Robina repensait à son arrivée sur la route de tous les périls, il n’avait pas fallu très longtemps avant que le premier capitaine pirate qu’elle croise n’ait rien à voir avec ceux qu’elle avait pu voir sur les mers bleues, le danger était bien partout sur cette partie du monde, ses parents avaient bien fait de la mettre en garde. Elle devait maintenant ressortir victorieuse, ou bien les pieds devant, de ses premiers pas sur Grand Line, elle plongea Libertalia dans l’alcool en train de flamber, le fil de la lame ainsi que le plat du sabre d’abordage attrapèrent du liquide qui s’embrasa instantanément, son arme était de nouveau prête pour croiser le fer avec Maya.
Elle était essoufflée, elle avait perdu de sa mobilité avec ses côtes fêlées, pourtant, la capitaine pirate n’était pas en reste non plus, elle ne soufflait pas comme la cuisinière, néanmoins, de la sueur coulait sur son front, la douleur qui la rongeait se faisait de plus en plus présente à cause des deux blessures profondes que lui avait infligées le meitou. La borgne boitait fortement du côté gauche, elle n’arrivait plus à le poser sur le sol, c’était une attelle créée avec son pouvoir qui lui permettait d’encore bouger sans handicap, elle allait devoir prendre des risques et accélérer le mouvement pour mettre fin à ce combat le plus vite possible, la situation devenait dangereuse.
Elle ne pouvait pas forcer sur sa jambe de nouveau, la blessure se réouvrirait probablement et elle perdrait le seul avantage qu’elle avait, le bluff du déplacement instantané pour attaquer la jeune femme qui lui mettait tant de bâtons dans les roues. Elle regarda à sa gauche ainsi qu’à sa droite, aucun moyen de tricher pour prendre un ascendant sur la jeune femme, elle lui avait promis des souffrances infinies, et là, c’était elle qui était en train de chercher à fuir, un sourire se forma sur son visage qui aurait pu être doux, sans ce rictus de colère permanent dessus, les rôles étaient maintenant inversés.
Sentant l’hésitation de l’utilisatrice du pouvoir du chocolat, la chasseresse de primes porta son poids sur sa jambe gauche et repartit à l’offensive, elle ne devait pas laisser passer la chance de prendre l’initiative, elle avait subi trop longtemps durant ce combat, il était temps d’inverser les rôles. Un torchon fermement enroulé autour de la poignée qui tenait le wok devenu un bouclier de combat, elle raffermit sa prise et fit remonter le côté bombé de l’ustensile de cuisine vers le visage de la borgne.
Une telle attaque-surprise était trop simple, avec la différence de force, Mayaku avait eu le temps de reprendre ses esprits et de bloquer l’attaque d’une vague de chocolat, cependant, la chaleur qui se dégageait de la sauteuse asiatique était telle qu’elle fit fondre en partie le liquide, le faisant porter à ébullition. La frappe, plus brutale que subtile, passa entre les mailles de sa défense, l’alcool flambant dans le wok aidant lourdement à passer ses défenses ou à stopper ses attaques, la petite savait utiliser sa cervelle même en situation de mort, elle aurait été une parfaite seconde.
La Sanderrienne ne pouvait pas faire de grands mouvements, la douleur sur ses côtés allait se réveiller sinon, elle était même déjà là, transperçant ses flancs à chacun de ses mouvements, néanmoins, elle serrait les dents, ici, pas question de lâcher quoi que ce soit, c’était une question d’honneur et de vie et de mort. Le sabre à la garde en forme de coquillage frappa en ciseau, au niveau du bassin de la jeune pirate aux pouvoirs démoniaques, pendant que le marteau frappait le haut, la cisaille frappait le bas.
D’un soru forcé, l’ancienne agent du Gouvernement Mondial se dégagea de l’attaque venant des deux directions, cependant, la jeune femme aux cheveux bleus n’avait pas dit son dernier mot, elle poussait encore et toujours son avantage, laissant de côté la douleur qui pouvait la handicaper. Toutefois, la borgne chocolatée n’allait pas se laisser malmener sans rien faire, elle n’avait peut-être plus que deux membres de valides, mais elle pouvait en créer à volonté autant qu’elle le voulait, et cela allait être son chant du cygne si c’était bien la fin de son aventure sur les mers de la route de tous les périls.
Robina vit la capitaine pirate se préparer, elle ne voulait pas la laisser faire, malgré cela, elle vit passer Hootsuki devant elle, entre les deux adversaires avec son challenger, sa lame de samouraï bloquant un biscuit visant ses hanches. Alors que la capitaine de l’Iceberg les contournait, elle vit que plusieurs bras et jambes avaient émergé du néant pour créer une hydre multicéphale prête à la frapper de toute leur puissance, si cela n’était pas une technique pour se débarrasser pour de bon d’elle, elle ne savait pas ce que c’était.
