En temps normal, mettre pied à terre était un plaisir, une forme de soulagement. Ici, je grinçais des dents, tiraillée de l'intérieur par mes blessures mal cicatrisées, tandis que mes pieds foulaient le sable fin. À d'autres endroits, la plage n'existait pas et les racines des gigantesques mangroves étaient le seul moyen de débarquer ; nous avions choisi de continuer jusqu'à trouver une baie convenable au milieu des enchevêtrements d'arbres aquatiques.
Nous n'avions évidemment aucune idée de quelle direction prendre pour arriver à destination.
« - Angelica, je te laisse le navire. Je vais faire un tour en repérage.
- Je viens aussi. »
Il était rare que Karen se porte volontaire, aussi fus-je surprise aux premiers abords, avant de comprendre : elle était mon sauf-conduit si jamais nous tombions sur des hommes de son frère. Sans elle, les négociations risquaient d'être rapidement écourtées.
« - Parfait. Toi aussi, Judas ? » demandai-je en voyant l'homme se placer dans mon giron.
« - J'ai besoin de me dégourdir les jambes. »
J'opinai du chef. Nous étions donc trois à partir en exploration. Rafaelo semblait décidé à faire bande à part et s'était déjà enfoncé dans la forêt ; je le regardais partir d'un air suspicieux, espérant que sa présence sur l'île ne gênerait pas mes plans.
Nous n'avions que très peu d'informations quant à notre destination, en vérité : Angelica avait été capable de nous sortir ses cours sur la biodiversité locale, mais ce n'était pas ce qui nous intéressait. Amber Frost s'était installé ici après avoir aidé les autochtones à se débarrasser de Maria Manson et placé l'île sous sa protection ; le Malvoulant n'avait pas donné réponse à cela, trop occupé à se remettre de ses conflits avec les pirates d'Armada. Nul ne savait dès lors ce qu'il était advenu de Mangrove Works, ni comment le Yonkou l'occupait. Toutefois, il était certain que si notre homme avait été sur place, il se serait occupé de nous accueillir en personne. Et peut-être qu'il aurait mieux valu que ce soit le cas pour lui, car nous avions l'avantage de la surprise.
« - Restez sur vos gardes, » intimai-je, tandis que nous mettions les pieds dans la jungle.
Usant de l'empathie tous les cent mètres, je m'assurais qu'aucune présence néfaste ne nous prenne à revers. À part l'homme, il n'existait pas réellement de prédateurs pouvant nous donner du fil à retordre. Outre l'humidité et la chaleur ambiante, l'île était un endroit relativement paradisiaque ou du moins agréable à visiter. Alors que nous marchions, j'envisageais même la possibilité d'y installer un commerce pour profiter de la richesse des ressources naturelles. Cette pensée fut suffisante pour me faire perdre ma concentration et laisser une fenêtre de tir à l'ennemi. Celui-ci devait être redoutable car il n'en perdit pas une miette.
« - Halte ! Vous êtes cernés, mettez vos mains là où on peut les voir.
- Bonny ?
- J'ai merdé. »
L'ancienne agente grommela quelque chose dans sa barbe, puis elle fut la première à abdiquer. Judas et moi-même la copièrent sans faire d'histoire : dans mon état, impossible de lutter contre l'ennemi tapi, quand bien même je devinais sa présence désormais. Une poignée d'hommes dans les branches des arbres évidemment. L'un d'entre eux, un grand blond en tunique verte avec un arc, se laissa tomber devant nous pour nous faire la causette.
« - Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ? »
Intéressant, il n'avait aucune idée de nos identités respectives. Pour Judas, normal, mais pour Jones et moi...
« - Nous sommes des pirates, » répondis-je ; aucune raison de mentir là-dessus. « Nous avons accosté non loin et cherchions justement la civilisation pour faire affaires.
Je perçus l'expression de l'archer à travers son masque : c'était le même que celui de Rafaelo, un regard plein de haine et de pulsions meurtrières. Visiblement, il ne portait pas la flibuste dans son cœur, mais s'il avait pu nous tuer, il l'aurait probablement déjà fait. Au lieu de cela, l'inconnu leva deux doigts en l'air, donnant probablement l'ordre à ses hommes de baisser leurs armes.
« - En temps normal, vous seriez déjà morts... Mais notre accord avec Frost nous oblige à faire fi de nos convictions. Nous allons vous guider jusqu'à Abondance. Sachez cependant que nous n'hésiterons pas à vous éliminer au moindre écart.
- Compris. »
Pouce en l'air cette fois-ci. À leur tour, les soldats camouflés quittèrent leurs positions et vinrent nous encercler ; tous portaient le même costume que le porte-parole, il devait s'agir de l'uniforme des gardes forestiers. Ainsi escortés, nous pûmes continuer. D'une certaine façon, la chance nous souriait puisque les autochtones savaient où aller, ce qui raccourcissait considérablement notre trajet et permettait à Karen de rapidement dresser une carte de l'île pour retrouver notre chemin.
Le voyage se fit dans un silence de plomb, parfois interrompu de discussions triviales entre le Lion de North et moi. Les Robins des Marais ne parlaient pas : la seule chose que nous pûmes apprendre d'eux était leur nom, en plus de celui de la seule ville de l'île. Abondance... cela me renvoyait à mes pensées mercantiles et mon désir d'étendre mes activités sous couvert d'anonymat.
