C’est ici que tu as décidé de poser tes valises.
Depuis quelques semaines déjà, tu t’es trouvée une place dans une charmante petite Auberge au centre de la Ville de Chom. Au début simple cliente, tu es rapidement venue donner un coup de main à l’accueil et pour le ménage des chambres. Toujours très volontaire à l’idée de rendre service et très souriante, tu as commencé à faire ta place ici et te faire connaître sans faire de vague pour autant. Toujours très douce et avenante, prête à venir en aide à ceux qui en ont besoin partout dans les ruelles autour de l’auberge, tu n’as plus une minute à toi. C’est l’idéal pour ne pas avoir à penser « pour soi ». Tu viens chaque matin aider la vieille Annie à mettre en place ses fleurs, ensuite tu vas chercher le journal pour le grand Robert à la hanche capricieuse. Parfois tu passes saluer Elisabeth pour qu’elle te raconte les nouveaux ragots de son immeuble, quand tu ne viens pas t’occuper des chiens du père Michel.
C’est fatiguant mais c’est simple, c’est ça qui te plait.
Malgré cette routine, tes journées ne se ressemblent pas, tu as le droit à de belles histoires et les gens sont vraiment bienveillants avec toi dans ce coin. Tu sais bien que la gentillesse va dans les deux sens mais ce n’est pas toujours aussi chaleureux là où tu poses tes pieds alors tu es heureuse ainsi… Ce soir, Basile arrive à l’auberge avec l’air bien embêté, il a des cernes longues, sombres et creuses. Songeuse tu viens lui apporter un verre d’eau fraîche, il te demande si Le gros Dan, le propriétaire de l’auberge, est là. Tu réponds en pinçant les lèvres que « non » il n’est pas encore revenu de ses courses sur la place du marché.
Il soupire un peu plus, dévasté par la nouvelle…
Tu n’as pas pour habitude de voir Basile dans cet état. D’ordinaire tu te serais contenté d’un sourire, sans oser te mêler de ce qui ne te regarde peut-être pas mais… Avant qu’il ne quitte la pièce, tu lui demandes : « Vous… Voulez m’en dire plus Basile ? Je ne sais pas si je pourrais vous aider mais je peux au moins vous écouter mais avec un peu de chance, ça laissera le temps à Monsieur Dan de revenir… » Touché, il revient avec un sourire maladroit accroché aux lèvres, il te remercie de ta sollicitude et il finit par commencer sa confidence. Il te parle de sa taverne et ses finances en ce moment, qu’il a quelques soucis avec l’un de ses fournisseurs… Tu sais qu’il tourne autour du pot mais tu l’écoutes attentivement, remplissant son verre d’eau quand il se vide. Puis après de nombreux détours et quelques rires dépités, il finit par t’expliquer le vrai problème. Bella est malade, elle n’a plus de voix. Mais Bella, c’est son étoile, sa fierté… C’est les soirs où elle monte sur scène qu’ils font les plus beaux profits.
Basile hausse les épaules, finissant par se tasser sous sa fatalité.
Ce soir normalement, elle devait se produire à guichet fermés devant certains privilégiés. Il se voit déjà rembourser tout le monde… Tu pinces les lèvres, hésitante devant ta propre idée. Mais tu te lances, tu lui expliques que tu as passé pas mal de ton temps à chanter avant d’arriver ici. Évidemment, tu ne rentres pas dans les détails, tu te contentes de lui dire que tu pourrais voir avec Dan pour venir passer la fin de journée avec Bella pour qu’elle puisse juger si tu peux la remplacer exceptionnellement. Basile hésite, il regarde l’horloge à plusieurs reprises avant de se frotter la nuque, prêt à refuser ton offre quand Dan fait son retour les bras chargés. Tu t’empresses de venir l’aider, Basile aussi. Et il ne faut pas longtemps pour que le sujet revienne à la charge. Dan accepte de bon cœur après avoir donné une tape dans le dos, un peu trop violente pour le gabarit de Basile à son ami en lui disant que ça lui coûtera bien moins cher d’essayer ça avant de devoir tout rembourser.
C’est comme ça que tu pars à l’aventure avec Basile.
Tu arrives chez Bella, qui te saute presque dans les bras, ravie à l’idée de pouvoir faire de toi sa chose pour la soirée. Les robes volent dans sa loge, tu te fais chouchouter avec une douceur qui te détend rapidement. Bella n’est pas comme Belinda. Dans ses gestes comme dans ses mots, Bella est vraiment gentille avec toi. Tu te prêtes aux jeux, elle te montre les chansons, tu lui indiques celles que tu connais. Elle te montre la seule que tu dois impérativement apprendre pour ce soir. C’est une véritable course contre la montre, puis… Sonne déjà l’heure pour toi d’aller rejoindre le petit tabouret proche du piano. Les premières têtes arrivent, certains te regardent, d’autres te pointent du doigt et questionnent Basile qui s’est fait tout beau. Tu sens la nervosité qui vient t’envahir alors tu serres les mains et tu souffles. Ton regard s’égare sur la foule, comme si tu cherchais un regard familier, qui te rassure. Celui de « ton » capitaine. Mais il n’y a rien… personne. Tu prends cette triste réalité dans la tête, il ne sera plus jamais là. Les premiers accords s’élèvent, tu te redresses, ton regard s’arrête dans ses grands yeux fatigués, tu figes un instant, les notes du piano te ramènent sur terre…
Tu chantes la première chanson, puis la deuxième.
Tu chantes chacune des chansons pour lesquelles tu es là, dans cette belle robe noire, un peu trop moulante pour toi bien plus grande que Bella. Tu ne t’en soucies pas, tu passes entre les tables, tu te penches parfois, tu chantes et tu charmes, tu amuses et tu apaises. Certains t’admirent d’autres t’ignorent. Qu’importe, quand tu veux t’assurer que tout est bon, tu regardes vers le bar, Bella est au service, elle hoche la tête et tu repars. Parfois tu reviens sur les yeux de cet homme, tu n’arrives pas à les oublier, mais tu sais que tu ne dois pas trop les regarder. Les chansons finissent, c’est l’heure de la pause. L’alcool s’est invité, le repas aussi. Les esprits s’agitent et les sourires s’agrandissent. L’ambiance est bonne enfant, le volume un peu trop fort alors tu te mets en retrait. Tu reçois quelques félicitations, quelques encouragements et tu finis avec un verre frais entre les doigts. C’est si bon, de quoi tenir avant ta dernière ligne droite, cette dernière chanson qui te stresse tant. Tu la fredonnes dans ta tête, cette demande spéciale, payée en avance par celui qui veut l’entendre… Tu te demandes si c’est l’homme au regard qui dérange qui l’a demandé Mais évidemment… Basile n’a pas le droit de te dire, c’est un secret bien gardé.
Et quand tes yeux retrouvent encore ceux clairs de l’homme silencieux, tu ne les détournes pas pour une fois…
Juste le temps d'une chanson - [Peeter]
Mains dans les poches du long manteau qui me couvre le corps, une clope au bec, casquette bombée vissée sur le boulard, je marche sereinement dans les rues de Chom. Et je peux vous dire que ça fait un putain de bien, que de pouvoir traîner à l’extérieur sans craindre de se faire suriner au détour d’une ruelle. De juste flâner, avec insouciance si je peux dire, même si j’ai quand même une part de moi qui guette les alentours. Vieux réflexe de sale ordure, je dirais. Y’a que quelqu’un d’aussi pourri que moi qui pourrait comprendre ce que je ressens, y’a cette relâche générale niveau cerveau et muscles, mais y’a quand même ce dispositif de sécurité activé dans un coin de la cervelle.
Histoire de pouvoir réagir si un enfoiré de première déboule un poignard à la main, dans l’idée de me refroidir.
On est quand même bien loin du niveau d’alerte et de stress intensif qui m’accompagne habituellement. Je me sentirai presque léger, si seulement et seulement si je pensais pas autant à elle. Dire qu’elle hante mes songes est un doux euphémisme tant je suis obsédé par sa mort. Nuits et jours, à n’importe quel moment, quoique je fasse, elle est là. Son image, sa présence, je pourrais presque en sentir le parfum qu’elle portait la dernière fois que je l’ai vu. Tout comme je pourrais sentir l’odeur de sang qui s’échappait de son corps après que cet enfoiré de Chestair lui ai collé une balle dans la tête.
Non, je suis loin d’être serein finalement. Trop de choses qui se bousculent dans ma tête et j’arrive pas à m’en libérer, comme à mon habitude. C’est devenu ma marque de fabrique avec le temps, le fait de trop penser. Trop réfléchir à toutes sortes de choses, m’en faire des scénarios dans le crâne, la plupart se terminant catastrophiquement. Certains aiment dire qu’il ne sert à rien de ressasser le passé, que ce qui a été accompli doit être laissé derrière, se torturer avec les erreurs commises n’apporte rien de bon.
Des conneries. C’est bien plus facile à dire qu’à faire.
Pour le moment j’ai trouvé qu’un seul remède, qu’une seule thérapie efficace au mal qui me ronge. Drogue et alcool, délicieux cocktail fruité épicé qui te retourne le crâne, le secoue dans tous les sens pour te le propulser dans une autre dimension. Succès garantit, résultats visibles dès le premier essai. Après ça, t’es juste plus en état de penser.
C’est une solution de lâche, je sais oui. Mais pour le moment, j’ai rien trouvé de mieux. Alors cette fois encore, je pars me réfugier dans mes vieux démons, car il n’y a que dans leurs bras que je me sens en sécurité. Réellement, en sécurité.
Une auberge à la con dans laquelle je m’engouffre sans trop prêter attention aux peigne-culs à l’intérieur. Y’a une serveuse qui me souhaite la bienvenue, je lui réponds à peine d’un signe de tête et file à une table. Cul posé sur une chaise, j’occupe l’emplacement des paumés et des types sombres dans mon genre, ceux qui veulent pas qu’on les approche et qui préfèrent pleurer en silence et intérieurement dans un coin de la salle, une bouteille de rhum comme seule compagnie. C’est ironique comme ce genre de gars finissent toujours par s’attirer la sympathie d’une gonzesse naïve et beaucoup trop gentille, et surtout masochiste.
Il faut aimer souffrir pour tomber amoureuse d’un connard de première qui vous placera systématiquement au second plan, trop absorbé qu’il est par ses sombres projets.
La vérité c’est que ces pauvres filles se révèlent tout autant brisées que le mec aux allures de mauvais garçon et au lieu de recoller les morceaux pour en faire un joyau qui illuminera sa vie pour le restant de ces jours, cet abruti termine de les casser, avant de s’en détourner sans le moindre regard. Une espèce de cercle vicieux, puisque ces filles brisées vont devenir des femmes rancunières, traumatisées pour certaines, revanchardes sur la vie et les hommes. Et ce putain de cercle de haine et de souffrance ne va faire que de se perpétuer, alimenté par la connerie humaine.
On annonce la venue du pianiste, une célébrité ici à Chom, et plus globalement sur Inu Town. On le dit avoir fait nombre de tavernes, auberges et autres lieux de rassemblement des passionnés de la musique. Pas convaincu sur ce dernier point, mais eh, c’est pas moi qui suis chargé de faire sa promo’. Le type en question me laisse un peu sur le cul, c’est qu’il est pas banal. Lee Chevilles qu’il se fait appeler, je comprends pourquoi. Ce gars est pas plus grand qu’un mioche, c’est surprenant. Il arrive aux chevilles de la demoiselle qui l’accompagne ce soir. Très belle femme, d’ailleurs. Elle capte plus mon attention que le court sur pattes à ses côtés.
Je sais pas si c’est sa robe obsidienne ou ses formes séduisantes qui attirent plus mes yeux, mais quelque chose en elle capte mon attention. Y’a trop de choses en fait, difficile de faire un choix. Elle a de belles jambes, mises en valeur par sa tenue de soirée. Des cicatrices habillant son visage, pas celles qui vous enlaidissent, sa bobine en ressort sublimée, je trouve. Ses yeux vairons se marient bien dans le paysage, apportent à l’ensemble du tableau une touche captivante, presque envoûtante. Et cette chevelure…
Je préfère détourner le regard quand le sien croise le mien, un brin gêné, déstabilisé. Je n’ai pas connu ça souvent avec une femme, rares sont celles qui ont pu me faire perdre mes moyens d’un simple regard. Concentrer mon attention sur ce verre qui m’a été servi, sa bouteille posée non loin sur la table. Bois Peeter, c’est pour ça que t’es venu.
