux objectifs du Pol. Pas pour rien qu'on l'avait collé avec Sinister. L'agent était talentueux, mais ingérable. Il effectuait la mission, et y'a que le résultat qui compte, se dit Song après tout. Il devait reconnaître que le bonhomme se démerdait bien, même s'il n'était pas protocolaire. On va chez Baltimore, directement, mais on frappe pas tout ce qui bouge, c'est sa dernière planque connue, pas forcé qu'il y soit. Avec délicatesse on essaye de savoir où il aurait pû aller. Et si l'on y arrive pas, on fouillera les archives départementale de commerce. Il fit les gros yeux, espérant que sa proposition serait la bonne.

            - Je m'occupe d'aller fouiller les registres, essaye d'être discret et de pas te faire repérer, hein ? Qu'il fit avec un regard narquois. Il savait pertinemment que le soucis d'un génie talentueux, était de savoir quand arrêter de friser avec les limites de son karma. Il pouvait très bien ne jamais rien être inquiété, comme frôler la mort, il restait stoïque. C'était une qualité, ce sang froid et cette confiance à tout épreuve. Grâce à ça et son culot, certaines enquêtes semblaient plus aisées qu'elles n'en avaient l'air.

            Quand à lui, il était arrivé sur le tard dans l'agence, et n'était qu'un besogneux qui travaillait beaucoup. Il savait peaufiner ses enquêtes, et poncer les suspects. Raboter un coup par là les histoires bancales de ses collègues, et ne jamais sortir de son rôle. Il était d'un sérieux à tout épreuve, peut serait arrivé à le faire tilter, il connaissait son métier sur le bout des doigts. Impossible de prendre cela pour du talent quand on savait tout le mal qu'il se donnait, l'enfer qu'il avait traversé sur Strong World et son avide soif de vengeance. Il savait que la mort de son père était louche, il n'avait juste pas pu le prouver.

            Mais la vendetta se passe de preuves. Elle est le bras armé d'une revanche aussi aveugle que justice.
              Bon, pas direct chez Baltimore. Ok. Mais au moins quelques petites réjouissances. Il me demandait d’être discret le bougre ? J’étais un agent secret, pas un agent discret. Mais genre, j’étais pas capable d’être discret, c’était ce que le stagiaire supposait ? Ah. Triste personnage.

              - Oui, oui. Je vais trouver un antiquaire ou un truc du genre et j’irai vendre des armoires. Enfin, tout ce qu’un antiquaire peut acheter. Ensuite, quand tu auras épluché la paperasse, on ira chez Baltimore jouer au poker.

              Hors de question que je lâche ma partie, c’était pour les lecteurs. Il leur faudrait une partie de poker pour y croire : c’était comme ça que ça fonctionnait dans les romans. L’agent le plus secret du monde, accueilli dans une partie de poker où tout le monde sait qu’il est agent. Et puis au second tome, miraculeusement, il est de nouveau secret. C’est ça qui était cool avec la renommée, on en faisait ce qu’on en voulait. Mais ici, c’était la vie réelle. Alors pour le bien de la mission je devais rester discr … heu … secret. La renommée viendrait avec les romans. Et alors, alors, ma couverture serait la meilleure du monde : quoi de mieux qu’un auteur de romans d’espionnage pour justifier ma présence partout ? Personne ne se douterait que j’étais un agent. Et ouais, il y en avait là-dedans.

              Bien sûr, cher lecteur, ce serait ainsi que je penserais si j’étais un vrai agent secret, ah ah. Tout comme je n’irai pas vendre l’identité de ce cher Song Cheh. Inutile de plomber sa petite carrière aussi tôt.

              - Donc … tu me tiens au courant. En attendant, je reprends un verre.

              Je commence à lui faire signe de déguerpir, mais je m’arrête juste à temps. C’était lui qui payait la tournée après tout.

