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Le début de nouvelles aventures.

Les voiles de l’Iceberg se gonflaient lentement, les trous à l’intérieur de ces dernières n’aidaient pas à la prise au vent, néanmoins, le chemin s’était fait lentement jusqu’au pays natal de Robina. Le bois du navire grinçait à chacune des vagues qui le touchaient, les cordes rongées par l'humidité se désagrégeaient la plupart du temps entre les mains.

Aucune vigie, aucun homme sur les gréements, les voiles étaient déchirées tel un navire fantôme. La coque était trouée à plusieurs endroits avec le bois flotté qui parfois se détachait avec la force des vagues, les hommes faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour maintenir en place les planches qu'il restait.
C'est dans ce décor cataclysmique que le voyage de retour se faisait pour la Sanderrienne toujours choquée par la mort de Vorzoth sur l'Îlot Flottant elle n'était pas totalement dans un état catatonique, cependant elle ne décrochait pas un mot depuis des jours. Pourtant après un voyage qui semblait interminable les côtes de l'archipel de Sanderr se dessinèrent à l'horizon, la cuisinière était sur le pont supérieur les yeux dans la vague quand elle entendit un appel.

Terre en vue, je pense que c'est Sanderr. La voix venait du gaillard avant.

Vous êtes sûr ?

Je pense que oui un pic aussi grand et comme nous l'a décrite mademoiselle Erwolf, je pense que nous sommes bien arrivés à destination.

Le capitaine de la garde du village des hommes-poissons se tourna vers la demoiselle il était ici pour trouver de l'aide et c'est elle qui leur avait dit qu'ils pourraient la trouver ici.


Dernière édition par Robina Erwolf le Mar 24 Aoû 2021 - 2:23, édité 1 fois
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Au niveau du port d'Ykhion :

Au sommet de la tour de guet, se trouvait un marine somnolent, il jetait des regards blasés en direction de la ville pour oublier sa lassitude. Il ne se passait jamais rien dans cette ville et dans cette île en général voire même dans ce pays, pourquoi perdre son temps à vérifier si la capitale se faisait attaquer alors qu'il n'y avait personne. Le matelot de première classe se dit qu'il devrait plutôt demander sa mutation dans une île plus chaude où il pourrait ainsi voir de jolies filles en bikini.

Pour trouver une position plus confortable, il arrêta de prendre appui sur le rebord en bois de la balustrade devant lui et se retourna pour ne pas se meurtrir plus les avant-bras, la dernière affaire avec la révolte de Voltus avait fait grand bruit heureusement que le commandant Vassili et son équipage "La Meute" s'en étaient occupés. Levant les yeux pour regarder la position du soleil et savoir si la relève arriverait bientôt, il entraperçut une tache noire à l'horizon.

Comme cela était une routine, il prit la longue-vue à ses côtés et la porta à son œil pour vérifier que c’était un navire marchand, malheureusement cela n'était pas le cas, il n'avait jamais vu ce navire avant. On aurait cru un bâtiment sorti des histoires et des légendes pirates racontant qu'un navire fantôme s'approchait des îles pour kidnapper les villageois et les emmener en enfer. Peu courageux, il voulut faire semblant de ne rien avoir vu et de s'enfuir en courant en laissant une lettre de démission, néanmoins, il savait aussi que si c'était le cas, il ne pourrait pas échapper à la rafle.

N'ayant jamais utilisé le deuxième objet qui se trouvait avec lui dans la tour de guet, il passa sa main pour enlever la poussière de l'embout du clairon, en utilisant la manche de son uniforme pour ne pas se salir les mains. Ceci fait, il prit une grande inspiration et souffla le plus fort possible dans l'instrument qui lâcha une note puissante, avertissant la caserne de la marine ainsi que des givrelames qu'une attaque sur l'archipel était en vue.

Les deux forces de défense se mirent tout de suite en branle-bas de combat, environ cinquante guardes du pays ainsi qu'un détachement d'une centaine de marines se précipitèrent vers le port pour voir pourquoi le signal d'alarme avait été sonné. Les habitants se réfugièrent à l'intérieur de leurs maisons en voyant l'activité et en entendant le signal, ainsi en quelques minutes la capitale prospère devint une ville fantôme.
Dans un ordre militaire, l'équipage du croiseur monta sur le bâtiment armé, le commandant du détachement des guerriers Sanderriens s'approcha de Gintorino, le lieutenant en charge de la garnison de la marine. Il lui fit un salut militaire que le gradé lui rendit distraitement avant de prendre la parole.

Lieutenant Leevan au rapport.

Que puis-je faire pour vous lieutenant ?

Nous voudrions embarquer sur votre croiseur pour défendre Sanderr ! Après tout, c'est notre pays natal et c'est notre devoir à nous aussi !

Je n'aime pas l'idée de voir une milice privée embarquer sur mon navire, cependant, je dois bien avouer que quelques bras en plus ne nous font pas de mal. Permission accordée !

Leevan se retourna vers ses hommes et leurs fit un signe, dans un seul rythme, les pas de l'armée Sanderrienne résonnèrent sur la rampe de bois, le subordonné de Sinar ne voulait pas laisser la défense du pays aux mains de la marine, il comptait bien montrer que c'était grâce à eux que le pays était en paix. Il salua son collègue d'un hochement de tête avant de suivre ses hommes et de se positionner à un coin du navire pour ne pas déranger les manœuvres de l'équipage.

Toutes voiles dehors ! Détachez les amarres ! Cap au sud ! Nous devons intercepter ce navire inconnu avant qu'il n'atteigne les terres !

Capitaine ! Nous rencontrerons le navire ennemi dans environ dix minutes ! Il semble aller à environ trois nœuds.

Bien ! En attendant, préparez les pièces d'artillerie ! Que l'on transfert les calibre trente-six sur bâbord nous allons envoyer par le fond ces pirates avant même qu'ils ne s'en rendent compte

Capitaine, ce n'est pas un navire pirate ! En tout cas pas d'après ce que je peux voir. Il ne porte pas le pavillon noir !

Sûrement une ruse pour que nous baissions notre garde ! Suivez les ordres et préparez-vous au combat ! Nous n'attaquerons pas les premiers, mais s'ils se trouvent menaçants... Nous n'hésiterons pas à répliquer !

Les manœuvres se firent dans une discipline toute militaire, plusieurs dizaines d'hommes détachèrent les voiles des gréements pour gagner en vitesse, tandis que le barreur mettait le navire de combat sous le vent. Ils gagnèrent en vitesse peu à peu, lentement, ils virèrent de bord sur tribord. Dans les cales, les hommes s'activaient pour pouvoir rapatrier les canons sur bâbord. Cela faisait bien longtemps que le lieutenant Kobold attendait cette opportunité pour sortir de cette affectation dans un trou paumé. S'il faisait ses preuves ici, il pourrait peut-être réussir à aller ailleurs, la pègre se débrouillerait très bien sans lui.
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L'iceberg :

La Sanderrienne reconnaissait le décor qui se découpait devant elle, cela faisait des mois qu'elle était partie de chez elle et le mal du pays qu'elle avait tenté de refouler au fond d'elle ressurgit. Une larme roula le long de ses joues alors que le plaisir de revoir des visages familiers se frayait un chemin dans son esprit, elle avait tant besoin des conseils de son père sur les derniers événements qu'elle avait vécu. Néanmoins, il en restait encore facilement trente minutes pour arriver au port et se retrouver sur le plancher des yaks.

Voyant l'activité sur le port, mais ne distinguant pas exactement ce qui se passait, elle se dit que peut-être, on allait venir lui souhaiter un bon retour. Son teint s'illumina et ses yeux se mirent a briller elle ne s'attendait pas à une fanfare, mais au moins voir son père le plus vite possible peut-être même qu'il attendrait sur le port. Robina vit alors le croiseur et de la marine prendre de la vitesse pour se diriger vers eux une agitation parcourut les hommes-poissons, sur le navire qui n'étaient pas encore baptisé, le danger était palpable.

Plusieurs canons se positionnèrent sur le côté gauche du bâtiment près à en découdre la cuisinière comprit alors que quelque chose n'allait pas.

Pourquoi sortent-ils les canons ? Nous sommes de simples civils !

