Le molosse et le moustique ne vont pas se défiler, j'en ai la quasi certitude. Le premier dégageait une impassible sérénité, derrière son numéro de fanfaron. Le second avait l'air si détestable qu'il ne peut être qu'un bon coach. Ils viendront. Quand bien même je serais dans l'erreur, s'ils tentent de faire machine arrière, le vieux Eb' se chargera de leur rappeler ce que passer un accord signifie chez lui, par des méthodes frappantes voire totalement inhumaines, et ils finiront soit dans un état proche du coma, soit plus probablement refroidis pour de bon, décarcassés et balancés dans les égouts de la ville.
Mais quoi qu'il en soit, cela ne change pas la donne pour moi. J'ai ma part du contrat à respecter, mine de rien. Se porter garant de l'organisation d'un combat, cela aussi a une valeur dans le milieu. S'agit pas de perdre ça de vue.
Alors une fois loin de la Trinquette, je me hâte sous la pluie qui s'intensifie au fil des minutes. D'abord, trouver l'adversaire. Indispensable. Ensuite, prendre quelques précautions pour la suite du combat. Les gars viennent pas pour voir un vulgaire match de boxe entre gentlemen sportifs. Ils veulent assister à une guerre sur le ring. Alors il faut s'assurer de pouvoir satisfaire le public. Et pour se faire, direction le grand square désaffecté de la basse ville.
L'endroit est un ramassis de canailles et autre fripouilles un peu moins dangereuses que les autres en apparence. Archi faux en vérité. Ces gars sont juste tellement en marge de la loi et sûr de leur force qu'ils ne craignent pas de se montrer au grand jour, contrairement aux autres. Quand j'arrive, on me lorgne. On m'identifie. Deux vieux routiers dans le circuit des arnaques viennent vers moi. Pas un bonjour, pas une poignée de main. On parle peu, on va à l'essentiel.
-J'ai un combat à monter chez Eb'. Tu peux faire quelque chose pour moi ?
-Possible, ouais.
-Une adresse à m'indiquer ?
-T'occupe, je gère ça moi-même.
-Sois à la cave dans une heure.
Pas loin de 5 000 Berrys file de ma poche à la sienne. Je le préviens qu'il en recevra autant une fois l'affaire conclue avec brio. Elle le sera. Pas qu'un code de l'honneur particulier soit à respecter parmi les truands, mais c'est comme ça que ça marche. Qui dit embrouille dit complication, et malgré tout entre ripoux, on évite de trop se tirer directement dans les pattes. On sait quelle est sa place et celles des relations dans la pyramide, et on sait y rester.
La première partie de mon travail est bouclée. La plus délicate. Reste maintenant à trouver mon combattant. Qui est-il au juste ? Un jeune décidé à se faire un peu de maille, m'a t-il semblé quand je l'ai entendu parler de participer à un combat. Pas étouffé par les principes non plus puisque prêt à plonger tête la première dans un nid de serpent. C'était il y a une paire de jours de ça. Nul doute qu'il doit encore être partant. Et je sais où le trouver : au Florès.
Un bar qui a sans doute connu son heure de gloire, il y a de ça quelques décennies, mais décrépit depuis lors. J'y passe à l'occasion, pour me tenir au courant de ce qui s'y dit. Le meilleur moyen d'entendre parler des bruits qui courent c'est d'aller à leur encontre.
Au terme d'un nouveau quart d'heure de marche, j'arrive à destination. J'écrase ma clope à moitié noyé par la flotte et entre. La boutique est presque vide, tant mieux. Je n'en repère mon oiseau que plus vite. Occupé à ne rien faire dans un coin de la pièce.
-Fini ton verre, j'ai ton combat. Je t'attends dehors.
Et c'est tout. Quand il sort, j'ouvre la marche sans un mot, assurant une bonne cadence. Il ne faudrait pas être en retard sur les horaires prévus. L'autre me suit. Il ne parle pas et c'est tant mieux. Peut-être déjà concentré sur son combat à venir.
