Jaya c'est fini. Enfin! les Rhinos Storms évacuent morts et blessés, laissant derrière eux un champ de ruines. C'est donc ça, une grande victoire de la Justice? Je suis déçue. Et amère aussi. J'y ai passé du temps en infiltration ici. J'ai appris à connaitre certaines personnes qui ne méritaient pas le sort qu'ils ont eu. Des gens de l'antenne médicale finissent par m'entrainer loin de cette boucherie, et ce n'est pas plus mal. Il y a encore bien trop de colère dans mon cœur.
Quelques jours plus tard, en pleine mer, sur le Léviathan. Mon corps est guéri, mais mon cœur saigne encore. Ce n'est pas l'horreur de la guerre qui me met dans cet état. J'ai déjà eu mon lot de batailles et de boucheries. En fait, ce qui me turlupine c'est ce que j'ai fait sous couvertures. J'ai des regrets. Beaucoup. Et j'aurais aimé pouvoir disposer d'une oreille amie à qui confier mes doutes. Or, Lilou, Oswald et Wallace sont tous encore en soins. Et Smile est porté disparu. Il y a bien cette gourgandine de Serena mais je me vois mal lui confier la souffrance que j'éprouve depuis que j'ai eu à torturer des collègues pour ne pas compromettre mon infiltration. D'autant plus qu'elle fait partie des confrères que j'ai malmené. Je l'imagine bien se payer ma tête de pauvre petite chose fragile, elle, la badass marine qui vient des bas-fonds du Grey Terminal. Il y aurait bien eu la possibilité Rachel Blackcrow, mais je crois qu'elle est partie avec Flist pour l'escorter jusqu'à son lieu de détention.
Bref, je suis seule. Encore. Comme d'habitude en somme. Seule? Pas tant que ça en fait. La culpabilité, et la honte me suivent comme mon ombre. Et, en moins de temps qu'il ne faut pour dire Alabasta, mon cerveau vrille. On appelle ça un syndrome de stress post traumatique (ou sspt). Je me cache dans un canot de sauvetage. Sortant de ma planque la nuit, uniquement pour aller piller un peu de bouffe et d'alcool. Je ne supporte plus personne. J'ai l'impression qu'ils me jugent tous! Qu'ils savent et qu'ils me jugent! Moi! Alors que je n'ai rien fait de mal! J'ai juste suivi les ordres! Et quand je me suis retrouvée seule et sans ordres, j'ai essayé de faire au mieux! Ce n'est pas de ma faute si tout a mal tourné! Et je laisse mon esprit tourner en rond comme un vieux vinyle.
From now, here and then.
Moi sinon ? Eh ben ça va.
Non, si, sérieusement. Et j’ai beau trouver ça extrêmement bizarre au vu de l’état dans lequel les copains du Lév’ sont, au vu aussi du fait que je viens de passer trois mois compliqués – quand même, j’ai failli me noyer dans la ‘teille et trahir la mouette pour me faire corbac, j’ai fait la guerre en première ligne, j’ai presque tout cramé avec mon démon que je commençais juste à éduquer, j’ai été prisonnière, torturée, menottée, réduite à l’impuissance, et j’ai vu pas mal des mecs qui ont partagé la même soupe que moi à bord mourir, parfois même sous mon commandement – mais malgré tout, ça va. Sincèrement. Même si Jenkins est parti, ça va.
Peut-être le fait d’avoir été utile à l’infirmerie, d’avoir eu un Wallace beaucoup trop reconnaissant qui m’a arrosée de ses bonbons spéciaux qui flanquent le moral en ligne droite sur le soleil ; peut-être le fait de savoir qu’une grosse épreuve est derrière et que j’en ressors pas trop foutue en l’air, un peu plus carrée, parce que mine de rien, les bons choix, je les ai faits. Peut-être aussi le fait que les potes de Jaya commencent à avoir leur place à bord, et que je passe pas mal de temps avec eux à leur apprendre les rudiments de l’armée, à fumer des clopes en racontant des histoires, à les consoler sur l’ordinaire du Lév’ que j’ai toujours trouvé conforme à l’image que je me faisais d’une cuisine familiale faite avec amour jusqu’à ce que je vois la gueule des autres à l’heure de la bouffe. Pas les mêmes standards, et oui. Mais faut bien manger pour être fort, et au moins, pas moyen de crever de faim. Le petit déj’ est même obligatoire. Putain, faut avouer, un endroit au monde où on te force à manger pour dix autres où c’est limite si on te l’interdit pas. La gosse en moi dit : cet endroit où grailler est une loi est un endroit où vivre, et les pays qui ignorent cette loi sont dirigés par des barbares sournois et hostiles.
