Cher journal,
La nuit recouvre la ville de sa chape sombre et mystérieuse. L’air est lourd et de gros nuages, gonflés d’une pluie qui ne tardera pas à se déverser sur les pauvres malheureux qui auront fait l’erreur de rester dehors, ont entrepris de recouvrir le ciel, la lune et les étoiles, et avec eux le peu de clarté qu’il restait à diffuser. Dans ce quartier chic de la banlieue de Marie Joie, si rayonnant et pimpant en pleine journée, l’obscurité a envahi les rues, seulement troublée à intervalles réguliers par la lueur vacillante des lampadaires au gaz qui se dressent comme des gardiens dérisoires devant chaque maison, tels de faibles îlots de clarté dans une noirceur presque omniprésente.
Tap, tap, tap, tap.
Le pas lourd du veilleur de nuit brise le silence. Le cliquètement de son ceinturon, le hoquet de la lanterne qu’il tient à la main, font écho au martèlement de ses bottes. La lumière qu’il amène avec lui illumine soudainement la rue, et je me recroqueville sur moi-même pour me faire la plus petite possible derrière la haie ! L’homme passe sans me voir, traverse la rue du même pas lent et régulier qui le porte chaque nuit, et va poursuivre sa patrouille dans la ruelle suivante.
Je redresse la tête et jette un rapide coup d’œil : la rue est de nouveau déserte et parfaitement silencieuse. Vite ! Je me redresse d’un bond, et je m’élance ! A côté de moi, la silhouette sombre de mon équipier en fait autant. Tels des félins vêtus de noir, nos capes voletant derrière nous dans un très bel effet (très classe, en toute modestie !) nous traversons la ruelle en quelques rapides enjambées, à un endroit où les lueurs des lampadaires de recoupent à peine. En un instant, nous regagnons le couvert rassurant de l’obscurité.
La maison qui s’élève à présent devant nous est une vieille demeure bourgeoise à l’allure austère, faite de vieilles pierres sombres et de boiseries usées, dont les hautes fenêtres noires et aveugles semblent nous dévisager d’un air menaçant. C’est fou comme un simple changement de lumière peut à ce point modifier la perception que l'in a d'un bâtiment ! C'est comme si derrière chaque fenêtre se cachait une silhouette anonyme, tapie derrière la vitre opaque pour nous observer. Une seule fenêtre, au tout dernier étage, brille d’une lueur ténue, preuve qu’il y a bel et bien de la vie dans ce manoir.
Je hoche la tête en direction de Yoligan, dont je devine la présence plus que je ne la vois. D’un même geste, nous dégrafons nos capes et je retourne la mienne pour révéler une doublure d’un blanc profond. Je me recouvre de ce drap blanc, muni de deux trous au niveau des yeux, devenant aussitôt la plus élégante des fantômes à avoir jamais marché dans cette ruelle (les autres étant soit des enfants déguisés venus réclamer des bonbons, soit de véritables spectres de personnes décédées et donc aussi laides que des cadavres, la concurrence n’est pas très rude !) ! Je pousse le vice jusqu’à décomposer une partie de mon corps sous la forme d’un nuage gazeux et légèrement translucide.
Toujours aucune réaction, ni de la part du veilleur de nuit au loin, ni de l’oppressante demeure ou de ses hypothétiques habitants, vivants ou non, ni du ciel qui menace. Alors telle un fantôme -car j’en suis une plus vraie que nature à présent- je me glisse en avant telle un souffle de vent, me décompose intégralement, passe sous la porte, et me reconstitue à demi de l’autre côté. Je déclare d’une voix forte et aussi glaciale qu’un vent d’hiver :
« - Houuuuu ! Je suis le spectre de vos crimes passés ! »
Pas de réponse. Aucune réaction. Seul le tic-tac régulier d’une pendule, dans une pièce voisine, brise le silence pesant que j’ai eu l’audace de troubler. Je regarde rapidement autour de moi, mais mes yeux ne m’informent pas de grand-chose dans ce noir complet. La minute complète que je passe à attendre, immobile, me permet de m’assurer que personne n’a remarqué ma présence. Je me retourne alors vers la porte dont je tire les verrous un par un, le plus délicatement et silencieusement possible en les enveloppant dans mon drap pour en étouffer les sons, afin de laisser entrer mon complice.