Elle, elle est ici pour chanter. Pas besoin qu’un vulgaire criminel dans ton genre vienne la détourner du droit chemin, pas encore une fois. T’en as assez fait comme ça, reste tranquille cette fois.
Mais dès les premières notes, dès les premières paroles chantées, quelque chose se produit au fond de moi, quelque chose se retourne, chamboule tout à l’intérieur. Elle n’a pas seulement un physique, elle a aussi une voix. Et cette voix réveille en moi ce que je n’aime pas, tout autant qu’elle me procure une sensation de bien être. Elle déclenche en moi cette sensibilité et cette empathie longtemps refoulées, car considérées comme handicapantes et dangereuses. Je ne veux pas ressentir ça et pourtant, j’adore l’entendre chanter.
Les souvenirs affluent, traversant mes barrières psychiques comme l’eau enfonce un barrage incapable de la contenir. Remonte à la surface un flot d’images qui serrent le cœur et nouent la gorge, allant même jusqu’à humidifier le coin des yeux. Mais les larmes ne coulent pas, elles ne coulent jamais. On ne permet pas ce genre de choses quand on est un criminel.
Les chansons s’enchaînent et les verres défilent, je ne vois plus le temps passer et profite de cet instant qui nous est offert. Certes, je me noie dans le passé, mais contrairement à d’ordinaire, je suis en bonne compagnie. De temps en temps, il y a cet échange qui se crée, ce croisement qui s’opère et ce moment de solitude qui nous englobe, rien qu’elle et moi, furtif. Je ne sais pas trop ce qui me prend, ni pourquoi je me mets dans un tel état pour une inconnue à la voix un peu trop plaisante, mais je vais jusqu’à payer quelques billets au patron pour demander à la chanteuse de nous jouer un chant qui me trotte dans la tête depuis quelque temps…
Quand la pause sera terminée, elle chantera pour moi. Sans le savoir, évidemment, j’ai tenu à préserver l’anonymat. En attendant, c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à détourner mon attention d’elle. Et forcément, à trop la fixer intensément, elle finit par le remarquer. Sauf que contrairement aux fois précédentes, elle ne fuit pas mon regard, cette fois. Et l’échange qui s’installe aurait de quoi faire vaciller les jambes d’un Empereur, tant il est chargé en intensité. De longues, très longues dizaines de secondes à se fixer, se scruter, tenter de se cerner.
Il faudra finalement l’intervention du petit gars, Lee Chevilles, pour venir agripper un pan de la robe ténébreuse de la belle chanteuse et l’informer de la reprise de leur prestation. Tous deux retournent s’installer près du piano et dès les premières notes, je capte qu’il s’agit de ma chanson.
Captivé, je descends mon verre de rhum cul sec et écoute attentivement la suite.
Histoire de pouvoir réagir si un enfoiré de première déboule un poignard à la main, dans l’idée de me refroidir.
On est quand même bien loin du niveau d’alerte et de stress intensif qui m’accompagne habituellement. Je me sentirai presque léger, si seulement et seulement si je pensais pas autant à elle. Dire qu’elle hante mes songes est un doux euphémisme tant je suis obsédé par sa mort. Nuits et jours, à n’importe quel moment, quoique je fasse, elle est là. Son image, sa présence, je pourrais presque en sentir le parfum qu’elle portait la dernière fois que je l’ai vu. Tout comme je pourrais sentir l’odeur de sang qui s’échappait de son corps après que cet enfoiré de Chestair lui ai collé une balle dans la tête.
Non, je suis loin d’être serein finalement. Trop de choses qui se bousculent dans ma tête et j’arrive pas à m’en libérer, comme à mon habitude. C’est devenu ma marque de fabrique avec le temps, le fait de trop penser. Trop réfléchir à toutes sortes de choses, m’en faire des scénarios dans le crâne, la plupart se terminant catastrophiquement. Certains aiment dire qu’il ne sert à rien de ressasser le passé, que ce qui a été accompli doit être laissé derrière, se torturer avec les erreurs commises n’apporte rien de bon.
Des conneries. C’est bien plus facile à dire qu’à faire.
Pour le moment j’ai trouvé qu’un seul remède, qu’une seule thérapie efficace au mal qui me ronge. Drogue et alcool, délicieux cocktail fruité épicé qui te retourne le crâne, le secoue dans tous les sens pour te le propulser dans une autre dimension. Succès garantit, résultats visibles dès le premier essai. Après ça, t’es juste plus en état de penser.
C’est une solution de lâche, je sais oui. Mais pour le moment, j’ai rien trouvé de mieux. Alors cette fois encore, je pars me réfugier dans mes vieux démons, car il n’y a que dans leurs bras que je me sens en sécurité. Réellement, en sécurité.
Une auberge à la con dans laquelle je m’engouffre sans trop prêter attention aux peigne-culs à l’intérieur. Y’a une serveuse qui me souhaite la bienvenue, je lui réponds à peine d’un signe de tête et file à une table. Cul posé sur une chaise, j’occupe l’emplacement des paumés et des types sombres dans mon genre, ceux qui veulent pas qu’on les approche et qui préfèrent pleurer en silence et intérieurement dans un coin de la salle, une bouteille de rhum comme seule compagnie. C’est ironique comme ce genre de gars finissent toujours par s’attirer la sympathie d’une gonzesse naïve et beaucoup trop gentille, et surtout masochiste.
Il faut aimer souffrir pour tomber amoureuse d’un connard de première qui vous placera systématiquement au second plan, trop absorbé qu’il est par ses sombres projets.
La vérité c’est que ces pauvres filles se révèlent tout autant brisées que le mec aux allures de mauvais garçon et au lieu de recoller les morceaux pour en faire un joyau qui illuminera sa vie pour le restant de ces jours, cet abruti termine de les casser, avant de s’en détourner sans le moindre regard. Une espèce de cercle vicieux, puisque ces filles brisées vont devenir des femmes rancunières, traumatisées pour certaines, revanchardes sur la vie et les hommes. Et ce putain de cercle de haine et de souffrance ne va faire que de se perpétuer, alimenté par la connerie humaine.
On annonce la venue du pianiste, une célébrité ici à Chom, et plus globalement sur Inu Town. On le dit avoir fait nombre de tavernes, auberges et autres lieux de rassemblement des passionnés de la musique. Pas convaincu sur ce dernier point, mais eh, c’est pas moi qui suis chargé de faire sa promo’. Le type en question me laisse un peu sur le cul, c’est qu’il est pas banal. Lee Chevilles qu’il se fait appeler, je comprends pourquoi. Ce gars est pas plus grand qu’un mioche, c’est surprenant. Il arrive aux chevilles de la demoiselle qui l’accompagne ce soir. Très belle femme, d’ailleurs. Elle capte plus mon attention que le court sur pattes à ses côtés.
Je sais pas si c’est sa robe obsidienne ou ses formes séduisantes qui attirent plus mes yeux, mais quelque chose en elle capte mon attention. Y’a trop de choses en fait, difficile de faire un choix. Elle a de belles jambes, mises en valeur par sa tenue de soirée. Des cicatrices habillant son visage, pas celles qui vous enlaidissent, sa bobine en ressort sublimée, je trouve. Ses yeux vairons se marient bien dans le paysage, apportent à l’ensemble du tableau une touche captivante, presque envoûtante. Et cette chevelure…
Je préfère détourner le regard quand le sien croise le mien, un brin gêné, déstabilisé. Je n’ai pas connu ça souvent avec une femme, rares sont celles qui ont pu me faire perdre mes moyens d’un simple regard. Concentrer mon attention sur ce verre qui m’a été servi, sa bouteille posée non loin sur la table. Bois Peeter, c’est pour ça que t’es venu.
Elle, elle est ici pour chanter. Pas besoin qu’un vulgaire criminel dans ton genre vienne la détourner du droit chemin, pas encore une fois. T’en as assez fait comme ça, reste tranquille cette fois.
Mais dès les premières notes, dès les premières paroles chantées, quelque chose se produit au fond de moi, quelque chose se retourne, chamboule tout à l’intérieur. Elle n’a pas seulement un physique, elle a aussi une voix. Et cette voix réveille en moi ce que je n’aime pas, tout autant qu’elle me procure une sensation de bien être. Elle déclenche en moi cette sensibilité et cette empathie longtemps refoulées, car considérées comme handicapantes et dangereuses. Je ne veux pas ressentir ça et pourtant, j’adore l’entendre chanter.
Les souvenirs affluent, traversant mes barrières psychiques comme l’eau enfonce un barrage incapable de la contenir. Remonte à la surface un flot d’images qui serrent le cœur et nouent la gorge, allant même jusqu’à humidifier le coin des yeux. Mais les larmes ne coulent pas, elles ne coulent jamais. On ne permet pas ce genre de choses quand on est un criminel.
Les chansons s’enchaînent et les verres défilent, je ne vois plus le temps passer et profite de cet instant qui nous est offert. Certes, je me noie dans le passé, mais contrairement à d’ordinaire, je suis en bonne compagnie. De temps en temps, il y a cet échange qui se crée, ce croisement qui s’opère et ce moment de solitude qui nous englobe, rien qu’elle et moi, furtif. Je ne sais pas trop ce qui me prend, ni pourquoi je me mets dans un tel état pour une inconnue à la voix un peu trop plaisante, mais je vais jusqu’à payer quelques billets au patron pour demander à la chanteuse de nous jouer un chant qui me trotte dans la tête depuis quelque temps…
Quand la pause sera terminée, elle chantera pour moi. Sans le savoir, évidemment, j’ai tenu à préserver l’anonymat. En attendant, c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à détourner mon attention d’elle. Et forcément, à trop la fixer intensément, elle finit par le remarquer. Sauf que contrairement aux fois précédentes, elle ne fuit pas mon regard, cette fois. Et l’échange qui s’installe aurait de quoi faire vaciller les jambes d’un Empereur, tant il est chargé en intensité. De longues, très longues dizaines de secondes à se fixer, se scruter, tenter de se cerner.
Il faudra finalement l’intervention du petit gars, Lee Chevilles, pour venir agripper un pan de la robe ténébreuse de la belle chanteuse et l’informer de la reprise de leur prestation. Tous deux retournent s’installer près du piano et dès les premières notes, je capte qu’il s’agit de ma chanson.
Captivé, je descends mon verre de rhum cul sec et écoute attentivement la suite.
Dernière édition par Peeter G. Dicross le Jeu 20 Jan 2022 - 12:15, édité 3 fois
Son regard te fascine, le temps s’arrête…
Vous oubliez les convenances et la politesse pour ces quelques secondes de contact. Qui est-il ? Pourquoi ressens-tu autant de mélancolie et de souffrance derrière un voile d’intérêt ? Pourquoi tu n’arrives pas à te détourner. Il te fait à « lui » ? Ou alors est-ce la première fois depuis que tu découvres la liberté que tu prends le temps de réellement l’observer, ce monde qui t’es offert ? Tu n’es pas en mesure d’y penser sérieusement car il n’y a que ces yeux qui compte. C’est si différent d’ainsi les soutenir, c’est si intense. Mais le monde ne peut pas s’arrêter de tourner indéfiniment, la réalité va revenir te frapper en plein dans le ventre, enfin la cheville…
Oui, tu sais bien que le moment approche…
C’est ce moment que tu redoutes le plus, cette demande si spéciale. Qui ? Lui ? Un autre ? Tu sais que les minutes de repos se sont écoulés depuis trop longtemps. Mais tu ne veux pas bouger d’ici, tu ne veux pas risquer de voir ce regard se détourner à jamais. Etrange, d’ordinaire tu ne te soucies pas réellement de ce genre de choses, non ? Pourquoi lui ? Et cette chanson qui commence à te montrer aux lèvres même si tu n’en maitrises pas parfaitement les paroles. Tu souffles cette mélodie, tu redoutes cette profondeur et l’impact de cette tristesse… T’es une sensible Baby, ça te prend tellement dans les tripes que t’en oublierait presque de respirer… Puis il y a cette petite pression sur ta robe, tes yeux qui quittent à regret ceux de ton étranger pour revenir dévaler ta jambe dénudée pour retrouver Lee Chevilles et son regard fuyant, son air mécontent, un peu grognon en surface pour cacher la gêne qui orne ses joues… Il te dit « Baby, faut qu’on y retourne… S’il te plait… » Tu hoches la tête et il lâche ta robe.