Ah, et aussi, détail : je partage officiellement toujours ma cabine avec l’aveugle, mais depuis notre retour sur le gros serpent, inconnue à cette adresse, queud’, nada, tour de magie noire tu peux plus m’voir ! A croire qu’elle se cache, qu’elle flippe de ma réaction. Pourtant, je me sens calme comme jamais je l’ai été. Le démon me canalise, ou plutôt, je dois me canaliser en permanence pour le canaliser lui, sinon, le bateau brûle et moi, je m’en vais brouter les algues avec les soles et les oursins.
C’est avec toutes ces pensées que je regagne ma cabine, un peu joyeuse parce que jour de perm’ oblige, on a tombé la boutanche avec Andy et Owen. Et c’est là que je tombe sur elle, la fameuse, la lieut’ qu’a failli virer catin au moins autant que j’ai failli virer pavillon noir. Jeska.
-Bonsoir lieutenante. Vous vous êtes perdue ?
J’ai bien vu la quille planquée dans sa main, louche. Elle m’avait pas fait une vie sur l’alcool ? Ou c’était peut-être la clopasse ? Ou les odeurs ? Je sais plus. Mais au fond, j’ai pas forcément envie de la monter en l’air, même si j’ai pas tout apprécié de son numéro dans le labo de Flist. Le peu qu’elle m’a fait est tellement noyé dans la masse du reste, dans les prod’ du poulpe, dans le granit marin, la torture au couteau, que franchement, j’ai tout oublié de la sensation. Et puis, je trouve qu’elle tire une drôle de tronche, la grosse.
Non, si, sérieusement. Et j’ai beau trouver ça extrêmement bizarre au vu de l’état dans lequel les copains du Lév’ sont, au vu aussi du fait que je viens de passer trois mois compliqués – quand même, j’ai failli me noyer dans la ‘teille et trahir la mouette pour me faire corbac, j’ai fait la guerre en première ligne, j’ai presque tout cramé avec mon démon que je commençais juste à éduquer, j’ai été prisonnière, torturée, menottée, réduite à l’impuissance, et j’ai vu pas mal des mecs qui ont partagé la même soupe que moi à bord mourir, parfois même sous mon commandement – mais malgré tout, ça va. Sincèrement. Même si Jenkins est parti, ça va.
Peut-être le fait d’avoir été utile à l’infirmerie, d’avoir eu un Wallace beaucoup trop reconnaissant qui m’a arrosée de ses bonbons spéciaux qui flanquent le moral en ligne droite sur le soleil ; peut-être le fait de savoir qu’une grosse épreuve est derrière et que j’en ressors pas trop foutue en l’air, un peu plus carrée, parce que mine de rien, les bons choix, je les ai faits. Peut-être aussi le fait que les potes de Jaya commencent à avoir leur place à bord, et que je passe pas mal de temps avec eux à leur apprendre les rudiments de l’armée, à fumer des clopes en racontant des histoires, à les consoler sur l’ordinaire du Lév’ que j’ai toujours trouvé conforme à l’image que je me faisais d’une cuisine familiale faite avec amour jusqu’à ce que je vois la gueule des autres à l’heure de la bouffe. Pas les mêmes standards, et oui. Mais faut bien manger pour être fort, et au moins, pas moyen de crever de faim. Le petit déj’ est même obligatoire. Putain, faut avouer, un endroit au monde où on te force à manger pour dix autres où c’est limite si on te l’interdit pas. La gosse en moi dit : cet endroit où grailler est une loi est un endroit où vivre, et les pays qui ignorent cette loi sont dirigés par des barbares sournois et hostiles.
