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Marches Funèbres

    Rachel marchait dans ce qui ressemblait plus à des tranchées qu'à des rues. Autour d'elle éclataient des cris et des bruits sourds, secs ou aigües, tels des explosions, des tirs ou des agonies. Elle marchait au milieu de ce chaos comme si rien de ce qui s'y déroulait n'existait, comme si elle ne voyait pas les abominations qui l'entouraient. Tous les sons se mêlaient dans son crâne, les cris des mouettes, les roucoulements des pigeons et les « à mort » des prisonniers. Les éclats de lumière, les images fugaces qu'elle percevait... ce n'était qu'un tout, une bouille infâme aux couleurs repoussantes et aux odeurs abominables. Le sang, la poudre, la chair brûlée, les cadavres à moitié dévorés par les bêtes sauvages tourmentaient Rachel d'horribles fragrances infernales.

    Marchant obstinément, loin de tout le contrôle qu'elle aurait d'ordinaire pu avoir sur son corps, elle ne se savait guidée que par son esprit combattif, sa fierté et sa haine. En plus de son sens du devoir, bien entendu. Et finalement, si elle avait plié l'échine devant Saru, elle lui devait bien d'avoir réveillé son être, de lui avoir redonné vigueur, à défaut d'en disposer dans son propre corps. Dans sa marche funèbre, la douleur persistait, mais c'était une douleur sourde qui lui venait de partout à la fois et qui ne le paralysait pas. Elle avait conscience des trous qu'elle avait dans le ventre, de la bosse qui lui lançait le crâne, de son épaule amorphe, mais n'arrivait pas à se dire que c'était grave. Elle ne pensait qu'à une chose, ou plutôt son corps n'avait qu'une chose en tête: rallier le port et arrêter cet équipage.

    Lorsqu'elle s'était affalée dans le couloir sous les coups de Saru, c'était comme si elle avait été privée de ses forces. Plus aucun muscle de réagissait. Elle avait perdu tout contrôle sur ses membres. Dans les vapes totales, elle avait juste conscience que son équipe de marins avait l'avantage sur les pirates et cette pensée la faisait lentement glisser vers l'évanouissement complet, hors des tourments d'un QG enflammé. Une sorte de nirvana personnel où la satisfaction de l'avoir emporté, même à terre et incapable de bouger, la faisait flotter dans la plénitude de la réussite. Du moins jusqu'à ce qu'une voix, perçant comme une aiguille, vint éclater la bulle de son monde. Et alors qu'elle entendait les pas de Saru résonner sur le sol en s'éloignant, comme si ce claquement régulier et marqué par son pied blessé amplifiait jusqu'à recouvrir tout autre son de bataille, toute cette sérénité de la victoire s'effondra sur elle-même, aspirant la satisfaction, éteignant la lueur de plénitude et réduisant en miette son calme et son silence comateux. Cette phrase, anodine en apparence, venait d'ouvrir une fenêtre sur la Faucheuse, le Lieutenant de la marine qui n'admettrait sa défaite qu'une fois six pieds sous terre et qui ne laisserait pas la victoire à un cuisinier itinérant.

    Émergeant de sa léthargie subie, la faucheuse, baignant métaphoriquement dans son propre sang, ouvrit sur le monde un nouveau regard flamboyant, d'un vert ardent, qui se posa sur la bataille opposant marins à évadés. Il n'y avait ni trace de douleur ni de peur dans son regard, ni même de la pitié. On pouvait y lire une soif de vengeance et une profonde haine. Lentement, mécaniquement, toutes ses articulations se déployèrent pour la remettre debout. Ainsi couverte de sang, le regard si vide d'autres expressions que celles exprimées plus haut et se mouvant membre par membres, on aurait pu la prendre pour un mort vivant, création du fruit des ombres. Pourtant elle ne payait pas de mine. Aussi, un prisonnier qui venait d'achever son duelliste de marine l'aperçut. Elle venait juste de ramasser sa gigantesque arme. Il eut l'air très amusé de la voir vaciller sous le poids de la lame. Analysant la situation, et même s'il n'était armé que d'un cure-dent en comparaison, il dut se dire qu'il avait toutes ses chances de finir celle qui avait tenu tête au membre des Gun's. Il avait plus l'air d'un imbécile que d'un combattant et la faucheuse ne semblait même pas l'avoir remarqué.