              Pas plus d’une heure plus tard, je rentrai dans l’endroit indiqué comme étant la dernière planque de ce cher Balti. C’était une librairie, cocasse. Mais cela ne correspondait pas aux rapports. L’endroit avait dû être nettoyé depuis belle lurette. Alors j’en profitai pour flâner dans les rayons, guetter les titres racoleurs et placer mes futurs romans. Littéralement. J’enlevais quelques livres pour les remplacer par les miens, la célébrité n’attendait pas.

              - Heu, monsieur … que faites-vous ?
              - Ah, Jeanclauduss mon ami. Et bien, c’est simple : je vous propose une aventure riche en émotions et en testostérone pour augmenter les bénéfices de votre boutique.
              - Ce que vous faites n’est pas … heu … légal monsieur. Vous ne pouvez pas voler …
              - Ah mais je ne vole pas. Lui indiquais-je, montrant la pile de ses livres que j’avais mis de côté. J’augmente votre offre : vous n’allez pas accuser quelqu’un de déposer des livres dans une librairie ?
              - Enfin … heu … c’est-à-dire que c’est la première fois que je vois ça … Mais … non, enfin, je ne vois pas pourquoi …
              - Alors c’est réglé ! Sinister. Jack Sinister. Et vous ? Ah, ça n’a pas d’importance, les lecteurs ne s’en rappellent jamais. Alors, Jeanclauduss. Qu’est-ce qui vous amène ici ?
              - Mais enfin, monsieur … je travaille ici.
              - Oui, oui, bien sûr. Bien sûr … D’ailleurs, où sont vos toilettes ?
              - Heu … à l’étage, monsieur. Non, pas par là, c’est le bureau du patron … Oh non …

              La porte n'était bien entendu pas verrouillée, malgré le bois fissuré et la vitre ébréchée qui masquait l’office de celui qui semblait diriger cet endroit. J’ouvrai donc la porte, pour révéler un homme bedonnant, à la chemise entrouverte. Occupé à renifler de la farine – étrange habitude – et à discuter au travers d’un visio denden jaunâtre.

              - Mais enfin … commença à s’indigner le patron.
              - Je vois que vous êtes occupé, rappelez-vous, Jeanclauduss, vous n’avez plus droit à l’erreur. Nasilla un vieillard.

              Clic.

              L’avait-il appelé … Jeanclauduss ? Ah ah, bien sûr que non. Mais autant se rappeler ainsi des gens sans importance. L’homme s’essuya le nez, fusilla du regard son employé et posa la main sur un coutelas disposé sur son bureau. Il renifla avec rudesse.

              - Mais qu’est-ce que vous foutez ici putain ?
              - Heu patron …. Il était en train de poser des livres dans la librairie, puis il m’a demandé les toilettes alors je …

              - Poser des livres ? Mais c’est quoi cette connerie ? Et c’est clairement pas ici les toilettes.
              - Je sais, mon brave. Mais je suis ici pour vous proposer le deal de votre vie. Je n’allais pas en parler à votre employé, bien entendu.

              A ces mots, le malfrat – car c’en était un – serra son couteau. Il commença à se relever lorsque je mis ma main à l’intérieur de ma veste puis sursauta lorsqu’un premier jet de mes aventures tomba sur sa table. Il haussa un sourcil, ouvrit la bouche perplexe.

              - C’est ça qu’il met dans nos rayons depuis tout à l’heure monsieur. Les autres sont occupés à les enlever, la plupart ont la même odeur …
              - C’est bon, je gère. Ferme la porte, je vais expliquer deux-trois choses à ce personnage. Je vous en prie, asseyez-vous. Si vous m’expliquiez ce que vous venez faire ici … je rappellerai ma grand-mère plus tard pour … heu … sa recette de gâteau.


              Pitoyable mensonge. Mais je pris tout de même place.

              - Merci bien, mon brave. Ce que vous voyez là est le premier exemplaire de la future série à la renommée mondiale. La saga de Jack Sinister : écrivain, sex symbol et agent secret. Un agent secret qui se fait passer pour un écrivain de romans d’espionnage pour réussir les missions les plus difficiles du monde. Ainsi, il est toujours là où on ne l’attend pas.
              - Hein ? Quoi ? Mais c’est complètement débile comme concept, ça ne marchera jamais … Et puis … je suis … heu libraire moi, pas éditeur.
              - C’est quoi la différence ?
              - Oh putain.