Ah, et aussi, détail : je partage officiellement toujours ma cabine avec l’aveugle, mais depuis notre retour sur le gros serpent, inconnue à cette adresse, queud’, nada, tour de magie noire tu peux plus m’voir ! A croire qu’elle se cache, qu’elle flippe de ma réaction. Pourtant, je me sens calme comme jamais je l’ai été. Le démon me canalise, ou plutôt, je dois me canaliser en permanence pour le canaliser lui, sinon, le bateau brûle et moi, je m’en vais brouter les algues avec les soles et les oursins.
C’est avec toutes ces pensées que je regagne ma cabine, un peu joyeuse parce que jour de perm’ oblige, on a tombé la boutanche avec Andy et Owen. Et c’est là que je tombe sur elle, la fameuse, la lieut’ qu’a failli virer catin au moins autant que j’ai failli virer pavillon noir. Jeska.
-Bonsoir lieutenante. Vous vous êtes perdue ?
J’ai bien vu la quille planquée dans sa main, louche. Elle m’avait pas fait une vie sur l’alcool ? Ou c’était peut-être la clopasse ? Ou les odeurs ? Je sais plus. Mais au fond, j’ai pas forcément envie de la monter en l’air, même si j’ai pas tout apprécié de son numéro dans le labo de Flist. Le peu qu’elle m’a fait est tellement noyé dans la masse du reste, dans les prod’ du poulpe, dans le granit marin, la torture au couteau, que franchement, j’ai tout oublié de la sensation. Et puis, je trouve qu’elle tire une drôle de tronche, la grosse.
Perdue, oui, je le suis, mais pas géographiquement. Je sais très bien où je suis, mais je suis tellement alcoolisée que je n'ai pas senti ni entendu Serena venir. Et là je me fige comme un criminel pris en flagrant délit. Ca me rappelle la fois où le confiseur m'a surprise en train d'essayer de lui chiper des sucettes à la fraise. Je devais avoir quoi, cinq ans? Je m'en souviens encore clairement, mais là mon cerveau mouline et l'ébriété en fait grincer les rouages. Comment je vais me sortir de là? On m'a vue piquer du vin et du pain. Et pire, elle m'a vue. Ma némésis. La dernière personne devant qui je souhaitais paraître dans cet état. Pas lavée depuis plusieurs jours, pas apprêtée, pas à jeun aussi...
L'alcool vous fait prendre des décisions stupides. Et cette fois ne fait pas exception car je fuis comme une voleuse. Ce qui n'arrangera pas mes affaires si elle décide de rapporter mon comportement à mes supérieurs. Sauf que je suis trop éméchée pour courir et que je finis par me casser bruyamment la figure quelques mètres plus loin. Dans un instinct de survie pochetronnesque, je protège la fiole de rouge plutôt que mon visage et je sens perler de mon nez un peu de sang. J'entends alors que ma chute à rameuté du monde, vite, je dois me planquer! Je ne veux pas que d'autres me voient comme ça! Immédiatement, je m'échappe dans la direction opposée au bruit et je ferme la porte derrière moi.
Sauf que l'alcool vous fait vraiment prendre des décisions stupides. Car je suis revenue dans la pièce précédente, en face de Serena.
Je vais pour m’allumer une clope dans la cabine. Bah, ouais. Pas vu Jeska depuis un bail – du moins, si on fait abstraction des cinq dernières minutes - , je fais chier personne, et ça a un côté sympa, rassurant, de jouer le poisson-vapeur dans son bocal de fumée. Allongée sur mon lit, la tête ailleurs, vaguement intriguée encore par la dégaine et la réaction bizarre de l’autre – on aurait dit moi, que je me dis - , je fais craquer l’amadou du briquet dans une gerbe d’étincelles.
… étincelles qui me tombent toutes sur la tignasse, plutôt que sur la clopasse que j’avale presque. Pouah ! Bordel, c’est que les miettes, ça fait tousser ! Faut pas me faire ça, le démon va foutre le feu, merde ! Et la porte, vlan, sur ma pile de bouquins, de fringues, et mes conserves pleines que j’avais laissé traîné derrière ! Et l’aveugle de service qui se casse la gueule dessus à peine rentrée. Elle saigne du pif. Sa bouteille aussi, mais le cas est moins grave ; le bouchon mal remis s’est juste barré et ce qu’il y avait dessous… bah, sur la veste quoi.