    Faisant passer son couteau de table d'une main à l'autre en faisant des grimaces de forban, il allait aussi surement à la rencontre du Lieutenant Blacrow que de la faucheuse. Dans son sillage, quelques autres le suivaient, se délectant à l'avance du spectacle qui égaierait un peu plus leurs nuit d'évasion. Notre faucheuse de porcelaine, de son côté, s'était mise en branle et sans plus prêter attention aux mécaniques que ces vaut-rien roulaient, marchait délibérément en direction de la sortie, vers le port, nœud de rencontre de toutes les routes. Mais avant le port, il y avait ce gars et ce couteau dont la collision risquait d'être aussi violente qu'imminente. Sûr de sa victoire, comprenez-le, il faisait face à une adolescente tenant à peine sur ses jambes, il arma grossièrement son bras et attaqua Rachel. D'un seul mouvement et sans crier gare, la faucheuse délesta l'homme de son couteau de la main gauche et du bras droit envoya la lame gigantesque de sa faux se nicher dans le crâne du pauvre homme, alternant bruit sec, puis flasque avant d'aller accrocher au mur le pauvre pirate, et tout ça dans la continuité de son attaque. Le mouvement avait été aussi fluide qu'insoupçonné. Rachel n'avait pas eu besoin d'ordonner à son corps de réagir. Il n'avait qu'un seul but et visiblement, tout obstacle serait écarté. Mais même avec le crâne en bouillie, une lame de cinquante centimètres logé dans le lobe occipital, son corps n'en avait visiblement pas terminé avec cette espèce de criminel endurci. Toujours dans le même état mécanique, usant de l'arme subtilisé au cadavre accroché au mur tel une toile de mauvais goût, elle planta la lame du cure-dent dans l'estomac du tableau sanglant avant de l'éventrer d'un mouvement descendant. Dans un horrible gargouillis semblables aux régurgitations humides de buveurs trop pleins de bière, les entrailles de l'homme se répandirent sur les dalles anciennement blanches du couloir.

    Devant le regard horrifié de ses camarades, Rachel dégrafa son arme dans le même chuintement caractéristique d'une lame qui quitte son fourreau humain fait d'os et d'organes vitaux. Son regard vide et pourtant si oppressant, sa faux démesurée qu'elle reposait négligemment sur l'épaule, son air possédé et le cadavre à ses pieds qui baignait cette fois littéralement dans son sang... Il n'en fallut pas plus aux pirates pour prendre leurs jambes à leurs cou...

    Plus tard, on racontera que ce couloir aurait été pris d'assaut par une bombe humaine. Du moins, avec tout le sang retrouvé sur les murs, c'est la théorie qui restera la plus probable.

    *~*~*~*

    Alors que l'esprit embrumé de Rachel tournoyait ces quelques souvenirs et oscillait entre sensations présentes et réflexions décousues, elle sentait son corps irrémédiablement attiré vers le port par une force invisible qu'elle connaissait pourtant bien: sa propre détermination. Elle savait ce qu'elle voulait, mais se trouvant dans l'incapacité de faire cette chose, elle avait involontairement coupé tout lien avec elle-même. C'était comme ça que l'on se retrouvait à marcher tel un robot dans un quartier ravagé par les guerres incessantes. Elle passait devant des bâtiments en ruine sans les voir, devant des pirates à l'agonie sans pouvoir s'en réjouir et devant des marins terrassés sous le nombre sans pouvoir intervenir. C'était comme si quelqu'un avait sectionné ses nerfs et qu'elle n'était plus maîtresse de son corps, contrôlé par un autre qu'elle. Et elle se serait débattue si elle n'avait pas su qu'elle était à l'origine de ce tour de passe-passe.

    Derrière elle trottinait le gardien à la barbe de nain et aux allures de roc, la suivant comme si elle le lui avait demandé. Peut-être l'avait-elle fait... Mine de rien, il protégeait ses arrière. Car seule silhouette lente dans cet enfer de sang, personne ne la prenait pourtant pour cible. Trop effrayés? Pas assez impressionnante? En tout cas, la bataille touchait à sa fin car le but était la liberté et non pas le carnage. Une fois leurs ennemis écrasés, les quelques pirates encore debout fuyaient vers le port pour prendre leur envol d'hommes et de femmes libres. Et c'était le seul contrat encore envisageable. Le nombre de pirates régressait rapidement tandis que toujours plus de marins se jetaient dans la bataille. Les rues étaient donc devenues des avenues vers le paradis de la liberté. Et le Lieutenant Blacrow n'était qu'un officier perdu dans les rangs de fuyards dans lesquels son nain de compagnie se frayait un chemin à grands coups de hache dans le dos.