Hélas, tu ne peux pas revenir chercher son regard…
Tu dois le quitter comme tu as eu le plaisir de le retrouver. Sans rien dire, sans rien faire. Ce n’est qu’un mirage, un sentiment étrange qui fait résonner cette vie que tu dois t’efforcer d’oublier. Ce besoin de pleurer pour les autres en oubliant de pleurer pour toi. Tu serres légèrement ta robe, Lee repose sa main sur ta jambe, il t’invite à te pencher vers lui. Rapidement, de ton mètre quatre-vingts, tu t’abaisses. Presque en boule face à lui, tenant ta jupe pour éviter de montrer ce qui ne se montre qu’en secret, tu regardes le pianiste en souriant toujours si tendrement, masque parfait pour ta nervosité… Mais lui, il sait, il a compris. Il pose sa minuscule main galeuse sur ta joue, il te dit qu’il a confiance en toi, que tu vas y arriver et que si jamais tu dérapes il fera en sorte d’en faire un plus grand succès. Tu souris et tu le remercies d’un sourire plus grand et plus doux. Il rougie un peu plus, avant de prendre un peu plus bougon : « Maintenant, Remonte sur scène et donne tout ce que tu as. »
Tu déposes tes deux mains sur le support de micro.
Lentement tes yeux se ferme, une grande inspiration et avant même que le piano se lance… Tu donnes les premières notes, les premières phrases. Sans forcer, sans pousser. Comme si tu venais de chuchoter la plus douce des confidences à ton auditoire, Comme si chacun d’entre eux en étaient le privilégié… Même Lee frissonne, il ne pensait pas que tu serais … prenante. Mais il enchaîne, comme la promesse maladroite qu’il t’a faite, il s’adapte à ta version. Tu donnes le rythme plus doux, presque mystique. Tu chantes comme si tu étais sur l’oreiller de celui qui doit te confier l’ensemble de ses peines, l’ensemble de ses souffrances. Plus tu chantes, plus tu te fais prendre à tes propres émotions. Ta voix de plus en plus forte, tu lances les notes avec une facilité déconcertante pour une femme si fine puis tu finis comme tu as commencé… La voix chuchotée. Le souffle te manque légèrement. Les mots deviennent presque secondaires, il n’y plus que cette mélodie et tes larmes qui franches qui épouse tes joues, ton cou…
Lee achève votre chanson les mains tremblantes…
Lui aussi n’est pas prêt d’oublier votre duo d’une nuit. Baby, ta voix est un trésor. Quand tu te libères, quand tu oublies tes chaînes, tu ne fais pas que chanter, tu transmets toutes ces émotions que tu as rencontré, tu relèves celles des autres pour mieux les protéger et les sublimer... Ta franchise et ta pureté s’élève quand tu oublies que tous te regardent, comme ce soir… A la fin, le silence s’installe devant toi. Tu es toujours là, toute droite sur scène, pleurant à chaude larmes en cachant ton visage de tes mains tremblantes comme le ferait la plus triste des enfants. Désormais tu n’as plus besoin de montrer tes larmes, tu peux les cacher dans tes mains légèrement tremblantes. Oui, tu es submergée par ta propre prestation.
Ton auditoire reste figé, personne n’ose bouger…
Comme pour éviter de te déranger, comme pour ne pas te brusquer. Puis il y a les premiers applaudissements… qui entrainent les autres et rapidement les sifflements… Cette acclamation redonne à sa pièce tout son effervescence et te ramènent sur terre. Basile prends la relève en demandant qu’on remercie encore une fois « La petite » qui est venue remplacer Bella ce soir et t’invite à quitter la scène en te guidant d’une main dans le dos. Tu t’inclines respectueusement, cherchant une dernière fois celui aux yeux clairs sans réussir à le voir. Tu quittes la lumière pour revenir à ton coin de comptoir, tu demandes un verre de soda sucré recevant en rougissant, en souriant, les compliments du serveur. Tu restes ainsi, encore secouée par ces sanglots, frottant le coin de tes yeux même si tu as le sourire et le rire facile. Tu apaises ton cœur, enterre cette émotion que tu n’as même pas essayer de maitriser. Lee se remet au piano pour finir la soirée, tu lui fais un signe de tête puis tu recommences à le chercher, lui et ses beaux yeux…
- Le petit Dessin de Lee-chevilles et Baby en plus grand:
Lourd de sentiments, prenant, remuant, qui vous colle les panards aux planches du pont sur la montée, et vous largue dans le vide dans une gargantuesque chute libre à la redescende, de l’autre côté de la montagne. Si l'ascension de Reverse Mountain devait être décrite, c’est ainsi que les nombreux marins à avoir franchi cette gigantesque montagne rouge l’auraient fait. Renversant et terriblement excitant, à vous en faire frissonner l’intégralité des poils de votre corps. Pourtant ici, nul navire navigant sur les flots bleus, juste une bande de pauvres gars un peu paumés, fatigués de leur journée de travail, déprimés ou agacés, cherchant à s’évader l’instant d’un verre et d’une chanson.
Cette femme leur offrait plus qu’une escapade, elle les embarquait de force dans un majestueux bâtiment naval et depuis la figure de proue, conduisait l’équipage jusqu’au sommet de Reverse, sa voix enchanteresse donnant le rythme.
Je me suis pas vu fermer les yeux, balançant la tête en arrière, dans le vide. Le verre à la main, des pensées en bataille à l’esprit, envahissant l’espace comme une armée s’empare d’un pays. Incapable de faire le vide, de m’en libérer. Jusqu’à ce qu’elle se mette à chanter ma chanson, à pousser les notes sur les paroles que j’ai choisi d’entendre.
Oh…
Ça cogne fort dans le cœur, palpitant qui s’emballe plus que la première fois que j’ai abattu un homme. Un sentiment étrange qui m’envahit, d’une profonde tristesse écrasante, qui te prends à la gorge pour remonter jusqu’à tes yeux, tes narines. L’idée c’est d’y faire pleuvoir, dans ces zones que tu souhaites pas qu’il y pleuve. Encore moins devant tous ces gens, interdit de chialer devant des inconnus.
Mais bordel c’est dur de retenir les larmes de couler, sa voix me retourne les tripes et fait s’effondrer les nombreuses barrières érigées au fond de moi. Cette chanson, Talia avait pour habitude de me la chanter quand ça allait pas, vraiment pas. Je me souviens de la dernière fois comme si c’était aujourd’hui, comme si c’était maintenant. Elle, le dos contre le mur, assise. Bras et jambes ouverts pour m’accueillir, me faire une place au plus proche de son corps, de sa peau. Moi qui viens m’asseoir, la carafe posée entre ses seins, ses doigts caressant ma tignasse, ses jambes enserrant les miennes.
Ici, je suis à l’abri. Ici, je me sens apaisé, en sécurité. Et je m’endors, bercé par sa douce voix et la puissance de ces mots.
Mais elle n’est pas là aujourd'hui. Elle n’est plus là.
Ce n’est pas sa voix.
Ce ne sont pas ses bras, ses jambes, ses doigts.
Ni même ses yeux.
Elles sont totalement différentes et pourtant, le sentiment de sécurité est le même. Alors je vais l’écouter jusqu’au bout, terminer mon verre au son émis par ses cordes vocales et peut-être qui sait, ce soir, je dormirai bien. Enfin.
Toutes les bonnes choses ont une fin, de ce qu’on aime dire. Je pourrais pas être plus d’accord, mais surtout, les mauvaises sont éternelles. Le piano cesse d’émettre et la chanteuse s’arrête, en pleurs. Ça me fendrait le cœur, si j’en avais encore un. En revanche, ça m’intrigue. Qu’est-ce qui l’a mis dans cet état ? Elle semble si sensible, si fragile, qu’on voudrait monter sur scène pour la protéger de tous ces regards. Sécher ses larmes et apporter un sourire sur ce joli minois.
J’ai mon radar qui s’active, celui qui détecte les âmes en peine. Les cœurs en miettes, froissés, à l’abandon, perdus. Les gens comme moi ?
La foule acclame la prestation et c’est bien normal. Je bronche pas, pas trop mon genre de suivre le mouvement ou d’applaudir, même si j’ai apprécié le spectacle. Je continue de l’observer depuis ma table. Avant de quitter son perchoir, le précieux oiseau cherche en ma direction une dernière fois.
Je sais très bien pourquoi. Ce qu’elle ressent à chaque fois que nos visions s’entremêlent, innocentes. Pendant que ses collègues prennent soin d’elle au comptoir du bar, je me déplace, une main dans la poche de mon pantalon. Le manteau est resté sur la chaise, la température ambiante a foutrement grimpé depuis le passage de la belle aux mille et une cicatrices.
Le piano retrouve sa voix au moment où je me pointe au bar, dans le dos de la demoiselle qui ne m’a pas remarqué. Un maigre sourire étire le coin de mes lèvres à l’observer me chercher parmi les clients à table. Je ne sais pas ce que vous buvez, mais moi je vais prendre un rhum ambré. Le serveur m’accorde un hochement de tête, l’information est passée. Quand elle se tourne vers moi, je reste impassible. Presque dénué d’émotion, excepté que je suis capable d’en ressentir, les plus mauvaises seulement. Vous êtes vraiment douée, vous savez. Je ne pense pas qu’elle le sache, justement. Ou du moins, qu’elle soit trop humble pour se l’avouer.
C’est le problème avec les gens, l’humilité chez eux est répartie avec le cul. Si c’était un quelconque foutu dieu à la con qui s’occupait de la dispatcher au sein de chacun d’entre nous, je l’imagine faire ça les yeux bandés, à une main, l’autre occupée à faire tourner autour de son index un morceau de fer à la con. Une clé, la clé de la connerie. Parce que le manque d’humilité mène souvent vers la connerie, j’ai remarqué. Cette chanson… une seule personne est capable de la chanter aussi bien que vous… Elle doit probablement s’en tamponner bien sec, mais je sais pas trop pourquoi, je suis d’humeur à l’ouvrir. Enfin, elle en était capable. Y’a eu une petite mise à jour récemment, statut décédée.
Je m’enquille le verre à sa mémoire.
Cette femme leur offrait plus qu’une escapade, elle les embarquait de force dans un majestueux bâtiment naval et depuis la figure de proue, conduisait l’équipage jusqu’au sommet de Reverse, sa voix enchanteresse donnant le rythme.
Je me suis pas vu fermer les yeux, balançant la tête en arrière, dans le vide. Le verre à la main, des pensées en bataille à l’esprit, envahissant l’espace comme une armée s’empare d’un pays. Incapable de faire le vide, de m’en libérer. Jusqu’à ce qu’elle se mette à chanter ma chanson, à pousser les notes sur les paroles que j’ai choisi d’entendre.
Oh…
Ça cogne fort dans le cœur, palpitant qui s’emballe plus que la première fois que j’ai abattu un homme. Un sentiment étrange qui m’envahit, d’une profonde tristesse écrasante, qui te prends à la gorge pour remonter jusqu’à tes yeux, tes narines. L’idée c’est d’y faire pleuvoir, dans ces zones que tu souhaites pas qu’il y pleuve. Encore moins devant tous ces gens, interdit de chialer devant des inconnus.
