Les murmures du vent qui se faufilait entre les branches des peupliers réveillèrent paisiblement le Fantôme. Quelques éclats de rayons de soleil illuminaient la pièce. Dans le couloir, des voix s'élevaient, sans qu'il ne puisse distinguer le sens des mots prononcés. Paradoxalement, le bruit ambiant était reposant. Il tranquillisait l'esprit du stratège. Mountbatten avait pris quelques congés dans l'arrière-pays de Terra, là où la vie était rythmée au son des animaux et d'une poignée d'hommes. Quitter le tumulte de la capitale et d'Alpha devenait une nécessité. Il avait besoin d'un retour aux choses simples, loin des manigances politiques.
Ainsi, il émergea de son repos pour se sustenter sur la terrasse de l'hôtel. Il devait être dix heures du matin, à en juger la lueur croissante qui illuminait la plaine. Il était seul. Personne n'occupait les cinq autres tables disposées à l'extérieur. Il faut dire que le coin était peu fréquenté. La fille du propriétaire apporta à l'officier une tasse de café noir, ainsi que plusieurs viennoiseries. Elle devait avoir quatorze ou quinze ans, à en juger ses traits juvéniles. Elle le servit d'une façon maladroite, si bien qu'elle faillît renverser son breuvage du matin sur lui. Le Marijoan esquissa un sourire effacé, tiraillé entre son dédain et sa politesse. Tant que ses habits étaient intacts, il n'y avait aucune raison de s'emporter. Mais il n'y pouvait rien, l'incompétence avait le don de l'agacer.
L'accalmie fut cependant de courte durée. Une autre personne s'approcha, dans le dos de Mountbatten, sans s'annoncer.
Le Fantôme leva son poignet pour consulter l'heure, tout en sirotant son café.
"- Pile à l'heure.
- Et même avec cinq minutes d'avance." Rectifia l'inconnu.
L'autre homme prit place en face du stratège. Il était rasé de près. Son visage était parsemé de traits fins et tout à fait agréables à regarder, ce qui contrastait avec l'aspect sec et rugueux de sa peau. Ses yeux transpiraient d'un optimisme communicateur, d'un enthousiasme qui évoquait celui des enfants. Mais en s'y attardant de plus près, on pouvait apercevoir quelques rides – aussi infimes soient-elles. Anormales pour son âge, mais communes pour un soldat comme lui.
"- Sympathique paysage, n'est-ce pas ?
- C'est pas mal, mais pas aussi beau que dans mon patelin.
- D'où viens-tu déjà ?
- Vesucia, plus au nord. On peut admirer le golfe de Cyroos, d'une splendeur inégalée. Il y a fait constamment un temps ravissant. Petit, j'allais sans cesse sur la plage pour jouer avec mes copains. On jouait au ballon, puis on allait se baigner… Mais bon, tu vas inévitablement me dire que mon attachement au lieu trouble mon jugement… Et tu as sûrement raison !" Dit Flika, avant de s'esclaffer.
"- M'enfin, je suis sûr qu'il doit y avoir un peu de vérité, quand même. J'irais, un jour.
- Du reste, ça me fait penser que je n'ai jamais su d'où tu venais.
- Je viens de l'étranger, alors ça risque de ne pas…
- Oui, oui ! Ça, je sais, mais parle-moi un peu du coin où tu as grandi !
- Ah ! Eh bien… J'ai grandi à Marie-Joie. "
Le premier maréchal, qui avait entre-temps attrapé un croissant, s'arrêta de mâcher un instant, avant de reprendre de plus belle.
"- S'il y a bien une ville de l'étranger que je connaisse, c'est bien elle. C'était comment ?
- C'était prodigieux. Ça me manque.
- Pourquoi ne pas y retourner alors ? Pendant tes permissions ?
- Tu oublies, cher Flika, que je ne suis pas forcément bien vu par le Gouvernement Mondial."
Embarrassé par sa propre question, le militaire se gratta la nuque et arbora un air désolé. Son interlocuteur baissa les yeux. Il se remémorait les souvenirs exquis de son enfance, avec ses frères et ses parents. Ils lui manquaient, mais il ne pouvait pas les revoir. Tout ce qu'il avait désormais, c'était une Vive Card qui pointait sur son père. Mais Severus Mountbatten siégeait à la ville judiciaire, Enies Lobby. Impossible de s'y rendre, pour l'instant. Le Fantôme maudissait le Gouvernement pour tout son machiavélisme. Lui qui l'avait utilisé comme bouc-émissaire sur Vindex, et qui l'avait par là même repoussé vers le camp des hors-la-loi. Il avait été forcé d'être ce qu'il avait toujours combattu. Marie-Joie attisait toute sa colère contre l'institution, mais détenait le pouvoir de lui raviver les souvenirs doux et sucrés de sa jeunesse dorée.