    Rapidement, le port et les quais furent en vue. Les restes calcinés de quelques navires de guerre, d'autres encore en flammes, un pavé rouge sang et la boucherie qui s'offraient aux yeux inexpressifs de notre faucheuse témoignaient de la violence et de l'horreur du carnage dont le décor principal avait été le témoin. Inutile de décrire une nouvelle fois la vision pessimiste du champ de bataille, mais pour poser les bases, la faucheuse en porcelaine dut franchir un amoncellement de cadavres pour accéder à la baie. Et elle fut étonné de voir que même ça n'arrêta pas son corps déterminé à en finir avec les Gun's.

    Alors qu'elle progressait lentement sur les pavés glissants, elle repéra dans le ciel, un peu plus loin, un nuage de pigeons particulièrement vifs. À mesure qu'elle s'approchait du centre du port, émanait de la direction des pigeons les plus puissants des « A mort » qui faisaient vibrer la bases depuis quelques minutes déjà. Derrière elle, les tâches de sang auraient permis de la suivre à la trace. Elle savait que la mort l'attendait, à ce rythme, mais elle ne voulait pas abandonner pour autant, aussi son corps ne la lâcha pas. Oui, son attention se focalisait d'une chose à une autre sans autre lien logique que d'éviter de penser à la pulsation de son sang qui battait de plus en plus fort à ses tempes, battement pourtant de moins en moins rassurant...

    Soudain, une silhouette sortit du couvert des bâtiments, débouchant sur les dalles du port comme en terrain conquis. Son assurance, son charisme et son regard flamboyant attira le regard du Lieutenant à la faux, et ce malgré l'apparente faiblesse de l'homme aux cheveux blancs. Alors qu'ils n'étaient qu'à quelques mètres l'un de l'autre, Rachel stoppa sa progression, redevenant maîtresse de son corps. Peut-être avait-il reconnu en ce jeune homme la personne recherchée. Retrouvant à nouveau l'usage de ses mouvements, Rachel vacilla sous l'effet de l'hémorragie. Mais elle ne put détourner son regard de ces yeux rouges aussi flamboyants que ceux qu'elle affichait également dans un vert opposé. Ce regard dur et couleur sang, ces cheveux blancs... Elle avait assez étudié le cas de l'équipage des Gun&Gun's pour en reconnaître Timothé N. Tempiesta dont la tête était mise à prix.

    Elle ne put cependant que rester là, les bras ballants et sa faux sur l'épaule à le fixer de son ardent regard émeraude. Elle n'avait plus la force de bouger et rester debout consommait toute les forces qu'il lui restait. Elle faisait face. Par la puissance de sa volonté. Et par sa présence, elle criai bien haut, qu'elle se dresserait contre lui, contre TnT, et contre tous les Gun's!

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54 cadavres!

C'était à partir de ce nombre que le frère Oliveira avait arrêter de compter les morts sur les quais. Prêtre dans North Blue depuis plus de 40 ans, il avait affronté de très nombreux conflit, avait connut un nombre incalculable de souffrances, mais jamais il n'aurait put s'attendre à ce qui se déroulait sous ses yeux. Il y avait du sang, des os mêmes par endroit, des flammes, des cadavres d'humains et d'animaux. L'odeur caractéristique de la mort mélangée à celle de la poudre était omniprésente, au point d'en faire tousser l'homme d'église. Couvrant les son étouffés provenant du QG, sons indiquant des explosions, des cris, et des hurlements bestiaux, on entendait les cris des charognard qui survolaient les quais, mélangés à celui des premières mouches à cadavre.

Oliveira grimaça, et posa sa main droite sur son épaule. L'intégralité de son bras faisait souffrir le vieil homme, depuis qu'une des bombes de TnT Tempiesta avait explosée à côté de lui. Il n'était pas seulement brulé, l'os était brisé, et quelques morceaux d'engrenage s'étaient enfoncés dans sa chaire. Vu son âge, il ne cicatriserait probablement jamais correctement. Jamais plus son bras gauche ne pourrait se lever vers les cieux.