Mais bordel c’est dur de retenir les larmes de couler, sa voix me retourne les tripes et fait s’effondrer les nombreuses barrières érigées au fond de moi. Cette chanson, Talia avait pour habitude de me la chanter quand ça allait pas, vraiment pas. Je me souviens de la dernière fois comme si c’était aujourd’hui, comme si c’était maintenant. Elle, le dos contre le mur, assise. Bras et jambes ouverts pour m’accueillir, me faire une place au plus proche de son corps, de sa peau. Moi qui viens m’asseoir, la carafe posée entre ses seins, ses doigts caressant ma tignasse, ses jambes enserrant les miennes.
Ici, je suis à l’abri. Ici, je me sens apaisé, en sécurité. Et je m’endors, bercé par sa douce voix et la puissance de ces mots.
Mais elle n’est pas là aujourd'hui. Elle n’est plus là.
Ce n’est pas sa voix.
Ce ne sont pas ses bras, ses jambes, ses doigts.
Ni même ses yeux.
Elles sont totalement différentes et pourtant, le sentiment de sécurité est le même. Alors je vais l’écouter jusqu’au bout, terminer mon verre au son émis par ses cordes vocales et peut-être qui sait, ce soir, je dormirai bien. Enfin.
Toutes les bonnes choses ont une fin, de ce qu’on aime dire. Je pourrais pas être plus d’accord, mais surtout, les mauvaises sont éternelles. Le piano cesse d’émettre et la chanteuse s’arrête, en pleurs. Ça me fendrait le cœur, si j’en avais encore un. En revanche, ça m’intrigue. Qu’est-ce qui l’a mis dans cet état ? Elle semble si sensible, si fragile, qu’on voudrait monter sur scène pour la protéger de tous ces regards. Sécher ses larmes et apporter un sourire sur ce joli minois.
J’ai mon radar qui s’active, celui qui détecte les âmes en peine. Les cœurs en miettes, froissés, à l’abandon, perdus. Les gens comme moi ?
La foule acclame la prestation et c’est bien normal. Je bronche pas, pas trop mon genre de suivre le mouvement ou d’applaudir, même si j’ai apprécié le spectacle. Je continue de l’observer depuis ma table. Avant de quitter son perchoir, le précieux oiseau cherche en ma direction une dernière fois.
Je sais très bien pourquoi. Ce qu’elle ressent à chaque fois que nos visions s’entremêlent, innocentes. Pendant que ses collègues prennent soin d’elle au comptoir du bar, je me déplace, une main dans la poche de mon pantalon. Le manteau est resté sur la chaise, la température ambiante a foutrement grimpé depuis le passage de la belle aux mille et une cicatrices.
Le piano retrouve sa voix au moment où je me pointe au bar, dans le dos de la demoiselle qui ne m’a pas remarqué. Un maigre sourire étire le coin de mes lèvres à l’observer me chercher parmi les clients à table. Je ne sais pas ce que vous buvez, mais moi je vais prendre un rhum ambré. Le serveur m’accorde un hochement de tête, l’information est passée. Quand elle se tourne vers moi, je reste impassible. Presque dénué d’émotion, excepté que je suis capable d’en ressentir, les plus mauvaises seulement. Vous êtes vraiment douée, vous savez. Je ne pense pas qu’elle le sache, justement. Ou du moins, qu’elle soit trop humble pour se l’avouer.
C’est le problème avec les gens, l’humilité chez eux est répartie avec le cul. Si c’était un quelconque foutu dieu à la con qui s’occupait de la dispatcher au sein de chacun d’entre nous, je l’imagine faire ça les yeux bandés, à une main, l’autre occupée à faire tourner autour de son index un morceau de fer à la con. Une clé, la clé de la connerie. Parce que le manque d’humilité mène souvent vers la connerie, j’ai remarqué. Cette chanson… une seule personne est capable de la chanter aussi bien que vous… Elle doit probablement s’en tamponner bien sec, mais je sais pas trop pourquoi, je suis d’humeur à l’ouvrir. Enfin, elle en était capable. Y’a eu une petite mise à jour récemment, statut décédée.
Je m’enquille le verre à sa mémoire.
Dernière édition par Peeter G. Dicross le Jeu 20 Jan 2022 - 12:15, édité 2 fois
C’était bien trop pour une seule âme.
Tu n’arrives pas à te sortir ses accords de la tête, ce fredonnement qui reste vissé à tes lèvres alors que tes joues sont encore humides. Cette chanson, elle t’a soulevé le cœur, elle t’a écorché la gorge en sanglot devant la dure réalité qu’elle transmet. Les paroles t’ont bouleversée car tu t’es demandé qui pourrait réellement vivre cela, qui devrait porter tout ça… Et tu as fini par t'étouffer en pensant à ses yeux clairs et froids qui t’ont fixés un peu trop souvent que la norme depuis que tu as eu le plaisir de les soutenir une fois. Oui, tu as eu cette tristesse d’imaginer que c’était pour lui que tu chantais cela… Et tu n’avais qu’une seule envie c’est le porter à sa place le temps d’une mélodie. Alors tu as tout donné, tu as tout lâché. Évidemment, cœur sensible que tu es, tu as fini par pleurer et l’égarer.
Mais tu continues de le chercher,
Tu continues du coin de l'œil de détailler cette foule si agitée, sans réussir à le retrouver. Est-ce que tu te serais trompé ? Ce n’était pas pour lui que tu chantais ? Dans un sens, ça te rassure… Tu ne voudrais pas qu’il porte cela, tu sais ce que le chagrin fait aux hommes, surtout aux grands hommes. Mais il y a cette voix qui trace un frisson sur ta colonne, il est là. C’est lui, c’est forcément lui et ton cœur loupe une mesure et tu hésites à te retourner. Après tout, ça ne pourrait être qu’une autre de tes interprétations, c’est que le monde semble parfois un peu trop nouveau, tu ne fais encore parfaitement confiance à tes intuitions, personne n’a été en mesure de te dire que tu devrais. Alors tu savoures cet instant d’incertitude où tout peut exister. Lui et ses grands yeux bleus, prêt à parler toute la nuit pour te confier ce chagrin que tu dois exprimer puis soulager… Tu graves ce désir en fermant les yeux, un sourire venant maquiller tes lèvres puis tu inspires et tu te retournes pour constater la vérité.
Il est bien là devant toi.
Bien habillé, au regard toujours aussi froid. Tu le savais, tu as gagné. D’une manière détournée il t’invite à boire un verre, mais hélas tu ne comprends pas. C’est qu’un verre, tu en as déjà un, alors forcément toi, tu penses qu’il veut goûter ce que le serveur t’a servi en pensant qu’une femme n’aimera forcément que les choses légères et sans goût trop corsé, qu’importe la réponse. T’es restée plantée devant lui avec ton grand regard en amande complètement obnubilé, détaillant ses traits, passant de ses lèvres à ses yeux, de ses yeux à son nez, puis encore ses yeux et ses cheveux. Que cherches-tu Baby ? Tu te contentes de finir de l’identifier pour ne jamais, jamais l’oublier. Dans ta vie, il n’y a pas eu énormément d’hommes capables de graver ton cœur, alors il faut que tu prennes le temps de l’immortaliser et dans ton silence si parfait lui se contente de te complimenter.
Il te flatte et tu lui offres le plus heureux des sourires.
Ce n’est pas de la prétention, ce n’est pas non plus de la fausse humilité, c’est réellement de la joie. Simple et sans filtre, t’es heureuse qu’on t’offre un si doux compliment alors forcément les premiers mots que tu lui offres sont au final bien simples : « Oh ! Merci infiniment, je suis heureuse que vous, vous le pensiez aussi… » Car Lee aussi, t’a dit que tu étais douée. Deux fois en une soirée par des hommes que tu estimes, ce n’est pas rien. Oui l’homme aux yeux clairs ne devrait être personne mais son avis, puisque tu continues de croire que c’était pour lui que tu as chanté, il a toute son importance. Alors tu es heureuse, prête à lui proposer ton verre, car tu n’as pas oublié qu’il voulait y goûter, normalement, quand il t’explique l’importance de cette chanson.
Parfois il n’y a pas vraiment besoin de beaucoup de mots.
Toi tu n’as besoin de plus que ceux qu’il t’a confié avant de les noyer dans son verre pour comprendre. Tout comprendre. Elle devait avoir cette saveur particulière, cette importance éternelle, la chanteuse dont il vient de t’avouer le départ. D’une jour ou pour toujours, qu’importe. Elle n’est plus et il souffre de cette absence. Culpabilité ? Regret ? Est-ce-que tu devrais lui poser des questions ? Est-ce-que tu devrais l’inviter à te raconter des histoires ? Son histoire ? Mais ce n’est plus ton rôle, Baby. Il n’y avait que le Capitaine pour quémander tes larmes pour remplacer les siennes. Aujourd’hui tu n’es rien, tu n’es qu’une chanteuse douée qui a oublié de faire goûter son verre alors qu’on le lui a demandé… Enfin tu crois ? Tu ne sais plus, mais tu sens à nouveau ces larmes qui dévalent tes yeux pour orner ton sourire.
Sourire doux, calme, serein.
Tu pleures en venant délicatement effleurer le dessus de sa main tenant le verre vide avec le revers de ton index, une petite caresse avant de rire discrètement en venant cueillir de toi-même ces vestiges de chagrin volés. Oui, ce n’est même pas le tien. Tu pleures pour lui n’est-ce-pas ? Mais tu ne veux pas l’attrister alors tu ris en même en les essuyant une par une : « Dans ce cas, je suis encore plus heureuse d’avoir réussi à la chanter comme vous l’espériez… »
Puis tu reviens ses yeux, tu le fixes et tu finis par sourire un peu plus, comme pour lui prouver que tout ira bien désormais, que s’il le désire, tu seras là pour lui chanter cette chanson, tu devrais peut-être lui préciser, non ? Alors tu hausses les épaules sous la timidité, même tes paroles respirent l’évidence : « Si vous voulez… On peut se dire que désormais, vous n’aurez qu’à me demander quand vous avez envie de l’entendre, d’accord ? »
Parfois c’est aussi simple que ça, tu viens même faire une croix sur le dessus de sa main avec ton index, promesse faite quand tu réalises en te redresse, prise d’une soudaine lucidité en te retournant pour attraper ton verre et lui tendre, pétillante en une fraction de seconde : « Tenez ! A la base, Vous vouliez goûter mon verre n’est-ce-pas ? »
Baby, t’es encore à côté de la plaque mais c’est pas grave, on s’y fait à la longue.
Dernière édition par Cry Baby le Mer 24 Nov 2021 - 21:37, édité 1 fois
Elle est heureuse, mais les larmes coulent le long de ses joues. L’impression d’avoir raté quelque chose, d’être passé à côté d’une information qui me permettrait de comprendre le paradoxe de cette scène. Il y a ce sourire radieux sur ses lèvres, qui illumine son doux visage marqué par les cicatrices et qui suffirait à vous réchauffer le cœur, mais les larmes sont bien là. Elles dévalent sa peau pour s’écraser sur le comptoir. Elle est heureuse, mais semble chagrinée de l’intérieur. Elle m’intrigue.
Le contact de son doigt sur le dos de ma main m’arrache un frisson, les poils de mon bras se dressent, le rythme cardiaque s’emballe comme avant une bagarre et ma concentration vacille, mes pensées s’affolent. Il y a quelque chose en elle qui m’affecte, qui me procure plus d’effets que je ne le voudrais. Je n’aime pas ressentir ce genre de conneries, du moins plus maintenant, plus depuis Talia. Les femmes ont toujours eu cet effet pervers sur moi, elles forcent les barrières que j’installe et une fois mes émotions à nues, mon âme et mon cœur à leur merci, elles foutent le camp.
Elles dégagent vite, une marche arrière éclaire et sans regarder derrière. Elles me laissent seul dans la noirceur, entouré de mes démons, avec pour seules armes l’opium et le rhum. Elles fuient car elles me rendent dingue. Car l’amour détraque tout dans ma cervelle, fout tout en branle. Court-circuits à répétitions, fusibles qui pètent, colère qui éclate, doute et crainte pour saupoudrer le tout. Les femmes je les aime, mais elles ne peuvent pas m’aimer, pas comme ça.