Ils doivent nous prendre pour des pirates je ne vois que ça comme explication et nous n'avons rien pour nous défendre où pour communiquer avec eux. Est-ce que vous auriez une chemise ou un pantalon blanc ? Pour l'utiliser comme un drapeau blanc, leur montrant que nos intentions ne sont pas hostiles.

Vous savez bien que non, j'ai perdu toutes mes affaires sur l'Îlot flottant et l'un d'entre vous n'a pas un T-shirt ou un vêtement blanc par hasard ? Même s'il n'est pas forcément entièrement blanc du jaune ou quelque chose qui se rapprocherait ça peut peut-être suffire

Vous avez raison nous devons tenter. Le capitaine des guerriers aquatique fit le tour de ses hommes et repéra dans la foule un débardeur blanc.

Donnez-moi ça soldat, nous en avons besoin !

Mais c'est le seul que j'ai capitaine !

Si vous ne me le donnez pas vous pourrez mourir avec ! Alors vous préférez la vie ou votre débardeur ?

La mort dans l'âme, il se retrouve torse-nu en lui tendant son habit.

C'est pour vous tenez.

Merci, peut-être que grâce à vous, nous ne finirons pas au fond de l'eau ce soir.

Arrachant un morceau de bois de la rambarde de sécurité qui entourait le galion antique, il passa la tige dans les ouvertures pour les bras et se mit a découvert pour notifier à la force armée qu'ils venaient en paix. Le message sembla être passé dans les rangs des défenseurs du Royaume-Archipel de Sanderr bien qu'encore à plusieurs centaines de mètres du bâtiment de guerre, on pouvait entendre l'écho des ordres donnés par le lieutenant, on ne distinguait pas ses paroles, mais on pouvait deviner leur sens.

Voyant que la situation était plus ou moins sous contrôle la chasseuse de primes sortie de sa torpeur par la menace imminente de finir au fond de l'eau et regarda le croiseur se rapprocher peu à peu. Le temps s'étira et il parut durer une éternité alors que les deux bateaux se mettaient bord à bord, il fallut plusieurs minutes pour que les hommes-poissons puissent distinguer le visage des hommes qui leur faisaient face.
La jeune femme aux cheveux bleus chercha dans la foule des hommes armés un visage familier. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit que Leevan était sûr la teugue, sur le gaillard avant. Leurs regards se croisèrent et elle agita les mains frénétiquement dans sa direction en criant son nom.

Leevan ! Leevan ! Leevan ! C'est Robina ! On ne vous veut pas de mal, je veux juste rentrer à la maison !

Entendant ces paroles le lieutenant des givrelames se dirigea vers le lieutenant Kobolt pour régler le quiproquo.

Vous pouvez ranger vos armes, je connais cette femme, c’est la fille du conseiller royal Danjai Erwolf. Nous ne craignons rien, elle ne ferait pas de mal à une mouche. Quant aux hommes qui l'accompagnent, je ne les connais pas, mais si elle voyage avec eux, je pense qu'on peut leur faire confiance.

Vous êtes sûr de vous ?

Absolument sûr.

Ce qu'il ne disait pas, c'est qu'il connaissait cette jeune femme depuis maintenant plusieurs années, il se garda bien de le dire et sous un regard inquisiteur, il soutint les yeux du Lieutenant. Ne sentent aucune tromperie, le marine se retourna en criant, ses ordres.

On fait demi-tour ! Fausse alerte ! Ce n'était qu'une enfant qui s'était perdue loin du pays ! On rentre à la caserne une journée de permission à tout ce qui se trouve ici !

Un murmure d'approbation circula dans les rangs de l'armée du gouvernement mondial qui fit encore plus vite demi-tour que la Sanderrienne pensait qu'il était possible de faire. Le lieutenant des givrelames en profita pour changer de navire et prendre des nouvelles de la jeune femme qui était partie depuis plusieurs mois.

Alors raconte-moi tout, comment ça a été dans le monde extérieur ?

La jeune fille souffla, elle était épuisée de ces dernières aventures, autant physiquement que moralement, elle baissa la tête avant de remonter ses yeux embués dans le regard du ténébreux Leevan.

Ça a été horrible dès le début, à mon départ de l'archipel, mon navire s'est échoué sur une petite île déserte où j'ai dû manger des insectes pour survivre. Un cauchemar. C'était soit ça, soit manger des cadavres et je n'avais clairement pas envie.

Une grimace de dégoût sur le visage, à l'idée de la situation dans laquelle avait été la jeune femme, il lui posa une main sur l'épaule avant de continuer la conversation avec un sourire.

Cela s'est arrangé par la suite, j'en suis sûr, ta malchance ne t'a pas suivi aussi longtemps.

Tu te trompes, j'ai perdu un concours de cuisine en arrivant sur Cocoyashi, je n'avais pas un sou et je suis devenue chasseuse de primes pour pouvoir me faire de l'argent. J'avoue que sur ce dernier point je ne regrette pas ma décision, même si j'ai failli mourir contre le proxénète que j'ai attrapé. Il y a eu Abou Dhabi ensuite qui s'amusait à tuer les personnes les plus riches de l'île de La Veine, je ne sais pas comment j'ai réussi à le battre. Peut-être y avait-il un peu de chance, ce que j'étais venu chercher là-bas, ensuite pour mettre la cerise sur le gâteau sur le chemin de retour, je me suis encore échouée.

Ta malchance légendaire te suit partout, il semblerait.

En effet, l'Îlot flottant, je pense que tu connais aussi une île où il fait chaud à en mourir plein de moustiques et de créatures dangereuses, où il fait humide, rempli de cannibales. Ils n'ont fait qu'une seule chose, tenter de me sacrifier pour réaliser une sorte de prophétie mystique d'après les dires d'un autochtone qui m'a expliqué la situation.

Mais tu es ici, tu as réussi à t'en sortir, c'est le plus important.

À l'évocation de la fin de son périple sur la dernière île qu'elle avait visité, la culpabilité remonta à la surface et elle se mit à sangloter.

J'ai tué quelqu'un là-bas Leevan ! J'ai été obligé de le tuer ! Pour m'en sortir, mais je ne voulais pas le faire ! Je voulais juste le mettre hors d'état de nuire qu'il ne puisse plus faire de mal, mais je lui ai tranché la gorge, je suis devenue une meurtrière, un assassin, je ne vaux pas plus que lui, j'ai honte de moi.

En voyant l'état dans lequel était son ami d'enfance le jeune homme la prit dans ses bras et la serra contre lui pour la réconforter.

Ne t'inquiète pas. Maintenant, tu es de retour chez toi et il ne t'arrivera rien de mal, je peux te le promettre.

Craquant, le barrage des larmes que retenait Robina se rompit et elle fondit en pleurs dans les bras du jeune homme alors que le galion antique s'amarrait au port.
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Le port de Ykhion :

Danjai Erwolf se faisait un sang d'encre, en effet lors de leur retour à la capitale il avait reçu un appel des givrelames lui indiquant que sa fille se trouver à bord. Il avait encore des devoirs à faire pour le pays, toutefois sa famille passait avant tout, elle était sa fille unique et comme la prunelle de ses yeux. Très clairement papa gâteau, il l'avait encouragé dans son entreprise à devenir la meilleure cuisinière du monde, cependant elle ne lui avais pas donné de nouvelles depuis son départ, il s'était fait du mouron.

Le voilà maintenant enveloppé dans son manteau en fourrure d'ours polaire impatient de revoir sa choupette. Il ne fit même pas attention à l'état de délabrement du navire, aux hommes-poissons qui faisaient lieu d'équipage, tout ce qu'il vit c'était l'air déconfit et les larmes qui coulaient sur les joues de sa fille. Un sentiment d'urgence, d'impuissance et de colère parcourut le conseiller royal qui se précipita vers sa chair pour la réconforter. Dans la précipitation, il poussa sans ménagement Leevan et plongea ses yeux dans les pupilles de sa gazelle en miel.

Ma choupette ! Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Dis-moi tout !

Et ben ! Et ben ! Je... J'ai tué quelqu'un papa ! J'avais pas le choix ! C'était lui ou moi ! Est-ce que ça fait de moi une pirate ? Est-ce que je suis devenu une criminelle ?