C'est alors que deux marines arrivèrent sur la place. Le premier, il ne le connaissait pas, mais c'était un homme relativement petit, barbu, et trapu, le genre de combattant qui était craint par la majorité de ses ennemis. Il avait un regard noir et furieux, manifestement le responsable du carnage qui venait d'avoir lieu était devenu l'ennemis numéro 1. Derrière lui, il y avait une femme armée d'une faux. Oliveira en avait entendu parler : Blackrow L. Rachel, "la faucheuse". Ainsi, Dieu avait envoyé la mort elle même sur le champ de bataille. Etait-il possible que tout ces cadavres qui ornaient le sol soit le fruit de son divin châtiment? North Blue avait-elle blasphémé au point d'attirer Son courroux?

Le regard des trois seuls vivants sur les quaies pivotèrent en même temps pour assister à l'arriver de deux autres personnes. Le premier était un jeune garçon, approchant juste de l'âge adulte. Il était couvert de sang, sa peau affichait la marque de graves brulures, et si ses cheveux avaient été blanc il n'y a pas si longtemps, ils étaient rouge maintenant. Malgré sa peine à marcher, il soutenait une femmes au cheveux blonds, une femme magnifique, portant encore la tenue des prisonniers. Elle était inconsciente.

Le jeune garçon regarda La Faucheuse et son protecteur, et son regard de braise s'illumina. S'en était presque démoniaque, il était couvert de son propre sang, avait du mal à se tenir debout, et pourtant, face à ses deux adversaires, il souriait. C'était un sourire sadique, qui, accompagné de son regard provocateur donnait l'impression qu'il était venut tout droit des enfers.

Ce n'était pas Dieu qui intervenait sur ce QG, c'était Satan! L'ennemis divin ne pouvait qu'être derrière tout ça : les morts, la Faucheuse, le démon, la souffrance. Tout ce qui se déroulait ici n'était qu'une formidable farce destinée à faire sombrer le monde dans le chaos! Sans s'en rendre compte, le prêtre se mit à marmoner une prière.

Il vit le garçon aux cheveux blancs attraper un pistolet six coups qui pendait à la ceinture de la femme qu'il transportait. Il le vit posé le corps inerte sur le sol, puis s'avancer vers le duo, qui hurlait sa volonté de le vaincre. Oliveira se rendit compte également que l'autre main du jeune homme tenait un fusils à canon scié finement ouvragé. Cependant à ses yeux, rien de tout ça n'avait réellement d'importance. Seule la foi pourrait encore sauver les âmes de ceux qui pouvaient être sauvés, seule la prière pouvait guidé les victimes de la mort et du démon vers le salut. Il était le dernier prêtre encore vivant sur ce QG, il devait faire son possible pour attirer l'attention du Tout Puissant sur cette île avant qu'il ne soit trop tard!

Le garçon aux yeux de démons fit deux pas et s'arrêta, toujours souriant, et toujours aussi provocateur. Le temps sembla se figer autour du criminel et des deux marines. En fait, même le soldat barbus semblait avoir été mis de côté. Seule Rachel et TnT étaient encore présent. La faucheuse allait affronter le trapéziste infernal, la mort allait affronter le vice. Il n'y aurait qu'une seule issue possible à un tel combat : la souffrance.

C'est le démon qui rompit ce relatif silence, et qui fit à nouvau le temps s'écouler normalement. Il ne dit que deux mots, deux mots qui pourtant étaient porteur d'un message important. Avec ces deux mots, Timuthé N. Tempiesta annonçait qu'il ne craignait pas la mort, et que s'il avait un jour eu quelque chose d'humain, ce quelque chose avait disparu.

J'attends...

