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Mettre les voiles à coups de rames !

Le ciel est bleu... d'un bleu sans fin dépourvu du moindre nuage... et à ses yeux plongés dans l'horizon, le bleu de l'océan, lui aussi, s'étend à l'infini. Et Rowan répond à tout ceci en y plongeant ses yeux, quand à eux, encore désespérément bleux. Ainsi, tout en lui, jusqu'à son coeur qui bat au rythme des marées caressés par les vents, parait avoir cette sérénité des étendues bleux à pertes de vues. Son coeur bat et palpite, aussi lourd et réguliers que les tonnes d'eaux qui viennent s'écraser sur les récifs sans discontinuer. Avec calme.
La seule chose qui saurait le faire sortir de sa torpeur, c'est le vent salé qui vient gifler sa plaie bandée.

La brûlure de la blessure que lui a infligé Barbe Rousse... une bien belle diagonale sanguinolente en plein torse, quelque chose de saisissant qui pique, qui brûle et qui l'empêche de sombrer dans la torpeur complète. Ca en valait la peine... et comment pourrait-il savoir si tôt que ça laissera une cicatrice ? Il le sait car il le sent, lorsqu'il contemple l'océan depuis les côtes d'Orange. Ce à quoi il a activement participer ici... ça n'avait rien pas très noble... et il en aurait volontiers rien à faire, sinon à cause d'Eïna. 
Elle veut faire le bien... cette phrase si simple et innocente, si bête aussi, lui reste en tête. L'idée, sans trop savoir pourquoi, le hante et l'entête. 

Puis, il suffit d'un cri d'une mouette pour le rappeller au souvenir d'une rencontre en forêt... et avec cela, il savoure la mélancolie des routes croisés, se dit que c'est bien dommage de tuer. Mourir doit bien arriver un jour -et c'est le pire- mais ça parait si... dommage... de se priver de l'occasion de se recroiser. En bien ou en mal, c'est un odieux gâchis... un océan d'opportunité qui s'éteint quand cesse la vie de quelqu'un.

D'un soupir, il balaye quelques remords plutôt vivaces... bien fugaces pour qu'on considère que Rowan en ait réellement quelque chose à faire de tout ça. Puisqu'ici, sa prioritée c'est de retrouver l'émissaire pour ensuite récupérer sa fichue récompense. Trente millions... c'était beaucoup mais... le pari, risqué, a été de décliner cette offre pour une autre proposition ; quelque chose qui vaut bien plus que ça !
Ca a beau sentir l'arnaque tant l'émissaire était... douteux et évasif sur la question... Rowan était trop curieux pour ne pas céder à la tentation. 

" Maintenant, faut que je le rejoigne... " Et pour ça, il faut un navire. Peu importe qui le navigue ou le commande, du moment que celui-ci va sur la bonne île. D'un soupir déçu, Rowan détourne ses yeux de l'océan pour les reporter en direction du port d'Orange, non loin. D'un côté, quitte à avoir fait ce qu'il a fait... autant que ce soit pour quelque chose ? C'est encore ce qui le différencie de Barbe Rouge. 
Vraiment ? Ils ne veulent pas la même chose mais... les deux font passer leurs envies avant tout le reste.

Au pas de promenade, Rowan s'avance lentement comme pour repousser un peu plus l'heure fatidique... la véritée c'est... qu'il veut un bateau pour s'en allez d'ici. De la même façon qu'il en voulait un pour quitter son île natale. Son pas n'accélère pas, il prend le temps de réfléchir en avançant lentement. En contrebas, les falaises s'abaissent pour laisser place à un petit coin portuaire saigné à blanc.
Brûlé à vif, récemment, couvert des ruines noirâtres effondrés... malgré un temps de carte postale, les gens y sont mornes.

Le contraste est saisissant... s'ils ne sont pas en uniformes, ils sont habillés à la va-vite, sale et tous à la tâche. Sous les chocs, les gens s'acharnent à la reconstruction pareille à des spectres, les sourires sont faibles et fragiles... un si beau temps semble alors narguer le drame qu'ont vécu les habitants d'Orange. Bien soucieux, le navigateur ne sourit pas non plus... le regard un peu triste mais sans conviction. 

Ca le touche juste assez pour l'embêter... mais trop peu pour vraiment l'ennuyer, ce qu'il laisse songeur quand à sa nature profonde. Sur les quais, Rowan se dit qu'il n'a ni son pistolet, ni son sabre... peut-être perdu dans le court des évènements, confisqués par ses soins mais peu importe, le résultat est là. Tristement, les marines sont ici présents en quantité raisonnable à cause des évènements récents. Tout autour, ce sont des ruines... des ruines que l'on s'acharnent à habiter et restaurer... on y arrivera un jour, peut-être, ou pas. 
Encore une fois... ca lui importe peu... et il réfléchit, l'air soucieux mais sans plis sur ses sourcils levés de curiosités. 

L'infatigable va-et-vient des marées, l'apaise encore, l'appelle presque lorsqu'une barque à voile se révèle à ses yeux... ça ne fera pas le tour du monde mais ça ira d'une île à l'autre si c'est bien dirigé. Rowan sifflote un air si peu innocent ! Rien de convainquant dans sa prétendue nonchalance ! Mains dans les poches de son ample pantalon de flibustier, il s'approche à pas mollasson de la barque à voile en la fuyant du regard. L'homme dessus s'affaire à des noeuds, penché en offrant son dos à ceux qui marche sur le petit ponton de bois sur pilori. Sous le regard éteint des palmiers calcinés par des incendies, le navigateur s'élance d'un bond sur la barque ! Ca va faire mal, très mal... puisqu'il saute à pieds joints, plus que ça, pieds collés pour un coup de pied sauté comme au catch !
Ca sort de nulle part et l'impact est lourd, est sourd ! Le vieux marin tombe à l'eau mais aussi sec, en ressort pour s'agripper à la coque de sa barque. 

Péniblement, le vieillard se hisse lentement pendant que Rowan, sur le flanc, se tient le torse dont la blessure fraichement rafistolé suinte le sang. Dans un élan de panique, il attrape une rame pour tenter de faire partir le bateau avant de pouvoir mettre les voiles. Littéralement, pour l'instant, il veut juste partir ! Sauf que... il n'a pas décroché le bateau, toujours forcé à quai par une corde qui le retient au niveau de l'extrémité du ponton. 