Le dédale de ruelles que nous empruntons, je le connais comme ma poche. Chaque pas dans ces bas-quartiers troubles et menaçants pour les simples civils passé la nuit tombée nous rapproche un peu plus de la cave du vieux Eb'. Quand nous n'en sommes plus distants que de quelques encablures, je me retourne et lui glisse un lame dans la main
-Ça, c'est pour lancer les amabilités sur le ring. Le reste, c'est sur place. Quand tu seras dans la merde face à l'autre, tape deux fois du pied, je m'occuperai du reste. Tu remarqueras que j'ai dis quand tu seras dans la merde, et non pas si, parce que tu vas forcément t'y retrouver. Et surtout oublie pas, plus tu donneras au public ce qu'il veut, plus la cagnotte montera. Maintenant, c'est l'heure.
Nous sommes arrivés à l'entrée. Je toque à la lourde porte en bois en respectant le signal convenu. On m'ouvre. Je connais les locaux, mon pas est décidé. Nous arrivons au sous-sol où la foule ronge son frein. Il y a plus de monde que je me l'imaginais. Passée la clameur de satisfaction à mon arrivée, on jauge mon poulain. Un ou deux sceptiques me lance un œil méprisant à la détournée, d'autres crachent au sol en signe de mécontentement. On s'attendait à mieux.
Enfin dans les rangées, un regard familier croise le mien. Un imperceptible signe de tête me confirme que tout est prêt. Parfait. Le décor est planté, il ne me reste plus qu'à aller présenter mes respects au propriétaire. Une poignée de main glaciale me souhaite la bienvenue et bonne chance. Comprendre : t'as intérêt à assurer sinon tu connais le tarif. Message reçu.
Alors que je vais pour répondre, un grincement de porte attire l'attention de tous sur l'autre bout de la salle. Le fauve sort de sa tanière. Regard fermé, presque violent. La foule se tait. Elle apprécie, elle est impressionnée. Le pas lourd, lent, l'homme approche. Sûr de sa force. Il y a de quoi. En face, le gamin a l'air d'une allumette. Heureusement que j'ai pris mes précautions. Enfin, il pénètre dans la cage. Mais il n'a rien d'un prisonnier. Son air n'en devient qu'encore plus féroce. Le public le harangue, le chauffe. L'ambiance est électrique. On n'attend plus que le challenger. Je pose une main sur son épaule et lui lâche une dernière mise en garde avant le combat.
-C'est à toi, ils t'attendent. Garde bien ce que je t'ai dit à l'esprit, et tâche de pas te faire tuer.
Dernier conseil, puis je me fonds dans la masse. Le môme pénètre dans l'arène à son tour. Une poignée de secondes plus tard, la voix rocailleuse de Eb' s'élève.
-Messieurs, c'est à vous.
La cloche résonne. C'est parti.
Mais quoi qu'il en soit, cela ne change pas la donne pour moi. J'ai ma part du contrat à respecter, mine de rien. Se porter garant de l'organisation d'un combat, cela aussi a une valeur dans le milieu. S'agit pas de perdre ça de vue.
Alors une fois loin de la Trinquette, je me hâte sous la pluie qui s'intensifie au fil des minutes. D'abord, trouver l'adversaire. Indispensable. Ensuite, prendre quelques précautions pour la suite du combat. Les gars viennent pas pour voir un vulgaire match de boxe entre gentlemen sportifs. Ils veulent assister à une guerre sur le ring. Alors il faut s'assurer de pouvoir satisfaire le public. Et pour se faire, direction le grand square désaffecté de la basse ville.
L'endroit est un ramassis de canailles et autre fripouilles un peu moins dangereuses que les autres en apparence. Archi faux en vérité. Ces gars sont juste tellement en marge de la loi et sûr de leur force qu'ils ne craignent pas de se montrer au grand jour, contrairement aux autres. Quand j'arrive, on me lorgne. On m'identifie. Deux vieux routiers dans le circuit des arnaques viennent vers moi. Pas un bonjour, pas une poignée de main. On parle peu, on va à l'essentiel.
-J'ai un combat à monter chez Eb'. Tu peux faire quelque chose pour moi ?
-Possible, ouais.
-Une adresse à m'indiquer ?
-T'occupe, je gère ça moi-même.
-Sois à la cave dans une heure.
Pas loin de 5 000 Berrys file de ma poche à la sienne. Je le préviens qu'il en recevra autant une fois l'affaire conclue avec brio. Elle le sera. Pas qu'un code de l'honneur particulier soit à respecter parmi les truands, mais c'est comme ça que ça marche. Qui dit embrouille dit complication, et malgré tout entre ripoux, on évite de trop se tirer directement dans les pattes. On sait quelle est sa place et celles des relations dans la pyramide, et on sait y rester.