Le prêtre tomba à genoux. L'affrontement commencerait d'ici peu, c'était inéductable. Lorsque deux créatures maléfiques s'affrontaient, il n'y avait qu'un seul gagnant : le Malin...
      Lorsque leurs regards se croisèrent, autant l'un que l'autre savait avoir trouvé en l'autre une part d'eux même. Et cette petite partie de leur être brûlait d'envie d'en découdre avec l'autre. Et pourtant, une autre envie naquit au creux de l'estomac de la faucheuse. Celle de se reposer, de laisser en paix ce frère d'arme passé du mauvais côté de la ligne. A moins que ce ne fusse elle, la pirate reconvertie, qui en tant que démon, s'était trompée de voie. Mais elle ne regrettait rien. Le regard qu'elle portait sur le Gun's albinos venait apporter cette réponse. La question qu'elle se posait n'était plus alors qu'une simple hantise reléguée au second plan. Elle était une marine et le pyromane face à elle était un pirate de la pire engeance. Alors qu'importe qu'elle soit aussi faible qu'un chaton qui vient de naître, qu'importe qu'elle risquait de rencontrer la véritable faucheuse, qu'importe que le garçon qui lui faisait face semblait bien plus démoniaque qu'elle. Elle combattrait pour la justice qu'elle protégeait. Et ce ne sont pas ses blessures qui l'arrêteraient.

      Alors que Timuthé Tempiesta marchait dans sa direction, tous sourire dehors, elle, elle étudiait son adversaire, haletante. Il fallait qu'elle porte une attaque décisive, une unique attaque qui mettrait fin à la carrière du forban... ou à la sienne si elle échouait. Car elle n'aurait pas la force de lancer ne serait-ce que deux assauts. Déjà que tenir sur ses jambes semblait plus dur de secondes en secondes... Mais il suffirait qu'elle porte son coup. Car son état n'était pas différent du sien et il s'écroulerait sûrement si elle pouvait l'atteindre. Les images, les idées défilaient à une vitesse effrayante dans son cerveau.

      TnT fit un pas.

      Il avançait comme si ses blessures ne le gênaient pas, comme s'il y était habitué ou qu'il y était insensible. Alors qu'elle pouvait admirer la flaque de sang s'agrandir à ses pieds. Une seule attaque. Pas une de plus. Derrière elle, le nain barbu à la hache avait beau être impressionné par la carrure de Tim, il n'en restait pas moins sur ses gardes et visiblement prêt à en découdre. Cet homme était un rock, aussi insensible que résistant. Autour d'eux, personne de vivant ne les regardaient, du moins, de ce que Rachel put voir du coin de l’œil. Elle ne pouvait pas lâcher cet homme du regard. Elle ne devait pas se laisser distraire. Elle n'avait qu'une seconde et des poussières pour réfléchir. Plus qu'une seconde.

      TnT fit un deuxième pas.

      Elle ne pouvait pas le laisser agir à sa guise. Cet homme n'avait pas été capturé par les hommes de la marine, elle l'aurait su. C'était donc principalement à cause de lui que tout ça était arrivé. Et au vu de sa manière de marcher, de se tenir et de rire, Il ne pensait pas un instant qu'il puisse être arrêté par un quelconque individu. Cette attitude fit monter en Rachel un sentiment de rancœur et de colère qui vrilla son regard d'un feu émeraude pour en fusiller l'albinos aux yeux rubis. Mais elle n'avait pas la force de bouger. Elle avait beau ordonner à son corps, se forcer à faire un mouvement, elle ne parvint qu'à vaciller un peu plus. Ainsi tenue, elle devait avoir l'air pitoyable. Bien plus que lui. Lui n'avait pas une arme dont il se servait d'appui.

      TnT s'arrêta alors.

      Le temps de la réflexion était fini. Celui de l'action ne faisait que commencer.

      Rachel perçut nettement son regard et son sourire provocateur. Elle n'avait qu'un regard dur et déterminé à lui renvoyer. Ils se jaugeaient. Chacun avait conscience que ce duel serait plus rapide que tous ceux qu'ils avaient pu mener jusqu'alors. Consciente également de sa frêle silhouette, Rachel se redressa de toute sa hauteur. Si elle ne pouvait pas bouger, elle pouvait se grandir, tel un mur qui se dresserait entre un prisonnier et la liberté. D'ici quelques minutes, sûrement moins, une vague de pirates allait débarquer sur ces quais et elle serait ridicule en comparaison. On n'enferme pas un troupeau d'éléphants dans une geôle... Mais elle pouvait se dresser contre Timuthée. Et c'est ce qu'elle faisait. Dans cette atmosphère suspendue, dans ce moment perdu, Rachel ne pensait à rien d'autre qu'à la manière de terrasser le pirate. Et lui pensait à la même chose. Souci primordial, la pulsation dans son crâne, cette ligne de basse dans sa tête vidait petit à petit notre faucheuse de sa lucidité et de ses pensées aussi sûrement que ses forces dégoulinaient avec les gouttes de son propre sang sur les pavés. Très bien. Le Lieutenant plaça sa faux face à elle alors que le temps reprenait ses droits. C'était maintenant ou jamais. Et Timuthée pensa la même chose.