" Sardine puante ! " Pied sur le bois, le vieux pêcheur retrousse ses manches inexistantes -en marcel malgré ses bras rachitiques- avant de renifler furieux à en faire frissonner ses pâles toisons nasales touffues. Ni une ni deux, Rowan attaque à coup de rame en bois sur le petit vieux ! Ca suffit à le sonner quelques instants... le temps de se rendre compte qu'il n'a rien à portée de main pour couper cette fichue corde.
Faute de mieux, le navigateur mord la corde à pleine dent et fait de son mieux pour la ronger jusqu'à la faire céder. 

Du coin de l'oeil, ça s'agite mais lui, fier et fort, mord sa corde avec rage en tenant sa longue rame en bois par-dessus sa tête à deux mains.
    Bordel cette chaleur ! Mais quand est ce qu’on arrive me demanderez-vous ? Patience, ce petit bout de terre qu’est Orange est à portée de tir de canon, c’est qu’on va pas tarder à amarrer. Enfin réhabilité, et au grade de commandant, mazette ce que j’aime me faire mousser… Pas du tout, en fait je m’en contre fous. Bref, me voilà à bord du… C’est comment déjà ? Ah oui ! Le Couperet, voilà le nom que j’ai donné au somptueux croiseur que la marine a mit à ma disposition par la Marine. Enfin du moins, c’ st le nom que j’ai gravé sur la proue avec mon couteau. Ouais ouais, c’est le matériel du gouvernement mondial, t’as pas l’droit de faire ça Wayne, bla bla-bla-bla…

    Pour faire court, l’état major a jugé bon de me réincorporer dans la Marine régulière, et c’est une putain de bonne nouvelle. Je vais pouvoir traquer et exterminer la vermine à grand coup de latte et ça franchement, ça n’a pas de prix. C’est vrai, il y a certaines choses qui s’achètent, pour le reste il y a le merveilleux système militaire du Gouvernement Mondial. Mais trêve d’éloges nauséeuses, si je suis là aujourd’hui c’est pour une raison plutôt simple.

    Orange a été attaqué, par des pirates semble-t-il, les pertes civiles et militaires ne sont pas négligeables apparemment. Tout le monde s’affaire aux réparations, on a juste été dépêché pour le maintien de l’ordre. Ça m’a tout l’air d’une mission à la con, mais je vais prendre mon mal en patience. Je m’avance sur le pont tranquillement, passant parmi les soldats que mes supérieurs ont jugé bon de placer sous mes ordres. En les regardant de plus près, je devine d’emblée que je n’ai pas affaire à des chiens de guerre. Encore des petits jeunes tout droit sortis de l’académie, c’est génial.


    Commandant Macallan ! Seconde classe Thomas au rapport ! Nous approchons d’Orange.

    C’est fantastique seconde classe Thomas… Fantastique.



    Bon sang, ça promet d’être bougrement long c’est moi qui te le dis… Après quelques minutes à la manœuvre dans le port, je débarque enfin sur le port d’Orange, pour y découvrir le résultat de la visite de courtoisie des pirates. Des bâtiments détruits, des blessés ici et là, quelques linceuls sur des corps rassemblés non loin. Quelle plaie cette mission, j’en ai déjà raz le cul, moi qui pensais être affecté sur des affaires spéciales suite à mon entrevue avec le gominé, voilà que je me retrouve ENCORE à jouer les nounous.

    Cinquante hommes, ni plus ni moins. J’ai un sacré régiment à disposition et je compte bien leur filer les tâches ingrates histoire de boucler ça rapidement.


    Seconde classe Thomas ?

    OUI COMMANDANT MACALLAN ?!

    Wow wow wow… T’es pas obligé de gueuler mon gars… Tranquille, je suis à deux mètres de toi.

    Je m’excuse commandant. Quels sont vos ordres commandant ?

    Déployez-vous et veillez à assister les locaux. Aidez les à trouver des survivants, ce genre de choses…

    Bien mon commandant ! Allez-vous vous établir une tête de pont ?

    Une tête de… Ouais je vais aller établir une tête de pont pendant ce temps.



    Le soldat me salue respectueusement avant d’aller quérir ses petits camarades et très vite ils se mettent au boulot. Ça fait chaud au cœur de voir tous ces bons gars mettre du coeur à l’ouvrage, sincèrement. D’ailleurs je vais de ce pas établir la tête de pont, direction la taverne la plus proche, je suis persuadé que c’est l’endroit le plus stratégique pour ce bordel là.

    Je marche tranquillement, m’allume un cigare, bon dieu ça fait un bail que je n’avais pas touché à ces saloperies. Et je dois avouer que ça m’a manqué, légèrement quoi. Tout en m’avançant vers la taverne, je prends une bonne bouffée de tabac que je recrache dans un nuage de fumée au parfum brut mais quelque peu fruité. Qu’est ce que ce sera ? Hum, probablement un petit rhum. Rien de tel qu’un bon verre de rhum pour décrasser mon gosier de la poussière des chemins ça c’est certain.

    Longeant les quais, sur le chemin j’aperçois un spectacle plutôt cocasse. Un petit gars qui s’élance d’un ponton de bois sur la barque d’un pauvre mec, faisant basculer le pauvre vieux directement à la bagne. Et voilà que le petit vieux remonte vite fait bien fait sur la barque avec l’énergie d’un gamin de vingt piges à la poursuite de son dépucelage. Effaré, je marque un temps d’arrêt pour voir ce que ça va donner. L’assaillant saisit une rame et tente en vain de se dégager du ponton, mais la barque est encore attachée bon sang… Mais qu’est ce que tu fous mon gars ?!

    C’est alors que le vieux essaie une contre-attaque mais sans succès, l’assaillant, qui d’ailleurs a l’air bien mal en point, assène un sacré coup d’latte sur la tête du pauvre vieux. Et ça suffit à le sonner, c’est bien joué, du coup le voleur de barque en herbe essaie carrément de sectionner les cordages avec ses dents ! Avec ses dents non mais j’hallucine ! Un sacré spectacle que voilà, je décide de m’approcher du gars, l’envie de lui tendre mon couteau me démange, je risque de me faire réprimander si je viens à être vue à aider un voyou.


