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Un nouvel espoir

Du côté d'Angelica...

Elle faisait les cent pas sur le navire. La nuit était tombée, les adversaires les encerclaient et le mot avait été passé de ne pas faire trop de bruit. Judas gonflait ses muscles, visiblement aux aguets, prêt à utiliser ses nouvelles compétences pour foncer dans le tas. La jeune femme avait dû s'y prendre à deux fois pour réfréner ses pulsions.

« - On attend... »

On attend pourquoi ? On attend comment ? Le mastodonte ne tenait pas en place ; Angelica n'avait qu'une peur, c'est que par mégarde il fasse se soulever le navire au-dessus de la fine couche d'eau dans laquelle il trempait. D'un point de vue extérieur, l'Impératrice semblait calme, pratiquement inanimé ; les hommes s'étaient préparés et campés derrière le bastingage tandis que les vigies et Angelica déambulaient sans but, mimant des conversations, l'observation de la mer, feignant l'occupation.

Sans l'appel de l'ex-Directrice, l'équipage aurait été pris au dépourvu ; personne n'était capable de voir dans le noir ou ne pouvait se targuer de posséder le haki de l'empathie. Tetsu Island leur avait déjà donné un aperçu de leur propre faiblesse sans Eleanor ; Angelica n'oubliait pas toutes les vies sacrifiées simplement pour se sortir d'une situation dans laquelle sa supérieur les avait empêtrés.

Son travail était de dire non à présent, elle ne laisserait pas un autre drame se reproduire. La confiance des hommes ne tiendrait pas. Déterminée, elle était prête à prendre une balle s'il le fallait pour que personne ne meure cette fois-ci, à décider, trancher, diriger comme sa chef d'équipe l'avait fait jadis.

« - On attend... »

Le vent tournait, la girouette s’activait, seul bruit accompagnant les vagues. Les gardes faisaient encore semblant de jouer aux dés sur le pont, Angelica se tenait dos à la plage. Pourtant ils étaient là à les épier, ils le savaient, mais tant que leur position demeurait secrète, les Exsangues ne pouvaient se dévoiler. Dans ce genre de stratagèmes, l'effet de surprise avait un impact bien trop important.

Sous la tonnelle à l'arrière, Judas se tenait accroupi, les muscles bandés, prêt à bondir. Son regard fixait Angelica, qui frémit légèrement en posant son œil valide sur lui. Elle avait eu un aperçu de ses pouvoirs, elle s'estimait satisfaite de ne pas être son ennemi. En parlant d'ennemi, un endroit avait été aménagé pour leur prisonnier à la cale depuis la venue de Rafaelo, si bien que même si celui-ci avait retrouvé le navire plus tôt, il ne savait toujours rien à propos de sa présence. Ragnar ne lui avait visiblement rien dit, il n'avait rien cherché ; pourtant cet otage inestimable recelait d'informations précieuses pour la révolution.

Il n'était plus si maltraité qu'auparavant, si délaissé, par peur qu'il refuse de collaborer. Angelica savait qu'Eleanor ne comptait pas s'en débarrasser aussi facilement et Karen se doutait qu'il y avait anguille sous roche. Les deux ex-agents du CP9 ne savaient toujours pas si elles pouvaient faire pleinement confiance à leur homologue du CP0 qui avait encore bien trop de secrets et dont l'objectif réel semblait flou. A qui allait réellement sa loyauté ? Nul ne le savait.

Mais en toute vérité, la borgne devinait qu'il devait encore s'agir du gouvernement mondial...

« - On attend... »

Elle se répétait, les ténèbres continuaient à envelopper ce côté de l'île. Pas pour longtemps cependant : la lumière de la lune se reflétait dans les vagues comme elle venait dans leur direction. Bientôt, le sable blanc était éclairé. Un nuage obscurcit une dernière fois le paysage... avant que des silhouettes ne soient aperçues par la lieutenante ; une cinquantaine au moins qui sortaient d'entre les mangroves pour se glisser sur la berge. Pour rallier l'Impératrice et venir gratter contre la coque. Pour chercher à escalader le bois et se glisser à bord du navire.

Un bref coup d’œil par dessus le bastingage permit à Judas de voir que plusieurs ombres venaient pour la Lieutenante. Lorsqu'il ramena sa tête à bord, ses doigts mimèrent lentement une phrase à l'attention du Quartier-Maître :Trois de ce côté. Deux armés de sabres, un avec un pistolet. Je prends les sabreurs.

Quelques instants plus tard, les premiers adversaires passaient par-dessus bord, au-dessus des hommes recroquevillés, au-dessus du piège. A demi-redressés, ils cherchèrent à tuer les sentinelles mais tombèrent sur un os et pas des moindres. L'un d'entre eux s'exclama à l'avant, pris au dépourvu ; Angelica fit volte-face, dévisageant ses assassins.

« - Sus à l'ennemi ! »


Dernière édition par Eleanor Bonny le Lun 16 Aoû 2021 - 10:39, édité 3 fois
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J'suis accoudé au bastingage, j'attends. Attendre encore et toujours, quelle poisse. J'suis un homme d'action, personne vous a prévenu ? Damn. J'ai l'impression qu'on tourne en rond sur cette île, qu'on essaye d'attraper notre propre queue comme des chiens foldingues, des gentils toutous en attente de reconnaissance par le grand Empereur Pirate, Frost. Moi j'ai juste envie de me coller à la castagne, de trouver des adversaires à ma mesure, de mesurer l'étendue de mon infériorité face au monde, surtout le nouveau monde. Pour moi il a des rigueurs anciennes, ce monde qui n'a de nouveau que le nom, il a des vieilles figures même s'il est constamment en mouvement, on y retrouve toujours la même chose que dans l'ancien : Des gens opprimés, la loi du talion partout, la justice nulle part et un fort besoin qu'un redresseur de torts se penche sur la question.

Le monde est tordu, moi j'suis le genre d'instrument qui remet sur les bons rails les individus qui se sentent trop fort pour les autres. J'vais le rectifier, et faire de mes adversaires un exemple pour le monde d'aujourd'hui. Trop pourri pour tenir l'coup, pas assez faible pour tomber tout seul, j'me sens l'âme d'un médecin devant une gangrène ; Son premier reflexe ? Couper. Mutiler. Séparer. Fractionner. Avec un peu moins, on peut vivre un peu plus. C'est le concept.

- Sus à l'ennemi. Que fait la seconde de l'équipage, et je sens dans son regard une certaine satisfaction quand je passe devant tout le monde en faisant des grands gestes, et en criant "Poussez vous, laissez moi passer, mais t'as du coton dans les guibolles ma parole?" avant de me rendre compte que tout cela est inutile. J'allège mon corps d'environ cinquante pour cent et commence à courir sur le pont, tout l'monde me laisser passer. Ma musculature puissante et mes envies acérées, font de mon bond un sorte de vol plané. Aile déployées. Je m'envole et retombe comme un boulet de canon en plein milieu d'une trentaine d'adversaire, le sol se fendille, la fumée se soulève, la poussière fait tousser ceux qui ont l'impudence de rester devant moi.

Des chaînes m'entourent, comme une côte de maille, et de cette armure qui absorbe les premiers coups de feu, jaillissent des bras supplémentaire, tandis que les bras croisés, j'attends que les plus téméraires s'avancent, que les moins courageux s'enfuient. Que l'ordre du monde soit remit en place, ça fait plaisir.

Judas, Le Lion de North Blue, supporte pas ses petits poissons qui nagent en eaux dangereuses, et qui n'ont pour rôle que de soutenir, et nettoyer les dents des grands prédateurs.

- Plus vite, plus fort, plus puissant ... Amenez moi un adversaire à ma hauteur ! Que je fais tandis que mon armure de chaînes absorbe de nouveaux coups. Une marée humaine tente de me retenir d'aller en  avant, moi j'aime toujours y aller, droit devant, la ligne droite comme une directrice, un dogme qui me donne des frissons.

Les hommes me rejoignent, galvanisés par la vision d'un colosse brutal en action. Un cri de guerre, et ils rentrent dans le tas, et moi qui suit entouré de menu fretins, leur laisse la mains. D'une simple poussée, toutes les armes qui s'appuyaient contre mon armure, sont détournées, alourdies, comme si elles pesaient des tonnes.

Fallait pas chercher l'équipage de Bonny, fallait pas chercher Thomas Jefferson, le bucheron qui fauche autant d'arbres que d'hommes.

Tandis que les puissantes têtes de proue de la flotte de Frost nous observe, je fais mon acte et mon petit effet sur ses hommes sans mesure, sans saveur, sans textures. Déjà la moitié est passé de l'autre côté, ou bien trop sonner pour combattre, son sortis du jeu.

Il reste plus qu'à espérer qu'un homme, ou une femme -j'suis pas exigeant- fera mon bonheur.

    - Je ne sais pas ce qui vous fait penser qu’on va pouvoir les aider.
    « Lizzie… J’essaie d’écouter… »
    - La cuistot a raison j’ai même aucune envie d’être là. P’tain sérieux c’est d’la m…
    - Didi, langage.
    - Arrêtez de vous plaindre que diable. Frost nous offre une protection bienvenue.
    - Putain de lèche cul de mon…

    Cette fois, c’était Lucky qui lâcha un grognement alors que sa maîtresse fusillait une par une ses camarades du regard. Le loup était assis à son côté, il observait la scène d’assaut avec la langue qui pendouillait d’excitation. Arya, elle… Eh bien, elle essayait d’écouter ce qu’il se passait là devant. En soutien. Bordel quelle idée farfelue. Lizzie tapota sa poêle à frire sur sa hanche l’air songeuse.

    - Je peux bien leur faire une omelette mais je doute que ça les calme.

    Cette fois, c’était la grande femme qui faisait le double de leur taille qui se racle la gorge. Elle était immense, et surtout, son sabre était bien plus grand qu’Arya, ce qui était déjà flippant. L’amirale, c’était le nom que l’équipage avait donné à la seconde.

    - Lizzie, on ne va pas épiloguer dessus pendant des heures, Frost nous protège, en échange, on l’aide dans ses desseins.

    Le raisonnement se tenait, si tant est qu’elles avaient accepté de bonne grâce la protection de l’équipage de Frost. Sauf qu’on  ne leur avait pas vraiment laissé le choix quand les Sunset Pirate leur était tomber sur le coin du nez sur Grand Line. Et les voilà dans le Nouveau Monde. La capitaine avait fermé les yeux, adossée à un mur en pierre elle réfléchissait visiblement. Cette femme-là, Arya l’adorait, elle était calme et réfléchit et avait même monté cet équipage de femme pour fuir la domination masculine. Ou au moins c’était comme ça que la jeune femme le prenait.

    - Euh les filles… C’est quoi ça ?
    - Boulet de démolition ? ?
    « Oh purée c’est un homme… Fermer là… »
    - Vous me rappelez ce qu’on fout là…

    C’est la cuisinière qui râle encore et toujours, mais l’équipage se tait enfin. Arya peut tendre l’oreille, ses sens affûtés lui permettent à la fois de distinguer les formes dans le noir mieux que les personnes présente, mais surtout d’entendre ce qui se dit.
    - Plus vite, plus fort, plus puissant ... Amenez-moi un adversaire à ma hauteur !

    La jeune femme frémit. L’homme à l’allure de montagne envoyait valser ses opposants comme des fêttus de paille.

    « Il veut un adversaire… »

    Cette fois c’est l’amirale qui lève le nez pour observer de toute sa hauteur. La lune était haute, et la visibilité bonne, elle ne pouvait que constater le massacre dans les rangs alliés.

    - On y va.
    « Comment ça on y va ? Oh merde… »

    Arya avait prononcé le mot de trop, le loup, déjà sur les nerfs de ne pas pouvoir participer au massacre, partit comme une flèche en direction du champ de bataille. La jeune femme se jeta en avant pour le suivre, dégainant maladroitement le sabre court qu’elle portait à la hanche. En fait, les cinq femmes se mirent en route. Arya l’avait vu. Si Lucky la reconnaissait de nouveau, le chemin avait été long, il ne l’écoutait qu’elle certes, mais pas quand le sang l’appelait. Il devenait la bête sanguinaire qu’on avait fait de lui. Elle ne le rattrapa pas avant qu’il n'entre dans la mêlée.

    « LUCKY ! Et merde ! »

    La jeune femme ne jurait que rarement, mais en le voyant arraché un bout de chair à un homme dont elle ne savait pas s’il était avec ou contre elles, elle se pinça l’arête du nez.

    Leur mission du jour ? Servir de soutien si la bataille devient trop difficile avec l’équipage qui avait accosté à Mangrove. Frost avait des prisonniers qu’il ne voulait pas se faire piquer. Ironique, alors qu’elles ne rêvaient que de se faire la malle elle-même. Enfin toutes, sauf Aïri, l’amirale qui semblait se satisfaire de la situation. Et la voilà entourée d’ennemis, ou d’amis, et elle ne savait même pas ce qu’elle devait faire.

    Elle se faufilait jusqu’à Lucky pour tenter de le raisonner, jusqu’à ce qu’une femme lui balance son sabre sur la tronche, Arya para maladroitement. Le combat n’était pas vraiment son point fort. Elle n’avait pas vraiment prévu de se battre, mais quand la femme dans une robe noir revint à l’assaut, elle n’eut d’autres choix que de se faire une raison. Elle allait devoir se battre.

    Arya se mit en position, l’Amirale le lui avait dit, elle ne devait pas tenter de se battre avec ce qu’elle n’avait pas, mais devait se concentrer sur ses points forts. Alors la voilà qui dansait presque pour éviter les coups de son assaillante,  elle ne se faisait pas d’illusions, elle allait se faire écraser par la grande femme musculeuse si elle se laissait toucher ne serait-ce qu’une fois. Alors elle bougeait, glissant sur la pointe des pieds, tentant de porter quelques coups, mais par dessus tout à éviter de devoir parer ceux de son adversaire.

    Ses talents à elle ? Certainement pas la force, mais elle était habile, agile et adroite. Le petit souci, c’était peut-être l’endurance, la voilà qui faiblissait. La femme en face lui lança un regard triomphal avant d’abattre son arme. Elle fut percutée par quatre-vingts kilos de muscles lorsque Lucky lui tomba dessus, il lui attrapa la cuisse avec ses crocs et commença un secouer comme un dément. La femme lâcha la lourde épée qu’elle tenait pour tenter de déloger l’animal qui lui sectionnait les muscles et les tendons en serrant autant que son corps lui permettait de le faire, et Arya, avec une déglutition pénible, abattit son arme sur la nuque de la femme qui finit par s’effondrer.

    Ce n’était pas la première fois qu’Arya ôtait une vie, mais ça lui filait toujours autant la nausée, et puis c’était sa première décapitation, voir la tête roulée lui souleva l’estomac. Mais il y avait plus urgent. Lucky secouait le corps sans vie, encore, et encore, aveuglé par ce qu’elle-même ne comprenait pas vraiment. Elle s’approcha prudemment, déjà pour éviter de se faire remarquer par quelqu’un qui voudrait sa peau, et aussi, pour éviter qu’il ne lui saute à la gorge, elle avait une belle cicatrice de morsure sur le bras et se passerait d’une seconde. Lorsqu’il lâcha enfin prise, il retourna dans la mêlée pelle melle, elle remarqua cependant qu’il ne restait pas loin d’elle, comme quoi dans son brouillard il restait un brin d’espoir.

    « LUCKY ! »

    Peine perdue, de toute façon un homme abattit un Morningstar juste à côté de sa tête. La grosse masse pleine de piques la fit se figer. Une goutte de sueur perlant au coin de son front. Ouais pas le temps visiblement.

    Pour plus d’informations voici les Louves et Lucky
    • https://www.onepiece-requiem.net/t20382-fiche-technique-d-arya
    • https://www.onepiece-requiem.net/t20299-presentation-de-arya
    Du côté d'Eleanor...

    La lune était haute dans le ciel, mon regard se portait vers le nord tandis que je me risquais à balancer le haut de mon corps au-dessus de la balustrade. Je savais que notre séjour dans la canopée arrivait à sa fin, mais j'attendais quelque chose. Mon petit doigt m'avait dit de ne pas lever le camp tout de suite. Karen était là aussi, tendue comme une corde de violon. Elle avait eu un solide aperçu de mes réels objectifs sur l'île.

    « - C'est démentiel, nous ne devrions pas nous immiscer dans les affaires d'un Empereur !

    - Tu oublies à qui tu t'adresses ? De toute façon il est déjà trop tard. Je n'ai jamais fait confiance à ton demi-frère au point de croire qu'il nous laisserait partir tranquillement après avoir réceptionné son colis. »

    Non, Frost aurait cherché à nous récompenser en nous offrant le choix entre la mort et la servitude. Très peu pour moi. D'ailleurs, même si je pouvais être qualifiée de tête brûlée, je n'étais pas benêt au point de croire que j'avais mes chances contre toute sa flotte. L'attirer sur cette île après en avoir délogé ses pions était probablement la décision la plus sage. Et pour ses hommes de main qui le suivraient, j'avais un joker.

    « - Isaac a refusé. Tu ne pourras pas libérer cette île sans l'aide des locaux, » ronchonna la cornue, décidément de mauvais poil.

    Mon mantra me permettait en même temps de savoir que quelqu'un prêtait une oreille attentive à notre discussion. C'était pour cela que j'étais encore là : quand se déciderait-il à sortir de sa cachette ?

    « - Regarde-moi faire. »

    Aussitôt, j'enjambais le garde-fou et sautais dans le vide. Plusieurs dizaines de mètres me séparaient de la terre ferme, aussi je ralentis ma chute par bonds aériens successifs avant de toucher le sol. En bas, j'attendais l'arrivée de ma subalterne qui trainait le pas, faisant montre du minimum syndical de motivation. Elle me suivrait, mais je me doutais que c'était la dernière fois ; d'une certaine façon, j'avais trahi sa confiance en bousculant ses plans. Je n'étais même pas sûre qu'elle me le pardonnerait.

    Nous étions toutes les deux au pied du village perché à présent, près d'une minute après son atterrissage, immobiles.

    « - On attend quelque chose ? » demanda-t-elle finalement lorsqu'elle vit que j'étais bien décidée à rester accolée à mon tronc d'arbre, les bras croisés.