Mais non pas du tout. Tu n'as fait que te défendre, ne t'inquiète pas, ça va aller, tu es en sécurité maintenant. Je vais prendre quelques jours de congé, on va rentrer dans notre maison à Asnia, ça te permettra de te reposer au calme. Allez vient, ma puce, rentrons à la maison, tu m'expliqueras tout chez nous.

La navette devait arriver plusieurs heures plus tard, pourtant pour protéger les sentiments de sa progéniture l'homme ne pipa mot, il ne voulait pas aggraver le traumatisme qui accablait la prunelle de ses yeux. C'est dans un silence tendu que le givrelame resta à garder les deux membres de la famille Erwolf. Le voyage jusqu'à Asnia mit à peine une trentaine de minutes et pourtant, cela parut une éternité pour la Sanderrienne qui revivait son combat contre Vorzoth.

Refermant sans bruit la porte de bois de la maison familiale, le père regarda avec impuissance sa fille rentrer dans sa chambre. Il ne savait pas quoi lui donner comme conseil pour qu'elle surmonte cette épreuve. Il avait beau se creuser la tête rien ne lui venait, même lorsque l'heure de faire la cuisine vint sa fille ne se leva même pas pour l'aider, alors qu'il connaissait son amour pour son travail. Elle broyait toujours du noir sur son matelas, c'est la mort dans l'âme qu'il rentra dans sa chambre pour s'endormir et chercher conseil.
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Maison des Erwolf :

Danjai se leva aux aurores comme à son habitude, il tailla sa moustache et brossa ses cheveux gominés en arrière finissant sa toilette avant même que les premiers bruits à l'extérieur ne retentissent. Aujourd'hui, il avait bien l'intention de sortir sa fille de sa torpeur Robina était encore la tête ensevelie dans son oreiller elle ne l'avait pas touché depuis plusieurs mois et pourtant, il avait l'impression de retrouver la petite fille qui lui manquait en ce moment.

C'est l'heure du petit-déjeuner, allez, on se bouge jeune fille.

Une voix clairement cassée s’éleva dans la pièce.

Je n'ai pas faim ça ira.

Ah, mais moi, j'ai faim ! Tu veux bien me faire le petit-déjeuner comme tu me faisais avant. Tu sais ce que j'aime manger n'est-ce pas ?

Elle tourna la tête vers son père, les yeux rougis par les larmes qui avaient coulé une grande partie de la nuit. Elle faisait peine à voir, son chagrin et sa souffrance étaient palpable pourtant, le père de la famille resta de marbre, de moins en surface. Elle renifla et fit couler une dernière larme le long de sa joue, qui se fit absorber par l'oreiller avant de prendre la parole.

Tu aimes bien les tartines de pain grillé avec du fromage de yak affiné plus d'un an, je ne sais pas comment tu fais pour avaler ça le matin dans un grand bol de café. Non, je suis désolé, je suis cuisinière et je sais que tous les goûts sont dans la nature, mais ça papa ce n'est pas possible.

Et pourtant ma fille, c'est ce que tu vas me préparer ce matin, je vais chercher le pain, je te laisse préparer le reste, j'arrive.

De gros flocons tombaient dehors, l'hiver qui ne quittait jamais l'archipel de l'année, c'était installé encore plus depuis quelques semaines. Il remonta les rebords de son manteau en ours polaire, enfila un gros bonnet de laine sur ses oreilles et sauta dans ses bottes fourrées avant de mettre le pied à l'extérieur, il espérait au moins que ceci ferait bouger sa fille.

À l'intérieur de la seule maison en pierre de l’île, la longue chevelure de la jeune femme se souleva, un mal de crâne terrible la sciait, mais une part d’elle restait professionnelle et elle se dit qu'elle devait bien préparer tout cela. Elle allait en profiter pour faire le sien aussi, son père ramenait le pain, à elle de s'occuper du reste, pour le café rien de plus simple, elle prit quelques grains qu’elle mit dans un mortier qu’elle broya avec le pilon. Quand la mouture fut assez fine à son goût elle déposa son travail sur un carré de tissu filtrant, il ne lui restait plus qu'à faire chauffer l'eau dans une casserole pour pouvoir préparer la boisson et pour ça, il fallait allumer le piano.

Le piano était un énorme plan de travail ou quatre bouches se trouvaient chacune à l'un des coins de la cuisinière à bois, elle récupéra quelques bûches qui se trouvaient à portée de main Tailler pour l'occasion elle les jeta dans l'âtre, elle cassa quelques brindilles mises de côté et les déposa au-dessus des quelques bûches avant d'utiliser le silex et l’amadou pour les frotter ensemble et créer une étincelle pour allumer le feu. Elle vérifia que le foyer partait bien et qu'elle pouvait le laisser sans surveillance puis elle ferma la porte et ouvrit la trappe sous le départ de flamme pour avoir un apport en oxygène.

Elle déposa une casserole pleine d'eau pour la mettre à chauffer sur le plan, sur la plaque en fonte au-dessus des flammes, pour le fromage de yak rien de plus simple : il suffisait d'ouvrir le frigo et en quelques secondes elle sut qu'il y en avait à l'intérieur, l'odeur puissante de la tomme prit au nez la gastronome, qui bien que trouvait cela pas forcément très agréable se rappelait des nombreux repas quelle avait partagé avec son père au petit-déjeuner. Le regard qu’elle avait eu la première fois qu'il lui avait demandé ce qui était pour elle une hérésie à savoir ce qu'elle était en train de préparer en ce moment son père s'en souvenait encore.

À ce souvenir, son visage se décrispa, pour la première fois depuis plusieurs jours, un sourire sur son visage se dessina et non pas une expression de tristesse. Cela l'a surpris, elle n'avait pas pensé réussir à être heureuse de nouveau dans sa vie un jour. À croire que la vie lui réservait encore des surprises. Ne voyant pas de bloc de bois contenant des couteaux de cuisine, elle fit demi-tour vers sa chambre pour récupérer les siens, malheureusement elle se stoppa sur le pas de la porte en voyant Libertalia sur le sol.

Il ne lui restait plus que ça comme lame, c'était la seule chose avec laquelle elle pouvait cuisiner, pourtant, elle se le refusait, comment pouvait-elle nourrir son père et elle avec une lame qui avait pris la vie ? La nourriture permettait de vivre, de partager, d'apprécier ce qui nous entourait. Elle avait fait le contraire en mettant fin au jour du chef des cannibales, figer elle attrapa le battant de la porte de sa chambre et la referma, elle ne pouvait pas utiliser cet instrument maudit, elle ferait donc avec les moyens du bord.

Un couteau à bord arrondi ferait très bien l'affaire, elle attrapa le premier qui lui passa sous la main et commença à mordre dans le fromage odorant, faisant une tranche d'un bond de demi-centimètre. Cependant, le couteau était légèrement dentelé, la lame n'était pas droite et cela laissait des sillons. La demoiselle qui était perfectionniste était très loin d'apprécier, elle se fit une idée, se disant que quand le fromage pestilentiel serait fondu sur le pain grillé, on ne les verrait plus, mais elle le saurait au fond d'elle-même.

Glissant sur la gauche, elle vérifia que les bûches avaient bien prises dans l’antre, quelques flammes crépitaient au-dessus du bois alors que la chaleur se répandait dans l'âtre et que les bûchettes s’enflammaient. Elle déposa son récipient d'eau au milieu de la plaque de fonte et se détourna du fourneau. Les tranches qu'elle venait de découper trouvèrent leur place sur un petit plateau en céramique qu'elle réserva sur le côté quand elle ferait griller le pain au retour de son père.

C'est à ce moment-là que l'estomac de notre héroïne principale se réveilla par un puissant grondement qui résonna dans toute la pièce, la vie reprenait son cours par ce petit geste qu'elle n'avait pas fait depuis un moment. C’était un des guerriers homme-poisson qui avait défendu le temple qui s'était occupé de la cuisine pendant leur voyage, jusqu'au royaume, elle avait grommelé très souvent que la qualité n'était pas au rendez-vous. Toutefois, elle n’était pas en état mental de prendre sa place, elle avait donc subi en silence avalant quelques bouchées à peine par repas.