Alors je me tiens à l’écart, depuis Talia j’évite le contact féminin si je sens qu’il pourrait durer plus qu’une simple nuit. Je me préserve des blessures du cœur et je les sauve de plusieurs mois en enfer, en compagnie du chien à trois têtes du maître de ces lieux. De monstre j’en suis un, aboyer je sais faire et mordre encore plus. Cette fille, jamais je n’aurais dû lui parler, nouer le contact. On aurait dû se contenter de ce contact visuel, de cette merveilleuse chanson qui aurait pu me faire pleurer si j’en étais encore capable, d’effleurer cette impression bizarre d’attraction entre nous.
Pourtant je suis là, à lui proposer un verre et à la complimenter sur sa voix. Je suis là comme un con, à me dire qu’elle est foutrement jolie, que ses yeux bicolores ont une foutue puissance attractive et que j’aimerai bien m’y perdre des heures en contemplation. Pire encore, un contact physique s’est opéré et de son gré en plus.
Peeter joue pas au con, tous les voyants sont au rouge. Vous avez fait mieux que de la chanter comme je l’espérais… Oui, car je n’attendais pas qu’elle se rapproche autant de la perfection, cette petite. Et je crois que c’est ça qui m’attire autant chez elle, qui fait valser tous les barrages m’empêchant d’ordinaire d’aborder une femme, qui me pousse à chercher sa compagnie. Et ce doigt qui effleure ma main… Je devrais la retirer, mais j’en ai pas envie… Pire encore, j’ai ce réflexe du doigt d’aller chercher le creux de la sienne, de main, pour lui rendre cette caresse.
Je suis en train de faire de la merde, mais eh, j’aime trop jouer avec les limites, flirter avec le danger quitte à m’y brûler.
Elle me propose de revenir la voir quand j’aurais envie d’écouter à nouveau cette chanson… Cette proposition me fait du bien à la tête, m’apaise l’espace de quelques instants, j’en ferme les yeux. C’est dangereux.
C’est d’accord. Mais à une condition. Parce que je ne peux pas simplement lui demander de chanter pour moi sur commande et la voir finir systématiquement dans un état pareil. Si vous chantez pour moi, vous devez me promettre de ne plus pleurer par ma faute. Car cette image me serre la gorge, de voir cet être si innocent fondre en larmes pour une ordure telle que moi. Si elle savait qu’elle genre de pourriture je suis réellement, la donne ne serait pas la même. Votre visage ne mérite pas que vous lui infligiez ça. Il est bien trop beau pour s’enlaidir de tristesse.
L’accord est scellé d’une croix tracée à l’index dont je mire la trace faite sur ma main, avant d’être coupé par la chanteuse qui me propose de boire dans son verre.
Je capte pas sur le moment ce qu’elle veut dire, besoin de quelques secondes pour rembobiner toute la scène depuis son commencement.
Soit je me suis mal exprimé, soit c’est elle qui a pas compris ce que je voulais dire.
Hm. Merci. Je décide de jouer le jeu, plutôt que de soulever le fait qu’elle soit dans le faux. Au fait, comment je dois vous appeler ? Je porte mes lèvres aux extrémités du verre et en boit une gorgée, légère, pour ne pas trop lui en prendre. Du soda sucré, ça me fait sourire. C’est bon... ça me rappelle mon enfance, quand on en descendait des litres après une partie de Craq’Les’Os. Sacré jeu, j’y ai passé des heures sur le champ aménagé en terrain, avec ma bande de potes, sur Kage Berg. Si vous aimez l’alcool, je peux vous faire goûter mon verre. Mais pas certain que le rhum ce soit vraiment sa came.
Le contact de son doigt sur le dos de ma main m’arrache un frisson, les poils de mon bras se dressent, le rythme cardiaque s’emballe comme avant une bagarre et ma concentration vacille, mes pensées s’affolent. Il y a quelque chose en elle qui m’affecte, qui me procure plus d’effets que je ne le voudrais. Je n’aime pas ressentir ce genre de conneries, du moins plus maintenant, plus depuis Talia. Les femmes ont toujours eu cet effet pervers sur moi, elles forcent les barrières que j’installe et une fois mes émotions à nues, mon âme et mon cœur à leur merci, elles foutent le camp.
Elles dégagent vite, une marche arrière éclaire et sans regarder derrière. Elles me laissent seul dans la noirceur, entouré de mes démons, avec pour seules armes l’opium et le rhum. Elles fuient car elles me rendent dingue. Car l’amour détraque tout dans ma cervelle, fout tout en branle. Court-circuits à répétitions, fusibles qui pètent, colère qui éclate, doute et crainte pour saupoudrer le tout. Les femmes je les aime, mais elles ne peuvent pas m’aimer, pas comme ça.
Alors je me tiens à l’écart, depuis Talia j’évite le contact féminin si je sens qu’il pourrait durer plus qu’une simple nuit. Je me préserve des blessures du cœur et je les sauve de plusieurs mois en enfer, en compagnie du chien à trois têtes du maître de ces lieux. De monstre j’en suis un, aboyer je sais faire et mordre encore plus. Cette fille, jamais je n’aurais dû lui parler, nouer le contact. On aurait dû se contenter de ce contact visuel, de cette merveilleuse chanson qui aurait pu me faire pleurer si j’en étais encore capable, d’effleurer cette impression bizarre d’attraction entre nous.
Pourtant je suis là, à lui proposer un verre et à la complimenter sur sa voix. Je suis là comme un con, à me dire qu’elle est foutrement jolie, que ses yeux bicolores ont une foutue puissance attractive et que j’aimerai bien m’y perdre des heures en contemplation. Pire encore, un contact physique s’est opéré et de son gré en plus.
Peeter joue pas au con, tous les voyants sont au rouge. Vous avez fait mieux que de la chanter comme je l’espérais… Oui, car je n’attendais pas qu’elle se rapproche autant de la perfection, cette petite. Et je crois que c’est ça qui m’attire autant chez elle, qui fait valser tous les barrages m’empêchant d’ordinaire d’aborder une femme, qui me pousse à chercher sa compagnie. Et ce doigt qui effleure ma main… Je devrais la retirer, mais j’en ai pas envie… Pire encore, j’ai ce réflexe du doigt d’aller chercher le creux de la sienne, de main, pour lui rendre cette caresse.
Je suis en train de faire de la merde, mais eh, j’aime trop jouer avec les limites, flirter avec le danger quitte à m’y brûler.
Elle me propose de revenir la voir quand j’aurais envie d’écouter à nouveau cette chanson… Cette proposition me fait du bien à la tête, m’apaise l’espace de quelques instants, j’en ferme les yeux. C’est dangereux.
C’est d’accord. Mais à une condition. Parce que je ne peux pas simplement lui demander de chanter pour moi sur commande et la voir finir systématiquement dans un état pareil. Si vous chantez pour moi, vous devez me promettre de ne plus pleurer par ma faute. Car cette image me serre la gorge, de voir cet être si innocent fondre en larmes pour une ordure telle que moi. Si elle savait qu’elle genre de pourriture je suis réellement, la donne ne serait pas la même. Votre visage ne mérite pas que vous lui infligiez ça. Il est bien trop beau pour s’enlaidir de tristesse.
L’accord est scellé d’une croix tracée à l’index dont je mire la trace faite sur ma main, avant d’être coupé par la chanteuse qui me propose de boire dans son verre.
Je capte pas sur le moment ce qu’elle veut dire, besoin de quelques secondes pour rembobiner toute la scène depuis son commencement.
Soit je me suis mal exprimé, soit c’est elle qui a pas compris ce que je voulais dire.
Hm. Merci. Je décide de jouer le jeu, plutôt que de soulever le fait qu’elle soit dans le faux. Au fait, comment je dois vous appeler ? Je porte mes lèvres aux extrémités du verre et en boit une gorgée, légère, pour ne pas trop lui en prendre. Du soda sucré, ça me fait sourire. C’est bon... ça me rappelle mon enfance, quand on en descendait des litres après une partie de Craq’Les’Os. Sacré jeu, j’y ai passé des heures sur le champ aménagé en terrain, avec ma bande de potes, sur Kage Berg. Si vous aimez l’alcool, je peux vous faire goûter mon verre. Mais pas certain que le rhum ce soit vraiment sa came.
Dernière édition par Peeter G. Dicross le Jeu 20 Jan 2022 - 12:14, édité 2 fois
Peut-être que ce n’était pas une idée…
Peut-être que tu n’aurais pas dû faire cette promesse avec tant de légèreté. Mais tu n’avais plus rendu quelqu’un heureux en chantant de cette manière depuis « lui ». Alors tu voulais à nouveau ressentir cette importance, cette exception, ce privilège. Tu voulais à nouveau sentir ses yeux clairs qui te scrutent comme s’il n’y avait que toi sans le reste de ce monde. Perdue dans un instant qui n’appartient qu’à vous. Alors tu fais des promesses avec légèreté, hochant la tête à la condition… Après tout, ce ne sera pas mentir, tu ne pleures pas « par sa faute » tu pleures à sa place, pour lui. Alors tu peux promettre sans hésiter, sans rectifier. On t’a toujours dit, surtout dans une promesse, qu’il n’y avait rien de plus vicieux que le choix des mots. Alors oui, tu viens sceller d’une croix éternelle ces quelques mots avant que l’instant s’échappe pour vous offrir une tout autre réalité, oubliant en même temps le compliment qui t’a fait rougir les jours. Un visage qui ne mérite pas qu’on lui inflige des larmes, c’est aussi ce qu’il te disait avant de te redemander de pleurer…
Donc il voulait réellement goûter ton verre.
Peut-être qu’il aime ce qui est sucré tout simplement et il voulait donc savoir s’il pouvait commander la même chose que toi ? Qu’importe t’es bien heureuse de pouvoir si facilement répondre à toutes ses demandes, sans réaliser un seul instant que t’es complètement à côté de la plaque. Puis il te demande comment il doit t’appeler, est-ce qu’il parle d’un moyen de te joindre pour pouvoir te demander de chanter ? Parce qu’il pourrait faire passer la demande ici, ou alors tu pourrais lui donner une adresse pour écrire une lettre et prévenir de son arrivée ? Finalement cette question ne trouve pas tout de suite de réponse, car il te parle de ce que tu bois…. Donc c’est bon et un peu enfantin ? Mais tu pensais qu’avec un peu d’alcool dedans, tu aurais l’air plus adulte, t’es quand même une demoiselle dans la fleur de l’âge, non ! Mais toutes ses questions futiles sont balayées par cette intrigante référence… Le « Craq’Les’OS » ça tu ne connais pas du tout, il faut que tu lui demandes !
C’est que toi, les jeux, tu ne connais pas.
T’as pas eu la plus normale des enfances, ballotée de places en place, asservie ou utilisée, t’as enchaîné les étranges rencontres et les situations restrictives… Alors tu ne sais pas ce qu’on ressent quand on sort rejoindre ses amis pour jouer à des jeux d’enfants tous ensemble. Tu ne connais pas tout cela, mais tu aimerais qu’on vienne tout te raconter, qu’on te fasse découvrir à travers des histoires. Tu as toujours adoré les histoires, qu’elles soient belles ou toute usées, un peu trop laide pour être assumée, un peu trop violente pour être oubliée. Alors celle-ci, tu aimerais qu’il finisse par te la narrer… C’est ce que tu lui demandes en tendant la main pour prendre son verre et le porter à ton nez. Oui avant de boire, tu préfères toujours sentir et donc tu lui dis :
- « Vous pourriez m’en dire plus sur une partie de « Craq’Les’OS » je connais pas du tout ce jeu… »
C’est clair, toi tu connais les jeux d’alcool, les jeux douteux.