Je respire un coup. Ça va. Les mains, chaudes, un peu trop, mais pas de quoi cramer mon pieu. Bonne mouette, sympa, je l’aide à se relever. Mais c’est que c’est pas simple ! Elle a l’air d’en tenir une bonne, elle fleure bon le comptoir de bistrot bien imprégné et la sueur, et ses jambes dansent quand on essaye de la remettre debout. Elle veut se barrer, je crois. Bon. Fondamentalement, j’ai rien contre, mais là, si je la laisse, ça va être deux trois nouvelles quilles – je pense pas qu’elle ait l’habitude en plus - , et selon sa façon de réagir :
¤ Bagarre avec des mousses ou n’importe qui qui passera par là ; et c’est une fourbasse, faut faire gaffe, donc, du monde chez doc peau-de-serpent.
¤ Tête dans le mur, hémorragie, black-out, infirmerie.
¤ Grosse folie, éléphants de mer qui volent, plouf dans l’eau, état d’urgence, branle-bas de combat, merdier pas possible, disparue ou infirmerie aussi.
Dans tous les cas, je reprends du service d’une part, et j’aide pas un officier de mon unité en danger. Y’aura enquête, et pas envie du tout de rentrer là-dedans. Je veux pas de sa mort sur la conscience en plus. Jeska, elle est casse-couille. Pas mieux, pas pire non plus.
Toutes ces palabres cérébrales pour dire que je lui colle une baffe pour lui remettre les idées en place et que je la colle ensuite toute entière sur son plumard. Assise. Pour pas que ça tourne trop. Et je lui renverse une tasse en fer blanc remplie de flotte sur la tête aussi.
-Rebienvenue dans votre chambre, lieutenante.
Je capte juste un truc. Ses galons. Putain. C’est petit, mais en même temps… ah, et merde.
-En tant que votre supérieure hiérarchique, je pourrais vous interroger concernant la provenance de ce pinard avouez, vous l’avez chouré chez Ketsuno ? Roh, aller, on le fait tous de toutes façons, l’état de votre uniforme et votre état à vous, mais je vais me contenter de vous envoyer à la douche.
En plus on est quand même vachement bien en tant qu’officier, avec la douche dans la cabine.
-Sans déconner, dormez si vous voulez. Mais évitez de me faire un coma ou une connerie. Vous seriez gentille.
… étincelles qui me tombent toutes sur la tignasse, plutôt que sur la clopasse que j’avale presque. Pouah ! Bordel, c’est que les miettes, ça fait tousser ! Faut pas me faire ça, le démon va foutre le feu, merde ! Et la porte, vlan, sur ma pile de bouquins, de fringues, et mes conserves pleines que j’avais laissé traîné derrière ! Et l’aveugle de service qui se casse la gueule dessus à peine rentrée. Elle saigne du pif. Sa bouteille aussi, mais le cas est moins grave ; le bouchon mal remis s’est juste barré et ce qu’il y avait dessous… bah, sur la veste quoi.
Je respire un coup. Ça va. Les mains, chaudes, un peu trop, mais pas de quoi cramer mon pieu. Bonne mouette, sympa, je l’aide à se relever. Mais c’est que c’est pas simple ! Elle a l’air d’en tenir une bonne, elle fleure bon le comptoir de bistrot bien imprégné et la sueur, et ses jambes dansent quand on essaye de la remettre debout. Elle veut se barrer, je crois. Bon. Fondamentalement, j’ai rien contre, mais là, si je la laisse, ça va être deux trois nouvelles quilles – je pense pas qu’elle ait l’habitude en plus - , et selon sa façon de réagir :
¤ Bagarre avec des mousses ou n’importe qui qui passera par là ; et c’est une fourbasse, faut faire gaffe, donc, du monde chez doc peau-de-serpent.
¤ Tête dans le mur, hémorragie, black-out, infirmerie.
¤ Grosse folie, éléphants de mer qui volent, plouf dans l’eau, état d’urgence, branle-bas de combat, merdier pas possible, disparue ou infirmerie aussi.
