Cher journal,
Je sors du bureau d’un pas de féline. Je referme doucement la porte et traverse le couloir en quelques rapides enjambées, aussi discrète qu’une ombre. Je passe une seconde porte, et pénètre dans un entrepôt plongé dans le noir. Je me plaque contre le mur. Tapie dans l’obscurité, je suis pratiquement invisible dans mon costume noir et moulant qui, à défaut d’être confortable, me donne l’allure d’une parfaite espionne sexy et redoutable !
L’entrepôt est entièrement vide à l’exception d’une rangée de caisses en bois alignées devant l’entrée. Je jette un œil : rien à droite, rien à gauche : je fonce ! Hop, hop, hop, j’atteins le mur, exécute quelques geppous qui me propulsent jusqu’au toit, et me stabilise au niveau de la lucarne ; je coince sous mon bras la précieuse liasse de feuilles que j’emporte avec moi le temps d’actionner la poignée d’ouverture, et me hisse sur le rebord.
Le toit est constitué de plusieurs plaques de tôle ajustées ensemble, usées par l’air salé mais encore solides. De là-haut j’ai une vue imprenable la ville, un assemblage hétéroclite de bâtiments faits à partir de matériaux de récupération où logent les réfugiés de l’Île de l’Horloge, et qui n’est pas sans me rappeler les bidonvilles de la décharge de ma Goa natale. Les constructions occupent le moindre espace terrestre du minuscule atoll, et même au-delà grâce à des pontons installés sur pilotis. La zone des entrepôts où je me trouve fait partie de ces endroits que l’on a gagné comme on a pu sur l’océan : des dizaines de hangars comme le mien s’alignent le long de la mer, séparés de la zone des habitations par un long grillage, bordant toute la façade ouest de l’atoll et, dans une certaine mesure, lui servant de brise vagues.
Je m’assieds sur la tôle et me laisse simplement glisser jusqu’au rebord, avant de me laisser happer par le vide avant que mon corps, aussi léger qu’un nuage de gaz, ne prenne le relai et me fasse flotter tranquillement jusqu’au sol.
Là, je reste accroupie sur les pavés, sans un bruit, contrôlant ma respiration tout en tendant l’oreille pour capter le moindre bruit. Les seuls sons qui me proviennent sont ceux de la légère brise, des petits animaux de la nuit, et de la mer qui clapote paisiblement au-delà des quais non loin. Personne ne semble avoir détecté mon méfait. Satisfaite, je me saisis de mon escargophone :
« - Caracajou un à Caracajou deux. Les œufs sont dans le panier, la poule rentre au poulailler. »
Il n’y a que le silence pour me répondre. Je passe quelques longues secondes à attendre, avant de reprendre d’une voix légèrement plus sèche :
« - Caracajou un à Caracajou deux. Tu m’entends Caracajou deux ? »
J’entends un bruissement frénétique de l’autre côté du combiné, mais toujours pas de réponse. Je peste à voix basse, toujours accroupie par terre :
« - Allô ? il y a quelqu’un ?! Qu’est-ce que tu fabriques Caracajou deux ?!! »
J’entends toujours le même bruissement frénétique. Puis un fort brouhaha, semblable à une cascade ou à un grondement de tonnerre étouffé par la mauvaise qualité de la liaison escargophonique, avant que ne me parvienne enfin la voix de l’agent Timothée Housi :
« - Allô ? Euh… oui ?
- Ah bah quand même ! Où étais-tu passé ?
- Hé, j’ai bien le droit d’aller aux toilettes ! C’est long de rester à faire le guet quand on a la vessie pleine ! En plus il n’y avait plus de papier, donc j’ai du aller demander à un habitant du coin qui…
- Je n’ai pas envie de savoir ça !! Tu es en position, toi et ta vessie ?
- Pfffff. Oui Mademoiselle la super-agente.
- Surveille la grille alors. Je traverse la zone des entrepôts, je devais être la dans une minute. La voie est libre ?