    Du menton, je pointais Dax qui venait d'apparaître à son tour, porté par une sorte de monte-charge à quelques pas de nous. Équipé de son arc et revêtant une nouvelle tenue, une sorte d'armure légère recouverte d'écailles, il se campa devant moi et me regarda dans les yeux.

    « - J'ai des comptes à régler avec ces pirates, je vous suis. »

    Un sourire pour sa pomme avant de glisser de l'épaule sur l'écorce pour faire face au sentier par lequel nous étions arrivés. Nous nous y engageâmes et suivîmes le chemin pendant une bonne demi-heure avant d'être stoppés par le garde-forestier à ce qui semblait être un embranchement avec un second passage, nettement plus effacé :

    « - Nous ferions mieux de faire un détour, il n'est pas impossible qu'ils aient organisé une battue en remarquant l'absence des trois autres.

    - Pas con. »

    Je comptais y aller de front, je n'avais pas peur de tomber sur un os puis que n'étions qu'un petit nombre ; je pouvais nous permettre de nous mettre en danger cette fois-ci. Mais peut-être fallait-il continuer à faire preuve de prudence, quand bien même l'ennemi se doutait de notre présence désormais. Comme Angelica ne décrochait pas son escargophone, je pouvais m'attendre au pire... ou juste à ce qu'elle soit occupée à coordonner les troupes sur le champ de bataille. Alors que je l'imaginais faire, j'eus soudain une pensée pour Judas et ses nouveaux pouvoirs qui pèseraient lourd dans la balance, ce qui me rassura davantage sur l'issue de la bataille.

    Rapidement, nos pas nous menèrent au milieu d'un paysage coloré, rouge et rose, peuplé de mangroves plus petits et assez similaires à des cerisiers dont les racines, noueuses et larges, s'entremêlaient pour nous suggérer des tunnels naturels. Dax semblait bien connaître le labyrinthe de grottes dans lequel il nous emmenait car sans lui, nous pouvions être certaines que nous n'aurions pas pu retrouver la sortie. L'homme n'était pas forcément très loquace mais il nous parla d'une vieille légende du coin et d'un trésor enterré dans l'une des cavités.

    De fil en aiguille, au bout d'une heure peut-être, passée à alterner entre la surface colorée des mangroves-cerisiers et les souterrains humides et froids, le bois sous nos pieds devint du sable et le bruit des vagues accompagna nos pas ; nous venions visiblement de rallier la côte au Nord-Ouest de l'île.

    « - À partir d'ici, nous sommes suffisamment près pour nous faire voir, nous devons progresser sans lumière, » expliqua l'archer tout en éteignant la flamme de sa lanterne et en la posant à un endroit qui semblait prévu à cet effet.

    Je compris alors :

    « - C'est le chemin que tu as emprunté pour..

    - Oui, c'est celui-là. Et il me reste encore un atout dans ma manche. »

    Risqué, mais visiblement personne n'avait cherché à comprendre comment il avait pu s'infiltrer dans le camp. Peut-être Falstaff avait-il remis cela au lendemain, quand il ferait jour. La nuit, seulement éclairée par l'astre lunaire, était à notre avantage. De la fumée s'élevait d'un bois épais de gigantesques mangroves plus loin, similaires aux premiers que nous avions vus à notre débarquement sur l'île. Entre cela et la forêt d'arbres roses se trouvait une sorte de marais peuplé d'arbrisseaux qui faisaient notre taille. C'était l'espèce locale, du moins. De nombreux rochers clairsemaient la côte le long de laquelle nous progressions, vigilants.

    Au bout de quinze minutes, des palissades nous apparurent comme des murs de haute taille barrant l'accès entre deux gros mangroves. Elles se répliquèrent bientôt à foison, cerclant le camp de façon hermétique et ne laissant voir que les détails de troncs taillés pour servir d'habitats ou encore les toits de chaume de maisons construites à flanc d'arbres.

    Recroquevillés dans l'ombre, nous longions désormais les remparts comme si de rien n'était ; il ne semblait pas y avoir de rondes ni de sentinelles ou bien je les avais ratées. Normalement, je pouvais faire confiance à mon mantra pour cela ; celui-ci m'indiquait qu'une bonne partie du camp était endormi.

    Finalement, Velen s'arrêta devant un buisson quelconque et dévoila une poterne de petite taille couverte de toiles d'araignées : une sorte de trou de taupe qui aurait creusé sous les rondins et rongé une partie des fondations du rempart pour qu'un humain puisse s'y faufiler ; probablement l’œuvre de notre cher ami. Après que l'archer s'était assuré que la voie était libre de l'autre côté, nous nous engageâmes à sa suite et émergeâmes à l'arrière d'une baraque qui devait probablement servir à entreposer les vivres. D'ici, nous pouvions voir une partie du campement qui donnait sur la mer sans être vus.

    « - Bon, parfait, maintenant qu'on est dans le camp il faut retrouver les prisonniers et les sauver, » notais-je en repensant à ce que m'avait dit Sir Isaac.

    Le chef des Robins ne m'avait jamais interdit d'agir, seulement fortement déconseillé. À l'écouter, il m'avait mise en garde, mais le sous-texte était celui d'un homme pieds et poings liés qui espérait que l'ennemi ferait la première gaffe pour agir. Et je pouvais faciliter les choses en relâchant une vague d'électrons libres dans une base pirate qui n'était pas forcément la plus ordonnée ou la plus disciplinée que j'aie vue.

    De multiples feux de camp dressés à des endroits où les hommes étaient sûrement censés patrouiller laissaient émaner des cris de joies, aussi bien mâles que femelles, et un coup d’œil vers le plus proche me permit d'y cerner l'orgie nocturne qui s'y déroulait. Je me demandais bien quelle tronche pouvait avoir le Commandant pour laisser aller ses hommes à tant de relâchement... Peut-être se pensait-il réellement protégé par l'aura de Frost. Karen, qui avait découvert le spectacle peu après moi, eut le don de mettre des mots sur mon ressenti :

    « - C'est le bordel.

    - Tant mieux s'ils sont trop occupés à se saouler. La surprise n'en sera que meilleure. »

    Après tout, je ne voulais libérer les prisonniers que par intérêt, pas par sollicitude, pour pouvoir me faufiler ensuite au milieu de la cohue jusqu'à Falstaff ; plus vite sa tête tomberait et plus vite nous pourrions mettre un terme à cette mascarade. La liberté pouvait bien coûter la vie de quelques innocents utilisés à bon escient... et puis c'était le meilleur moyen de faire fi du nombre. En vérité, je ne me réjouissais pas à l'idée de causer un massacre mais j'étais certaine que simplement renverser le Commandant me suffirait pour parlementer sur un même pied d’égalité avec son chef.

    Aussi, après que nous nous soyons divisés derrière un enchevêtrement de caisses, je donnais le top départ quelques minutes plus tard après avoir rejoint l'un des arbres-prisons et dessoudé le garde-chiourme que j'avais trouvé fumant sa clope en regardant le ciel. Les cellules étaient rudimentaires, ce serait un jeu d'enfant ; à l'intérieur des silhouettes s'éveillaient, comprenant que quelque chose ne tournait pas rond. Faisant fi du trousseau qui gisait sur le cadavre à mes pieds, je choisis l'option la plus barbare, saisissant non pas la porte mais la grille toute entière à son endroit le plus solide.

    « - Sésame... ouvre-toi ! » tonnai-je, fière de ma blague, tout en tirant de toutes mes forces.

    L'épaisse grille en fer n'opposa que peu de résistance face à ma force surhumaine : le bruit qu'elle fit en s'arrachant du tronc aurait déjà pu mettre la puce à l'oreille aux gardes les plus proches, mais ce n'était rien comparé au « klong » qui s'ensuivit comme je la balançais derrière moi nonchalamment. Je pouvais d'ores et déjà entendre des voix s'étonner du bruit, plus loin, et venir dans ma direction.

    À l'intérieur de la cellule, tous s'étaient relevés et étaient parfaitement réveillés à présents, témoins de la scène qui venait de se dérouler sous leurs yeux, transits pour la plupart. La lune baignait leurs visages de lumière, dévoilant des airs émaciés, fatigués et des yeux remplis de haine ou au contraire encore rouges d'avoir trop pleuré ; la dizaine de détenus ne répondait à aucun stéréotype et pourtant je pouvais sentir qu'il y avait des hommes et femmes prêts à en découdre dans le tas. Ils avaient été les premiers à braver leur peur et à se jeter sur le cadavre du geôlier pour lui dérober ses clés et défaire leurs menottes. Si ce n'était pas assez transparent, il était temps pour eux de décaniller ou bien se venger de l'oppresseur. Et le message passa pour la majorité des aliénés, au grand dam de ceux qui avaient été suffisamment formatés pour rester en retraits, ne sachant s'ils devaient écouter leur cœur ou leur cerveau.

    En même temps, un flot de prisonnier alimentait le camp depuis deux autres des prisons rudimentaires qui venaient d'être ouvertes par mes camarades. Et à peu près au même moment, peut-être car l'un d'eux avait été repéré, sonna le cor de guerre qui surprit les derniers endormis et les fit sortir dans toutes sortes d’accoutrements de leurs baraquements, sabres et fusils à la main.

    « - Les ennuis commencent, » avisais-je en cherchant des yeux ma prochaine cible.

    Il devait y avoir une demi-douzaine d'enclos ; ils sauteraient tous jusqu'à ce que le camp soit plongé dans une effervescence telle que les pirates ne sauraient plus où donner de la tête. Même pour deux cent hommes, une rébellion d'une cinquantaine de forçats suffisait pour représenter une menace réelle.


    Dernière édition par Eleanor Bonny le Jeu 5 Aoû 2021 - 14:27, édité 1 fois
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    Du côté d’Eleanor…


    Trois ? Non, c’était pas plutôt quatre jours ? Difficile de déterminer avec exactitude depuis combien de temps le jeune rookie baignait dans sa petite cage. Cage qu’il n’avait pas quitté depuis son départ de Banaro où il avait été vaincu par les pirates de Frost à cause de ce maudit fruit du démon volé. Cage qui était restée suspendue à la proue de leur navire pendant dieu sait combien de jours ou de semaines, lui permettant de profiter de chaque vague qui se brisait sur la coque. Cage qui avait été transportée directement dans ce trou à rat aux allures de camp de prisonniers et enfoncée dans cette mare vaseuse pour être sûr qu’il ne manque jamais d’eau. Et depuis voilà ou il en était rendu, à faire trempette à proximité de ces espèces de grandes cages creusées à même les arbres de la mangrove, remplies d’hommes et de femmes.

    D’ailleurs parlons en de la mangrove ! De toutes les îles qu’il lui ait été donné de voir, celle-ci était de loin la pire. La plus exotique certes, mais la pire. L’environnement était sombre, humide, avait l’air hostile et pour couronner le tout, ça grouillait de ces enfoirés de Sunset Pirates. Lorsqu’il avait débarqué, il avait pu apercevoir le Loup Solitaire, son navire, ce qui signifiait que théoriquement, ses compagnons devaient se trouver quelque part sur cette île. Mais avant même de ne serait-ce qu’envisager de les retrouver et de se faire la malle avec eux, il fallait trouver le moyen de se tirer d’ici. Et quelle affaire, de l’eau jusqu’au cou, la cage étant bien trop étroite pour espérer se dégager davantage, impossible d’utiliser ses compétences fraîchement acquises dans ces conditions. De plus le passage régulier de gardiens effectuant leur ronde rendait la chose vraiment délicate. Quand on y pense, se donner tout ce mal pour rassembler de quoi s’engager sur la route de tous les périls dans les meilleures conditions pour finalement finir ici…

    Éternel optimiste, le charpentier analysa les alentours, probablement pour la vingtième fois depuis son arrivée. D’épaisses palissades de bois entouraient le camp, des baraquements ici et là abritaient les hommes du Fléau. Non, même avec toute la bonne volonté qu’il était possible de déployer, il ne voyait vraiment aucun moyen de se sortir de la. A la nuit tombée, un homme approcha alors de sa cage et malgré l’obscurité naissante, il le reconnu à sa démarche. Il s’agissait là d’un gardien surnommé "Radieux", sûrement à cause des cicatrices le long de ses joues, que quelqu’un lui avait jadis infligé, formant un large sourire. C’était un sadique, qui adorait brimer les prisonniers lors de ses rondes et Azerios avait commis l’erreur de se moquer de son sobriquet. L’homme s’approcha alors de la cage afin de plonger une pique au manche caoutchouteux directement dans la mare, ce qui eut pour effet d’électrifier l’eau. Une douleur vive traversa le corps du jeune homme, qui maudit son tortionnaire en son fort intérieur et fit de son mieux pour ne rien laisser paraître. Le geôlier retira alors la pique pour la planter dans le sol, un sourire sadique illuminait son visage balafré.


    Alors toujours aussi bien installé ?

    Tout baigne ouais… Et toi toujours aussi souriant ?



    Plus rien à perdre de toute manière, donc à quoi bon se priver de lui rendre ses remarques désobligeantes. Il grimaça avant de faire quelque chose qu’il n’avait encore jamais fait auparavant. Le rookie ferma les yeux, mélangé de dégoût, de haine et même d’un soupçon de désespoir. Radieux se mit à uriner sur la cage en pouffant de rire, avant de proférer quelques insultes gracieuses que je laisse à votre imagination le soin de transcrire. Puis manifestement satisfait, il reprit sa pique et s’éloigna en direction d’un feu de camp à quelques pas de là. Il se jura que si les circonstances lui en donnaient la possibilité, alors il lui ferait payer toutes les sévices qu’il lui avait prodigué jusqu’à présent.

    ———

    Il n’était pas simple de dormir debout dans une cage remplie d’eau, généralement le rookie parvenait à somnoler quelques minutes par ci par là mais n’avait pas eu droit à une vraie nuit de sommeil depuis Banaro. Et là encore, il réussit à fermer l’œil un bref instant, mais cette fois-ci, un bruit de pas le tira de son état somnolant. Quelqu’un venait de passer juste à côté de sa cage et s’était dirigé vers l’enclos qui se trouvait juste à côté. Jetant un coup d’œil dans la direction de l’individu, il remarqua quelque chose d’étrange, une jeune femme cornue venait de neutraliser le gardien qui se trouvait devant la cage. Une attaque ? Ici ? Comment ? Qui ? Un tas de questions se bousculaient dans la tête du jeune homme, mais le plus important était de voir si elle pouvait également le sortir de sa maudite cellule. Elle ouvrit la grille avant de reculer, repassant par la même occasion devant la petite cage. La manière la plus simple de s’y prendre était d’y aller franco alors Azerios ne se fit pas attendre et interpella la jeune femme en chuchotant.


    On part en balade ? Si tu me sors d’ici je suis sûr que je pourrai t’aider.


    La jeune femme, surprise, n’avait vraisemblablement pas remarqué sa présence. Après une légère hésitation, elle brisa sans difficulté l’épais cadenas rouillé qui scellait la cage et le rookie s’en extirpa rapidement. Hochant la tête en sa direction comme pour la remercier en silence, il regarda autour de lui, de nombreux prisonniers fraîchement libérés commençaient à se mobiliser. D’un pas silencieux il se précipita vers le garde inconscient pour se libérer de ses menottes à l’aide du trousseau de clé à sa ceinture.

    Enfin libre. Ce sentiment de liberté, bien que potentiellement éphémère, lui fit le plus grand bien. La cornue en tête de groupe s’éloigna alors silencieusement et le jeune homme entreprit de la suivre. Mais avant il lui fallait trouver une arme et il savait très bien où se la procurer. Non loin se trouvait le feu de camp autour duquel quelques gardiens dormaient et parmi eux, Radieux. Il s’approcha rapidement et en silence, se saisit d’un couteau à dépecer posé non loin et trancha la gorge d’un premier homme. Sa cible entrouvrit alors les yeux et se releva en sursaut à la recherche de sa lance mais son adversaire avait prit les devants et l’avait déjà empoigné.


    C’est ça que tu cherches ?

    Attends..



    Sans lui laisser voix au chapitre, le pirate dans un geste guidé par la haine planta avec force la lance électrisée dans son entrejambe. Se délectant de son visage, déformé par la douleur, il lui trancha alors la gorge avec le couteau à dépecer. Cette mort n’avait pas été assez lente à son goût, mais il n’avait clairement pas le temps de se payer le luxe de faire mieux. Bondissant en direction du groupe de prisonniers en révolte, il repéra rapidement la femme qui avait prit la tête afin de s’approcher pour l’épauler comme convenu. Un autre groupe de détenu venant d’une autre extrémité du camp arriva alors, tous avançaient d’un pas décidé, sans doute mû par la même volonté de rendre aux geôliers la monnaie de leur pièce.

    Tous avançaient inexorablement, c’est alors qu’un gardien émergea à côté de la cornue et se mit à courir en direction d’un feu de camp. Azerios le prit en chasse, il fallait à tout prix l’empêcher de sonner l’alarme. A cette heure-ci, la plupart des gardiens devaient être soit saouls soit endormis, de ce fait, l’effet de surprise leur assurerait de grandes chances de victoire. Malheureusement, l’homme, plus rapide, se saisit d’un cor de guerre et souffla dedans. C’est alors que de nombreux hommes armés sortirent de leurs baraquements. Arrivé à la hauteur du donneur d’alerte, une lutte rapide s’engagea avec le rookie, mais ce dernier parvînt à lui trancher la jugulaire avec le couteau. Il saisit alors le sabre d’abordage du corps fumant, une lame de bien piètre qualité et se précipita afin de rejoindre la tête de groupe et d’assister celle qui lui avait rendu sa liberté. Inutile de dire qu’il ferait tout pour ne pas laisser passer cette chance de s’enfuir, tant pis pour l’effet de surprise.
      Inutile, c'est inutile. Quand j'pense avoir enfin quelque chose de croustillant sous la dent - les sunset pirate nom d'un p'tit bonhomme ! J'm'heurte à une résistance vorace du destin. Il aspire tout mes espoirs, et ma haine ne fait que grandir. La haine pour c'monde qu'est trop grand, qu'est trop vieux, qu'est trop futile à mon goût. Les hommes sont délavés, comme dégoulinant d'une sueur que je fais couler en écrasant toute résistance.

