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Le Septentrion devait faire étape à Sekan pour se recharger en vivres ; pour cela, c'était un zone de transit importante pour la Marine dans le Nouveau Monde. Pendant près d'une heure, l'Amiral avait supervisé le chargement de denrées, de caisses de toutes sortes, à bord des nombreux navires de la flotte. Les différents commandants gueulaient les ordres tandis qu'elle contemplait le déplacement des nombreuses petites silhouettes à bord des somptueux bâtiments. Il avait suffit que l'armada débarque pour que le port fourmille d'activité, que les passants s'arrêtent et profitent du spectacle. Ce n'était pas la première fois, mais ça restait un spectacle assez rare, surtout de ce côté-là de Red Line où la fripouille pullulait et où le Gouvernement Mondial s'échinait essentiellement à défendre ses positions.

« - Nous partirons demain à l'aube. Une fois le chargement terminé, les hommes pourront prendre leur permission. Ils n'auront pas de soirée pour eux avant longtemps... »

Les deux Contre-Amiraux opinèrent du chef avant de partir transmettre les ordres à leurs subalternes, chacun de leur côté. Simple formalité, il n'y avait rien à discuter, l'exercice nécessitait les forces de chacun, ou presque et les ordres de Dessign étaient loin d'être discutables. Une tonnelle dissimulait la lumière, là où elle s'était placée, à côté du bâtiment dédié au capitaine du port. Ce-dernier s'était absenté et le calme régnait aux alentours. Un cordon de sécurité avait été placé à l'entrée des quais pour empêcher les curieux de venir perturber l'exercice.

Plus vite ça irait, plus vite elle pourrait aller se relaxer dans l'un des nombreux hôtels prévus à cet effet à Sekanville. Après tout, l'endroit avait été aménagé par le Gouvernement Mondial pour le Gouvernement Mondial et on avait l'habitude de voir du passage chez les hauts dignitaires de la Marine. Une suite lui avait déjà été réservée et, elle en était sûre, on avait sûrement envisagé de lui couler un bain. Avec le grade venaient des privilèges qu'elle ne se refusait pas. Qui sait pendant combien de temps encore elle devrait se satisfaire de la douche de sa cabine, à bord de l'Étoile du Nord ?

Il n'y avait pas grand chose d'autre à faire et pas plus à dire. S'occupant en dévorant des yeux le contenu d'un livre de poche, vaguement dissimulé pour ne pas être prise en flagrant délit de lambinage, elle attendait. Les premiers à avoir terminé leur tâche avaient été autorisés à prendre leurs marques en ville, dépenser leur salaire, la hiérarchie se délitant progressivement au fil de la journée. Beth, elle, devait rester là le temps que tout soit au point et que seuls les hommes de garde sur les bâtiments, une bonne centaine tout de même, soient les derniers restants sur les appareils. Un imprévu avait coûté du retard sur un des cuirassés, elle s'était légèrement mordue la lèvre en l'apprenant. C'était le lot des officiers, parfois on n'avait pas grand chose de plus à faire qu'attendre.

Le soleil se couchait, enveloppant le port dans une atmosphère orangée et fraiche. La plupart des habitants s'étaient rentrés pour le souper. Les derniers préparatifs touchaient à leur fin, heureusement car l'Amiral n'en pouvait plus. Elle avait fini par poser son divin fessier sur une chaise qui attendait là, consciente que cela n'était pas forcément respectueux vis à vis de ceux qui trimaient encore. Mais que voulez-vous, rester debout toute la journée sans rien faire, ça finit par miner les genoux.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes donc, lorsqu'une voix retentit comme par hasard sur la rue qui surplombait les docks.

« - À l'aide, à l'assassin ! Mon époux... ! »

Et voilà, adieu la tranquillité. En l'absence de forces de l'ordre dans le coin, c'était bel et bien à l'Amiral d'intervenir le temps que la division locale débarque. S'extirpant de son siège, elle se précipita comme elle put sur ses jambes douloureuses pour finir de façon presque comique, par une glissade, sur le lieu du crime. Au milieu d'un groupe de quelques témoin chuchotant, légèrement paniqués, une femme d'âge mûr tenait la main de son mari allongé, dans la quarantaine lui aussi, en pleurant abondamment.

« - Poussez-vous, je suis de la Marine ! » intima la jeune femme, posément mais sévèrement.

On l'écouta, on la regarda même un peu trop attentivement s'approcher du corps inerte. On ne pouvait plus rien faire pour la victime, l'épouse semblait inconsolable.