"- Mais nous ne sommes pas là pour se remémorer du passé. Si j'ai demandé que tu viennes, c'est pour discuter plus sérieusement du futur. Et surtout de l'avenir de Terra.
- Tu parles des débats autour d'un potentiel rattachement du pays à un Empereur, n'est-ce pas ?
- Tout juste."
Un courant d'air survola la bourgade. Quelques senteurs champêtres arrivèrent aux nez des deux hommes, en train de savourer leur petit-déjeuner. Mountbatten porta sa boisson à ses lèvres, avant de la finir d'un seul trait. Flika termina de déguster une chocolatine, et se cala au fond de sa chaise. Avant de traiter les choses sérieuses, le Fantôme s'attarda l'espace d'un instant sur une perdrix qui volait, au loin. Elle semblait libre, dénuée de chaînes. Elle virevoltait ici et là, sans saisir toute la chance qu'elle avait, sans conceptualiser sa propre condition. Peut-être qu'elle serait amenée à se rendre compte de tout cela le jour où elle sera mise en cage, contre sa volonté.
"- Kiyori me paraît être la meilleure candidate de tous.
- J'ai cru comprendre, oui. Tu sais, j'entends aussi les bruits de couloirs.
- Et toi alors ?
- Honnêtement, Mount, je ne sais pas. Je veux le meilleur pour les miens, c'est indiscutable. Se placer sous l'autorité d'un Empereur pirate pourrait assurer la sécurité de l'île. C'est un argument que je conçois tout à fait, vois-tu. Mais c'est l'idée d'être sous l'autorité de pirates qui me gêne. Ces gens-là… Ces gens-là ne sont pas dignes de confiance. Ils sont sournois, vils, barbares. Et je ne souhaite pas que la Terra se base sur un accord conclu avec des forbans pour s'assurer la paix."
L'exposé était juste. Le Marijoan était même d'accord. Toutefois, il était investi d'une mission : rallier Terra à Kiyori, coûte que coûte. Il avait conclu un contrat avec Daren Livingstone, l'émissaire de Ravrak. Il ne pouvait s'en défaire : pour recouvrer sa liberté, il devait faire en sorte que l'alliance ait lieu. Et ce, même si cela allait à l'encontre de ses propres convictions.
"- Mais Kiyori n'est pas une pirate de bas étage, prompte à piller et voler tout ce qui se trouve sur son passage. La déesse enfant possède des territoires proches de Terra, qui pourront dissuader quiconque de toucher à l'île, sous peine de se retrouver traquer par une demi-douzaine de flottes. Surtout que nous sommes proches de Kyoshima, son fief. Il est vrai que nous sommes également à proximité de certaines îles de Teach : mais il correspond au type de forban que tu as décrit tout à l'heure. Teach, lui, n'est pas fiable. Kiyori, elle, l'est.
- Je suis d'accord pour dire que Kiyori représente un choix raisonnable. Mais nécessite-t-on de la protection d'un Empereur ?
- L'Imperiosa l'a dit elle-même : Terra ne saurait pas se défendre contre des assauts plus puissants de la part du Gouvernement Mondial. Les troubles ont secoué toute l'île, et nous avons mis du temps à y mettre un terme. Et tout ça, alors que ce n'était que le fait d'une équipe du CP9. Une équipe. En conséquence, je te laisse imaginer ce que ça ferait si la Marine débarquait demain avec la force d'un Buster Call. Il faut accepter que Terra se trouve maintenant en opposition ouverte avec Marie-Joie, et tout est envisageable à partir de là. Mieux vaut prévenir que guérir.
- C'est… Pas faux. Alors soit, va pour Kiyori. Mais Terra devra garder le contrôle de ses affaires intérieures. Je ne veux nullement voir des pirates diriger le pays depuis le palais des Cents Familles.
- Ça n'arrivera pas. Sekiza n'accepterait en aucun cas, non. Des îles sous la protection d'Empereurs et qui conservent leur souveraineté, il y en a une myriade."