      La peur change de camp. Pour une fois, ses hommes de paille tombent sur un homme capable de rendre les coups. Pas une donzelle effrayée. Pas un gamin en vadrouille. Un homme, avec deux poings rougis par le sang. Se mêlant à la mêlée, meli mélo je fais danser mes mains dans la tronche du moindre impudent qui s'met sur ma route.

      J'suis une machine de guerre. Un genre de machine qui avance à plusieurs dizaine de kilomètres heures, fendant les lignes ennemis pour arriver de plus en plus proche du cœur du problème. Ses hommes, ont bien un leader. Ses hommes, et ses femmes, ont bien quelque chose qui les effraye ou les galvanise plus que moi. Et ce problème. Cette cause. Cette peur, j'compte bien l'éradiquer. Lui souffler dessus comme on éteint une bougie, comme on souffle sur les voiles d'un bateau pour l'faire avancer sur les flots.

      J'suis le courant. J'suis le maelstrom. J'ai peur de personne, et j'compte bien l'montrer. Jouant de mes muscles, et d'ma hauteur, j'repère un autre avis de tempête. Une autre identité remarquable, qui tente d'me faire de l'ombre. Et vu sa hauteur, vu sa puissance, j'sens que je vais en avoir pour mon argent. Façon d'parler, j'ai pas un copeck en poche là, tout d'suite.

      Il est pas bien grand. Ou elle. J'serai pas dire. Y'a comme une ambivalence dans l'genre. Une genre de mystère assez angoissant au premier abords. Soit c'est la plus moche des femmes que j'ai rencontré, soit l'plus beau gars qu'on est jamais croisé. Maniéré. Féminin. Masculin un peu aussi, dans son col roulé.

      Il est perché. Sur des talons hauts. Il tournoie, donnant des coups de pieds là ou il faut pas. Ce mec -cette nana??? J'dois pas le sous estimer. Quand j'vois la charpie qu'il fait de nos élèments les plus féroces, qu'ont suivit mon pas et ma charge, pour ensuite se disperser manière de semer la zizanie dans les rangs ennemis. Malheureusement sont tombés sur une os. Un truc qui chausse du quarante quatre, mais qui s'déplace aussi fluidement qu'une lionne protégéant ses petits. Les Sunset pirate, c'est sa famille, son équipe, ses nakamas.

      Moi, j'me fiche des autres. Tout ce qui compte, c'mon plaisir. Le reste, j'm'en tamponne l'oreille avec une babouche. C'est moi contre les autres. Souvent, c'est eux qu'ont fait de ma vie ce qu'elle est aujourd'hui. Souvent, c'est qu'ont fait d'mon corps une arme pas ordinaire. Un lion en cage, ça reste un lion.

      Dès qu'on a ouvert les barreaux, j'ai bondis. Retenu simplement par l'envie d'appartenir à quelque chose d'autre qu'à moi même. Mue par l'envie de rassembler, de conquérir. De libérer. On est tous des oiseaux en cage. On est tous fait pour voler sans contrainte, sans ambages. Et v'la qu'on nous colle des lois, aux allures de chaînes. V'la que la loi du talion, la plus ancienne, la plus tacite, celle que l'on a tous déjà rencontré ; Devient mon pire ennemis.

      Je fonce. J'ai jamais autant foncé de ma vie, allégé par le fruit du démon que j'ai mangé. Ma course c'est une successions de petit bonds. La tête des autres, comme une sorte de trampoline, j'avance comme une bille dans un d'ses jeux démoniaque des bar les plus malfamés de North Blue.

      J'arrive selon un angle improbable dans la bataille qui s'joue, entre un des gars de Bonny, et l'entité remarquable qui se bat en collant léopard, et en cardigan molletonné. Mon coups de pied fend la brise. Le temps semble s'arrêter. Même les bruits habituels de la bataille - les cliquetis des armes les cris de souffrance et la poudre qui s'enflamme, parvienne pas jusqu'à mes oreilles. J'alourdis mon corps au dernier moment, selon un angle de pénétration qui avoisine les quarante degrés. Je tombe comme une pierre sur la tronche de l'Okama, qui doit à un reflexe sur humain de pas s'faire écraser.

      Mon pied fend le sol, et la poussière se soulève une nouvelle fois, nous séparant. Je tousse une fois. Pas deux, ni trois.

      - Oh bordel j'ai peut être un peu forcé. Que j'me dis à voix haute. Pas le temps de réfléchir, qu'un objet fend la poussière qui retombe, je l'attrape par réflexe, avant qu'il n'atteigne ma jugulaire. Je regarde ce que c'est ... Surprise, un talon haut pourvu d'un bout pointue ! Kitch mais efficace le jouet.

      Ca y'est.

      La bataille a enfin commencé.
        La jeune femme avait réussi à esquiver de justesse l’homme qui avait abattu sa masse. La voyant en difficulté, ce fut l’Amirale qui prit le relais. Elle faisait de l’ombre à Arya qui put s’enfuir en quelques pas pressés, l’homme avait levé les yeux avec un brin de surprise avant que l’immense femme ne croise le fer avec lui. Elle fendait, tranchait, et Arya était fascinée par la vision que lui offrait sa coéquipière.

        Pas le temps de rêvasser, une cinquantaine de personnes, de cris de douleur ou d’agonie… Elle n’avait pas signé pour ça, elle n’était pas une guerrière. Elle n’aimait pas ça, et ce qui la désespérait encore plus c’était sûrement de n’être d’aucune utilité ou de n’avoir aucune idée de pourquoi elle se battait. Elle devait retrouver ses camarades, trouver un moyen de les sortir de là. Elle observa la foule et put distinguer grâce à une lumière vive, sa capitaine. Eden avait allongé ses ongles pour en faire des armes mortelles, elle ondulait gracieusement entre ses adversaires, l’enthousiasme en moins. Arya gémit lorsque la lumière fondit sur elle, tranchant d’un coup net. La capitaine s’effondra. Arya lâcha un hurlement de détresse.

        Eden était leur rock, leur point d’ancrage. La jeune femme fondit sur elle pour la rattraper, priant que la blessure ne soit pas mortelle. Et alors qu’elle se penchait au-dessus de la femme, la lumière apparut devant elle. Son premier réflexe fut de hurler de terreur. Elle allait mourir.

        « Lucky ! Ici ! »

        L’animal qui gravitait autour d’elle se posa dans un bond juste devant la femme au sabre. Arya à genoux serrait les poings, posée au-dessus de sa capitaine pour la protéger d’une nouvelle attaque. Du coin de l’œil, elle vit la femme lever la main, lever son sabre et l’abattre. Mais Arya se prit lui plus gros coup de poing de sa vie. Complètement sonnée, la joue tuméfiée, elle se retrouva étalée sur le sol. Elle n’avait absolument rien compris. Lucky aurait dû grogner, il grognait toujours sur ses ennemis, mais rien, il était debout à observer la scène. Il s’était approché pour renifler l’inconnue. Arya releva les yeux. Il lui fallut quelques choses comme minute pour fondre en larmes. Autant dire, une éternité, alors que sa sœur la souleva par le col.

        - Espèce de petite inconsciente ! Je t’avais promis de te mettre la raclée de ta vie si je te recroisais !

        Avant qu’un nouveau coup s’abatte sur elle, elle vit une lueur qui pourrait s’apparenter à une larme dans l’œil valide de sa sœur, alors qu’encore plus sonnée, elle tentait de se remettre debout. Angelica. Qu’est-ce que c’était que ce bordel ? Qu’est-ce que c’était que cette merde.

        - Qu’est-ce que tu fous là ? Tu es avec Frost ? BORDEL de MERDE.

        La jeune femme sentit Lucky se coller contre sa hanche pour l’aider à tenir debout. C’était de bonne guerre. Elle avait disparu alors qu’elle lui avait dit de ne pas bouger. La vraie question étant tout de même ce qu’elle, elle foutait là.

        « Il a capturer mon équipage sur Grand Line, c’est ma capitaine que tu as… »

        La jeune femme lança un regard paniqué à Eden et apposa ses doigts dans son cou.

        - Elle n’est pas morte. Tu es captive ?

        Loa colère s’alluma de nouveau dans le regard de son aînée.

        « On n’a pas eu le choix… Mes camarades, elles sont… »

        La femme, avait perdu un œil… Arya ne l’aurait pas reconnue en la croisant dans la rue, elle remerciait le ciel que sa sœur l’ait reconnue, car elle… Elle en aurait été bien incapable. Elle la coupa.

        - On parlera plus tard, amène-la sur le bateau et va récupérer les autres. Tu changes de camp ou c’est contre moi que tu te bats.

        Arya l’observa décontenancée, changer de camp ? Comme ça ? Comme de rien ? Elle avait cette autorité ? Et puis qu’est-ce qu’elle foutait là ? Bordel mais… La question en suspens étant tout de même si elle avait envie de se battre contre sa sœur ou pas. Aucune chance.
        Aucune des louves n’avaient choisi de se battre pour Frost, quand les Sunsets Pirates leur était tombé dessus, elles avaient eu le choix, mortes ou captives. Aujourd’hui on leur laissait un nouveau choix, captive ou libre. Elle se demanda si elle avait autorité à prendre ce genre de décisions, la vision d’Eden dans ses bras, évanouie, la décida rapidement. A ce niveau, le choix était simple, aucune de ses camarades n’était volontaire pour être ici. C’était un choix entre une chance de vivre et mourir quasiment sûrement. Alors, elle aida sa capitaine ensanglantée à se lever dans un râle de douleur.

        « Lucky, va chercher Lizzie. »

        L’animal sembla hésiter un instant avant de retourner dans la mêlée, il connaissait bien Lizzie, c’était celle qui nourrissait tout le monde et il prêtait un intérêt particulier à la nourriture depuis son séjour dans les arènes de combat de chien. Le combat n’avait pas cessé un seul instant, et ces deux minutes à peine avaient comme créer une cession dans l’esprit d’Arya. Elle n’avait plus besoin de se battre pour une cause qu’elle ne comprenait pas, elle se battrait pour sa liberté. Elle avait trouvé sa sœur au pire moment, mais ça lui sauverait sûrement les fesses. Elle s’inquiéterait du reste plus tard. Elle s’approcha de bateau, Angel avait disparu, pour réapparaitre sur le bateau, et disparaître de nouveau, des hommes à bord l’aidèrent à monter, sûrement Angel avait-elle prévenu son équipage.

        - Tu peux aller chercher les autres, on s’occupe d’elle.

        L’homme qui la poussa presque de nouveau en dehors du bateau se pencha rapidement sur sa capitaine. Arya ne le connaissait ni d’Adam ni d’Eve, mais sans une seule hésitation, elle descendit de nouveau du bateau, parce qu’elle faisait confiance à sa sœur. Tout ce qui se passerait ensuite, ne serait qu’une question de confiance, elle en était persuadée. Elle vit Lizzie suivre en courant Lucky.

        - C’est quoi ce bordel… Putain tu fais peur !
        « Eden est à bord, ma sœur… Je t’expliquerai plus tard, il va falloir que tu me crois… Viens. »

        S’approchant de nouveau du bateau, elle fit signe à l’homme pour qu’on permette à Lizzie de monter sur l’embarcation. La cuisinière lui lança un regard de scepticisme, mais, la situation étant des plus chaotiques, elle monta sans poser aucune question. C’était la beauté de la confiance mutuelle qui les habitait. Elle fut soulagée de mettre la cuisinière à l’abris du conflit, si elle se débrouillait assez bien avec une poêle à frire, c’était derrière les fourneaux qu’elle était le plus à l’aise. Alors Arya repartit dans la mêlée pour retrouver Didi et l’Amirale. Elle n’eut pas de mal à voir Airi, mais se concentra sur Didi. Elle était douée d’un talent sans pareil pour faire virevolter sa batte de métal, mais elle était encore plus douée derrière un canon ou pour préparer des explosifs. Elle avait cette fâcheuse tendance à aimer tout faire péter.

        Arya évita un coup de batte de sa coéquipière. Didi lui lança un regard confus alors que l’homme contre lequel elle se battait revint à la charge. Arya se mit entre eux alors que Didi relevait son arme, et les mains en l’air.

        « On est avec vous, Angelica est ma sœur. »

        L’homme figea son mouvement maladroitement, et, si Didi était déjà confuse, il afficha un visage on ne pouvait plus déconcerté.

        - Qu’est-ce que…
        « On est avec vous. »

        Répéter sembla suffire à le convaincre, car il secoua la tête et retourna se battre contre ses vrais ennemis.

        - Tu m’expliques ?
        « Trop long, change de cible. Eden est sur le bateau, on va peut-être pouvoir fuir Frost. »

        La femme acquiesça et se retourna contre ceux qui étaient avant ça ses alliés, sans une once d’hésitation. Arya fut touchée par la confiance que ses camarades avaient en elle, mais elle n’eut pas le temps de s’appesantir dessus et se dirigea désormais vers Airi. Difficile de la louper, elle mesurait trois mètres après tout. Alors Lucky sur les talons, elle esquivait comme faire se peut les combats, parant pour ce qu’elle ne pouvait éviter, son sabre en main, elle se faufila jusqu’à elle. La femme tenait à distance ses opposants de son arme à la longueur imposante.

        Arya se mit à crier pour qu’elle l’entende.

        « Amirale, on change de camp ! »

        La grande femme se retourna vers elle, le regard confus.

        - Qu’est-ce qu…
        « Ma sœur est avec l’autre équipage… »

        Le visage de l’immense femme se durcit d’un coup.

        - Tu es complètement folle ! Frost nous protège ! Tu vas toute nous faire tuer !
        « Eden est sur le bate… »

        Airi lui lança un regard assassin et dirigea son arme vers elle, le visage déformé par une colère noire et inarrêtable.

        - Je ne t’ai jamais aimé, et maintenant tu veux nous faire mourir. Frost nous protège !

        Et comme une ombre, le femme fondit sur Arya dans un mouvement fluide. Arya se jeta sur la côté pour esquiver. Qu’est-ce que c’était que ce bordel…

        « On va toute mourir… Si on reste avec… Frost ! »

        Aveuglée par la rage, l’amirale faisait danser sa lame, Arya esquiva dans des mouvements fluides, alors que son cœur s’emballa brusquement. Impossible. Elle n’avait jamais gagner à un combat à l’épée avec la femme. Et pourtant elle allait devoir. Elle était déjà essoufflée, tant par l’angoisse que l’exercice sans fin que lui imposait sa camarade.
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        Du côté d'Angelica

        Judas ne faisait pas de quartiers, progressant dans la masse d'ennemis, écrasant et projetant au point qu'il était même possible d'entendre le concert d'os brisés du haut du pont.

        « - Bien, » nota Angelica qui estimait l'utilité du rouleau-compresseur sans pour autant apprécier le personnage, ses yeux soupçonneux le détaillant chaque fois qu'elle devait lui adresser la parole.

        L'ennemi avait été repoussé avec brio et nombre de pirates se tenaient le long du bastingage, fusils pointés sur l'ennemi. Voyant la menace poindre soudainement, celui-ci avait décidé de stopper son avancée au grand dam des officiers adverses. Le Quartier-Maître ne se réjouissait pas pour autant, commandant à tue-tête, parcourant les flancs du navire de long en large pour ordonner de tirer à vue. Des mousquets s'échappait à présent une fumée rappelant celle du révolutionnaire qui s'était fait la malle quelques instants plus tôt pour ne pas avoir à participer à une bataille qui ne le concernait pas. Elle se méfiait de Rafaelo, imaginant qu'il devait préparer un mauvais coup, mais n'avait pas les moyens de le faire suivre.

        « - Sabres au clair ! »

        Les hommes de Frost reculaient à présent, la débandade s'installait, c'était le moment ou jamais de saisir la victoire. Pour ceux qui y étaient impliqués, une bataille de cette envergure semblait durer une éternité, chaque seconde pour un homme était une heure, mais en vérité tout ne se réglait jamais qu'en quelques minutes. L'issue du combat était scellée, probablement car les hommes en face avaient été enrôlés de force et non par choix, si bien que seul leur surnombre faisait une différence... lorsqu'ils marchaient dans le bon sens.

        « - À l'assaut ! » hurla la borgne en se propulsant par-dessus le bastingage, illuminée d'un aura blanchâtre aveuglante qui enrobait son corps et la faisait paraître pour un spectre.

        Elle fendait l'air et l'ennemi, laissant derrière elle des particules lumineuses pour guider ses hommes dans sa percée. Parfois, un flibustier adverse lui opposait suffisamment de résistance pour la faire écoper de quelques égratignures, mais le Rokushiki demeurait l'artifice le plus implacable de tout son arsenal. Elle prenait la suite de Judas qui était tombé sur un os, un homme au déguisement étrange rappelant celui d'une femme Marijoanne, ravageant l'ennemi à son tour...

        Jusqu'à tomber elle aussi sur un élément inattendu, alors qu'elle s'apprêtait à sabrer une âme innocente de plus dont le regard criait qu'elle ne voulait pas être là. Ce n'était pas la première, ce ne serait pas la dernière. Mais à mi-chemin, son image la frappa comme un coup dans l'estomac, lui imposant, l'implorant même de s'arrêter dans son élan. Un prénom lui vint en tête comme elle pouvait sentir son propre sang bouillir dans les veines de son ennemi. Arya.

        Ni une ni deux, ce ne fut non pas Hinoen qui fendit l'espace, mais un crochet du gauche suffisamment puissant pour envoyer la jeune femme à terre. Ce n'était pas le moment pour les excuses ni les explications, aussi la discussion fut sommaire : comme un parent ordonnant à un enfant d'aller dans sa chambre, la grande sœur admonesta la petite en lui donnant l'indication claire et concise que la position de l'Impératrice, seul endroit sûr dans la bataille, devait concorder avec celle de son derrière.

        La fillette ne perdit pas plus de temps, décidée à retrouver ses alliées, tandis qu'Angelica se forçait à retrouver les idées claires. Ses hommes avaient continué dans sa lancée et repoussaient à présent l'ennemi jusqu'à la forêt de mangroves d'où il avait jailli.

        « - Repli tactique ! Ne les poursuivez pas au-delà des arbres, je répète : ne les poursuivez pas au-delà des arbres ! »

        Par chance, la discipline était le point fort de cet équipage : tous s'arrêtèrent, probablement à bout de forces de toute manière, et vinrent assaillir de concert ceux qui n'avaient pas pris le temps de fuir, soldant rapidement l'issue des derniers combats. Seules restaient quelques escarmouches dont celle de Judas.