Peut-être même un peu trop. Le mantra de l'Amiral ne la trompait jamais : elle surjouait. Ce serait la première suspecte dans ce crime qui serait sûrement traité par d'autres autorités, mais elle ne pouvait pas l'arrêter sans preuve. Elle pouvait simplement dissiper les manants et donner l'ordre aux premiers soldats sur place de questionner les quelques témoins. Personne n'avait rien vu et tout semblait signaler un empoisonnement, à mesure que la peau du mort perdait ses couleurs et verdissait légèrement au niveau du visage. L'expression de douleur de l'aristocrate défunt ne mentait pas non plus.

Une dizaine de minutes suffirent pour que son problème devienne celui de quelqu'un d'autre, toutefois elle savait qu'elle devrait accompagner la patrouille à la base locale pour rendre son rapport. De l'administratif, encore, toujours, qui la garderait rivée à un siège dans une pièce sentant la javel pendant encore deux bonnes heures. À moins que...

Il n'y avait pas à proprement parler de ruelles sombres et étroites, mais certaines rues étaient moins passantes que d'autres. Au coin d'une de l'une d'entre elles, une silhouette mystérieuse épiait. Potentiellement quelqu'un qui savait quelque chose et se dissimulait pour ne pas être vu, puisqu'il eut le réflexe de se retourner lorsqu'il cerna le regard de Dessign, rivé dans sa direction. Malheureusement, il ne pouvait pas aller aussi vite que la musique, ce qui n'était pas un problème pour la soldate entraînée qui maîtrisait en partie le Rokushiki. Les arcanes de base du moins.

En un temps record, la jeune femme venait d'apparaître devant l'ombre, occupée à prendre la fuite.

« - Holà, pas un geste ! Vous semblez bien pressé dis donc... C'est dommage car j'ai quelques questions à vous poser. »

La silhouette encapuchonnée porta sa main à son front, se sachant en mauvaise posture. Puis, consciente de n'avoir pas d'autre choix que coopérer, elle retira sa capuche, révélant une crinière rose et un magnifique visage. Le « il » était en fait une « elle ».
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L’une des premières questions que s’était posée la jeune Sorcière durant son exile était « Comment vais-je me venger de ces vieilles mégères ? »  A moins qu’elle ne fût la seconde… En effet, subir calomnie et complot à seulement dix-sept ans n’est pas une mince affaire. D’abord vint le choc, et la culpabilité « Qu’ai-je fait ? », puis la douleur et la peine, léger gout de dépression. Après avoir retourné la situation dans tous les sens, et ce durant plusieurs années, une réalité pointa très vite le bout de son petit nez. La nourriture ! Alors avant de se concentrer sur une cruelle vengeance aux petits oignons, Il lui fallait trouver un moyen de se sustenter sans que cela soit occasionnelle.

Mais que pouvait-elle bien proposer comme service à la population ? Elle eut une première expérience dans la noblesse qui, à part ne pas faire tâche lors de somptueuse réception et avoir de la conversation, ne lui permettrait pas de gagner son pain. Quant à l’autre pan était aussi magique que tragique. C’est alors qu’elle se demanda si lier les deux n’étaient pas une si mauvaise idée.

Le plan était simple : A travers le monde, et les époques, les Sorcières ont toujours eu une sinistre image. Des vieilles femmes aigries, sournoises, vicieuses, et à juste titre pas fiable pour un sous. Pourtant elles n’ont jamais cessé d’exister, pour la simple et bonne raison que leur pouvoir fonctionne. Elles n’ont que faire des jugements sur leur apparence ou appartenance, car elles savent que ces mêmes détracteurs sont les premiers à se présenter dans l’ombre pour un échange de bons procédés.

Il était temps d’entrer dans une nouvelle ère. Lady Astra serait la puissante Sorcière qui se présentera lors de belles occasions, sans rougir, revendiquant fièrement son appartenance. Il fallait changer les codes, rendre ses fioles enivrantes et ses offres alléchantes. Faire en sorte que côtoyer une sorcière ne soit plus une honte, que faire appel à ses travaux ne soit pas un acte désespéré. « Non mesdames, vous en avez besoin ! ». Alors oui, ses poisons ravageurs ne seraient pas en tête de gondole, laissons planer le doute, mais sachez que c’est une possibilité…

Et c’est ce qu’elle fit. Elle se rendit à Sekan, cette ville aussi riche que fière. Pour Lilith, c’était le lieu le plus propice à son épanouissement. Très vite, Lady Astra prit ses marques face aux orgueilleux qui ne réclamaient que flatteries. Jouant de ses charmes et de beaucoup d’hypocrisie, la jeune femme entra dans ce milieu prisé et débuta son ascension. « Vos jambes sont douloureuses, prenez donc ce remède ma chère ! », « Vous l’aimez ? Avec cette potion de courage, je vous certifie que vous parviendrez à lui demander sa main ! », « Oh, elle en aime un autre ? […] Si seulement votre rival était amené à disparaitre… […] Oui, moyennement plus de Berrys et de garder la bouche fermée. […] Quelques gouttes, et le tour est joué ! ».