Le maréchal semblait déstabilisé, presque inquiet. Ce que disait le Fantôme avait du sens. Mais voir sa patrie sous un protectorat heurtait son patriotisme de plein fouet. Il fallait faire avec : c'était soit ça, soit le risque de voir le feu des Dragons Célestes se déverser sur le royaume.
Ainsi, il émergea de son repos pour se sustenter sur la terrasse de l'hôtel. Il devait être dix heures du matin, à en juger la lueur croissante qui illuminait la plaine. Il était seul. Personne n'occupait les cinq autres tables disposées à l'extérieur. Il faut dire que le coin était peu fréquenté. La fille du propriétaire apporta à l'officier une tasse de café noir, ainsi que plusieurs viennoiseries. Elle devait avoir quatorze ou quinze ans, à en juger ses traits juvéniles. Elle le servit d'une façon maladroite, si bien qu'elle faillît renverser son breuvage du matin sur lui. Le Marijoan esquissa un sourire effacé, tiraillé entre son dédain et sa politesse. Tant que ses habits étaient intacts, il n'y avait aucune raison de s'emporter. Mais il n'y pouvait rien, l'incompétence avait le don de l'agacer.
L'accalmie fut cependant de courte durée. Une autre personne s'approcha, dans le dos de Mountbatten, sans s'annoncer.
Le Fantôme leva son poignet pour consulter l'heure, tout en sirotant son café.
"- Pile à l'heure.
- Et même avec cinq minutes d'avance." Rectifia l'inconnu.
L'autre homme prit place en face du stratège. Il était rasé de près. Son visage était parsemé de traits fins et tout à fait agréables à regarder, ce qui contrastait avec l'aspect sec et rugueux de sa peau. Ses yeux transpiraient d'un optimisme communicateur, d'un enthousiasme qui évoquait celui des enfants. Mais en s'y attardant de plus près, on pouvait apercevoir quelques rides – aussi infimes soient-elles. Anormales pour son âge, mais communes pour un soldat comme lui.
"- Sympathique paysage, n'est-ce pas ?
- C'est pas mal, mais pas aussi beau que dans mon patelin.
- D'où viens-tu déjà ?
- Vesucia, plus au nord. On peut admirer le golfe de Cyroos, d'une splendeur inégalée. Il y a fait constamment un temps ravissant. Petit, j'allais sans cesse sur la plage pour jouer avec mes copains. On jouait au ballon, puis on allait se baigner… Mais bon, tu vas inévitablement me dire que mon attachement au lieu trouble mon jugement… Et tu as sûrement raison !" Dit Flika, avant de s'esclaffer.
"- M'enfin, je suis sûr qu'il doit y avoir un peu de vérité, quand même. J'irais, un jour.
- Du reste, ça me fait penser que je n'ai jamais su d'où tu venais.
- Je viens de l'étranger, alors ça risque de ne pas…
- Oui, oui ! Ça, je sais, mais parle-moi un peu du coin où tu as grandi !
- Ah ! Eh bien… J'ai grandi à Marie-Joie. "
Le premier maréchal, qui avait entre-temps attrapé un croissant, s'arrêta de mâcher un instant, avant de reprendre de plus belle.
"- S'il y a bien une ville de l'étranger que je connaisse, c'est bien elle. C'était comment ?
- C'était prodigieux. Ça me manque.
- Pourquoi ne pas y retourner alors ? Pendant tes permissions ?
- Tu oublies, cher Flika, que je ne suis pas forcément bien vu par le Gouvernement Mondial."
Embarrassé par sa propre question, le militaire se gratta la nuque et arbora un air désolé. Son interlocuteur baissa les yeux. Il se remémorait les souvenirs exquis de son enfance, avec ses frères et ses parents. Ils lui manquaient, mais il ne pouvait pas les revoir. Tout ce qu'il avait désormais, c'était une Vive Card qui pointait sur son père. Mais Severus Mountbatten siégeait à la ville judiciaire, Enies Lobby. Impossible de s'y rendre, pour l'instant. Le Fantôme maudissait le Gouvernement pour tout son machiavélisme. Lui qui l'avait utilisé comme bouc-émissaire sur Vindex, et qui l'avait par là même repoussé vers le camp des hors-la-loi. Il avait été forcé d'être ce qu'il avait toujours combattu. Marie-Joie attisait toute sa colère contre l'institution, mais détenait le pouvoir de lui raviver les souvenirs doux et sucrés de sa jeunesse dorée.