La première partie de mon travail est bouclée. La plus délicate. Reste maintenant à trouver mon combattant. Qui est-il au juste ? Un jeune décidé à se faire un peu de maille, m'a t-il semblé quand je l'ai entendu parler de participer à un combat. Pas étouffé par les principes non plus puisque prêt à plonger tête la première dans un nid de serpent. C'était il y a une paire de jours de ça. Nul doute qu'il doit encore être partant. Et je sais où le trouver : au Florès.
Un bar qui a sans doute connu son heure de gloire, il y a de ça quelques décennies, mais décrépit depuis lors. J'y passe à l'occasion, pour me tenir au courant de ce qui s'y dit. Le meilleur moyen d'entendre parler des bruits qui courent c'est d'aller à leur encontre.
Au terme d'un nouveau quart d'heure de marche, j'arrive à destination. J'écrase ma clope à moitié noyé par la flotte et entre. La boutique est presque vide, tant mieux. Je n'en repère mon oiseau que plus vite. Occupé à ne rien faire dans un coin de la pièce.
-Fini ton verre, j'ai ton combat. Je t'attends dehors.
Et c'est tout. Quand il sort, j'ouvre la marche sans un mot, assurant une bonne cadence. Il ne faudrait pas être en retard sur les horaires prévus. L'autre me suit. Il ne parle pas et c'est tant mieux. Peut-être déjà concentré sur son combat à venir.
Le dédale de ruelles que nous empruntons, je le connais comme ma poche. Chaque pas dans ces bas-quartiers troubles et menaçants pour les simples civils passé la nuit tombée nous rapproche un peu plus de la cave du vieux Eb'. Quand nous n'en sommes plus distants que de quelques encablures, je me retourne et lui glisse un lame dans la main
-Ça, c'est pour lancer les amabilités sur le ring. Le reste, c'est sur place. Quand tu seras dans la merde face à l'autre, tape deux fois du pied, je m'occuperai du reste. Tu remarqueras que j'ai dis quand tu seras dans la merde, et non pas si, parce que tu vas forcément t'y retrouver. Et surtout oublie pas, plus tu donneras au public ce qu'il veut, plus la cagnotte montera. Maintenant, c'est l'heure.
Nous sommes arrivés à l'entrée. Je toque à la lourde porte en bois en respectant le signal convenu. On m'ouvre. Je connais les locaux, mon pas est décidé. Nous arrivons au sous-sol où la foule ronge son frein. Il y a plus de monde que je me l'imaginais. Passée la clameur de satisfaction à mon arrivée, on jauge mon poulain. Un ou deux sceptiques me lance un œil méprisant à la détournée, d'autres crachent au sol en signe de mécontentement. On s'attendait à mieux.
Enfin dans les rangées, un regard familier croise le mien. Un imperceptible signe de tête me confirme que tout est prêt. Parfait. Le décor est planté, il ne me reste plus qu'à aller présenter mes respects au propriétaire. Une poignée de main glaciale me souhaite la bienvenue et bonne chance. Comprendre : t'as intérêt à assurer sinon tu connais le tarif. Message reçu.
Alors que je vais pour répondre, un grincement de porte attire l'attention de tous sur l'autre bout de la salle. Le fauve sort de sa tanière. Regard fermé, presque violent. La foule se tait. Elle apprécie, elle est impressionnée. Le pas lourd, lent, l'homme approche. Sûr de sa force. Il y a de quoi. En face, le gamin a l'air d'une allumette. Heureusement que j'ai pris mes précautions. Enfin, il pénètre dans la cage. Mais il n'a rien d'un prisonnier. Son air n'en devient qu'encore plus féroce. Le public le harangue, le chauffe. L'ambiance est électrique. On n'attend plus que le challenger. Je pose une main sur son épaule et lui lâche une dernière mise en garde avant le combat.
-C'est à toi, ils t'attendent. Garde bien ce que je t'ai dit à l'esprit, et tâche de pas te faire tuer.
Dernier conseil, puis je me fonds dans la masse. Le môme pénètre dans l'arène à son tour. Une poignée de secondes plus tard, la voix rocailleuse de Eb' s'élève.
-Messieurs, c'est à vous.
La cloche résonne. C'est parti.
Dernière édition par Rik Achilia le Sam 12 Nov 2011 - 9:44, édité 1 fois