Ne pouvant résister à l'appel de ce besoin primaire, elle chercha à l'intérieur du frigo pour voir s’il n'y avait pas une petite escalope de morse à faire griller, cela faisait des mois qu'elle n'en n'avait pas mangé et elle avait envie de se faire plaisir, rien à l’intérieur néanmoins. Peut-être aurait-elle plus de chance en demandant à l'un de ses voisins, mais pour cela, il allait falloir qu'elle sorte. Elle fixa alors la porte qu'elle avait refermée il y a encore quelques instants ses affaires étaient à l'intérieur, est-ce qu'elle arriverait à surmonter la vision du sabre d'abordage au sol pour prendre ses affaires et se couvrir ?

La réponse était oui. Dès ses premiers pas elle jeta la couette en plume sur Libertalia pour ne plus l'avoir dans son champ de vision, comme disait l'adage loin des yeux loin du cœur. Elle passa un pantalon en cuir épais des bottines à couture bleu, de la même couleur que ses cheveux, un petit bonnet qui lui cachait le haut des oreilles et un gros manteau molletonné fourré en plume de dodo et partit dans le monde extérieur.

Après une vingtaine de mètres dans la poudreuse qui lui arrivait jusqu'à mi-mollet, elle toqua à la porte d'un homme qui travaillait sur Kronz, un bûcheron bourru mais toutefois amical qui vivait avec sa femme et son fils, quand il reconnut la petite un grand sourire s'afficha sur son visage. Sur Asnia, la vie était rude, cependant tout le monde s'entraidait les uns les autres Robina avait participé plus d'une fois à son tour en partageant un festin à l'intérieur de la demeure confortable Erwolf.

Robina ! Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

Et ben je viens de rentrer, enfin, je suis rentré il y a quelques jours et c'était pour savoir si vous aviez une escalope de morse ? Le frigo de papa est vide à part du fromage de yak et quelques petites choses à grignoter.

Oui, ton père se fait très rare sur Asnia en ce moment, il reste à la capitale pour son travail la plupart du temps depuis ton départ. Je vais voir ça, tu peux rentrer si tu veux, tu sembles fatiguée.

Un peu, mes aventures m’ont chamboulée.

Ah ! Tu as fait une mauvaise rencontre ?

Plus souvent que je ne l'aurais voulu.

Mais tu t'en es sortie, c'est le plus important, même si je vois que tu as une petite mine, tu devrais dormir plus.

À la réflexion du gros bonhomme, elle a eu un sourire, les habitants de cette île restaient souder les uns aux autres, et même si son père était un conseiller royal, il n'avait pas été mis à l'écart. En effet, il avait toujours été sans prétention aucune, son travail lui permettait d'aider le royaume et de mettre en valeur Asnia dont il faisait partie, il avait toujours été chauvin sur les bords et fière de ses origines, il en était de même pour sa fille. Alors même si ces deux personnes passaient beaucoup de temps sur Ykhion ou en dehors de la petite île de l'archipel tout le monde les adorait.

Le bûcheron ouvrit la porte de son frigo et chercha à l'intérieur.

Je n'ai pas de morse, mais si tu veux, j’ai du pingouin.

La chair de pingouin était légèrement moins grasse que celle du morse, mais la chair était plus moelleuse avec un goût moins fort, une autre viande typique de son pays natal. Ce fut avec un fort hochement de tête qu’elle accepta l'assiette que lui tendit son voisin et repartit chez elle en lui promettant de nouveau de lui rendre la pareille.

Merci, je vous le rendrai plus tard, j'aimerais faire un bon gueuleton pour mon retour à la maison.

Profite bien et saches que tu peux revenir quand tu veux ici, tu seras toujours la bienvenue.

Un timide sourire fit son chemin de nouveau sur les lèvres de la Sanderrienne, l'hospitalité et la chaleur dans le cœur des habitants qui lui était cher lui redonner du courage. En rentrant chez elle et en fermant la porte, elle n'avait pas perdu ce sentiment qui lui réchauffait le cœur, elle avait retrouvé sa place, retrouver l'équilibre qu’elle avait perdu depuis son aventure sur l'Îlot Flottant. Au fond d'elle-même, elle savait que c’était de courte durée, pourtant elle voulut en profiter.

Elle déposa une poêle sur la plaque en fonte au-dessus du foyer qui s'était renforcé, donnant un aspect rougeoyant au milieu du plan de la cuisinière. Elle n'avait pas besoin de matière grasse supplémentaire avec la viande qui était déjà naturellement pourvu, passant sa main au-dessus de son instrument de cuisine, elle vérifia avec la paume de sa main à quelques centimètres si elle était suffisamment chaude pour saisir la viande. Après quelques instants, elle jugea que la température était adéquate et déposa la première face.

Le chant de la viande saisie à feu vif s’éleva dans les airs alors qu'elle crépitait, la bonne odeur du pingouin commença à parfumer la pièce, sans même le savoir la cuisinière se mit à saliver. Ce fut sur ces faits que le père de la jeune femme rentra avec une énorme miche de pain sous le bras.

Et voilà de quoi faire les tartines ! Tu es sortie du lit et tu as meilleure mine, il y a quelque chose qui s'est passé.

Oui, j'ai discuté avec le voisin ça m'a rappelé qu’il y avait encore de bonnes choses dans le monde.

Bien sûr, qu'il y a encore de bonnes choses dans le monde, tu es une l'une d'elle.

Non, je ne le suis plus papa, j'ai tué quelqu'un.

Arrête avec ces bêtises ! Tuer quelqu'un ne fait pas de toi une personne mauvaise, mais ne parlons pas de ça tout de suite. Prenons le petit-déjeuner, nous retournons sur Ykhion aujourd'hui.

Pourquoi aller sur Ykhion ?

He bien, j’ai du travail, comme tu le sais, je m'occupe un petit peu du royaume de mon côté et puis tu vas discuter avec quelqu'un.

Et avec qui exactement ?

Tu verras à ce moment-là, c'est une surprise.

C'est la tête remplie question que la jeune fille prit son repas, elle devait donc se laver, s'habiller et sortir, aller dehors, être dans la vraie vie véritable des vrais gens, ce qu'elle n'avait pas du tout envie de faire en ce moment. Pourtant, c'était son père qui avait donné les directives, elle allait donc se plier et suivre ses ordres.
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Port de Ykhion :

Une heure plus tard, ils étaient sur le navire qui faisait la navette entre les deux îles. Emmitouflée dans ses vêtements la jeune fille retrouvait les sensations familières qui lui avait tant manqué pendant son voyage. Elle ne savait pas exactement ce qu’avait son père en tête, cependant elle lui faisait confiance. Il avait toujours été bon avec elle, il l’avait toujours poussé à s'améliorer et à suivre ses rêves, c'est pour ça qu'elle était partie de Sanderr.

Se retrouvant sur le port, ils passèrent à côté du galion antique sur lequel était venu la chasseuse de primes, le conseiller du pays regarda un instant l'épave flottante et secoua la tête.

Nous devrions nous débarrasser de ça, il ne va pas t'emmener très loin ma chérie.

Tu penses ? Tu crois que si on le réparait, il serait capable de me faire voyager ?

Peut-être, mais je ne suis pas charpentier, il y en a peu sur l’île, je verrai peut-être dans la journée pour me renseigner.

Pressant le pas, il se dirigea vers le palais royal en avalant les pavés qui crissaient alors que la neige les recouvrait. Des dizaines de personnes le saluaient, il était bien connu dans toute la ville pour son rôle auprès de la famille royale, toujours à l'écoute, la main sur le cœur, il avait aidé presque chacune des personnes au moins une fois. Ils prirent des nouvelles de sa fille qui se trouvait à ses côtés, lui demandant s’il allait bien et en continuant à s'activer pour ouvrir leur boutique où déneiger le pas de leur porte.

Aux portes du palais de givrelames gardaient l'entrée, ils saluèrent respectueusement le conseiller avant de pousser l'un des battants pour le laisser passer lui et sa fille. Ne prenant pas cette entrée pour venir travailler dans les cuisines, la jeune femme s'émerveilla de la décoration des chandeliers en or, des portraits finement peints, des escaliers en marbre ainsi que du mobilier en bois précieux dégageaient une atmosphère d'opulence dont elle n'avait pas l'habitude.

