Baby ici, il n’y aura plus de nuit. C’est enfantin, c’est certain. Mais depuis l’attaque tu n’arrives plus à trouver le repos, la nuit te rappelle combien même sur la mer vous pouvez vous retrouvez en danger. Oui, ce manteau de ténèbre t’inquiète, il ravive tes blessures qui peine à cicatriser, il entretient soir après soir ta peur d’une deuxième fois. Pourtant, vous êtes sortis victorieux, quelques blessés, pas même un mort un peu trop audacieux à pleurer… Pourtant chaque nuit sans étoile, sans lueur, tu ne peux trouver le sommeil, tes yeux restent grands ouverts, tu veilles sur ton capitaine comme s’il risquait sa vie à chaque soupire. Et quand les lueurs de l’aube reviennent… Tu te laisses aller, tu t'effondres dans ton petit lit pour commencer ta nuit.
Il ne dit rien, mais il s’inquiète. Ils s’inquiètent tous de ne pas te voir sur le pont comme d’habitude pour t’amuser à nourrir les oiseaux ou danser en équilibre sur les rambardes du navires. Oui, tu es déjà tombée à l’eau une ou deux fois, faut bien l’avouer mais avec le temps, ton agilité est presque devenue un jeu. Pourtant, jusqu’à presque midi, il n’y a personne pour se planter dans l’ombre du capitaine.. Il n’y a pas cette petite silhouette qui ne le quitte jamais, il n’y a pas ces petits gloussements quand tu t’égares dans tes pensées dans tes pensées face aux remous de l’océan alors que le capitaine est en train de donner des directives importantes. Tu es et seras à jamais la seule personne capable de le couper comme ça, en ne recevant qu’un soupir.
Et c’est parce qu’il s’inquiète que vous vous dirigez vers ces îles. L’archipel aux éveillés, un nom qui en dit déjà long n’est-ce-pas ? Un complexe d'îles qu’on ne peut louper. Tel un phare restant allumé pour rappeler les naufragés et les égarés. Vous vous y rendez pour marchander, pour vous y reposer mais surtout pour te ramener, ce qui encore aujourd’hui demeure ton plus précieux trésor… Enfin avant de le posséder, il y a une petite histoire que tu ne peux oublier. De celle que tu prends encore plaisir à te remémorer mais surtout à raconter.
A cute little ghost story
Vous venez à peine d’arriver sur l’une des belles îles illuminées.
La nuit qui ici ne quitte jamais ses couleurs de crépuscules avec les milliers de lueurs qui décorent la ville, était déjà bien entamée. Votre navire s’est amarré sans prétention dans l’un des petits ports de plaisance qui ne juge pas trop sévèrement les navires à l’allure peut-être un peu louche… Ce n’est pas comme si vous aviez fait l’affront de laisser votre étendard fièrement flottant aux vents. Vous avez tous essayé d’être discret - autant que faire se peut avec vos trognes un peu bancales. Une fois le dernier nœud fermement serré et l’ancre jetée, les hommes sont rapidement partis rejoindre la terre. Certains on dit que c’était pour se reposer, d’autres pour aller s’amuser. Quelques-uns ont osé te proposer de les accompagner. L’idée fut vite oubliée devant le regard sévère de ton Capitaine. Qu’importe les motivations, le sol leur avait surtout un peu trop manqué. Peut-être que dans le fond, eux aussi, avaient hâte de rejoindre le rivage pour oublier les démons de ces nuits passées.
C’est ta petite déduction en les voyant partir si vite sans se retourner.
Finalement, il ne restait plus que vous trois sur le navire. Le capitaine fatigué et son second dévoué, une bouteille de rhum à entamer alors tu as décidé de les laisser. Tu t’es portée volontaire pour faire le guet sur le plancher usé de votre rafiot bien attaché. Les deux hommes n’ont pas réellement refusé, amusés par l’idée de t’imaginer surveiller avec vigilance le moindre petit mouvement pour courir les avertir. Puisqu'il n'y avait pas réellement de danger, tu as pu obtenir cette liberté sous condition.
Une heure, puis trois. Le Capitaine s’est endormi d’ivresse. Le second est sorti de la cabine en titubant… Il est venu t’avertir de ne pas trop tarder à rejoindre ta couche et ton capitaine adoré. Tu lui as tiré la langue et il est venu s’appuyer sur la rambarde que tu étais en train de suivre en équilibre. Il t’a expliqué entre deux hoquets que s’il se fie à son horloge le matin ne devrait plus réellement tarder, mais s’il observe les cieux, c’est déjà le cas… Puis comme à son habitude il a râlé, il trouve toutes ses lumières désagréables, la chaleur poisseuse aussi. Tu lui demandes alors ce qu’il ne trouve pas désagréable, il a pesté encore puis ila essayé de t’attraper mais tu as l’habitude de courir et jouer les funambules sur cette bande étroite en bois. Il a soupiré une dernière fois en s’avouant vaincu et il est parti se coucher.
A cette époque, il était encore à tes yeux, l’un des hommes les plus respectables et fiables de ce monde. Et toi tu es restée en équilibre. A cause de tes mauvaises habitudes de sommeil, tu n’es pas fatiguée, alors tu continues d’observer ce rivage si étrange. Ces arbres aux fruits qui brillent, toutes ses bâtisses qui semblent nappées de poussière de fée. Oui, tu es persuadée que la poussière de fée ça doit ressembler à ça. Puis tu t’amuses à t’accrocher dans les cordes, tu te balances comme si tu volais, parfois juste avec un seul bras avant de revenir jouer les funambules jusqu’au bout de la proue avec agilité, sur la pointe des pieds, laissant ta robe aussi blanche que ta peau ou tes cheveux flottée dans le peu de vent que l’humidité n’a pas trop alourdie. Finalement le second avait raison, cette chaleur est
un peu désagréable…