Dans tous les cas, je reprends du service d’une part, et j’aide pas un officier de mon unité en danger. Y’aura enquête, et pas envie du tout de rentrer là-dedans. Je veux pas de sa mort sur la conscience en plus. Jeska, elle est casse-couille. Pas mieux, pas pire non plus.
Toutes ces palabres cérébrales pour dire que je lui colle une baffe pour lui remettre les idées en place et que je la colle ensuite toute entière sur son plumard. Assise. Pour pas que ça tourne trop. Et je lui renverse une tasse en fer blanc remplie de flotte sur la tête aussi.
-Rebienvenue dans votre chambre, lieutenante.
Je capte juste un truc. Ses galons. Putain. C’est petit, mais en même temps… ah, et merde.
-En tant que votre supérieure hiérarchique, je pourrais vous interroger concernant la provenance de ce pinard avouez, vous l’avez chouré chez Ketsuno ? Roh, aller, on le fait tous de toutes façons, l’état de votre uniforme et votre état à vous, mais je vais me contenter de vous envoyer à la douche.
En plus on est quand même vachement bien en tant qu’officier, avec la douche dans la cabine.
-Sans déconner, dormez si vous voulez. Mais évitez de me faire un coma ou une connerie. Vous seriez gentille.
Après avoir été sauvagement relevée, assise, aspergée et finalement baffée, j'essaie tant bien que mal de comprendre ce qu'il m'arrive. Pendant ce temps, ma main droite cramponne fermement la fiole de rouge comme si ma vie en dépendait et la gauche caresse ma joue meurtrie avec un temps de retard assez significatif du à mon taux d'alcoolémie. J'essaie de renifler autour de moi pour savoir où je suis tombée et surtout, avec qui! Quand je réalise que le sang dans mon nez m'empêche de sentir convenablement les odeurs qui m'entourent. C'est alors que je l'entends, la voix de Serena et, si je saisis bien, je me trouve dans notre chambre.
Puis sa voix se fait un tantinet espiègle quand elle m'interroge sur la provenance de la bouteille de vin et m'ordonne d'aller me laver en tant que…
Supérieure hiérarchique?
Je blêmis. Si elle fait un rapport sur mon attitude, je suis bonne pour le mitard! Mais assez vite, je reprend un peu d'aplomb et j'essaie de sauver la face.
"Je tenais à porter à votre information que je ne suis absolument pas ivre!"
Bien évidemment, dans mon état normal, je n'aurais jamais osé proférer un tel mensonge! Alors pour joindre le geste à la parole, je me lève et je file à la douche, sauf que je suis saoule et donc, je ne perçois pas aussi bien mon environnement que d'habitude. Je me prend donc en plein visage l'embrasure de la porte de la salle de bains. Je recule, un peu sonnée, et je grogne.
"Nom d'une biscotte, qui a déplacé la porte?"
Alcoolisée et de mauvaise foi, rien que ça! Je m'aide de ma main libre pour chercher mon chemin à tâtons quand j'entends Serena se racler la gorge. Oui, les quilles de rouge n'ont pas besoin d'une douche, mais je décide de jouer les imbéciles et de faire comme si je n'avais rien entendu. Nouvelle toux, plus forte et un peu agacée, je dois avouer ma défaite et laisser mon précieux flacon à ma supérieure.
La démarche mal assurée, je pénètre dans la salle de bains, et une fois là, j'ai le bon sens de me déshabiller avant d'aller sous la douche. Cependant une question me taraude. Pourquoi Serena est si gentille avec moi? Lors de notre première rencontre, elle s'est comportée comme une vraie garce et là… je ne comprends pas pourquoi… elle devrait me haïr encore plus, après tout, je l'ai torturée. Certes j'étais en mission sous couvertures, mais le fait est que je lui ai quand même fait du mal! Est-ce parce qu'elle a obtenu une promotion? Parce qu'elle a pitié de moi? Les deux? Autre chose?
Sans m'en rendre compte, je suis en position fœtale dans un coin du bac de douche, mes ailes repliées sur moi, en train de sangloter comme une gamine.