Au détour d'un couloir, le décor raffiné disparue, ils venaient de s'aventurer dans les passages réservés aux petites mains travaillant dans l'ombre pour servir les grandes ce monde. Un milieu dont était beaucoup plus familière notre fille aux cheveux bleus. Néanmoins, ils grimpèrent des étages et se retrouvèrent profondément dans le dédale de couloirs du château troglodyte, ici les ornements avec été remplacé par des armes, des armures, la caserne été dans les environs et Danjai se stoppa devant la porte du capitaine de la garde.

Je vais te laisser là, j'ai du travail à faire, je vais juste le prévenir que tu es arrivée, et tu pourras discuter avec lui.

Mais je n'ai aucun lien avec Sinar !

Peut-être, mais moi, j'en ai, alors tu vas m'écouter, et tu as beau avoir vingt-quatre ans maintenant je peux toujours t'en mettre une !

Tu ne m’as jamais frappé.

Oui, bah, ça va peut-être changer !

Pouffant intérieurement de rire, elle vit son père rentrer dans le bureau avec le paquet qu'il portait sous le bras depuis leur départ de la maison. Il avait retardé leur départ pour récupérer quelque chose, dont il n'avait pas voulu discuter jusqu'ici. Trente secondes plus tard, il ressortait du bureau et fit un signe à sa fille avant de s'éloigner, stressé de rencontrer le chef des givrelames, que l'on disait imperturbable, elle déglutit avec force avant de pousser la porte.

L'homme n'était pas en armure complète, comme elle se l'était toujours imaginer et comme on lui avait décrit, dans des vêtements confortables une cape épaisse sur les épaules, il écrivait un document avec une plume de dodo. Ne sachant pas quoi faire Robina attendit sur le pas de la porte, l'homme leva les yeux de son document lui fit signe de s'asseoir sur une des chaises devant son bureau. Le paquet qu’avait porté son père se trouvait maintenant au côté de Sinar.

Dans un silence pesant, mise à part le grattement de la plume sur le papier, la cuisinière regarda ce qui se passait autour, malheureusement l'austérité de la pièce n'aidait pas à se changer les idées. L’homme vivait pour son travail et mise à part des décorations remise à part le roi de Sanderr et des diplômes affichés au mur, rien ne permettait de se vider l'esprit.

Quand l'homme posa sa plume, il fixa la jeune femme elle eut l'impression d'être transpercée de part en part comme s’il pouvait voir à l'intérieur et deviner ce qu'elle pensait. Il posa son nécessaire d'écriture sur le côté avant de croiser les mains sur son torse, il s’intéressait pour la première fois à la jeune fille sa voix puissante mais rocailleuse s'éleva dans les airs comme s’il avait du mal à parler ou que le fait d'articuler des mots le mettait en souffrance.

Je sais ce qui te tracasse, ton père m'a expliqué la situation. Tu sais, je suis passé par là aussi quasiment tous les givrelames en sont passés par là, même ton ami d'enfance Leevan.

Il sortit une gourde d'un de ses tiroirs pour en boire une gorgée et continuer.

Ce n'est jamais facile de tuer quelqu'un, si ça le devient, c'est qu'il y a un problème.

Le visage de la jeune femme de Robina se décomposa en entendant le discours du capitaine, elle n'avait pas envie de cela, elle ne voulait pas revivre les derniers événements de l’Îlot.

Tu n'as sûrement pas envie d'entendre un vieux briscard te faire la morale sur ce que tu viens de faire, cependant ton père se fait du souci, il voit que d'avoir tué cet homme te mine. Explique-moi, dis-moi comment ça s'est passé, je veux tout savoir.

Elle ouvrit la bouche et pour la première fois depuis longtemps, un flot ininterrompu de paroles se déversa, elle lui expliqua tout : son naufrage sur l'îlot flottant, ses aventures, la mort des hommes d'équipage, le fait qu'elle ait été droguée, sa fuite, la rencontre avec les hommes poissons, son premier combat contre le chef des cannibales, le plan pour s'enfuir, la défense du temple, la mort de Vorzoth.

Je vois. Il défit la couverture qui cachait le paquet, se trouvait à l'intérieur Libertalia, la légende pirate. Sache que tu as bien fait, tu ne l'as pas tué par envie, par soif de sang ou que sais-je encore… Non, tu l'as fait pour te défendre, pour sauver les hommes qui se trouvaient avec toi à ce moment-là, si tu ne l'avais pas fait, tu serais morte, les hommes avec toi serait mort. Ton père serait triste, ta mère aussi et je suis sûr que d'autres personnes te pleuraient. Tu t'es bien comportée, ce n'est pas forcément la plus facile des décisions, je le sais et là avec tous les événements qui se sont enchaînées, je comprends que tu sois choquée, mais il ne faut pas que ça t’arrête.

Ce sabre ne t'a pas influencé, il n'a pas fait esquiver ton adversaire, il a fait son travail. Celui de trancher, il a coupé la gorge de ton adversaire, tu l'as maudit pour ça et pourtant, tu lui dois la vie. Sans lui, en ce moment, tu serais dans l'estomac des autres cannibales. Tu comprends ce que je veux dire ?

Mais il est mort ! J'aurais pu le neutraliser ! Le mettre hors d'état de nuire.

Oui peut-être, mais ce n'est pas le cas. Maintenant, il faut que tu arrives à avancer, car sinon tu resteras toujours coincée sur cette île infernale.

Comment vous faites pour vivre avec le fait d'avoir tué quelqu'un ?

On apprend, on ne se fait jamais à l'idée de tuer quelqu'un, mais plutôt on arrive à mettre les événements en arrière-plan. Il faut savoir relativiser, tuer quelqu'un pour survivre ce n'est pas un meurtre, ça ne fait pas de nouveau une bête sanguinaire, un pirate, une meurtrière, un assassin. Cela fait vous quelqu'un qui a voulu survivre, vous n'êtes pas un monstre mademoiselle Erwolf, vous êtes une fille tout ce qu'il y a de plus normale.

Éclatant en sanglots, Robina ne sut quoi répondre, elle était perdue, pourtant les paroles de l'homme face à elle la réconfortaient. Elle n'était pas le monstre qu'elle s'était imaginé être devenu, son père lui avait répété des dizaines de fois, néanmoins, les paroles d’un étranger qu’elle ne connaissait pas il y a encore deux heures lui remontait le moral.

Et donc je m'y habituerais ?

Non, on ne s'habitue jamais vraiment à tuer quelqu'un, pas à mon sens en tout cas, vous comprendrez cependant qu'il faut parfois tuer son adversaire pour avoir la vie sauve, c'était votre cas ici.

Je vous enjoins à récupérer votre épée, elle ne vous fera pas de mal, elle ne fera pas de vous quelqu'un de mauvais, je pense même plutôt qu’elle sera une amie pour vous défendre. Peut-être, je dis bien peut-être, devrez-vous en arriver de nouveau à une telle nécessité, de prendre la vie de quelqu'un d'autre. Nous vous connaissons tous et nous savons à quel point vous êtes une fille douce et gentille avec les autres. Je comprends que cela vous ai bouleversée, toutefois le monde à l'extérieur de Sanderr n'est pas paisible.
Est-ce que vous comprenez ce que je veux vous dire mademoiselle ?

Oui, en un sens oui. Mais je n'ai pas envie de tuer quelqu'un.

Vous savez, moi-même, je n'ai envie de tuer personne, pourtant quand je dois le faire, je le fais, car sinon mes ennemis et les ennemis du pays tueront ceux que je n'ai pas défendu. Et je préfère tuer une personne pour en défendre dix que de voir dix personnes mourir parce que je n'ai pas réussi à en tuer une. Vous comprenez ce que je veux dire ?

Oui bizarrement et j'ai eu du mal au début, je le comprends maintenant. Il ne faut pas que je m'en veuille, c'est ça ?

Non, ne vous en voulez pas sinon la personne qui vous a poussé à ce duel aura gagné. Néanmoins, c'est vous qui êtes ici, vous devez continuer de vivre et non pas de dépérir comme vous le faites maintenant.

Robina hocha de la tête comprenant que la discussion était finie.

Je vous remercie de votre temps. Je vais retourner voir mon père.

Vous avez raison et je vous le redis encore une fois ne vous en voulez pas. Vous êtes quelqu'un de bien Robina Erwolf.

Elle se leva de sa chaise et fit demi-tour, elle posait la main sur la poignée quand la voix de Sinar retentit derrière elle.