    J'attends...

      Rachel ne se le fit pas répéter deux fois. Elle ne dit rien de plus, se plongeant dans un silence qui était monnaie courante chez elle. Mais ce silence n'était prémices que des dangers qu'allait encourir Tim. Avec la volonté de celui qui se coupe une jambe pour se nourrir, la poupée de porcelaine écarlate diffusa autour d'elle un nuage de fumée noire, aussi dense qu'une nappe de brouillard, une explosion de cendres sortie de la tête de sa faux. Ainsi, le Lieutenant Blacrow se dissimulait entièrement aux yeux rouges de son adversaire. Et le temps de se demander ce qu'il se passait, une forme noire jaillit avec force et vitesse en direction du forban. Une forme qui ne lui voulait visiblement pas que du bien. Mais étrangement, la forme tournoyait un peu vite pour... enfin pour n'importe quoi qu'aurait pu lancer Rachel, elle-même comprise... À travers la nappe de brouillard sombre, une silhouette commençait déjà à apparaître. Une silhouette trapue et bien trop petite pour que ce soit faucheuse en porcelaine.


    °Le Corbeau Nocturne°

      A une vitesse impressionnante, Rachel tombait sur Timuthée N. Tempiesta. Tel un aigle qui fond sur sa proie, elle brandissait sa faux, prête à frapper d'un coup mortel l'artificier des Gun's. Quand on est en l'air, porter une faux qui fait son poids n'est plus vraiment un problème. Tous deux tombaient et la gravité arrangeait même notre faucheuse dans sa manip'. Oui, le barbu l'avait projetée elle et sa faux dans les airs, au-dessus de Tim en ayant profité du nuage qui les dissimulait. La hache n'était qu'une simple diversion pour attirer son regard dans la direction opposée à l'attaque. En l'occurrence, droit devant. Mais vous avez compris, pas besoin de vous faire un dessin. Le détail majeur dans cette attaque était que si il l'évitait, non seulement elle serait à sa merci, mais également une crêpe ensanglantée sur le carreau aux pieds de Tim. Qu'est-ce que je disais. Une seule attaque. Mais si elle le touchait, il pourrait dire adieux à ses rêves de pirates.


    -On n'échappe pas à la faucheuse...
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    Oh notre père qui êtes aux cieux, entendez ma prière car aujourd'hui j'ai besoin de vous!

    Telles étaient les premières paroles de la prière qu'avait entamé le frère Oliveira. Les deux fils du Démon s'apprêtaient à charger. Il semblait évident que leur duel serait à mort, et quelque soit le gagnant, le prochain sur la liste serait sans doute le pauvre prêtre mutilé. La seule question était la manière dont il mourrait. Serait-ce la faucheuse, ou le démon qui lui ferait subir le tourment?

    Lorsque les cendres de l'apocalypses se répendront, je n'aurais pas peur, cas Votre lumière me guidera.

    Un nuage d'ombre, de cendre et de poussière se forma autour de la mort. La faucheuse révélait l'étendue de ses pouvoirs et de sa puissance. Le démon ensanglanté, quant à lui, ne montra aucune inquiétude. Il recula le chien de ses deux armes. Un double clic se fit entendre. La guerrière à la faux utilisait les ténèbres, le combattant des enfer allait faire parler le feu. Oliveira sans cessé de prier, contemplait le moment ou l'un des deux combattant ouvrirait les hostilités.

    Et la guerre touchera ses plus puissant messagers, alors les cavaliers s'affronteront, et Vous nous protègerez.

    Une forme noire tournoyante s'élança droit sur l'enfant de Satan. La faucheuse avait fait le premier geste, et le démon sourit davantage encore. Le prêtre dans sa contemplation ne put s'emêcher de remarquer que le combattant albinos avait levé les yeux au ciel, l'espace de quelques dixième de seconde. Pourquoi détournait-il son regard alors que le projectile de ténèbre fonçait vers lui? Il leva doucement sa main droite, et le fusils à canon scié qu'elle tenait. Il éclata de rire!