        Après une minute passée à prêter mains fortes aux hommes encore dans la tourmente, Angelica décida de retourner à ses petits tracas familiaux. Des yeux, elle chercha la tignasse brune d'Arya et l'identifia finalement aux prises avec une grande femme munie d'un noguchi. Visiblement, tout ne se passait pas comme elle l'avait prévu. Rangeant sa lame dans son fourreau et saisissant son pommeau à deux mains, Angelica se précipita en un éclair vers le duel et finit sa course dans les côtes de la demi-géante qu'elle aurait probablement tranchée en deux si elle n'avait pas fouraillé son katana plus tôt.

        « - C'est terminé. Les forces de Frost sont en déroute, vous êtes nos prisonniers. Toi aussi, Arya. »

        À demi affalée sur le sol, la benjamine regardait son aînée de quelques années qu'elle ne parvenait probablement pas à reconnaître. Cette froideur n'était pas typique de l'ancienne Angelica, celle qui était morte à Jaya ; elle pouvait se douter qu'elle passerait un très mauvais quart d'heure sitôt la situation rétablie. Son ennemie n'avait pas l'air ravie non plus mais comprenait qu'elle n'était pas en position de marchander. D'un geste de la main, le Quartier-Maître signala sa présence à trois hommes à proximité : ils se rapprochèrent, attendant les ordres.

        « - Enchaînez-moi ces deux là à fond de cale, si possible ailleurs qu'avec Sloan. Trouvez leurs alliées et enfermez les avec elles, usez de la force s'il faut. »

        Non, clairement pas un enfant de chœur, mais c'était le protocole. Il était hors de question de laisser un équipage ennemi se déplacer à bord librement, Eleanor ne l'aurait jamais permis. Pas une seconde fois, pas après cette histoire avec Rafaelo.

        Jetant un dernier regard vers sa sœurette tandis qu'elle se faisait escorter, Angelica fit volte-face et s'éloigna en direction du calme, marchant entre les macchabées, donnant des indications pour les soins aux blessés et le comptage des morts à ceux qui rencontraient sa route. Il y avait évidemment d'autres prisonniers à compter, mais ce n'était pas à Angelica de choisir s'il fallait les gracier ou les exécuter.

        Jaugeant être suffisamment à bonne distance des derniers combats, notamment celui de Judas et son okama qui semblait toucher à sa fin, enveloppée d'un silence de mort, la borgne sortit son escargophone et chercha à faire le lien avec sa supérieure. Le dispositif sonna une dizaine de secondes avant que l'Exsangue ne décroche :

        « - Angelica ?

        - L'ennemi a été repoussé. Il semblerait aussi que nous ayons mis la main sur l'un des officiers de Frost, nous allons l'interroger une fois que Judas aura terminé de s'amuser avec lui.

        - Parfait. Ici la situation est un brin compliquée... »

        Du côté d'Eleanor

        Le message était passé, Angelica serait bientôt en chemin. Il nous fallait donc gagner du temps en attendant de pouvoir illustrer notre victoire totale, d'autant plus qu'il restait encore un gros élément et pas des moindres : Falstaff lui-même qui jusque là avait brillé par son absence.

        Quelques minutes avaient suffit pour que le camp soit sens-dessus-dessous. Toutes dagues sorties, je profitais de la cohue pour me glisser dans le dos des pirates de Falstaff et les poignarder tout en éliminant ceux qui se mettaient sur ma route, à l'image d'un fer de lance des rebelles. L'objectif n'était pas autant de décimer les rangs ennemis que de me tracer un chemin jusqu'au centre de la cohue où je pensais retrouver Karen et Dax. Petit à petit, les anciens prisonniers s'armaient en récupérant les fusils et sabres que les morts laissaient derrière eux, représentant une menace de plus en plus réelle qui obligea le rat à sortir de sa tanière.

        « - Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?! Quels genre de pirates êtes-vous pour ne pas réussir à maîtriser quelques prisonniers ? »

        Surgissant sur un ponton en hauteur, le Commandant et ses hommes ne pouvaient que constater l'attaque nocturne et tenter de remettre de l'ordre dans ses rangs. Sans tarder, l'homme-poisson plongea au sol et décida de faire justice lui-même, avisant un petit groupe de prisonniers menés par Karen. Utilisant la tête d'un de mes ennemis comme tremplins, je me catapultais en même temps dans la direction de Falstaff pour faire barrage ; le pirate du Fléau avait déjà sa cible dans le collimateur, un prisonnier féroce qui s'était jusque là illustré en broyant les crânes de ses ennemis avec un fléau, et il n'exprima aucune difficulté à le couper en deux d'un coup de sabre.

        Tous les regards étaient tournés vers lui à présent ; il avait suffit qu'il fasse une démonstration de force pour que l'ennemi soit soudainement revigoré.

        « - Allez, tant pis pour la livraison, tuez les tous ! Pas de quartier ! » hurla-t-il, suscitant soudainement la peur de nombre de prisonniers qui perdirent leurs moyens, subissant un regain de discipline et de motivation général.

        Dangereux, estimais-je, tout en arrivant à proximité de mon ennemi qui, à lui seul, causait un véritable massacre. Aux armes avec Jones, ce n'était qu'une question de secondes avait qu'il ait définitivement le dessus. Ma jambe décrivit donc un arc de cercle et décocha une puissante lame d'air qui obligea l'officier à reculer et à regarder dans ma direction. Il eut quelques secondes d'absence, suffisamment pour que Karen échappe à sa vigilance et batte en retraite avec ses complices pour me laisser la place.

        « - L'Exsangue... ici... Alors c'était toi, le navire dans la crique au sud ?

        - À ce propos, j'ai une mauvaise nouvelle pour toi, » lui souris-je, goguenarde.

        Une lueur de compréhension fila dans son regard, il comprit que ceux qu'il avait envoyés sur place ne reviendraient pas. La hargne et la rage refirent soudain surface, au même titre que le dépit de s'être fait avoir comme un bleu.

        « - Dis à tes hommes de cesser le combat et jeter leurs armes à terre. Je n'ai pas l'intention de vous faire le moindre mal, je veux simplement discuter avec Frost.

        - Avec Frost tu dis ? Peut-être un peu tard pour demander une audience non ? Tu crois que je ne suis pas sans savoir qui tu es vraiment, Annabella Sweetsong ? Si je te choppe, finie la vie de cul-terreux dans ce trou boueux ! »

        Encore une fois, l'égo parlait, mais la récente expérience avec Kiyori me disait de me méfier, de ne plus sous-estimer mes adversaires. Au lieu de cela, je me préparais à en découdre, tandis qu'autour de moi le silence se faisait. Les affrontements continuaient plus loin mais ici, une arène naturelle s'était faite et chacun voulait avoir les yeux rivés sur le duel entre Falstaff et moi. En même temps, je pouvais davantage détailler mon opposant, chercher à savoir quelles aptitudes il pourrait utiliser contre moi.

        Puisque c'était un homme-poisson, j'avais l'avantage sur le terrain ; toutefois nous n'étions pas loin de la berge où une source d'eau infinie pouvait alimenter l'arsenal du Commandant. Dans tous les cas, je savais déjà vers où je ne souhaitais pas aller : il fallait que je le pousse à reculer. J'attaquais donc la première, fendant l'espace d'un coup de poing vibrant dans sa direction... qu'il para grâce au haki de l'armement, détournant l'onde de choc vers un mangrove qui se mit dangereusement à pencher et vint écraser dans sa chute l'une des huttes établies au milieu du campement.

        Réflexe surhumain et fluide, j'étais déjà certaine que l'ennemi esquiverait ou contrerait la majorité de mes attaques. Mais je ne pouvais pas le laisser prendre le dessus. Pivotant à quarante-cinq degrés sur moi-même, ma jambe décrivit une ellipse et chercha son flanc pour projeter l'homme-poisson sur ma droite, mais ne trouva que son avant-bras mis en bouclier. Ses pieds fermement ancrés dans le sol laissèrent toutefois de profondes traces, comme il luttait pour ne pas se faire balayer par les vibrations.

        Cependant ce qu'il ne vit pas, c'est ma tête qui cogna dans le vide à quelques centimètres de lui et fracassa l'air, provoquant une troisième déferlante de vibrations qui l'envoya culbuter contre le mur d'une sorte de chalet, à proximité de la palissade. Exactement là où je voulais qu'il soit.

        Du coin de l’œil, je notais la présence de Dax qui était resté bouche bée devant l'enchaînement et lui fis un clin d’œil. Avant de retourner à l'assaut de Falstaff, laissant mes camarades profiter de l'étonnement général pour neutraliser l'ennemi.

        Cependant le Commandant du Fléau était loin d'avoir dit son dernier mot...


        Dernière édition par Eleanor Bonny le Lun 9 Aoû 2021 - 13:38, édité 1 fois
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        Un bordel sans nom régnait désormais dans le camp. Les prisonniers s’emparaient des armes des gardiens vaincus et progressaient de plus en plus. Les derniers enclos ouverts, c’est une véritable marée de détenus fraîchement sortis de leur captivité qui se déversait ici et là. Le rookie de South Blue s’en donnait désormais à cœur joie, exploitant ses nouvelles capacités pour éliminer un à un les gardiens qui tentaient de réprimer la révolte. Et après tant de temps passé dans cette foutue cage, autant dire qu’il avait besoin de se défouler, générant des masses de sable durcies pour frapper encore et encore, profitant de la surprise causée par l’émeute pour prendre de cours les quelques gardes encore à demi somnolents, leur offrant le repos éternel. L’un d’entre eux réussit cependant à prendre le dessus sur le jeune homme, le frappant dans le dos avec une masse, certaines zones de son corps encore humides le rendaient partiellement vulnérable aux attaques physiques.

        Azerios s’écroula sous le choc et n’eut pas le temps de se relever que son adversaire, alors conscient de ses capacités pour l’avoir probablement déjà brimé lors de sa captivité, se saisit d’une écuelle et la déversa sur lui. En quelques instant, voilà qu’il se retrouva sur lui, affairé a l’étrangler. Ce fruit lui offrait nombre d’atouts mais son gros point faible, c’était l’eau et il faudrait trouver une parade à ce sujet. Mais pour l’heure il fallait surtout survivre et le rookie, le souffle coupé par la pression qu’exerçait la brute sur sa trachée, plaqua ses deux mains sur son visage. Cherchant quoi faire, ne parvenant pas à les changer en sable, quelque chose d’inédit se produit. La brute se mit à hurler de douleur et le jeune pirate remarqua alors le visage de ce dernier, qui se déshydratait à vitesse grand v. Libéré de son emprise, le gardien mit son visage dans ses mains en hurlant, ce qui laissa au rookie l’opportunité de se saisir de sa masse et de l’écraser avec force sur son crâne afin de le fendre. Ce qu'il venait de faire était vraiment étonnant. Flippant, mais étonnant.

        Débarrassé de cet adversaire, il retourna dans la mêlée à grand renfort de coups sablonneux, distribuant salades de phalanges à qui voudrait bien y goûter, se battant avec toute arme ou objet qui lui passait par la main. Pour rien au monde il ne retournerait dans sa cage et il était bien déterminé à quitter cette maudite île. Retrouver ses compagnons était sa priorité, même si il avait pu apercevoir son navire et qu’il les savait débrouillards, il était vraiment inquiet. Mais la première étape serait de quitter ce foutu camp et qui d’autre que les instigateurs de cette rébellion pour l’y aider ?


        *Bon Bon Bon… Ou est la cornue … ?


        D’un regard il balaya les alentours, du sang, de la vase et des cris, voila tout ce qui se proposait à lui. Les prisonniers mourraient par dizaines mais les geôliers semblaient malgré tout dépassés. Soudain il l’aperçu, aux prises avec un homme poisson, et pour le coup cet adversaire avait tout d’un client sérieux, il semblait même prendre le dessus. Il fallait intervenir, lui prêter main forte et vite, le jeune homme se faufila au cœur des combats, deux lames de fortune en main. Si il n’était pas sûr de pouvoir faire quelque différence que ce soit, il pourrait tout de même essayer de l’aider. Un gardien se mit sur sa trajectoire, trop tard pour l’esquiver ou contrer son attaque, il lui trancha le bras au passage d’un large coup d’épée. Ce dernier se changea en sable et revint aussitôt à sa place. En retour, il le balaya d’un geste, l’écrasant sous une gerbe de sable avant de reprendre sa course. Générant deux énormes poings en sable compacté, il écrasa violemment trois autres gardiens qui se ruaient alors sur lui. Il arbora alors un petit sourire satisfait, les effets de son fruit étaient vraiment incroyables, sans doute lui permettrait il de faire la différence dans certaines batailles.

        Mais lorsqu’il regarda de nouveau en direction du duel, il s’interrompît, stoppant net sa course, comme choqué par ce qu’il venait de voir. Sortie de nul part, une femme aux cheveux cendrés balaya l’adversaire de la cornue d’une lame d’air bien placée, permettant à cette dernière de s’extirper d’un duel qui de toute évidence n’était pas le siens. Non, le véritable adversaire de l’homme poisson serait celle qu’il venait de surnommer "L’Exangue".

        Après un bref échange presque inaudible au milieu du brouhaha de la bataille, c’est l’adversaire qui frappa la première, d’une attaque sans commune mesure, le genre d’attaque qu’Azerios n’aurait pour rien au monde voulu encaisser. Contre toute attente, l’homme poisson dévia l’onde de choc qui termina sa course dans un mangrove, le faisant chuter avec fracas sur l’un des baraquements. Un intense frisson parcourut son corps, pas de toute, il s’agissait bel et bien d’un frisson de peur.


        *Bordel de merde… Mais qu’est ce que c’est que ces monstres…*


        Une chose est sur, il était préférable de ne pas se trouver sur sa route. Telle une force de la nature, l’exsangue poursuivit alors son assaut sur l’homme du Fléau qui résista mais ne tarda pas à paraître acculé. Il y avait quelque chose de surhumain dans ses attaques, quelque chose de terrible. Clairement, mieux valait être de son côté que l’inverse même si l’homme poisson ne semblait pas encore avoir baissé les bras. Alors c’était ça le degré de puissance des pirates que l’on pouvait croiser sur le nouveau monde ? Le jeune rookie n’avait clairement pas le niveau pour lutter contre de tels monstres et de toute manière, la femme aux cheveux cendrés n’avait clairement pas besoin de lui dans ses pattes. Dans un regain d’assurance, il continua à se placer dans son camp en replongeant dans la mêlée, éliminant un nouveau gardien imprudent, à l'aide deux sabres d’abordage ramassés dans un mélange de boue et de sang.
          À l'écart de la bataille du camp...

          Il avait pris les jambes à son cou, fuyant désespérément. Il avait beau être un chasseur de primes de renom, un véritable héros aux yeux des enfants, il n'en était pas moins un homme. Là-bas, les deux énergumènes qui s'affrontaient étaient des monstres. Eleanor Bonny... Eleanor Bonny ! Elle l'avait délivré sans même savoir qui il était, il s'était rué le premier vers le geôlier mort pour récupérer ses clefs et prendre la poudre d'escampette. Et maintenant il courait. Il n'avait même pas pris la peine de récupérer une arme sur l'un des nombreux cadavres qu'il avait croisés en se faufilant entre les jambes des combattants.

          « - À l'aide ! »

          Le nain s'arrêta, fronça les sourcils et se retourna un instant, puis haussa les épaules et envisagea de reprendre sa marche.

          « - S'il-vous-plaît, aidez moi ! » reprit la supplique.

          Merde. C'était bien lui que l'on hélait ? Il chercha du regard l'origine de cet appel et finit par remarquer une cage à l'écart des autres, surélevée devant l'escalier menant à la cabane de Falstaff. Personne n'y avait prêté attention depuis le soulèvement, mais une femme aux traits juvéniles, une fillette presque, se tenait aux barreaux en espérant que l'on vienne la secourir. Une demoiselle en détresse.

          Rungis s'en serait normalement moqué, pourtant elle ne le laissait pas insensible. Le regard de la belle était rivé sur le sien, il ne pouvait plus partir à présent. Et puis il avait un honneur à sauver, que dirait-on de lui ensuite ? Partagé, il se vit tourner les talons, vouloir reprendre sa route, serrer les poings après un pas et faire volteface pour se précipiter vers l'escalier d'où avait déboulé la suite du commandant. Merde. Merde, merde, merde.

          « - J'arrive, ne bougez pas, » ergota le chasseur de primes en pointant son petit index au bout de son petit bras fléchi en direction de la détenue.

          Celle-ci haussa les épaules, ne sachant où elle pourrait aller de toute manière, et s'assit prudemment au fond de sa cage. Le petit homme mit bien une minute à arriver à sa hauteur et resta une autre bonne minute à la détailler. Ils se reluquaient mutuellement mais pas pour les mêmes raisons.

          « - Vous sembliez plus grand de loin.

          - On me le dit souvent. Êtes-vous une princesse ? »

          Un peu rapide en besogne le Rungis, mais il fallait dire que la beauté de la jeune femme était incommensurable, quand bien même elle venait de passer quelques jours en cellule et rêvait probablement d'un bain chaud et d'un bon repas... et avait visiblement pris quelques coups avant d'être enfermée ici. Non, il s'en serait sûrement rappelé s'il l'avait vue en arrivant. Outre son attirail rappelant une armure rapiécée sur un juste-au-corps, signe que l'inconnue savait probablement se défendre, la prisonnière présentait un trait bien distinctif : des oreilles taillées en pointe qui trônaient des deux côtés de sa tête comme deux longues antennes.

          Malgré tout, la question du nain resta lettre morte.

          « - Sortez moi de là ! Les clés doivent se trouver à l'intérieur... »

          Rungis hoqueta avant de se diriger prudemment vers la porte, y glisser un œil et un morceau de nez, constatant qu'il n'y avait personne. Un orteil après l'autre, il se faufila dans l'espèce de chalet qui comportait une salle de réunion et la chambre du commandant. Fouillant les meubles frénétiquement, il ne trouva rien dans la première pièce pouvant ressembler à une clé et passa à la seconde. Le lit de Falstaff était défait, l'endroit désordonné, mais après une bonne minute, il trouva naturellement l'objet tant convoité sous son oreiller. La prisonnière devait nécessairement être quelqu'un d'important pour le Commandant, sinon Frost lui-même.