Prenez ceci avec vous mademoiselle ! Il tendit l'arme qu’avait apportée le père de la cuisinière. Je sais que vous n'en voulez pas, en tout cas pas forcément maintenant, mais sachez que c'est un symbole, le symbole que vous avez réussi à sauver cinquante hommes et femmes d'un despote. Soyez fière de porter cette épée !

Hésitante, la jeune chasseuse de primes attrapa le fourreau en cuir et le passa à sa ceinture.
Merci encore capitaine.

Il lui fit un signe de tête et lui indiqua la sortie sans rajouter un mot de plus. Quand elle mit un pied dehors les nuages qui obscurcissaient son esprit s'étaient levés. Elle se sentait toujours coupable d'avoir pris une vie, cependant elle comprenait maintenant pourquoi elle l'avait fait, cela ne faisait pas d'elle le monstre qu'elle s'était imaginé, elle avait juste fait ce qu'il fallait faire au moment où il le fallait.

Elle n'était pas une héroïne de cape et d'épée dans des romans qu'elle adorait dévorer le soir venu. Elle était humaine, comme lui avait dit le capitaine, elle devrait peut-être de nouveau se battre et tuer. Mais pour se défendre et sauver des gens auxquels elle tenait, elle voulait bien faire ce sacrifice. Elle raffermit la prise qu’elle avait sur le pommeau du sabre de Libertalia et se dirigea d'un pas ferme pour voir son père.
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Chateau de Sanderr :

Elle était maintenant devant le bureau de son père, elle avait demandé à plusieurs reprises son chemin aux domestiques qui s'occupaient du nettoyage dans les différents étages qu'elle avait emprunté. Elle savait qu'elle se trouvait à seulement quelques mètres de la salle de réception royal, ainsi que des appartements de Sa Majesté, elle était curieuse de savoir à quoi ressemblait son roi. Cependant, sa rencontre avec le capitaine de la garde royale lui suffisait amplement pour la journée. Elle avait beau être de la famille des conseillers royaux, elle avait toujours du mal à évoluer dans les hautes sphères de la noblesse, son père avait bien tenté de lui inculquer les bases, mais cela était rentré dans l'oreille d'une sourde.

Elle ouvrit la porte sans même se présenter ou toquer à la porte et entra dans la pièce. Danjai leva les yeux de la pile de papiers qui était devant lui sur son bureau, le cachant presque aux yeux de sa fille, seul le dessus de son crâne montrait qu'il était présent.

Alors tu as pu discuter avec Sinar. Ça va mieux maintenant ?

Oui, ça ne va toujours pas aussi bien que je voudrais, mais j'ai compris que je n'étais pas la personne que je pensais. Je ne suis pas un monstre, je ne suis pas un assassin, j'ai défendu ma vie et ceux des personnages qui m’entouraient.

C’est ça, il ne faut pas avoir honte d'avoir protégé ceux à qui tu tiens, les hommes et les femmes que tu as sauvés, c'est ça qui fait que tu es passée à l'action. Tu n'es pas quelqu'un de sanguinaire, ni de violente, juste ma gazelle en miel qui devient un peu plus femme et adulte, ça me rend triste un peu…

Ne sois pas triste de toute façon, je vais bientôt repartir.

Tu repars déjà si vite ! Mais tu viens à peine d'arriver !

Je sais, mais j'ai appris plusieurs choses pendant mes voyages sur les Blues, déjà qu'il y a de meilleurs cuisiniers que moi, ensuite qu'il y a de nombreuses cuisines différentes dans le monde entier. Une cuisine à base de trèfle à quatre-feuilles, tu as déjà vu ça ? Moi non plus, pas avant que j'arrive au Royaume de la Veine. Des personnes qui cuisinent en utilisant les parfums pour ouvrir l'appétit, je n'avais jamais vu ça non plus, avant d'arriver au royaume de Pétales. J’ai vu beaucoup de choses et j'ai aussi appris quelque chose d'extrêmement important, le meilleur cuisinier du monde se trouve sur la route de tous les périls et c'est là-bas que je vais !

La route de tous les périls ? Mais où est-ce que c'est exactement ? Peut-être que tu peux y aller par la translinéenne, on prendrait un ticket et tu pourrais y aller tranquillement.

C’est au royaume de Shishoku, un petit archipel sur une des voies.

Un archipel ? Je vois, je vais regarder et me renseigner pour savoir si l'entreprise dessert cette île.

Oui, pas de souci. Tu veux que je te laisse pendant tes recherches ?

Non, non, tu peux rester là ma choupette. C’est juste un appel à passer au bureau de Boréa.

D’accord.

Elle se détourna de son père qui prenait déjà son escargophone et tapait un numéro mettant le combiné devant sa bouche. Elle promena son regard sur une des bibliothèques qui se trouvait dans la pièce, elle passait sa main gauche sur les reliures quand son père l’appela.

Tu l'as gardé alors ? Dit-il en désignant Libertalia du regard.

Oui, j'ai compris que ce n'était pas le sabre qui était maléfique, c'était juste un concours de circonstances.

C’est malheureux ce qui t'est arrivé là-bas, mais je suis bien content que ce sabre ait été là pour te sauver.

On décrocha au bout du fil et une voix s'éleva dans la pièce alors que la conversation commençait.

Bonjour et bienvenue au bureau de la translinéenne en départ de la Route de tous les périls à Boréa, que puis-je faire pour vous exactement ?

Bonjour, Danjai Erwolf, conseiller royal du royaume archipel de Sanderr, j'aimerais un renseignement s'il vous plaît. J'ai une jeune fille devant moi qui cherche à rejoindre Shishoku.

Shishoku vous dites ? Est-ce que vous êtes sûr que c'est bien sur la route de tous les périls ?

Bien sûr.

Je vais vérifier ça tout de suite dans mon registre alors. Shishoku… Shishoku… Shishoku… Voilà, Shishoku ! Non, je suis désolé monsieur, nous ne desservons malheureusement pas le royaume de Shishoku. Je me vois dans le regret de vous dire que vous allez devoir atteindre cette île par vos propres moyens, enfin que la personne que vous avez en face de vous va devoir atteindre cette île par ses propres moyens.

Je vois.

Avez-vous besoin d'autre chose Monsieur ?

Non, merci, ça ira. Je vous souhaite une bonne journée.

Bonne journée à vous monsieur et n'hésitez pas à faire appel à la translinéenne si vous avez besoin effectuer un transport. Bonne journée !


L’escargophone se rendormit, l'appel s'était arrêté après la sentence. Robina devrait aller jusqu'à sa destination par ses propres moyens et cela n'enchantait guère son père.

Tu sais, tu pourrais rester ici… On va trouver une solution pour que tu puisses aller là-bas en toute sécurité dans quelques années.

Mais papa, c'est maintenant qu'il faut que j'y aille, sinon quelqu'un d'autre prendra son titre et je serai obligé de retrouver le nouveau meilleur cuisinier du monde. De trouver où est-ce qu'il travaille, pour pouvoir le défier, si ça se trouve, il sera encore autre part et nous allons devoir encore attendre. Je ne peux pas attendre plus longtemps, c'est maintenant que je dois devenir la meilleure cuisinière du monde !

Par ces derniers mots, une flamme s'alluma dans les yeux de la jeune femme. La vie reprenait le contrôle de son corps, son moteur, les saveurs et les aliments faisaient tourner de nouveau son moteur. En voyant l'attitude de sa fille, l'homme ne sut comment lui dire non, il avait toujours été papa gâteau. Sa fille était la prunelle de ses yeux, même si elle se mettait en danger, il savait aussi qu'il ne pouvait lui refuser sa requête, mais pour cela, il lui fallait un navire et le pays n'en avait pas.

Ma chérie, je voudrais bien, malheureusement nous n'avons pas de navire.

Si ! J'en ai un !

Ah bon ? Et où est-il ?

Au port de Sanderr, on est passé à côté tout à l'heure, tu l’as pourtant bien vu. C’est vrai, il n’est plus tout jeune, il va falloir le retaper, mais je suis sûre que mon papa chéri pourra m'aider pour qu'il soit comme neuf et qu'il navigue comme au premier jour.

