Le château derrière nous, nous avancions tranquillement dans les allées les plus étroites de Cacao City. Maintenant que j'étais plus au courant de la situation, l'inanition des habitants me sautait au visage : je pensais qu'il n'y avait que les bâtiments qui étaient délibérés, mais en vérité c'était toute la population qui souffrait, qui mourait dans les rues. Parfois, en dépassant une ruelle, on pouvait être sûr de voir une masse noire allongée et immobile. Parfois, on croisait certains enfants, assis sur le perron de leurs maisons, au teint extrêmement jaune et aux joues creusées.
« - Quelles sont les conséquences d'un régime exclusivement composé de chocolat ? » m'interrogeais-je, consciente que ma question arriverait aux oreilles du soldat.
Celui-ci n'était pas insensible à tout cela, clairement. Il passa devant les gamins affamés, les mâchoires crispées, incapable de formuler la moindre question; Je me doutais que les patrouilleurs devaient être les plus à plaindre : c'était eux qui ramassaient les cadavres. Lui n'en était pas un, c'était un garde tout ce qu'il y avait de plus royal.
Il me répondit tout de même, après une minute de silence :
« - Vous ne voulez pas savoir. »
Non, mais je me doutais de la réponse. Parfois, nous croisions des silhouettes à demi-noyées dans des flaques jaunes ou marronâtres et malodorantes ; certains malades étaient encore parcourues de spasmes, d'autres froids depuis longtemps. Le cacao est une puissante neurotoxine ; ce n'est pas sans raison que l'on n'en donne pas aux animaux.
Nous bifurquâmes pendant presque quinze minutes avant d'arriver à bon port. Le temps m'avait semblé plus long, mais peut-être était-ce à cause de la misère environnante qui offrait un spectacle certain. L'endroit où séjournait notre homme ne payait pas de mine : c'était une auberge toute aussi miteuse que le reste de la ville, quand bien même on devait pouvoir y trouver des repas complets. Un luxe.
Lorsque le soldat et moi entrâmes dans la boutique, le gérant qui se trouvait derrière le comptoir, sur notre gauche, se figea. Il était vrai que les petites gens, particulièrement les hommes, avaient peur de la princesse...
« - Q-que puis-je faire pour vous ?
- Nous sommes à la recherche de l'étranger. »
Il déballa le mot comme s'il évoquait quelque chose d'aussi désagréable qu'une piqûre de moustique. Je me rappelais encore le traitement auquel j'avais eu le droit à mon arrivée. J'espérais juste que le marchand ne traînait pas dans des affaires trop louches pour être à ce point honnis. Peut-être s'était-il juste mis Erika ou ses hommes à dos. Rien ne disait non plus que tous les gardes cautionnaient les faits et gestes de leur souveraine.
L'hôte nous regarda gravement, tout en essayant de se rappeler de quelque chose. Comme si la clientèle était légion. Clairement, il n'avait pas toute sa tête ou bien rêvait d'être ailleurs.
« - Oui, ça me revient !
- Ah.
- Deuxième étage, appartement 3B. Il devrait encore y être, il a payé pour un mois. »
Un mois ? Visiblement l'énergumène avait de la suite dans les idées. Tant mieux, cela servait mes intérêts. Je me tournai aussitôt vers mon escorte et tentai de la congédier de la façon la plus diplomatique possible :
« - Je n'ai plus besoin de vous, vous pouvez retourner auprès de la princesse. »
L'homme me toisa. Il ne me faisait pas confiance, s'imaginant peut-être que je préparais un sale coup. Malgré tout, il n'avait pas le choix : les ordres sont les ordres. Sans un salut, il fit volte-face et prit la porte dans un tintement de clochettes. Le réceptionniste constata la scène sans rien dire. Tant mieux.
Avisant l'escalier qui montait juste après la loge, je décidai de rallier la chambre numérotée sans trop m'attarder sur l'état des murs ou du « bois ». Le chocolat moisissait tout autour en larges plaques blanches et vertes, à l'image de Cacao Island. 3B.
Toc, toc, toc.