    Hé ben on peut dire que tu mérites ta barque pauvre diable… Outch t’as l’air mal en point dis moi…


    Un visage familier, mais où est ce que j’ai bien pu voir ce type ? Aucune idée et aucune foutue importance. J’aimerais cependant bien savoir ce qui a bien pu lui arriver, des blessés y’en a un paquet, de partout, mais des blessés qui tentent de voler une barque… Ça j’en ai vu qu’un.
      " Ce vieillard essaye de me piquer ma barque ! " Hurle Rowan en lâchant tout juste la corde, en sueur de sa blessure qui suinte d'être fraichement réouverte.


      " Mais pas du tout ! C'est toi qui me la vole ! " Hurle le vieillard en retour, ses poings brandis comme à la belle époque façon Popeye, prêt à en découdre avec le navigateur armé à la rame. 


      Un duel de regard s'engage et le navigateur se permet alors un regard en coin au marine... ça lui dit quelque chose mais quoi ? Un barbu à l'air patibulaire, malgré qu'il ne soit pas si aggressif que ça, juste bourru par nature... le noir charbon de ses cheveux n'aidant ses sourcils épais et denses. C'est un marine mais... on n'en douterait, il aurait plus l'air d'un sheriff local à la dure.
      Le temps d'un bref regard ; un temps suffisent pour que le vieux décoche un gauche-droite à Rowan. 


      Le pauvre recule jusqu'à la "proue" de la barque et manque de chuter à l'eau à son tour, penche dangereusement en tout cas. Sa rame en l'air tenue à son extrémité, à bout de bras et d'un effort qui lui parait surhumain, le navigateur ramène le bout de la rame ! Celui-ci, à plat, va s'écraser contre la tête du petit vieux et lui aplatit brièvement le crâne, au point que l'engin de bois cède en deux.
      Ce qui laisse le vieillard avec un regard furieux, silencieux mais de la détermination dans les yeux.


      Rowan retourne sur le pont d'un bond, non sans attraper la deuxième moitié de sa rame au vol et épuisé, moite, il se cache très courageusement dérrière ce marine familier. 


      " Ce vieux fou ! Celui-ci avec sa tête là ! " Crache péniblement Rowan en le pointant du doigt, bien à l'abri dérrière le marine avec juste sa tête qui dépasse sur le côté, sous son épaule tant le forban se recroqueville. 



      Le vieillard s'empresse d'une génuflexion, ramasse sa pipe à terre et en inspire une énorme bouffée ; juste après, il la recrache avec une précision mortelle. En pleine tête, celle du navigateur qui se retrouve enfumée de manière localisée mais... juste avant, il jette une moitié de sa rame sur le vioque ! Une attaque comme l'autre touche avec précision, pleine tête ! Bien déboussolé par la fumée qui obstrue ses repères, il s'accroche au marine comme un mollusque à son rocher.
        Qui vole qui dans cette histoire ? J’ai quand même peine à croire que ce vieillard soit déterminé au point de voler une barque. Puis ce n’est clairement pas lui qui a infligé cette blessure au jeune homme. Ce dernier finit par regagner le ponton, et rebelote c’est reparti pour une joute musclé. Infirme vs Vieillard. Encore du grand spectacle à n’en point douter. On voit que le jeune homme prend sur lui pour tenir, sa plaie, bien que soignée de manière rudimentaire, semble sérieuse. Mais ça ne semble pas vouloir s’arrêter là, en effet le vieux semble vouloir son match retour. On est là pour le maintien de l’ordre Wayne… De ce fait je m’interpose entre les deux bagarreurs.


        Hé la… Je crois que notre ami a eu son compte. Circulez maintenant.


        Le vieillard reste un instant à hésiter, l’es yeux rivés sur son adversaire avant de pousser un profond soupir, chargé de tabac de piètre qualité et assorti d’un juron. Sans doute n’a t il pas insisté en présence d’un représentant de l’ordre. Je le regarde s’éloigner en souriant, cette altercation aura égaillé ma journée.

        Prenant une grande bouffée du tabac de mon cigare, je le retourne alors vers notre voleur de barque. Qui peut il bien être, bon sang je suis persuadé de l’avoir déjà vu quelque part mais où… Il a l’air d’avoir morflé, est-ce la m’œuvre des pirates ? Est il lui même dans le camp des malfrats ? C’est bien possible et ça pourrait expliquer sa volonté de voler une embarcation coûte que coûte.

        Tu cogites trop Wayne ! Peu importe dans quel camp il est, dans cet état il ne risque pas d’aller bien loin ni même de causer le moindre tort, mais restons prudents quand même. J’expire un petit nuage de fumée tout en l’approchant du gus pour examiner sa blessure de plus près.


        Pas joli joli… Les pirates ? Sale affaire en tous cas. T’arriverais sûrement mieux à tirer cette barque après des soins adaptés et un bon repos.


        Ça n’a, de prime à bord, pas l’air d’être un mauvais bougre, je décide alors de sortir ma flasque de whisky et d’en boire une bonne lampée. Le délicieux nectar ingurgité je tends la flasque vers le blessé avec un sourire, mes gars s’occupent de la basse besogne, du coup pour tuer le temps pourquoi ne pas interroger les locaux pour en apprendre plus sur les pirates qui étaient là. Et on va commencer par ce type la.
          " Ca y est, je te remet. " Déclare Rowan, que le soleil de plomb rend fatigué et que la fatigue rend calme. La fumée dense du cigare qui s'échappe en même temps que ses mots... et reste dans l'air, la brise trop faiblarde pour le dissiper rapidement. Les yeux vitreux malgré tout... son ton ne transpire pas l'énèrgie et, d'une manière ou d'une autre, le fantôme d'Orange le hante encore. Trop peu pour pouvoir prétendre être réellement quelqu'un de bien mais... juste assez pour l'ennuyer. Car, justement, le gars lui rapelle à la raison particulière de son ennui. " T'es le supérieur de la p'tite Eïna non ? "
          Pour ponctuer sa phrase, le navigateur retourne alors le cigare à celui qui lui a offerte, de manière bien sympathique.