Ceux qu’on lance sur les rafiots pour passer le temps ou obtenir la dernière gorgée de rhum délavé. Ceux qui mettent en avant l'argent ou le plaisir des chairs... Oui pour toi le jeu, c'est différent. Toi, tu connais une tout autre réalité, donc tu aimerais bien connaitre ce que tu as manqué, avant qu’il ne rajoute quoique ce soit, à nouveau ta main sur la sienne pour lui demander à la hâte :
- « Et peut-être même que nous pourrions jouer ensemble un jour, non ? Vous pourriez m’apprendre comme ça je pourrais dire que je connais le « Craq’Les’OS » ! Oh et un jour nous pourrions peut-être essayer de faire un cache-cache ! J’ai toujours rêvé d’en faire un vous savez ! »
Tellement d’innocence, tellement d’énergie.
Tellement de pureté et d’empressement. Un intérêt non feint, transparente et passionnée. Tu veux tout voir, tout savoir. Tu te redresses même sur la chaise pour te pencher vers lui prête à écouter tous ses secrets, portant le verre à tes lèvres et ainsi le goûter, car il serait peut-être le temps de lui rendre, non ? Tu goûtes, c’est chaud, tu aimes cette sensation qui brûle la gorge, tu n’as pas pris une grosse gorgée, mais c’est suffisant pour que tu la sentes descendre et que ça couvre ta peau de frissons. C’était bon, tu peux lui rendre et reprendre ton breuvage de douceur. Tu l’écoutes donc s’il t’explique les détails, puis tu le remercieras d’un signe de tête, faisant signe que tu voudrais un nouveau verre, puis tu reviendras à lui, tendre la main pleine de formalité pour lui dire, souriante en toute simplicité :
- « Moi c’est Baby, et vous ? »
Oui c’est un nom un peu étrange, mais qu’importe désormais c’est le tien, tu n’as jamais eu connaissance de celui offert à ta naissance par tes parents… Alors tu as fini par t’y faire et même à l’aimer. Mais tu retires le Cry, car il n’y avait que « lui » pour le prononcer.
Je me pose beaucoup de questions. Parce que ça fait longtemps que j’avais pas eu ce contact aussi facile avec une personne du sexe opposé, voir une personne tout court. Ces dernières années, je me suis enfermé dans un cercle assez sombre, duquel seul Talia parvenait à rayonner, à en dissiper quelque peu la noirceur. Talia s’étant éteinte, l’obscurité a englouti ce qu’il restait de lumineux au fond de mon âme et rien n’est venu la repousser depuis. Rien, jusqu’à ce soir. Jusqu’à cette voix, jusqu’à cette femme, avec laquelle je discute et avec qui le courant passe bien. Je la connais depuis quoi ? Cinq minutes ? Et déjà, elle parvient à me faire oublier mes problèmes.
Et c’est bien là qu’il est le problème, justement. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Pour une simple chanson ? Parce que sa voix me touche, me parle ? Je sais pas, j’en sais foutrement rien en fait, je crois même que j’ai pas vraiment envie de savoir. Y’a de la peur qui monte, qui me gagne, un peu de lâcheté oui. Je veux pas devenir faible de nouveau, je veux plus risquer de me décomposer à la perte d’une autre femme. Je sais que c’est même pas ma femme, que c’est juste une chanteuse avec laquelle je fais des promesses insensées basée sur des conneries, mais je peux pas me retenir. Et c’est ça qui fait flipper, parce que je me connais.
Peeter, tu réfléchis trop. C’est ce qu’on m’a toujours dit, toujours reproché. J’arrive à m’empoisonner l’esprit par mes propres pensées. Je vais trop loin, trop fort et ça se transforme en un truc pourri, périssable, périmant. Et je sais généralement pas en sortir tout seul, de cette manie de trop penser.
Heureusement que ce soir, je suis pas seul.
Elle connaît pas le jeu du Craq’Les’Os. Pas étonnant, elle a pas le profil d’une joueuse de ce genre de jeu.
Je lâche un léger sourire en la regardant renifler mon verre, c’est qu’il doit piquer aux narines l’enfoiré. Je vais pour lui répondre, mais y’a sa main qui vient prendre la mienne. Décidément, c’est une mauvaise manie que ce contact entre nous. On devrait pas trouver ça normal, l’un comme l’autre. Surtout elle, en fait. Elle doit pas avoir un gramme d’instinct de survie pour enserrer la main de l’un des plus gros salopards de cette mer. Cette main, si pâle en apparence et pourtant gorgée de sang, d’innocents comme de raclures. Elle devrait pas m’approcher comme ça, non.
Je pense pas que ce soit un jeu fait pour vous… C’est assez brutal, vous savez. Mais je peux vous expliquer oui. Lui expliquer les règles, c’est la moindre des choses. C’est un jeu en équipe, cinq joueurs dans chacune des deux équipes. Un terrain délimité à l’avance, pas de surface particulière ni de conditions pour le choix du terrain, vous pouvez jouer sur un navire en pleine mer si vous en avez envie. Y’a seulement deux conditions à remplir pour pouvoir lancer une partie : Avoir une balle et quelque chose pour frapper dedans.
En gros, y’a surtout besoin d’une balle, puisque ton pied peut faire office de quelque chose pour taper la balle. Le but est simple, il faut envoyer la balle dans le corps des joueurs adverses, ce qui rapporte des points. La tête rapport le plus de point, par exemple. Je lui laisse deviner ce qu’il se passe quand la balle frappe le corps à pleine allure et pourquoi on appelle ça “Craq’Les’Os”, du coup. Rassurez-vous, la version pour gosse est moins violente que celle pour les adultes. On utilise des balles en bois, nous. Ça enlève pas que ça fait un mal de chien quand elle vous tape dans les côtes, mais eh.
Elle me surprend en avalant une gorgée de rhum sans s’arracher la fiole, même pas un toussotement. La demoiselle a l’air de savoir gérer les alcools forts, après tout. C’était certes pas une gorgée de poivrot qu’elle s’est envoyée, mais quand même. Y’a de quoi m’intriguer, je dois dire. Mais je dois d’abord répondre à sa dernière demande, question de respect. Je suis désolé, mais je ne serai pas votre partenaire de jeu pour un cache-cache. Je récupère mon verre, me désaltère la gorge en le finissant, avant de poursuivre. Pas mon style de jeu, je passe. C’est con à dire, mais ça m’emmerde ce genre de truc. Si y’a pas de violence, de pognon ou de boisson dans le merdier, je suis rarement intéressé. Heureusement, ce refus ne l’empêche pas de me donner son nom.
Baby, c’est pas un nom commun ça putain. Il lui va bien. Enchanté Baby, moi c’est Peeter. Sourire fatigué sur la trogne, je lui serre la main, les connaissances sont faites. Impossible de décrocher mon regard de ses yeux bicolores, hypnotisant. Baby est une belle femme, mais surtout, une femme intrigante. Pleine de vie, insouciante et quelque peu à côté de la plaque, mais intrigante. Dites-moi, Baby, comment êtes-vous arrivés ici ? Et surtout, pourquoi y rester, mais ça, ce sera pour plus tard.
Et c’est bien là qu’il est le problème, justement. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Pour une simple chanson ? Parce que sa voix me touche, me parle ? Je sais pas, j’en sais foutrement rien en fait, je crois même que j’ai pas vraiment envie de savoir. Y’a de la peur qui monte, qui me gagne, un peu de lâcheté oui. Je veux pas devenir faible de nouveau, je veux plus risquer de me décomposer à la perte d’une autre femme. Je sais que c’est même pas ma femme, que c’est juste une chanteuse avec laquelle je fais des promesses insensées basée sur des conneries, mais je peux pas me retenir. Et c’est ça qui fait flipper, parce que je me connais.
Peeter, tu réfléchis trop. C’est ce qu’on m’a toujours dit, toujours reproché. J’arrive à m’empoisonner l’esprit par mes propres pensées. Je vais trop loin, trop fort et ça se transforme en un truc pourri, périssable, périmant. Et je sais généralement pas en sortir tout seul, de cette manie de trop penser.
Heureusement que ce soir, je suis pas seul.
Elle connaît pas le jeu du Craq’Les’Os. Pas étonnant, elle a pas le profil d’une joueuse de ce genre de jeu.
Je lâche un léger sourire en la regardant renifler mon verre, c’est qu’il doit piquer aux narines l’enfoiré. Je vais pour lui répondre, mais y’a sa main qui vient prendre la mienne. Décidément, c’est une mauvaise manie que ce contact entre nous. On devrait pas trouver ça normal, l’un comme l’autre. Surtout elle, en fait. Elle doit pas avoir un gramme d’instinct de survie pour enserrer la main de l’un des plus gros salopards de cette mer. Cette main, si pâle en apparence et pourtant gorgée de sang, d’innocents comme de raclures. Elle devrait pas m’approcher comme ça, non.
Je pense pas que ce soit un jeu fait pour vous… C’est assez brutal, vous savez. Mais je peux vous expliquer oui. Lui expliquer les règles, c’est la moindre des choses. C’est un jeu en équipe, cinq joueurs dans chacune des deux équipes. Un terrain délimité à l’avance, pas de surface particulière ni de conditions pour le choix du terrain, vous pouvez jouer sur un navire en pleine mer si vous en avez envie. Y’a seulement deux conditions à remplir pour pouvoir lancer une partie : Avoir une balle et quelque chose pour frapper dedans.
En gros, y’a surtout besoin d’une balle, puisque ton pied peut faire office de quelque chose pour taper la balle. Le but est simple, il faut envoyer la balle dans le corps des joueurs adverses, ce qui rapporte des points. La tête rapport le plus de point, par exemple. Je lui laisse deviner ce qu’il se passe quand la balle frappe le corps à pleine allure et pourquoi on appelle ça “Craq’Les’Os”, du coup. Rassurez-vous, la version pour gosse est moins violente que celle pour les adultes. On utilise des balles en bois, nous. Ça enlève pas que ça fait un mal de chien quand elle vous tape dans les côtes, mais eh.
Elle me surprend en avalant une gorgée de rhum sans s’arracher la fiole, même pas un toussotement. La demoiselle a l’air de savoir gérer les alcools forts, après tout. C’était certes pas une gorgée de poivrot qu’elle s’est envoyée, mais quand même. Y’a de quoi m’intriguer, je dois dire. Mais je dois d’abord répondre à sa dernière demande, question de respect. Je suis désolé, mais je ne serai pas votre partenaire de jeu pour un cache-cache. Je récupère mon verre, me désaltère la gorge en le finissant, avant de poursuivre. Pas mon style de jeu, je passe. C’est con à dire, mais ça m’emmerde ce genre de truc. Si y’a pas de violence, de pognon ou de boisson dans le merdier, je suis rarement intéressé. Heureusement, ce refus ne l’empêche pas de me donner son nom.
Baby, c’est pas un nom commun ça putain. Il lui va bien. Enchanté Baby, moi c’est Peeter. Sourire fatigué sur la trogne, je lui serre la main, les connaissances sont faites. Impossible de décrocher mon regard de ses yeux bicolores, hypnotisant. Baby est une belle femme, mais surtout, une femme intrigante. Pleine de vie, insouciante et quelque peu à côté de la plaque, mais intrigante. Dites-moi, Baby, comment êtes-vous arrivés ici ? Et surtout, pourquoi y rester, mais ça, ce sera pour plus tard.
Dernière édition par Peeter G. Dicross le Jeu 20 Jan 2022 - 12:14, édité 4 fois
Vraiment tu ne connais pas ce jeu.
Il te dit que ce n’est pas fait pour toi, et tu hoches la tête. Car s’il le dit, cela doit être vrai. C’est innocent mais t’as pas besoin de plus pour t’en persuader. Il t’explique comment ça marche, au début tu ne comprends pas le souci, ce n’est pas si méchant, non ? Et puis il précise comment font les adultes pour jouer. Une boise en bois, c’est lourd ? Il a parlé de viser la tête et les adversaires. Si t’es toujours à la ramasse, t’as l’esprit bien plus vive qu’il n’y parait alors tu comprends directement le lien la nature de ce « nom ». Oui c’est là que tu comprends pourquoi il t’a dit que ce n’était pas fait pour toi. Et vu la grimace crispée que tu lui as offert en imaginant les bruits, ça méritait vraiment une gorgée.
L’alcool, ce n’est pas désagréable.