    Dans la tourmante et le malheur, je ne craindrais rien, les flammes me bruleront, la mort me frappera, mais Vous me guiderez, et nul démon n'aura mon âme!


    Tout s'enchaina à une vitesse impressionnante. Un flash et des flammes sugirent du fusils. La faucheuse apparut au-dessus du démon. Ce dernier, s'envola en arrière sous le recule de son arme. Un deuxième coup de feu retentit.Trois corps tombèrent au sol. Un seul se releva.

    La peur ne m'atteindra, car Vous êtes à mes côtés.

    C'était TnT Tempiesta qui se relevait. A l'extrème gauche du champ de vision du prêtre, le jeune criminel avait lâché les deux armes à feu encore fumantes qu'il avait utilisé. Il oscillait. Manifestement, le combat lui avait couté ses dernières forces. Il contemplait les corps de la faucheuse et de son gardien. Manifestement, la première était encore vivante, mais ce n'était pas le cas de son compagnon. Celui-ci avait en effet reçut une volée de plombs dans le torse. Il était surement mort avant que son corps ne touche le sol.

    Entouré des cadavres de Vos ennemis, je me fierais à la foi.

    Lentement, le cerveau du prêtre reconstitua la scène. Le guerrier aux cheveux blancs avait tiré sur la forme sombre, et avait profité du recul de l'arme pour se propulser en arrière. En plein vol, il avait tiré avec le six coups sur la marine, qui avait frappé dans le vide où il s'était trouvé quelques instants plus tôt. Oliveira n'était pas sûr des dégâts qu'avait fait la balle, mais si ses souvenirs était exact, le démon avait visé le genou de son adversaire. A cette distance, cela ne pardonnait que rarement à la victime.

    Puissiez-Vous faire preuve de Votre clémence, et pardonnez à ces âmes victimes plus que responsables!

    L'albinos infernal prit appui sur un mur qui tenait encore debout. Son sourire disparu, ses yeux perdaient de leur éclat. Il avait utilisé le peu de forces qui lui restait, si quelqu'un s'en prenait encore à lui, il ne pourrait plus se défendre. Le combattant mafieux avait fait place a l'adolescent fabricant de jouet. La résistance mentale du garçon face à sa propre douleur perdait peu à peu du terrain. Pour Oliveira, ce jeune homme avait largement fait sa part de carnage et de batailles.

    Que ceux de Vos enfants qui sortirons des enfers soient accueillis et pardonnés.

    Le Vice-capitaine des Gun s'adressa avec difficultés à la marine. Manifestement, il n'estimait pas le combat finit, même s'il devait être repporté.

    N'oublie... jamais... le nom de TnT Tempiesta... Traque... moi... Les Gun t'attendront... Amène... To... ji... Arashi...

    L'adolescent s'arrêta au milieu du mot. Il n'avait plus la force d'en dire plus. Oliveira avait compris de qui il parlait, et avait maintenant pitié pour le gamin appuyé sur le mur. Ce pirate était soit fou, soit suicidaire. Dans un cas comme dans l'autre, la mort l'attendait au bout du chemin.

    Celui qui vit part le combat mourra sans rien savoir du bonheur.

    Oliveira baissa les yeux, abattu. Ce gamin responsable de temps de souffrance alors qu'il était si jeune. Cette malfaisance qui se dégageait de ce qui l'entourait. Ca n'était pas le fruit du Très Grand, c'était les actes du Déchu. Où était le Divin lorsque le démon avait détruit le port ? Où se trouvait-il lorsque des centaines de criminels s'étaient déversés dans la base de North Blue? En ce moment même, avait-il conscience des prières de son disciple?

    Ainsi le frère Oliveira perdit la foi. Il ramassa un pistolet couvert de sang qui gisait à côté de lui. IL l'avait abandonné, IL ne pourrait plus rien pour lui. Le prêtre ferma les yeux en montant le pistolet vers son crâne.

    Lorsque le démon est partout, le fidèle choisit la mort, car jamais il n'a péché.

    Ainsi finit la prière...
        Elle avait toujours son coup armé, mais elle, suspendue entre terre et ciel, fut impuissante à faire face à la riposte du pirate sous elle. Elle ne l'avait même pas inquiété. Il était resté de marbre autant face à l'écran de fumée qu'à la hache qui le prenait pour cible. Pire, alors que Rachel ne voyait que par images successives et non comme un film fluide, lui, Timuthé le dynamiteur, repérait son manège et ne la perdait pas de vue.