          Trottant maladroitement jusqu'à la sortie, il arriva devant la cage l'air triomphant avec la clé dans sa main. L'inconnue le félicita en applaudissant, peut-être ironiquement, et en le pressant d'ouvrir surtout.

          Clic, clac.

          La porte se déroba et celle qu'elle gardait jusque là rejoignit le plancher d'un bond, sans même se soucier du vide et de l'armée combattant en-dessous d'elle. Outre l'expression de satisfaction sur son visage, elle avait un air de femme prête à en découdre.

          « - Ah non, » déclama celui qui sentait venir le coup foireux.

          « - Il faut prêter main forte à nos libérateurs. »

          Elle ne l'avait pas écouté, avisant un poignard au milieu de la table ronde où devait présider le conseil de Falstaff, elle semblait prête à se jeter dans la bataille. Mais les ennuis furent plus prompts à venir à notre petit duo que l'inverse : alors qu'ils se précipitaient dans l'escalier pour rejoindre la terre ferme, une ombre s'interposa entre eux et le chemin de la liberté. Un corps massif qui n'aurait normalement pas dû se trouver là. Pas même un officier du commandant, c'était l'homme-poisson en personne qui s'était extirpé de son combat pour faire barrage à leur escapade.

          « - Où croyez-vous aller comme ça, vous deux ? »

          Rungis glapit, l'inconnue leva son arme, signalant qu'elle ne se laisserait pas faire. Falstaff avait dressé son poing en direction inverse à celle du petit homme qui se voyait déjà catapulté dans l'espace. Mais le coup n'arriva jamais : un couteau lancé à pleine vitesse transperça le bras du pirate et termina sa course dans le bois du mangrove au sein duquel était taillée l'habitation. Loin d'être sévèrement handicapé par la douleur qui lui cisaillait le bras, le monstre s'en tint à un regard noir délivré à la cause de son mal.

          « - Tu cherches déjà à fuir ?

          - Bonny... »

          C'était le moment : il s'était retourné pour faire face à la Supernova et n'obstruait plus le passage. Rungis réagit aussitôt en saisissant la main de la « peut-être princesse » et en la tirant vers la sortie, passant à un cheveu de se faire agripper par l'ennemi. Comme s'il n'avait pas retenu la leçon auparavant, celui-ci eut le réflexe de se lancer à leur poursuite, mais se ravisa lorsqu'il dût parer une onde de choc libérée par l'albinos... qui regardait dans leur direction, soupçonneuse. Aïe, elle se doutait que ces deux-là n'étaient pas n'importe qui, ce qui fit manquer un battement de cœur au nain et le poussa à accélérer la cadence.

          Mais rien à faire, la demoiselle en détresse ne l'était plus tant que cela et semblait plutôt décidée à en découdre. Elle ne bougea pas d'un poil, le regard plongé dans celui de la libératrice ; une conversation inaudible semblait rapprocher les deux femmes.

          « - Vous, partez si vous voulez, moi je veux me battre.

          - Mais... mais ce sont des monstres ! Vous n'êtes pas de taille contre e-

          - Si je n'arrive pas à venir à bout d'une bande de misérables pirates alors autant abandonner mon rêve de délivrer mon pays du mal qui le ronge. »

          Rungis soupira, restant quelques secondes sur place à peser le pour et le contre avant de décider de prendre la poudre d'escampette. Courant à travers camp, il réussit à se dégotter une planque le temps que les choses se calment et qu'il trouve un moyen de filer de là. À présent, il bougonnait dans sa barbe, essayant de se persuader qu'il avait fait le bon choix : lui le grand chasseur de primes, l'allié de Don Lope, réduit à se cacher comme un rat. L'image tournait et retournait dans son crâne.

          « - Et merde ! » finit-il par jurer, quittant son sanctuaire pour se replonger dans la débâcle, esquivant tout de même les escarmouches grâce à sa petite taille pour revenir en catimini au cœur de la bataille.

          Elle était là, aux côtés d'Eleanor, livrant bataille contre le commandant et l'handicapant suffisamment pour le limiter dans ses mouvements ; il ne pouvait pas la tuer... du moins, il ne voulait pas. Peut-être avait-elle une chance au final ? Retournant au pied de l'escalier, le nabot récupéra le poignard qui avait transpercé le bras de leur adversaire et réussit, avec difficulté, à le retirer de son socle. Au même moment, Bonny venait de se faire souffler par un vilain jab dans les côtes et essayait de retrouver sa respiration derrière la prisonnière qui faisait délibérément office de bouclier, se jetant systématiquement sur la route du Commandant.

          Au bout d'un moment, l'homme-poisson en eut assez de devoir dévier sa trajectoire et décida de charger la belle. C'est à ce moment précis que Rungis fit une entrée héroïque, plaçant l'arme de poing dans la paume de la jeune femme avant de la pousser hors de la ligne de mire du pirate. Il n'eut que quelques secondes pour énoncer ses derniers mots :

          « - Je savais bien que tu étais une princesse. »

          Et alors, il vola. Oh oui, il vola. Son petit corps plana au-dessus du sol sur une bonne centaine de mètres en direction du large avant d'atteindre l'endroit où il aurait normalement dû tomber à l'eau. Par chance, quelque chose, ou plutôt quelqu'un, le réceptionna à l'arrivée et le ramena sain et sauf sur la berge. Avant de sombrer dans l'inconscience, il sut à qui il devait sa vie.

          Eleanor Bonny.

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          Sans mes chaînes, le combat à distance ne m'arrange pas. J'allège une nouvelle fois mon corps de colosse, et sautille plus que je ne cours, en direction de mon adversaire. Enfin, la poussière est retombée et j'vois à qui j'ai à faire. Pas une dame, pas un homme. Un peu des deux. Il a un corps gracile mais guindé de combattant. Il a une pomme d'adam, mais se perche sur talon haut. Le deuxième d'ailleurs, ne tarde pas à m'atteindre, mais je recouvre mon corps de fluide combattif, faisant riper la lame en biseau, ailleurs que sur ma peau. Un gars derrière moi le reçoit dans la cuisse, tandis que la bataille fait rage tout autour de nous. Les pirates de Bonny continue leur inexorable avancée vers nous deux, tuant méthodiquement tout ce qui passe à portée. Personne n'est épargné, et comme un prisonnier coûte de l'argent, en tant que bon pirate, on ne fait pas de quartier. Ce que j'en dis c'est que ça dépends à qui tu as à faire. Un mec soucieux de son équipage, prendra le temps d'envoyer des troupes ramasser les blessés et les ramener à la maison. La stratégie la plus optimal dans ce cas, serait de faire un maximum de blessé, pour mobiliser le plus d'effectif possible à cette tâche, plutôt qu'au combat.

          Personnellement, j'opte souvent pour une bonne raclée, qui laisse inconscient. Je peux tuer, mais j'y prends aucun plaisir malsain. Je me complait pas dans la mort, mais plus dans l'sang et la douleur. C'mon petit côté gladiateur. Pugiliste, même. J'suis le genre d'oiseau de malheur, inspiré par le carnage et la peur.

          En face de moi, un visage dur, aucune douleur ni aucune peur ne se reflète dans la silhouette de l'Okama. Il m'toise, et sans crier gare, fonce sur moi tandis que j'fonce sur lui.  Des scalpels apparaissent dans ses mains, mais ma peau est toujours couverte du haki combattif que j'affectionne depuis ma découverte de cette particularité peu commune chez des êtres humains, ou même des minks ou des anges. Ma peau est noire de charbon, mais mon adversaire n'est pas en reste. Ses scalpels se couvrent d'une couche de haki sauce armement.

          J'ai tout juste le temps d'utiliser mes bras pour dévier son attaque qui vise mon estomac, ses deux scalpels parallèle dans un mouvement sciemment étudié visant à sectionner quelque chose d'important dans mon anatomie. Les scalpels entament ma peau, le cuir tanné se déchire mais n'entame pas suffisamment mon corps pour être gênant, il en profite pour se glisser derrière moi comme un voleur. La frappe qui est sensé me sectionner un nerf ou bien même endommagé n'importe laquelle de mes vertèbres, ne rencontre que du vide. J'ai roulé vers l'avant, esquivant de justesse.

          Je me retourne et me rend compte qu'il a décidé de pas me lâcher, tandis que je me relève prestement, il vient à ma rencontre une nouvelle fois. J'suis prêt à en découdre, mais c'est un vraie anguille auquel j'ai à faire, et je me retrouve avec quelques lacérations sans doute que son objectif est de me vider tel un poisson.

          - Comment tu t'appelles ?! A qui j'ai à faire ?! Que j'fais alors qu'une sorte de trêve semble avoir été tacitement accepté par nous deux. Une voix rude, grave, mais haut perchée dans la gamme, m'reponds : Doo be chou, Do bee doo ! Qu'il fait, avant d'engager à nouveau une charge dans ma direction. Sauf que j'ai un nouveau plan.

          Je joins les mains et les dépose au sol avant d'annoncer la couleur : Technique démoniaque, zéro gravité. Au moins l'est pas surpris qu'en entrant dans mon champ d'action, son pied commence à se soulever, tandis que des pierres, des morceaux d'épée, de gens et d'habits, ne commence à monter vers le ciel en même temps que lui. Sa charge est annulée naturellement, par la gravité qui l'emporte inexorablement vers le haut.

          A part moi qui suit bien campé au sol, rien de ce qui est autours de moi ne peut lutter. Pas même un féroce Okama qui sait jongler aussi bien avec les scalpels, que les couleurs fashion.

          - Dommage pour toi, j'comptais pas vraiment m'en servir comme ça, pas tout d'suite, tandis que les hommes de l'équipage de Bonny se stoppe tout autours de nous, à la limite de toucher le cercle de gravité inversée que j'ai crée. Les mains toujours au sol, j'me relève en claquant l'une contre l'autre. Deux scalps sont envoyé rageusement vers moi avant de quitter définitivement ma portée, et même s'il essaye maintenant de "nager" vers le bords de ma technique, la distance et le temps pour y parvenir devrait suffire.

          Devrait suffire à le faire s'écraser comme une crêpe au sol.

          - Technique démoniaque, retour à la gravité classique. Que j'fais toujours, baissant les bras, tandis que tout commence à retomber vers le sol mû par un mouvement inexorable. La gravité, est comme le temps, elle nous impacte tous, elle ne laisse jamais indifférent, elle est impitoyablement juste. Comme moi. J'aime bien ce nouveau pouvoir que j'ai eu grâce au vieux Zaneb, même si ne plus pouvoir me baigner dans les mers va me manquer.

          Tout autours de moi, les hommes de Bonny, guider par Angelica, se rassemble pour défaire les dernières poches de résistance. Tuant et massacrant, sans jamais fatiguer. Des vrais hommes d'équipages, tannés, expérimentés, zélés aussi. Et la pire de tous, Anglica, était impitoyable envers ses ennemis. Elle regarde avec un air peu impressionné, retomber l'Okama sur le sol, le fracassant avec son dos, dans un pouf vachement dégeulasse, tandis qu'il crache une bile rougeâtre, et qu'il crie de douleur.

          Je me retourne vers la petite Angelica, et lui dit d'un air un peu taquin : Alors, heureuse ? C'est cadeau pour toi, tu peux l'interroger et lui faire tout les trucs de Cp que tu connais. Elle me regarde mais ne réponds pas tout de suite, avant de lancé un Tcheu. Plein de morgue et de mépris, avant de passer derrière moi pour aller à l'encontre de l'Okama, qui se relève malgré ses blessures autant interne qu'externe.

          Je me tends, mais finalement, il lève la tête vers nous, regarde l'état de la bataille, et lance un sifflement de consternation.

          - Je me rends, mais éloignez moi de ce fou furieux !
          Qu'il lance avec sa coiffure décrépit, décoiffée, ses vêtements sales et le sang sur ses pieds nus, qui est pas l'miens.

          J'rigole doucement, avant de voir passer une jolie jeune femme au cheveux bruns devant moi, les mains ligotées, elle m'regarde comme si j'pouvais la sauver. Et c'est le cas, j'm'approche de l'homme qui la conduit vers le navire, et lui indique de se retirer. La jeune femme m'intrigue, elle a quelque chose qui semble différent des chiens de Frost, les Sunset Pirate.

          - Continue d'avancer l'air de rien, j'm'occupe de toi, princesse. Que je lui fais alors qu'elle se tourne vers moi, j'lui fais un clin d'oeil. Du sang continue de couler, mais le principal de mes blessures commencent déjà à coaguler. J'ai un bandeau sur la tête, un ruban rouge, attaché par un nœud, le rouge, c'est pas pour qu'on voit les traces de sang.

          Toujours pas l'miens.

          J'suis torse nu, j'ai des balafres, mais mon sourire est honnête.

          - T'es qui enfaite, m'étonnerait que tu sois la pour l'fun.

            Il y a des choses qui changent et d’autre qui… Eh bien, sont immuables. Lorsque les hommes de Frost s’enfuyaient, le cœur de la jeune femme semblait décider à ne pas s’arrêter de battre à tout rompre. La plupart du temps, elle était excitée comme une puce, mais là, elle voulait éviter que le combat ne dégénère plus avec Airi. Elle la tenait de la pointe de sa lame et ne semblait pas décider à arrêter ce qu’elle avait commencé. Angellica s’interposa juste avant que la situation ne devienne intenable.

            Arya s’était toujours dit que si elle ne savait pas tout, elle savait l’amour sororal. Pourtant, Angellica les mit au fer sans un regard. Un masque de douleur s’abattit sur le visage d’Arya. Si elle n’avait pas été présente ces dernières années, elle avait eu ses raisons, mais voir sa sœur aussi froide avec elle, la traitant en ennemie… Ce fut un coup de massue. La jeune femme siffla d’un coup sec et la tête du loup dépassa d’entre deux hommes qui le regardaient avec méfiance. Il s’approcha et elle lui murmura « Reste avec Angel » l’animal tira la langue en s’approchant en trottinant de la femme qu’Arya ne reconnaissait plus. C’était ça ou le mettre aux fers, et ça, il ne le supporterait pas.

            - Je t’avais dit que tu nous porterais la guigne !

            Siffla Airi entre ses dents en laissant un homme la menotter, vaincue elle se contentait d’afficher un air de mépris qu’elle ne parviendrait sûrement pas à masquer. Et cette fois, Arya ne pouvait pas la contredire. Les mettre aux fers en fond de cale ? Maintenant que la situation était plus calme, elle put se poser les questions. Qu’était-il arrivé à sa sœur ? Qu’est-ce qui avait rendu son cœur si impénétrable ? On la tira doucement, visiblement l’humeur massacrante de son aînée n’avait échappé à personne et l’espèce de statut Quo se posait à présent. Parce qu’il semblait que ce ne soit pas dans ses habitudes de faire des prisonniers, surtout faibles, on la traitait avec méfiance. La jeune femme leva les yeux avec espoir. Elle restait sa sœur. Etait-ce si absurde d’espérer que la situation soit meilleure qu’elle n’y paraissait ?

            Parce que pour l’instant, tout ce qu’elle avait fait, c’était mener ses camarades dans un vilain traquenard. L’homme qu’elle avait pris plus tôt pour un boulet de démolition lui passa devant avec un sourire. Lui, il n’avait pas l’air de craindre de sa sœur. Il lui intima d’avancer presque gentiment en prenant la place de son gardien qui se retrouva à soupirer de soulagement.

            L’homme, qui était bien amoché l’air de rien, lui demanda qui elle était, et elle se demanda ce qu’elle pouvait dire pour s’éviter les foudres de sa grande sœur chérie. Par chance, ou par malchance un cri de douleur aigüe suivi d’un « AH LA CONNASSE » sonore, les tira de leur pseudo discussion. Arya reconnaissait assez facilement les frasques de sa canonnière préférée.

            - Mais BORDEL y va m’écouter l’matelot d’eau douce ?! PUISQUE J’TE DIS QU’ON EST AVEC VOUS !

            Elle beuglait et se débattait alors qu’on lui avait attaché avec difficulté les mains, et confisquer sa batte de métal. Visiblement, elle avait mordu, ou peut-être taper dans l’entrejambe… C’était toujours difficile de savoir où ses pensées la mèneraient, et un homme était presque accroupi en sifflant tandis qu’un autre la tenait du bout de la corde pour éviter de subir le même traitement.

            - Arya ! Putain mais dit LEUR !

            La jeune femme ne put s’empêcher de se figer, de regarder la scène. L’incrédulité dans les yeux des hommes qui la tenaient, et maintenant la sienne qui la fixait. Arya ne put s’empêcher d’éclater d’un rire sonore et peu gracieux. Il fallait dit que dans la marre de sang dans laquelle ils pataugeaient tous, et la tension qui l’habitait avant, Didi avait toujours quelques choses de rafraîchissant. La jeune femme en eut mal aux abdos de rire et sous le regard interloqué du boulet de démolition, elle se plia en deux, des larmes perlant aux coins de ses yeux amochés par sa sœur. Il lui fallut une bonne minute pour se calmer alors qu’il semblait une fois de plus que le temps s’était figé.

            « Je te présente Denver, ou Didi pour les intimes. C’est notre canonnière. La grande qui tire la gueule devant c’est Airi, mais tu peux l’appeler l’Amirale ça ne changera pas grand-chose vu que visiblement elle a un balai dans le cul. C’est notre seconde. Je t’aurai bien serré la main, mais là ce n’est pas trop possible. Je m’appelle Arya, je suis danseuse, musicienne… Comme bon te semble. Et toi, qui es-tu ? »

            La jeune femme lança un regard à Didi qui semblait perplexe.

            « Arrête de te débattre… Je n’ai aucune idée de ce qu’il se passe mais ma sœur sera toujours un meilleur choix que Frost… »

            La canonnière sembla peser le pour et le contre, et, la mine renfrogné acquiesça. De toute façon, elle avait déjà les menottes et se résigner était la seule chose à faire si elle ne voulait pas être plus blessée qu’elle ne l’était déjà. Et Arya avait bien peur de lui avoir menti puisque finalement, elle peinait à reconnaître sa sœur. L’homme la refit avancer doucement et ils montèrent sur le bateau en silence les uns après les autres alors que l’effervescence ambiante commençait à se faire sentir sur le bateau.