Quelques mois passèrent sans que Lady Astra soit pointée du doigt. Elle avait été plus moins acceptée dans un cercle restreint de riches habitants. Faire appel à ses services étaient devenu tout aussi normal que d'acheter une douzaine d'œufs. Les pommes empoisonnées ou tout autres réceptacles susceptibles de contenir la mort, étaient très rarement proposés. Oui, ce n’était pas la première ville à laquelle la jeune Sorcière s’attaquait. Et la clé de ce succès résidait dans son temps de résidence. Il fallait quitter les lieux avant l’arrivée des soupçons. Ce jour-là cependant, c’est une tout autre chose qui vint rompre son parcours sans faute.

Lorsqu’on promet le satisfait ou remboursé, il faut s’assurer que la commande eut l’effet escompté. D’autant plus quand il s’agit de la mort elle-même. C’est pour cela que la Lady se trouvait sur les docks, non loin de sa cliente exprimant avec intensité la tragique perte de son époux. Elle observait sous sa longue cape la « triste » scène. Elle ne put s’empêcher d’exprimer un haussement de sourcil et un sourire narquois face à cette piètre comédie où seul les simples d’esprits pourraient être dupés. Elle comprit au même moment que ces beaux jours à Sekan touchaient à leur fin et qu’il était temps de reprendre le large en quête d’un nouveau lieu.

Malheureusement, la nouvelle veuve ne fut pas entourée uniquement par des citoyens lambdas. Rapidement, des inconnus vêtus de blanc s’agglutinèrent sur les lieux du « crime ». Ils se dispersèrent comme dans une chorégraphie sous les ordres d’une très jolie jeune femme. Durant une fraction de secondes, Lilith lui trouva une certaine classe, un brin de jalousie lui vint aux tripes. « Cette femme dirige tous ces hommes ? Seule ? ». Elle comprit que la situation était sur le point de s’envenimer. L’enquête était lancée, et ils n’allaient pas tarder à quadriller la zone. Un laps de temps très court suffit aux deux protagonistes pour que leurs regards se croisent fermement. Elle lut dans ses yeux qu’elle n’allait pas tarder à lever le voile sur cette supercherie. La jeune Sorcière tourna les talons et s’empressa de prendre congé. Elle tenta de s’éclipser le plus naturellement possible.

Lilith était prise au dépourvue. Impossible pour elle de prendre la fuite, il était bien trop tard. Sur ce coup-là, elle n’avait pas été très prudente. La jeune femme l’interpela à une vitesse fulgurante, incompréhensible. Courir ne servirait à rien, se battre non plus à moins de lui enfoncer une potion dans la gorge ce qui serait du suicide… Il ne lui restait plus que la comédie. Elle empoigna alors le haut de sa large capuche libérant son visage de l’ombre.

« Pressée vous dites ? Voyons, une femme de votre envergure a sans doute remarqué que ces larmes et ces cris sont tout bonnement faux. Je n’ai simplement pas de temps à perdre avec une scène dramatique alors que le coupable se trouve déjà sous nos yeux. »

Lilith s’empressa de tourner les talons, indiquant par son geste que la conversation était close.

« Oh ! Au passage, très jolie couleur de cheveux »

Oui, Lady Astra jouait la carte de la comédie et de la flatterie. Attitude qui, avec les nobles, fonctionne à merveille. Il lui restait plus qu'à espérer qu'avec sa nouvelle rencontre il en serait de même.
    Beth resta bouche bée. Voilà un moment qu'on ne lui avait pas montré autant d'insolence, elle qui était pourtant l'incarnation du pouvoir. Qui avait l'habitude d'être révérée, quand bien même certains ne voyaient en elle qu'une pure beauté et pas un officier émérite. Dans ce genre de cas, elle savait remettre, les hommes généralement, à leur place. Ici, elle ne savait quoi faire : la jeune femme était-elle inconsciente ou défiait-elle l'ordre volontairement ?

    Ses paroles ne trahissaient personne : il était évident qu'elle avait un pied dans l'histoire, quand bien même elle avait en partie raison.