        Lorsque leurs regards s'étaient à nouveau rencontrés dans cette position, l'officier Blacrow fondant sur le second des Guns, Rachel sut que son attaque était vouée à l'échec. Qu'elle allait s'écraser sur le pavé. Tel un corbeau mort en vol. Comme un ange tombé du ciel... Ou un démon rejeté. Pourtant, comme TnT la regardait elle, le Lieutenant de porcelaine visualisa la hache qui le prenait en tenaille. Et s'il leva son arme vers le nuage de fumée et la forme sombre que l'on devinait s'y dissimuler, elle eut une lueur de satisfaction en pensant que, même si elle finissait étalée par ses propres soins, le projectile ferait mouche.

      *C'est ça, regarde-moi.*
        Timuthée N. Tempiesta avait-il vu venir l'arme face à lui? Ça restera un mystère. Car, s'il ne sembla pas surpris par la venue de la faucheuse depuis les hauteurs, il n'accordait pas plus d'importance au tranchant qui le visait depuis le sol. Plus curieux encore, il agit de manière totalement inattendue. Portant à bout de bras une sorte de petit fusil à canon scié, il tira à l'aveuglette dans le nuage de charbon. Et ce fut tout. Le coup de feu fut assourdissant pour Rachel déjà fort essoufflée et destinée à une fin de course au raz du sol. Elle qui ne rêvait que de s'élever. Mais la force du coup ne résidait pas seulement dans l'onde sonore. Le choc, la puissance de feu et le recul furent trois facteurs qui firent basculer les chances de victoires de manière significative vers le forban.

        Lorsqu'il tira, la volée de plomb le fit décoller du sol et planer sur trois mètres en arrière. Pire, elle alla se ficher en plein dans la poitrine du nain aux allures de roc mais, qui, finalement, n'était qu'un Homme, aussi mortel que les autres. C'en était fini de Rachel. Si elle vit que ce coup l'emportait sur trois fronts face aux siens, elle ne pouvait plus penser. Les tâches d'hémoglobine qu'elle avait laissée sur son chemin attestaient de sa faiblesse. C'était à peine si ses yeux ne se fermaient pas à cause du vent. Oui, Tim venait en un coup d'éviter le Lieutenant et la hache qui l'attaquaient sur deux flancs mais également de mettre hors course un marin chevronné. Pire, même si Rachel ne pouvait plus le voir car il venait de sortir en un éclair de son champ de vision, il avait levé son six coups dans le même temps et tiré dans la jambe de l'officier, non content de la laisser s'écraser sur le sol.

        Ce fut tout. La faucheuse ferma les yeux pour ne pas voir sa propre cervelle maculer le plancher des vaches. Elle avait tenu bon face à Saru, elle avait tenu bon face à Timuthé, mais finalement, elle n'avait fait qu'enchaîner les échecs. Au moins partirait-elle sans regret, avec la pleine satisfaction d'avoir accompli son devoir, et ce même si restait le regret de n'avoir pas pu les arrêter.

        Pourtant, Rachel ouvrit les yeux. Le ciel s'étendait au dessus d'elle. Sous elle, ce n'était qu'une baignoire pourpre, une cuve que sa chute avait dû causer et qu'elle teintait de rouge. Elle ne pouvait pas perdre encore plus sang si? Elle avait l'impression d'en avoir déjà perdu des litres entiers. Comment pouvait-elle encore se maintenir éveillée? Peut-être son esprit embrumé ne se faisait-il que des idées. Le stade de la douleur était depuis longtemps dépassé. Elle ne sentait plus aucun de ses membres, ne pouvait plus bouger un doigt, pouvait à peine respirer. Os brisés, côtés cassées, muscles froissés, tendons déchirés, mâchoire fêlée... Colonne vertébrale endommagée? Il était vraiment trop tôt pour le dire. Et puis elle n'était pas médecin. Comme elle aurait voulu que Yuji soit à ses côtés pour la rassurer sur son état de santé. Elle se donnait autant quelques minutes à vivre qu'une vie. Elle-même ne pouvait dresser de constat. Elle ne pouvait qu'écouter son assaillant déblatérer ses salades dans un baragouinage digne d'un bègue. Que pouvait-elle faire d'autre? Elle avait perdu. A nouveau...

      -Va au diable...
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