            Ouais, elle avait de plus en plus l’impression d’avoir dû faire un choix entre la peste et le choléra. Si les hommes avaient mis aux fers Eden et Lizzie aussi vite qu’elles étaient montées… Arya les avait envoyées dans un piège, et elle ne donnait pas cher de la survie d’Eden. Elle avait été blessée assez profondément pour se vider de son sang rapidement. Arya ne put s’empêcher de stresser un peu, mais afficha un sourire quand même. Parce qu’à ce niveau elle était assez pommée pour fondre en larmes sinon. Et c’était absurde, elle était ballotée contre sa volonté depuis maintenant deux ans, et finalement, retrouver sa sœur était la chose la plus normale qui lui était arrivée depuis. Et même ça…

            L’homme la regardait. C’était vrai qu’elle ne lui avait donné aucune information pour l’instant, et si elle ne pouvait pas compter sur sa sœur pour le moment… Elle avait une carte à jouer. Elle se figea, les pieds sur le bateau, elle se retourna vers lui et leva le menton.

            « C’est vrai que je ne me suis pas présentée correctement. Notre équipage s’appelle Les Louves, on n’a rien à voir avec Frost, pour être précise, Les Sunset pirate nous ont mis la main dessus alors qu’on naviguait tranquillement sur Grand Line. Aucune de nous n’avait envie d’être ici, ou n’a la moindre idée de ce qu’il se passe, ou encore de pourquoi on a dû se battre. Tout ce que je sais, c’est qu’Angelica est ma grande sœur et que si on a l’occasion de fuir Frost, on le fera. Les Sunset Pirate ne nous ont jamais demander notre avis. J’ai fait confiance à ma sœur et maintenant elle nous enferme. Je suis inquiète pour les camarades et tu es la seule personne qui, pour l’instant a eu l’air de comprendre qu’on n’était pas des ennemies, dès qu’on a pu, on vous a aider. »

            C’était aussi risquer que de cracher sur les chaussures de son aînée, mais elle n’avait pas trop le choix si elle voulait qu’on lui retire ces vilains liens des poignets. Didi et Airi avait déjà disparues de sa vue, elle était face à l’homme qu’elle aurait trouvé intimidant si elle n’avait pas passé ces derniers mois en compagnie d’une femme qui le faisait passer pour un adolescent.
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            Du côté d'Angelica

            Elle jeta un dernier regard sur le champ de bataille, tandis que les hommes poussaient le navire vers le large. L'appel reçu plus tôt mentionnait un point au nord : le campement de Falstaff, c'était devenu sa destination, sa priorité. Une journée entière s'était presque écoulée depuis le départ d'Eleanor ; le jour commençait à pointer le bout de son nez, le soleil diffusant ses rayons couleur corail sur la surface de l'immensité bleutée. Lucky siégeait à ses côtés, la langue pendue tandis qu'elle commandait :

            « - Tous à bord. Allez, allez, allez, allez ! »

            Les derniers hommes se pressaient sur les échelles avant elle, elle bouclait la marche avec le chien-loup dans ses bras, qu'elle libérait volontiers sur le pont pour le laisser explorer le navire. Un regard vers l'arrière lui permettait de constater une fois de plus le charnier sous ses yeux. De la soixantaine de forbans qui les avaient attaqués, une dizaine demeuraient prisonniers, parmi lesquels Arya et son équipage. Elle ne leur faisait pas confiance, naturellement, et tant que les deux sœurs ne se seraient pas expliquées, elle se montrerait sous son pire jour. Car c'était celui qu'elle s'était habituée à revêtir, Quartier-Maître, son rôle lui collant à la peau pour dissimuler ses cicatrices. Elle ne pleurerait pas non plus de joie ni de tristesse, car cela on le lui avait enlevé.

            « - Funeste, le compte des morts.

            - Six hommes ont péri : Erikson, Farstein, De l'Aven...

            - Préparez leurs dépouilles pour les lester en bonne et due forme une fois que nous serons en eaux profondes. Combien de blessés ?

            - Sœur Silence s'occupe de trois hommes blessés légèrement et de la prisonnière, cependant elle ne peut rien faire pour Doherty : un vilain trou au flanc le ronge à petit feu.

            - Merde. »

            Les pertes étaient minimes, en comparaison de celles de l'ennemi, mais elles étaient quand même. Angelica ne supportait pas de devoir enterrer ses propres hommes, elle se fustigeait, s'imputait la responsabilité de leur mort. Si elle avait mieux mené la charge. Si elle n'avait pas perdu son temps avec Arya et ses amies. Si...

            « - Il y a un autre problème, » minauda La Guigne qui venait de rejoindre son frère d'arme ou frère tout court, on ne savait jamais.

            Il était blanc comme un linge. Angel n'appréciait pas trop cela, elle avait un mauvais pressentiment.

            « - Parle.

            - C'est Sloan... Il a disparu. »

            Elle eut un vertige soudain, au point où elle dût se tenir au bastingage pour ne pas tomber. Sloan avait disparu ? Elle fit rapidement le lien toutefois : Rafaelo. Il était même probable que Judas ait pu être complice et le savoir depuis le début, mais elle ne pouvait se permettre de lui jeter ses doutes en plein visage comme cela.

            Sitôt remise de sa perte d'équilibre, elle descendit à la cale pour constater l'absence du prisonnier dans son compartiment.

            « - C'est pas vrai... Funeste, prends mon escargophone et préviens le capitaine. La Guigne, suis moi. »

            Elle ne savait pas comment Eleanor réagirait : mal, probablement. Karen, pire encore, mais ce que pouvait penser cette femme ne lui importait guère. Non, par contre la situation était bien merdique et, comble du comble, lorsque Angelica passa devant la cellule où se trouvaient les Louves, elle ne vit rien qui pouvait ressembler à Arya à l'intérieur.

            L'équipage de femme gisait, poings liés, dans un flegme absolu : tantôt elles étaient affalées contre la coque, tantôt allongées sur le sol. Il donnait l'impression de revivre un moment similaire de son existence. Angelica se fichait éperdument de leurs conditions de vie, elle bouillonnait de l'intérieur.

            « - Où est-elle ? »

            Personne ne répondit, naturellement. Elle cogna donc contre la grille, espérant réveiller un peu les condamnées.

            « - Où est Arya ? »

            Premier embryon de réponse : l'une d'entre elles, aux cheveux blonds, haussa les épaules, l'air défaitiste. Une autre se leva pour planter ses yeux dans ceux de l'ex-agent du CP9, l'air patibulaire.

            « - Pourquoi vous nous enfermez ?! On s'est battues pour vous sur le champ de bataille !

            - J'en ai rien à carrer ! Où. Est. Ma. Sœur ? »

            Les yeux d'Angelica pouvaient bien trahir ses émotions à ce moment précis, des pulsions de mort émanaient de tout son corps. La tête brûlée recula d'un pas.

            « - Elle est partie avec un gaillard. Costaud. Celui qui fait des choses étranges.

            - Judas. »

            Celui-là commençait à lui chauffer les oreilles. Toujours suivi de La Guigne, le Quartier-Maître quitta la cale en trombes pour rejoindre les quartiers d'équipage où se trouvait le hamac du mastodonte. Elle trouva ce-dernier à discuter tout naturellement avec sa sœur, libre de tous mouvements.

            « - Je peux savoir ce que vous foutez ? Judas ? » grinça-t-elle à bout de rage tout en saisissant le poignet de sa sœurette et en la tirant vers elle ; son regard était planté dans celui du Lion de North. « Les prisonniers ne sont pas censés pouvoir se balader librement. Je croyais que mes ordres avaient été très clairs. »

            Discuter ordres avec cet énergumène était peine perdue, elle le savait, d'autant qu'ils ne pouvaient pas s'encadrer. Toutefois si Eleanor se reposait sur elle pour commander en son absence, ce n'était pas sans raison et cela il devait le respecter. La discipline... Elle voulait que jusqu'à ce que le capitaine tranche, Arya soit considérée comme un ennemi, qu'importe leurs liens familiaux. La jeune femme n'entendait pas se laisser faire et dégagea son poignet de la prise de la borgne avant de se renfoncer dans l'ombre, loin d'elle. Elle avait peur, peur de celle qu'elle ne parvenait pas à reconnaître et si l'ancienne Angelica se voyait, elle réagirait probablement pareil.

            Cette pensée lui fit d'ailleurs un choc, mais elle ne laissa pratiquement rien paraître.

            « - Écoute, je fais ça pour ta sécurité et pour préserver le calme à bord. Le code est très strict, on ne peut pas se permettre d'y déroger comme cela. Cela pourrait donner de mauvaises idées. Tous les pirates à bord ne sont pas des enfants de chœur, ils se tiennent à carreau car les règles le leur imposent. »

            Le regard de Judas sous-entendait qu'il ne laisserait pas ce genre de choses arriver, mais elle ne lui faisait pas confiance. Elle ne lui confierait même pas sa propre vie, alors celle d'un membre de sa famille... Cependant, elle avait retrouvé son calme et voyait bien qu'elle ne parviendrait pas au résultat escompté, ces deux là avaient trop de caractère pour se plier aux lois.

            « - Bon... ça tombe bien que vous soyez là tous les deux car j'avais à vous parler, mais pas ici. Retrouvez-moi dans la cabine du capitaine dans cinq minutes. »

            Il leur faudrait probablement une demi-heure pour atteindre leur destination. Cela devrait suffire au Quartier-Maître pour faire le point sur la disparition de l'administrateur du CP9 avec Judas et comprendre comment sa benjamine avait fait pour se retrouver ici alors qu'il y a à peine un an, elles se croisaient sur Suna Land.

            Du côté d'Eleanor

            Le commandant tenait bon malgré nos multiples assauts. L'inconnue venue m'appuyer avait essuyé un vilain coup au visage mais luttait bon gré mal gré, faisant des merveilles avec mon poignard. Pour une raison pour pour une autre, Falstaff ne pouvait pas la tuer, il limitait sa puissance face à elle, essayait simplement de l'assommer, l'écarter du combat. Je n'avais aucune idée d'où elle sortait, ni elle, ni le nain, mais je savais que les deux étaient de mèche ; le petit bonhomme gisait à présent sur la plage, profondément endormi. Tous deux avaient essayé de m'aider au lieu de simplement lutter pour s'enfuir, j'en étais reconnaissante. Mais pour la suite...

            « - Tu arrives à peine à tenir debout. Écarte-toi et laisse moi faire.

            - Non ! Je peux me battre ! »

            Décidément. Je ne savais pas si la jeune femme aux longues oreilles était folle ou inconsciente. Je dus donc me salir les mains pour l'empêcher de finir dans un sale état, profitant de sa présence à mes côtés pour lui enfoncer mon poing dans le ventre et l'envoyer au pays des rêves. Falstaff regardait sans mot dire ; il avait recouvré des forces simplement en ayant les pieds dans l'eau et ses attaques aquatiques étaient dévastatrices. J'aurais dû rester vigilante, mais j'avais laissé une ouverture qui lui avait permis de me rejoindre sur la berge...

            « - Voilà que tu mutiles... tes propres alliés à présent... » haleta-t-il tout de même, un sombre sourire gravé sur le visage.

            Je ne pris pas la peine de répondre, profitant du temps qu'il me laissait pour allonger la prisonnière contre la base du mangrove le plus proche. Le jour se levait, mon équipage ne tarderait probablement pas à débarquer, il fallait en finir rapidement, quand bien même je les savais capable de s'ouvrir une voie royale dans la bataille qui ravageait le camp. Celle-ci s'était d'ailleurs calmée, nombre de prisonniers avaient été maîtrisés, beaucoup de pirates du côté de Frost étaient morts. Il restait toutefois d'irréductibles combattants qui continuaient à lutter, parmi lesquels un homme pouvant maîtriser ce qui semblait être du sable ; je ne me faisais pas de mourrons, il était du côté de Karen visiblement.

            Le fil de mes pensées s'arrêta net lorsqu'une colonne d'eau fonça dans ma direction. Falstaff était plus difficile à atteindre maintenant qu'il pouvait utiliser des techniques aussi efficaces contre un utilisateur de fruit du démon, toutefois ses assauts faisaient rarement mouche. Plus d'une fois, il avait essayé de m'amener là où il voulait que je sois et systématiquement j'avais vu clair dans son jeu. J'étais bien partie pour ne pas marcher une troisième fois lorsqu'il tenta de m'emprisonner dans une bulle aqueuse que je fus contrainte de balayer avec une onde de choc. Mais l'arbre cachait la forêt et un courant tentaculaire attendait le moment propice pour s'écraser sur moi depuis les hauteurs des mangroves. Le coup m'envoya valser sur moi-même et finir à demi-immergée dans l'eau, légèrement groggy. Mes forces me quittaient à petit feu. Je ne perdis pas de temps et roulai sur moi-même, évitant un pic d'eau sous pression avec lequel l'officier du Fléau chercha à me transpercer.

            D'un jeu de jambes, je me remis debout en martelant brutalement la terre, en réponse à l'inquisition de l'adversaire bien trop occuper à modeler l'eau environnante ; il avait oublié la base : tout ce qui se trouve sur le sol est à ma portée. Déstabilisé par la première secousse, il n'eut pas le temps de réagir tandis que je levais mon poing derrière moi, prête à frapper le sable.

            « - Réséda ! »

            Sous la violence de l'impact, les grains de roche s'écartèrent soudainement, dévoilant une terre rocailleuse qui s'ouvrit en un gouffre profond. En l'espace de quelques secondes, une faille cisailla la plage et menaça d'engloutir l'ennemi qui se jeta aussitôt sur le côté en me laissant une belle ouverture. Malheureusement pour lui, tout était prévu et je me tenais déjà sur place, prête à abattre mon pied sur ses côtes et à le garder rivé au sol.

            « - Tente quoi que ce soit et je te brise en deux, » déclarai-je posément, jouant de mon talon sur son thorax pour appuyer ma menace.

            Il cessa de gigoter aussitôt, levant ses palmes vers moi. Je le saisis aussitôt par le col et le soulevai comme une poupée de chiffon pour le ramener vers le camp, loin de son élément naturel. Il était plus que temps de rétablir le calme, aussi ceux qui n'avaient pas déjà remarqué la présence de leur chef suspendu à mon bras durent faire l'objet d'un rappel à l'ordre.

            « - Dis à tes hommes de cesser de se battre. Dis leur que vous avez perdu et que ce camp est désormais sous la juridiction de l'Exsangue.

            - Je...

            - Dis-le ou je te brise la nuque et je m'occupe moi-même de faire le ménage ensuite. »

            Ma patience avait des limites. J'avais déjà suffisamment l'impression d'avoir perdu mon temps avec un simple subalterne, je n'attendais qu'une chose c'était de pouvoir me frotter au Fléau lui-même. Je raffermis ma prise, indiquant à Falstaff que c'était maintenant ou jamais, il s'étrangla :

            « - Glrgl... Cessez... Cessez tout ! Arrêtez de vous battre, c'est un ordre ! Déposez vos armes ! J'ai dit : déposez vos armes ! »

            Il fallut un certain temps pour que l'annonce fasse son petit effet, toutefois la plupart des escarmouches prirent fin instantanément et après une bonne minute, les armes tombèrent. Le bouche à oreille finit enfin par atteindre ceux qui luttaient à d'autres endroit du camp, notamment à la porte pour empêcher les prisonniers de s'enfuir.

            Je souriais. Ceux qui étaient loyaux à ma cause ne tardèrent pas à se ranger à mes côtés, derrière Dax et Karen. Le marchand de sable était là, lui aussi. Ma première action fut de mettre de l'ordre dans le camp et écrouer les pirates de Frost en les jetant dans leurs propres cellules. Seul Falstaff avait besoin de rester à mes côtés, ligoté comme un saucisson. J'avisai par la suite quelques médecins parmi les survivants, peu importe leur camp, et les missionnais pour soigner les blessés, demandant à ce que la longues-oreilles et le nain soient traités en priorité. Je voulais pouvoir m'entretenir avec eux rapidement, même s'il y avait définitivement plus urgent.

            Entre temps, un appel passé par Funeste sur l'escargophone d'Angelica m'informa que l'Impératrice était en route. Et d'autre chose, quelque chose de très désagréable. Mon sang n'avait failli faire qu'un tour, mais je m'étais contenue ; la piste de ma seconde était la même que celle que j'avais en tête. Peut-être n'avait-il attendu que cela : la bonne occasion de se barrer avec notre prisonnier. Il avait définitivement réussi à bien nous entourlouper ce révolutionnaire, je crissais des dents à l'appareil, marchant à travers le camp comme un diablesse enragée.

            « - Selon La Guigne, Angelica compte s'entretenir avec Judas et l'une des prisonnières. Elle va aborder le sujet.

            - Elle a bien raison. Judas connaît bien Rafaelo, lui seul peut savoir ce qu'il a derrière la tête. Il est impératif de retrouver Sloan, c'est notre seule monnaie d'échange avec Frost. Sans lui, tout mon plan tombe à l'eau.

            - Bien compris, je transmets. »

            L'île était en quelques sorte sous blocus ; l'Atout ne pourrait pas aller bien loin, d'autant plus qu'il nous avait suivi car ses compétences de navigation étaient inexistantes. Maintenant que j'étais retapée, j'étais en mesure de lui rendre la monnaie de sa pièce. Je m'isolai un temps pour me calmer et ne pas m'offrir en spectacles aux prisonniers, avisant un mangrove en bordure du camp sur lequel je me défoulai. Trois minutes passèrent, trois minutes durant lesquelles je réduisis le tronc de l'arbre parfaitement sain en copeaux, avant que je ne retrouve mon calme et ne décide de retourner parmi mes semblables pour ne pas véhiculer de mauvaises rumeurs. Ma colère grondait encore mais je pouvais la dissimuler plus facilement... il ne fallait juste pas trop m'énerver.

            Depuis la fin des combats, Karen avait préféré faire bande à part, utilisant l'excuse qu'il fallait bien que quelqu'un guette l'arrivée de l'équipage depuis la plage. Je savais que le problème était plus profond : sa loyauté était mise à rude épreuve, quand bien même elle s'était battue pour moi. J'eus des nouvelles d'elle une dizaine de minutes après mon retour, alors que je me vidais l'esprit en faisant l'inventaire de notre prise, au centre du camp. En fouillant la planque de l'homme-poisson, Dax avait mis la main sur un sacré magot et me l'avait ramené, espérant me convaincre de le rendre aux autorités de l'île. La pirate l'avait coupé dans son argumentaire :

            « - J'ai vu des voiles à l'horizon. C'est l'Impératrice.