              Il se massa le nez de ses doigts.

              - Ecoute, mon petit, j’ai pas le temps pour tes conneries. Je sais pas ce que tu fais avec ce tas de papier toilette qui pue la sueur et le rhum, mais je te conseille de décarrer vite fait d’ici. Avec ton imper et ta gueule d’oison tombé du nid, t’as rien à foutre ici. Tu me fais perdre mon temps …
              - Ah, donc c’était pas ta grand-mère ?
              - Foutredieu de… mais qu’il est con.
              - Même pas la Dame de Pierre ?
              - Mais qu’est-ce que tu me chantes ?
              - Donc tu bosses pour Baltimore ?

              Silence.

              - Mais t’es qui bon sang ?


              Merci pour la confirmation.

              - Je te l’ai déjà dit. Jack Sinister : écrivain, sex symbol et … agent secret.
              - Ah.
              - C’est toujours un concept de merde ?

              Avant qu’il n’ait le temps d’appuyer sur un quelconque bouton, je disparus de mon siège à l’aide d’un soru bien calculé. La chaise se renversa mais déjà je tenais le petit malfrat par le col. Je serrai en le levant d’un bras. Puis je m’emparai de son couteau pour le faire courir sous son nez. Je grattai un peu de la farine qui en tomba.

              - Alors tu vas répondre à quelques-unes de mes questions. Je veux savoir le mode opératoire de Baltimore, où il stocke les contrefaçons et les vrais. Et, surtout, s’il organise des parties de poker chez lui.
              - Je ne te …
              - … dirai rien ? Oui, je connais cette théorie. Attend d’écouter la mienne.
              • https://www.onepiece-requiem.net/t22993-le-meilleur-agent-secret-du-monde#245064
              Pendant ce temps là, dans le Grant Hotel Saint Urea, plus communément appelé GHSU de son petit nom, Cheh se tapait toute la documentation amassée pendant des années, par divers agents de plus ou moins professionnels. En vrac, il y'avait des relevé de comptes, des fausses identités plus ou moins répertoriées, et plus ou moins bien conçue, mais surtout le rapport de la mort de Baltimore. Il parcourut ses lignes en long, en large et en travers, sans mettre le doigt sur une information récente et vérifiée, qui puisse lui être utile.

              On va devoir la faire cette partie finalement... Se dit-il en désespoir de cause, bien conscient que Jack serait hilare de sa déconvenue. L'agent prenait un malin plaisir à tourmenter son collègue, que ce soit sur les sujets les plus badins, comme les plus importants. Il semblait être diabolique, au regard du Song, mais le pire, était son taux de réussite accablant. Malgré qu'il fasse n'importe quoi, n'importe où, il arrivait toujours, sans exceptions, à ses fins.

              Incompréhensible pour l'agent Cheh, qui lui trimait avec méthode, mais n'arrivait pas à grand chose. Il faut dire que le méli-mélo d'informations était comme une soupe fadasse que l'on tentait d'ingurgiter malgré tout le dégout qu'elle pouvait vous provoquer.  Bon, ses documents, à part se perdre en conjoncture, et brosser un tableau que son collègue voyez bien mieux que lui, que rapportaient-ils ? Ils retraçaient l'histoire de notre homme, ses différentes identités, et même ses viennoiseries préfèrés. Quand on vous dit que l'état à un problème de gestion de sa curiosité, ça en presque maladif.  

              Il apprenait à cerner l'animal, à connaître ses anciennes habitudes. Après tout, n'est-ce pas sur le terreau d'une vie passé, que se construisait la flore des jours à venir. En plus intelligible ;  en observant le passé d'un individus, et en faisant preuve de jugeotte, ne pouvait-on pas prévoir son avenir proche, son futur le plus a même d'exister ? Il se tenait la tête, las de toutes ses pensées parasites qui y habitaient, et l'empêchait d'être, à contrario de son collègue, un imbécile heureux. Bien nés sont les idiots, les simples d'esprits et les artistes, qui se penchent plus sur les sensations, les émotions, que sur les mots, les pensées et la rationalité la plus affutée qu'il soit, le réalisme.