          Avec un sourire sans conviction, l'esprit inquiet de Rowan a l'impression d'entamer un interrogatoire. A tel point qu'il ne voit pas l'intérêt de se défendre de l'accusation du vol de barque ; de la même façon que le marine ne voit pas l'intérêt d'insister là-dessus non plus. 


          " La marine m'a déjà offert des soins adaptés et un bon repos, je m'en sortirais... " Avec lenteur, le cigare enlevé à ses doigts, le navigateur jette un regard mélancolique à la ville d'Orange. Vouté en s'appuyant ses ses genoux, il s'est assis sur un petit poteau où est noué la fameuse barque. Le nom de ce petit poteau lui échappe et... c'est la honte pour un navigateur. 


          " On s'est croisé à un village un peu plus profond dans les terres... là où a attaqué un certain Barbe Rousse, le gars qui m'a fait cette blessure. Un véritable fou furieux qui ne se cachait pas de n'être là que par pur envie de massacres sanguinaires... crois-moi, il est dangereux. " 


          Son sourire léger, péniblement maintenu, ne s'effondré pas au moment de plonger son regard dans celui de Macallan. Pourtant, à cet instant, Rowan a les yeux d'un incroyable sérieux par-dessus un sourire de façade. 


          " Ses motivations le sont, en tout cas... il... il n'en avait rien à foutre de piller quoique ce soit, tout ce qu'il voulait, c'était déployer un carnaval morbide et sanguinolent. Femmes et enfants ? Peu lui importait... alors, justement, Eïna était là pour l'arrêter. Elle s'est battue contre Barbe Rousse, contre l'incendie, contre la panique en ville, elle... elle a fait tout ce qu'elle a pu, en véritée, ça aurait été dix fois pire sans elle. "


          Son sourire s'éclaircit d'énèrgie et ses yeux se perdent vers l'océan, un peu rêveur... toujours un peu triste puisque... sans Eïna ? Dix fois pire. Sans Rowan ? S'eut été dix fois mieux pour Orange. Malgré tout, et c'est plus fort que lui, le navigateur continue de lorgner sur les embarcations autour de lui.
          Cette barque lui fait encore très envie mais... quitte à devoir se lancer dans un vol à l'arraché, il vaut mieux attendre que le vent se lève un peu.


          " La marine ferait mieux d'en prendre soin même si, honnêtement, je m'inquiète du jour où son innocence sera implacablement brisé. Tu as d'ailleurs la tête de quelqu'un à qui c'est arrivé, sans vouloir te vexer. "
            Bordel mais bien sur ! Ce mec, voilà ou je l'ai croisé, Las Camp ! C'était pendant cette mission d'escorte douteuse, comment ai-je pu oublier... Je reprends une grande bouffée de tabac et recrache un nouveau nuage de fumée parfumée. Il me parla alors de la petite Eïna, putain décidément ce monde n'était pas si vaste, depuis Las Camp ce serait la troisième fois qu'il aurait affaire à elle, quel hasard. Un hasard ? Non c'était peut être tout autre chose. Le jeune homme l'avait croisé dans un village enfoncé dans les terres ou il avait eu affaire à un pirate qui se faisait appeler Barbe Rousse. J'avais entendu parler de ce type via la communication du DenDen qui m'avait amené ici. Un nouveau joueur sur les blues, un rookie sans une once de pitié, le genre d'enfoiré que j'ajouterais bien à mon tableau de chasse. Mais sans doute avait il déjà mit les voiles.


            *Patience Barbe Rousse... Patience.*


            Le blessé m'avait d’ailleurs dit qu'il avait déjà pu bénéficier de soins de la part de la Marine. J'en doutais un peu dans le sens ou si tel avait été le cas, il serait sans doute encore alité au vu de l'ampleur de sa blessure. Pour une raison inconnue, je restais méfiant vis à vis de ce type, j'avais comme un espèce de mauvais pressentiment que je n'arrivais clairement pas à expliquer. Il continua à propos d'Eïna, pas mal cette gamine, elle avait donc tenu tête à ce pirate sans pitié et en était vraisemblablement sortie vivante ? Quand je dis que je sentais le potentiel en elle... Dommage qu'elle n'ait pas été ici, je l'aurais félicité personnellement. Le jeune homme regardait l'horizon, avec un air un peu rêveur, et à raison. Une journée magnifique s'offrait à nous, éclipsant presque les horreurs qui avaient eu lieux ici. Au loin, mes gars continuent d’ailleurs à s'affairer et moi ? Ben je reste la a tailler une bavette à ce potentiel voleur de barque. Et en prime il continue a zyeutter les embarcations ici et là... Devant moi. Mais comme pour détourner l'attention il en remet une couche à propos d'Eïna, la Marine ? Prendre soin d'elle ? S'il y a bien une chose que mes années de service m'ont apprises... Ouais je n'ai pas appris qu'une seule chose ! Bref, le temps passé au service du gouvernement mondial m'aura permis qu'aux yeux de la Marine, t'es qu'un foutu numéro. Rien de plus. Et j'suis persuadé que tout prometteuse qu'Eïna soit, ce ne sera pas une exception.


            Oh te bile pas pour ça... J'ai l'intuition qu'elle saura prendre soin d'elle même. Et d'ailleurs toi, tu...


            Je m'apprêtais à continuer de le questionner quand l'un de mes troufions m’interromps au loin. Ils ont trouvé des blessés dans les décombres d'une auberge et il faut leur prêter assistance et vite. Quelle plaie, ils sont vraiment pas foutu d'se débrouiller seuls, faut que je joue les mômans et que je leur dise quoi faire et comment faire. Si j'suis amené à continuer à voguer avec eux, va falloir que je les prenne en main sérieusement parce que là ça ne va pas. Je range alors ma flasque dans mon manteau, et sourit au brave gars, cigare aux lèvres. Est-ce qu'il va piquer un de ces petit rafiots dès que j'aurais tourné les talons ? Probablement. Mais au fond qu'est ce que j'y peux ? Je ne vais pas l'arrêter sous prétexte que j'ai l'impression qu'il est en train de préparer une connerie. Et puis on m'a appelé ici pour maintenir l'ordre, pas pour arrêter des voleurs en herbe.