"- Mais nous ne sommes pas là pour se remémorer du passé. Si j'ai demandé que tu viennes, c'est pour discuter plus sérieusement du futur. Et surtout de l'avenir de Terra.
- Tu parles des débats autour d'un potentiel rattachement du pays à un Empereur, n'est-ce pas ?
- Tout juste."
Un courant d'air survola la bourgade. Quelques senteurs champêtres arrivèrent aux nez des deux hommes, en train de savourer leur petit-déjeuner. Mountbatten porta sa boisson à ses lèvres, avant de la finir d'un seul trait. Flika termina de déguster une chocolatine, et se cala au fond de sa chaise. Avant de traiter les choses sérieuses, le Fantôme s'attarda l'espace d'un instant sur une perdrix qui volait, au loin. Elle semblait libre, dénuée de chaînes. Elle virevoltait ici et là, sans saisir toute la chance qu'elle avait, sans conceptualiser sa propre condition. Peut-être qu'elle serait amenée à se rendre compte de tout cela le jour où elle sera mise en cage, contre sa volonté.
"- Kiyori me paraît être la meilleure candidate de tous.
- J'ai cru comprendre, oui. Tu sais, j'entends aussi les bruits de couloirs.
- Et toi alors ?
- Honnêtement, Mount, je ne sais pas. Je veux le meilleur pour les miens, c'est indiscutable. Se placer sous l'autorité d'un Empereur pirate pourrait assurer la sécurité de l'île. C'est un argument que je conçois tout à fait, vois-tu. Mais c'est l'idée d'être sous l'autorité de pirates qui me gêne. Ces gens-là… Ces gens-là ne sont pas dignes de confiance. Ils sont sournois, vils, barbares. Et je ne souhaite pas que la Terra se base sur un accord conclu avec des forbans pour s'assurer la paix."
L'exposé était juste. Le Marijoan était même d'accord. Toutefois, il était investi d'une mission : rallier Terra à Kiyori, coûte que coûte. Il avait conclu un contrat avec Daren Livingstone, l'émissaire de Ravrak. Il ne pouvait s'en défaire : pour recouvrer sa liberté, il devait faire en sorte que l'alliance ait lieu. Et ce, même si cela allait à l'encontre de ses propres convictions.
"- Mais Kiyori n'est pas une pirate de bas étage, prompte à piller et voler tout ce qui se trouve sur son passage. La déesse enfant possède des territoires proches de Terra, qui pourront dissuader quiconque de toucher à l'île, sous peine de se retrouver traquer par une demi-douzaine de flottes. Surtout que nous sommes proches de Kyoshima, son fief. Il est vrai que nous sommes également à proximité de certaines îles de Teach : mais il correspond au type de forban que tu as décrit tout à l'heure. Teach, lui, n'est pas fiable. Kiyori, elle, l'est.
- Je suis d'accord pour dire que Kiyori représente un choix raisonnable. Mais nécessite-t-on de la protection d'un Empereur ?
- L'Imperiosa l'a dit elle-même : Terra ne saurait pas se défendre contre des assauts plus puissants de la part du Gouvernement Mondial. Les troubles ont secoué toute l'île, et nous avons mis du temps à y mettre un terme. Et tout ça, alors que ce n'était que le fait d'une équipe du CP9. Une équipe. En conséquence, je te laisse imaginer ce que ça ferait si la Marine débarquait demain avec la force d'un Buster Call. Il faut accepter que Terra se trouve maintenant en opposition ouverte avec Marie-Joie, et tout est envisageable à partir de là. Mieux vaut prévenir que guérir.
- C'est… Pas faux. Alors soit, va pour Kiyori. Mais Terra devra garder le contrôle de ses affaires intérieures. Je ne veux nullement voir des pirates diriger le pays depuis le palais des Cents Familles.
- Ça n'arrivera pas. Sekiza n'accepterait en aucun cas, non. Des îles sous la protection d'Empereurs et qui conservent leur souveraineté, il y en a une myriade."
Le maréchal semblait déstabilisé, presque inquiet. Ce que disait le Fantôme avait du sens. Mais voir sa patrie sous un protectorat heurtait son patriotisme de plein fouet. Il fallait faire avec : c'était soit ça, soit le risque de voir le feu des Dragons Célestes se déverser sur le royaume.