            - Très bien, dis aux autres de dégager les docks. Ils vont pouvoir nous aider à remettre de l'ordre ici. »

            Voyant que mon visage n'arborait aucune expression, comme volontairement abscons, la cornue réprima un grognement avant de s'éclipser ; sans même la voir, on pouvait pratiquement l'entendre gueuler des ordres à un kilomètre à la ronde. Dax souhaitait revenir sur le sujet du butin, je lui fis rapidement comprendre qu'il était clos et qu'il valait mieux ne pas trop discutailler. Après une longue hésitation, je décidai d'enquêter un peu plus sur certains prisonniers, à commencer par celui qui avait fait des tours de passe-passe avec le sable et semblait particulièrement occupé à se nettoyer les ongles avec un couteau, près d'un des feux de camp.

            « - Veille sur Falstaff et le trésor, assure-toi que personne ne s'en approche en mon absence. J'ai des affairesa à réglerr. »

            N’attendant pas une réponse à ce qui était un ordre plus qu'une proposition, je traversai aussitôt le campement pour trouver le solide gaillard. Il montrait suffisamment d'assurance pour refuser de prêter main forte au nettoyage, c'est que les hommes ici ne devaient pas l'impressionner, pas même moi. De toute manière, nul besoin de tourner autour du pot, je venais surtout le voir pour une raison :

            « - J'ai vu que tu utilisais des pouvoirs lors de te combats. J'ose pouvoir affirmer, sans me tromper, que tu as mangé un fruit du démon ? »


            Spoiler:


            Dernière édition par Eleanor Bonny le Jeu 12 Aoû 2021 - 17:04, édité 1 fois
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            Pas question d’interférer dans le duel des deux monstres, le jeune rookie de South Blue, les pieds dans un mélange infâme de boue et d’hémoglobine scruta le champ de bataille à la recherche d’adversaires. Quel bordel, les émeutiers avaient clairement pris l’ascendant sur les pauvres gardiens submergés de tous côtés. L’objectif était désormais d’éliminer les dernières menaces potentielles pendant que celle que l’on surnommait "L’Exangue" faisait mumuse avec le patron de ce camp. Nul doute que la révolte avait remporté cette manche, nul doute que le jeune pirate allait pouvoir partir à la recherche de ses compagnons.
            Un peu plus loin, un petit groupe de matons s’était rassemblé et progressait dans leur direction, armes à la main. Azerios brandit alors un sabre d’abordage rouillé en leur direction et s’adressa aux quelques prisonniers présents à ses côtés.


            On dirait que ces bouseux veulent un match retour. Allé du nerf ! Vous voulez vous tirer d’ici ? Alors revendiquez votre liberté ! Continuez le combat ! Éliminez les jusqu’au dernier !


            Poussés par un regain d’assurance et menés par le charpentier, le groupuscule de prisonniers se rua sur l’un des groupes de gardiens du camp alors aux prises avec la cornue. Un combat sanglant s’engagea, dans le feu de l’action, la jeune femme manqua même de toucher Azerios à la tête. Une attaque dévastatrice le frôla, attaque qu’il n’aurait aimé pour rien au monde encaisser. Elle se figea, hésitante, n’ayant pas encore réellement imbriqué que le rookie était là pour lui prêter main forte.


            Hé là tout doux… Je suis avec vous…


            Le duo lutta bec et ongles face à une résistance désorganisée mais acharnée. Éliminant les derniers adversaires encore debout, le jeune homme aperçu non loin deux gardiens en train d’armer un canon. Ces derniers le pointèrent alors tant bien que mal en direction de celle qu’on appelait l’Exangue. Sans réfléchir, il entreprit alors de les stopper avant qu’ils ne tirent, même si il faudrait sans doute bien plus qu’un simple tir de canon pour en venir à bout. Générant une quantité non négligeable de sable, il le fit tournoyer encore et encore pour former un tourbillon au creux de sa main. Ce dernier prenant une ampleur certaine, il le lança alors en direction du canon. Le vortex sablonneux emporta les quelques gardiens ainsi que le canon, projetant le tout avec fracas sur l’un des baraquements non loin.

            Il en arrivait d’autres, le duo de pirate échangea un regard puis se prépara à poursuivre le combat quand une forte secousse les stoppa. Les gardiens se stoppèrent, l’air horrifié, tournant le regard dans la direction de l’Exangue, Azerios put apercevoir l’étendue de ses pouvoirs. Une faille fendit le sol et en un claquement de doigt la pirate aux cheveux cendrés prit l’ascendant sur son adversaire. Monstrueux, c’était le seul mot qui lui venait en tête, il avait choisi son camp judicieusement. L’homme poisson fut contraint de coopérer, sous la menace, il ordonna à ses hommes de déposer les armes et de stopper les combats et tous s’exécutèrent peu à peu. L’Exangue avait définitivement remporté cette bataille.

            La cornue se dirigea alors vers son capitaine, suivi par le jeune rookie qui souhaitait afficher son soutien à leur groupe, sans ambiguïté aucune. La première étape fut d’enfermer les gardiens encore en vie dans les différents enclos à prisonniers et de faire en sorte que les blessés reçoivent l’assistance nécessaire. Si Azerios aida avec grand plaisir à la première étape, il se mit à l’écart pour la seconde, n’ayant que peu de connaissances dans le domaine médical. La cornue, pensive lui jeta un regard et hocha la tête avant de partir s’isoler.


            Ouais ça a été un réel plaisir pour moi aussi…


            Ramassant un couteau, il se mit à l’écart, s’asseyant sur une souche et entrepris d’enlever méticuleusement la boue qui s’était agglutiné sous ses ongles, une bonne douche ne serait pas du luxe. La cornue beugla qu’un navire était en vue avant de disparaître de son champ de vision, l’Exangue ordonna quelque chose d’inaudible à l’un de ses hommes avant de rejoindre le rookie pour l’interroger par rapport à ses capacités.


            C’est exact, j’ai bien mangé un de ces maudits fruits… C’est d’ailleurs en grande partie pour ça que j’ai atterrit ici.


            Ne laissant rien paraître, le jeune homme restait très impressionné voire même effrayé par une telle créature. Le niveau de puissance de cette femme n’avait clairement rien à voir avec tout ce qu’il avait pu voir jusqu’à présent. Se ranger dans son camp était sans nul doute la meilleure chose à faire, d’autant qu’il restait encore une inconnue dans l’équation : où pouvaient bien se trouver ses compagnons ? Afin de mettre toutes les chances de son côté, il se devait de rester avec eux et décida donc de jouer carte sur table.


            Mes compagnons aussi ont été emmenés ici. Tant que je ne les aurais pas retrouvé, mes… Compétences… Sont à ton entière disposition.
              J'ai toujours aimé les artistes, ceux qui ont un talent que j'n'ai pas. Faire de la musique avec des cordes, ou bien reproduire une image avec des pinceaux, j'ai jamais pu. Moi, mon art, c'est la castagne. Ma matière première, c'est les hommes, leur squelettes, leur sang, leur ligaments ou bien leur volonté, que je brise pour en changer la nature, la substance. Chaque être à son alchimie, à moi d'trouver le bon angle pour en changer la formule. Plus une logique de mathématiques que de créatif, vous m'direz, mais j'sais pas comment l'expliquer.

              - Judas, t'peux m'appeler Judas, viens avec moi, on va pas te laisser pourrir en cellule, princesse. Que j'lui fais avec un clin d'oeil.

              Je la conduit tranquillement vers ma couchette, qui se situe dans un coin isolé du navire, un coin pas loin des cuisines et d'mon pote Zaneb. Mine de rien, depuis sa tourte spéciale, j'ai gagné un pouvoir remarquable et effrayant. J'contrôle la gravité. j'peux même voler, comme un oiseau. Si on m'avait dit un jour que je serai un être quasi céleste, capable de combattre les plus féroces combattant du Nouveau Monde... Mouai, j'crois que je l'aurais cru.

              On a peine le temps d'faire connaissance ; J'lui parle de moi. De ma fille que j'aime plus que tout, de ma femme restée sur l'archipel des éveillées. J'aime bien sa compagnie, c'est une chouette fille. Elle est pas très habile, sa capacité à se battre est pas élevées, mais j'crois bien qu'à notre contact on peut en faire quelque chose, ou plutôt quelqu'un.

              Voilà qu'elle débarque, l'emmerdeuse. La sœur de la princesse. Toujours là pour rabattre la joie, même quand on lui a rien demander. J'suis diplomate, moi, j'la regarde avec l'air du bourrin qui comprend pas, et j'lui sors mon plus beau sourire : On te suit, on te suit. J'invite la petite brune à nous suivre, et on remonte tout le navire direction la cabine du capitaine.

              Tout les regards sont sur nous, encore une fois, j'sais me faire remarquer tu m'diras. J'avance la tête haute sous les projecteurs et manque plus que le tapis rouge pour que je m'sente l'âme du star, pardi.

              On entre dans la cabine d'Eleanor Bonny, qui a pas changé d'un pouce depuis la dernière fois. Les cartes sont au même endroit, le sextant savamment posé sur le bureau, la plume pour écrire encore dans l'encrier, le bureau en bois noble toujours à la même place. La couchette est le seul élément qui prouve qu'il y'a eut de la vie dans cette cabine, bien que le sommeil ainsi récolté, n'est pas été vraiment récupérateur, mais agité.

              - Alors pour commencer, évite moi le couplet sur la trahison, les prisonniers, et le règlement. J'suis ptet un homme de Bonny, mais j'ai mes limites, notre contrat tacite c'est que je fais comme bon me semble, tant que ça va dans la bonne direction ... Que j'fais en préambule à Angelica. Elle me regarde l'air outrée, étonnée, ou que sais je, suis pas un expert en expression faciale. Je continue en profitant de la brêche pour asséner ... J'suis un grand gaillard, j'sais assumer mes erreurs quand on me les montre, ou que j'm'en aperçois. Ceci étant dis, il y'a une chose dont j'ai oublié de te parler ... Un navire, des sunset, qui mouillait au large et qui remontait la côte en direction du centre de Mangrove Works ... Là, c'est l'apothéose, elle fait les gros yeux, elle veut me gronder, se ravise puis dis d'une voix à moitié blasé, et complétement dénuée d'émotions ...

              - Va prévenir le capitaine, je gère le reste. Qu'elle fait en se tenant l'arrête du nez entre son pouce et son index, secouant de  droite à gauche sa tête bien faite. Maintenant que j'y regarde à deux fois, la ressemblance entre les deux soeurs est aussi frappante que les différences qui les animent.

              Je file de la cabine, bien content d'avoir esquivé un savon, faisant un petit coucou d'au revoir à la frangine, que j'sais entre de bonnes mains. Maintenant qu'elle sait qu'on est copains, peut être qu'angelica va y réfléchir à plusieurs fois avant de l'enfermer. J'pourrai m'énerver, qui sait.

              D'un bond, j'saute du navire et réattérit sur la terre ferme en sautillant. J'fais un nouveau bond, et me déplace comme ça, par dessus les arbres gigantesques de la mangrove, comme un esprit de la forêt errant et hantant ses bois. D'aucun ne sortirait se soir, par peur de tomber sur le vilain esprit guerrier de la mangrove. Pas les plus prudents, ni les plus couards en tout les cas.

              Le campement se dessine devant moi... J'atterris en dérapant devant ses fondations en bois.

              - BONNY ! Que j'crie par dessus les petits tranchées, et les palissades en bois des robins. J'ai comme une impression de déjà vu. BONNY, VIENS M'OUVRIR ! Que je m'époumone de l'autre côté des piques de bois en rang d'ognons.
                Le soulagement laissa assez rapidement place à la peur sur le visage de la jeune femme. Elle avait l’impression de passer sa vie à osciller entre ces deux expressions. Judas, c’était un bon gars, il avait une femme, une fille, et puis il était sacrément sympa. En plus de ça, il n’avait pas peur d’Angellica, et Arya devait bien le reconnaître, elle ne pouvait pas en dire autant.

                Elle débarqua, furibonde, elle semblait bien plus en colère contre l’homme que contre sa sœur, mais ne se gêna pas pour l’empoigner. Il fallut quelques instants à la danseuse pour se remettre les idées en place et se dégager en lui lançant un regard froid. Elle aussi, elle pouvait jouer à ce petit jeu. Sa sœur n’avait pas le monopole de la colère, ni même de l’étonnement.

                Angel sembla se renfrogner, et les inviter à rejoindre la cabine de la capitaine. Ce qui sembla être une drôle de formulation à Arya, jusqu’alors persuadée que sa sœur faisait loi sur ce rafiot. Il ne fallut pas longtemps pour que la benjamine découvre la jolie cabine. Elle n’eut pas vraiment loisir d’en faire le tour, Judas trouva rapidement un moyen de s’extirper de ce règlement de comptes entre sœurs. Le bateau s’était arrêté et il alla informer la capitaine de quelques choses. La jeune femme se retrouva pour la première fois en tête à tête avec sa sœur.

                - Il me semble que tu as des choses à me dire.

                La jeune femme roula des yeux dans ses orbites. S’il y avait une chose qui n’avait pas changé, c’était le côté autoritaire de sa grande sœur chérie.

                « Si tu me permets… » Elle s’installa sur une chaise et croisa les jambes, le dos droit, ne sachant pas trop par où commencer pour justifier de tout ce qui avait pu se passer. « Je t’en prie, ne m’interromps pas, j’ai beaucoup de choses à dire dans un minimum de temps. »

                Vérifiant que sa sœur approuvait, elle soupira et commença son récit, sans émotion.

                « Lorsque je suis partie de chez papa et maman, je n’avais réfléchis à rien, j’ai pris quelques affaires, un couteau et de l’argent économisé pendant plusieurs mois. J’étais naïve, une petite idiote. Mon voyage n’a jamais vraiment commencé. Le premier bateau que j’ai emprunté semblait être un bateau marchand, mais faisait du trafic d’esclaves. On m’a vendu avec Lucky, à un homme sur Rokade. J’ai travaillé pendant plusieurs mois dans une maison de plaisirs qui appartenait à mon maître, Lucky… Ils l’ont utilisé comme chien de combat, pour gagner de l’argent, ou s’amuser, je n’en sais rien et je m’en fiche. J’ai réussi à m’enfuir en tuant un homme qui m’avait acheté pour quelques heures. Je me suis cachée dans un tonneau de farine qui partait de l’île. Je n’ai pas pu récupérer Lucky. Quand on s’est croisé sur Suna Land… Je me préparais à retourner le chercher. Quand tu as commencé à m’interroger, j’ai paniqué. Je m’excuse d’être partie comme je l’ai fait, mais ni toi, ni les parents n’auraient accepté de m’aider à retourner le chercher. Alors j’y suis retournée, et je l’ai récupéré, seule. »

                Le regard fixe dans celui de sa sœur, elle soupira.

                « Ça ne s’est pas très bien passé, on s’est enfui sur un radeau de fortune et on a dérivé pendant… Je ne sais pas exactement, plusieurs jours ? Ce sont les louves qui nous ont repêchées. Elles nous ont remis sur pied, nous ont nourris, m’ont appris à me battre, et à soigner les blessures visibles et invisibles. Ce sont des femmes bien. Eden, elle ne cherche que la liberté. Elle a créé cet équipage pour ça. Mais alors qu’on naviguait sur Grand Line, ce sont les Sunsets Pirates qui nous sont tombés dessus. On a eu le choix entre la vie sous les ordres de Frost et la mort. Mais aucune d’entre nous n’a jamais voulu rester avec ces enfoirés. J’ai voulu rentrer, mais comment expliquer tout ça à notre famille ? »

                Pas une larme pas un sursaut. Les sœurs se toisent, Angel soupire et secoue la tête. Elle avait changé, mais une chose, elle, n’avait pas bougé, sa famille restait importante pour elle. Arya avait du mal à savoir si son récit émouvait son aînée, elle semblait si stoïque qu’il était difficile de savoir ce qu’elle pensait de tout ça. Elle lâcha quand même un petit rire.

                - Tu as raison sur un point, les parents t’auraient enfermée dans une jolie cage dorée.

                Arya l’observa, un soupir de soulagement la traversa, c’était comme ça, elles étaient sœurs, et sa sœur était droite dans ses bottes, mais elle était de son sang. Une question lui taraudait l’esprit.

                « J’aimerai quand même savoir comment j’ai pu retrouver ma sœur, agent du Cipher Pol dans un équipage pirate. »

                Angelica lui lança un regard à la fois froid et douloureux, un exploit en soit. Arya n’aurait pas de réponse maintenant, elle le sentait, elle le savait.

                - C’est une très longue histoire. Si tu veux sortir tes camarades de prison, ce n’est pas moi qu’il va falloir convaincre. Je me rends garante de toi, mais pas des autres. Je ne les connais pas. Allons-y.

                Evidemment. S’il y avait quelques choses qu’Angel savait faire, c’était garder des secrets et éluder réponses et questions. Avec le temps Arya avait réussi à distinguer ce qu’elle lui dissimulait par nécessité de ce qu’elle évitait pour elle-même. En l’occurrence, elle avait l’intuition qu’il retournait des deux dans cette situation.

                Alors, la jeune femme la suivit et une fois sur le pont, siffla d’un coup sec. Des hommes s’écartèrent alors que Lucky apparaissait. Ce n’était pas qu’ils avaient peur, plutôt qu’ils n’avaient pas l’habitude de voir une bête comme ça sur leur bateau se disait la jeune femme. L’animal était gros, et couvert de vilaines cicatrices. Angel l’observa et aida l’animal à descendre tandis qu’Arya se débrouillait par elle-même. Le camp. Elle le connaissait. Les porte étaient ouvertes. Elle y était venue auparavant. Ça n’avait jamais été une situation agréable. Elle n’aimait pas voir des gens enfermés, parce qu’elle savait ce que c’était. Mais une odeur de fer désagréable lui monta au nez. Ses sens afutés lui portaient l’odeur de mort, de sang, de bile… Je vous laisserai imaginer les détails sordides qu’un nez animal peut sentir en pareilles situation.