Nous n'avions évidemment aucune idée de quelle direction prendre pour arriver à destination.
« - Angelica, je te laisse le navire. Je vais faire un tour en repérage.
- Je viens aussi. »
Il était rare que Karen se porte volontaire, aussi fus-je surprise aux premiers abords, avant de comprendre : elle était mon sauf-conduit si jamais nous tombions sur des hommes de son frère. Sans elle, les négociations risquaient d'être rapidement écourtées.
« - Parfait. Toi aussi, Judas ? » demandai-je en voyant l'homme se placer dans mon giron.
« - J'ai besoin de me dégourdir les jambes. »
J'opinai du chef. Nous étions donc trois à partir en exploration. Rafaelo semblait décidé à faire bande à part et s'était déjà enfoncé dans la forêt ; je le regardais partir d'un air suspicieux, espérant que sa présence sur l'île ne gênerait pas mes plans.
Nous n'avions que très peu d'informations quant à notre destination, en vérité : Angelica avait été capable de nous sortir ses cours sur la biodiversité locale, mais ce n'était pas ce qui nous intéressait. Amber Frost s'était installé ici après avoir aidé les autochtones à se débarrasser de Maria Manson et placé l'île sous sa protection ; le Malvoulant n'avait pas donné réponse à cela, trop occupé à se remettre de ses conflits avec les pirates d'Armada. Nul ne savait dès lors ce qu'il était advenu de Mangrove Works, ni comment le Yonkou l'occupait. Toutefois, il était certain que si notre homme avait été sur place, il se serait occupé de nous accueillir en personne. Et peut-être qu'il aurait mieux valu que ce soit le cas pour lui, car nous avions l'avantage de la surprise.
« - Restez sur vos gardes, » intimai-je, tandis que nous mettions les pieds dans la jungle.
Usant de l'empathie tous les cent mètres, je m'assurais qu'aucune présence néfaste ne nous prenne à revers. À part l'homme, il n'existait pas réellement de prédateurs pouvant nous donner du fil à retordre. Outre l'humidité et la chaleur ambiante, l'île était un endroit relativement paradisiaque ou du moins agréable à visiter. Alors que nous marchions, j'envisageais même la possibilité d'y installer un commerce pour profiter de la richesse des ressources naturelles. Cette pensée fut suffisante pour me faire perdre ma concentration et laisser une fenêtre de tir à l'ennemi. Celui-ci devait être redoutable car il n'en perdit pas une miette.
« - Halte ! Vous êtes cernés, mettez vos mains là où on peut les voir.
- Bonny ?
- J'ai merdé. »
L'ancienne agente grommela quelque chose dans sa barbe, puis elle fut la première à abdiquer. Judas et moi-même la copièrent sans faire d'histoire : dans mon état, impossible de lutter contre l'ennemi tapi, quand bien même je devinais sa présence désormais. Une poignée d'hommes dans les branches des arbres évidemment. L'un d'entre eux, un grand blond en tunique verte avec un arc, se laissa tomber devant nous pour nous faire la causette.
« - Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ? »
Intéressant, il n'avait aucune idée de nos identités respectives. Pour Judas, normal, mais pour Jones et moi...
« - Nous sommes des pirates, » répondis-je ; aucune raison de mentir là-dessus. « Nous avons accosté non loin et cherchions justement la civilisation pour faire affaires.
Je perçus l'expression de l'archer à travers son masque : c'était le même que celui de Rafaelo, un regard plein de haine et de pulsions meurtrières. Visiblement, il ne portait pas la flibuste dans son cœur, mais s'il avait pu nous tuer, il l'aurait probablement déjà fait. Au lieu de cela, l'inconnu leva deux doigts en l'air, donnant probablement l'ordre à ses hommes de baisser leurs armes.
« - En temps normal, vous seriez déjà morts... Mais notre accord avec Frost nous oblige à faire fi de nos convictions. Nous allons vous guider jusqu'à Abondance. Sachez cependant que nous n'hésiterons pas à vous éliminer au moindre écart.
- Compris. »
Pouce en l'air cette fois-ci. À leur tour, les soldats camouflés quittèrent leurs positions et vinrent nous encercler ; tous portaient le même costume que le porte-parole, il devait s'agir de l'uniforme des gardes forestiers. Ainsi escortés, nous pûmes continuer. D'une certaine façon, la chance nous souriait puisque les autochtones savaient où aller, ce qui raccourcissait considérablement notre trajet et permettait à Karen de rapidement dresser une carte de l'île pour retrouver notre chemin.
Le voyage se fit dans un silence de plomb, parfois interrompu de discussions triviales entre le Lion de North et moi. Les Robins des Marais ne parlaient pas : la seule chose que nous pûmes apprendre d'eux était leur nom, en plus de celui de la seule ville de l'île. Abondance... cela me renvoyait à mes pensées mercantiles et mon désir d'étendre mes activités sous couvert d'anonymat.
Dernière édition par Eleanor Bonny le Dim 13 Juin 2021 - 21:36, édité 1 fois