Ce n’est pas le goût, c’est la chaleur qui vient inonder le gosier, glisser sur la gorge et finir dans le ventre. C’est cette sensation qui te plait, c’est pour ça que là, t’as pas forcément trop grimacé… Et hélas, il refuse ton invitation à jouer à cache-cache. Tu aurais tellement voulu essayer un jour, c’est la mine un peu pincée que tu préfères enchaîner sur ton prénom, impatiente de savoir le sien…. Ce qu’il fait sans attendre. Enchanté de te rencontrer, qu’il a dit. Il y a de quoi te flatter, non ? Tu viens lui rendre son sourire avec joie, toute aussi : « Enchantée, Peeter. » Puis tu refermes ta main sur la sienne, tu la gardes et tu soutiens son regard sans gêne et sans pudeur. Tu le fixes, curieuse de savoir ce qu’il pourrait te dire de plus et c’est une question tu tombes. Une question qui te surprend tellement que tu viens lui rire au nez…
Toujours à côté de la plaque Baby.
T’es vraiment la pire, c’est donc au début un petit rire que tu cherche à retenir, puis tu finis par remonter ta main livre, celle qui n’est pas resté dans la sienne pour éviter d’être malpolie. Mais c’est drôle comme question, non ? Car la réponse est évidente. Tu penches la tête, attendrie, te mordant la lèvres pour répondre avec un ton vraiment doux et encore amusé : « Et bien, par bateau Peeter, j’adore naviguer en vérité… »
Oui, alors Baby, ce n’était pas la question… Ce n’était pas réellement ça qu’il te demande, tu serres alors un peu plus sa main que tu n’as toujours pas décidé de lui rendre, d’accord, sauf si lui, est venu la retirer. Ton visage se fait plus triste, plus douloureux, tu reprends tes propres mots : « J’ai toujours aimé naviguer…» Tu pinces les lèvres et tu te redresses un petit peu, réalisant que ce n’est peut-être indiscret – il était temps – de garder sa main et son contact sans demander. Tu viens alors changer de cible, ce besoin de bouger tes doigts, t’occuper l’esprit ailleurs, te rattacher à la réalité en gardant le contact tu reprends songeuse :
- « J’ai énormément voyagé avant d’être grièvement blessée et là… Je ne savais plus réellement où je devrais aller alors je me suis arrêtée ici pour un temps, les gens sont gentils, j’ai l’occasion d’aider ceux qui me le demande et j’essaie de me construire un demain, mais je n’ai pas forcément la même logique ou les mêmes connaissances que tout le monde… Je suis un peu étrange. »
Ce n’est pas dit avec regret,
Ce n’est pas dit pour faire pitié, c’est là toute ta vérité. C’est une réalité qu’on t’a toujours répétée, tu n’as pas connu la vie rêvée, tu n’as pas la même enfance pour te forger, ton monde est différent, ta pensée tout autant. Tu es capable d’enfiler un verre de rhum sans sourciller, t’es capable de faire un nœud d’amarrage à la perfection sans regarder mais certaines évidences comme le but premier de ses questions te manquent et t’échappe. T’as appris toute seule alors parfois c’est de travers, ce que tu sais par contre c’est avec fierté que tu lui précises : « Parfois ça dérange, parfois ça intrigue dans tous les cas, vous savez Peeter, je ne changerais pas. C’est ainsi que je suis, mais je dois encore trouver un but plus grand à suivre… Un rêve ? Je crois que c’est ça, je dois réussir à penser pour moi. »
Oh c’est bordélique, possiblement il ne comprendra pas tout, toi-même tu ne comprends pas réellement, tu sais juste que la peine a fini par laisser place au vide, et le vide à l’envie. Tu commences à comprendre ce qu’il te disait, quand il te parlait de vivre pour toi, c’est là que rajoutes alors, au risque de couper la parole à Peeter s’il était sur le point d’enchaîner :
- « Et vous, Peeter ? Pourquoi vous êtes là ce soir ? »
Dernière édition par Cry Baby le Ven 4 Fév 2022 - 17:45, édité 1 fois
Hm, c’est difficile de l’ignorer maintenant, mais c’est plus vraiment un hasard si elle répond aussi souvent à côté à mes questions. Je pense que la petite a quelques problèmes dans la caboche, un peu larguée sur les bords, un peu à l’ouest. Dans un sens, elle me ressemble sur ce point, mais mois c’est pas que je bite rien à ce qu’on me dit, mais que j’écoute pas vraiment. Du coup, je vais avoir tendance à pas répondre tout simplement, plutôt que de répondre un truc qui a rien à voir. Enfin, ce qu’elle me dit est pas totalement hors sujet, mais c’est pas réellement ce que je voulais savoir non plus. Elle est très premier degré, la Baby.
Par bateau hein… c’est que j’imagine difficilement un autre moyen pour naviguer, de toute. Une gorgée de rhum, maigre sourire aux lèvres. On va éviter de lui faire remarquer qu’elle est un poil larguée sur la discussion. Et pourquoi avoir choisi le coin ? Vous avez de la famille ici, une attache ? Ou vous aimez juste ce qui s'en dégage ? Je grimace intérieurement, ce qu'elle peut pas voir, mais je sais que ma dernière question fera sans doute un autre flop. Parce que y'a de grandes chances qu'elle en comprendra le sens à sa manière, de travers. Eh, c'est pas si évident comme exercice, mais j'abandonne pas.
Elle lâche ma main, cherchant à se rapprocher différemment, mais tout aussi délicatement. Moi, j'en profite pour esquiver un peu. Parce que ça me met mal à l'aise cette situation, ça me perturbe. Pas parce que je veux pas de ça, mais parce que je sais pas pourquoi je le veux autant. Alors j'esquive et je détourné l'attention de manière bien moins subtile, je pense, avec une question qui me trottait dans le ciboulot depuis qu'elle en a parlé mais que j'ai pas eu le temps de poser sur l'instant.
Et que j’aurais pas le temps de poser finalement, parce qu’elle anticipe le coup, en plus de répondre à ce que je demandais tantôt. C’est là que je me rends compte que je me montre vachement curieux, je la bombarde de questions depuis que je suis là. Je la connais à peine, sérieux. Et ce que j’apprends d’elle, les bribes de son histoire, ne va pas m’aider à taire ma curiosité. Elle parle de blessures importantes, mes mirettes se posent inévitablement sur l’ensemble de cicatrices qui parcourent sa peau. C’est pas forcément très poli, mais c’est plus fort que moi. Ces blessures lui donnent une certaine valeur, un charisme, je trouve.
C’est bien d’être étrange. Comparé à la masse, je veux dire. Rien de plus chiant que d’être la copie conforme de monsieur tout le monde, tss. Moi aussi je suis différent, et j’en ai rien à branler de ce que peuvent penser les gens. Mais j’avoue que durant un temps, l’avis des autres me préoccupait, m’affectait l’esprit, l’empoisonnait. C’est humain, de se comparer aux autres. Tout comme c’est humain, de rejeter ce qui est différent, d’en avoir peur. C’est profondément stupide, surtout. Que ça dérange ou pas, on s’en tamponne, les autres ne vivent pas pour vous et vous ne devez pas vivre pour eux. Nouvelle gorgée enquillée. Vous savez, si je devais me fier à l’avis des autres, il y a longtemps que je brûlerai sur la croix d’un bûcher…
Pas l'intention de m’expliquer là-dessus, d’en dire plus, j’ai simplement lâché ça comme ça, elle en fait ce qu’elle veut. Ce que je veux dire, c’est qu’elle a bien raison de pas se soucier de l’avis des gens. Les gens sont cons. Un but dans la vie hein… Mon regard plonge dans le verre tandis que je songe à ce que pourrait bien être le mien.
Verdict, j’ai aucun foutu rêve à suivre. Talia me tannait souvent avec ça, d’ailleurs. Un rêve, un objectif de vie. Moi, ça fait longtemps que j’ai arrêté d’espérer quoique ce soit. Mais aujourd’hui, j’ai une direction à suivre. C’est pas un but, ni un objectif. C’est une vengeance. Bambana et ses salopards de sbires, ils crèveront tous.
Bah, vous finirez bien par trouver quelque chose qui vous motive suffisamment pour relancer votre vie. Je te le souhaite en tout cas, finis pas comme moi, ce serait horrible. Vous ne prenez plus la mer, du coup ? Vous êtes déjà allé loin ? Je veux dire, plus loin que cette mer du Nord ? Je parle de la vraie navigation, celle qui te sors de ta zone de confort, qui te fait découvrir de nouveaux horizons, une nouvelle atmosphère, tout un foutu décors à appréhender. Je crois que c'est, après le rhum et la clope, l'une des choses que je préfère le plus au monde, la sensation qu’on éprouve quand on est sur les planches d’un rafiot. Et pas besoin d’être un pirate pour ça, juste d’apprécier le moment.
Certains appellent ça la fois d’aventure, le besoin de liberté… Moi, c’est juste une échappatoire. Ce que je fous là ce soir ? C’est une bonne foutue question, ça. Initialement, j’avais prévu de me retourner la fiole à coups de verres de rhum, tout seul, comme un grand… Mais ça, c’était avant de la rencontrer. Maintenant, je vais me retourner la fiole à coups de verres de rhum, mais en bonne compagnie.
Si j’avais su que je serais tombé sur quelqu’un comme vous dans cet endroit… Bah en vérité, j’aurais foutu le camp à la prochaine taverne.
Par bateau hein… c’est que j’imagine difficilement un autre moyen pour naviguer, de toute. Une gorgée de rhum, maigre sourire aux lèvres. On va éviter de lui faire remarquer qu’elle est un poil larguée sur la discussion. Et pourquoi avoir choisi le coin ? Vous avez de la famille ici, une attache ? Ou vous aimez juste ce qui s'en dégage ? Je grimace intérieurement, ce qu'elle peut pas voir, mais je sais que ma dernière question fera sans doute un autre flop. Parce que y'a de grandes chances qu'elle en comprendra le sens à sa manière, de travers. Eh, c'est pas si évident comme exercice, mais j'abandonne pas.
Elle lâche ma main, cherchant à se rapprocher différemment, mais tout aussi délicatement. Moi, j'en profite pour esquiver un peu. Parce que ça me met mal à l'aise cette situation, ça me perturbe. Pas parce que je veux pas de ça, mais parce que je sais pas pourquoi je le veux autant. Alors j'esquive et je détourné l'attention de manière bien moins subtile, je pense, avec une question qui me trottait dans le ciboulot depuis qu'elle en a parlé mais que j'ai pas eu le temps de poser sur l'instant.
Et que j’aurais pas le temps de poser finalement, parce qu’elle anticipe le coup, en plus de répondre à ce que je demandais tantôt. C’est là que je me rends compte que je me montre vachement curieux, je la bombarde de questions depuis que je suis là. Je la connais à peine, sérieux. Et ce que j’apprends d’elle, les bribes de son histoire, ne va pas m’aider à taire ma curiosité. Elle parle de blessures importantes, mes mirettes se posent inévitablement sur l’ensemble de cicatrices qui parcourent sa peau. C’est pas forcément très poli, mais c’est plus fort que moi. Ces blessures lui donnent une certaine valeur, un charisme, je trouve.
C’est bien d’être étrange. Comparé à la masse, je veux dire. Rien de plus chiant que d’être la copie conforme de monsieur tout le monde, tss. Moi aussi je suis différent, et j’en ai rien à branler de ce que peuvent penser les gens. Mais j’avoue que durant un temps, l’avis des autres me préoccupait, m’affectait l’esprit, l’empoisonnait. C’est humain, de se comparer aux autres. Tout comme c’est humain, de rejeter ce qui est différent, d’en avoir peur. C’est profondément stupide, surtout. Que ça dérange ou pas, on s’en tamponne, les autres ne vivent pas pour vous et vous ne devez pas vivre pour eux. Nouvelle gorgée enquillée. Vous savez, si je devais me fier à l’avis des autres, il y a longtemps que je brûlerai sur la croix d’un bûcher…
Pas l'intention de m’expliquer là-dessus, d’en dire plus, j’ai simplement lâché ça comme ça, elle en fait ce qu’elle veut. Ce que je veux dire, c’est qu’elle a bien raison de pas se soucier de l’avis des gens. Les gens sont cons. Un but dans la vie hein… Mon regard plonge dans le verre tandis que je songe à ce que pourrait bien être le mien.