Je lui chocote :
« - Rien ici. Hum, je veux dire : houuuu, le pauvre mortel que nous venons hanter n’est pas iciiiii. Allons voir en hauuuuut. »
La nuit recouvre la ville de sa chape sombre et mystérieuse. L’air est lourd et de gros nuages, gonflés d’une pluie qui ne tardera pas à se déverser sur les pauvres malheureux qui auront fait l’erreur de rester dehors, ont entrepris de recouvrir le ciel, la lune et les étoiles, et avec eux le peu de clarté qu’il restait à diffuser. Dans ce quartier chic de la banlieue de Marie Joie, si rayonnant et pimpant en pleine journée, l’obscurité a envahi les rues, seulement troublée à intervalles réguliers par la lueur vacillante des lampadaires au gaz qui se dressent comme des gardiens dérisoires devant chaque maison, tels de faibles îlots de clarté dans une noirceur presque omniprésente.
Tap, tap, tap, tap.
Le pas lourd du veilleur de nuit brise le silence. Le cliquètement de son ceinturon, le hoquet de la lanterne qu’il tient à la main, font écho au martèlement de ses bottes. La lumière qu’il amène avec lui illumine soudainement la rue, et je me recroqueville sur moi-même pour me faire la plus petite possible derrière la haie ! L’homme passe sans me voir, traverse la rue du même pas lent et régulier qui le porte chaque nuit, et va poursuivre sa patrouille dans la ruelle suivante.
Je redresse la tête et jette un rapide coup d’œil : la rue est de nouveau déserte et parfaitement silencieuse. Vite ! Je me redresse d’un bond, et je m’élance ! A côté de moi, la silhouette sombre de mon équipier en fait autant. Tels des félins vêtus de noir, nos capes voletant derrière nous dans un très bel effet (très classe, en toute modestie !) nous traversons la ruelle en quelques rapides enjambées, à un endroit où les lueurs des lampadaires de recoupent à peine. En un instant, nous regagnons le couvert rassurant de l’obscurité.
La maison qui s’élève à présent devant nous est une vieille demeure bourgeoise à l’allure austère, faite de vieilles pierres sombres et de boiseries usées, dont les hautes fenêtres noires et aveugles semblent nous dévisager d’un air menaçant. C’est fou comme un simple changement de lumière peut à ce point modifier la perception que l'in a d'un bâtiment ! C'est comme si derrière chaque fenêtre se cachait une silhouette anonyme, tapie derrière la vitre opaque pour nous observer. Une seule fenêtre, au tout dernier étage, brille d’une lueur ténue, preuve qu’il y a bel et bien de la vie dans ce manoir.
Je hoche la tête en direction de Yoligan, dont je devine la présence plus que je ne la vois. D’un même geste, nous dégrafons nos capes et je retourne la mienne pour révéler une doublure d’un blanc profond. Je me recouvre de ce drap blanc, muni de deux trous au niveau des yeux, devenant aussitôt la plus élégante des fantômes à avoir jamais marché dans cette ruelle (les autres étant soit des enfants déguisés venus réclamer des bonbons, soit de véritables spectres de personnes décédées et donc aussi laides que des cadavres, la concurrence n’est pas très rude !) ! Je pousse le vice jusqu’à décomposer une partie de mon corps sous la forme d’un nuage gazeux et légèrement translucide.
Toujours aucune réaction, ni de la part du veilleur de nuit au loin, ni de l’oppressante demeure ou de ses hypothétiques habitants, vivants ou non, ni du ciel qui menace. Alors telle un fantôme -car j’en suis une plus vraie que nature à présent- je me glisse en avant telle un souffle de vent, me décompose intégralement, passe sous la porte, et me reconstitue à demi de l’autre côté. Je déclare d’une voix forte et aussi glaciale qu’un vent d’hiver :
« - Houuuuu ! Je suis le spectre de vos crimes passés ! »
Pas de réponse. Aucune réaction. Seul le tic-tac régulier d’une pendule, dans une pièce voisine, brise le silence pesant que j’ai eu l’audace de troubler. Je regarde rapidement autour de moi, mais mes yeux ne m’informent pas de grand-chose dans ce noir complet. La minute complète que je passe à attendre, immobile, me permet de m’assurer que personne n’a remarqué ma présence. Je me retourne alors vers la porte dont je tire les verrous un par un, le plus délicatement et silencieusement possible en les enveloppant dans mon drap pour en étouffer les sons, afin de laisser entrer mon complice.
Je lui chocote :
« - Rien ici. Hum, je veux dire : houuuu, le pauvre mortel que nous venons hanter n’est pas iciiiii. Allons voir en hauuuuut. »
Dernière édition par Caramélie le Ven 20 Aoû 2021 - 22:08, édité 1 fois