Elle lui fit une moue qu'elle savait irrésistible, son père n'avait jamais réussi à passer cette attaque mignonne, il la regarda pendant un instant les yeux comme deux fentes, il se savait être manipulé par sa fille. Contrairement à ce qu'elle pensait, il aurait pu lui dire non, la laisser attendre, cependant racheter un navire neuf aurait coûté beaucoup plus cher que de rénover celui qu'elle avait en ce moment, il en était quasiment certain.

Donc, tu pars toujours dans l'idée de garder cette vieille épave pour aller sur la route de tous les périls ?

Il m'a sauvée une fois, il réussira à me sauver encore, j'en suis sûre, c'est bête à dire, mais je pense que je suis liée au bateau comme je suis liée à cette épée.

Je vais faire une recherche, je verrai avec des charpentiers pour pouvoir me renseigner sur les prix que cela coûterait pour rénover cette épave. J’ai plus l'impression qu'il faudrait tout refaire de la calle jusqu'aux mâts, mais d'accord, tu as gagné.

Oh merci, Papa chéri ! Elle courut jusqu'à lui pour lui claquer un baiser sonore.

Au fait mademoiselle, avant de t'enfuir toute contente de m'avoir fait promettre de réparer ton navire, n'aurais-tu pas oublié quelque chose en partant la dernière fois ?

Elle se stoppa un instant, confuse, elle ne pensait pas avoir oublié quoi que ce soit. Mise à part peut-être quelques vêtements. Non, je ne crois pas, pourquoi ?

Parce que tête en l'air que tu es, tu avais oublié l’escargophone que je t'avais offert. Il lui tendit un petit escargotéléphonique bleu. Cette fois-ci, fais-y plus attention, tu pourras m'appeler et appeler ta mère plus souvent.

Oui papa ! Elle attrapa le petit escargot téléphonique puis s'enfuit en courant oubliant les nuages qui avaient assombri son humeur pendant près d'une semaine à l’idée de devenir la nouvelle meilleure cuisinière du monde.
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Ykhion :

Quelques jours plus tard, les réparations avaient déjà commencé sur le port, pour aller le plus vite possible des dizaines d'artisans avaient été engagés pour remettre à neuf la coque refaisait les installations internes du galion. Sous couvert de dépenses nationales, le père faisait remettre à neuf l'Iceberg, le vaisseau de ligne de sa fille. Plusieurs habitants étaient au courant, ils n'avaient jamais vu un tel colosse avant son arrivée au port, où on avait cru à une attaque de pirate, certains s'insurgeaient.

Pourquoi ils sont en train de réparer le navire-là ?

Ouais, j'ai l'impression que c'est nous qui sommes en train de mettre la main à la poche pour pouvoir réparer le bateau de sa fille.

Moi, je ne suis pas d'accord, je ne vais pas payer pour que sa gamine puisse pouvoir aller faire joujou ailleurs !

Ouais ! J'avais raison ! Allons-nous plaindre !

Une petite procession se présenta aux portes du palais, ils demandaient à avoir une audience auprès du roi, bien sûr, elle leur fut refusée, le dirigeant ne se présentait que très déjà très rarement auprès des habitants, il n’allait pas donner audience au premier venu.

Alors, vous pouvez lui passer le message, s'il vous plaît ? Je crois que la fille d’un de ses conseillers royaux est en train de se faire payer un navire au frais du pays. Ce n’est pas qu’on n’aime pas la petite, mais que ce soit nous qui payons pour qu'elle puisse vivre ses aventures, on n'est pas d'accord !

Comprenant la situation, les soldats montant la garde prévinrent un des conseillers qui relayerait l’information au roi. Ce dernier, furibond convoqua le parent Erwolf dans la salle du trône.

Monsieur Erwolf, on vient de me renseigner disant que l'argent de mon pays est utilisé pour réparer le navire de votre fille, est-ce que c'est vrai ?

Le conseiller blêmit en entendant ces paroles, toutefois, il ne pouvait pas mentir, il allait devoir tenter quelque chose pour réussir à ne pas perdre sa tête.

En effet, mon roi. Cependant, je dois vous informer d'une chose, je ne pensais pas faire cela gratuitement.

Comment cela gratuitement ? Nous payons, elle ne fait absolument rien !

Pour l'instant, mon seigneur.

Pour l'instant ? Expliquez-vous plus vite, ou vous pourriez vous expliquer avec des givrelames qui seront vous délier la langue.

Bien sûr, bien sûr ! Je veux dire par là que ma fille a de hautes aspirations, elle veut devenir la meilleure cuisinière du monde, elle est aussi une chasseuse de primes. Avec ces deux choses en ligne de compte, et étant une fière patriote, je pense que nous pouvons l'utiliser en tant qu’ambassadrice du Royaume-archipel de Sanderr.

Je vous en prie continuez. Développez !

Si ma fille arrive à ses fins et devient à son tour la meilleure cuisinière du monde, elle viendra de Sanderr, son navire aura été réparé ici, avec du bois venant de nos forêts. Nous pourrions aussi lui prêter des hommes, pour ainsi montrer la supériorité de l'armée Sanderrienne.
Je rajouterai, que si elle fait de grosse prise sur la route de tous les périls et devient une chasseuse de primes émérite, cela se répercutera aussi sur l'image que le monde entier aura de nous. Nous deviendrions l'image de défenseurs pour le Gouvernement Mondial.


Vous voulez dire, que vous vous servez de votre fille pour que Sanderr gagne en pouvoir politique ?

Me servir de ma fille est un bien grand mot, je dirais que je l'aide et qu'elle nous aidera en retour.

J’avoue que votre idée me séduit, nous payons pour les réparations et qu'elle puisse réaliser ses rêves. Nous, nous gagnerions en poids politique, ce qui nous permettrait très clairement de ne plus être mis à l'écart. Votre fille où est-elle en ce moment ?

Elle est à Asnia chez moi. Pourquoi Monseigneur ?

Et elle resterait là-bas combien de temps ?

Jusqu’à ce que les réparations soient finies, je suppose qu'elle recrutera des personnes pour pouvoir manier son navire et partir pour la route de tous les périls.

Et pour ce qui est des hommes poissons qui sont arrivés avec elle ?

Certains ont déjà trouvé du travail, d'autre donnent la main à la pâte pour pouvoir réparer et une petite procession voudrait vous parler pour vous demander de l'aide.

Je ne les rencontrerais pas, cependant, je vous laisse noter leurs doléances et savoir ce qu'ils veulent exactement, je m'en occuperai en temps voulu.


En chœur, les différentes personnes dans la pièce répondirent à l'affirmative au roi avant de disparaître.

Tu t'en es bien sorti cette fois, tu as eu de la chance !

Pas vraiment de la chance, j'avais déjà prévu de proposer cette solution.

Tu es la pire des vipères, franchement te servir de ta fille pour pouvoir gagner en force politique, même moi, je n'aurais pas fait ça.

Je ne me sers pas de ma fille ! Elle va vivre sa vie, nous ne lui donnerons pas d'ordre et elle sera plus qu’heureuse. Le roi y gagne dans l’histoire lui aussi, tout le monde est gagnant, je ne vois de mal nul part.

Ça, c'est ton point de vue. Aller, j'ai hâte de voir la prochaine fois que tu voudras faire passer un projet sans l'accord du roi.
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Port de Ykhion :

Après plus d'une semaine de réparation, avec près d'une vingtaine d'artisans travaillant dix heures pour remettre en état l'Iceberg, un nom que Robina avait trouvé, en réfléchissant à celui qu'elle donnerait à son navire une fois qu'elle l'aurait baptisé. Le Galion était maintenant en état de partir sur la route de tous les périls, elle était prête à embarquer, il ne lui manquait plus que quelques membres d'équipage pour manœuvrer la Bête. Alors qu'elle constatait les réparations, faisait le tour pour voir l'étendue du travail que les hommes avaient réalisé en tout juste une semaine, son père se présenta derrière elle.

Il te plaît alors ?

Il me plaisait déjà quand il avait l'air d'un bateau fantôme, maintenant il a l'allure du bateau de la future meilleure cuisinière du monde ! Je l'adore papa !

Et bien ça tombe bien, car il va falloir que tu voies une personne très spéciale aujourd'hui aussi.

Comment ça ? La jeune femme se méfiait, car la dernière fois qu'elle a vu une personne très spéciale de Sanderr, cela avait été le capitaine de la garde royale et du pays.