              Surtout, s'il avait prit la peine de prendre ses dossiers, et de les agiter dans tous les coins de la ville, au nez  et à l'oeil de Balti, c'était pour une autre raison. Il voulait découvrir comment il avait pû prévoir avec autant de précision, l'endroit ou ils s'arrêteraient. Cela pouvait vouloir dire de nombreuses choses, soit qu'il y'eut une fuite à colmater bien plus haut dans la hiérarchie, soit qu'il y'ait un traître parmi eux, mais ça, il savait que c'était impossible. Baltimore devait encore avoir des contacts bien placés dans les bureaux, et avait sans doute eut accès à son dossier personnel. Assez facile de deviner ensuite l'endroit privilégié d'un nobliau issu de la caste sociale la plus élevée de Pétales, ayant fait ses classes à Marie Joa.

              Et pour avoir le bras aussi long, devait-il connaître les planques habituelles du Cipher Pol. Et donc avoir fait surveiller les plus probables qu'ils visiteraient. Seulement, il y'avait deux choses qu'il n'avait pas prévu, et ça, Cheh en était persuadé : D'abords, il sous estimait l'effet de surprise made by Jack Sinister. Et surtout, il ne savait absolument rien de l'intellect tordu du Song, capable de modifié des plans préétablis à la seconde, en temps réelle, tout en gardant une vue d'ensemble.

              Il prit donc les nouveaux documents, et prit la peine de refermer soigneusement la chambre, mettant une mine de crayon dans l'une des charnières, lui permettant de savoir à son retour si l'on avait visité sa chambre. Réflexe d'agent secret. C'est quand il fut dehors, que les choses qu'il attendait, se produisirent enfin ; Un sac noir lui ôta la vue, et une partie de l'ouïe, tout juste entendait-il une multitude de bottes frapper contre le sol, et s'arrêter à sa hauteur. Et une voix dans son dos.

              - Toi, pas bouger si tu veux vivre ... Sensation d'un canon contre son omoplate, il ne se rebiffa pas. De toute façon cela faisait partie du nouveau plan. Tu vas nous suivre, et bien gentiment, y'a quelqu'un qui veut t'voir. . Taquin, le Song se fendit d'une réflexion acide, pleine de cynisme ... Je croyais que je devais pas bouger si j'voulais vivre ? Un coup bien placé le sonna juste ce qu'il faut pour lui remettre les idées en place, mais pas trop pour qu'il puisse continuer à se mouvoir, c'était assurément, le coup de crosse d'un pro, parfaitement dosé. *

              On lui tordit le poignet, le forçant à avancer plus vite, plus doucement parfois. Il avait l'impression de tourner en rond, qu'on essayer de brouiller les pistes. Cependeant, Cheh avait déjà fait une carte mentale assez convaincante de la ville, et savait approximativement dans quelle direction on l'emmenait.

              Sans se rebeller, il se laissa emporter, en espérant que ses conjectures étaient bonnes, et que l'on le menait bien jusqu'à la planque de Balti, et pas dans un énième trou creusé dans un endroit isolé de l'île. Situation connue, et il ne voulait absolument pas retenter l'expérience d'être enterré vivant. Condamné à mourir de suffocation, ou bien étendu dans la terre avec un plomb dans la nuque.

              Après tout, il aimait vivre dangereusement, ce n'était pas pour rien qu'il était un agent du CP5.




                Les overdoses de farine, c’étaient les pires. Ça ne prévenait jamais, surtout lorsqu’un jeune écrivain dans la fleur de l’âge venait proposer ses services dans une prestigieuse librairie. L’écriture était un art, en soi il était logique que Balti s’y soit consacré. Encore une fois, c’était grâce à mon talent – et un peu de chance – que j’avais trouvé le pot aux roses. J’étais sorti de là, appelant à l’aide les salariés qui nous avaient laissé seuls, leur patron ayant respirer l’équivalent d’un régiment en farine. Une overdose, ça ne pardonnait pas. Quelques secours plus tard, j’étais ressorti de là blanchi, sans mauvais jeu de mot. Comme si on voulait étouffer l’affaire, éviter d’attirer la lumière sur de tels lieux de perdition. Cela corroborait ce que le pâtissier m’avait dit : le réseau de notre cher agent Caillasse s’étendait bien loin.