- Bien sûr que la voie est libre.
- A tout de suite. »
Tandis que je peste intérieurement, je parcours en grandes enjambées silencieuses la distance qui me sépare de la clôture délimitant la zone des entrepôts. Toujours aussi discrète et féline, je me faufile au milieu des bâtiments, profitant du moindre coin d’ombre pour me dissimuler. Finalement j’aperçois le grillage piqué de rouille isolant cette partie du port du reste de la ville des réfugiés de Clock Work : plus que quelques mètres et je serai en sécurité ! Soudain mon escargophone s’alarme :
« - Attends Caracajou un, quelqu’un arrive par ici !
- Occupes-t-en alors, c’est ton travail ! »
Tsss ! Tu vois journal, c’est ça de travailler avec des amateurs ! Il y a encore deux ans, l’agent Housi était un vulgaire civil indépendant. Il a tapé dans l’œil de je ne sais lequel de mes collègues qui s’est mis en tête de le recruter pour employer ses talents particuliers de sniper, et voilà le résultat ! Le Cipher Pol est gangrené d’amateurs comme lui qui font leur travail à moitié, sans professionnalisme ni bon goût, et iront voir si l’herbe et plus verte à la moindre occasion. Je te jure journal, j’ai du mérite de travailler avec…
Bang ! Bang bang ! Trois balles me fauchent avec violence : une dans la tempe, une dans l’épaule et une dans l’abdomen ! Je suis projetée en arrière, et une partie de mon corps disloqué est dispersé dans le vent ! Il me faut plusieurs secondes pour ressentir l’intense douleur qui m’envahit et me paralyse tandis que la partie encore intacte de mon corps heurte violemment le sol. Autour de moi les pages du précieux dossier volé s’éparpillent comme une pluie de feuilles en automne…
« - Haha ! Je ne sais pas qui c’était mais il me dira des nouvelles de mes balles de sniper spéciales ! La voie est libre Caracajou un !
… Caracajou un ? »
Je sors du bureau d’un pas de féline. Je referme doucement la porte et traverse le couloir en quelques rapides enjambées, aussi discrète qu’une ombre. Je passe une seconde porte, et pénètre dans un entrepôt plongé dans le noir. Je me plaque contre le mur. Tapie dans l’obscurité, je suis pratiquement invisible dans mon costume noir et moulant qui, à défaut d’être confortable, me donne l’allure d’une parfaite espionne sexy et redoutable !
L’entrepôt est entièrement vide à l’exception d’une rangée de caisses en bois alignées devant l’entrée. Je jette un œil : rien à droite, rien à gauche : je fonce ! Hop, hop, hop, j’atteins le mur, exécute quelques geppous qui me propulsent jusqu’au toit, et me stabilise au niveau de la lucarne ; je coince sous mon bras la précieuse liasse de feuilles que j’emporte avec moi le temps d’actionner la poignée d’ouverture, et me hisse sur le rebord.
Le toit est constitué de plusieurs plaques de tôle ajustées ensemble, usées par l’air salé mais encore solides. De là-haut j’ai une vue imprenable la ville, un assemblage hétéroclite de bâtiments faits à partir de matériaux de récupération où logent les réfugiés de l’Île de l’Horloge, et qui n’est pas sans me rappeler les bidonvilles de la décharge de ma Goa natale. Les constructions occupent le moindre espace terrestre du minuscule atoll, et même au-delà grâce à des pontons installés sur pilotis. La zone des entrepôts où je me trouve fait partie de ces endroits que l’on a gagné comme on a pu sur l’océan : des dizaines de hangars comme le mien s’alignent le long de la mer, séparés de la zone des habitations par un long grillage, bordant toute la façade ouest de l’atoll et, dans une certaine mesure, lui servant de brise vagues.
Je m’assieds sur la tôle et me laisse simplement glisser jusqu’au rebord, avant de me laisser happer par le vide avant que mon corps, aussi léger qu’un nuage de gaz, ne prenne le relai et me fasse flotter tranquillement jusqu’au sol.