Pour faire tout cela en temps et en heure, le plus vite possible j'ai dû faire jouer mes relations et elles sont plus puissante que moi, ma chérie. Le roi a bien voulu payer pour ces dernières, je suis sûr que tu le remercies beaucoup.

Bien sûr, le roi de Sanderr est un homme bon et généreux, nous le savons tous, c'est juste dommage qu'il n'apparaisse pas autant public qu’il ne le pourrait.

Oui, enfin là n'est pas la question, ma chérie, le roi voudrait que tu deviennes ambassadrice à l'extérieur de Sanderr. En portant le drapeau du pays sur ton navire, montrant que la future meilleure cuisinière du monde et une chasseuse de primes puissante et renommée vient de ce petit pays. Qu’en dis-tu ?

Stressée, heureuse, voire même extatique, elle ne savait pas quoi répondre à part :

Bien sûr que oui ! Ça serait un honneur !

Si tu acceptes, il va falloir que tu me suives ma chérie.

Pourquoi ?

Parce que tu vas faire allégeance au roi, en tant qu’ambassadrice, il va falloir que tu passes un serment devant lui.

Elle blêmit, elle ne s’était pas attendue du tout à cela, elle n'était pas du tout habillée pour rencontrer une personne de sang royal. Cherchant une excuse, elle voulut se défendre en disant que cela n'était pas la peine.

Mais si c'est la peine ! C'est même obligatoire ! Tu apprendras qu'il y a des choses que tu dois faire, même si tu ne le veux pas, ici, tu vas devoir te présenter devant le roi, t’agenouiller et lui prêter un serment d'allégeance en répétant les paroles qu'il te citera. Tu comprends ce que je veux dire ?

La parole coupée, elle ne réussit pas à répondre à son père qu'en hochant la tête.

Parfait ! Suis-moi maintenant !

Ayant tout prévu à l'avance, il conduisit la chasseuse de primes dans une petite pièce ou deux servantes l'attendaient.

Ces demoiselles vont s'occuper de toi, ne t'inquiètes pas, je t'attends dans la pièce à côté.

Ne comprenant pas tout, elle se retrouva seule, entourée des deux dames qui commencèrent à la déshabiller.

Ce n’est pas la peine de me laver, je suis propre, ne vous inquiétez pas.

Un petit rire cristallin retentit.

Nous n'allons pas faire votre toilette mademoiselle, ça n’arrive que dans les romans de fantasy. Nous allons juste vous donner, des vêtements un peu plus convenables pour voir le roi, rien de plus.

Pas de toilette qui dure deux heures avec un corset tellement serré que je n'arrive pas à respirer, et une coiffure fantaisie que je ne saurai jamais refaire moi-même ?

Non mademoiselle ça n'arrivera pas ici pas aujourd'hui.

Rassurer la jeune fille, et un peu déçue au fond d’elle-même, elle se laissa faire. On lui donna une robe plus travaillée que celle qu'elle portait d'habitude, mais pas extrêmement coûteuse. Qu'elle passa pour ne pas avoir l'air totalement ridicule, elle se recoiffa en se brossant les cheveux méticuleusement et en faisant un chignon serré, pour ne pas avoir mal aux cheveux.

Vous êtes parfaite, retournez vite rejoindre votre père !

Elle ne se le fit pas dire deux fois et commença à faire demi-tour, elle allait prendre ses affaires quand soudain :

Non, laissez-les là. Vous pouvez les récupérer quand vous aurez fini, pour l'instant laisser les nous.

Elle sortit de la pièce et vit son père.

C'est très bien ma chérie ! Allez, maintenant suis-moi.

Sentant le stress monté elle se mit droite, les épaules en arrière comme si elle osait à peine respirer. Après quelques couloirs dépassés, ils se retrouvèrent devant un double battant de bois, gardé par Leevan et Sinar, tous deux en armure complète d'apparat. La jeune femme fit un geste de la tête vers son ami d'enfance, mais l'homme, professionnel jusqu'au bout, ne pipa mot et ne réagit pas. Elle fut un peu blessée de voir la réaction de son ami, cependant, elle comprenait, elle était pareille quand elle était absorbée en cuisine.

On annonça la venue de la famille derrière les battants.

Le conseiller Erwolf et sa fille Robina Erwolf !

Comme une mécanique bien huilée, les deux spadassins ouvrirent symétriquement les portes en acajou, pour faire entrer les deux visiteurs. Impressionnée et tendue, la cuisinière se retint de regarder autour d'elle tout ce qui se passait, elle était en présence du roi de son pays, ayant toujours été une fervente partisane, elle ne pouvait pas manquer de respect à cet homme, en jouant les touristes. Son père la regarda fier, un sourire sur le visage, il savait que sa fille se battait pour ne pas avoir l'air d'une enfant qui s’émerveillait ; il revint à son côté professionnel en reprenant un air froid et fixa l'homme qui tenait le destin de sa fille entre ses mains.

Approchez, tous les deux ! En les voyant se rapprocher, il se leva de son trône pour descendre les marches, le père de Robina se mit en retrait à sa droite.

Mademoiselle, je ne suis pas sans savoir certaines choses sur vous, vous aspirez à devenir la meilleure cuisinière du monde, votre navire a été réparé au frais de la nation. Votre père vous a déjà expliqué ce que vous deviez faire n'est-ce pas ?

En effet Votre Majesté !

Très bien ! Déposez votre genou gauche à terre, et répétez après moi.

Il fit une pause, attendant que la cuisinière s'exécute.

Moi Robina Erwolf…

Moi Robina Erwolf…

Je jure solennellement…

Je jure solennellement…

De prêter allégeance au royaume archipel de Sanderr…

De prêter allégeance au royaume archipel de Sanderr…

Et de me faire ambassadrice de mon pays lors de mon voyage…

Et de me faire ambassadrice de mon pays lors de mon voyage…

Pour montrer que la meilleure cuisinière du monde vient d'ici.

Pour montrer que la meilleure cuisinière du monde vient d'ici.

Relevez-vous maintenant !

Elle faillit répéter ces quelques mots, cependant, elle réussit à ne pas se couvrir de ridicule en le faisant. Elle n'osait pas remonter les yeux pour croiser le regard de l'homme qui lui faisait face, intimidée par la prestance de son dirigeant.

Vous êtes maintenant mademoiselle Erwolf, l'ambassadrice de Sanderr, j'attends de vous un comportement exemplaire. J’ai mis à votre disposition une vingtaine de givrelames qui voyagerons avec vous pour vous défendre, j'ai aussi pris la liberté d'armer votre navire. Vous pouvez disposer.

Il en sera fait selon vos désirs, votre majesté.

Elle fit une révérence profonde, bien qu’un peu gauche, avant de sortir de la pièce.

Tu t'en es bien sortie.

Papa, tu ne m'as pas dit que j'allais rencontrer le roi de l'archipel aujourd'hui ! Tu aurais pu au moins me prévenir, que je me maquille, que je me coiffe et que je trouve des habits plus intéressants que ce que j'avais.

Tu as été très bien, si je t’avais prévenu, tu aurais été morte de stress et tu n'aurais pas réussi à sortir un seul mot. Là, tu as réussi à devenir l'ambassadrice de Sanderr sans soucis.

Mais papa…

Il n'y a pas de mais, va te rechanger, je crois que ton équipage t’attend.

Elle enfila rapidement ses anciens vêtements et se dirigea vers l’énorme galion qui l’attendait au port.
Des hommes armés s’activaient déjà pour charger les vivres qu’avait pu acheter avec l'argent qu'elle avait de côté la nouvelle ambassadrice. De plus, des canons se faisaient hisser avec des cordes et des poulies, pour prendre place à leur emplacement. En tout, normalement, plus de quatre-vingt-dix pièces d'artillerie pouvaient être installé sans que cela ne gêne la navigation, néanmoins, il n'y en avait que quarante, de quoi avoir un navire bien armé. C’était joint aux givrelames, des hommes-poissons de l'îlot flottant, qui rêvaient eux aussi de partir à l'aventure pour découvrir le monde extérieur.

Ici, près de soixante personnes se mettaient sous les ordres de la jeune femme. Il y avait même une marine qui avait été envoyée par le lieutenant, pour lui servir de garde du corps, cependant cela était une autre histoire.
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