Bang.
Eh bah putain, manquait plus que ça. Certains se jettent à terre, d’autres restent bien assis à leur place, continuent de bouffer, ou de jouer à leur partie de cartes déjà bien entamer, sans se soucier le moins de monde de la balle qui vient de faucher le type juste à côté de moi. En plein dans la gorge, il se la tient en se tortillant et crache du sang à plus savoir quoi en foutre. Je le regarde une seconde, planqué contre un mur, je sais très bien que si je m’approche du pauvre, je me fais buter à mon tour. Ça vaut pas le coup, tu penses pas? Derrière moi, un autre type vient se greffer au mur, sous les fenêtres qui viennent d’être prises d’assaut par les tirs. Du coin de l’œil, j’aperçois l’aubergiste, toujours debout un torchon à la main, qui soupire en voyant une de ses bouteilles se faire exploser et répondre son nectar sur le sol.
« Venez, » qu’il me lance.
J’hoche la tête, ce type là est quasiment un local, il sait ce qu’il fait. Clayton. Y’a pas cinq minutes, je jouais aux cartes avec lui. Je crois même que j’étais entrain de gagner, fait chier. Il m’attire un peu plus loin, on longe le mur, ça tire, tellement que les clients qui s’en foutaient commencent à avoir les chocottes. Je crois bien qu’ils ont l’habitude qu’on cible une seule personne à la fois, qu’aurait fait une connerie. La, ça tire à l’aveugle. Dehors, une voix bien rauque résonne.
« Alors Melvin, paraît qu’on héberge des chiens du gouvernement dans son taudis? »
L’aubergiste peste et crache au sol. Tu vas quand même pas me dire que je suis déjà grillé? A côté de moi, Clayton marmonne dans sa barbe, et continue de m’entraîner vers l’arrière-boutique. On a nos flingues sortis, mais aucun de nous ne tire. Mon petit doigt me dit qu’à la moindre riposte, c’est tout le bâtiment qui part en fumée. On arrive dans un local qui pue l’alcool et la soupe à plein nez, un mélange que je recommande pas trop, ça shlingue. Clayton siffle, ça fait un bruit strident, aigu, couvert par les coups de feu qui ont repris derrière nous. Une planche de bois s’envole à côté de moi. J’entends des bruits de sabots, devant nous. Mon pote pète la vitre d’une fenêtre d’un coup de crosse, plonge au travers. Je le suis, je m’érafle, pas grave. Derrière nous, un des types nous remarque, ça gueule, ça tire vers nous. Sans perdre une seconde, on grimpe sur les montures que mon gars sûr vient d’appeler, des braves bêtes, je sais pas comment elles font pour pas se barrer avec tout ce boucan. Je sens les balles siffler dans mon dos, j’ai du sable qui s’infiltre dans mes yeux, mon cache-poussière manque de foutre le camp. Je fourre une main dans ma poche, je vérifie que j’ai bien tout. La photo, froissée, est toujours là?. Puis je tire à l’aveuglette à l’arrière, sans grand espoir de faire mouche, et on s’enfonce dans le désert, éclairé seulement par la Lune qui pointe déjà le bout de son nez, et moi, je me demande bien ce qui va me buter en premier : le froid, la soif, ou le plomb.