            Faut que j'aille pouponner, tout ça... Au fait, moi c'est Wayne. C'est quoi ton nom déjà ?


            La moindre des politesses c'est de savoir à qui j'ai affaire et surtout à qui je pourrai avoir affaire sous peu, quand mon foutu DenDen sonnera, pour m'ordonner de partir à la poursuite d'un mec qui aura volé une barque de pêcheur et sa précieuse cargaison. D'autant que je ne me souviens pas que les présentations aient été faites à Las Camp. Faut dire que c'était un peu le bordel remarque... Vu le niveau des missions qu'on continue a me confier, qui sait je finirai peut être par me faire tuer par l'ennui.
              " Rowan Deleau... " Toujours en souriant, et forcé calme par sa plaie, innocent comme l'eau qui dort. " ...c'est un plaisir, et une bien belle coïncidence. " 


              Le navigateur se donne quelques airs en le disant, à la façon d'un commercial enjoué mais en retenue. Malgré un air relativement neutre mais souriant, peut-être sympathique, l'intérêt fait luisant le bleu des yeux du navigateur. Ce marine le rend curieux. Et juste à ce moment-là, ça sent le départ venant de sa part. Wayne ne ressemble pas tellement à un marine... ou plutôt, si, un vieux brisquard marin bien trop usé et ronger par un métier ingrat. Ca ne semble pas lui prendre très à coeur... sa carrière parait l'avoir beaucoup trop épuisé. Ce n'est pas qu'il traine des pieds mais sa démarche ne respire pas la gaieté, il a aussi ce regard un peu flou de ceux qui en ont trop vu.
              Et une bien belle tronche de sous-officier blasé. Disons que... Rowan ne dirait pas non à un peu d'aide et, finalement, peut-être l'a-t-il trouvé.


              Alors que Wayne tourne des talons, plutôt que de voler une simple barque, le navigateur se décide à viser bien plus gros ! Et ça, simplement armé d'un sourire malicieux et d'yeux bien trop sérieux. Ainsi, Rowan lève une main tendue vers lui, paume ouverte comme souhaitant le tirer à lui... sans le faire, évidement, sans même se lever. Il le fait comme on invite nonchalamment à danser dans une taverne en mimant avoir des manières... et se penche encore un peu, s'arrondit le dos comme pour comprimer sa plaie.
              Un pic de douleur aiguise son expression.


              " Barbe Rousse aurait très bien pu faire ça sur un coup de tête mais quelqu'un lui a donné l'idée... et je sais qui c'est, il me l'a dit pendant qu'on croisait le fer... une personne que je connais, ainsi que son lieu de résidence. " 




              Son intérêt, on y revient... et bien... c'est de récupérer sa mystérieuse compétence qui vaut, je cite : bien plus que trente millions de berrys. Sauf que le point de rendez-vous donner par l'émissaire ne va pas se rejoindre tout seul et que l'heure tourne, il n'y restera pas éternellement. De plus, difficile de croire que les intermédiaires du Malvoulant ne soient pas d'horribles psychopathes à même de péter une crise de nerf sans raison.




              " Je ne sais pas si Barbe Rousse y sera, par contre... mais ils doivent payer pour ça. On en parle plus avant où tes appels sont si importants que ça ? "
                Rowan Deleau hein ? Je saurais m’en souvenir, sans doute nous croiserons nous de nouveau un jour. Alors que j’avais fait volte-face et que je me dirigeais vers mes petits poulains pour superviser la fouille des gravats à la recherche de survivants, le petit gars m’interrompu m’informant qu’il savait qui était derrière cette attaque. Alors barbe rousse et les autres pirates avaient un commanditaire ? Intéressant. Ce serait peut être l’occasion de mettre un gros coup de pied dans la fourmilière mais surtout de faire autre chose que du maternage de bleusaille. Je me fige alors, sourire aux lèvres mais toujours le dos tourné. Il commence à piquer ma curiosité le bougre, et maintenant c’est clair que j’veux en savoir plus.


                Ça m’intéresse ouais. Je me demande bien pourquoi ce pirate aurait vendu la mèche comme ça au premier venu par contre…


                Oui, faut bien l’admettre, je suis quelqu’un d’extrêmement méfiant. Je fais ce que je peux pour travailler là dessus mais je n’y peux rien. Puis c’est vrai quoi, on m’a décrit ce barbe rousse comme un pirate sanguinaire, sans pitié, sans dieu ni maître. Alors qu’est ce qui aurait bien pu le pousser à beugler l’identité de celui pour qui il roule sur tous les toits ? Je n’ai cependant aucune raison de douter de Rowan, c’est qu’il a l’air plutôt sympathique comme type et puis si il avait été de mèche, au vue des forces militaires présentes en masse sur Orange et de la fuite précipitée de tous les pirates ayant participé, il ne se baladerait pas impunément.


                Vraiment aucun putain d’honneur les pirates de nos jours hein ?


                Faut que je boucle les obligations ici afin qu’on me foute la paix, une fois que ce sera terminé je pourrai aller à la chasse au rouquin. Je me retourne alors vers le scarifié, plus je le regarde et plus son état semble se détériorer, j’ai vraiment peine à croire qu’il ait été pris en charge par l’unité médicale. Et comment qu’on en parle ! Si j’peux aller briser quelques bras de malfrats, casser quelques dents de brigands, alors je suis partant. Attaquer une île sans histoire tel qu’Orange sans raison ? En fait il doit forcément y avoir une raison. De ce que je sais plusieurs équipages pirates étaient présents. Seulement des rookies mais sans aucun lien manifeste. Je serais curieux de connaître la raison de leur alliance fortuite, en savoir un peu plus sur la personne derrière tout ça, mais surtout la raison que l’on peut donner à tout ceci. Ah bah bravo Wayne, on me l’a toujours dit, j’ai tendance à me laisser embarquer par ma curiosité… Et la clairement, je vois une belle petite opportunité de me rendre utile en étant proactif. Car après tout, ma mission première est le "maintien de l’ordre" hein. Y’a pas intérêt à ce qu’il me clamse sur les bras, pas avant de m’avoir donné les infos qu’il a en tous cas.