Elle attrapa une des bouteilles d’alcool qu’elle avait accroché à sa hanche et la porta à sa bouche, déjà les « gueules » de l’hydre fondaient sur elle, elle n’avait que quelques fractions de seconde avant de se faire brouiller et submerger par le nombre d’attaques qui la visait en même temps. Alors que le liquide ambré, dont raffolait la cuisinière durant ses heures de pauses, coulait vers la surface brûlante de son wok de combat, elle pouvait voir le chocolat se rapprocher d’elle, les pieds, les mains ne cherchant qu’à lui faire du mal.
Alors que la pointe du whisky qui se trouvait dans la bouteille touchait la surface enflammée dans l’ustensile de cuisine, une vague de flamme remonta jusqu’au goulot contenant la délicieuse ambroisie pour commencer à chauffer le verre à l’intérieur, la main gauche tenant Libertalia ainsi que la bouteille et la droite avec son wok, la Sanderrienne s’enfonça dans la tornade chocolatée.
Elle allait combattre le chocolat par la chaleur et rien de mieux que plus de flammes pour contrer cette vague monstrueuse, elle avait l’impression de n’être qu’une lueur dans cette obscurité chocolatée, pourtant, elle faisait de son mieux, aspergeant les attaques de son alcool qui flambait encore, faisant des moulinets puissants et rapides pour trancher dans la masse. Le wok, brûlant, aspergeait à chacun de ses mouvements autour de lui, sa manipulatrice ainsi que l’univers chocolaté autour de lui de gerbes de flammes, le tout fondait lentement, une tornade de flammes se frayait un chemin inexorablement à l’intérieur de ce tsunami de chocolat.
Aaaaaaah !
Dans un cri long et puissant, l’ambassadrice de Sanderr sortit de cette masse qui la recouvrait, du chocolat partout sur le corps, plusieurs poings et jambes avaient réussi à la frapper dans ce chaos ambiant, elle avait des côtes brisées, plusieurs, au moins trois de ce qu’elle pouvait en dire. Pourtant, c’était ici que tout se jouait, les yeux ronds de Mayaku Miso s’ouvrirent alors qu’elle voyait son adversaire sortir de la masse que formait son hydre chocolatée, le meitou recouvert de flammes ainsi que son ustensile de cuisine encore brûlant se rapprochaient déjà d’elle, elle ne pouvait rien faire, ses jambes ne lui répondaient pas.
Libertalia mordit dans le bras indemne de Maya, hurlant de douleur, elle tenta tant bien que mal de refermer la plaie qui venait de s’ouvrir, cependant le travail n’était pas encore fini pour la jeune femme aux cheveux bleus recouverts de chocolat qui se retourna en passant derrière son ennemi et partit d’un revers puissant de son wok brûlant. L’os se brisa sous l’impact, la chaleur de l’ustensile de cuisine fit fondre le chocolat ambiant, libérant Robina du piège qui se refermait sur elle, l’utilisatrice du fruit du démon perdit l’équilibre, elle ne tenait plus sur ses deux jambes, qui étaient devenues inutilisables, elle perdit connaissance face à la douleur qui l’assaillait, la substance ambiante fondit sur le sol pour disparaître peu à peu à travers les planches du pont supérieur, la cuisinière venait de gagner, et il n’était pas trop tôt, elle avait l’impression que cela faisait un an que cet affrontement avait commencé.
Elle rangea difficilement Libertalia dans son fourreau de cuir, les contorsions qu’elle devait faire pour dégainer étaient simples quand elle avait la totalité de ses moyens, des côtes cassées et cela devenaient beaucoup plus difficiles, mais l’attacher sur ses hanches l’aurait gêné, en tout cas c’était son avis. Laissant le corps inerte de la femme aux pouvoirs de fruit du démon au sol, elle porta son poids sur sa jambe droite, une attaque l’avait touché sur la gauche, lui créant une horrible douleur à chaque fois qu’elle posait le pied sur le sol.
Utilisant son ancien ustensile de cuisine comme une béquille, elle prit appui dessus pour revenir vers les Glaciers qui avaient maîtrisé les hommes de Miso, même les cocottes revenaient vers la capitaine de l’Iceberg après avoir vaincu son adversaire de bonbon. Le regard bleu de la cuisinière se posa sur ses hommes, certains étaient blessés, mais tous vivraient un autre jour, rien de grave ne leur était arrivé, le quartier-maître vit l’état dans lequel se trouvait sa supérieure et donna des ordres, ils devaient faire vite, déjà des hommes la prenaient sur les côtés, pour la soutenir, faisant attention pour ne pas la blesser plus qu’elle ne l’était.
Monsieur Lanch, occupez-vous d’emprisonner la capitaine pirate ainsi que les autres utilisateurs de fruits du démon de son équipage, faites en sorte qu’ils ne puissent pas s’échapper.
Ça sera fait, capitaine ! Que faisons-nous pour les autres ?
Enfermez-les à double tour dans nos cellules, nous déposerons tout ce beau monde quand nous serons arrivés à destination.
Bien reçu, commandante.
Et quartier-maître, félicitation pour avoir réussi à sauver tout le monde de ce bourbier.
Il n’y a pas de quoi, capitaine.
Faites prévenir monsieur Shui, nous devons aller prévenir la Translinéenne qu’ils sont hors de danger.