                Le lieu était pauvrement éclairé, mais il n’en fallait pas plus pour permettre à ses yeux de distingué ce qu’elle aurait préféré ne pas voir. Un haut le cœur lui monta dans la poitrine. Elle n’était toujours pas habituée à pareils massacres. Et quelques gémissements continuaient à pleuvoir de ci, de là. Pour ne pas se concentrer sur la mort, elle scrutait les visages fatigués et heureux des vivants. Des prisonniers, quasiment que ça, désormais libres. Elle passa devant un homme qu’elle avait vu immergé jusqu’aux hanches pour une raison obscure, et qui avait subi des traitements peu ragoûtants de la part de ses geôliers. Arya lui fit un petit signe de tête et un sourire en coin. Elle était contente qu’il soit sorti de la marre immonde, mais avait oublié que la dernière fois qu’ils s’étaient aperçu, elle était de l’autre côté des barreaux. Alors elle continua à suivre sa sœur alors que Lucky reniflait le sol, enfonçant ses pattes dans la marre boueuse. Les odeurs lui rappelaient un peu Rokade, en plus marécageux, et Lucky devait avoir la même impression puisqu’il retroussait un peu les babines à mesure qu’ils s’enfonçaient dans ce marasme. Elle le siffla pour qu’il reste à son côté alors qu’ils s’approchaient d’une femme à la chevelure claire. Son cœur rata un battement en la voyant.

                Eléanor Bonny. La traîtresse. Évidemment. C’était si limpide. Elle avait été stupide de se demander comment sa sœur avait fini ici. Annabella Sweetsong, l’ancienne Chef du Cipher Pol. Arya avait toujours mis un point d’honneur à se renseigner sur ce qu’il se passait dans les milieux qu’occupaient sa famille. Mais pour une raison obscure, elle n’avait jamais jusque là fait le lien entre sa sœur et la chef du Cipher Pol. Quoique ça n’avait rien d’étonnant, sa sœur avait toujours maintenu une forme de discrétion sur son métier. Il n’y avait pas meilleure explication à la trahison de sa sœur au Gouvernement Mondial que la loyauté qu’elle avait envers un être cher. Elle était froide, mais incroyablement fidèle.

                Judas semblait parler avec elle, assez naturellement elle devait dire, ce qui la rassura un peu. Judas était quelqu’un de bien.

                Arya s’était figée, ses pieds refusaient d’avancer. Evidemment qu’elle la reconnaissait. Elle était partout sur les avis de recherches, et avait une coquette somme au cul. Un monstre en remplaçait toujours un autre, pas vrai ?

                Alors elle s’approcha, détendant ses membres comme elle avait appris à le faire pour avoir l’air moins stressée qu’elle ne l’était réellement.
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                Les évènements s'enchaînaient à une vitesse folle, contrariant mes plans ainsi que ma tranquillité d'esprit. La terreur née de la disparition de Sloan s'était effacée lorsque Judas s'était présenté aux portes du camp, à l'Est du camp. Il s'époumonait en hurlant mon nom, difficile de faire plus... lui. Toutefois ce n'était pas commun : n'était-il pas avec le reste de l'équipage ?

                Une poignée d'hommes me suivaient, je leur indiquai d'ouvrir les portes, dévoilant la silhouette de l'athlète.

                « - Judas ? Parle : qu'y-a-t-il ? »

                L'homme débarqua en trombes, son regard semblait chercher des yeux un élément sur le littoral, à l'opposé de notre position. Il ne trouva rien, souffla. Une mauvaise nouvelle ne venait jamais seule.

                « - Un navire de Frost. Il remonte la côte ouest.

                - Depuis quand ?

                - Ce midi... ?

                - Et tu n'as prévenu personne ?

                - Pas pensé. »

                Si je pouvais foudroyer des yeux l'énergumène à ce moment précis, je l'aurais fait. Les variables s'additionnaient ; nous n'étions pas préparés, les hommes étaient fatigués et l'Impératrice venait seulement de poindre à l'horizon.

                « - Trouve Karen, répète-lui ce que tu viens de me dire, elle saura quoi faire. Et dis lui aussi de regrouper tous les hommes qu'elle croise et me rejoindre au niveau des docks. »

                Il devait être aussi éreinté que n'importe qui, mais le repos était un luxe qui ne s'accordait qu'aux morts. Quelques plaies encore vives, peu profondes mais nombreuses, maculaient son torse. Il s'était, de toute évidence, battu contre un gros poisson et ce pour ma cause ; je ne pouvais pas être trop dure avec lui.

                Parallèlement, un médecin vint me trouver : la jeune femme avec qui j'avais combattu Falstaff était sortie de son coma. À en juger par l'œil au beurre noir naissant du messager, elle n'avait pas l'air d'accord avec la façon dont on l'avait traitée. Malheureusement, je ne pouvais pas être partout à la fois, il me fallut donc compter sur l'aide de Dax, que je retrouvais en train d’alimenter le feu au centre du camp, pour servir d'intermédiaire.,En même temps, je le renseignais sur l'hypothèse d'une seconde attaque, ce qu'il prit comme une évidence.

                « - Je m'occupe de la prisonnière, faites ce que vous avez à faire, » dit-il avant de détaler en hâte en direction de ce qui s'apparentait à l'infirmerie mais qui ne semblait être qu'une cabane dans un arbre comme toutes les autres.

                J'avais encore du mal à me repérer dans le camp, toutefois il n'était pas difficile de retrouver le chemin de la plage. Le navire s'était rapproché et ne tarderait sûrement pas à jeter l'ancre ; des premiers canots avaient déjà été mis à l'eau pour transporter les passagers les plus importants. Je percevais évidemment la présence d'Angelica, mais pas que... Il y avait aussi de nouvelles têtes.

                Quelques minutes plus tard, Karen me retrouvait avec tous les hommes. Velen était là aussi, parvenant difficilement à contenir la longues-oreilles qui se jeta devant moi.

                « - Vous... Vous m'avez frappée !

                - Pour te sauver la vie. »

                Ses yeux irradiaient de colère, mais mon expression la convainquit de ne pas pousser le bouchon trop loin. Ce n'était ni le moment, ni l'endroit. J'avisais Judas et la cornue, en attendant l'arrivée de mon Quartier-Maître, et essayais de grappiller des informations auprès d'eux. En vain : les éclaireurs envoyés à l'Ouest n'étaient pas encore revenus. Dans mon dos, les transports déchargeaient leur contenu sur le ponton. La logique voulait que ce fut Angelica qui se présenta la première devant moi... avec un clone d'elle. Ou presque.

                « - Qui est-ce ? » lui demandai-je, interdite.

                « - Ma sœur.

                - Une autre ?

                - La plus jeune. Elle et son équipage se sont fait embarquer par Le Fléau.

                - On s'est battues pour vous euh... madame ? »

                D'autres prisonniers de Frost ? Ce n'était pas la première fois qu'un Empereur réquisitionnait un équipage de pirates sans leur demander leur avis, Kiyori avait les mêmes méthodes et les anciens résidents des geôles du camp étaient destinés au même sort. La sœur d'Angelica et Veronica, donc... Celle-ci me regardait dans les yeux avec un mélange de peur et d'admiration... peut-être ? Ses iris violets étaient difficile à déchiffrer, mais il était certain qu'elle devait en posséder autant dans le crâne que ses aînées.

                Je mis un instant à comprendre la raison de sa présence, puis tout s'éclaircit soudain : l'implacabilité de la seconde qui semblait faire volontairement mijoter la gamine. Ses pupilles brillaient, comme si elle était à l'origine d'un mauvais coup.

                « - Et je dois rendre mon jugement, c'est ça ? »

                La brunette qui avait ses deux yeux me regardait fixement, les lèvres plissées, immobile. Elle se savait à ma merci, quand bien même je ne faisais que rentrer dans le jeu de la plus vieille. Je soupirai, remuant ma main comme pour chercher à brasser du vent au niveau de mon visage. L'occasion de me montrer magnanime devant toute l'assemblée.

                « - Va, va, suffisamment de sang a coulé cette nuit. Ton équipage et toi êtes libres. »

                La tension sembla soudainement se relâcher, comme le corps de la petite Browneye. Angelica ne put se retenir de lui balancer une tape dans le dos qui la fit pratiquement tomber. Non contente que son petit jeu ait eu l'effet escompté, elle lui murmura à l'oreille ce que je n'eus aucun mal à entendre :

                « - Comme si j'aurais laissé quoi que ce soit t'arriver, crétine. »

                Comme par hasard, les Louves venaient d'arriver ; celle qui semblait être leur capitaine, à en croire Angelica, se trainait, rabibochée de partout et mal en point. Comme les autres, elle eut le droit de se faire retirer ses menottes devant le visage enjoué de leur camarade qui fondit sur elle pour l'enlacer.

                Une bonne partie de l'équipage était à terre à présent. Nous n'étions que quelques uns à être au courant pour le navire de Frost, en vérité, et je n'osais pas interrompre les réjouissances. Toutefois, je savais que celles-ci n'allaient pas durer ; mon instinct ne me trompait rarement et mon mantra encore moins. Quelque chose se rapprochait.

                Une petite voix, presque imperceptible pour tous mais pas pour moi. Elle criait en courant à travers-champ, se heurtait à la barricade, l'escaladait en toute hâte et retombait de l'autre côté. Elle se présentait à nous après avoir contourné deux baraquements. C'était l'une des deux sentinelles envoyées pour guetter les Sunset.

                « - Capitaine ! Ils sont l- »

                BANG !

                La détonation fit l'effet d'un coup de canon, détournant les regards vers le corps sans vie du pauvre homme qui tombait à genoux et s'écroulait sur lui-même. Derrière, une silhouette fine et gracile tenait un pistolet fumant ; une magnifique robe blanche et rouge enrobait son corps telle un voile de soie. Son visage était familier au plus grand nombre et sa présence laissait présager le pire. Si elle l'avait voulu, elle aurait pu causer un véritable massacre, mais elle ne semblait visiblement pas là pour cela. Sa seule victime était pour l'instant l'éclaireur et peut-être son partenaire.

                Son sourire était forcé et sa colère intense. Visiblement, l'état du camp ne répondait pas à ses attentes. Mais il y avait plus important, ici, selon elle et ses yeux ne pouvaient pas s'en détacher. Moi.

                Mother trônait, telle une reine au milieu des restes d'un champ de bataille, ses gestes amples et voluptueux dessinant des courbes tandis qu'elle s'avançait vers nous dans une démarche impériale. La foule se fendit, me laissant seul adversaire à son regard. D'un geste théâtrale, elle s'arrêta en pointant son doigt dans ma direction avant de demander :

                « - Qu'avez-vous fait à mes fils ? »
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                Observer. Attendre. Réfléchir. Observer. Attendre. Réfléchir.

                Les choses prenaient de l’ampleur, quelque chose se tramait, quelque chose grondait et les branches frémissaient d’impatience. Prisonnier de l’île, d’un navire qu’il n’avait rejoint que par dépit. D’un compagnon qu’il avait dû aider, dont il avait dû suivre les paroles. Dans les ombres nocturnes, une voix se fit minuscule, délicate souris en quête de savants cordages à ronger. Il y avait entre Bonny et les locaux une entente étrange, des coups échangés. Quelques savantes machinations dont seule l’ancienne directrice du CP-9 avait le secret. L’assassin révolutionnaire n’aurait su que dire, qu’en faire. Mais cela faisait des jours que Judas s’échinait à le convaincre de ne pas mettre fin à l’insulte qu’était l’existence de Sweetsong. Et voilà : maintenant, il était trop tard. L’occasion s’était envolée, et il était de retour au point de départ. Incapable d’établir une voie révolutionnaire, incapable de partir d’ici avant … il ne le savait même pas.

                Quant aux hommes de Frost … Tch. En quoi serviraient-ils son plan ? C’était comme se retrouver avec la clef des cieux, et de se rendre compte qu’il n’y avait aucune serrure au paradis. Sauf qu’ici, c’était une jungle. Et que les moustiques faisaient la taille d’un cheval : quel usage d’une clef, donc ? Rarement l’assassin ne s’était senti aussi … livré aux événements. L’assaut dans la crique s’était poursuivi, sans qu’il n’y prenne part. Pourquoi donc y aurait-il pris part ? Judas avait choisi son camp. Une fois sa parole respectée, il ne lui devrait plus rien. Du moins, il l’espérait. Non, maintenant que l’œil du cyborg était tourné ailleurs … que le feu et le sang commandaient les cieux … il avait une idée. Une piste. Quelque chose à explorer.

                Observer. Jamais il n’avait pu parcourir à volonté le navire, encore moins la réserver personnelle de Bonny.

                Attendre. Jamais il n’avait pu créer l’occasion, pas même sur l’assaut contre les sectaires, de faire flancher la criminelle.

                Réfléchir. Jamais il n’avait su ce qu’on cherchait à lui cacher. Mais s’il y avait une chose dont il était avare, c’était bien les secrets.

                Ainsi donc, le Secret irait donc en quête de secrets. Quitte à tirer quelque chose de ce bouge, il emporterait ce que Sweetsong avait à cacher au monde, ce qu’elle avait tiré du CP9. Il avait passé des heures à perfectionner sa technique, à taire sa voix. Et l’occasion était là. Il aurait aimé dire qu’il l’avait provoquée, mais ça aurait été … mentir. L’assassin se gratta la barbe, avant de se hisser par les cordages. Au loin les coups de feu résonnaient dans la nuit. Ce fut une fumée sombre qui glissa sur les planches cirées du navire. Qui gangréna les écoutilles, s’infiltra jusqu’à la cabine de la Capitaine. Reprenant forme, l’assassin glissa son doigt dans la serrure et modela la fumée pour en faire tourner le verrou. Les verrous. Les innombrables verrous. Tch. D’autres protections étaient certainement en place, mais elle devait être concentrée sur autre chose maintenant. C’était assez agaçant, d’ailleurs, de découvrir que la façon d’envisager la sécurité de Sweetsong se rapprochait de la sienne. Il était trop facile de se mettre dans la peau de ce vil personnage. Des années à filer la pourriture, certainement, ça aidait.

                Rien. Il n’y avait rien. Chou blanc, nada. Que tchi. Pas un document, pas un denden. Pas une piste, pas un papier qui traînait ou même un indice sur les plans de la donzelle. Rien. L’assassin grommela, sa voix un peu plus rauque que d’habitude. Il serra les dents. Remis en place les effets de Sweetsong. Au millimètre, au grain de poussière prêt. Si elle procédait comme lui pour vérifier qu’on ne fouillait pas ses effets … Au loin la clameur des combats retentit. Il entendit les coups s’apaiser, peu à peu. Le temps qu’il avait devant lui arrivait à échéance. Il allait falloir terminer la fouille et vite. Il referma la cabine, ferma les verrous verrouillés avant qu’il n’arrive. Il restait un autre endroit où il n’avait pas eu loisir de traîner. Un endroit où il pourrait épancher sa frustration de ne pas avoir trouvé d’informations dans les locaux de Sweetsong. En même temps, s’il en avait trouvé … il aurait été déçu.

                Il ne fallut pas beaucoup de tours avant de parvenir au sein des geôles du navire. Plusieurs portes permettaient aux curieux de ne pas pouvoir voir ce qui se tramait ici. L’assassin quitta sa forme fumeuse devant les barreaux pour observer, dans la pénombre où aucune rai lunaire ne filtrait, un homme enchaîné. Une tenue usée par les voyages, civile et assurément coûteuse. L’assassin s’empara d’une lanterne jouxtant la geôle et l’alluma. Approcha la lumière du visage de cet étrange inconnu, assez précieux pour être depuis tout ce temps enfermé dans la prison de Sweetsong. Il ne se dégageait pas grand-chose de lui … Sa voix était à peine plus puissante que celle d’un homme du rang. Un type qui n’en valait pas la peine. Mais … un type qui était enfermé ici. Qui avait été embarqué par cet équipage de déserteurs du gouvernement. Et ça, c’était diablement intéressant.

                « Qui es-tu ? » grogna l’assassin.

                L’homme sursauté, bafouilla dans sa barbe trop longue pour les soins gouvernementaux. Il leva les yeux, hoqueta de terreur. Rafaelo se rapprocha. Il recula de plus belle.

                « Un … assassin ? »


                Les pupilles écarquillées de Sloan se braquèrent sur le sigil présent sur la ceinture du révolutionnaire. Ce dernier s’avança, passa au travers des barreaux en laissant échapper quelques volutes cendrées. La lanterne tomba au sol sans se briser, resta allumée.

                « Non … non … je … Auditore serait donc une femme à barb… ? »

                Il n’eut pas le temps de finir sa question que la main gantée de son interlocuteur le pris à la gorge et le plaqua contre le mur. Rafaelo le souleva sans mal, serra sa prise pour le faire grimacer de douleur. Femme à … ? Il passa une main sur son visage. Bon sang. Dans ses cheveux. Et merde. Courts, raides. Des poils couraient drus sur ses joues. Son visage rond redevenait anguleux et … il était obligé de soulever le prisonnier pour le regarder dans les yeux.

                « Qui es-tu ? »
                réitéra-t-il, de sa voix d’homme.

                « Pi … pitié … Il Assassino, c’est ça ? Je … je suis un prisonnier : je peux vous aider ! Oui ! Si vous me libérez je peux … »

                De nouveau, le révolutionnaire le secoua, le fit couiner.

                « Je … m’appelle Sloan. Sloan O’Murphy. »

                Sloan O’Muprhy ? Ce nom ne lui était pas inconnu. Pourquoi donc ?

                « Je suis … étais administrateur dans le CP9. Je … écoutez, je peux vous donner des informations si vous me libérez. »

                Des informations ? Depuis quand ce type était là ? Aussi rapide à tourner casaque ? Aucun moyen de vérifier ses dires.

                « Si Sweetsong te gardait bien au chaud ici, bien loin de mon regard … c’était qu’elle avait ses raisons, hm ? Ou que tu avais un grand intérêt pour elle … » fit-il, avant de lâcher le prisonnier.

                La fumée de Rafaelo s’engouffra dans les serrures et les liens, avant de les ouvrir d’un simple cliquetis.

                « Dis-moi, Sloan. Est-ce que tu as peur de la mort ? »
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