                Je t’écoute Rowan Deleau ? Que sais tu à propos de cette attaque ?
                  Rowan Deleau met du temps à répondre, avec ce regard si sérieux et à peine un sourire tant son expression est neutre. C'est un marine face à lui après tout. Le blessé prend alors le temps de respirer, de réfléchir en jetant un oeil avide à l'océan... il pèse soigneusement ses mots, doit faire le tri en ce qui peut être révélé et ce qui ne le doit pas. Le forban doit, soigneusement, s'appliquer à en dire suffisement mais suffisement peu aussi. D'ailleurs, pour forcer l'écoute de Wayne comme pour éviter les oreilles indiscrètes, sa voix baisse d'un ton. 


                  " Un certain pirate a envoyé des émissaires sur les blues et promis des récompenses à des équipages pirates s'ils venaient commettre cet odieux massacre. Parmis eux, une partie devait commettre les massacres en ville, Barbe Rousse, pour ne citer que lui. D'autres, par contre, devaient faire diversion en mer. "


                  La question viendra forcément... Wayne va bien devoir se demander comment Rowan sait tout ça... et se verra potentiellement forcé de lui demander. Dans le cadre d'une négociation classique, ça peut passer crème mais c'est de la marine dont on parle, là. La culpabilité du navigateur n'est même pas la question, ici. Le sujet, celui qui inquiète l'opportuniste forban, c'est que la marine exigera les informations de l'homme même innocent. Et s'il refuse, ou s'il se permet de négocier, alors il n'est plus innocent et on peut alors lui extorquer. Pourtant, le navigateur ne peut pas refuser la chance de s'arranger avec Wayne qui... aurait bien la tête d'un marine avec suffisement de couilles pour agir en dépit de sa hiérarchie
                  Ca reste risqué... surtout dans son état, heureusement, la brise souffle un peu plus fort. Et c'est peut-être le signe qu'il est l'heure de partir.


                  " Et je connais le point de rendez-vous donné pour que les pirates viennent récupérer leurs récompenses. A mon avis, touts les pirates concernés l'ont déjà récupérés mais... les émissaires vont rester sur place encore quelques temps. Pas éternellement, cependant. "


                  On arrive au coeur du problème... la fameuse information que Rowan compte garder pour lui et, comme exemple de sa détermination, il tourne la tête vers Wayne. Dans une attitude paradoxale, le navigateur se redresse avec nonchalance et, malgré sa blessure, porte ses épaules en arrière. Ce qui gonfle naturellement son torse. Pour que sa tête se relève d'elle-même ; ses yeux bleux rivés dans ceux de Wayne, le navigateur perd son sourire.


                  " Je garde la localisation pour moi... mais je suis navigateur alors si la marine veut que je l'y emmène, sans soucis, on s'arrange ça. La marine ou des chasseurs de primes ou n'importe qui. Quand au commanditaire, et bien... ce n'est autre que... " Rowan se met carrément à chuchoter... et en prononce le mot avec prudence, presque de peur que l'intéressé l'entende... en parle comme d'une sorte de Voldemort. " ... l'Empereur Mannfred D. Teach. "
                    Un certain pirate aurait donc envoyé des émissaires sur les Blues pour commettre un odieux massacre. Sur Orange... Soit ce mec se paie ma tête, soit il y a un poteau rose, je ne vois absolument pas l’intérêt que l'on pourrait trouver à s'attaquer à cette île. J'ai beau réfléchir, putain mais quel intérêt... Aller au point de rendez-vous permettrait peut être d'en savoir un peu plus, si tant est que cette histoire d’émissaire soit vraie et de fait, de castagner un peu. On va lui laisser le bénéfice du doute, cependant ce petit gars a de la suite dans les idées, il ne donnera pas ses infos gratos. Je souris, cerise sur le gâteau il finit par me donner le nom du pirate qui serait supposément derrière tout ça. Et quelle surprise, je n'arrive pas trop à déterminer si c'est la peur ou l'excitation qui me submerge quand il finit par se décider à chuchoter son nom : Le Malvoulant. Rien que ça hein ?


                    Le Malvoulant ? Qu'est ce qui pourrait bien le motiver à s'attaquer à Orange ?


                    Ça n'a pas vraiment de sens, on m'a décrit les différents pirates ayant attaqué l'île et en effet ce Barbe Rousse, c'est bien le style du Malvoulant. Mais j'ai beau cogiter encore et encore, pourquoi ?! Je le trouve bien curieux ce Rowan Deleau, enfin du moins il a l'air bien au courant des choses. Franchement difficile de savoir quoi penser, un mec gravement blessé qui tente de piquer une barque, qui affirme avoir échangé avec l'un des auteurs de ce massacre, et qui de surcroit confie a un officier de la marine que l'un des quatre Empereurs des mers se cache derrière cet attentat. Une partie de moi voudrait en savoir plus, une autre partie me chuchote que ce n'est qu'un ramassis de conneries. Bordel mais que croire ? Et en prime il veut grimper sur mon croiseur pour nous guider ? En voilà une drôle d'idée, on embarque pas un civil comme ça sur un bâtiment de guerre, tout le monde le sait.


                    Plutôt bavard ce Barbe Rousse, sera-t-il au rendez-vous ?


                    Mais d'un autre côté, si ça peut me permettre de coffrer tous ces enfoirés alors c'est pas un mauvais plan. Je tourne la tête vers mes hommes, toujours affairés à dégager des débris pour sauver des blessés. Noble mission, mais clairement pas ce pourquoi j'ai rempiler. Moi ce qu'il me faut c'est de l'action, des pourritures à tataner, pas des missions de maternage et de secourisme. Me lancer a la poursuite de mecs qui roulent pour le Malvoulant, c'est déjà d'un tout autre degré en comparaison de ce que je fais en ce moment. Et puis après tout, pourquoi ne pas l'embarquer officieusement ? Parce que tu sais rien de ce mec Wayne ! Imaginons qu'il soit de mèche avec ces pirates ? On le ramènerait potentiellement directement auprès de ses potes ? Faut avouer que ce serait vraiment une idée de merde ça. Je suis partagé, torturé, attiré par mon côté sombre qui me supplie de l'embarquer et de partir à la chasse aux ordures.
                      " Orange, ou n'importe quelle autre île, peu importe ; ce n'est pas la question ici. Cette mission avait pour seul but de tester des rookies. Je cite l'émissaire : montrez que vous êtes capables de déjouer les forces pitoyables des Blues, j'aurai plus costaud pour vous. 