Là, je reste accroupie sur les pavés, sans un bruit, contrôlant ma respiration tout en tendant l’oreille pour capter le moindre bruit. Les seuls sons qui me proviennent sont ceux de la légère brise, des petits animaux de la nuit, et de la mer qui clapote paisiblement au-delà des quais non loin. Personne ne semble avoir détecté mon méfait. Satisfaite, je me saisis de mon escargophone :
« - Caracajou un à Caracajou deux. Les œufs sont dans le panier, la poule rentre au poulailler. »
Il n’y a que le silence pour me répondre. Je passe quelques longues secondes à attendre, avant de reprendre d’une voix légèrement plus sèche :
« - Caracajou un à Caracajou deux. Tu m’entends Caracajou deux ? »
J’entends un bruissement frénétique de l’autre côté du combiné, mais toujours pas de réponse. Je peste à voix basse, toujours accroupie par terre :
« - Allô ? il y a quelqu’un ?! Qu’est-ce que tu fabriques Caracajou deux ?!! »
J’entends toujours le même bruissement frénétique. Puis un fort brouhaha, semblable à une cascade ou à un grondement de tonnerre étouffé par la mauvaise qualité de la liaison escargophonique, avant que ne me parvienne enfin la voix de l’agent Timothée Housi :
« - Allô ? Euh… oui ?
- Ah bah quand même ! Où étais-tu passé ?
- Hé, j’ai bien le droit d’aller aux toilettes ! C’est long de rester à faire le guet quand on a la vessie pleine ! En plus il n’y avait plus de papier, donc j’ai du aller demander à un habitant du coin qui…
- Je n’ai pas envie de savoir ça !! Tu es en position, toi et ta vessie ?
- Pfffff. Oui Mademoiselle la super-agente.
- Surveille la grille alors. Je traverse la zone des entrepôts, je devais être la dans une minute. La voie est libre ?
- Bien sûr que la voie est libre.
- A tout de suite. »
Tandis que je peste intérieurement, je parcours en grandes enjambées silencieuses la distance qui me sépare de la clôture délimitant la zone des entrepôts. Toujours aussi discrète et féline, je me faufile au milieu des bâtiments, profitant du moindre coin d’ombre pour me dissimuler. Finalement j’aperçois le grillage piqué de rouille isolant cette partie du port du reste de la ville des réfugiés de Clock Work : plus que quelques mètres et je serai en sécurité ! Soudain mon escargophone s’alarme :
« - Attends Caracajou un, quelqu’un arrive par ici !
- Occupes-t-en alors, c’est ton travail ! »
Tsss ! Tu vois journal, c’est ça de travailler avec des amateurs ! Il y a encore deux ans, l’agent Housi était un vulgaire civil indépendant. Il a tapé dans l’œil de je ne sais lequel de mes collègues qui s’est mis en tête de le recruter pour employer ses talents particuliers de sniper, et voilà le résultat ! Le Cipher Pol est gangrené d’amateurs comme lui qui font leur travail à moitié, sans professionnalisme ni bon goût, et iront voir si l’herbe et plus verte à la moindre occasion. Je te jure journal, j’ai du mérite de travailler avec…
Bang ! Bang bang ! Trois balles me fauchent avec violence : une dans la tempe, une dans l’épaule et une dans l’abdomen ! Je suis projetée en arrière, et une partie de mon corps disloqué est dispersé dans le vent ! Il me faut plusieurs secondes pour ressentir l’intense douleur qui m’envahit et me paralyse tandis que la partie encore intacte de mon corps heurte violemment le sol. Autour de moi les pages du précieux dossier volé s’éparpillent comme une pluie de feuilles en automne…
« - Haha ! Je ne sais pas qui c’était mais il me dira des nouvelles de mes balles de sniper spéciales ! La voie est libre Caracajou un !
… Caracajou un ? »
Dernière édition par Caramélie le Ven 20 Aoû 2021 - 22:08, édité 1 fois