    « - L'une des coupables, » coupa la rousse, tandis que son interlocutrice lui tournait le dos pour s'esquiver. « Et vous n'irez nulle part tant que je n'en aurai pas donné l'ordre. »

    Des hommes s'étaient déjà précipités dans leur direction, tandis que les deux femmes faisaient la conversation. Une poignée entouraient l'Amiral qui pointa son index vers l'inconnue aux longs cheveux roses.

    « - Saisissez-la, messieurs. Il se pourrait qu'elle joue un rôle dans cette sombre affaire qui va me phagocyter ma soirée. »

    Naturellement, lorsqu'il était question d'affaires civiles, Beth pouvait à loisir se laisser aller à un langage courtois et soutenu. Sur le champ de bataille, c'était différent : il fallait gueuler, hurler des ordres simples. Elle n'appréciait pas cela, elle qui avait passé son enfance dans les bouquins. Mais c'était ce que comprenaient la majorité de ses hommes et, face au danger, il n'y avait pas d'occasion de faire de jolies tournures de phrases. L'inconnue l'avait toisée ? Raison de plus de montrer à quel point il ne fallait pas la sous-estimer, elle qui était aussi sophistiquée que gracieuse et savait envouter les hommes sans même y consacrer d'effort... essentiellement car elle ne savait pas s'y prendre.

    Les soldats réagirent au quart de tour. Un éclat blanc mit la puce à l'oreille de l'officier qui fendit l'air à nouveau pour, d'un coup de pied, désarmer l'effrontée. Le geste pouvait paraître violent, mais elle ne venait que de la préserver d'une sentence bien pire que l'interrogatoire qu'elle comptait lui imposer.

    « - Encore un peu plus et vous auriez fini vos jours à croupir aux fond d'une cellule. Vous n'avez aucune idée de ce qu'ils font aux criminels, ces temps-ci, n'est-ce-pas ? Dans le meilleur des cas, ils les pendent à la chaîne, des journées durant... »

    Une barbarie qui ne dérangeait pas la défenseuse de la Justice absolue, mais qui avait le don de la faire réfléchir. La potence était une bonne solution pour réduire l'effervescence de vermines qui parasitaient les océans, notamment Grand Line et le Nouveau Monde, mais pour une simple civile qui avait probablement aidé une femme molestée par son mari à s'en débarrasser, il y avait meilleures fins.

    « - Vous êtes en état d'arrestation. Tout ce que vous direz pourra et sera retenu contre vous.

    - Tch. »

    Au moins, elle ne manquait pas de bravoure. Mais il ne faut pas confondre courage et témérité. Les soldats attendaient les ordres, l'Amiral hésitait. Enfin, après un court silence, elle replaça son manteau d'un geste ample du bras et demanda :

    « - Ramenez-là à bord de l'Étoile du Nord.

    - Madame ?

    - Il est probable qu'elle n'ait rien à voir avec cette histoire, toutefois je ne peux réfuter un manque de respect certain envers un membre de l'État-Major de la Marine. Il s'agit d'un crime hautement répréhensible. »

    Avec les hautes positions venait cette aura de sainteté qui permettait de considérer n'importe qui vous regardant de travers comme un criminel potentiel. Ce n'était pas souvent que Beth utilisait cette justification, mais lorsque le faisait on pouvait être certain qu'il y avait anguille sous roche.

    Elle était intriguée, en vérité, voilà tout. Et cette jeune femme qui avait osé brandir un couteau face à elle semblait représenter un danger qu'il valait mieux avoir à l’œil. Se rapprochant puis s'inclinant légèrement au-dessus de l'inculpée, tenue genoux contre terre, les mains dans le dos, la rousse fit claquer sa langue à un centimètre de son oreille et ne put s'empêcher de lui rendre la monnaie de sa pièce dans un murmure à peine audible pour le reste de l'auditoire :

    « - On va vous trouver une jolie cellule à bord. Et vous allez me dire qui vous êtes et ce que vous avez à voir avec cette histoire. »

    Un magnifique sourire ornait son visage, quand bien même il était presque machiavélique. Si Beth avait un réel besoin de reconnaissance, elle supportait mal l'effronterie. Du moins, pas devant ses hommes ni en public. Elle avait suffisamment fait ses preuves pour qu'on la considère comme une figure d'autorité... non ? Ce n'était pas si simple, lorsque l'on vivait et respirait Marine, de communiquer avec le commun des mortels, finalement. Peut-être qu'elle se trompait, peut-être qu'elle n'était rien, tant qu'elle valait mieux qu'une poupée de cire.
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