                      Rowan détourne les yeux et, d'instinct, joigne ses mains en se tordant nerveusement les doigts. Son histoire, celle comme quoi il a obtenu l'info de Barbe Rousse, ne tient pas avec ce qu'il vient de dire. Lui qui grimace en s'en rendant compte s'empresse de se corriger. Puisqu'on dit, généralement : qui s'innocente s'accuse, sachez que l'inverse est vrai. Nul n'est plus suspect que celui qui clame son innocence avec trop d'ardeur, en particulier quand on ne lui a rien demandé. Et l'inverse n'est pas si faux non plus, ainsi, le navigateur tente se s'innocenter en s'accusant. Dans l'espoir de rendre son mensonge plus crédible avec un peu de vérité dedans. 
                      Tout ça pour s'enfoncer toujours plus dans ses sornettes... au point de bientôt s'y perdre, peut-être, pas facile de jongler avec tant de foutaises.





                      " Je t'avoue... avoir rencontré l'émissaire qui m'a proposé sa mission... j'ai dit oui sur le moment pour ne pas avoir de problèmes. Je prévoyais de rester loin de tout ça mais finalement, je n'ai pas pu m'empêcher de venir sur Orange au dernier moment pour aider comme je pouvais. "




                      Après avoir "clarifier" ceci, mains ouvertes au bout de ses bras écartés en pleine démonstration, Rowan reprend son calme et après avoir parlé d'un bon préssé, stressé même, il reprend un peu plus confiant. Plus calme surtout... difficile de savoir avec Wayne. Ce gars a l'air bourru, brut de décoffrage mais jusqu'ici, notre forband a bien l'impression qu'il est plus fin qu'il n'en a l'air. Beaucoup moins bourrin que son allure ne le laisse pressentir lorsqu'il fume un gros cigare et boit du whisky.
                      D'ailleurs, la position dans laquelle Rowan a terminé son propos... par pur hasard... ressemble à celle d'un futur prisonnier qui se résigne à ce qu'on lui mette des fers aux poignets. Lorsqu'il s'en rend compte, il repose immédiatement ses mains sur ses genoux.




                      " Quand à savoir si Barbe Rousse ou n'importe lequel des autres pirates, j'en sais rien... mais plus on attends, plus les chances de croiser l'un deux baisse. "




                      Wayne ne... lâche rien... il écoute et pose des questions, l'air de rien... sans rien montrer ni dévoiler de son envie ou de son ressenti. Ce qui... inquiète Rowan... et le vexe, un peu ? Puisqu'il y pense, il arque un sourcil vaguement réprobateur à Wayne, l'air de ne pas être emballer par la conversation. Disons que, jusqu'ici, ça lui semble à sens unique mais, d'un soupir, il reprend un doux sourire avec quelques malices.
                      Rowan est surtout jaloux de ne pas être aussi viril et de tant donner sans estimer avoir le retour, ça l'enrage encore un peu plus ! Pas assez pour ne pas garder son flegme, essaye-t-il de se dire, et ainsi d'agir.




                      " Plus on attends, plus on court le risque que l'émissaire s'en aille et qu'aucun des pirates n'ayant participé ne soit présent. Moi je peux naviguer dès maintenant... et toi, qu'est-ce que tu peux faire ? "
                        Hé ben voilà mon petit Rowan Deleau ! J’savais bien qu’il y avait un truc pas net, j’savais bien que t’en savais trop pour n’être qu’un simple dommage collatéral avec qui le grand méchant Barbe Rousse aura été trop bavard. Alors l’émissaire avait approché ce jeune homme aussi, peut être en savait il d’avantage. A l’entendre il n’avait pas réellement participé à tout ceci, ce qui semblait plausible sans quoi il aurait certainement été mît aux arrêts. Mais pourquoi chercher à quitter l’île en douce ? Avouez qu’il est pas tout blanc notre cher ami.

                        Mon cigare est terminé, j’en rallume un nouveau en m’adossant à un pilier de bois. Et crois moi je ne le quitte pas du regard, le laissant poursuivre, ne pas mettre la charrue avant les bœufs, attendons de voir tout ce qu’il a à m’raconter avant de trancher. Comment savoir si ce qu’il dit est vrai, comment savoir si Barbe Rousse ou un autre de ces pirates sera présent au point de rendez-vous ? Y’a qu’un seul moyen.


                        J’apprécie ta franchise Rowan. Et si il y a une chance pour qu’on fasse un joli coup de filet alors j’en suis.


                        Je reprends une grande bouffée de tabac, ces cigares sont de pures merveilles, l’officier supérieur à qui je les ai piqué à Marie Joie aura de quoi pester quand il s’en apercevra. Je n’en dis pas plus, voyant l’un d’mes gars approcher, faudrait pas qu’il y ait un témoin de cette discussion pour le moins douteuse.


                        Commandant, les unités médicales viennent d’arriver. Nous en avons finit ici, quels sont vos ordres ?

                        Préparez le croiseur à la manoeuvre pardi ! On a notre prochaine mission.

                        Bien commandant !



                        Le soldat maigrichon s’éloigne à toute hâte, sans doute pour dispenser la bonne paroles à ses camarades. Pas question de rester une minute de plus dans ce trou, les pirates sont sans doute déjà loin, en route vers cet hypothétique point de ralliement. Faut pas traîner ça c’est sur, je continue de jauger ce pirate en herbe, il est vraiment mal en point le pauvre diable… Si il peut me permettre de faire main basse sur les enfoirés à l’origine de tout ce merdier, alors j’peux pas passer à côté.


                        Tu sais quoi Rowan Deleau ? On va lever l’ancre, je pense que tu pourrais bien profiter de notre infirmerie à bord… Et pourquoi pas me donner un peu plus de détails sur cet émissaire.