Verdict, j’ai aucun foutu rêve à suivre. Talia me tannait souvent avec ça, d’ailleurs. Un rêve, un objectif de vie. Moi, ça fait longtemps que j’ai arrêté d’espérer quoique ce soit. Mais aujourd’hui, j’ai une direction à suivre. C’est pas un but, ni un objectif. C’est une vengeance. Bambana et ses salopards de sbires, ils crèveront tous.
Bah, vous finirez bien par trouver quelque chose qui vous motive suffisamment pour relancer votre vie. Je te le souhaite en tout cas, finis pas comme moi, ce serait horrible. Vous ne prenez plus la mer, du coup ? Vous êtes déjà allé loin ? Je veux dire, plus loin que cette mer du Nord ? Je parle de la vraie navigation, celle qui te sors de ta zone de confort, qui te fait découvrir de nouveaux horizons, une nouvelle atmosphère, tout un foutu décors à appréhender. Je crois que c'est, après le rhum et la clope, l'une des choses que je préfère le plus au monde, la sensation qu’on éprouve quand on est sur les planches d’un rafiot. Et pas besoin d’être un pirate pour ça, juste d’apprécier le moment.
Certains appellent ça la fois d’aventure, le besoin de liberté… Moi, c’est juste une échappatoire. Ce que je fous là ce soir ? C’est une bonne foutue question, ça. Initialement, j’avais prévu de me retourner la fiole à coups de verres de rhum, tout seul, comme un grand… Mais ça, c’était avant de la rencontrer. Maintenant, je vais me retourner la fiole à coups de verres de rhum, mais en bonne compagnie.
Si j’avais su que je serais tombé sur quelqu’un comme vous dans cet endroit… Bah en vérité, j’aurais foutu le camp à la prochaine taverne.
Oui, tu es étrange Baby.
Tu ne comprends pas toujours tout mais t’en as pas conscience alors tu t’en moques. Tu attends sa réponse avec impatience, curieuse et pendue à ses lèvres, toujours plus avide de savoir et de confidences, voir à travers les yeux d’un autre encore une fois. Il te dit que c’est bien d’être étrange et tu hoches la tête, ça tu le sais ! « Il » n’avait de cesse de te le dire, tu n’es pas étrange, tu es « unique ». Atypique juste ce qu’il faut pour marquer l’esprit et t’assurer d’être encore présenter dans les pensées. « Il » savait comment te rassurer, rendre si léger ce qui d’ordinaire peut déranger. Tu pinces les lèvres laissant filer un « Oh non… » quand il te parle de finir sur une croix. Non vraiment, l’idée ne t’enchante pas… D’une petite moue, tu baisses les yeux. D’accord, il n’a pas l’air d’un ange et ce n’est certainement pas un saint, mais la sainteté en ce monde n’a pas forcément la même valeur pour tous. Et quand le monde est aussi recousu que ton corps et tordu que ton passé, il y a fort à parier que sa sainteté sera bien plus fondée à tes yeux désaccordés, sans filtre face à la réalité, que ceux d’une enfant qu’on oublie de border.
Puis il te parle d’un but pour se relancer.
Dans ton cas, ça serait surtout réellement commencer à se lancer. Débuter toi qui n’a jamais fait que suivre pour exister… Une fois encore, tu ne relèves pas car tu veux pouvoir lui répondre, lui en dire plus sur ton amour pour la mer… Mais vous avez un décalage. Ou alors c’est toi qui te décales, c’est pas forcément important. Le plus important c’est que là, il te parle de lui, de son désir de boire à s’en scier les jambes, oublier que parfois le monde ne tourne pas rond… Et comme il parle d’y arriver comme un grand puis il te parle de toi, alors tu te dis que c’est le bon moment, fière et assurée tu viens répondre comme une évidence en relevant vers lui ton verre très peu alcoolisé comparé à un verre de Rhum tant espéré :
- « Alors c’est décidé ! Nous nous retournerons la fiole ensemble comme deux grands ! Je vous offre même une bouteille ! »
Pourquoi chercher plus loin ?
A ton plus grand sourire tu viens faire signe au barman qui n’hésites pas un seul instant à faire glisser la bouteille pleine à plus de la moitié vers toi, tu l’attrapes pour venir l’ouvrir avec assurance. Ton visage est calme mais tes yeux pétillent devant tant de souvenir, depuis combien de temps n’as-tu pas eu la chance de tenir compagnie à quelqu’un en lui servant des verres ? Sera-t-il de ceux qui titubent avant de ronfler ? De ceux qui pense gérer avant de perdre l’équilibre dans le premier fossé ? Tu ne sais pas mais ce que tu fais c’est que tu lui es reconnaissante d’avoir accepter de partager cet instant avec toi. Douceur qui se lit dans tes yeux, semblable à de la tendresse et de la bienveillance, tu viens délicatement déposer le verre plein entre ses mains :
- « Je n’ai pas répondu à votre question vis-à-vis de la mer… C’est certainement l’endroit où j’ai passé la plus grande partie de ma vie, je ne suis pas très douée pour avoir les pieds sur terre, je sais que même vous, vous avez dû le remarquer… hum ? Mais pour ce qui est de la mer… »
A ces mots, tu te penches un peu plus vers lui.
Venant faire doucement marcher tes doigts dans sa direction comme si tu marchais, tu reprends d’une voix plus secrète, autant que possible dans une taverne, il va sans dire. Votre proximité nouvelle aidant, comme tu t’es rapproché de lui, tu reprends ta confidence :
- « Je m’y sens libre, je m’y sens chez moi… J’aime ses vagues comme ses caprices, elle n’est pas toujours clémente mais elle nous offre un sentiment de plénitude, de grandeur et d’importance… Je sais qu’un jour, je pourrais enfin retrouver ma place sur un bateau. J’attends juste que ce jour arrive sans réellement le chercher car j’ai beaucoup trop d’autres choses à réassembler avant… »
C’est pas forcément limpide pour celui qui ne te connait pas.
Mais c’est une manière détournée de lui faire comprendre que tu sais, combien t’es pas bien vissée, t’as quelques boulons qu’on sautait il y a bien longtemps. Tu te recules alors que tes mains sont venues faire les funambules autour de son verre. Tu ranges tes doigts et ta bouche trop proche de son oreille, ton corps trop près du sien pour te redresser sur la chaise, égarée ton esprit sur l’agitation et les rires alcoolisés, parler de la mer, peut aussi parfois te donner la nausée désormais, trop de pensées que t’arrivent pas à gérer, il est temps de tout noyer. Ainsi décalée, tu viens demander, sans réellement avoir écouter ce qu’il aurait pu déjà te répondre :
- « Vous aussi, vous l’aimez la mer n’est-ce pas ? C’est pour cela que vous avez demandé, ceux qui demandent sont ceux qui savent… » Ceux qui ont déjà essayé. Tu reviens lui sourire, replacer tes cheveux et légèrement relever ton épaule avec timidité : « Pardonnez-moi, avec tout ça, je me suis un peu égarée… Vous disiez ? » Que tu l’écoutes pour de vrai cette fois, la tempête est passée, les pensées calmées…
Je m'attendais pas forcément à ce qu'elle veuille boire avec moi, je pense pas qu'elle sache réellement ce que ça veut dire, ce que ça implique. Quand je me retourne la fiole, comme elle l'a si bien retenu, je me contente pas seulement de picoler jusqu'à sentir que mes paupières sont lourdes puis de partir me pieuter. Y'a rien qui m'arrête. Enfin si, un seul truc, mon corps.
Arrive un moment où le pauvre se noie tellement dans le rhum que je tombe sec, lumière et son coupés. Seulement à ce moment-là, incapable d'avaler une goutte de plus puisque inconscient, je rends les armes. C'est très destructeur comme façon de boire oui, je suis un type avec des penchants auto-destructeur si vous aviez oublié.
Je la mire me servir un nouveau verre, elle paraît heureuse de s'improviser serveuse de comptoir. Moi, y'a quelque chose qui me déplaît dans tout ce bordel. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un. Talia veut pas sortir de mes pensées, mes pensées veulent pas sortir de ma tête, résultat y'a que du mauvais qui sort de ma tête. — Merci.
Parce que je vais pas oublier la politesse pour autant, même si je me sens de plus en plus mal à l'aise avec cette situation. Le ton est quand même plus sec, plus distant que jusqu'à présent. C'est ça le problème avec moi, je suis un foutu de gros problème psychologique qui arrive pas à se résoudre tout seul, qui sait même pas s'il en a envie.
Je l'écoute me parler de la mer et de sa relation avec, de son amour pour elle d'après ce que je capte dans mon état. Les verres sont descendus vite, ça tape déjà pas mal le cerveau, surtout que c'était pas mon premier verre en venant ici. J'aime quand même ce que j'entends, ce qu'elle raconte. C'est une enfant de la baille, plus habituée à évoluer sur les planches d'un navire que le plancher des vaches. Je peux clairement ressentir cette envie de reprendre la mer un jour, de repartir en exploration. Je peux très clairement le comprendre, surtout, ce monde a tant de choses à nous offrir si on s'en donne les moyens…
Des choses à réassembler hein… — C'est peut-être une fois au milieu des eaux que vous pourrez trouver le moyen de fixer ce qui ne va pas… Qui sait ? Est-ce qu'elle a essayé ? Qui peut savoir. Moi aussi je suis brisé, mais j'ai perdu l'envie depuis longtemps de ramasser les morceaux pour les recoller. J'avance ainsi, je me suis fait une raison.
N'empêche que je suis pas aveugle, plus elle jacte et plus elle se colle à moi. Comme l'impression que si ça continue comme ça, elle va me foutre sa poitrine sous le nez. Et je sais pas pourquoi ça me dérange autant maintenant, que y'a quelques minutes auparavant ça m'aurait pas déplu.
Talia. Talia encore et toujours. Beaucoup trop présente, beaucoup trop agressive à mon esprit, c'est trop tôt pour imaginer autre chose qu'elle.
J'ai même pas touché à mon verre depuis qu'il m'a été servi. — Si j'aime la mer ? Un peu ouais, c'est quelque chose… Du mal à trouver les mots, savoir comment les sortir pour exprimer au mieux ce que je ressens. — Un peu comme une porte de sortie. Une porte de sortie loin de tous mes problèmes, la montagne d'emmerdes qui me suit depuis des années, à laquelle j'arrive pas à échapper. — Je ne suis pas le plus grand des marins, ça clairement pas, j'ai passé plus de temps sur terre que sur un navire, mais chaque fois que je monte à bord, qu'elle liberté… Et aussi, une certaine appréhension. La mer n'obéit à personne, elle suit ses propres règles et dicte sa loi aux marins. Personne ne peut se soustraire à sa colère quand elle éclate, personne n'est à l'abri de sa fureur. Et c'est si beau.
— Moi aussi je reprendrai la mer, bientôt. Je sais pas quand exactement, le temps de régler une dernière chose et puis… Et puis je vais aller voir ailleurs. J'en ai besoin. Foutrement besoin. Ça en devient nécessaire, de quitter North Blue. Je sais pas ce que j'irai foutre ailleurs, juste explorer le monde je crois. Lève mon verre à cette pensée et trinque une dernière fois avec Baby, la voix d'ange.
Vide mon verre d'une traite, tire la tronche. — Je crois que c'est l'heure pour moi. Autre chose à faire, désolé mademoiselle. Et sans plus attendre, je me lève et replace ma casquette sur mon crâne. Un dernier regard à cette femme, y'a quelque chose de particulier chez elle et je parle pas de ces cicatrices. Je sais que je vais la revoir, j'en ai la certitude. Mais pas maintenant, juste, pas maintenant.
Tout ce que je souhaite pour le moment, c'est de crever Bambana. Pour Talia.