                Je m’allumais donc une cigarette en sortant de l’endroit. Dommage, cela manquait un peu d’essence – une petite sortie en arrière-plan, avec le mégot qui va embraser l’endroit et tout faire sauter ? Ah, peut-être que je ferais quand même comme ça dans mon roman. D’ailleurs, à combien de mètres fallait-il se tenir pour éviter de se faire recuire le dos ? Bah, Cheh devait le savoir. Avec tout le papier qu’il grattait, s’il avait pas cette info c’était à se demander comment il avait fini agent. Tout ce papier, ça n’allait pas avec le terrain. Hm. Ça me faisait penser à quelque chose que j’avais oublié à la dernière mission … bah, pas grave. Je tirai sur ma clope, relâchai un nuage de fumée en me massant les mains. Il avait eu les côtes dures le bougre.

                Divers entrepôts faisaient office de couverture pour Balti, et de zones de transit dont certains matériels changeaient de main. Il n’avait pas eu les infos précises, mais au moins l’un des coins centraux du trafic, où il savait que ces éléments transitaient là. De quoi remonter une autre piste, pour tomber dans une partie de poker endiablée où je miserai la vie de Song. Avec des explosions et… ah non, putain, encore cette histoire d’incognito. Bon sang, si seulement la vie pouvait être comme dans les romans. Bref. Un entrepôt, à côté des docks avec une sécurité renforcée. Situé proche des zones de débarquement pour graisser quelques pattes dans les stocks. Quelque chose d’assez simple, en réalité, mais qui semblait prendre des dimensions dantesques avec les trafics çà et là. Une sorte de nid d’espions, si vous voyez de quoi je veux parler ?

                Je m’approchai donc de l’endroit, lorsque j’aperçus quelque chose d’assez perturbant. Le stagiaire qui avait mis les pieds dans le plat. Là, Cheh qui se faisait conduire par des types qui faisaient attention à ne pas se faire suivre. Et, comme toujours, c’était sur les toits qu’il fallait regarder : le b.a.-ba du super agent secret. Toujours filer ses ennemis sur les toits. Imaginer, le soleil tombant sur la cité, jetant ses ténèbres sur la ville. Et dans ces instants fugaces où les loups tutoyaient les chiens, une ombre se mouvait au-dessus de tous. Grise dans les cieux, seule sa cigarette illuminant à intervalles réguliers ses yeux. Un rapace – moi – qui filait sa proie – eux. Et qu’elle ne fut pas ma surprise de voir que toutes les pistes concordaient …

                Ils entrèrent dans ledit entrepôt, poussèrent Cheh sans le ménager. Comme quoi même la paperasse était dangereuse pour lui. Je me projetai sur l’endroit d’un geppou ciblé, roulant sur la charpente en bois avant de me glisser dans une ouverture pour suivre la petite troupe. Ils firent des signes de tête à plusieurs personnes, avant qu’une des caisses ne soit ouverte pour révéler un escalier qui descendait dans les ombres. Bien ma veine ça. Il allait falloir la jouer fine. Alors, tandis qu’ils s’échangeaient une poignée de main rituelle, j’en profitai pour me laisser glisser à terre et me fondre dans un coin. La filature était dans la formation de base, mais passer un groupe de malfrats armés jusqu’aux dents, ça c’était dans mon calibre. En général, je préférai éviter de faire trop de bruit : vous me connaissez. Mais là, avais-je vraiment le choix ? Cheh était en danger – et c’était mon devoir de protéger ce stagiaire. Mais quand même, ces types avaient pas l’air si fins que ça n’aurait-il pas pu s’en débarrasser tout seul ? Ou alors, il avait été recruté par ses connaissances ? C’était certainement ça : j’étais dans les pols depuis bien longtemps, et ce petit gars était là depuis peu. Après, je lui devais un peu de blé, alors s’il camait ici … Non, non. J’étais un héros. Pur, dur. Vrai. La porte de la caisse se ferma. Trop de temps à réfléchir : ce petit avait une mauvaise influence sur moi. Bien. Place à l’action