Oh, ils le savent déjà, mademoiselle l’ambassadrice, leur navire se rapproche déjà de notre galion.
Le sloop de l’entreprise de transport se rapprocha, le capitaine regardait attentivement la situation du navire de ligne, depuis le début, grâce à sa longue-vue qu’il avait portée à l’œil, il retira son appareil et regarda les hommes d’équipage qu’il restait à la borgne ainsi que les prisonniers possédant des pouvoirs se faire attacher et mettre à l’eau, une bouée sous les bras.
Eh bien, madame, je dois dire que je suis surpris de voir que vous avez réussi à vaincre cette bande de pirates, ils sont plutôt connus sur la route de tous les périls et ne sont pas des tendres.
Je me suis surprise moi-même.
Nous ne sommes plus qu’à quelques encablures de l’Archipel aux Eveillés, je vous remercierai là-bas de façon plus correcte.
Pas de problèmes, nous vous suivons.
La fatigue et la douleur ne laissaient pas l’esprit clair à la Sanderrienne qui se voyait déjà partir, soutenu par ses hommes, on la déposa dans sa cabine où on la laisserait dormir le temps de la traversée tout du moins, au minimum, puis une fois les affaires réglées avec la Translinéenne, elle pourrait de nouveau prendre congé. Trois heures de sieste, amplement méritée, permirent à Apolo de travailler pour immobiliser la cheville de la jeune femme qui se trouvait foulée, pour les côtes, il ne pouvait rien faire, mis à part passer un gaz autour du torse de sa patiente et appliquer un antidouleur local.
Se réveillant en ayant l’impression de s’être fait rouler dessus par des yacks, Robina ouvrit les yeux pour se retrouver devant le port de l’Archipel aux Eveillés, les sloops de transport de la compagnie maritime se trouvaient non loin de là et déjà le commandant de la flotte se trouvait devant le galion, attendant que la rampe d’accès soit descendue.
Capitaine Erwolf, permission de monter à bord ?
Permission accordée, faites descendre la rampe, et que tout le monde se détende, nous l’avons tous bien mérité.
En quelques instants, le morceau de bois frappa le ponton du quai et le capitaine de la Translinéenne monta pour discuter dans les quartiers de la capitainerie de l’Iceberg.
Mademoiselle, j’ai une offre à vous faire, normalement, nous ne la faisons pas aux autres navires, mais comme vous venez de nous sauver, j’ai eu l’aval de mes supérieurs pour vous vendre ceci.
Il posa une boîte contenant un appareil ressemblant étrangement au logpose que tout le monde utilisait, à la différence qu’un bouton-poussoir se trouvait sur le côté, pas plus gros qu’un ongle.
C’est un gyropose, il permet de se déplacer librement sur la route de tous les périls, que vous alliez en avant, en arrière, vous pouvez même trouver les îles qui se trouvent sur les autres voies si elles sont assez proches.
C’est très généreux de votre part, j’accepte avec joie ce cadeau.
Le problème, madame, c’est que la compagnie ne peut pas vous le laisser pour rien. Vous nous avez sauvés, cependant, nous sommes avant tout des commerçants et nous devons essayer de minimiser les pertes.
Je vois, et combien cela va me coûter ?
Une toute petite somme, avec ce que vous allez récupérer de la capture de l’équipage pirate de Mayaku Miso, ainsi que de sa personne.
Et cette petite somme s’élève à combien exactement ?
Tout juste dix millions.
Le prix fit hoqueter la cuisinière, elle ne s’était pas attendue à une telle somme à devoir débourser pour avoir un tel objet, mais l’avantage qu’elle tirerait de pouvoir voyager selon son bon vouloir vaudrait largement la somme, en tout cas c’était son point de vue.
C’est d’accord, je vais même vous régler maintenant, j’ai quelques réserves.
Elle donna alors les dix millions convenus à l’homme en sortant les billets d’un petit coffre-fort qui se trouvait dans le bureau, camouflé par le bois et la largeur des pieds. L’homme s’inclina avant de parti avec le pécule, il ne comptait pas s’embarrasser à rester plus longtemps avec des clients dont il n’avait plus rien à faire.
Quant aux marines de l’Archipel aux Eveillés, il leur fallut plusieurs jours pour réunir la somme des primes cumulées par la chasseuse de primes, cent quatre-vingt-huit millions pour la capture de Mayaku Miso, huit millions pour Morseur, divisé par trois pour la marine qui avait fait un point d’honneur à réclamer sa prime elle-même et trois millions pour Linnin. À quelques millions près des deux cents millions, un beau coup de filet qui avait fait siffler dans le camp de vacance qu’était la caserne de la marine de l’Archipel.
La chasseresse de primes récupéra les cent quatre-vingt-onze millions et en donna trois pour son travail bien fait aux Cocottes, quand à Hootsuki, elle reçut deux millions six cent soixante-six mille six cent soixante-six berries pour son travail. La capitaine des Glaciers était heureuse, elle n’était pas passée loin de la mort, mais elle avait bien fait son nouveau travail de chasseuse de primes.