                        Mes yeux dans les siens j’essaie de comprendre à quoi il pense. Si entourloupe il y a, je ferai ce qu’il faut pour qu’il soit envoyé croupir en cellule, mais dans le cas inverse alors ça promet. Il y aura sûrement de la castagne, oh ça tu peux y compter, si je mets la main sur ce Barbe Rousse, ça va barder. Fixement, j’attends la réponse de notre gus, afin de savoir quelle sera ma prochaine destination.
                          " En route alors. " 


                          Au mépris de son état, aidé par l'élan d'une brise, Rowan se relève une main sur son poitrail pour comprimé sa plaie. Malgré lui, le navigateur jette un regard à Wayne Macallan... de haut en bas... ou de bas en haut... le scan d'un aller-retour, brièvement distant et neutre. Ca pue le piège, après tout. Une fois en mer, sur une coque de noix aussi grosse soit-elle, simplement s'enfuir devient une option plutôt complèxe. A vrai dire, le marine peut largement penser pareil... disons, simplement, que si piège il y a, celui-ci n'est pas immédiat pour les forces de l'ordre, pour eux, un hypothétique piège se referme une fois sur place. 
                          Pour Rowan, si piège il y a, celui-ci se referme dès que le bateau lève les voiles. Son seul atout, la seule carte dans sa manche, c'est de connaitre la localisation tant désirée... ça et quelques témoignages attestant de sa joute avec Barbe Rousse.


                          " Et bien. Un grand gars costaud avec de la barbe, un bandeau rouge au front, une longue tignasse... torse nue avec un J stylisé tatoué sur le torse et une épée de ta taille environs. " Il y réfléchit, aux détails de l'individu plus qu'à un quelconque piège... disons que pour le traquenard, c'est trop tard. De toute façon, le projet lancé et dans cette direction que souffle le vent, c'est donc là que va Rowan. " Pieds nus et l'air... l'air sauvage dérrière un franc sourire. C'est un homme du Malvoulant après tout ? Du genre... on le regarde comme on regarde une bête sauvage, jamais vraiment certain qu'elle ne va pas vous sautez à la gorge. "


                          Ca devient concret et... le sourire de Rowan, soudain, parait un peu amer. Bien satisfait d'avoir conclu cette affaire, il ne peut s'empêcher de se demander comment ca va finir. Mal, sans doute. Assurément que ca va finir mal pour quelqu'un... mais son souci, c'est surtout de ne pas être ce quelqu'un en question. 
                          On verra sur place, il faudra improviser... 


                          " Et puisque c'est moi qui navigue, j'aurais pas le temps de dormir à l'infirmerie. L'air frais de l'océan suffira, et le temps de faire la route, ça sera suffisement pour me remettre en forme. " Avec un sourire coupable, pour conclure. " Un peu de whisky, un bout de cigare... ça ne peut qu'aider... "
                            Rowan accepte alors ma proposition. Mieux encore, il va même jusqu’à me donner une description de cet émissaire. Accueillir un civil à bord, une première pour moi, mais comme toujours j’imagine que la fin justifie les moyens. Et puis il ne s’agit pas d’un simple civil, il faisait quand même parti de ce putain d’escadron de la mort à la base et ça, ça change la donne. Il est vraiment dans un sale état le bonhomme, je le vois se tenir le poitrail tout en avançant péniblement vers moi, j’en connais un qui va quand même avoir besoin de soins.


                            C’est un début Rowan Deleau, un bon début.


                            L’envie de lui donner un tape amicale me traverse l’esprit, puis j’me dis que je risque de lui casser quelque chose au vu de son état, donc je m’abstiens. Au loin j’aperçois un navire de la marine qui accoste, un bâtiment plus grand encore que l’humble croiseur qu’on a mit à ma disposition. Sans doute que les renforts sont bel et bien là, mes hommes quand à eux, sont déjà affairés à préparer le navire au grand départ. Je salue de loin, d’un simple hochement de tête, le commandant qui vient de fraîchement débarquer, celui qui va prendre la relève ici. Après tout ma présence ici n’était que temporaire, j’suis sur que ces pauvres diables seront entre de bonnes mains. Ou pas… En fait j’en sais rien et égoïstement je m’en moque un peu. Mais il faut avouer que n’importe quel gradé fera un meilleur travail que moi ici, parce que bordel c’est vraiment pas mon truc de jouer les missions humanitaires. Moi mon truc, c’est l’action, le frisson que procure un bon coup de poing dans la gueule ou bien un beau coup de genoux dans les valseuses. Enfin bref, t’as compris le topo quoi.
                            Une petite gorgée de whisky plus tard, je grimpe sur le Couperet, suivi de près par le voleur de barque qui progresse péniblement. Bordel il fait peine à voir, faut que quelqu’un s’occupe de lui et vite, pas envie qu’il me claque entre les mains, pas avant de l’avoir mené à ces enfoirés.


                            Commandant, nous sommes prêts à appareiller. Quels sont vos ordres ?

                            Appareillez donc… On lève l’ancre !

                            Oui mon commandant ! Et par rapport à votre… Ami ?

                            Il reste avec moi. D’ailleurs veillez à c’qu’on soigne ses blessures proprement, une longue route nous attend.



                            Les gars s’activent, lèvent l’ancre, les voiles sont déployées. Je jette un bref regard derrière nous, le bahut s’éloigne de l’île à vive allure. GoodBye Orange, c’était court et c’est pas plus mal. J’en ai soupé des missions de maternage, c’est pas pour ça que j’ai rempilé et mes supérieurs le savent. Certainement que la haut ils ont envie de le faire chier à m’envoyer sur ce genre de boulot sans intérêt. Mais fort heureusement, en ce moment, j’ai l’air d’avoir le cul bordé de nouilles, et une petite mission de routine va peut être pouvoir se transformer en quelque chose de beaucoup plus gros. Le vent souffle dans mon dos, un vent plus que favorable, je sens que ce voyage promets de belles surprises et de la bonne castagne, je frémis d’excitation rien que d’y penser. Un mec de l’unité médicale ausculte Rowan pendant que j’allume un nouveau cigare, les yeux tournés vers l’horizon. Quelles petites saloperies, l’addiction revient en courant, mais après tout on a qu’une seule vie, alors autant prendre tout ce qu’elle a à offrir. Pas de regrets…