Aucune réponse ; je réitérais de plus belle, plus fort, suffisamment fort pour que même le voisin l'entende. Des bruits de pas se firent entendre et des loquets se déverrouillèrent. Une bouille enfantine encadrée d'une chevelure blonde légèrement féminine apparut :
« - C'est pour ?
- Permettez-moi de me présenter : Eleanor Bonny. Vous avez sûrement déjà entendu parler de moi. »
« - Quelles sont les conséquences d'un régime exclusivement composé de chocolat ? » m'interrogeais-je, consciente que ma question arriverait aux oreilles du soldat.
Celui-ci n'était pas insensible à tout cela, clairement. Il passa devant les gamins affamés, les mâchoires crispées, incapable de formuler la moindre question; Je me doutais que les patrouilleurs devaient être les plus à plaindre : c'était eux qui ramassaient les cadavres. Lui n'en était pas un, c'était un garde tout ce qu'il y avait de plus royal.
Il me répondit tout de même, après une minute de silence :
« - Vous ne voulez pas savoir. »
Non, mais je me doutais de la réponse. Parfois, nous croisions des silhouettes à demi-noyées dans des flaques jaunes ou marronâtres et malodorantes ; certains malades étaient encore parcourues de spasmes, d'autres froids depuis longtemps. Le cacao est une puissante neurotoxine ; ce n'est pas sans raison que l'on n'en donne pas aux animaux.
Nous bifurquâmes pendant presque quinze minutes avant d'arriver à bon port. Le temps m'avait semblé plus long, mais peut-être était-ce à cause de la misère environnante qui offrait un spectacle certain. L'endroit où séjournait notre homme ne payait pas de mine : c'était une auberge toute aussi miteuse que le reste de la ville, quand bien même on devait pouvoir y trouver des repas complets. Un luxe.
Lorsque le soldat et moi entrâmes dans la boutique, le gérant qui se trouvait derrière le comptoir, sur notre gauche, se figea. Il était vrai que les petites gens, particulièrement les hommes, avaient peur de la princesse...
« - Q-que puis-je faire pour vous ?
- Nous sommes à la recherche de l'étranger. »
Il déballa le mot comme s'il évoquait quelque chose d'aussi désagréable qu'une piqûre de moustique. Je me rappelais encore le traitement auquel j'avais eu le droit à mon arrivée. J'espérais juste que le marchand ne traînait pas dans des affaires trop louches pour être à ce point honnis. Peut-être s'était-il juste mis Erika ou ses hommes à dos. Rien ne disait non plus que tous les gardes cautionnaient les faits et gestes de leur souveraine.
L'hôte nous regarda gravement, tout en essayant de se rappeler de quelque chose. Comme si la clientèle était légion. Clairement, il n'avait pas toute sa tête ou bien rêvait d'être ailleurs.
« - Oui, ça me revient !
- Ah.
- Deuxième étage, appartement 3B. Il devrait encore y être, il a payé pour un mois. »
Un mois ? Visiblement l'énergumène avait de la suite dans les idées. Tant mieux, cela servait mes intérêts. Je me tournai aussitôt vers mon escorte et tentai de la congédier de la façon la plus diplomatique possible :
« - Je n'ai plus besoin de vous, vous pouvez retourner auprès de la princesse. »
L'homme me toisa. Il ne me faisait pas confiance, s'imaginant peut-être que je préparais un sale coup. Malgré tout, il n'avait pas le choix : les ordres sont les ordres. Sans un salut, il fit volte-face et prit la porte dans un tintement de clochettes. Le réceptionniste constata la scène sans rien dire. Tant mieux.
Avisant l'escalier qui montait juste après la loge, je décidai de rallier la chambre numérotée sans trop m'attarder sur l'état des murs ou du « bois ». Le chocolat moisissait tout autour en larges plaques blanches et vertes, à l'image de Cacao Island. 3B.
Toc, toc, toc.
Aucune réponse ; je réitérais de plus belle, plus fort, suffisamment fort pour que même le voisin l'entende. Des bruits de pas se firent entendre et des loquets se déverrouillèrent. Une bouille enfantine encadrée d'une chevelure blonde légèrement féminine apparut :
« - C'est pour ?
- Permettez-moi de me présenter : Eleanor Bonny. Vous avez sûrement déjà entendu parler de moi. »