                *crac* *crac*

                - Salut les gars, je cherche un copain à moi, vous l’auriez pas vu passer ?
                Des armes se pointèrent sur moi aussi tôt.
                - Que … qu’est-ce que tu fous là toi ? Qui t’a laissé entrer ? s’égosilla l’un des artistes.
                - J’ai vu personne : la porte était ouverte. Du coup, mon pote ? Il était accompagné de deux abrutis un peu dans votre genre. Qui bossent pour Balti et qui pensaient pouvoir m’échapper. Vous auriez pas une idée du coup ?
                Cliquetis des mousquets qui s’armaient. Ah, là : voilà. J’aimais ces rapports de cote. En même temps, ils me confirmaient ce que j’étais venu chercher.
                - Attend, c’est bizarre. Il doit avoir des couilles monumentales pour se pointer comme ça …
                - Ou il est très con et sûr de lui …
                - Ou il a des renforts dehors, c’est pour ça qu’il a pu rentrer …
                - Des renforts ? Putain, ouais, jamais les gars auraient laissé passer un type …
                - Mais on l’a lui maintenant … alors si on le chope …
                - Non mais t’as vu sa dégaine ? Il a aucune arme … Non, vraiment, j’ai pas confiance là, c’est trop louche …
                - Je te dis qu’il a l’air d’être très con …
                - Je te dis que c’est louche !
                - Putain, s’il bosse avec la Dame de Pierre … on est dans la merde : peut-être qu’elle sait qu’on file la patte à B. Moi les gars, je dis que si la Dame est derrière ça, on a une chance de survivre si on se rend …
                - Mais … quoi ? Depuis quand t’es une lavette toi ?
                - Depuis qu’elle a des types suffisamment burnés sous ses ordres pour se pointer ici et nous insulter … Franchement, le gars aurait pu nous avoir dans le dos : ça sent le test. Je te dis que c’est notre seule chance …
                - Tu penses qu’elle nous laissera vivre, pour l’avoir trahie, franchement ?
                - Nous peut-être pas, mais j’ai de la famille … et toi aussi : tes gosses, t’y as pensé ?
                - Pourquoi tu crois que j’arrondis les fins de mois ici, triple buse ?
                - Et ma femme est enceinte, je peux pas la laisser en danger comme ça. T’as pensé à ton mariage de ton côté ?


                Et ça continua pendait bien quelques dizaines de secondes pendant lesquelles ces cinq pauvres gusses baissèrent graduellement leurs armes, penauds. On … n’allait pas se battre ? SERIEUSEMENT ?!

                - Bon … on est vraiment désolé mec … heu, j’espère que tu nous excuseras ? Ecoute, si on te laisse passer, tu penses que tu pourrais le dire à la Dame ? Tu sais, qu’on a aidé et tout … écoute, regarde : je pose mon arme là, et les gars vont faire pareil. On … on va faire comme si on t’avait pas vu, et même mieux : on va … heu … aller te chercher la liste des trucs qui ont été détournés ici, ok ? Mais ne dis rien à la Dame, ok ? Et nous on dira pas t’avoir vu à B. On est d’accord ? Tu sais, la vie est pas si facile ici … Regarde, il a le registre là. C’est l’ensemble des caisses qui ont été prises et remplacées sur ce dock. La Dame pourra les récupérer, ok ? On … on va sortir par la porte de derrière et jamais revenir, ça te va ? Là … là, on a déverrouillé le passage, on … on s’en va en reculant … Heu … merci. Merci beaucoup … tu sais pas à quel point tu nous sauves la vie …

                Sauver la vie ? Un truc de héros, bien sûr. Je baissais mes poings tandis que les types s’en allaient. Pas de baston …. Pas de baston … bordel. MERCI CHEH ! Enfoiré de stagiaire …
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